Année académique 2006-2007
Université d'Abomey-Calavi
Faculté des Lettres,
Arts et Sciences Humaines
(FLASH)
Ecole Doctorale
Pluridisciplinaire (EDP)
|
|
Faculté des Sciences et
Techniques (FAST)
Chaire UNESCO de
Science, Technologie et
Environnement (CUSTE)
|
Option : Gestion de l'Environnement
Spécialité: Environnement et
Développement Durable
N° d'Enregistrement : -2007 /UAC /FLASH/
EDP
Mémoire de fin de Formation
![](Environnement-urbain-et-changements-familiaux-au-Benin-Cas-des-migrants-Lokpa-de-Parakou2.png)
Environnement urbain et Changements familiaux au
Bénin : cas des migrants Lokpa de Parakou.
Soutenu publiquement par : Moussa YACOUBOU
Pour l'obtention du Diplôme d'Etudes Approfondies
(DEA)
Sous la Direction de : Dr. Michel BOKO,
professeur titulaire (DGAT, FLASH/UAC) et de : Dr Nassirou
BAKO-ARIFARI, maître assistant (DSA ,FLASH/ UAC)
Devant le jury composé de
Président : Dr. Michel BOKO, professeur
titulaire (DGAT, FLASH/ UAC)
Rapporteur : Dr Nassirou BAKO-ARIFARI,
maître assistant (DSA, FLASH/ UAC)
Examinateur : Dr Albert TINGBE-AZALOU,
maître assistant (DSA, FLASH/UAC)
2
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
SOMMAIRE .
|
1
|
REMERCIEMENTS
.2
|
|
LISTE DE SIGLES ET ACRONYMES
.3
|
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RESUME
4
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ABSTRACT
5
|
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INTRODUCTION
6
|
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CHAPITRE 1 : CADRES THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE.
|
8
|
1.1. Cadre théorique
.8
|
|
1.1.2 Problématique .
|
.10
|
1.1.3 Objectifs et hypothèses
|
11
|
1.1.4 Clarification conceptuelle
|
........13
|
1.1.5 Nature, sources, qualité et utilité
des données
|
16
|
1.1.6 Revue de la littérature
. 16
|
|
CHAPITRE2 : PROCESSUS D'INSERTION DES
MIGRANTS
|
39
|
2.1 Insertion et installation des migrants
|
39
|
2.2 Organisation sociale des Lokpa à
Parakou
|
42
|
2.3 Recomposition des relations familiales .
|
46
|
2.4 Insertion socioprofessionnelle des
migrants
|
. 50
|
CHAPITRE 3 : ELEMENTS DE CHANGEMENTS
MATRIMONIAUX
ET DES RESEAUX SOCIAUX
|
53
|
3.1 Statut de la femme
|
.55
|
3.2 Nuptialité et mariage
|
55
|
3.3 Cadre de vie familial
|
. 59
|
3.4. Vie associative en milieu d'accueil
|
64
|
Analyse conclusive
. 68
|
|
Projet de thèse
|
73
|
Table des matières
|
78
|
Annexes
|
81
|
3
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
REMERCIEMENTS
Nous présentons nos sincères remerciements
à :
Michel BOKO, professeur titulaire (DGAT /FLASH) pour avoir
accepté de nous encadrer au cours des différentes phases de
l'élaboration de ce mémoire ;
Erdmute ALBER, maître de conférences à la
Faculté d'ethnosociologie à l'Université de Bayreuth
(Allemagne), pour ses nombreuses contributions matérielles et
intellectuelles depuis l'enquête jusqu'à la phase finale de
rédaction du mémoire.
Nassirou BAKO-ARIFARI, maître assistant (DSA/FLASH),
directeur délégué du LASDEL Parakou, pour nous avoir
offert l'opportunité de faire véritablement nos premiers pas dans
la recherche tout en poursuivant les études académiques.
Toute l'équipe du LASDEL Parakou qui nous a depuis les
enquêtes de terrain aux séminaires doctoraux,
témoigné sa solidarité.
Tous les enseignants de l'Ecole Doctorale Pluridisciplinaire
de la FLASH
qui m'ont appris à reconnaître et à
interpréter le `'fait environnemental».
Tous les camarades d'amphi de la 7 ème
promotion de DEA option Gestion de l'Environnement qui m'ont encouragé
par leurs divers conseils à rédiger ce mémoire.
Tous mes interlocuteurs qui ont bien voulu me faire confiance
en mettant à ma disposition de diverses manières des informations
nécessaires à la présente étude.
Tous les membres de l'Association des Ressortissants de
l'Arrondissement de Komdè (Ouaké) à Parakou, pour leur
franche et exemplaire collaboration tout au long de cette étude.
4
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
LISTE DE SIGLES ET ACRONYMES
B.C.B : BANQUE COMMERCIALE DU BENIN
C.A.R.D.E.R : CENTRE D'ACTION REGIONALE POUR LE
DEVELOPPEMENT
RURAL
E.C.R.I.S : ENQUETE COLLECTIVE RAPIDE D'IDENTIFICATION DES
GROUPES STRATEGIQUES ET DES CONFLITS
E.N.I.I.A.B : ECOLE NATIONALE DES INFIRMIERS ET INFIRMIERES
ADJOINTS
DU BENIN
I.R.D : I NSTITUT DE RECHERCHE EN DEVELOPPEMENT.
O.B.S.S : OFFICE BENINOIS DE SECURITE SOCIALE (AUJOURD'HUI
DEVENU CNSS : CAISSE NATIONALE DE SECURITE SOCIALE)
S.E.R.H.A.U-SA : SOCIETE D'ETUDES REGIONALES D'HABITAT ET
D'AMENAGEMENT URBAIN.
S.O.D.A.K : SOCIETE DAHOMEENNE DE KENAF
R.G.P.H : RECENSEMENT GENERAL DE LA POPULATION ET DE
L'HABITAT
S.B.E.E : SOCIETE BENINOISE D'ENERGIE ELECTRIQUE
T.P : TRAVAUX PUBLICS
EXPRESSIONS LOKPA
ATTENTO : initié ayant suivi toutes les phases
d'initiation.
KUKPELEME :funérailles organisées en
milieu lokpa suivant un rituel traditionnel, trois ou cinq ans après le
décès.
Waa : dernière phase des rites initiatiques des
adolescents en milieu lokpa
5
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
Résumé
Les différentes villes du Bénin ont longtemps
accueilli au cours des phases successives de leur développement, des
groupes humains, venus pour de motifs variés. La ville de Parakou, ville
commerciale, de transit et donc pourvoyeuse d'emplois, avec sa
périphérie disposant de terres cultivables, a longtemps
été la destination privilégiée des migrants venus
de l'Atacora et de la Donga. La présente étude, initiée
par l'université de Bayreuth en Allemagne, s'intéresse
particulièrement aux changements familiaux intervenus dans les familles
lokpa de Parakou. Il s'agira fondamentalement de décrire et d'analyser
les différents changements qui ont affecté la famille
immigrée lokpa en rapport avec l'environnement urbain. Pour ce faire, la
méthode de recherche qualitative a été la démarche
adoptée. Ainsi, il a été effectué aussi bien
à Ouaké (milieu d'origine des immigrés lokpa) qu'à
Parakou (milieu d'accueil) des enquêtes de repérage, des
enquêtes collectives, individuelles et d'approfondissement, dans les
maisons, les lieux de travail, etc.
L'institution familiale lokpa a subi diverses influences dues
à l'environnement urbain, induisant ainsi des modifications
structurelles. Les modèles familiaux se sont diversifiés depuis
les années 60 à nos jours. Les familles étendues de plus
en plus rares, semblent avoir fait place aux familles nucléaires simples
et larges au sein desquelles se développent des stratégies
collectives et individuelles de conquête d'un statut social valorisant.
Les pratiques matrimoniales, depuis les relations entre époux jusqu'aux
prestations matrimoniales ont également connu des modifications.
L'âge des jeunes hommes contrairement à leurs aînés
au premier mariage varie entre 25 et 35
ans et celui des jeunes filles entre 25 et 26 ans. L'insertion
socioprofessionnelle
des jeunes immigrés se fait de plus en plus par les
petits métiers urbains.
Mots clés : Environnement urbain,
famille, migration urbaine.
6
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
ABSTRACT
Different cities of Benin have been accommodating human groups
during their successive stages of development for different reasons. The city
of Parakou, as a city of trade and transit and then provider of jobs, with the
cultivable lands of its region, attracts migrants from Atacora and Donga
districts. This study initiated by the University of Bayreuth in Germany takes
an interest in family changes in lopka immigrated groups of Parakou. The basic
work here is to describe and analyse family changes in relationship with
urbanization process. The methodology of research adopted is basically
qualitative research. Then, we investigate Ouaké the push point and
Parakou the pull point. Individual and collective investigations have been done
towards houses, works areas and N.G.O.
Family institution in lokpa group has known modifications
because of different effects of urbanisation process. Since the years 60,
family patterns in lokpa group have been diversified. From larges families
witch are more and more infrequent, simples and larges nuclear families are
being building. Then they conquer social improved status.
Marriages patterns and relationships between husbands and
wives have also changed. The age at the first marriage in young men group
nowadays varies between 25 and 35 years. But in young girls groups between 25
and 26 years. All those changes are in tight relation with urbanization.
Key words: Urban environment, family, urban
migration.
7
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
INTRODUCTION
L'étude sur les changements familiaux chez les migrants
Lokpa à Parakou, s'intègre dans un programme de recherche : Etude
sur les changements familiaux en Afrique. Celle que nous menons s'effectue dans
la région nord Bénin en binôme. Un étudiant
investigue les différents changements familiaux qui s'opèrent
dans les familles du fait du départ ou du retour des migrants à
Ouaké et nous, dans les zones d'accueil, en l'occurrence Parakou. Il
s'agit pour nous, d'investiguer l'influence de l'environnement urbain sur les
familles d'immigrants.
Le présent travail incorpore les résultats de
l'enquête pilote suivant la démarche ECRIS (Enquête
collective de recherche et d'identification des conflits et des groupes
stratégiques), aussi bien à Ouaké ( point de départ
des migrants) qu'à Parakou (destination ). Cette procédure
d'enquête nous a permis en une semaine, d'identifier les
différents acteurs auxquels s'intéresse notre recherche et de
formuler les pistes de recherche. L'objectif général de
l'étude est de décrire et d'analyser les différents
changements qui ont affecté la famille migrante Lokpa aussi bien du fait
de la mobilité des acteurs que de la dynamique de l'environnement
urbain. L'étude se déroule à Parakou, le plus grand centre
urbain de la région nord Bénin. En effet, des résultats
des monographies et travaux de recherches sociodémographiques, il
ressort que Parakou a longtemps été une ville commerciale, de
transit et pourvoyeuse d'emplois. La ville de Parakou dispose du plus grand
nombre d'infrastructures socioéconomiques (entreprises, services
publics, etc..) dans le septentrion. Sa périphérie offre des
terres cultivables aussi bien pour les cultures vivrières que
8
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
pour les cultures de rente (Thomas, 1983 ; INSAE, 2003). La
ville de Parakou accueille aussi depuis les années 1960, les migrants
venus de toutes les régions du Bénin. La présente
étude s'intéresse particulièrement aux Lokpa
établis ou en séjour temporaire à Parakou. Les
enquêtes de terrain nous ont permis de les répertorier dans les
quartiers Banikanni, Zongo et Ganon où ils sont majoritairement
établis, puis à Guåma, Tourou et Tranza où ils sont
installés en plus faible nombre.
Les informations recueillies au cours des enquêtes de
terrain, nous ont permis de comprendre l'historique de l'installation de Lokpa
à Parakou ainsi que leur organisation familiale et leurs pratiques
matrimoniales. De plus, sur la base des données collectées, nous
avons pu identifier les formes de sociabilité ainsi que les facteurs
d'incitation à la migration et les modes d'insertion urbaine des
migrants. Les stratégies individuelles et collectives dans la
conquête d'un statut valorisant font partie également des domaines
investigués.
Le présent mémoire comporte trois chapitres. Le
premier chapitre traite des cadres théorique et méthodologique de
l'étude. Le deuxième chapitre rend compte des motifs de
migration, les relations intrafamiliales ainsi que les processus d'insertion
urbaine. Le troisième chapitre présente quelques
éléments de changement liés aux pratiques matrimoniales et
à la vie associative.
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
9
CHAPITRE 1 : CADRES THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
1.1. Cadre
théorique
1.1.1. Contexte de l'étude
La ville de Parakou accueille au cours des différentes
étapes de son développement, des vagues de migrants en provenance
de diverses régions et particulièrement la commune de
Ouaké pour des motifs variés. Nous nous intéressons ici au
processus d'installation des Lokpa depuis les années 1960 à nos
jours, en relation avec les changements ayant affecté les familles
migrantes.
En effet, la ville de Parakou comptait en 1961, 14 000
habitants avec un taux de croissance urbaine de 13,7% par an (Thomas 1983
:117). La population en ce temps était majoritairement composée
de Batombu, de Dendi et de Yoruba. A ces groupes s'ajoutaient les
minorités Fon, Peulh, Otamari et Adja. Dans les années 70 et 80,
Parakou a connu un développement impressionnant des infrastructures
urbaines et des services. Ce processus d'urbanisation de la ville a
nécessité une main d'oeuvre venant de toutes les régions
du Bénin. Dans cette logique d'amélioration du cadre de vie de la
ville et de la région nord Bénin, le Lycée Mathieu
Bouké a été construit en 1969, l'E.N.I.I.A.B en 1976,
beaucoup d'autres services publics comme l'O.B.S.S, le C.A.R.D.E.R, la B.C.B,
ont été installés dans cette période. En 1970, un
chantier agricole de la Société Dahoméenne de Kénaf
(SODAK) a été également ouvert et a entraîné
une immigration de travailleurs agricoles. De plus, le déclenchement de
la
10
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
campagne pour la production agricole en 1976 par le
Gouvernement Révolutionnaire a incité beaucoup de bras valides
Lokpa à venir s'installer à Parakou.
Ainsi Thomas Omer (1983), relate ce fait en ces termes :
« Depuis 1976, on assiste à une migration des paysans de l'Atacora
vers la ville de Parakou et sa campagne. Ce mouvement livre sur le
marché du travail des personnels de maison et des ouvriers» (Thomas
1983 :105). En 1979, Parakou et sa périphérie comptait 60541
habitants dont 1911 Yora (Lokpa et apparentés), ce qui correspond
à 3,13% de la population de Parakou (RGPH 1, 1979). Alors que le taux de
croissance urbaine de Parakou était de 8,33% par an le taux
d'accroissement naturel était de 3,6% (RGPH 1, 1979). Aujourd'hui,
Parakou compte 149 819 habitants dont 8869 Lokpa (RGPH 3, 2002). D'après
les analyses des résultats du même recensement, l'accroissement
des populations de Cotonou et de Parakou est en partie lié à
l'importance de l'exode rural et des migrations en provenance des villes
moyennes. Ce qui semble confirmer le constat de Thomas Omer : « même
si la majorité (migrants paysans venus de l'Atacora) vit de
l'agriculture et de la vente du bois de chauffe dans les fermes, ces migrants
s'installent aussi dans de nouveaux quartiers créés par des
autochtones du noyau urbain (Banikanni) » (Thomas 1983 :105).
Cette migration interne est de plusieurs types. Elle peut
être saisonnière (campagne agricole), de courte durée (main
d'oeuvre, migration de travail) ou définitive. Ainsi, la famille Lokpa
subit des transformations aussi bien au cours de son établissement
à Parakou, que pendant l'accueil de nouveaux membres en son sein. De
plus, suite au départ de certains de ses membres pour l'emploi
domestique ou pour les travaux occasionnels, la famille subit des
transformations aussi bien structurelles qu'organisationnelles. Ce sont ces
transformations, de même que les causes qui les provoquent que nous
tenterons de comprendre et d'analyser sur la base des données produites
sur le terrain et de la recherche documentaire. Nous avons ainsi orienté
les recherches aussi
11
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
bien vers les familles Lokpa anciennement établies que
vers celles qui sont nouvellement installées.
1.1.2 Problématique
Les familles Lokpa établies à Parakou, autrefois
accueillies par les autochtones Batombu et Yoruba, se sont reconstituées
et restructurées au cours des différentes phases de leur
insertion urbaine. Ce processus d'insertion, parti des anciens quartiers
formant le noyau urbain de Parakou, s'est poursuivi au fil du temps dans les
quartiers périphériques où les Lokpa sont majoritairement
installés aujourd'hui. Autrefois confondues aux anciennes familles
autochtones, les familles migrantes Lokpa se sont construites une
identité à travers les nouveaux modes de vie résidentiels.
Dans ces nouveaux espaces de vie, les relations familiales, les relations
professionnelles et de voisinage, sont reconstruites pour aboutir à une
structuration familiale type : la famille migrante Lokpa. Du statut d'ouvriers
agricoles, beaucoup de migrants Lokpa sont devenus `'propriétaires»
de leurs exploitations agricoles et exercent d'avantage leur rôle de chef
de famille. Le chef de famille, ses conjointes, les enfants et les
collatéraux, forment désormais une cellule familiale
biologiquement, socialement et économiquement plus cohérente. La
production et la reproduction au sein de cette unité peuvent
désormais être caractérisées avec moins de
difficultés parce que ne partageant plus directement les mêmes
espaces de vie avec les familles autochtones. Avec le temps, au même
titre que les quelques familles autochtones installées à la
périphérie de la ville, les familles migrantes Lokpa
établies se sont vues rattrapées par l'urbanisation.
12
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
La ville de Parakou privilégiée par les migrants
dans leur parcours migratoire est considérée comme un espace de
services ouvriers et domestiques. L'existence d'un tel marché de
l'emploi fait appel à une main-d'oeuvre bon marché à
laquelle les familles migrantes lokpa satisfont avec des stratégies
diversifiées. Le processus d'évolution de l'environnement urbain
étant directement lié aux conditions économiques
nouvelles, les formes d'insertion des immigrants au sein des familles
autochtones, des métiers et des circuits religieux, contraste avec les
barrières linguistiques, mentales, professionnelles et
économiques. Il se crée ainsi des réseaux de proche en
proche fondés sur les liens de solidarité et d'affinités
diverses. Ainsi la configuration des liens unissant les migrants à
d'autres groupes d'individus peut être révélateur de la
trajectoire sociale, professionnelle, résidentielle des membres d'une
famille migrante. Mais cela ne signifie pas que les migrants ne disposent pas
de marge de manoeuvre liée à leur capacité
d'intégration, à leur détermination dans la prise de
décisions pour la mobilité professionnelle ou
résidentielle.
La réorganisation de la vie des ménages implique
des pratiques à investiguer. Les effets spécifiques du cadre
socioéconomique urbain sur l'institution familiale en termes de
réponses aux conditions de vie urbaine et de conduites novatrices sont
donc à décrire et à analyser. L'on peut ainsi s'interroger
sur les facteurs favorisant ou freinant l'insertion des migrants ainsi que les
discours sur eux.
La famille dans la région nord Bénin, a
très peu fait objet d'investigations scientifiques. Quand elle est
étudiée, ce sont généralement ses aspects
démographiques et économiques qui se trouvent au centre des
investigations générales comme les Enquêtes
Légères Auprès des Ménages Urbains (E.L.A.M). Plus
particulièrement la famille en milieu immigré urbain en tant que
spécificité sociale, demeure insuffisamment investiguée
aussi bien par les démographes, les historiens que par les socio
anthropologues.
13
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
Egalement, la famille dans ses rapports avec le fait urbain
dans le groupe des migrants Lokpa à Parakou n'a jusqu'ici fait l'objet
d'études qualitatives approfondies. Alors que depuis des
décennies, le milieu n'a cessé de s'urbaniser, les familles
à leur tour ont évolué aussi bien dans leurs formes que
dans la qualité des rapports internes au système familial en
termes de stratégies familiales, matrimoniales et de mobilité. La
question fondamentale que nous nous posons est : Dans quelle mesure
l'environnement urbain et le parcours migratoire participent-ils aux
changements familiaux ? Pour répondre à cette question,
des hypothèses et des objectifs ont été
formulés.
1.1.3. Objectifs et hypothèses de recherche
1.1.3.1 Objectif général
L'objectif général de la présente
étude est de décrire et d'analyser la famille migrante Lokpa
ainsi que les changements qui l'ont affectée dans l'espace urbain.
1.1.3.2 Objectifs spécifiques
Les objectifs spécifiques de l'étude sont :
1. Identifier toutes les formes de familles migrantes Lokpa
ainsi que leurs fonctions.
2. Décrire et Analyser les effets de l'environnement
urbain sur les familles migrantes.
3. Dégager les stratégies individuelles et
collectives des migrants dans la conquête d'un statut social
valorisant.
1.1.3.3 Hypothèses de recherche
1- Les conditions d'établissement ou de reconstitution
des familles migrantes sont tributaires de l'ascension socioprofessionnelle de
ses membres.
14
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
2-L'environnement urbain en tant que creuset de diffusion de
nouveaux systèmes de valeurs, conduit plus à une réduction
des espaces de solidarité qu'à des déstructurations
familiales.
3- L'emploi ouvrier ou domestique exercé par les jeunes
migrants, relève de la stratégie éducative entretenue par
les parents en milieu urbain ou d'origine.
1.1.4 Clarification conceptuelle
Les questions traitant de l'environnement urbain, de la
famille et de la migration urbaine ont été diversement
abordées par plusieurs auteurs sous divers angles.
Environnement urbain
De la réflexion collective des chercheurs
spécialistes de l'environnement urbain de l'I.R.D (COURET : 2005), il
ressort une construction théorique de la notion de l'environnement
urbain. L'environnement urbain est d'abord abordé comme un construit
social dont l'ensemble des acteurs qui agissent sur et dans la ville sont
déterminants. L'environnement urbain ne se réduit pas
à la nature en ville, il se caractérise par un système
complexe d'éléments en rapport avec:
-les contraintes physiques du site à aménager ou
à réaménager (aléas naturels, stabilité des
sols, drainage, climat, ressources disponibles) ;
- les effets directs des densités élevées
de population en un lieu (distributions des densités; gestion
foncière, appropriation de l'espace; architecture, urbanisme, paysage
urbain ; nuisances, infrastructures; ségrégation sociale et
spatiale) ;
15
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
- tout ce qui résulte de l'interférence entre
contraintes du site et établissement humain (risques dits d'origine
naturelle et technologique; problèmes sanitaires ; flux
d'approvisionnement et d'évacuation ; croissance urbaine ; environnement
de la ville, espace périurbain, rareté de l'espace et conflits
sociaux associés) ;
- le rôle des représentations (des habitants, de
l'opinion, des décideurs) dans la constitution d'un environnement urbain
donné.
Cette construction théorique permet d'analyser
l'évolution de différentes situations localisées en
relation avec la transformation urbaine : situation d'une portion de ville ou
d'un établissement urbain. Ainsi pour aborder l'environnement urbain
quelques approches ont été dégagées :
-L'analyse de la mutation urbaine (au sens restrictif
de l'évolution de l'occupation du sol), de la manière dont
l'espace urbain est produit, de la nature de leurs usages, de l'accès au
foncier et des interactions entre les fonctions inhérentes à la
ville.
-L'approche du patrimoine urbain qui analyse les
processus de valorisation et de conservation attachés à certains
éléments de l'environnement urbain. -L'analyse des risques en
milieu urbain(sanitaire, naturel, social) explore la question de la
vulnérabilité des villes face aux risques d'origine naturelle en
décryptant le fonctionnement des éléments majeurs du
développement urbain, le sens et le poids des choix politiques.
En somme, ces différentes approches comme angles
théoriques de lecture permettent de comprendre la notion de
l'environnement urbain en tant que construction théorique.
La famille
La notion de famille correspond au moyen âge à
l'ensemble des serviteurs vivant sous la domination d'un maître, puis la
maison tout entière : maître d'une part, et femmes, enfants et
serviteurs de l'autre. Selon le dictionnaire étymologique de la langue
latine, le mot familia désigne le
16
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
groupe de ceux qui étaient autrefois sous la domination
du pater familias et par extension de sens, familia est
devenu synonyme de gens.
En anthropologie, elle désigne un groupe de personnes
liées par des liens de consanguinité, un certain nombre d'entre
eux vivant dans un habitat commun (Grawitz, 2004). C'est la fraction minimale
de tout groupe humain et la forme première de l'organisation sociale. La
structure familiale peut revêtir plusieurs modèles : la famille
indivise ou étendue, la famille nucléaire ou conjugale
(père, mère et enfants), la famille monoparentale (enfants et
père ou mère), etc. Mais pour les démographes ce sont les
variables caractéristiques de la composition de la famille qui
permettent de mieux cerner ses dimensions, c'est pourquoi elle est aussi
désignée comme : ménage, groupe domestique ou encore
unité économique. La famille est l'unité sociale de
base, de production, de reproduction et de consommation dans toutes les
sociétés. Pour Durkheim, la famille est une institution sociale.
Ses caractéristiques, ses fonctions, son organisation et son
évolution varient d'une société à une autre, d'une
époque à une autre, d'un milieu à un autre suivant les
changements globaux qui affectent la société dont elle fait
partie.
Migration urbaine
Le notion de migration désigne l'ensemble des
phénomènes durables, souvent massifs, qui s'effectuent sur des
distances importantes aboutissant à un transfert de résidence et
parfois à l'adoption d'un nouveau mode de vie (BAUD, 1997). La migration
urbaine est le déplacement volontaire de groupes d'individus quittant
leurs villages d'origine pour des zones urbaines. Cette forme de migration est
dite interne dans la mesure où le déplacement est limité
à l'intérieur d'un espace circonscrit comme un pays. La migration
urbaine est sous-tendue par plusieurs causes dont les causes
socio-économiques qui se
17
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
traduisent par les facteurs d'attraction de la zone d'accueil
ou de répulsion de la zone de départ. La présente
étude s'inscrit dans la logique de cette approche dans la mesure
où selon les motivations des migrants à Parakou, ce sont les
raisons socio-économiques qui apparaissent de façon
prégnante.
1.1.5 Nature, sources, qualité et utilité des
données
Données
|
Source(s)
|
Qualité et utilité des
données
|
Démographiques : répartition des populations,
caractéristiques générales des ménages et
évolution.
|
INSAE
|
quantitatives permettant l'analyse des dynamiques familiales
|
Socioculturelles : éducation des enfants, mariages,
baptêmes, fêtes, statut social des membres de la famille
|
Terrain
|
Qualitatives permettant de mieux comprendre l'organisation
sociale des migrants lokpa.
|
Socioprofessionnelles : types d'emploi par sexe, trajectoires
professionnelles des migrants, mode de vie résidentiel, etc.
|
Terrain
|
Qualitatives et quantitatives permettant l'analyse du processus
d'insertion professionnelle et résidentielle des migrants
|
1.1.6 Revue de la littérature
18
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
L'étude sur l'environnement et les changements
familiaux, renvoie aux théories du changement social aussi bien du point
de vue sociologique que démographique.
Pour mieux rendre compte des effets de l'environnement urbain
sur le système familial, nous proposons d'effectuer nos analyses autour
de l'institution familiale dans ses rapports à la ville.
1.1.6.1 Thèse générale du
changement social
Pour Guy Rocher (1968 :22), « Le
changement social, est toute transformation observable dans le temps, qui
affecte, d'une manière qui ne soit pas provisoire ou
éphémère, la structure ou le fonctionnement de
l'organisation sociale d'une collectivité donnée et modifie le
cours de son histoire ». Le processus, pour lui, suppose les facteurs, les
conditions et les agents de changement. L'installation par exemple d'une usine
dans un milieu rural entraîne une transformation du marché du
travail, produit une mobilité de la population, amène des
changements dans les moeurs, dans la culture, dans l'organisation sociale de la
communauté rurale. L'installation de cette usine est un facteur de
changement pour le milieu qui accueille l'usine. En outre, Les conditions du
changement sont des éléments de la situation qui favorisent ou
défavorisent, activent ou ralentissent, encouragent ou retardent
l'influence d'un facteur ou de plusieurs facteurs de changement (G.
Rocher 1968 : 25). Les agents du changement quant à eux , sont
les acteurs et les groupes dont l'action est animée par des buts, des
intérêts, des valeurs, des idéologies qui ont un impact sur
le devenir d'une société (G. Rocher 1968 : 26 ).
De tout ce qui
19
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
précède, l'auteur conclut, que pour mieux
appréhender le changement social, le sociologue doit se poser six
questions majeures :
1- Qu'est-ce qui change ?
2- Comment s'opère le changement ?
3- S'agit-il d'une évolution lente, progressive, ou de
transformations brutales, de changements rapides ?
4- Comment analyser les facteurs et les conditions de
changement ?
5- Quels sont les agents actifs qui amènent le
changement ?
6- Le sociologue peut t-il prévoir le cours futur des
évènements ? Cette élaboration du cadre théorique
par Guy Rocher, permet, non
seulement d'appréhender les caractéristiques
générales du paradigme `'changement social», mais surtout
de le circonscrire. Ainsi, d'autres acteurs ont utilisé le même
paradigme pour investiguer d'autres champs de recherche, parmi lesquels
l'environnement urbain et la famille.
1.1.6.2 L'approche démographique du changement
social
Cette approche regroupe plusieurs tendances. Mais de
façon générale, l'approche démographique du
changement social s'oriente vers les éléments de changement comme
l'industrialisation, l'urbanisation, l'éducation et la
sécurisation. Elle s'appuie sur les variables comme la
fécondité, la nuptialité, la mortalité, la
mobilité, la croissance urbaine et la croissance démographique.
Ainsi pour Philippe Antoine et Jeanne Nanitelamio
(1988), le contexte urbain rassemble de nombreux facteurs conduisant
à un changement social rapide. Pour ces auteurs, en ville,
l'élargissement du cadre de vie et l'affaiblissement du contrôle
du groupe, permettent l'émergence de l'individu et la possibilité
pour lui d'inscrire certaines activités en dehors du cadre familial. Le
mérite de cette approche est qu'elle place le contexte urbain et le
cadre familial comme centre d'intérêt. C'est pourquoi dans la
même logique,
20
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
ces auteurs expliquent les nouveaux comportements qui ont
cours en ville, par l'apparition de nouveaux besoins et des modes de
consommation qui consacrent l'argent comme moyen de satisfaction de ces
besoins. Ainsi la monétarisation des rapports humains induirait une
redéfinition de certaines valeurs de base, telles que le mariage, le
statut de la femme et le mode de vie résidentielle des conjoints.
Dans un autre registre complémentaire,
Dominique Tabutin propose une relecture de la
corrélation environnent urbain-changement, en s'interrogeant sur la
place de l'urbanisation dans le changement. Pour répondre à cette
interrogation, il s'appuie sur les travaux des précurseurs des
théories démographiques du changement du 18e
siècle comme : Graunt,
Quételet, Dumont, Moheau
; pour relever la place accordée à la ville.
L'environnement étant considéré comme
élément ou facteur de changement des comportements ou des normes
démographiques. Pour lui, les changements de fécondité par
exemple dépendent des conditions et des facteurs de changements
socio-économiques, dont notamment l'environnement urbain. Cette approche
s'articulant autour du rôle de l'environnement urbain dans l'organisation
sociale, suggère que ce rôle ne peut s'appréhender qu'en
référence aux conditions socio-économiques dans lesquelles
évoluent les groupes humains. Cette analyse permet de situer les
changements dans le contexte globalisant et de comprendre que les changements
qui s'opèrent aussi bien au niveau de la ville que ceux de l'institution
familiale, sont en relation structurelle avec d'autres entités de
l'organisation sociale. Dans une approche beaucoup plus orientée vers
les considérations économiques, Jean-Marc Gastellu
et Jean-Luc Dubois, dans : Economie :
l'unité retrouvée, la théorie revisitée (M.
Pilon, 1997), font une analyse contextualisée du rapport
économie-famille. Selon eux, pour mieux rendre compte des changements
qui affectent la famille urbaine, il faut investiguer les habitudes
socio-économiques locales. Ainsi les caractéristiques
démographiques du ménage (taille et composition), le niveau
21
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
de vie (sources de revenus et dépenses du
ménage) occupent une place importante dans cette approche. En outre, les
conditions de vie des ménages (satisfaction des besoins essentiels et
accès aux services de base comme l'éducation, la santé, le
logement etc.) ainsi que les comportements (type et choix de comportements)
constituent les autres aspects du changement.
1.1.6.3 Approche sociologique du changement social
Bien que la thèse générale sur le
changement social, développée plus haut par Guy Rocher
soit une production sociologique, il existe beaucoup d'autres
approches plus spécifiques du changement social. Nous nous
intéresserons à celles qui sont en rapport avec l'institution
familiale et l'environnement urbain.
Dans la perspective d'explication du changement social par les
facteurs externes, Antoine Philippe et alii
(1995) choisissent d'étudier les dynamiques familiales en
période de crise pour expliquer les stratégies individuelles et
collectives dans les processus d'insertion urbaine. En effet, pour ces auteurs,
les réseaux familiaux de voisinage et de vie associative constituent des
formes de sociabilité qui répondent aux besoins d'insertion pour
les familles urbaines. Cette perspective s'inscrit au centre de nos
préoccupations dans la mesure où elle intègre la dimension
urbaine dans l'analyse des réseaux familiaux. Dans ce sens,
Balandier (1981 : 258) affirme que : « la ville,
société médiocrement structurée, est aussi une
société hétérogène : elle impose la
coexistence d'éléments n'ayant pendant longtemps entretenu que
des rapports très distants ou antagonistes, qu'il s'agisse de castes, de
groupes ethniques ou de tribus ». Cette thèse de Balandier relatant
le poids de la société urbaine sur les rapports internes des
groupes sociaux rejoint celle du `'fonctionnaliste» Parsons.
En effet pour Parsons (in
Pilon, 1997), le passage de la famille étendue
traditionnelle à la famille nucléaire moderne découle des
changements
22
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
structurels, comme l'industrialisation et l'environnement
urbain, qui distendent les réseaux familiaux fondés sur les
systèmes de parenté traditionnels et segmentent la famille
étendue en autant d'unités que de couples. En outre pour le
même auteur, la famille nucléaire est la forme de famille la plus
en accord avec les changements comme : la monétisation des rapports
sociaux, l'autonomie des agents économiques, la mobilité sociale
et spatiale des travailleurs. Si cette approche de Parsons des changements
familiaux, a le mérite d'analyser les différents facteurs qui
influencent l'institution familiale jusqu'à la déstructurer pour
aboutir à un modèle familial, la famille nucléaire, elle
souffre d'insuffisances en ce sens qu'elle prétend être
systématisée. Or dans les sociétés non
occidentales, particulièrement les sociétés africaines en
voie de modernisation, d'urbanisation, nombre de familles étendues
arrivent à résister à ces facteurs de changements.
C'est ce que Ocholla Ayayo in
Adepoju (1999 : 84-108), relativise en reconnaissant que,
même si l'environnement urbain a conduit à séparer les
familles et à faire perdre réellement les structures de
parenté dans beaucoup de pays africains, les liens de parenté
dans les villes africaines de taille moyenne sont peut-être plus intenses
et plus réguliers que ceux existant dans les villes plus grandes.
Toutefois, il soutient que les fonctions de la famille étendue, telles
qu'elles se présentent à travers les réseaux de
parenté dans le développement des nouveaux modèles
mi-ruraux/mi-urbains, restent à étudier. Cette dernière
approche s'inscrit dans le cadre de l'analyse selon laquelle : plus une ville
est grande, moins les structures familiales résistent au changement. N'y
a-t-il pas donc d'autres modèles familiaux tels la famille
nucléaire et la famille monoparentale ?
C'est pourquoi, au-delà de ces considérations
globalisantes, Yao Koffi Martin (2002) s'intéresse aux
transformations de la famille africaine et particulièrement aux
éléments socioculturels et politico-économiques qui
influencent l'organisation familiale. Selon ce chercheur, le processus de
23
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
changement d'originalité familiale en Afrique est
dû à une mutation, induite par les bouleversements
socio-économiques globaux qui s'opèrent dans les
sociétés africaines et dont sont sujettes les familles. Ces
bouleversements provoquent des changements des rapports interpersonnels au sein
de la famille, ainsi que la conception du monde et de l'être. Cette
approche de la situation familiale met en relief les changements structurels de
l'environnement social dont fait partie la famille. Elle insiste sur les
facteurs extrafamiliaux qui influent sur la structure familiale.
Segalen Martine (1981), s'appuyant sur les
notions sociologiques, a tenté de relire les effets de
l'évolution globale de la société sur la dynamique interne
de l'institution familiale. Pour cet auteur, l'institution familiale, à
travers sa double puissance de résistance et d'adaptation aux
changements sociaux et économiques, peut faire passer la
société d'un stade de développement à un autre.
Ainsi, étudier le changement social affectant la famille revient, selon
le même auteur, à faire un croisement entre la durée du
mariage, la taille du groupe domestique, l'âge du mari et les dimensions
du niveau de revenu, la taille du réseau de parenté et d'amis. En
outre pour elle, la famille est une institution sociale, terme
polysémique qui désigne à la fois individus et relations
et peut aussi désigner un ensemble restreint ou large de personnes
apparentées (Segalen 1981 : 10). Orientant ses
recherches vers la famille contemporaine et dans la même perspective
sociologique, Michel Andrée (1986) propose une
recherche sur la famille suivant un cadre conceptuel bien spécifique.
Ainsi, elle relève trois aspects de la recherche familiale : le type de
comportement étudié, l'espace social au sein duquel il se
produit, enfin la dimension du temps social (Michel Andrée
1986 : 19). Cette approche de l'analyse du fait familial
au-delà des limites de la précédente, a le mérite
d'insister sur le mariage comme fait socio- démographique, en
définissant les variables de l'interaction conjugale. Selon cet auteur,
les variables les plus souvent considérées sont les variables
démographiques (âge
24
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
des conjoints, durée du mariage, nombre d'enfants,
cycles familiaux etc.), les variables socioprofessionnelles (éducation,
profession, salaire du mari et de la femme, statut résidentiel, classe
sociale etc.) et enfin la variable de l'interaction considérée
comme indépendante, pouvant générer d'autres aspects. En
outre, cette considération de la dimension du temps social dans
l'analyse nous permettra de mieux apprécier les cycles de vie des
familles et de situer les étapes de l'évolution familiale dans
l'environnement urbain.
Pour répondre à cette préoccupation,
N. Kouamé et M. Koné (2005
:123-261) abordent la famille dans sa diversité et soutiennent que :
« le système urbain entraîne ou provoque, l'éclosion
de ce que l'on appelle les familles recomposées ayant une double
fonction, d'une part, de se protéger par rapport à la
précarité et d'autre part de se reconstituer par rapport à
la famille villageoise d'origine ». Kouamé et
Koné (2005 :149). De cette approche
socio-anthropologique des changements familiaux, nous retenons une analyse de
l'interaction entre la famille et le milieu urbain d'une part, et d'autre entre
la famille urbaine et le milieu d'origine, généralement rural, en
termes de flux de biens et services. Cette dernière approche concorde
beaucoup plus avec nos ambitions en ce sens qu'elle est orientée, non
seulement vers les relations intrafamiliales, mais aussi vers les rapports de
la famille avec l'environnement urbain. Les investigations de terrain se sont
poursuivies suivant une approche méthodologique que nous avons
jugée adaptée au sujet de recherche.
1.2 Approche méthodologique
Les investigations sur l'environnement urbain et les
changements familiaux en milieu immigré lokpa de Parakou s'appuient sur
des données essentiellement qualitatives. L'enquête de terrain
s'est déroulée suivant la procédure ECRIS (Enquête
Collective de Recherche et d'Identification des conflits et des groupes
Stratégiques).
25
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
Cette procédure d'enquête s'est
déroulée en six phases :
-une enquête individuelle de repérage ;
-une enquête collective ;
-un séminaire bilan de l'enquête collective ;
-une enquête individuelle sur le site retenu ;
-un séminaire final.
Ces six phases se résument en trois étapes :
1.2.1 Phase de préparation
? Recherche documentaire
La phase de recherche documentaire a duré environ deux
ans correspondant à la période de l'étude. Nous avons non
seulement consulté des documents provenant des bibliothèques
privées, mais surtout des bibliothèques publiques et
institutionnelles. Dans ce cadre, à la bibliothèque
départementale du Borgou et à la bibliothèque municipale
de Parakou, nous avons consulté des mémoires de maîtrise et
de DEA et des thèses de doctorat sur la ville de Parakou et sa
région.
A Cotonou, à la bibliothèque de
l'Université d'Abomey-Calavi et au centre de documentation de la
Faculté des Lettres Arts et Sciences Humaines (F.L.A.S.H) des documents
aussi bien généraux que spécifiques ont été
consultés. Il en est de même au Centre Culturel Français
(CCF), au Centre de Documentation (CED) de l'Eglise Catholique
Sacré-coeur de Cotonou, à l'Institut Catholique de l'Afrique sur
la Famille et le Mariage (ICAF). C'est dans ces dernières institutions
que nous avons eu la grande partie de la documentation sur les théories
de la famille et l'environnement urbain. Les centres de documentation de
l'UNICEF et de l'ex Ministère de l'Environnement l'Habitat et de
l'Urbanisme nous ont également permis d'approfondir ou d'explorer
d'autres aspects de notre sujet. Enfin, aussi bien à l'Ecole Doctorale
pluridisciplinaire de la FLASH qu'au LASDEL la
26
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
consultation de certains mémoires de DEA et
thèses de doctorat a contribué à l'enrichissement de la
qualité de notre documentation. Toute cette documentation a
été complétée par celle obtenue sur Internet
à travers le site WWW.bondy/ird et avec le moteur de recherche
WWW.google.fr
? La phase de pré
enquête
La phase de pré enquête est une phase au cours de
laquelle, nous nous sommes imprégné des écrits concernant
les Lokpa en général et ceux de Parakou en particulier. Au cours
de cette étape des investigations qui se sont déroulées de
Novembre à Décembre 2004, nous avons pu recueillir quelques
données générales sur les Lokpa. Grâce à ce
travail préliminaire nous sommes arrivé à localiser les
familles lokpa établies et les jeunes gens en activité à
Parakou. Cette phase de l'enquête, nous a également permis
d'établir des contacts avec nos interlocuteurs et de distinguer les
Lokpa du Bénin des Lama du Togo, locuteurs de la langue lokpa.
1. 2. 2 Enquête collective
L'enquête collective, s'est déroulée du 07
au 12 Mars 2005, aussi bien à Parakou qu'a Ouaké. Elle a
démarré par un atelier au cours duquel les participants
(enseignants-Chercheurs en socio-anthropologie, doctorants et étudiants
dont nous aussi) ont réfléchi sur la problématique
générale de la recherche : les changements familiaux au nord
Bénin. Dans ce cadre, après une présentation du cadre
théorique général dans lequel s'inscrit la
problématique globale, les équipes de binômes de chercheurs
ont été constituées pour la collecte des données.
Une séance de synthèse est organisée en fin de
journée. Ces différentes séances ont permis non seulement
de faire le point des données
27
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
recueillies, mais surtout de dégager de nouvelles
pistes de recherche et de formuler les nouvelles hypothèses de
recherche.
1.2. 3 Enquêtes individuelles
? Technique d'échantillonnage et
interlocuteurs
La présente étude étant orientée
vers la description, l'analyse et l'interprétation des comportements et
des discours des acteurs, nous avons adopté la technique : `'boule de
neige» qui consiste à contacter tous les interlocuteurs de proche
en proche. Cette étape a consisté à identifier les
différents acteurs impliqués dans la migration des Lokpa. Nous
avons identifié comme probables interlocuteurs, les chefs de familles
migrantes établies, les domestiques, les modèles de
succès, etc. Nous nous sommes également entretenu avec entre
autres, les chefs de familles migrantes, les parents de jeunes migrants, les
domestiques et leurs patrons ou patronnes.
D'août 2006 à avril 2007, pendant six mois de
façon intermittente, nous nous sommes entretenu avec 21 Chefs de
ménages dont 08 Chefs de familles. Ces derniers sont pour la plupart des
sexagénaires, venus à Parakou dans les années 60. Les
entretiens avec ces migrants de première génération,
établis à Parakou, nous ont permis de relever les
différentes étapes de l'histoire de l'installation des Lokpa
à Parakou. De même, des différents entretiens avec cette
catégorie d'interlocuteurs, nous avons pu comprendre le processus
d'insertion urbaine des migrants Lokpa ainsi que leurs rapports avec les
familles autochtones. En outre, aussi bien avec les jeunes chefs de
ménages qu'avec les chefs de famille, nous avons recueilli des
informations relatives aux fonctions de la famille migrante Lokpa, au mariage
et à la distribution des rôles au sein de la famille. 13 femmes
Lokpa ont également fait partie de nos interlocuteurs. Auprès
d'elles, nous avons recueilli des informations sur l'histoire d'installation
des Lokpa à Parakou, le statut de la femme, l'économie familiale,
le mariage et l'emploi. De plus nous nous sommes entretenu avec 11
28
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
domestiques dont une femme mariée, une fiancée,
une divorcée et une âgée de 15ans.Nos investigations au
sein de cette catégorie d'interlocutrices, nous a permis de comprendre
les motivations des différents acteurs impliqués dans ce type
d'emploi. 05 anciennes domestiques devenues patronnes couturières, 04
anciennes domestiques en apprentissage de couture et 03 patronnes de
domestiques nous ont aussi livré leurs perceptions sur l'emploi
domestique. A partir de nos entretiens avec 15 jeunes migrants saisonniers ou
définitifs, nous avons produit des données sur les trajectoires
migratoires, les modes d'insertion socioprofessionnelle de ceux-ci. Les formes
de sociabilité, les pratiques matrimoniales chez les Lokpa de Parakou
sont également des domaines dans lesquels, les données ont
été obtenues. Nous nous sommes également entretenu avec 02
voisins de Lokpa, avec 01 femme Baatonu mariée à un Lokpa et avec
02 responsables d'ONG de réinsertion des filles en difficulté. Au
total nous avons effectué 86 entretiens individuels dont 36 entretiens
d'approfondis-sement. En somme, 62 interlocuteurs ont accepté
s'entretenir avec nous dans le cadre de cette étude. Ces
différents entretiens et observations nous ont permis de produire des
données sur les perceptions des non Lokpa de la vie des migrants Lokpa
à Parakou.
? Techniques et outils de collecte de
données
Pendant le séjour sur le terrain, les visites ont
été effectuées dans les maisons de façon
apparemment désintéressée. Cette étape de
l'enquête nous a permis de suivre le quotidien des chefs de famille, de
certaines épouses, des domestiques et des jeunes dans leur cadre de vie
ou de travail. Nous avons également assisté à un mariage
et aux funérailles d'un de nos interlocuteurs privilégiés.
Au nombre des indicateurs de recherche retenus pour la collecte des
données nous pouvons citer :
1- l'histoire d'installation des Lokpa à Parakou,
2- l'organisation familiale lokpa (types de familles, veuvage,
lévirat, etc.)
29
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
3- les rites d'initiation/de passage (en fonction des grands
moments de socialisation : baptêmes, mariages, funérailles
etc.)
4- le statut de la femme dans le milieu d'immigration
5- la distribution des responsabilités au sein de la
famille
6- les relations intergénérationnelles
7- les modes de vie résidentiels
8- le marché du travail (emploi domestique et/ou
emploi salarié)
9- les stratégies d'insertion et d'installation des
immigrants 10-les formes de sociabilité
11-la division du travail
12-les pratiques matrimoniales.
Nous avons effectué aussi bien des entretiens
individuels que des observations. En effet, n'étant pas nous-même
locuteur lokpa, nous avons utilisé la langue dendi dans la plupart de
nos entretiens avec les interlocuteurs. Le français et le baatonum ont
été utilisés dans quelques cas et nous avons quelques fois
eu recours à un interprète pour des interlocuteurs
réservés ou ne parlant aucune des langues
précédemment citées. De temps en temps, pour les
interlocuteurs qui l'ont accepté et là où les conditions
s'y prêtaient, nous avons utilisé un enregistreur pour recueillir
les propos de nos interlocuteurs. Nous avons également utilisé un
appareil photo pour la prise des photos.
? Séminaire final
Le séminaire final est la phase où les
résultats de nos investigations ont été soumis à
l'appréciation des chercheurs et enseignants, aussi bien seniors que
juniors. Les différentes critiques du travail et des propositions faites
nous ont permis de reformuler notre problématique de recherche et de
faire des entretiens d'approfondissement et des observations
complémentaires.
30
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
Nous avons également présenté en
décembre 2006 notre projet de recherche au séminaire doctoral du
LASDEL Parakou. Au cours de ce séminaire, nous avons exposé notre
projet de recherche qui a fait l'objet de critiques constructives de la part
des chercheurs seniors et juniors du LASDEL en présence du professeur
Thomas BIERSHENK de l'Université de Mayence en Allemagne.
1.2.4 Traitement et Analyse des données
Le traitement des données a été manuel et
informatique. Après la collecte des données, les conversations
enregistrées ainsi que les notes et commentaires personnels ont
été transcrits et saisis. La correction de la saisie des discours
et notes s'est faite suivant le principe de recours en permanence aux originaux
des conversations et notes en rapport avec les fiches d'entretien
élaborées à cet effet. Les fiches d'entretien
présentent le responsable de l'enquête, le profil sociologique de
l'enquêté, la date et le lieu de l'entretien, les prises de notes
descriptives (surtout lors des observations), les tableaux, chiffres et listes
(recensions) ainsi que les commentaires, pistes et hypothèses
émanant des prises de notes et réflexions personnelles.
Le dépouillement après la saisie des
données s'est effectué en plusieurs opérations. Nous avons
procédé d'abord à la relecture des données, au
marquage des parties les plus intéressantes, à l'inventaire et au
classement des données. Cette dernière opération nous
permet de retrouver facilement les parties intéressantes en cas de
besoin.
De plus, pour avoir plus de visibilité dans le choix
des données utilisables dans la rédaction du mémoire et
pour un meilleur croisement des données, nous avons
procédé au classement informatique à l'aide du logiciel
Qsr.Nud.ist Les entretiens transcrits et saisis ont été
organisés en fichiers. Une grille de codification a été
conçue suivant les différentes articulations du mémoire,
suivie de l'introduction des documents traités dans Nudist. Cette
opération a
31
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
permis alors avec le logiciel, d'effectuer une copie des
documents introduits et de conserver les originaux. Une fois tous les fichiers
introduits, à l'aide des différentes palettes du logiciel, nous
avons procédé aux divers croisements. Par exemple les palettes
:
-Intersect nous a permis de croiser un ou
plusieurs codes et d'en sortir les segments de texte.
-Union nous a permis d'associer des codes et
de trouver toutes les unités de textes qui leur correspondent.
-If-outside nous a permis de Chercher, dans
le premier code sélectionné, les parties de texte d'où
sont exclues celles qui correspondent au second code
sélectionné.
-Matrix Prend tous les sous-codes du premier
code sélectionné et tous les sous-codes du second code
sélectionné pour effectuer une recherche précise comme une
intersection, etc. Cette opération nous a permis dans un temps cours de
croiser plusieurs sous-codes et d'en obtenir les segments de texte.
Après cette opération, les données
recoupées ont été thématisées afin d'une
mise en rapport des idées dégagées des données avec
les hypothèses. Ainsi les données ont été
catégorisées et structurées selon leurs
propriétés et leurs dimensions. Puis suivant une logique
inductive nous avons tenté de dégager ce que reflètent les
propos tout en gardant à l'esprit notre question de recherche. Nous
avons ainsi pu, de façon progressive intégrer les
matériaux des entretiens subséquents aux catégories
thématiques identifiées.
1.2.5 Difficultés et limites de l'étude
Les principales difficultés rencontrées au cours
de cette étude sont d'ordre méthodologique du fait de la nature
des variables investiguées. Pour une
32
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
recherche qui se veut fondamentalement qualitative, comment
concilier les exigences de l'école doctorale, autorité
académique de l'étude et celles de l'université de
Bayreuth commanditaire de l'étude ? Cette inquiétude traduisant
notre propre censure s'est dissipée au fil du temps. Cette étude
a ses limites en ce sens qu'elle manque de profondeur en ce qui concerne
l'économie familiale, les statistiques actualisées sur la
migration interne et la mobilité socioprofessionnelle des migrants Lokpa
de Parakou. En outre, compte tenu de l'insuffisance de notre niveau de
maîtrise de l'utilisation du logiciel Qsr.Nud.ist, nous n'avons pas pu
exploiter le maximum de ses fonctions dans le traitement des données.
1.3 Présentation du cadre de l'étude
1.3.1 Données physiques
La ville de Parakou, située à 405
kilomètres de Cotonou, constitue un carrefour routier depuis plusieurs
siècles ; elle est la ville la plus équipée en
infrastructure de la région septentrionale du Bénin. La commune
de Parakou, est limitée au nord par la commune de N'dali, à
l'est, à l'Ouest et au Sud par la commune de Tchaourou. Ce statut de
ville carrefour facilite le brassage interethnique des différents
groupes socioculturels qui y convergent depuis longtemps.
1.3.1 Climat, sols et végétation
La région de Parakou appartient à la zone
tropicale de type soudanien à saison contrastée : une saison
sèche et une saison pluvieuse. La saison sèche dure de novembre
à avril et la saison pluvieuse s'étale de mai à octobre
avec une hauteur de pluie variant entre 960 et 1050 mm.
Les sols quant à eux sont des sols fragiles de par
leurs structures. En ce qui concerne la végétation, elle est
constituée de la forêt claire et la
33
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
savane boisée. Tous ces facteurs constituent des
conditions favorables aux activités agricoles. L'igname, le maïs,
le haricot, le sorgho, l'arachide et le coton y sont cultivés. Les
cultures pérennes comme l'anacardier et les manguiers complètent
le couvert végétal naturel.
1.3.2 Données humaines
Parmi les causes qui expliquent le peuplement de la ville de
Parakou, les migrations successives vers la ville au cours des
différentes phases de son développement, demeurent très
déterminantes. Outre les Baatombu, les Yorouba et les Wangara qui se
seraient installés entre le XVe le XVIe siècle, Parakou a connu
d'autres courants migratoires. Parmi les plus importants, il y a les migrants
venus des communes voisines de Parakou comme Tchaourou, N'dali,
Pèrèrè voire Nikki. Ces migrants sont en majorité
des jeunes en quête de formation et/ou d'emploi. Il y a également
des migrants venus de la région méridionale du Bénin
depuis l'arrivée de la voie ferrée à Parakou en 1937.
L'implantation de cette infrastructure et de nombreuses maisons de commerce
justifient l'arrivée et l'installation de ceux-ci, autour de la gare.
Outre les courants migratoires précédemment
énumérés, il y a également les migrants venus de
l'Atacora en quête de terres cultivables et de l'emploi, en particulier
les " travaux de manoeuvre ". A tous ces migrants de l'interland s'ajoutent
ceux venus des pays voisins du Bénin ; les Nigériens, les
Nigérians, les Burkinabé et les Togolais. Selon le RGPH3 Parakou
compte 13,90% d'immigrants par rapport au taux national. Toutefois, il faut
reconnaître que la nature des migrants internes a changé, non
seulement à cause des activités agricoles qui sont de moins en
moins rentables mais aussi à cause de l'implantation de nouvelles
structures socio-économiques telles que l'Université et les
entreprises commerciales. C'est cette diversité du peuplement de la
ville de Parakou qui se traduit dans l'occupation du sol dans les quartiers.
Ainsi, des groupes sociolinguistiques se trouvent majoritairement
34
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
concentrés dans certains quartiers plutôt que
dans d'autres. Les Lokpa par exemple sont majoritairement installés
à Banikanni est et à Zongo. Selon les résultats du RGPH3,
la population de Parakou s'élèverait à plus de 149.819
habitants dont 8869 Yoa-Lokpa (RGPH3, 2002). La taille moyenne des
ménages à Parakou est de 07 personnes. S'il y a vingt ans le
problème de logement se posait avec moins d'acuité, il oblige
aujourd'hui certains habitants à vivre en ville avec une partie de leur
famille et l'autre partie en périphérie. Le tableau suivant
montre l'évolution de la population de Parakou.
Tableau n° 1 : Tendances
démographiques de la ville de Parakou
Années
|
Population du Bénin
|
Population de Parakou
|
Population lokpa et apparentés
|
Rapport entre population de Parakou et la population
totale du Bénin
|
1961
|
2.082.950 hbts
|
14.000 hbts
|
néant
|
0.67 %
|
1979
|
3.331.210 hbts
|
60.541 hbts
|
1911 hbts
|
1.80 %
|
1992
|
4.915.555 hbts
|
103.577 hbts
|
5.623 hbts
|
2,10 %
|
2002
|
6.769.914 hbts
|
149.819 hbts
|
8.869 hbts
|
2,21 %
|
Source : synthèse des données : RGPH1
(1979), RGPH2 (1992), RGPH3 (2002).
Comme dans la plupart des villes du Bénin, les
populations à Parakou sont installées dans des habitats
très souvent en relation avec leur niveau de revenus. Grâce
à la déconcentration du centre urbain (anciens quartiers
organisés autour du marché) et de l'installation de certains
établissements publics, la ville a connu une extension progressive.
1.3.3 Urbanisation
La ville de Parakou couvre au total environ 6.000 ha dont
3.200 ha de surface d'habitation soit 53.3% de la superficie totale. Selon les
travaux de
35
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
SERHAU-SA (2000) la morphologie générale de la
ville de Parakou est caractérisée par :
- Le noyau urbain constitué par les quartiers centraux
et organisés autour du marché central (secteur commercial et
d'équipements administratifs, culturels et de loisirs) ayant fait
l'objet d'une opération de rénovation ;
- Les extensions sud et nord caractérisées par
l'habitat populaire et les activités commerciales et artisanales ;
- Les extensions est abritant les équipements et
infrastructures départementaux,
- La zone ouest et nord-ouest regroupant les grandes
activités industrielles et de transport ferroviaire et
aéroportuaire, ainsi que l'habitation de populations à
l'extrême Ouest.
- La densité dans les anciens quartiers qui constituent
le noyau urbain serait de 250 habitants à l'hectare contre une moyenne
de 45 habitants à l'hectare SERHAU-SA (2000).
L'occupation de l'espace à Parakou est très
hétérogène. Les principaux types d'habitation qu'on y
rencontre sont :
- L'habitation ancienne : ce type d'habitation se trouve dans
les quartiers anciens de la ville et caractérisée par des
habitations denses avec des murs en banco et des toits recouverts de tôle
rouillée. La densité dans ces zones dépasse
généralement les 300 habitants /ha.
- L'habitation née de l'arrêt du chemin de fer :
ce type d'habitation se trouve de part et d'autres des rails dans les quartiers
Camp Adagbè et Alaga sans grande différence avec le premier type
d'habitation.
- L'habitation de standing moyen, qui se situe non seulement
dans le centre administratif mais aussi de façon dispersée
à Ladji Farani, à Nima, à Amanwingnon et à
Oké Dama.
36
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
- L'habitation née de l'extension de lotissement dans
les quartiers périphériques, avec un niveau relativement faible
en équipements et infrastructures publics de base.
En tant que pôle régional et chef lieu de
département, Parakou abrite l'essentiel des équipements. La ville
dispose également des infrastructures d'électricité,
d'eau, de téléphone, etc. pour son développement. A tous
ces équipements on peut ajouter l'implantation d'une université
et l'arrivée des banques et de nombreuses entreprises commerciales et
des services qui se créent chaque année.
Comme principales infrastructures dans la ville de Parakou il
y a :
- les infrastructures d'accueil : une gare
ferroviaire (actuellement en
difficulté de fonctionnement), deux auto gares,
l'aérodrome et des hôtels. - Les infrastructures de
communication : le chemin de fer (Cotonou -
Parakou), les voies de télécommunication et les
voies routières.
- Les Sociétés et Banques :
SONAPRA (Société Nationale pour la Promotion Agricole), la
SOBEBRA (Société Béninoise de Brasserie), le Complexe
Textile du Bénin (COTEB), la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de
l'Ouest (BCEAO) et de nombreuses banques et institutions de microfinance.
- Les infrastructures sanitaires : le Centre
Hospitalier et Universitaire Départemental, le centre communal de
santé et de nombreuses cliniques privées.
- Les infrastructures éducatives :
l'Université de Parakou, des Instituts privés d'enseignement
supérieur spécialisé, des collèges et lycée
publics et privés, des écoles d'enseignement de l'arabe et les
écoles primaires.
- Les infrastructures culturelles et sportives
: Une bibliothèque publique Départementale, un
musé plein air, une radio publique, un cendre de production
télévisuelle, de nombreuses radios privées commerciales et
confessionnelles, un stade municipal,un Centre Culturel français etc.
37
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
- Les infrastructures administratives : les
services déconcentrés de l'état et des
représentations sous régionales et internationales.
- Les infrastructures commerciales : les
centres commerciaux, les compagnies de transports et de transit et les
nombreuses boutiques de divers.
Tous ces facteurs font de la ville de Parakou, un pôle
de concentration des principaux services vitaux dans la région nord du
Bénin.
Conclusion
La première partie du mémoire, à travers
le cadre théorique et méthodologique, présente le contexte
et les approches théoriques qui ont permis de délimiter les
contours de l'étude. Dans cette partie, le cadre géographique a
été présenté afin de pouvoir justifier les facteurs
d'attraction des migrants vers Parakou. À la lumière de toutes
ces considérations nous décrirons et analyserons mieux les
structures des familles migrantes ainsi que l'impact de l'environnement urbain
sur elles.
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
38
CARTE : situation de la commune de Parakou
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
39
PRESENTATION DES RESULTATS
40
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
![](Environnement-urbain-et-changements-familiaux-au-Benin-Cas-des-migrants-Lokpa-de-Parakou3.png)
41
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
Chapitre 2 : PROCESSUS D'INSERTION DES MIGRANTS
Le présent chapitre expose les motifs de migration, les
modes de vie, les solidarités familiales et le processus d'insertion des
groupes familiaux lokpa à Parakou. Les lieux de sociabilité et la
vie religieuse des familles migrantes constituent également les centres
d'intérêt du chapitre.
2.1 Installation et insertion des migrants
2.1.1 Motifs de migration des premiers groupes
Les motifs d'arriver des migrants Lokpa à Parakou sont
divers et étroitement liés aux périodes de migration. Dans
les années 60 et 70, les migrants Lokpa venaient à Parakou
à la recherche de terres cultivables et pour servir de manoeuvres dans
les chantiers de construction d'infrastructures publiques. Ces derniers
généralement âgés de 20 à 25ans, viennent en
ville sans les qualifications nécessaires pour prétendre à
des emplois salariés. C'est d'ailleurs, ce que répond ce
sexagénaire quand on lui demande les motifs de la migration de sa
famille vers Parakou :
« Le travail, car moi je suis cultivateur. Quand
quelqu'un à un champ à labourer, il peut vous appeler et vous
vous entendez à deux ou à cinq. Vous vous rendez au champ faire
le prix, après avoir fini de faire le prix, vous labourez. Quand vous
finissez de labourer, il vous paie l'argent et c'est la même chose quand
il s'agit du sarclage, du billonnage et du buttage. Même si ce ne sont
pas des travaux champêtres, comme maintenant nous sommes en saison
sèche, on peut nous solliciter pour faire les travaux de construction
(aide maçon). Vous faites le prix et après le travail, il vous
paie votre
42
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
argent. C'est ce qui nous a amenés ». (AKARA
Seïdou, 64 ans, cultivateur, venu à Parakou en 1962,
Banikanni, 28.11.2005)
La migration s'inscrit également dans une
stratégie de survie familiale pour certains migrants. Si dans leur
grande majorité, les migrants de la première
génération sont venus volontairement à Parakou, d'autres
sont contraints à venir parce que fuyant les pratiques occultes
maléfiques de leur village d'origine. Ils viennent soit pour
protéger leur vie qui serait menacée ou pour protéger leur
progéniture contre la sorcellerie locale. La ville est donc non
seulement un lieu de travail, mais aussi un refuge pour les migrants. C'est ce
qu'illustrent les propos suivants :
«J'étais à Badjoudè, puis je
suis venu ici il y a 32
ans. Pourquoi je suis venu ici ? Parce que au village, je
mangeais, je buvais, je faisais tout mais quand je faisais des enfants, ils
mouraient. Depuis que je suis venu ici, aucun des enfants nés ici n'est
mort. Ils sont au nombre de 21 :11garçons et 10 filles. Certains sont
des chauffeurs, d'autres des élèves. Quand j'étais
là-bas, j'ai perdu 6 enfants. Selon moi, je me dis que c'est Dieu la
cause de la mort des enfants ». (A. I, 55ans, cultivateur, père de
21 enfants, Banikanni, 30.09.2005)
2.1.2 Motifs de la migration des jeunes gens et des
femmes.
Les nouvelles générations d'arrivants sont
d'avantage mues par des ambitions résolument orientées vers la
recherche d'emploi non agricole même si ce type d'emploi s'impose comme
un passage obligé pour les jeunes migrants.
Dans les années 80 et 90, les jeunes gens et les femmes
migraient vers Parakou, " pour faire de jobs ". Les filles viennent avec la
permission du père et sous l'incitation de la mère ou de la
grande soeur. Elles sont à la recherche de revenus pour réaliser
leur trousseau de mariage et pour apprendre un métier valorisant. Les
femmes quant à elles, sont venues généralement avec un
enfant
43
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
au dos en vue d'accumuler des revenus leur permettant de
renouveler les pagnes déjà usés ou pour se faire un
capital pour le petit commerce. Aussi, parmi les filles, il y en a qui viennent
à Parakou exercer l'emploi domestique parce que très tôt
orphelines de mère, elles sont orientées par leurs tantes
maternelles vers cette activité. Cette autonomisation des forces
productrices familiales concerne également les jeunes gens qui dans leur
grande majorité, viennent à Parakou pour apprendre un
métier comme la maçonnerie, la menuiserie, la soudure, et la
couture. Pour y parvenir, ils font le plus souvent un détour de 6
à 12 mois dans la région de
N'dali-Bembèrèkè, à Tchaourou, à Kilibo et
au Nigeria afin de réunir les frais de contrat d'apprentissage au
métier de leur choix. Cet itinéraire professionnel répond
aux aspirations des migrants qui, tout en cherchant un emploi, veulent
élargir leur répertoire de localités visitées. Seul
un petit groupe s'insérait directement, avec le statut de manoeuvre dans
les services publics comme les TP, la SBEE, ou encore dans les
dépôts de ciment. Ils sont généralement
célibataires avant de venir à Parakou.
A partir des années 90, les jeunes filles qui viennent
à Parakou pour `'faire des jobs» de vacance ou les travaux
domestiques, le font juste pour avoir de l'argent et aller apprendre la
couture, la coiffure ou le tricotage. Elles viennent souvent avec l'accord des
parents biologiques avec qui elles entretiennent d'étroites relations
d'entraide. Elles sont accueillies par les parents du village
déjà établis et utilisent ces réseaux relationnels
pour trouver rapidement du travail dans les restaurants locaux et dans des
ménages.
2.1.3 Organisation de l'accueil
La fonction d'accueil que remplissent souvent les familles
urbaines, maintient les solidarités familiales et diversifie les
réseaux relationnels. Dans les années 60, 70 et 80, les migrants
étaient accueillis par un frère du village qui se charge en moins
d'une semaine de leur trouver un logement dans les familles autochtones. Chaque
migrant en ce temps était adulte, 20 ans environ et marié
à
44
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
une ou deux femmes. Mais en venant, il se déplace avec
la première qui a parfois un enfant au dos. Les migrants à leur
arrivée sont généralement installés dans une
chambre à deux pièces. Ils travaillent dans les champs des
autochtones, en particulier leurs cohabitants pour mieux s'intégrer
à la famille hôte. Au fil du temps, généralement en
une saison agricole, ils obtiennent des terres sous forme de prêt ou de
don ou même exploite sans contrat une forêt pour en faire un champ.
Pendant la saison sèche, ils travaillent comme aide maçons sur
les chantiers de construction pour remédier à la réduction
des activités agricoles.
Si les premiers groupes servaient comme manoeuvres dans les
champs de leurs hôtes autochtones, propriétaires de logements et
de terres, les seconds sont accueillis par un parent Lokpa du village
exerçant un métier souvent non agricole. Ceux-ci répondent
souvent en termes de parenté sociale (parenté non fondée
sur des relations de consanguinité ou d'alliance) et non en termes de
parenté biologique. Ils viennent individuellement ou à deux et
sont plus jeunes que les chefs de ménages qui les accueillent. Ainsi,
les parents qui accueillent cette catégorie de migrants ont souvent un
emploi stable ou occasionnel. Ceci s'explique à travers ces propos :
« Compte tenu des problèmes de vie sociale,
j'ai laissé l'école malgré moi. C'est ainsi que je me suis
dirigé vers Parakou en 83 malgré moi auprès de l'oncle de
ma mère, un ingénieur des TP. Avant de venir à Parakou, je
n'en entendais pas parler. C'est en 86 que j'ai commencé la soudure
à Zongo. J'ai été guidé par l'oncle ». (B.A.,
42ans, soudeur et zémidjan, EPP centre, 13.04.07)
Ce discours décrit l'une des nombreuses stratégies
utilisées par les jeunes migrants pour s'intégrer dans la famille
d'accueil et dans les secteurs d'activité urbains. Ceci prouve qu'il y a
eu évolution dans les conditions d'accueil des migrants.
2.2 Organisation sociale des Lokpa à Parakou
45
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
2.2 .1 Organisation familiale
Pour Balandier (1981), en même temps que la
société urbaine détermine de manière
immédiate des transformations importantes dans l'ordre des rapports de
parenté ; elle suscite une réduction du champ de la
parenté et tend à faire prévaloir l'existence autonome de
la famille restreinte. L'organisation familiale des familles migrantes a
évolué même si ce n'est pas exactement dans le sens du
postulat de Balandier.
Les Lokpa à Parakou dans les années 60-70
vivaient dans les familles autochtones qui les ont accueillies. Ils
partageaient le même cadre de vie, souvent les mêmes
activités. Entre les années 70 et 80, la plupart des premiers
migrants se sont construits une habitation autonome et vivent désormais
dans une homogénéité familiale, du point de vue culturel.
Ainsi, on distingue aussi bien des familles étendues que des familles
nucléaires larges. Les familles étendues se dénombrent
beaucoup plus dans le groupe des premières générations de
migrants et sont composés de trois à quatre ménages. Les
familles comprennent généralement les grands parents, les
parents, les enfants et les collatéraux souvent en séjour
temporaire.
Les familles nucléaires caractérisées par
leur taille : 04 à 05 personnes, se comptent beaucoup plus dans le
groupe des jeunes migrants, nouvellement établis. En ce qui concerne les
familles étendues, la majorité des chefs de familles sont des
sexagénaires, ayant en moyenne deux femmes, six à huit enfants et
vivent dans des cases en banco coiffées de tôle. Ces familles sont
non seulement composées de parents nés au village (Ouaké),
et des enfants nés à Parakou, mais aussi des collatéraux
venus du village et incorporés au système familial. Ce statut de
chef de famille a d'autant plus son importance que même le jeune couple
qui a quitté " la grande maison", reconnaît au chef de famille son
statut et son autorité.
46
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
2. 2.2 Vie religieuse
La religion participe au renforcement et à
l'élargissement des réseaux de solidarité des migrants.
Les Lokpa établis ou résidant à Parakou sont en grande
majorité des musulmans. Les autres sont des chrétiens catholiques
et chrétiens évangélistes. Parmi les chrétiens,
nombre sont ceux qui ont des prénoms musulmans et ont l'habitude de dire
: « Nous avons connu la parole de Dieu, quand nous étions
à Bougou, à Sosso, à Béléfoungou etc.
». Par contre certaines familles sont chrétiennes depuis le
village d'origine, mais une fois établies à Parakou, elles ont
été influencées par l'Islam pratiqué par les
voisins. C'est ce qu'illustrent les propos suivant :
« J'étais chrétien mais mes femmes et
mes enfants n'aiment pas aller à l'église et ça
m'étonne, je les ai réunis et ils m'ont conseillé de
devenir musulman ; nous le sommes tous maintenant. » (A. I,
55ans, cultivateur, père de 21 enfants, Banikanni, 30.09.2005)
Dans le même temps, les musulmans accusent certains
chefs religieux d'avoir diabolisé certains rituels de leur coutume, ce
qui a contribué à la fragilisation de leurs pratiques culturelles
dans le milieu d'accueil. Les fidèles de l'Eglise
évangélique sont convaincus eux aussi que ces pratiques
constituent `'une oeuvre de Satan».
2.2.3 Socialisation des enfants
Le processus d'inculcation des valeurs culturelles et morales
propre au Lokpa s'effectue en grande partie suivant les principes religieux
musulmans ou chrétiens. Selon les propos de nos interlocuteurs, les
parents au village attribuaient le nom à l'enfant selon la
solennité du jour de sa naissance ou les conditions de sa conception. On
nomme également un enfant selon son sexe et son rang de naissance ; Les
prénoms attribués aux enfants dans le système traditionnel
sont Koundé, Koundarou, Sindjaloum, Bayaba, etc. Koundé est par
exemple le prénom attribué à un garçon né le
jour de koundé (jour du marché du pays lokpa selon le calendrier
traditionnel). Si c'était une fille, on
47
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
l'appellerait Koundarou. Ce jour est
généralement le mardi. Un enfant sollicité par la maman
auprès de la divinité Sindjaloum, s'appellera Sindjaloum,
Madjitam, Tchila (jour férié ou de repos selon le calendrier
traditionnel), kouneli, Tchantaga, Tchaou (enfant garçon, né au
deuxième rang chez une même mère), Yolou, Bio (enfant
garçon, né au troisième rang) Kpéké (fille
née au troisième rang) sont autant de prénoms que les
parents donnaient aux enfants. Les parents à Parakou n'attribuent aucun
de ces prénoms à leurs enfants, prétextant l'emprise de la
religion musulmane ou chrétienne et leur séjour en milieu
urbain.
C'est pourquoi, rares sont les enfants Lokpa nés et
éduqués à Parakou, ayant subi les 4 ou 5 étapes des
rites d'initiation de l'homme Lokpa. L'enfant à 7 ou 8 ans devrait faire
le rituel de kamu (rituel de chicote), effalo à 12
ans, effassosso à 15ans, ewassèlè et
waa à la grande adolescence entre 18 et 20 ans. Certains
parents disent :
« Je n'ai pas fait waa parce que nous suivons Dieu
depuis le vivant de notre père et quand on suit Dieu, il ne faut pas
faire le mélange avec `'satan». Même si on était au
village et connaissant, la parole de Dieu on allait refuser. Advienne que
pourra ». (KOKORO Fidel 49 ans, maçon, cultivateur, une femme, 7
enfants, Tourou, 16.10.2006)
En outre, les enfants, quel que soit leur sexe, sont inscrits
à l'école dès l'âge de 6 ans. Cette attitude
expliquerait la rareté des petites filles migrantes sur le marché
de l'emploi. Parlant de l'emploi domestique des filles adolescentes, la femme
d'un intermédiaire dans le placement des filles domestiques s'exprime en
ces termes :
« Même si tu cherches aujourd'hui une bonne de
12 ans, tu n'en trouveras plus parce que chaque parent veut que son enfant
aille à l'école. Même si tu voulais simplement l'adopter,
son père ou sa mère va t'exiger d'inscrire son enfant à
l'école. Ce n'est plus comme avant. » (M.O., 38 ans, femme d'un
intermédiaire dans le placement d'enfant, Banikanni28.03.07)
48
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
2.2.4 Organisation des funérailles
Les funérailles chez les migrants Lokpa à
Parakou s'organisent suivant le rituel musulman ou chrétien. Pour
beaucoup d'interlocuteurs aussi bien vieux que jeunes, les
cérémonies traditionnelles funéraires
(kukpèlem) ne peuvent pas s'organiser dans leur milieu de
migration pour des raisons géographiques, financières et
religieuses. A ce sujet, un homme affirme :
« Mon père est mort et enterré ici au
cimetière. Comme mon père est catholique nous n'avons pas fait
Kukpelem, nous ne lui ferons jamais Kukpelem. L'argent est aujourd'hui
difficile, plus question de boeuf, même pour les personnes
décédées on demande seulement la messe. Chez les
chrétiens on achète un sac de maïs pour faire de l' akassa,
la pâte et 2 sacs de riz pour recevoir les gens. Avec Kukpelem, il faut
100 000 à 200 000 f, c'est plus cher. Quand ma maman mourra au village
j'achèterai un boeuf parce qu'elle est au village et je serai
obligé de lui faire Kukpelem ». (Y. M., 34 ans, marié,
père de deux filles, Ganon, 24.08.2005)
Les pratiques religieuses constituent donc pour les migrants
un canal pour s'affranchir de certaines contraintes culturelles.
2.3 Recomposition des relations familiales
2.3.1 Relations intrafamiliales
L'organisation familiale est relativement diversifiée
selon l'âge et le statut socioprofessionnel du noyau familial (les deux
époux ou le mari et ses épouses). Les épouses sont
généralement plus de deux si le mari est cultivateur et sont
mariées depuis le village avant l'établissement de la famille
à Parakou. Les chefs de famille, autrefois ouvriers sur les chantiers de
construction ou fonctionnaires et hommes ayant eu à émigrer
plusieurs fois avant de s'établir, ont rarement deux femmes. Au noyau
familial (époux), s'ajoutent leurs enfants et les enfants du
frère ou de la soeur des époux. En dehors de quelques rares
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
familles dans lesquelles vivent le couple de
sexagénaires et des petits enfants , les membres des familles
étendues vivent dans des maisons relativement spacieuses de quatre
à six chambres.
Les familles nucléaires sont constituées de
jeunes couples détachés de la famille étendue, suite
à l'ascension socioprofessionnelle du chef de ménage,
âgé généralement de 25 à 35 ans. Ces jeunes
chefs de ménage autrefois contraints de changer de résidence du
fait de l'exiguïté des chambres qu'ils habitaient dans la famille
étendue, se retrouvent rattrapés par la même situation, une
fois établis.
![](Environnement-urbain-et-changements-familiaux-au-Benin-Cas-des-migrants-Lokpa-de-Parakou4.png)
49
Photo n° 01 : Ancienne maison familiale
Photo n° 02 : Maison d'un jeune
construite en 1962 modèle de succès de 30ans
à
Banikanni Est
Les familles ne tardent pas à s'agrandir après
l'acquisition d'une habitation par le jeune chef de ménage qui accueille
tantôt des veuves du village, tantôt un jeune frère ou un
cousin à la recherche d'un secteur d'apprentissage, transformant ainsi
la famille nucléaire en une famille nucléaire large. La femme
fait venir son jeune frère ou sa jeune soeur du village, pour apprendre
un métier si c'est un garçon ou pour l'aider dans les travaux
domestiques si c'est une fille.
Dans ce milieu de migration, quelles que soient la taille et
la forme de la famille, elle a comme chef un homme qui exerce son
autorité sur les autres membres de la famille. Les relations de respect
de l'autorité et de savoir vivre, régissent les rapports intra
familiaux.
50
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
La scolarisation des enfants est à la charge du
père, sauf dans de rares cas ou celui-ci est totalement démuni.
La mère supporte les charges qu'elle juge essentielles (achat des
cahiers et stylos et paiement de la contribution scolaire). Il en est de
même des dépenses de santé des membres de la famille.
2.3.2 Relations intergénérationnelles
L'organisation familiale a connu d'importantes modifications
suite au départ de certains hommes de la famille étendue. La
constitution de nouveaux ménages autonomes confère des
responsabilités en terme de décisions à prendre et de
l'exercice de l'autorité. Les jeunes qui quittent la famille
étendue sont ceux qui ont acquis une certaine réussite sociale
leur permettant de se prendre en charge. Ainsi, leurs investissements sont
désormais plus orientés vers leur cellule familiale que vers la
grande famille. Les aînés qui n'ont pas réussi et qui
continuent de vivre dans la famille étendue, se disent satisfaits du
succès des cadets.
Le respect mutuel qui existait entre cadets et
aînés continue d'être observé même si le membre
qui a quitté la grande famille n'est plus aussi disponible à
répondre aux nombreuses sollicitations de la famille étendue. Le
jeune chef de ménage supporte de moins en moins la scolarité de
ses neveux et nièces et limite son assistance financière aux
cadeaux occasionnels aux personnes âgées de la famille qui l'avait
abrité. Cet affaiblissement des solidarités intrafamiliales tient
moins à l'individualisation des rapports sociaux qu'au souci de faire
face aux exigences de la vie citadine. D'ailleurs, le nouveau chef de
ménage répond à l'appel, à l'invitation des
aînés de la grande famille quand les circonstances l'exigent.
C'est ce fait que Abdoulaye Bara-Diop explique, en parlant de
l'indépendance des nouveaux ménages, en ces termes :
« si le chef de famille ne contrôle plus de
ressources communes, avec la disposition du champ collectif, il n'a plus les
moyens d'exercer une autorité effective sur les membres de la famille
autres que ceux de son ménage (il en est
51
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
de même en ce qui concerne sa femme). On lui
reconnaît néanmoins une autorité morale faite
d'expériences et de sagesse. L'indépendance économique du
garçon se traduit par la manifestation de grande autonomie dans
l'utilisation de revenus, aspiration à plus de loisirs, davantage de
liberté dans le choix de l'épouse» (1985 :175).
Quand il y a un décès, un mariage ou un
baptême dans la grande famille, la jeune famille s'implique au même
titre que les autres membres. Les logiques antérieures du droit
d'aînesse sur les cadets sont de plus en plus bouleversées
particulièrement avec l'emploi domestique. L'oncle ou la tante ou encore
le grand frère qui détourne la rémunération
mensuelle de la fille domestique, ne représente plus grand-chose aux
yeux de celle-ci. Certaines familles boudent parfois ce parent
malhonnête. D'autres le convoquent auprès du chef de famille qui
généralement réussit à régler le
problème. Les solidarités lignagères en matière de
pratique de confiage des enfants sont limitées et très
orientées vers les parents biologiques plus proches. A ce propos, un
interlocuteur affirme :
« Je vis avec ma femme et sa petite soeur. Je ne peux
pas garder l'enfant de ma fille mariée ici parce que elle et son mari ne
me respectent pas. » ». (KOKORO Fidel 49 ans, maçon,
cultivateur, une femme, 7 enfants, Tourou, 16.10.2006)
2.3.3 Relations intragénérationnelles
Les relations intragénérationnelles dans le
groupe d'âge des personnes âgées se traduisent par des
visites régulières, généralement une fois par jour,
les soirs vers 17h. Les vieux se retrouvent par groupes de trois ou quatre pour
discuter aussi bien de l'actualité que des problèmes familiaux.
Le vendredi consacré comme jour de repos pour les ménages
agricoles, le nombre de visite s'accroît : une, le matin vers 10 h et une
autre le soir vers 17 h. Les visites sont souvent limitées aux
fréquentations de courtoisie. Ainsi, les groupes d'âge se
retrouvent selon qu'ils sont grands parents, parents, et fils, de même
génération.
52
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
Les jeunes filles domestiques de la même
génération se retrouvent également les dimanches ou les
lundis chez un de leurs parents. Ces occasions sont souvent des moments
d'échange d'informations sur les conditions de vie et de travail de
chacune. Elles discutent également de leurs projets de vie et des
possibilités d'emplois mieux rémunérés.
Les jeunes hommes quant à eux, se retrouvent souvent
dans les lieux de réunions et dans certains lieux privés chez un
artisan. A Banikanni par exemple, les jeunes lokpa se retrouvent chez certains
tailleurs, mécaniciens de motos ou menuisiers. Ces lieux de regroupement
sont également des repères vers lesquels sont orientés les
nouveaux migrants à la recherche d'un parent. Ils s'informent
également à ces endroits sur les opportunités d'emploi et
sur l'actualité au village et dans leur lieu de résidence.
Quant aux femmes, elles se retrouvent également dans
les lieux où elles exercent les activités
génératrices de revenus : ateliers de couture, lieux de vente
d'igname pilée, etc.
2.4 Insertion socioprofessionnelle des migrants
Le processus d'insertion des migrants est un processus
dynamique traduisant la manière dont les migrants arrivent à
répondre aux besoins de logement et d'emploi dans leur milieu
d'accueil.
L'ancienne génération a réussi son
établissement grâce aux activités agricoles et aux petits
travaux sur les chantiers de construction de bâtiments publics. Les
femmes exercent généralement les activités de
transformation comme la fabrication du gari ou le petit commerce : vente
d'igname pilée, de fromage de soja , de beignets, de brosse à
dent végétale, d'arachide, des fruits saisonniers et du bois de
chauffe.
A partir des années 90, les jeunes migrants viennent
avec l'idée d'apprendre un métier, même si cet objectif est
parfois retardé par les réalités
53
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
citadines comme les problèmes de logement et la
difficulté à trouver un emploi qualifié. Les
métiers vers lesquels les jeunes s'orientent sont : la
maçonnerie, la couture, la menuiserie, la mécanique auto et moto,
la coiffure et la conduite de mototaxi (zémidjan). Un jeune
décrit son parcours :
« Quand je suis né à Badjoudè,
mon père m'a mis en apprentissage de menuiserie et j'ai refusé.
Puis après à l'apprentissage de soudure et ça n'a pas
marché. Maintenant j'ai 25 ans. C'est le travail de ferrailleur que j'ai
appris et je vais prendre le diplôme cette année. Cette moto,
n'est pas la moto de mon grand frère qui m'a amené ici. J'ai une
grande soeur qui est mariée à Cotonou. C'est chez elle que je
suis allé prendre de l'argent pour acheter cette moto, faire
zémidjan avec, et avec cet argent j'irai prendre mon
diplôme». (D. K., 25ans, ferrailleur, Zémidjan,
célibataire, niveau CE1, Banikanni, 12.08.2006)
Dans le groupe des zémidjan, beaucoup sont des jeunes
qui, après avoir appris un métier, exercent temporairement ce
métier le temps de réunir la somme d'argent pouvant servir au
payement du contrat d'apprentissage ou à leur installation. C'est le cas
de cet interlocuteur :
« Je travaille et j'amène 1.500 F par jour au
propriétaire. C'est là que je trouve ma part. Quand je travaille,
je gagne parfois 2.000 F, 2.500 F, 3.000 F après avoir soustrait
l'argent d'essence et celui du propriétaire. Actuellement je suis
entrain de chercher 30.000 F pour faire ma libération. Si je trouve cela
aujourd'hui, je retourne la moto et je vais prendre mon diplôme. Il y a
du soleil, tu es dedans. Il n'y a pas de soleil, tu es dedans, parce que tu
veux manger. C'est ce que nous faisons. Tu as appris un métier et tu
n'as pas encore pris ton diplôme, si tu manques d'argent, tu iras voler ?
C'est pourquoi nous avons vu que c'est mieux de faire du zémidjan.
Même si le soleil te frappe, personne ne viendra t'attraper pour dire que
tu as volé ». (IBRAHIM Awali, 30ans, coiffeur, zémidjan,
célibataire, Ladji Farani, 03.04.2006)
![](Environnement-urbain-et-changements-familiaux-au-Benin-Cas-des-migrants-Lokpa-de-Parakou5.png)
54
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
![](Environnement-urbain-et-changements-familiaux-au-Benin-Cas-des-migrants-Lokpa-de-Parakou6.png)
Photo 03 : Apprentis menuisiers Lokpa
apprenant chez un patron Lokpa. Photo 04 : Deux
jeunes migrants
Lokpa conducteurs de taxi moto
Parmi les jeunes migrants saisonniers on dénombre
également ceux venus des villages de Djougou, pour conduire les taxis
motos pendant la saison sèche. Un autre groupe encore est
constitué de migrants de retour du Nigeria qui ne sont revenus
qu'après deux ans de séjour là-bas, avec une moto chacun.
Ils s'auto emploient pour réunir la somme d'argent nécessaire
pour l'apprentissage d'un métier de leur choix. C'est dans ce groupe
socioprofessionnel qu'on dénombre un grand nombre de locataires
généralement habitant des chambres à deux
pièces.
Les nouveaux patrons en menuiserie, mécanique, couture
et maçonnerie, une fois le diplôme obtenu, s'installent à
Parakou. Leur installation devient une grande porte d'entrée en
apprentissage pour de nouveaux jeunes Lokpa nouvellement venus ou nés
dans le milieu d'accueil.
CONCLUSION
L'insertion des migrants s'opère dans le cadre des
réseaux sociaux, de stratégies familiales résolument
tournées vers l'ascension sociale. Les changements survenus dans
l'accueil des migrants et l'organisation familiale
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
expriment l'interaction à l'oeuvre entre structure
familiale et conditions de vie urbaine.
55
Chapitre 3 : ELEMENTS DE CHANGEMENTS MATRIMONIAUX ET
DES RESEAUX SOCIAUX
Les pratiques matrimoniales ont connu de transformations
induisant des comportements et des pratiques sociales spécifiques.
L'émergence de nouveaux réseaux sociaux constitue
également l'un des points d'articulation du chapitre.
3.1 Statut de la femme
« Dans la société
traditionnelle africaine, la famille était la principale source de
statut social des femmes. Même face à l'évolution des
rôles tenus par les deux sexes, cela reste encore le cas pour une grande
majorité de femmes africaines » (Adepoju
1999 : 22). Même si le constat fait par l'auteur est
globalisant, il a le mérite d'être tout aussi vérifiable au
niveau de certaines
56
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
catégories sociales. La femme Lokpa à Parakou,
dans les années 60 à 90, était non seulement responsable
des tâches ménagères, mais aussi responsable de la
commercialisation des vivriers provenant des champs de son époux. Sous
l'autorisation de son époux, elle investissait une partie des revenus
dans les dépenses alimentaires du ménage et dans le soutien aux
enfants. Dans la famille traditionnelle, le statut économique d'un
membre de la famille est déterminé par son sexe. La femme par
exemple a le droit d'avoir un champ chez ses parents mais n'en fait pas parce
que tout le monde conçoit que c'est chez son mari que la femme peut
posséder un champ personnel sous l'autorisation de celui-ci.
A partir des années 2000 caractérisées
par la crise cotonnière, les ménages agricoles, ont dû
diversifier leurs sources de revenus. L'homme va au champ pour cultiver les
produits vivriers et la femme s'occupe des activités
génératrices de revenus telles que la transformation du manioc en
gari, la fabrication du fromage de soja, la vente d'igname pilée, de
beignets, etc. Le capital financier permettant d'exercer ces activités
est généralement l'apport personnel de la femme. Dans les jeunes
ménages où les chefs de ménage exercent une
activité non agricole, les femmes exercent des activités
génératrices de revenus avec le soutien financier de
l'époux. C'est le mari qui constitue les fonds de démarrage
à sa femme pour le petit commerce, ou contribue parfois aux frais de
formation professionnelle de celle-ci dans les activités telles que la
couture et la coiffure.
Dans les familles étendues où les chefs de
famille sont de la tranche d'âge de 60 ans et plus, ce sont les femmes
qui s'occupent des charges scolaires de leurs enfants. Même si cet
inversement de rôle pèse sur leur économie, elles ne
trouvent aucun inconvénient à prendre le relais de leurs
époux affaiblis. C'est ce que témoignent ces propos d'une femme
:
« Au départ, c'était lui qui s'en
occupait, mais maintenant il a
abandonné. C'est moi qui m'occupe, aussi bien de mon
fils, que de
57
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
l'une des filles de mon petit frère qui va aussi
à l'école. Il y a aussi une fille de ma petite soeur dont le papa
paye la scolarité. Je paye uniquement pour mes deux enfants et ma
nièce. Je ne boude pas pour autant mon mari car quand il en avait, il
faisait. Maintenant qu'il n'en a plus, si moi j'en ai, je fais jusqu'à
ce que je n'en puisse plus. De plus, ce n'est pas chez moi seule que c'est
ainsi, c'est ainsi avec nous toutes et nous avons toutes des enfants. Ce que tu
vas manger le matin, c'est toi qui sais, ce que tu vas manger le soir c'est toi
qui sais. Quand le pétrole finit, c'est ton problème ».
(A.N.L, 51 ans, ménagère, Banikanni28.03.2006)
Dans la famille, en cas d'absence du chef de famille, pour
cause de maladie ou de voyage, c'est la première femme qui exerce
provisoirement l'autorité sur l'organisation familiale. La fonction de
première épouse est réservée à
l'épouse dont les parents de l'époux ont demandé la main
pour lui, avant qu'il n'épouse la femme de son choix.
La femme est associée aux prises de décisions
surtout à l'occasion des mariages ou baptêmes dans la famille
où elle est mariée. Les femmes selon la place qu'elles occupent
dans le système familial, sont consultées, sollicitées et
impliquées dans la résolution des problèmes familiaux.
Toutefois, certaines jeunes épouses pensent que la femme en milieu Lokpa
n'est pas respectée. Cette perception contrastée du statut de la
femme selon les générations se traduit également dans les
rapports matrimoniaux.
3.2 Nuptialité et mariage
3.2.1 Nuptialité
Le processus d'entrée en union en milieu immigré
lokpa a évolué dans le temps. Les groupes de migrants qui
venaient à Parakou dans les années 60-70et 80 étaient
constitués en majorité de personnes mariées. L'homme
était
58
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
généralement de la vingtaine et son
épouse un peu moins. A partir des années 90, cette tendance s'est
inversée avec un passage tardif des jeunes en mariage et une
recomposition des stratégies de mariage. Les jeunes migrants en
direction de Parakou, viennent à l'âge de 25 à 30 ans,
célibataires sans enfant.
Suivant les étapes de leur socialisation, ils passent
par l'école, cadre formel d'instruction,et les activités
agricoles intenses,après avoir échoué à
l'école. L'expérience des activités agricoles intenses, en
rapport avec la modestie des avantages obtenus de ces activités par les
jeunes, incite ces derniers au départ pour aller chercher
(måtå yala). Aller chercher fortune ailleurs, telle est la
mission que s'assignent les jeunes en allant « faire de jobs »
(travail agricole rémunéré) dans les régions de
Djougou, de Bassila, de Savalou, de Savè, de Tchaourou, de N'dali ou de
Bembèrèkè ; avant de venir à Parakou. Ce temps
passé pour `' faire de jobs`' retarde l'âge d'entrée en
union matrimoniale des jeunes à tel point qu'il y en a jusqu'à
l'âge de 35 ans qui vivent sans compagne. Ceux-là disent :
« Je n'ai pas de femme car je n'ai pas trouvé
à manger, je
peux chercher femme ? C'est Dieu qui sait comment et quand
je vais me marier. Je cause avec toutes les filles. Mais elles ne sont pas
mes
copines ».
Alors que l'âge au premier mariage des parents variait
entre 20 et 25 ans, celui des jeunes hommes de la dernière
génération varie entre 25 et 35 ans selon les interlocuteurs
rencontrés. Ces derniers attendent d'abord de finir d'apprendre un
métier et de s'installer avant de s'engager dans le mariage. De
même, les filles après l'exercice de l'emploi domestique,
apprennent un métier pendant en moyenne 3 ans avant de se marier
à 25 ou 26 ans. Les jeunes migrants ayant grandi à Parakou,
vivent la période de célibat relativement moins longtemps que
leurs aînés compte tenu de la rapidité de leur insertion
professionnelle. A ce propos un jeune migrant témoigne :
« J'ai une copine avec qui nous avons fait deux ans.
C'est à
cause de mon diplôme que nous ne nous sommes pas encore
mariés.
59
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
Si j'obtiens mon diplôme et que j'ouvre mon atelier,
nous allons nous marier. Elle-même est en congé de
libération pour la couture. Quand
elle aura pris son diplôme et que j'aurai pris le
mien, nous pourrons
nous entendre ». (IBRAHIM Awali, 30ans, coiffeur,
zémidjan,
célibataire, Ladji Farani, 03.04.2006)
Les jeunes filles, quant à elles, en même temps
qu'elles économisent de l'argent pour apprendre un métier, elles
achètent également les nécessaires du trousseau de mariage
: les pagnes, les bols, les chaussures et les bijoux. Pour la grande
majorité très peu sont instruites et demeurent
célibataires jusqu à l'âge de 28 ans, pour de rares cas
avec enfants. Cette augmentation de l'âge au premier mariage se constate
le plus dans le groupe des anciennes domestiques. Celles qui ont migré
vers Parakou exercent les travaux domestiques ou parfois contraintes par les
parents biologiques à l'âge de 15 ans à exercer l'emploi
domestique. Quant aux filles nées à Parakou, elles migrent
souvent vers Cotonou après avoir échoué à
l'école primaire. A l'âge adulte, celles-ci, après trois ou
cinq ans de séjour, reviennent présenter leurs amis qui ne
tardent plus à demander leur main.
Dans le choix des conjoints, contrairement à l'ancienne
génération qui oriente généralement son choix vers
la grande famille, la jeune génération fonde son choix
relativement sur les critères d'appartenance ethnique et religieuse.
L'exogamie est plus prononcée dans leur groupe que dans celui de leurs
parents. Mais, si ce sont les parents qui font le choix ou qui orientent le
choix de leurs fils, ce choix est toujours orienté vers l'endogamie. Le
père peut proposer une fille de sa famille maternelle à son fils.
La tante maternelle peut également proposer une fille à son
neveu. Cette pratique renforcerait durablement les liens familiaux selon eux.
Les jeunes migrants épousent en majorité des Lokpa, les Yom, les
Baatombu, les Dendi, les Yorouba et les Bètamaribè.
60
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
Les jeunes migrants vivent en union libre pendant 2 ou 4 ans.
Certains conjoints font leur rencontre au village lors des séminaires ou
au cours des funérailles au village, d'autres chez un ami à
Parakou.
3.2.2 Mariage
Le mariage pour Balandier in
M. Koné et N. Kouamé (2005
: 66-67) est : « un contrat social de durée
indéterminée qui lie non seulement deux individus, mais deux
groupes. Du côté de l'homme, le mariage assure la
continuité de la lignée, l'aide apportée par le travail de
la femme et de la possibilité de multiplier les dépendants. Du
côté de la femme, le mariage socialise sa fécondité
et sa puissance dans le travail. Il lui donne un statut légal en
libérant son capital créateur. Le mariage lui-même est une
institution avec ses règles et son mode de fonctionnement interne
».
Si, dans le passé, ce sont les parents du mari qui
entreprennent les démarches à l'endroit de la famille de la fille
pour négocier les préalables de l'union, aujourd'hui, c'est le
jeune homme lui même qui fait d'abord le choix de son amie avant de la
faire connaître à ses parents un ou deux ans plus tard.
L'identification et le choix de la femme dès la naissance de la fille
par le père de l'homme, ne constituent plus la démarche de la
jeune génération dans le choix de l'épouse. Un chef de
ménage constate le changement des démarches matrimoniales en ces
termes :
« C'est maintenant que vous vous dites qu'on ne doit
pas forcer quelqu'un pour lui donner de mari. Entre temps, c'est ton
père qui doit aller voir le papa de la fille. C'est eux qui s'entendent
d'abord avant qu'ils n'ordonnent d'aller demander sa main. Quand j'avais ma
fiancée si c'est elle qui marche sur le même chemin que moi, en me
voyant, elle change de chemin, et moi de même. Vous ne devez pas causer,
ni échanger. C'est ton père qui te dit : `'j'ai demandé la
main de telle fille pour toi `' et c'est fini ». (Abdoulaye Taïrou,
44 ans, cultivateur, Banikanni, 28.03.2006)
61
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
La question des prestations matrimoniales (ensemble des biens
et services que doit offrir le mari à la famille de sa femme avant le
mariage) depuis une vingtaine d'années a été revue par les
sages de Ouaké et leurs recommandations sont suivies ici à
Parakou, aussi bien par les familles musulmanes que par celles catholiques. Les
investissements humains qui continuent de se faire à Ouaké dans
les champs des parents de la fille par le fiancé, ses parents et amis,
sont ici remplacés par les cadeaux de savon, du sel et d'argent. Le
jeune fiancé et ses parents n'envoient pas les produits de leurs
récoltes aux parents, mais attendent la période de
célébration de mariage pour remettre une somme variant entre 50
et 60.000 F aux beaux parents pour la constitution du trousseau de mariage.
Mais de plus en plus, les migrantes nées ou ayant séjourné
longtemps à Parakou souhaitent célébrer des mariages plus
coûteux.
Pour les fidèles de l'Eglise des Assemblées de
Dieu, le mariage se célèbre avec moins de 30.000 F, car, dans ce
système, la dot et les différentes dépenses matrimoniales
ne comptent pas, l'essentiel est que l'union soit bénie dans "
la maison de Dieu ". Mais, cela n'empêche pas
que l'homme dépense de l'argent pour son épouse pour l'obtention
d'un diplôme professionnel, ou pour le petit commerce.
Dans les familles musulmanes, il existe également des
stratégies de contournement qui consistent pour l'homme à cumuler
baptême de l'enfant et mariage sans payer les 50 ou 60.000 F. Toutefois,
il prend l'engagement de payer ladite somme aux beaux parents (pour sa femme)
dès que les circonstances le permettraient. Ce sont donc les mariages
préférentiels qui sont pratiqués de façon
fréquente aujourd'hui dans la société Lokpa, contrairement
aux mariages prescriptibles d'antan. Comme l'ont soutenu Mariatou Koné
et N'Guessan Kouamé, « Dans une
société africaine où la procréation est un facteur
très important d'intégration sociale, le célibat, à
partir d'un certain âge,
62
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
n'est plus toléré. L'être humain complet
ne se réalise que dans l'état du mariage »
(2005 :71). Ainsi à partir de 25ans, une fille sans
fiançailles ni mariage, subit déjà les critiques des
parents et amis. Chez les hommes, les critiques commencent à partir de
la trentaine. Actuellement, les dépenses matrimoniales en milieu lokpa
sont modestes par rapport à la pratique courante des familles
autochtones qui dépensent en moyenne 500.000 F. Un jeune marié
présente le tableau suivant :
« Nous l'avons fait comme les musulmans le font. Je
l'ai dotée avec 10.500 F et la cola de 4.500 F. Pour
célébrer le mariage, on dépose 10.000 F pour les alfas.
Pour les pagnes, nous avons acheté, quatre pagnes. Ce sont les parents
qui ont acheté. Dans la religion musulmane, elle achète de son
côté et vous de votre côté, vous achetez sept pagnes,
plus deux paires de chaussures, trois tèkentè (voiles) et un
bouta (une bouilloire). Le reste, colporte, bols, ce sont elles qui vont
acheter. Mais si tu n'as pas acheté les pagnes, tu leur donneras
l'argent pour acheter. Si tu as acheté un peu, elle complète
à ce colis ce qu'elle a pu réaliser depuis qu'elle était
jeune. Les 7 pagnes que j'ai achetés coûte environ 60.000F ».
( SARE Alidou 32 ans, ex coiffeur devenu zémidjan, niveau CM2,
marié, père d'un enfant,Banikanni,04.04.2006)
En anthropologie, la dot requalifiée sous le terme de
compensation matrimoniale, est définie comme : « l'ensemble des
biens que donne la famille d'un homme à la famille de son épouse
au moment (ou avant) le mariage. La fonction de cette institution est de
sceller le contrat de mariage, de légitimer la future descendance, de
dédommager le groupe de la femme pour la perte d'un de ses membres
» (M. Koné et N. Kouamé 2005 :85).
Aujourd'hui le payement de la dot qui se faisait sous forme d'investissement
humain et de dons de produits agricoles est totalement
monétarisée. Les biens entrant dans les prestations matrimoniales
varient légèrement suivant la puissance économique de
l'époux, comme l'illustrent les propos suivants :
63
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
« Nous avons fait 2 ans de vie en union libre, c'est
quand j'ai accouché que mon mari a demandé ma main. Il a
amené une calebasse de colas plus 20. 000 F, et 2.015 F à ses
grandes soeurs qui ont amené le colis à mon père qui l'a
accepté. Pour le mariage, normalement il devait amener 100 000 F
à mon père. Mais comme il avait le baptême à faire,
il ne l'a pas encore fait. C'est maintenant qu'il se prépare. Il va
acheter une valise, 4 Hollandais, 4 Côte d'Ivoire, 3 Ibo-mè, 5
Fancy, 18 voiles, 4 paires de chaussures, des bijoux que j'irai choisir
moi-même, et 5 ou 10 foulards. L'homme n'est pas obligé d'acheter
les bols ». (MOUSSA Alima, 30 ans, apprentie coiffeuse,
mère d'un garçon de quatre semaines, Zongo, 12.04.2007)
Les pratiques matrimoniales ont subi de profonds
bouleversements aussi bien dans la forme que dans le contenu. Depuis la
décision de l'union, des apports matrimoniaux effectués
jusqu'à la consommation du mariage, les différents acteurs
engagés dans cette institution, ont adapté leurs
stratégies aux réalités de leur temps.
3.3 Cadre de vie familial
3.3.1 Logement
Comme l'ont affirmé M. Koné et N. Kouamé,
«le logement qui est l'une des premières contraintes auxquelles est
soumis le citadin va conditionner la taille de la famille. En effet, quel que
soit le degré d'hospitalité du frère, de la soeur, du
cousin, de l'oncle ou du beau-parent, il ne peut, compte tenu de l'espace
restreint (exiguïté du logement) dans lequel il vit, accueillir
tous les candidats à l'hébergement » (2005 :13 ). Ce constat
fait en Côte-d'Ivoire est aussi une réalité que vivent les
familles Lokpa de Parakou dans la mesure où la plupart des jeunes qui y
vivent louent des chambres exiguës à un coût variant
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
entre 4.000 F et 10.000 F selon le nombre de pièces, le
standing de l'habitation et du quartier.
Les migrants, à travers les activités agricoles
et les travaux sur les chantiers de construction, établissent
également des relations d'amitié, parfois de "parenté
sociale"(parenté non fondé sur la consanguinité) avec les
autochtones. Ce réseau de relations est utilisé pour acheter une
parcelle de terrain, généralement à la
périphérie de la ville. Si dans les années 60 et 70, une
parcelle non lotie de 400 m2 pouvait s'acquérir à 5 ou
10.000F, dans les années 90, elle s'achète à 70.000F ou
120.000 F dans les années 2000. En quatre ou 6 mois l'acquéreur
érige des cases rectangulaires de deux à trois pièces, en
banco et coiffées de pailles ou de tôles. C'est ce cadre de vie,
cette nouvelle habitation qui permet à la famille de s'organiser de
façon autonome. Seuls les fonctionnaires et quelques rares
opérateurs économiques ont réussi à se construire
des maisons en matériaux définitifs : (ciment, portes
métalliques, clôtures). L'eau courante et l'éclairage
électrique existent également dans ses maisons.
![](Environnement-urbain-et-changements-familiaux-au-Benin-Cas-des-migrants-Lokpa-de-Parakou7.png)
Photo 05 : Maison d'un fonctionnaire Lokpa
retraité 64
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
Un ancien migrant témoigne sur ses stratégies
d'acquisition de parcelles de terrain :
« J'ai un grand frère ici, c'est chez lui que
je suis descendu, on est du même village. Il s'appelait Sindjaloum
Adamou. J'ai fait 4 mois et je l'ai quitté pour acheter ma parcelle
à 5.000 F. Quand je suis venu, j'ai vu cet endroit que j'ai
acheté et 4 mois après j'ai fini de construire. C'est un
intermédiaire qui m'a amené chez quelqu'un en ville à qui
j'ai dit que je veux acheter la parcelle. Les parents et amis m'ont aidé
à construire. J'ai construit des cases : 2 pièces pour
moi-même et 2 pièces pour chacune de mes quatre femmes ».
(A.I, 55ans, cultivateur, père de 21 enfants, Banikanni,
30.09.2005)
Les familles qui vivent dans des anciens quartiers
périphériques n'ont souvent pas de puits pour l'approvisionnement
en eau. On compte un puits souvent mal entretenu pour trois maisons. Ce sont
des puits qui tarissent régulièrement pendant la saison
sèche, en mars et avril.
3.3.2 Puits familial comme lien entre familles.
Le puits en milieu urbain peut être un facteur
d'affaiblissement ou de renforcement des rapports sociaux, des
solidarités traditionnelles. Dans les habitations des Lokpa
établis depuis les années 70, On dénombre en moyenne 1
puits pour 4 à 5 maisons. Ces puits sont dans leur
quasi-totalité, des puits artisanaux munis chacun de margelle en banco
ou cimentée. Les abords de ces puits sont dénudés et l'eau
est puisée au moyen de puisettes attachées à la corde.
![](Environnement-urbain-et-changements-familiaux-au-Benin-Cas-des-migrants-Lokpa-de-Parakou8.png)
66
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
Parlant de l'importance de leur puits, une femme s'exprime en
ces
termes :
« C'est ce puits qui nous sauve ici. Son eau est
douce et n'a pas de sel et est très agréable à boire.
C'est là que tous nos voisins viennent puiser de l'eau et quand
ça tarit, les garçons le curent. Nous buvons, nous
préparons, nous faisons la lessive avec cette eau. Tout le quartier
apprécie son eau ». Première femme de Akara Seïdou,
Banikanni, 05.04.2006)
Ce témoignage traduit non seulement l'utilité du
puits pour la famille propriétaire, mais aussi pour les familles
voisines. Par contre dans les nouvelles habitations des migrants, le puits
appartient à une famille de taille réduite et
généralement utilisé par elle seule. Cet avènement
de la recomposition des solidarités interfamiliales traduit le
caractère aléatoire de la capacité des nouvelles familles
à accueillir de nouveaux membres.
3.4 Rapports des migrants avec le milieu d'origine
Contrairement à l'ancienne génération,
les jeunes migrants partagent de moins en moins les bénéfices de
la migration avec le village. La distribution des fonds se limite à des
proches parents. Les migrants de la jeune génération se
retrouvent de plus en plus dans l'incapacité de s'assurer une source de
revenu permettant de contribuer au soutien de la famille, le plus souvent les
parents âgés restés au village. Le migrant se sent
obligé de remettre une part du revenu qu'il gagne dans les
dépenses de frais de scolarité, du loyer ou d'achat d'instruments
de travail ou de construction d'un atelier. Ainsi, un migrant à revenu
instable ou faible peut tout simplement ne pas retourner visiter sa
67
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
famille. Ce faisant, il évite ainsi d'avoir à
refuser l'assistance possible de la famille, comme l'indique le
témoignage suivant :
« Si mon engin est en panne, et il y a des
problèmes au village, je dois laisser le problème du village pour
m'occuper de l'engin parce que c'est de ça que je vis ici. Je sais
qu'ils ont besoin de mon aide, mais je n'envoie rien. Ma femme et mon enfant
ont dit qu'ils ont besoin de l'argent, je suis parti là-bas je leur ai
donné 1000F et après je leur ai envoyé 3000F. Un jour,
l'idée me vient de partir. Mais aller où ? On va rester d'abord.
Peut-être qu'un jour ça va changer ». (SANDA Tadjou, 30 ans
marié père d'un enfant, Zémidjan, Banikanni,
04.04.2006)
Les jeunes filles migrantes, pour mieux sécuriser leur
économie issue des activités dans le milieu d'accueil, envoient
de moins en moins leurs réalisations. Elles préfèrent les
amener elles-mêmes lors des voyages de grands rassemblements comme les
séminaires.
Cette expression de la dégradation des relations de
confiance entre migrantes et parents restés au village dénote
également d'une acquisition d'autonomie progressive dans la prise de
décision chez les filles.
3.4. Vie associative en milieu d'accueil
3.4.1 Lieux de réunion
L'Association des ressortissants de Komdè est l'une des
rares associations actives dans ce milieu de migration. Elle joue un rôle
clé dans le maintien des liens privilégiés avec le milieu
d'origine et renforce le contrôle social. Chaque premier dimanche du
mois, hommes, femmes, jeunes et vieux se retrouvent pour parler de leurs
conditions de vie à Parakou, ainsi que des problèmes de leurs
villages. En témoignent ces propos :
« Au cours de nos réunions je l'ai toujours
dit, il faut toujours souhaiter que ton fils te dépasse... Parce que les
temps sont différents. Au temps où nous avons commencé
l'association, il n'y avait pas plusieurs avantages, maintenant, il y en a. Si
vous avez une
68
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
association qui marche aujourd'hui, il y a plusieurs
avantages. Il faut qu'on puisse les aider pour qu'ils puissent faire plus pour
nous dans l'intérêt de nous tous. Pourquoi nous cherchons
aujourd'hui que nos enfants connaissent le village, qu'ils soient
habitués au village, l'enfant peut avoir un diplôme ici ou une
chose ici, si il voit que ça ne marche pas ici, il va au village. »
(Babio Bawa, retraité des T.P., Zongo, 27.04.2007)
La participation massive des ressortissants de
l'arrondissement de Komdè à ces rencontres, traduit leur
attachement à leur association ou du moins l'affirmation de son
dynamisme. Cette réponse massive à l'appel de l'Association des
ressortissants de l'arrondissement de Komdè témoigne
également du degré de crédit que les migrants Lokpa
accordent à cet espace de regroupement et d'échanges. Ce qui est
à relever également, c'est la présence massive des femmes
et des jeunes.
![](Environnement-urbain-et-changements-familiaux-au-Benin-Cas-des-migrants-Lokpa-de-Parakou9.png)
Photo 08 : Réunion des ressortissants de
Komdè à Parakou
Les femmes, qui auraient pu prétexter leurs nombreuses
préoccupations ménagères ou lucratives, se
présentent sur les lieux de la rencontre, généralement par
petits groupes de 3 ou 4. Ce qui laisse supposer un partage certain des
informations, au sein de l'association. Cette circulation de l'information au
sein du groupe, dans un milieu de migration, constitue l'un des atouts pour le
maintien de la cohésion des ressortissants de l'arrondissement de
69
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
Komdè. Dans la mesure où les membres de
l'association peuvent être informés, ils peuvent prendre leur
disposition à temps pour faire face à tel ou tel problème
les concernant soit à Parakou soit au village. En outre, c'est
également au lieu de rencontre, que circulent les informations les plus
récentes provenant du village d'origine. On note également la
présence massive des jeunes, en majorité des ouvriers
(maçons, menuisiers, zémidjans, chauffeurs, tailleurs). On y
dénombre quelques étudiants, des déscolarisés et
des sans emploi. Cette occasion est aussi saisie par certains pour guetter des
opportunités d'emploi.
La présence des personnes âgées à
la rencontre, renvoie à la dynamique des rapports
intergénérationnels entre migrants. C'est ce qu'illustrent les
propos suivants du sexagénaire Babio Bawa, président du bureau
sortant de l'association : « Nous voulons du sang neuf à
l'association pour le redynamiser afin que tout le monde puisse connaître
tous ceux qui parleront en notre nom». Cette affirmation des
personnes âgées de la reconnaissance de leurs limites,
relève également de la stratégie pédagogique des
aînés à l'endroit de la jeune génération.
D'ailleurs, l'une des manifestations de cette démocratie à la
base est la discipline du groupe au cours des travaux. La parole est librement
distribuée dans la discipline et chaque participant quels que soient son
âge, son sexe, la catégorie professionnelle à laquelle il
appartient, il est écouté avec intérêt.
3.4.2 Portée économique des
réunions
La tenue des réunions permet aux organisateurs de
collecter des «souscriptions volontaires» mais
réclamées ou exigées auprès de chaque membre. Ces
souscriptions varient de 200 f à 1.000 f. Les femmes cotisent entre 200
f à 500 f chacune, et les hommes entre 500 f et 1000 f chacun. Par
exemple, au cours d'une Assemblée Générale, une somme de
31 500f a pu être collectée. Compte rendu en a été
fait publiquement par le nouveau bureau à l'assistance.
70
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
La vie associative en milieu rural lopka semble n'avoir pas
intégré ou initié les opérations de tontines au
sein des membres de l'association selon les entretiens informels. Ce lieu de
rencontre des migrants Lokpa de Parakou est un espace d'échange de biens
d'une part, un lieu de rendez-vous pour jeunes amants Lopka, Berba, Ditamari ou
Dendi d'autre part. Les débats animés à la réunion
se poursuivent dans la soirée au marché Madjatom.
Le marché, autrefois animé dans un espace non
clôturé, se retrouve aujourd'hui de façon provisoire dans
la cour du centre de santé de Banikanni en construction. Le site
contient actuellement des bâtiments et est entièrement
clôturé. A entendre certains animateurs du marché, les
réflexions sont en cours pour le choix d'un autre site pour l'animation
du marché.
Au marché Madjatom de Banikanni il se vend la boisson
locale, bière des Lopka (Solum) par des jeunes dames.
L'animation de ce marché est révélatrice de
l'évitement de l'assimilation totale avec le milieu d'accueil.
Ce qui apparaît également de façon
prégnante, c'est la présence de certains fonctionnaires de
l'administration publique. Ils sont constitués de groupes d'amis Lopka
et Bètamaribè qui justifient leur présence en ce lieu
comme un simple divertissement. En outre, parmi les jeunes présents dans
les lieux, on dénombre des ouvriers, en particulier des maçons ou
manoeuvres des chantiers de BTP et surtout les Zémidjans. On constate
également que des discussions se mènent par petits groupes de 4,
5 ou 6 personnes. Les langues les plus utilisées par les
différents acteurs de ce marché sont le lokpa, le dendi et le
français.
ANALYSE CONCLUSIVE
71
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
Les processus migratoires s'enracinent dans des traditions de
mobilité spatiale qui remonte parfois à quelques
générations.
Pour identifier toutes les formes de familles migrantes
lokpa ainsi que leurs fonctions, l'hypothèse de recherche
formulée à cet effet est de vérifier si les conditions
d'établissement des familles sont tributaires de l'ascension
professionnelle de ses membres.
Dans le groupe des migrants lokpa, il existe plusieurs
modèles familiaux : la famille étendue, la famille
nucléaire simple, et la famille nucléaire large. Si la
première forme se retrouve dans le groupe de migrants des années
70 et 80, les modèles de familles nucléaires se
révèlent avec plus de prégnance dans le groupe des jeunes
migrants venus vers les années 90. De ces familles, partent de jeunes
gens en migration ou pour servir de main d'oeuvre locale. Ces familles
migrantes établies, accueillent ou constituent des pôles de
transit pour de nouveaux migrants à la recherche d'emploi à
Parakou ou à Cotonou surtout pour les filles et jeunes dames. L'espace
familial constitue ainsi non seulement un cadre de socialisation de ses membres
mais surtout le point de départ et d'attraction de la
mobilité.
La cellule familiale à travers également son
implication dans la gestion de la rente migratoire, de l'insertion
professionnelle de jeunes migrants ou migrants de retour, affirme
désormais son autorité dans la trajectoire de socialisation de
ces derniers. Cette même implication dans la vie des migrants ou
`'migrants de retour», s'exprime dans les sollicitations
matérielles et financières de ceux-ci pour la réalisation
de leurs projets de mariage, point de départ d'une nouvelle vie
familiale. Les modes d'installation des migrants sont également
variables parce que cela permet à la famille d'accueil d'en retirer les
bénéfices à travers la diversification des
activités. L'accueil de ces nouveaux arrivants influe sur les modes de
vie quotidiens des familles en termes de
72
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
rapports entre membres et de redéfinition des
responsabilités au sein de la famille. Toutefois, on peut noter que
l'accueil de jeunes migrants actifs contribue dans une certaine mesure à
une amélioration des ressources économiques car les
dépenses de la famille sont réparties entre plusieurs personnes.
En somme, nous pouvons affirmer que les conditions d'établis-sement des
migrants sont étroitement liées à leurs réussites
socioprofessionnelles.
Le deuxième objectif de la présente étude
étant de décrire et d'analyser les effets de l'environnement
urbain sur les familles migrantes, l'hypothèse suivante a
été formulée :
L'environnement urbain en tant que creuset de diffusion de
nouveaux systèmes de valeurs, conduit plus à une réduction
des espaces de solidarité qu'à des déstructurations
familiales.
Les modèles familiaux qui caractérisent
l'organisation sociale lokpa de Parakou aujourd'hui, traduisent les
différents changements qu'elle a subis dans ce nouveau contexte, le
contexte urbain.
Les changements constatés au niveau de la famille
concernent également les modalités de constitution des familles,
la diminution de l'écart d'âge entre conjoints au premier mariage,
ce qui pourrait annoncer de nouveaux rapports affectifs au sein du couple.
Cette évolution de l'entrée en union est étroitement
liée aux difficultés d'accès résidentiels et
à la faiblesse des revenus accumulés par les jeunes migrants. La
diminution de la préférence de l'endogamie est due en partie
à la diversification des espaces sociaux (domicile, lieux de travail ou
de réunion, marché, etc.) de rencontre des futurs conjoints.
La diminution de l'écart d'âge au mariage peut
s'expliquer par l'absence de dispositif éducatif traditionnel dans le
milieu d'accueil, ainsi que des réseaux sociaux propres à la
culture Lokpa pour l'éducation des filles. L'accomplissement de certains
rites de passage indiquant la maturité des jeunes filles a cessé
d'être en ville, le facteur décisif de la maturité de la
jeune fille,
73
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
désormais apte à se marier. L'aptitude de la
fille à aller au mariage tient plus à l'échéance de
rassemblement de son trousseau de mariage, à l'achèvement de
l'apprentissage de son métier, qu'à toute autre
considération. Pour le garçon, l'entrée tardive au premier
mariage s'explique par les difficultés liées au passage à
l'âge adulte. Au nombre de celles-ci, la volonté des jeunes de
s'installer dans un logement indépendant, l'autonomie financière
et la stabilisation dans l'emploi.
L'environnement urbain a également contribué
à la redéfinition des structures familiales conduisant à
une montée d'un nouveau modèle familial : la famille
nucléaire large.
En effet, les contrôles qui s'exercent sur les individus
dans la conclusion des unions se sont affaiblis. Les parents continuent
d'être consultés, mais leurs avis en matière d'union ou de
descendance sont de moins en moins strictement respectés à cause
de l'autonomie résidentielle et financière des jeunes. Les
parents ne sont plus les initiateurs directs du processus de choix du conjoint.
La maîtrise de la force de travail familial apparaît comme
échappant au contrôle du chef de ménage. Toutefois il est
à remarquer que le célibat définitif est quasi inexistant
dans ce milieu d'accueil. Ainsi l'autonomie des jeunes couples vis-à-vis
des anciens conduit à une redéfinition des responsabilités
dans la prise en charge des descendants, des solidarités
intralignagères vis-à-vis des enfants (pratique de confiage
d'enfants) et des solidarités intergénérationnelles. De
plus, la volonté manifeste des filles nées ou ayant grandi en
milieu de migration, à se choisir leurs conjoints, traduit la tendance
à l'autonomisation vis-à-vis du contrôle qu'exercent les
parents dans la conclusion des unions.
Dans le même temps à travers les
différents réseaux sociaux, les migrants entretiennent entre eux
des relations de solidarité soutenue, ainsi qu'avec leur milieu
d'origine. Ce constat nous permet de penser que les solidarités
familiales ont connu moins de modifications que l'institution familiale
elle-même.
74
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
Toutefois, cette question mérite d'être
étudiée plus profondément pour plus de validité.
Le troisième objectif de cette étude est de
dégager les stratégies individuelles et collectives des migrants
dans la conquête d'un statut social valorisant. Pour ce faire, nous avons
supposé que l'emploi ouvrier ou domestique exercé par les jeunes
migrants, relève de la stratégie éducative entretenue par
les parents en milieu urbain ou d'origine.
La migration urbaine, permet à la famille de distribuer
ses membres dans les différents réseaux du marché de
l'emploi. Cette stratégie de contrôle social s'observe d'abord
dans le processus d'éducation des enfants. Dans les familles migrantes
anciennement établies, l'enfant était plus
considéré comme un appui économique dès son
adolescence. Il est une main d'oeuvre familiale, un soutien productif quel que
soit son sexe. Alors que dans les familles de jeunes générations,
l'enfant bien que sa venue soit souhaitée, est perçue comme une
personne de plus à habiller, à soigner et surtout à
scolariser. Si avec les anciennes générations, l'enfant est
dès l'âge de 7ans intégré aux activités de
production de la famille, la nouvelle génération, quel que soit
le sexe de l'enfant à partir de 5 ans est inscrit à
l'école. Ceci expliquerait la rareté des filles domestiques Lokpa
âgées de moins de 15 ans à Parakou. Comme l'affirme
Adepoju: « le maintien de la famille dépend en
grande partie des efforts de production de ses membres. C'est pour cette raison
que le mariage et la maternité ont une telle importance en Afrique, bien
que l'instruction puisse contribuer à modifier les conventions »
(Adepoju 1999 :66). Ainsi, l'intégration des enfants
dans la main d'oeuvre familiale les rend capables à payer certains
coûts de leur entretien jusqu'à l'âge adulte. Même si
les enfants scolarisés accomplissent certaines de ces activités
avant et après l'école, ils échappent tout de même
à cette emprise totale des aînés. C'est dire donc que le
système éducatif formel a repris plusieurs des rôles de
socialisation que détenait la famille.
75
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
En effet, l'insertion des familles dans l'économie
urbaine en rapport avec la qualification ou non des jeunes gens contribue au
développement de nouvelles stratégies de survie de ceux-ci.
Faut-il venir à la recherche de fortune et retourner bredouille vers la
famille d'origine ou supporter en silence les dures réalités de
la ville ? Telle demeure la préoccupation de nombre de jeunes
migrants.
Aussi la mobilité géographique des membres des
familles établies à Parakou, participe non seulement d'une
certaine quête d'ascension socio-économique par ceux-ci, mais
également de la stratégie des aînés d'exercer leur
contrôle sur eux. Cette attitude justifie également l'orientation
des filles vers l'emploi domestique afin que celles-ci participent au
coût leur entretien. Compte tenu de tous ces constats nous pouvons dire
que notre dernier objectif spécifique est relativement atteint.
Toutefois, peut-on attribuer la totalité de la recomposition des
dynamiques familiales à l'influence de l'environnement urbain ?
76
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
Proposition d'un Avant Projet de Thèse :
Solidarités familiales et accès aux soins de
santé en milieu urbain et périurbain au Bénin
La pauvreté, la précarité et la
vulnérabilité caractérisent principalement l'ordre
socio-économique global de certains milieux urbains et
périurbains. L'accès à certains types de services publics
pourrait mettre en évidence une multitude de logiques à cet
effet.
En effet l'accès aux soins de santé dans les
formations sanitaires peut être révélateur de
l'émergence d'une condition sociale inédite faite de
pauvreté matérielle, de dégradation morale et d'un
affaiblissement progressif des liens sociaux face aux situations de maladie
dans les villes et leurs périphéries. La situation d'un malade
grave par exemple, induit dans sa famille ou dans son ménage, des
comportements qui peuvent affecter la structure familiale. Le statut familial
et économique du malade nécessite dans ce contexte une
redistribution des responsabilités au sein de la famille surtout si
celui-ci est un jeune adulte (à la fois parent et acteur
économique). Certains membres de la famille doivent s'occuper de lui,
voire le remplacer dans ses activités productives malgré les
contraintes de la vie citadine. Les enfants du malade, à partir de cet
instant, deviennent tributaires d'autres personnes sur les plans affectif et
financier alors le système de confiage d'enfant fait appel à
d'autres considérations complexes. Le budget familial connaîtra
également une diminution.
Dans ce contexte, nous proposons étudier les
stratégies utilisées par les familles pour faire face aux
dépenses de santé ainsi que les liens de solidarité
qu'elles impliquent
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
77
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Ouvrages
généraux
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FAMILIAUX
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contemporaine, Paris, Armand colin, 2005, PP 50- 77
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théories du changement démographique, Université
Catholique de Louvain, Février 2000, 25P.
Thèses :
80
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
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du Borgou, Wangara et wasangari, Thèse de doctorat nouveau
régime Volume I, Université Paris 8, 1997,385p.
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cartographie thématique sur l'occupation et l'organisation de l'espace
dans le Borgou Sud, Thèse de 3è cycle, Université
Paris7, 1983, 179p.
36-YAO Koffi Martin, la famille africaine en voie
d'occidentalisation, thèse de doctorat Rome, 2002, 372 p.
Mémoires :
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gestion des ressources naturelles à la périphérie de
Parakou, mémoire DEA en gestion de l'environnement , FLASH, EDP,
UAC, octobre 2003, 62p.
38-BAGOUDOU Karimou et HOUEGBONOU Simplice,
L'évolution démographique de Parakou de 1960 à
1990, Mémoire de maîtrise en géographie, UNB/FLASH
,1990-1991,127p.
39-TCHOKPON Justine, Croissance urbaine et
problèmes fonciers dans la commune d'Abomey-Calavi, Mémoire
de DEA en Gestion des ressources naturelles, Aménagement du Territoire
et Politique environnementale, FLASH, EDP , UAC, 2006,88 p.
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
81
Table des matières
Sommaire 1
Remerciement .2
Introduction .6
CHAPITRE 1 : CADRES THEORIQUE ET
METHODOLOGIQUE....8
1.1. Cadre théorique .8
1.1.1. Contexte de
l'étude.......................................................................8
1.1.2 Problématique . .10
1.1.3 Objectifs et hypothèses 11
1.1.3.1 Objectif
général...........................................................
12
1.1.2 Objectifs
spécifiques............................................................
12
1.1..3
Hypothèses.................................................................................12
1.1.4 Clarification conceptuelle
........13
1.1.5 Nature, sources, qualité et
utilité des données 16
1.1.6 Revue de la littérature . 16
1.1.6.1 Thèse générale du changement
social........................ ... ...17
1.1.6.2 Approche démographique du changement social
18
1.1.6.3 Approche sociologique du changement social
19
1.2 Approche méthodologique 23
1.2.1Phase de
préparation................................................................
23
1.2. 2Enquête
collective.................................................. 25
82
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
1.2.3 Enquête
individuelle.....................................................................25
1.2.4 Traitement et analyse des
données............................... ......... 28 1.2.5
Difficultés et limites de
l'étude.......................................................30
1.3 Présentation du cadre d'étude 30
Chapitre : 2 PROCESSUS D'INSERTION DES MIGRANTS
39
2.1 Insertion et installation des migrants
39
2.1.1Motifs de migration des premiers groupes 39
2.1.2 Motifs de migration des jeunes gens et des
femmes............................40.
2.1.3 Organisation de l'accueil...
..................................................41
2.2.3 Socialisation des enfants
.......................................................... 41
2.2 Organisation sociale des Lokpa à Parakou
42
2.2 .1 Organisation familiale 42
2. 2.2 Vie
religieuse................................................ 43
2.2.3 Socialisation des enfants
.............................. 44
2.3 Recomposition des relations familiales .
46
2.3.1 Relations intrafamiliales
.................................... ...... ......46
2.3.2 Relations
intergénérationnelles............................................
......47
2.3.3 Relations
intragénérationnelles........................
........................49
2.4- Insertion socioprofessionnelle des migrants .
50 Chapitre3: Eléments de changements matrimoniaux et des
réseaux
sociaux .
|
53
|
3.1 Statut de la femme
|
.55
|
3.2 Nuptialité et mariage
|
55
|
3.2.1
Nuptialité...................................................................................57
3.2.2
Mariage......................................................................................57
3.3 Cadre de vie familial . 59
83
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
3.3.1
Logement....................................................................................59
3.3.2 Puits familial comme lien entre
famille..................... ...........62 3.3.3Rapports des migrants au
milieu d'origine........................................63
3.4. Vie associative en milieu d'accueil 64
3.4.1 Lieux de réunion 64
3.4.2 Portée économique des rencontres
66
Analyse conclusive . 68
Projet de thèse 73
Références bibliographiques 74
Annexes 81
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
84
ANNEXES
85
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
Fiche d'entretien du LASDEL
Etude :
Responsable Enquêteur(s)
Enquête : ( ) ECRIS ( ) Individuelle
Groupe stratégique :
Identité de l'enquêté (e) : Fonction :
Particularités (âge, enfants, instruction, etc.) :
Date de l'entretien : Lieu de l'entretien :
Durée de l'entretien : (heures, minutes) ou de à
C a s s e t t e s
|
R é c a p i t u l a t i o n t r a n s c r i p t i o n
s
|
![](Environnement-urbain-et-changements-familiaux-au-Benin-Cas-des-migrants-Lokpa-de-Parakou10.png)
fin
Début
D u r é e t o t a l e t r a n s c r i t e
Identification / code
Indices compteur
Faces
Durée
Entretien portant sur (sujets, mots clés) :
Remarques :
R é s u m é :
86
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHAGEMENTS
FAMILIAUX
GUIDE D'ENTRETIEN
² HISTOIRE D'INSTALLATION DES LOKPA A
PARAKOU
· Sites d'accueil des migrants et les changements
d'itinéraires
· Motivations et perceptions de la migration par les
migrants
· Migration des jeunes gens
· Migration des jeunes filles
· Migration des enfants
II STRUCTURES SOCIALES LOKPA
· Structures familiales
· Organisation familiale : (types de famille,
lévirat, ménage,
matrilinéarité/patrilinéarité, etc.)
· perceptions et les valeurs sociales liées à
la migration et leurs effets sur la configuration des familles
· Discours et les pratiques familiales en milieu lokpa
· Rites d'initiation/passage
· Vie associative, vie culturelle, ligne
d'intégration dans le milieu d'accueil, relations avec la sphère
politique, etc.)
III DIVISION DU TRAVAIL
IV STATUT DE LA FEMME
V MARIAGE
VI RELATIONS ENTRE MIGRANTS ET LEURS MILIEUX D'ORIGINE
ET FAMILLES D'ORIGINE
· les demandes de part et d'autres
· le flux de biens matériels et symboliques
VII FORMES DE SOCIABILITE
· Formes de sociabilité dans les milieux
d'accueil
· Familles de migrants :(formation, dynamique interne,
relations avec les familles d'autochtones ou d'autres migrants de groupes
ethniques
· Construction de nouvelles identités, les
entrepreneurs de migration.
· conflit : ethnicité, frontière
d'inclusion/exclusion.
ENVIRONNEMENT URBAIN ET CHANGEMENTS FAMILIAUX
|