Plaidoyer pour le respect des droits détenus. Cas de la juridiction des Cayes à Haà¯ti.( Télécharger le fichier original )par Roosevelt LOUIS Université publique du sud aux Cayes (UPSAC) Haà¯ti - Licence en droit 2003 |
INTRODUCTIONDans toute société moderne, le but de la justice, est de faire disparaître la violence et c'est aussi l'objectif de la prison. En effet, personne ne saurait prévaloir ignorer l'importance du pénitencier dans le monde. Ainsi, la collectivité est comparée à un organisme humain que l'on se doit de protéger contre les attaques de toutes sortes. La vie en communauté fait naître certaines exigences d'ordre institutionnel. Aussi, dit-on : « Pas de société sans organisation ». Ainsi, toute société est appelée à être réglementée. Sinon la vie sociale serait une pure hallucination. D'après Roland Quillot1(*) dans son fameux ouvrage intitulé « La Liberté » : « La société ne peut avoir à ses yeux de légitimité que si elle est organisée de façon à satisfaire les aspirations de ses membres, parmi lesquelles figure celle de conduire sa vie comme on l'entend, et si tel n'est pas le cas, elle doit être transformée ». Chantal Delsol2(*) pour sa part dans son ouvrage « L'autorité » opine : « Il n'y a pas d'hommes seuls avant la société, il n'y a pas de société avant le commandement ». Alors, il est une nécessité biologique de protéger la société contre tout ce qui pourrait altérer sa santé, définie comme un fonctionnement productif. Encore faut-il au mieux agencer les éléments de la machinerie sociale pour obtenir les rendements souhaités et maintenir un équilibre viable. La déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme de 1948, en son article premier stipule entre autre : « Tout être humain a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l'intégrité de sa personne ». D'autre part, le pacte relatif aux droits civils et politiques adopte et ouvert a la signature, a la ratification et a l'adhésion par l'Assemblée générale des nations Unis dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1986 entrée en vigueur le 23 mars 1976 stipule au premier alinéa de l'article 5 et l'article 10 respectivement : « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine, ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie ». L'article 10 : « Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité avec le respect de la dignité inhérent à la personne humaine. » La constitution haïtienne du 29 mars 1987, pour sa part, ne reste pas insensible en cette matière. En son article 19, on lit : « L'Etat a l'impérieuse obligation de garantir le droit à la vie, à la santé, au respect de la personne humaine, à tous les citoyens sans distinction. » Tenant compte des lois et des conventions qui sont établies pour garantir la protection des droits de l'individu, il y a lieu de se demander si les droits des détenus sont respectés par les autorités judiciaires du tribunal de première instance des Cayes. La réalité du système carcéral et la condition des détentions en Haïti n'est plus un secret, même pour le commun des mortels. Cette situation est souvent critiquée dans les médias par les organismes de défense des droits humains. Notre travail va porter sur l'état actuel des conditions de détention. Il s'intitule : « Plaidoyer pour le respect des droits des détenus dans la Juridiction du Tribunal de Première Instance des Cayes ». Après deux siècles d'indépendance, Haïti ne s'est pas encore dotée des conditions de détention répondant aux normes internationales. La situation des centres de détention en Haïti est encore à l'état rudimentaire. Les prisonniers vivent dans des conditions infrahumaines. Depuis la déclaration Universelle des droits de l'homme3(*) en 1948, les nations se sont engagées dans une lutte sans merci pour la promotion des droits. Malgré toutes les mesures protectrices que prônent les autorités tant au niveau national qu'international, peu de progrès ont été réalisés dans ce domaine et le problème de la détention reste inchangé. Malgré tout, Haïti est au coeur du dispositif procédural qui régit le fonctionnement de la justice pénale. Le mandat de dépôt indispensable de la détention préventive occupe une place éminente. Il est rarissime qu'une personne poursuivie n'ait fait l'objet d'un mandat de dépôt. L'examen des éléments d'information et des données statistiques au niveau national relève que 94% de la population4(*) carcérale sont en détention préventive. Le pire, c'est que la grande majorité de ces détenus subit l'abus de cette détention préventive. L'image paraît injuste mais porteuse de sens. Elle reflète le sentiment de nos concitoyens, tout particulièrement des victimes méfiantes et désespérées face à une machine judiciaire incapable de juger et d'endiguer la montée du taux d'impunité. La question qui nous préoccupe : le nombre de détenus doit-il alors être considéré en fonction des infrastructures ? Une population carcérale d'environ quatre mille individus5(*) sur près de 8 millions d'habitants est inférieure à la moyenne hémisphérique d'environ 0,05% de détenus. Les raisons de cette anomalie tiennent à des contraintes structurelles et aux violations des droits des détenus. En dépit de cette situation alarmante dans laquelle croupissent les détenus, il semblerait qu'on est loin de voir une prise de décision sérieuse par les autorités concernées. L'on constate également une attitude insouciante, voire démissionnaire de la part des responsables. Il y a aussi une certaine passivité accrue des forces vives de la société qui rend légitime l'irresponsabilité des autorités. Le constat qui se fait est loin d'être positif. Cela est dû à la faiblesse du système judiciaire haïtien, en ce qui concerne l'application de la loi et la réalité que l'on peut constater dans le milieu carcéral. De nos jours cette situation devient la monnaie courante, mais elle est aussi une violation massive de toutes sortes de droits des détenus. Car il n'est pas un secret pour personne que le problème de la détention des détenus en Haïti va de mal en pis. Ainsi, cette situation doit interpeller la conscience de tout un chacun. De ce fait, nous sommes tous tenus de travailler au changement de cette condition combien alarmante. Notre travail ne consiste pas à donner une leçon aux autorités judiciaires et à leur faire des injonctions. Notre objectif à pour but de tirer la sonnette d'alarme en vue d'attirer la bienveillance des responsables sur l'urgente nécessité de garantir le respect de la dignité humaine des détenus. Nous croyons que cela peut se faire, en analysant les différents problèmes auxquels les détenus sont confrontés, dans le dessein de trouver une issue par rapport aux difficultés qu'ils connaissent actuellement. Pour réaliser notre travail, nous avons mené une enquête auprès de la grande prison civile des Cayes dans le souci d'interroger les responsables des structures d'accueil telles : les lieux de détentions, l'infirmerie, salle de loisir, etc, ainsi que dans les institutions impliquées dans l'administration pénitentiaire. Nous avons également mené une enquête dans les cellules ou nous avons interviewé un certain nombre de détenus et fait des observations. De plus, nous avons rencontré plusieurs spécialistes et consulté beaucoup d'ouvrages traitant de la matière afin de mieux cerner la question. Notre travail comporte deux parties : la première traite des conditions générales de détention à la prison des Cayes et la deuxième des droits de détenus au regard de la législation haïtienne. * 1 Roland QUILLOT. La Liberté, PUF, Coll. Que Sais-je ? 1986 * 2 Chantal DELSOL. L'autorité, Paris, ed, Gallimard,1980 * 3 Déclaration Universelle des droits de l'homme, 10 décembre 1948 * 4 Rapport sur la détention préventive en Haïti par Me Lionel Constant BOUGOIN * 5 Rapport, Sensibilisation sur les droits Fondamentaux des détenus, le procès équitable, Me Gervais CHARLES, 2007 p 5 |
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