VI-1-2- Les outils de collecte des
données
Nous avons utilisé des fiches de lecture pour
recueillir les informations issues des différentes sources. Celles-ci
nous ont permis de prendre les notes des documents consultés afin de les
exploiter pour avoir des résultats fiables.
VI-1-3-Techniques d'analyse et
d'interprétation
L'interprétation sera
précédée de l'analyse des sources recueillies et de leur
traitement selon les méthodes.
V-1-3-1- Techniques d'analyse et de
traitement des sources
Pour une meilleure exploitation des informations recueillies
auprès des différentes sources et afin d'aboutir à des
résultats fiables, nous utilisons deux méthodes. Il s'agit de
l'analyse des thèmes développés dans les journaux
et de la confrontation des sources d'information. Le choix de ces deux
procédures se justifie par le fait que les différentes causes de
la non-publication par les journaux des nouvelles liées aux
revendications d'indépendance semblent varier selon les
catégories d'organes de presse.
- L'analyse des thèmes
développés dans les journaux. Il s'agit
des organes de presse publics, de ceux qui étaient édités
par les hommes politiques français vivant au Cameroun et des
publications fondées par les hommes d'affaires. Il faut préciser
qu'il s'agit ici d'une analyse thématique de type catégorielle
qui consiste à relever , à calculer et à quantifier les
fréquences des thèmes évoqués ou émergeants
et à les regrouper en éléments significatifs. Ceci
amènera donc à côté d'une analyse qualitative
c'est-à-dire des thèmes, à faire appel à une
analyse quantitative pour voir les plus fréquents qui se dégagent
dans ces journaux. Il faut signaler que seuls les thèmes
dégagés dans les articles liés à la politique sont
analysés, ceci en raison de la problématique de ce travail. Six
organes de presse feront donc l'objet d'une analyse des thèmes qu'ils
développés par eux. Ce choix se justifie par le fait que ces
publications étaient les plus importantes et par conséquent les
plus représentatives dans leurs catégories respectives. Ainsi,
les périodiques Informations Radio-presse et
Journal des villages du Nyong et Sanaga étaient les plus importants
parmi les organes de presse publics, d'où le dévolu
jeté sur eux pour servir d'illustration pour cette catégorie de
publications. Le choix de ces journaux se justifie par leur
longévité (16 années pour Informations Radio-presse
et 5ans pour Journal des villages du Nyong et Sanaga) ; de
même leurs tirages moyens contribuent au renforcement de
l'intérêt accordé à ces périodiques (3500
exemplaires pour Informations Radio-presse et 1000 exemplaires pour
Journal des villages du Nyong et Sanaga). L'analyse des thèmes
développés dans ces organes de presse permettra de voir quels
sont ceux qui étaient les plus prépondérants.
Pour ce qui est des journaux fondés au Cameroun par
les hommes politiques français, Le Cameroun de demain
fondé par le Dr. Louis-Paul Aujoulat et Le Cameroun
libre, fondé par M. Koulouma ont été convoqués
pour servir d'illustration. Ce choix se justifie par leur
longévité (6 années sans interruption pour Le Cameroun
de demain et 18 années d'existence pour Le Cameroun
libre). De même, leurs tirages moyens militent en faveur du choix
porté sur ces publications (1000 exemplaires pour Le Cameroun de
demain et 1500 exemplaires pour Le Cameroun libre). C'est
à travers l'analyse des thèmes développés dans
leurs colonnes qu'il sera découvert ceux qui sont les plus
fréquents. Ce qui amènera donc à côté des
données qualitatives liées aux thèmes, à
s'intéresser aux aspects quantitatifs notamment les fréquences
d'apparition de ceux-ci.
Quant aux organes de presse fondés par les hommes
d'affaires, l'analyse des thèmes qu'ils développaient
amène dans ce travail à étudier les journaux
L'Éveil du Cameroun et La Presse du Cameroun qui
sont considérés comme les plus importants de cette
catégorie de publications. Ce choix se justifie à cause de leur
longévité (33 années sans interruption pour
L'Éveil du Cameroun et 19 années pour La presse du
Cameroun).De même, ces deux supports d'information avaient des
tirages moyens assez importants (3000 exemplaires pour chaque publication). Il
sera par conséquent question d'analyser les thèmes
développés dans les colonnes de ces organes et leur
fréquence d'apparition. Ceci pour savoir si par leur contenu ils
cherchaient à satisfaire une clientèle d'origine
française.
- La confrontation des sources
d'information : C'est une procédure de
traitement des sources reconnue par les historiens de l'École des
Annales qui, à côté de la diversité des sources
qu'ils prônent dans l'écriture de l'histoire suggèrent
comme méthode de les confronter pour découvrir le fait
historique. Marc Bloch (1997 :95), théoricien de cette
École postule d'ailleurs que :
« le vocabulaire des documents n'est, à
sa façon, rien d'autre qu'un témoignage. Précieux, sans
doute, entre tous ; mais, comme tous les témoignages,
imparfait ; donc, sujet à critique. Chaque terme important, chaque
tour de style caractéristique devient un véritable
élément de connaissance, mais seulement une fois confronté
avec son entourage et avec les autres dévoile le fait
historique. ».
La confrontation des sources d'information
consultées consiste à voir pour un même fait historique si
plusieurs sources confirment son déroulement aux mêmes dates ou
lieux.
Ainsi, il est également question dans cette recherche
de montrer que si les organes de presse ne publiaient pas les sujets
d'actualité liés aux revendications de souveraineté, c'est
aussi parce qu'ils subissaient des pressions de l'administration coloniale.
Pour illustrer cette thématique, nous entendons confronter les sources
qui nous ont fourni des informations sur l'attitude de l'administration
coloniale suite aux dénonciations contenues dans les journaux
édités par les nationalistes. Pour cela, nous allons confronter
les différentes sources qui nous ont renseignées sur l'attitude
de l'administration suite aux dénonciations contenues dans les
publications éditées par les nationalistes notamment dans les
journaux La voix du Cameroun et Kamerun mon pays. Ce choix se
justifie par la longévité du premier (lancé en 1949,
La voix du Cameroun continuait à être publiée au
terme du cadre temporel de notre recherche) alors que Kamerun mon pays
était l'unique quotidien édité par les nationalistes et
donc susceptible de ce fait de s'intéresser
régulièrement à l'actualité politique. De
même, les tirages moyens de ces deux publications (3000 exemplaires pour
La voix du Cameroun et 1000 exemplaires pour Kamerun mon
pays) font d'eux des journaux importants dans cette catégorie.
La confrontation des sources d'information nous amènera dans ce
travail à voir si ces publications subissaient des pressions de la part
des autorités coloniales.
VI-1-3-2 -
Interprétation des données
C'est Marc Bloch (Idem, P.89) qui indique
à suffisance que l'interprétation des faits historiques
intervient juste après leur analyse. Il postule que «le
travail de recomposition ne saurait venir qu'après l'analyse. Disons
mieux : il n'est que le prolongement de l'analyse, comme sa raison
d'être. » . Mbonji Edjenguèlè
(2005 :67 ) pense dans le même ordre d'idées que
« L'analyse précède l'interprétation et est
le dénominateur commun de ceux qui pratiquent la même science,
tandis que l'interprétation les différencie. ».
Tout ce qui précède amène à adopter la posture
d'historien de l'École des Annales pour interpréter les faits
analysés ou traités selon les cas. Les historiens de
l'École des Annales posent qu'en histoire il serait subjectif de parler
de vérité mais plutôt d'intention de vérité
car le fait ou le document ne font pas l'histoire. C'est le chercheur qui, au
vu des faits qu'il a à sa connaissance les interprètent pour
expliquer le pourquoi de tel phénomène.
L'axe d'interprétation des analyses et de la
confrontation des sources faites sera le lien causal des faits
historiques. C'est une procédure reconnue par
les théoriciens de l'École des Annales et qui a été
énoncée par Marc Bloch (1997 :108) pour expliquer
le « pourquoi » de certains faits historiques
constatés. Nous allons donc dans ce travail prendre notre posture de
chercheur en histoire des médias encré dans la vision
scientifique de l'école historiographique des Annales pour
interpréter les faits historiques issus de l'analyse et de la
confrontation des sources afin de comprendre pourquoi les revendications
d'indépendance formulées par les nationalistes n'étaient
pas publiés par les grands journaux camerounais entre 1946 et 1957.
Mais, il ne serait pas judicieux d'expliquer cela par une seule raison
déterminante mais par plusieurs causes. En effet, Marc Bloch
(1997 :110) indique que :
« Prenons- y garde, d'ailleurs : la
superstition de la cause unique, en histoire, n'est trop souvent que la forme
insidieuse de la recherche du responsable : partant, du jugement de
valeur. " A qui la faute, ou le mérite ? " dit le juge.
Le savant se contente de demander « pourquoi » ? Et il
accepte que la réponse ne soit pas simple. ».
Cette exigence scientifique d'expliquer le
fait historique par plusieurs causes nous recommande donc dans ce travail de
montrer que plusieurs raisons déterminantes sont à l'origine de
la non- publication des événements liés aux revendications
d'indépendance au Cameroun. C'est pour cela qu'à la suite des
différentes analyses, il est question de procéder à une
interprétation pour découvrir pourquoi les journaux ignoraient
les sujets d'actualité liés aux revendications de
souveraineté formulées par les nationalistes.
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