AVERTISSEMENT
L'Université de Yaoundé II n'entend
donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce
mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme
propres à leur auteur.
DÉDICACE
À mon épouse Assomo Agathe
REMERCIEMENTS
Ce travail n'aurait certainement pas eu sa forme
actuelle si des personnes que je tiens à remercier ici n'avaient pas
apporté leur concours à sa réalisation.
D'abord le professeur Marc Joseph Omgba Etoundi,
directeur de cette recherche, pour ses conseils, sa rigueur et sa
disponibilité.
Je tiens également à remercier le Directeur
de l'ESSTIC, le professeur Laurent Charles Boyomo Assala, par ailleurs
coordonnateur de l'Unité de Formation Doctorale de la même
institution universitaire.
Mes remerciements vont aussi à tous les
enseignants de l'Unité de Formation Doctorale de l'ESSTIC qui nous ont
moulés dans nos premiers pas à la recherche scientifique
notamment les professeurs Simo David, Mbonji Edjenguèlè et
Tchindji Pierre-Paul.
Je remercie par ailleurs tous ceux qui m'ont permis
d'avoir accès à des multiples informations notamment le personnel
des Archives Nationales de Yaoundé.
Je ne saurais terminer ce volet sans signifier toute ma
reconnaissance à mes camarades de promotion : Djanga Jean-Claude,
Esse Corine, Awung Franklin, Tatah Alice, Monty Jacques Albert,Ongono Fabien et
Ngom Priso Jules.
RÉSUMÉ
La présente recherche a pour titre la
presse écrite au Cameroun à l'ère des revendications de
l'indépendance : approche historique. Entre 1946 et 1957,
plusieurs organes de presse ont été fondés dans le pays
dans un contexte de revendications de l'indépendance du pays. Seulement,
de manière générale les faits d'actualité
liés aux revendications d'indépendance formulées par les
nationalistes ont été ignorés par les grands journaux de
la place. La problématique de ce travail amène donc à
s'interroger sur les raisons du silence manifesté par des organes de
presse sur les sujets liés aux réclamations de
souveraineté. La présente recherche est envisagée dans une
perspective de l'école historiographique des Annales qui prône une
« histoire problème » par la recherche des causes
des phénomènes étudiés. Pour mener à bien
notre étude basée sur la problématique ci-dessus
présentée, nous avons donc formulé la question principale
suivante : pourquoi les journaux camerounais ne publiaient - ils pas les
informations liées aux revendications d'indépendance
formulées par les nationalistes ? Cette interrogation a
été soutenue par quatre questions secondaires et au terme de
cette recherche, la validation de nos hypothèses secondaires nous a
indiqué les différentes causes de la non-publication par les
organes de presse des faits liés aux revendications
d'indépendance. Il s'agit: du soutien des journaux publics à une
administration soucieuse de maintenir sa présence au Cameroun, du
soutien des organes de presse fondés par les hommes politiques
français vivant au Cameroun à leurs promoteurs
anti-indépendantistes, des pressions de l'administration coloniale sur
les supports d'information fondés par les nationalistes et du souci des
hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle
d'origine française. Ce qui revient donc à indiquer que si les
organes de presse ne publiaient pas les nouvelles liées aux
revendications de souveraineté formulées par les nationalistes
c'est en raison du soutien de certains à des acteurs
anti-indépendantistes et des contraintes auxquelles étaient
soumis les autres. Le présent travail comporte trois parties. La
première partie est constituée de
généralités dans lesquelles nous présentons le
contexte sociopolitique du Cameroun entre 1946 et 1957 ainsi que le cadre
juridique qui régissait les activités de la presse pendant cette
période. Quant à la deuxième partie, elle est
consacrée à la présentation des informations recueillies
auprès de nos sources tant primaires que secondaires. Pour ce qui est de
la troisième partie, elle est centrée sur les analyses
thématiques, la confrontation des sources et l'interprétation.
Elle nous amène de ce fait à découvrir les
différentes causes de la non-publication par les journaux des sujets
concernant les revendications d'indépendance formulées par les
nationalistes.
ABSTRACT
The present research is entitled: Cameroonians
news papers during the period of independence's claim: an historical
approach. Between 1946 and 1957, many newspapers have been created in
our country. During this period, the process of decolonization was stamped by
many claims of independence made by nationalists. Those requests were not
mentioned in the great news papers of this period. The problematic of this work
gives us the possibility to think about the reasons why the news papers of this
period were silent on topics concerning the requests of autonomy made by
nationalists. The present work will be done in the perspective of the
Histiographic School of Annals which claims a «problematic history»
based on the research of the causes of the phenomenon studied. Our study is
based on the problematic presented above, which is the foundation of the
following questions: why those the news papers were not publishing information
concerning the requests of independence made by nationalists? This question was
sustained by four other questions. At the end of this work, the validation of
the secondary hypothesis has given us the reasons why the news papers were not
publishing information concerning the requests of independence made by
nationalists. These reasons are: The support of the news papers created by
French politicians living in Cameroon given to their promoters who were against
independence, the pressure of the colonial administration over the mean of
information created by nationalists and the willing of business men to conserve
the readers of their news papers who were against independence. We can say that
news papers were not publishing information concerning the requests of freedom
made by nationalists because of the support they were giving to actors who were
against independence and because of the oppressions some news papers were
receiving. The present work has been divided into three parts. The first part
exposes generalities; in this part, we present the sociopolitical situation of
Cameroon between 1946 and 1957. We also expose the law who were ruling the
activities of news papers during this period. The second part is the exposition
of information received through our primary and secondary sources. The third
part is concerned by the thematic analysis, the confrontation and
interpretation of sources. In this part, we can discover the different causes
of the non- publication of topics concerning requests of independence made by
nationalists in those news papers.
SOMMAIRE
Introduction
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|
PREMIÈRE PARTIE: LE CONTEXTE
SOCIOPOLITIQUE ET LE CADRE
JURIDIQUE DE LA PRESSE
ÉCRITE
|
|
Chapitre premier : Le contexte
sociopolitique camerounais après la Seconde
Guerre mondiale
|
Chapitre deux: Le cadre juridique de la
presse écrite
|
|
DEUXIÈME PARTIE: L'INFORMATION
POLITIQUE DANS LES JOURNAUX PUBLIÉS PAR LES FRANÇAIS ET LE
FONCTIONNEMENT DES ORGANES DE PRESSE ÉDITÉS PAR LES
NATIONALISTES
|
|
Chapitre trois: l'information politique dans
les journaux publiés par les Français vivant au Cameroun
|
Chapitre quatre : Le fonctionnement des
journaux fondés par les nationalistes à l'ère de la
décolonisation
|
|
TROISIÈME PARTIE : LES CAUSES DE
LA NON-PUBLICATION PAR LES JOURNAUX DES FAITS D'ACTUALITÉ LIÉS
AUX REVENDICATIONS D'INDÉPENDANCE
|
Chapitre cinq : Le soutien des journaux
à des acteurs anti- indépendantiste
|
Chapitre six : Les contraintes subies
par les journaux
|
Conclusion
|
LISTE DES ILLUSTRATIONS
A-Tableaux
Tableau
Page
Tableau 1 : corpus d'analyse des thèmes du journal
Radio-presse....................................45
Tableau 2 : Fréquence des thèmes
développés dans le journal
Radio-presse.......................47
Tableau 3 : Corpus d'analyse des thèmes du journal
Le Cameroun de demain....................50
Tableau 4 : Fréquence des thèmes
développés dans le journal Le Cameroun de
demain.......51
Tableau 5 : Corpus d'analyse des thèmes du journal
L'Eveil du Cameroun........................54
Tableau 6 : Fréquence des thèmes
développés dans le journal L'Eveil du
Cameroun...........55
Tableau 7 : Les événements
anticolonialistes couverts par le journal La voix du
Cameroun
.........................................................................................62
B-Carte
Page
Carte 1 : Le Cameroun
français......................................................................27
LISTE DES ABRÉVIATIONS, ACRONYMES ET SIGLES
A-Liste des abréviations
Dr. : Docteur
M. : Monsieur
MM. : Messieurs
B-Liste des acronymes
ANY : Archives Nationales de Yaoundé
ARCAM: Assemblée Représentative du Cameroun
ASCOCAM :Association des Colons du Cameroun
ESSTIC : École Supérieure des Sciences et
Techniques de l'Information et de la Communication
ATCAM : Assemblée Territoriale du Cameroun
FALSH : Faculté des Arts, Lettres et Sciences
Humaines
ONU : Organisation des Nations Unies
SIC : Sciences de l'Information et de la Communication
C-Liste des sigles
AEF : Afrique Équatoriale Française
BDC : Bloc Démocratique Camerounais
ENS : École Normale Supérieure
MRP :Mouvement Républicain Populaire
RPF : Rassemblement du Peuple Français
UPC : Union des Populations du Cameroun
INTRODUCTION
Ce travail est une recherche menée dans le cadre des
études au cycle de Master II en Sciences de l'Information et de la
Communication. Sa partie introductive est constituée de plusieurs
éléments que nous avons voulu mettre en évidence pour sa
bonne compréhension.
I- Contexte de la recherche
Dans le cadre de cette recherche nous avons choisi comme
sujet : la presse écrite au Cameroun
à l'ère des revendications d'indépendance : approche
historique.
Ce travail s'inscrit dans le champ des Sciences de
l'Information et de la Communication (SIC) et plus précisément
dans le domaine de l'histoire des médias en général et
dans le sous-domaine de l'histoire de la presse écrite en particulier.
Le Cameroun est un pays qui a connu au cours de son histoire une triple
domination européenne. C'est d'abord l'Allemagne qui en a fait un
protectorat entre 1884 et 1916, puis il est devenu un territoire international
sous-mandat de la SDN administré conjointement par la France et la
Grande -Bretagne entre 1919 et 1945. À la suite de cette période
le pays a bénéficié du statut de territoire international
placé sous la tutelle de l'ONU avec la mise en vigueur le 24 octobre
1945 de la charte des Nations unies, suivie le 13 décembre 1946 des
accords de tutelle signés entre l'ONU et la France d'une part, puis
entre l'ONU et la Grande-Bretagne d'autre part. À partir de cette
période, le Cameroun est administré par la France pour sa partie
orientale et par la Grande-Bretagne pour sa partie occidentale. Pour ce qui est
de la presse écrite, elle est introduite depuis la période
coloniale allemande, plus précisément depuis 1903 avec le
lancement du journal Evangelisches Monatsblatt. Plusieurs organes de
presse informent ainsi les camerounais dans un contexte où la radio
introduite en 1941en pleine Seconde Guerre mondiale en est encore à sa
phase expérimentale. C'est donc la presse écrite qui,
véritablement constitue le principal média, d'où la
nécessité de l'étudier au moment où
précisément après la Seconde Guerre mondiale, le processus
de décolonisation est engagé dans le pays avec au quotidien des
revendications d'indépendance orchestrées par des partis
politiques nationalistes dont la plupart des dirigeants ont été
moulés par le mouvement syndical ;d'où le
sujet: la presse écrite au Cameroun
à l'ère des revendications d'indépendance :approche
historique qui a été choisi dans le cadre de ce
travail de recherche.
II- Justification du choix du sujet
Il nous a semblé opportun d'interroger l'histoire afin
d'analyser les choix de la presse écrite pendant la période de
décolonisation du pays, plus précisément pendant celle
allant de 1946 à 1957.
Plusieurs raisons nous ont amené à jeter
notre dévolu sur ce sujet :
· Une première raison est scientifique. En effet,
du 16 au 19 mars 2009 le Pape Benoît XVI a effectué une visite au
Cameroun. Cet événement a occupé les grandes
« Une » de tous les cinq quotidiens du pays que
sont : Cameroon Tribune, Le Messager, Le jour, Mutations et
La Nouvelle Expression. Ce qui, à l'occasion, a contribué
à la mobilisation des camerounais autour de ladite visite. Ce fait a
attiré notre attention et il nous a semblé nécessaire de
mener une recherche historique pour voir si la presse écrite se
mobilisait de la même manière pendant la période de
décolonisation pour rendre compte des grands événements
sociopolitiques en général et plus singulièrement ceux
liés aux revendications de l'indépendance du Cameroun.
· La deuxième raison est personnelle. Notre
parcours académique nous a amené à suivre des
études à la fois en Histoire à l'Université de
Yaoundé I et en Sciences de l'Information et de Communication à
l'ESSTIC. Celles-ci ont été complétées par des
pratiques journalistiques et publicitaires sur le terrain ; ce qui nous a
amené à nous familiariser avec les médias. De même
les enseignements d'histoire que nous avons souvent dispensés nous ont
amené à choisir un sujet qui allie à la fois histoire et
environnement médiatique. Nous avons donc voulu traiter d'un sujet qui
contribue à renforcer l'aspect pluridisciplinaire qui
caractérise les Sciences de l'Information et de la Communication.
III- Problème de recherche
Selon François
Heinderyckx (2002 :37), les médias ont entre autres
fonctions : l'information, la mise en relation des composantes de la
société dans leurs réactions face à
l'environnement, la transmission de l'héritage social, le
divertissement, l'appartenance sociale, la psychothérapie et la
mobilisation du point de vue commercial et de l'opinion publique.
La première fonction qui est l'information
consiste donc pour les supports médias à couvrir les faits
majeurs qui se déroulent dans la société et surtout
à traiter toutes les informations dans l'objectivité. Il s'agit
donc entre autre dans leur travail de collecte de couvrir les grands
événements. Au Cameroun, pays sous-tutelle, dont l'administration
a été confiée à la France pour la partie orientale
qui nous intéresse dans cette recherche et à la Grande-Bretagne
pour la partie occidentale, la presse écrite est le média qui a
connu plus de succès. En effet, entre 1946, année au cours de
laquelle le pays a officiellement acquis le statut de territoire international
sous-tutelle et 1957, moment au cours duquel le Cameroun a eu son autonomie
interne, la radio introduite dans le pays en 1941 était encore à
sa phase d'expérimentation alors que la télévision
n'existait même pas. Au cours de la période que nous venons
d'évoquer , les principaux organes de presse écrite d'information
générale en fonction de leur tirage moyen étaient :
Informations Radio-presse (3500 exemplaires), Journal des
Villages du Nyong et Sanaga (1000 exemplaires) Le Cameroun libre
(1500 exemplaires), L'Éveil du Cameroun (3000 exemplaires),
La Presse du Cameroun ( 3000 exemplaires), Le Cameroun de
demain (1000 exemplaires), Kamerun mon pays (1000 exemplaires),
Vie camerounaise (1500 exemplaires), La voix du Cameroun
(3000 exemplaires) et Nku le tam-tam (1000 exemplaires). Ces
journaux, pendant leurs moments d'existence ont effectivement rempli leur
fonction d'information de la population en couvrant et en faisant les comptes
rendus des événements politiques suivants : les
élections à l'Assemblée Territoriale du Cameroun
organisées en mars 1952, la tournée africaine du
Général Charles de Gaulle en 1953, l'arrivée au Cameroun
du nouveau Haut- commissaire M. Roland Pré en remplacement de M.
Soucadeaux en décembre 1954, la désignation le 17 avril 1956 de
M. Pierre Mesmer comme nouveau Haut-commissaire du Cameroun en remplacement de
M. Roland Pré, la promulgation le 23 juin 1956 de la loi-cadre de M.
Gaston Defferre et les élections à l'Assemblée
Législative du Cameroun qui se sont déroulées le 23
décembre 1956 . Ces différents événements
politiques ont donc été relayés par les principaux
journaux que nous avons déjà évoqués, ce qui est
normal puisqu'il s'agissait de faits importants que la presse en tant que
relais d'opinion se devait de couvrir pour une meilleure information de la
population.
Or, au cours de la même période
c'est-à-dire entre 1946 et 1957, à l'exception de Kamerun mon
pays et de La voix du Cameroun qui relayaient quelques
fois les informations concernant les revendications indépendantistes,
tous les autres grands organes de presse ont souvent observé un silence
dans la publication des faits liés au désir des camerounais
d'accéder à leur indépendance. Parmi ces faits, on peut
citer : la première conférence publique de l'Union des
Populations du Cameroun (UPC) le 22 juin 1948, la tenue à Dschang du 10
au 13 avril 1950 du premier congrès de l'UPC, la conférence
publique organisée par ce parti le 12 juillet 1951 pour dénoncer
les fraudes constatées par elle lors des élections de juin 1951
et réclamer l'indépendance du Cameroun, la première
intervention du Secrétaire général de l'UPC M. Ruben Um
Nyobé le 17 décembre 1952 à la 7ème
session de l'Assemblée générale des Nations unies pour
exiger selon Ferdinand Chinji-Kouleu (2006 :91),
« la fixation d'un délai à l'expiration de la
Tutelle afin que le Cameroun soit indépendant », la
tournée nationale du 14 au 30 janvier 1953 de M. Um Nyobé visant
à faire un compte rendu de sa mission à l'ONU, la
deuxième intervention du Secrétaire général de
l'UPC à la 8ème session de l'Assemblée
générale de l'ONU le 9 décembre 1953 pour réclamer
encore une fois l'indépendance et la réunification du Cameroun,
la troisième prise de parole du Secrétaire général
de l'UPC devant la 9ème session de l'Assemblée
générale de l'ONU et la tenue du premier congrès du
Mouvement d'Union Nationale le 9 juin 1956 qui présente ses principales
revendications à savoir : le rejet de la loi-cadre, la dissolution
de l'Assemblée Territoriale du Cameroun, l'organisation de nouvelles
élections sur la base du suffrage universel et l'indépendance du
Cameroun dans un délai court (Idem, P.128).
Tous ces événements de grande
portée liés aux revendications de l'indépendance du
Cameroun n'ont donc pas bénéficié d'une couverture
médiatique de la part des principaux organes de presse écrite du
pays. Pourtant à ce moment là, le contexte sociopolitique aurait
normalement amené les grands journaux camerounais à assurer une
couverture des revendications indépendantistes. Ce silence
observé par les journaux locaux est susceptible de conduire à
plusieurs interrogations car l'une des fonctions de la presse étant
d'informer le public sur les événements majeurs, il faut bien
comprendre ce qui a amené la plupart des grands organes de presse, qui
pourtant relayaient comme nous l'avons déjà précisé
certaines informations, à observer un silence sur le cas précis
des faits d'actualité concernant les revendications
d'indépendance formulées par des camerounais.
La non-publication des faits d'actualité liés
aux revendications d'indépendance par les journaux au Cameroun
français entre 1946 et 1957 constitue donc notre problème de
recherche.
IV- Problématique
La problématique est selon Raymond Quivy et
Luc Van Campenhoudt (1995 : 85)
« L'approche ou la perspective théorique qu'on décide
d'adopter pour traiter le problème posé par la question de
départ ! ». Elle nous oriente de ce fait sur la
manière d'interroger les phénomènes que nous
étudions dans le cadre de notre recherche. Ainsi, nous dirons que de
manière générale notre recherche tente dans une approche
historique d'étudier les raisons déterminantes de la
non-publication des nouvelles liées aux revendications de
souveraineté au Cameroun entre 1946 et 1957. Il s'agit dans cette
recherche de sortir d'une histoire récit ou événementielle
pour poser le problème de la non-couverture par les journaux camerounais
des événements liés aux revendications
indépendantistes. Cette posture nous commande d'adopter l'approche
théorique de l'école historiographique des Annales qui indique de
sortir de l'histoire récit pour se pencher vers une « histoire
problème » et surtout le modèle prôné par
un de ses tenants, Marc Bloch qui recommande la recherche de causes pour
expliquer les phénomènes ou les faits historiques et de s'ouvrir
aux autres sciences pour trouver des réponses aux questions
posées. C'est pour cela que ce travail amène à poser le
problème des raisons de la non-couverture des événements
liés aux revendications indépendantistes par les organes de
presse écrite pendant la période de décolonisation.
De ce qui précède, on peut dès lors
formuler nos questions de recherche.
Questions de
recherche
Si nous convenons avec Marie-Fabienne Fortin (1996 :51)
qu' « une question de recherche est une interrogation
explicite relative à un domaine que l'on désire explorer en vue
d'obtenir de nouvelles informations », nous pouvons donc
formuler notre question principale de la manière suivante :
Pourquoi les journaux camerounais ne publiaient-ils
pas les informations liées aux revendications d'indépendance
formulées par les nationalistes ?
Une réflexion préalable semble indiquer
que les raisons de la non-publication par les journaux des sujets liés
aux réclamations de l'autonomie complète du Cameroun sont propres
à chaque catégorie d'organe de presse. Une catégorisation
à établir en fonction de l'origine de leurs moyens de production.
Ce qui peut donc servir de guide à la formulation des questions
secondaires qui soutiennent cette interrogation principale.
Questions
secondaires
Les questions secondaires de ce travail sont formulées
ainsi qu'il suit:
1- La non-publication par les organes de presse des sujets
liés aux réclamations de souveraineté est-elle
causée entre autre par le soutien que les journaux publics apportaient
à une administration coloniale soucieuse de maintenir sa présence
au Cameroun ?
2- Une autre cause de la non-publication par les journaux des
sujets concernant les revendications d'autonomie est-elle le soutien que les
organes de presse qui appartenaient aux hommes politiques français
vivant au Cameroun apportaient à leurs promoteurs
anti-indépendantistes ?
3- Les pressions exercées par l'administration
coloniale sur des journaux constituent-elles également l'une des raisons
déterminantes du silence observé par ceux-ci sur des faits
liés aux réclamations indépendantistes ?
4- Le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de
conserver leur clientèle d'origine française peut-il
également être une cause de la non-publication par les journaux
des faits d'actualité concernant les réclamations de
souveraineté formulées par les nationalistes?
Une réflexion menée sur ces questions nous
permet dès lors de formuler les hypothèses suivantes :
Hypothèses de
recherche
L'hypothèse selon Madeleine Grawitz (1990 :9) est
« une proposition de réponse à la question
posée ». Ainsi nous allons formuler nos hypothèses
de la manière suivante:
Hypothèse
principale
Si les organes de presse ne publiaient pas
les informations liées aux revendications d'indépendance c'est
non seulement parce que certains soutenaient leurs propriétaires qui
étaient anti-indépendantistes mais aussi en raison des
contraintes auxquelles d'autres faisaient face.
Hypothèses
secondaires
1- La non-publication par les organes de presse
des sujets liés aux réclamations de souveraineté est
causée entre autre par le soutien que les journaux publics apportaient
à une administration coloniale soucieuse de maintenir sa présence
au Cameroun.
2- Une autre cause de la non-publication par les
journaux des sujets concernant les revendications d'autonomie est le soutien
que les organes de presse qui appartenaient aux hommes politiques
français vivant au Cameroun apportaient à leurs promoteurs
anti-indépendantistes.
3- Les pressions exercées par
l'administration coloniale sur des journaux constituent également l'une
des raisons déterminantes du silence observé par ceux-ci sur des
faits liés aux réclamations indépendantistes.
4- Le souci des hommes d'affaires de satisfaire et
de conserver leur clientèle d'origine française est
également une cause de la non-publication par les journaux des faits
d'actualité concernant les réclamations de souveraineté
formulées par les nationalistes.
V-Objectifs de la recherche
Ce travail vise plusieurs objectifs constitués d'un
objectif principal et de quatre objectifs secondaires.
Objectif
principal
Le présent travail s'emploie à montrer que si
les organes de presse accordaient peu d'intérêt aux sujets
liés aux revendications de souveraineté c'est
non seulement parce que certains soutenaient leurs
propriétaires qui étaient anti-indépendantistes mais aussi
en raison des contraintes auxquelles d'autres faisaient face.
Objectifs
secondaires
· Cette recherche vise notamment à montrer que la
non-publication par les organes de presse des sujets liés aux
réclamations de souveraineté est causée entre autre par le
soutien que les journaux publics apportaient à une administration
coloniale soucieuse de maintenir sa présence au Cameroun.
· Ce travail a également pour objectif de
démontrer qu'une autre cause de la non-publication par les journaux des
sujets concernant les revendications d'autonomie est le soutien que les organes
de presse qui appartenaient aux hommes politiques français vivant au
Cameroun apportaient à leurs promoteurs anti-indépendantistes.
· De même, cette recherche entend montrer que les
pressions exercées par l'administration coloniale sur des journaux
constituent également l'une des raisons déterminantes du silence
observé par ceux-ci sur des faits liés aux réclamations
indépendantistes.
· La présente recherche vise aussi à
démontrer que le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de
conserver leur clientèle d'origine française est
également une cause de la non-publication par les journaux des faits
d'actualité concernant les réclamations de souveraineté
formulées par les nationalistes.
VI- Méthodologie
Mbonji Edjenguèlè (2005 :11) définit
la méthode comme « la manière d'aborder l'objet
d'étude, le chemin parcouru, la voie à suivre par l'esprit humain
pour décrire ou élaborer un discours cohérent, atteindre
la vérité de l'objet à analyser. ».
Pour ce faire, la présentation de la
méthodologie de ce travail consistera à évoquer tour
à tour les techniques de collecte, d'analyse et d'interprétation
des données puis le positionnement théorique dans lequel est
encré ce travail.
VI-1 Techniques et outils de collecte des
données et techniques d'analyse et d'interprétation
des données
Il importe ici de présenter tour à
tour les techniques et les outils de collecte des données puis les
techniques d'analyse et enfin l'axe d'interprétation desdites
données recueillis auprès des sources diverses.
VI-1-1 Technique de collecte des
données
Pour ce travail, nous avons procédé à
la recherche des sources diverses. Ce qui
répond à toute exigence de recherche en histoire. Cette
heuristique nous a amené à consulter principalement des sources
écrites notamment celles qui ont un lien avec l'objet de ce travail. Il
s'agit des exemplaires de journaux, des documents officiels et des travaux de
recherche.
- Les exemplaires de journaux de la
période coloniale : ce sont des documents originaux
c'est-à-dire ceux qui n'ont pas connu d'interprétation.
L'objectif premier de leurs promoteurs n'était pas d'en faire des
écrits pour l'histoire de la presse écrite au Cameroun. Nous
avons donc mobilisé ces documents qui n'ont encore subi aucune
modification et qui sont conservés en l'état depuis leur
publication. Ces journaux ont été trouvés aux Archives
Nationales et à la Bibliothèque Nationale à
Yaoundé. De même, nous avons eu recours à des historiens
qui nous ont fourni des exemplaires de journaux qu'ils possèdent dans
leurs bibliothèques personnelles. C'est le cas du Dr. Joseph Atangana,
promoteur de la « Bibliothèque Internationale Charles
Atangana » à Yaoundé et de M. Noutsa Noumbo Arangson,
historien.
- Les documents officiels : des
recherches ont été menées sur les décrets, les
lois, les arrêtés et d'autres textes en rapport avec l'objet
d'étude. Les Archives Nationales de Yaoundé ont ainsi permis la
collecte de cette catégorie de sources.
- Les travaux de
recherche : il s'agit de publications et de travaux
universitaires notamment des ouvrages, des thèses, des mémoires
et des articles. Ce sont des documents interprétés sur la base de
sources diverses. Pour les trouver, nous nous sommes rendus dans des centres
de documentation. C'est le cas des bibliothèques de l'Université
de Yaoundé I notamment la bibliothèque centrale, celle de la
FALSH et celle du département d'histoire. Nos recherches nous ont
également conduits dans les bibliothèques de l'ENS de
Yaoundé, de l'ESSTIC et de la Fondation Paul Ango Ela.
VI-1-2- Les outils de collecte des
données
Nous avons utilisé des fiches de lecture pour
recueillir les informations issues des différentes sources. Celles-ci
nous ont permis de prendre les notes des documents consultés afin de les
exploiter pour avoir des résultats fiables.
VI-1-3-Techniques d'analyse et
d'interprétation
L'interprétation sera
précédée de l'analyse des sources recueillies et de leur
traitement selon les méthodes.
V-1-3-1- Techniques d'analyse et de
traitement des sources
Pour une meilleure exploitation des informations recueillies
auprès des différentes sources et afin d'aboutir à des
résultats fiables, nous utilisons deux méthodes. Il s'agit de
l'analyse des thèmes développés dans les journaux
et de la confrontation des sources d'information. Le choix de ces deux
procédures se justifie par le fait que les différentes causes de
la non-publication par les journaux des nouvelles liées aux
revendications d'indépendance semblent varier selon les
catégories d'organes de presse.
- L'analyse des thèmes
développés dans les journaux. Il s'agit
des organes de presse publics, de ceux qui étaient édités
par les hommes politiques français vivant au Cameroun et des
publications fondées par les hommes d'affaires. Il faut préciser
qu'il s'agit ici d'une analyse thématique de type catégorielle
qui consiste à relever , à calculer et à quantifier les
fréquences des thèmes évoqués ou émergeants
et à les regrouper en éléments significatifs. Ceci
amènera donc à côté d'une analyse qualitative
c'est-à-dire des thèmes, à faire appel à une
analyse quantitative pour voir les plus fréquents qui se dégagent
dans ces journaux. Il faut signaler que seuls les thèmes
dégagés dans les articles liés à la politique sont
analysés, ceci en raison de la problématique de ce travail. Six
organes de presse feront donc l'objet d'une analyse des thèmes qu'ils
développés par eux. Ce choix se justifie par le fait que ces
publications étaient les plus importantes et par conséquent les
plus représentatives dans leurs catégories respectives. Ainsi,
les périodiques Informations Radio-presse et
Journal des villages du Nyong et Sanaga étaient les plus importants
parmi les organes de presse publics, d'où le dévolu
jeté sur eux pour servir d'illustration pour cette catégorie de
publications. Le choix de ces journaux se justifie par leur
longévité (16 années pour Informations Radio-presse
et 5ans pour Journal des villages du Nyong et Sanaga) ; de
même leurs tirages moyens contribuent au renforcement de
l'intérêt accordé à ces périodiques (3500
exemplaires pour Informations Radio-presse et 1000 exemplaires pour
Journal des villages du Nyong et Sanaga). L'analyse des thèmes
développés dans ces organes de presse permettra de voir quels
sont ceux qui étaient les plus prépondérants.
Pour ce qui est des journaux fondés au Cameroun par
les hommes politiques français, Le Cameroun de demain
fondé par le Dr. Louis-Paul Aujoulat et Le Cameroun
libre, fondé par M. Koulouma ont été convoqués
pour servir d'illustration. Ce choix se justifie par leur
longévité (6 années sans interruption pour Le Cameroun
de demain et 18 années d'existence pour Le Cameroun
libre). De même, leurs tirages moyens militent en faveur du choix
porté sur ces publications (1000 exemplaires pour Le Cameroun de
demain et 1500 exemplaires pour Le Cameroun libre). C'est
à travers l'analyse des thèmes développés dans
leurs colonnes qu'il sera découvert ceux qui sont les plus
fréquents. Ce qui amènera donc à côté des
données qualitatives liées aux thèmes, à
s'intéresser aux aspects quantitatifs notamment les fréquences
d'apparition de ceux-ci.
Quant aux organes de presse fondés par les hommes
d'affaires, l'analyse des thèmes qu'ils développaient
amène dans ce travail à étudier les journaux
L'Éveil du Cameroun et La Presse du Cameroun qui
sont considérés comme les plus importants de cette
catégorie de publications. Ce choix se justifie à cause de leur
longévité (33 années sans interruption pour
L'Éveil du Cameroun et 19 années pour La presse du
Cameroun).De même, ces deux supports d'information avaient des
tirages moyens assez importants (3000 exemplaires pour chaque publication). Il
sera par conséquent question d'analyser les thèmes
développés dans les colonnes de ces organes et leur
fréquence d'apparition. Ceci pour savoir si par leur contenu ils
cherchaient à satisfaire une clientèle d'origine
française.
- La confrontation des sources
d'information : C'est une procédure de
traitement des sources reconnue par les historiens de l'École des
Annales qui, à côté de la diversité des sources
qu'ils prônent dans l'écriture de l'histoire suggèrent
comme méthode de les confronter pour découvrir le fait
historique. Marc Bloch (1997 :95), théoricien de cette
École postule d'ailleurs que :
« le vocabulaire des documents n'est, à
sa façon, rien d'autre qu'un témoignage. Précieux, sans
doute, entre tous ; mais, comme tous les témoignages,
imparfait ; donc, sujet à critique. Chaque terme important, chaque
tour de style caractéristique devient un véritable
élément de connaissance, mais seulement une fois confronté
avec son entourage et avec les autres dévoile le fait
historique. ».
La confrontation des sources d'information
consultées consiste à voir pour un même fait historique si
plusieurs sources confirment son déroulement aux mêmes dates ou
lieux.
Ainsi, il est également question dans cette recherche
de montrer que si les organes de presse ne publiaient pas les sujets
d'actualité liés aux revendications de souveraineté, c'est
aussi parce qu'ils subissaient des pressions de l'administration coloniale.
Pour illustrer cette thématique, nous entendons confronter les sources
qui nous ont fourni des informations sur l'attitude de l'administration
coloniale suite aux dénonciations contenues dans les journaux
édités par les nationalistes. Pour cela, nous allons confronter
les différentes sources qui nous ont renseignées sur l'attitude
de l'administration suite aux dénonciations contenues dans les
publications éditées par les nationalistes notamment dans les
journaux La voix du Cameroun et Kamerun mon pays. Ce choix se
justifie par la longévité du premier (lancé en 1949,
La voix du Cameroun continuait à être publiée au
terme du cadre temporel de notre recherche) alors que Kamerun mon pays
était l'unique quotidien édité par les nationalistes et
donc susceptible de ce fait de s'intéresser
régulièrement à l'actualité politique. De
même, les tirages moyens de ces deux publications (3000 exemplaires pour
La voix du Cameroun et 1000 exemplaires pour Kamerun mon
pays) font d'eux des journaux importants dans cette catégorie.
La confrontation des sources d'information nous amènera dans ce
travail à voir si ces publications subissaient des pressions de la part
des autorités coloniales.
VI-1-3-2 -
Interprétation des données
C'est Marc Bloch (Idem, P.89) qui indique
à suffisance que l'interprétation des faits historiques
intervient juste après leur analyse. Il postule que «le
travail de recomposition ne saurait venir qu'après l'analyse. Disons
mieux : il n'est que le prolongement de l'analyse, comme sa raison
d'être. » . Mbonji Edjenguèlè
(2005 :67 ) pense dans le même ordre d'idées que
« L'analyse précède l'interprétation et est
le dénominateur commun de ceux qui pratiquent la même science,
tandis que l'interprétation les différencie. ».
Tout ce qui précède amène à adopter la posture
d'historien de l'École des Annales pour interpréter les faits
analysés ou traités selon les cas. Les historiens de
l'École des Annales posent qu'en histoire il serait subjectif de parler
de vérité mais plutôt d'intention de vérité
car le fait ou le document ne font pas l'histoire. C'est le chercheur qui, au
vu des faits qu'il a à sa connaissance les interprètent pour
expliquer le pourquoi de tel phénomène.
L'axe d'interprétation des analyses et de la
confrontation des sources faites sera le lien causal des faits
historiques. C'est une procédure reconnue par
les théoriciens de l'École des Annales et qui a été
énoncée par Marc Bloch (1997 :108) pour expliquer
le « pourquoi » de certains faits historiques
constatés. Nous allons donc dans ce travail prendre notre posture de
chercheur en histoire des médias encré dans la vision
scientifique de l'école historiographique des Annales pour
interpréter les faits historiques issus de l'analyse et de la
confrontation des sources afin de comprendre pourquoi les revendications
d'indépendance formulées par les nationalistes n'étaient
pas publiés par les grands journaux camerounais entre 1946 et 1957.
Mais, il ne serait pas judicieux d'expliquer cela par une seule raison
déterminante mais par plusieurs causes. En effet, Marc Bloch
(1997 :110) indique que :
« Prenons- y garde, d'ailleurs : la
superstition de la cause unique, en histoire, n'est trop souvent que la forme
insidieuse de la recherche du responsable : partant, du jugement de
valeur. " A qui la faute, ou le mérite ? " dit le juge.
Le savant se contente de demander « pourquoi » ? Et il
accepte que la réponse ne soit pas simple. ».
Cette exigence scientifique d'expliquer le
fait historique par plusieurs causes nous recommande donc dans ce travail de
montrer que plusieurs raisons déterminantes sont à l'origine de
la non- publication des événements liés aux revendications
d'indépendance au Cameroun. C'est pour cela qu'à la suite des
différentes analyses, il est question de procéder à une
interprétation pour découvrir pourquoi les journaux ignoraient
les sujets d'actualité liés aux revendications de
souveraineté formulées par les nationalistes.
VI-1- 4 -Forme d'écriture
utilisée dans la rédaction finale de ce travail
La rédaction d'un travail historique
peut se faire sous la forme chronologique notamment dans le cas des
récits événementiels. Cette forme d'écriture est
prônée entre autre par l'École méthodique ou
positiviste.
Cependant, le présent travail étant
inséré dans l'école historiographique des Annales qui
exige du chercheur qu'il pose un problème, on prône la
vérification d'hypothèses préalablement formulées
au moyen d'interprétation de faits. C'est la raison pour laquelle la
rédaction de ce travail est faite sous la forme
thématique afin de vérifier lesdites hypothèses. La
forme chronologique ne pouvant être utilisée qu'à
l'intérieur desdits thèmes selon les cas, il reste que ce travail
est rédigé sous la forme thématique.
VI-2- Positionnement théorique
Le positionnement théorique ou cadre théorique
est un construit scientifique du chercheur. Celui de la présente
recherche est fortement encré sur une théorie empruntée
à l'histoire. Il s'agit de l'École des Annales. Ce courant
théorique nous permet de faire un travail historique
dépouillé de récit événementiel en posant un
problème de recherche ; celui de la non-couverture des
événements liés aux revendications d'indépendance
par les organes de presse écrite publiés. Phénomène
dont il convient de trouver les raisons déterminantes.
VI-2-1- Présentation de
l'École des Annales
L'École des Annales est un courant historiographique
qui a vu le jour en France grâce aux travaux de Lucien Febvre et de Marc
Bloch. Elle succède au Positivisme ou École Méthodique
qualifiée d' « histoire
événementielle » dont les figures de proue sont
Seignobos et Langlois. L'École Méthodique accorde une place
centrale au document dans le travail d'historien, il y a aussi une recherche de
l'objectivité et de la vérité, ce qui oblige l'historien
à privilégier les faits. En outre elle prône un
récit chronologique des événements. Le déclin de ce
courant de pensée va avoir lieu au 20ème
siècle.
C'est dans ce contexte que Lucien Febvre va fonder avec Marc
Bloch une nouvelle revue, les Annales d'histoire économique et
sociale. C'est autour de celle-ci que va se développer
l'École des Annales. Ce courant historiographique
préconise une histoire complète qui ne se contente pas de
récit mais qui pose des problèmes. L'histoire devient avec
l'École des Annales
une « histoire-problème » qui questionne
le passé et remet parfois en cause ses propres postulats afin de ne pas
être en reste sur les autres sciences et sur l'histoire du monde. Cette
discipline devient également avec les théoriciens des Annales,
une science d'interprétation. Il s'agit de la sortir de sa stagnation,
d'élargir les alliances possibles avec les autres sciences et de
développer la curiosité de l'historien. Lucien Febvre
(1952 :204), l'un des fondateurs de cette École dira dans son
ouvrage Combat pour l'histoire
que « Entre l'action et la pensée il n'est pas de
cloison, il n'est pas de barrière. Il faut que l'histoire cesse de vous
apparaître comme une nécropole endormie où passent seules
des ombres dépouillées de substance ». Les tenants
de l'École des Annales n'admettent pas l'histoire comme l'enregistrement
d'une suite d'événements. Ils réfutent une histoire
centrée sur les biographies, les faits diplomatiques, les récits
des batailles... L'École des Annales est alors essentiellement un
courant d'idées et de méthodes, avec le souci d'abattre «
les cloisons » ou les frontières entre les géographes, les
économistes, les statisticiens, les sociologues, les juristes et les
historiens. Elle admet qu'il ne faut pas hésiter de faire appel à
toutes les sciences voisines et à leurs méthodes qui peuvent
permettre d'élargir le regard du chercheur en histoire afin de trouver
des réponses aux questions posées. C'est pour cela que dans le
cadre de cette recherche nous faisons appel à d'autres disciplines
scientifiques comme les statistiques et à des méthodes comme
l'analyse des thèmes.
VI-2-2- Le modèle
adopté et son application dans cette recherche
C'est le modèle théorique de l'École
des Annales que prône Marc Bloch qui sera appliqué dans le
cadre de cette recherche.
Marc Bloch, historien français, né à Lyon
et co-fondateur avec Lucien Febvre de l'École des Annales a
exposé sa pensée théorique dans son ouvrage
Apologie pour l'histoire ou métier d'historien publié en
1952 et réédité en 1997. Marc Bloch rejoint
Lucien Febvre par ses
analyses et sa volonté d'ouvrir le champ de l'histoire aux autres
disciplines scientifiques. À l'instar de ses collègues de
l'É
cole des
Annales, il préconise la pluridisciplinarité et le travail
collectif chez les
historiens. Pour Marc
Bloch (1997 :14), « Chaque science, prise isolément,
ne figure jamais qu'un fragment de l'universel mouvement vers la
connaissance » de même il pense que « Le bon
historien, lui, ressemble à l'ogre de la légende. Là
où il flaire la chair humaine, il sait que là est son
gibier » (Idem, P.18).
Marc Bloch pense en effet que l'historien cherche à
comprendre les raisons déterminantes qui ont entraîné le
déroulement de faits historiques au lieu de les narrer simplement. Il a
ainsi théorisé le lien causal des phénomènes
historiques en prônant la recherche de plusieurs causes pour un
même fait. C'est la recherche des causes des phénomènes
historiques telles qu'énoncée par ce penseur qui nous sert
d'encrage théorique dans ce travail. C'est ainsi que nous cherchons
à comprendre les raisons qui ont amené les organes de presse
à ne pas publier les faits d'actualité liés aux
revendications d'indépendance formulées par les nationalistes.
Une recherche historique pour Marc Bloch (Idem, P.108) doit avant tout
s'atteler à travers les sources disponibles à établir la
causalité des événements. Il dit pour cela que :
« En vain, le positivisme a prétendu
éliminer de la science l'idée de cause. Bon gré mal
gré, tout physicien, tout biologiste pense par " pourquoi " et
" parce que". A cette commune loi de l'esprit, les historiens ne
sauraient échapper. Les uns, comme Michelet, enchaînent dans
un grand " mouvement vital", plutôt qu'ils n'expliquent en forme
logique, d'autres étalent leur appareil d'inductions et
d'hypothèses ; partout le lien génétique est
présent. Mais, de ce que l'établissement de rapports de cause
à effet constitue ainsi un besoin instinctif de notre entendement, il ne
s'ensuit pas que leur recherche puisse être abandonnée à
l'instinct. Si la métaphysique de la causalité est ici hors de
notre horizon, l'emploi de la relation causale, comme outil de la connaissance
historique, exige incontestablement une prise de conscience
critique ».
|
Marc Bloch, suggère pour comprendre les raisons
déterminantes des faits historiques de ne pas hésiter de se poser
la question « pourquoi ». Il indique par ailleurs que la
réponse à cette question ne doit pas amener le scientifique
à mener sa recherche autour d'une seule cause du phénomène
historique mais par celle de plusieurs raisons déterminantes. Pour Marc
Bloch (Idem,P.110) :
« ...préjugé du sens commun,
postulat de logicien ou tic de magistrat instructeur, le monisme de la cause ne
serait pour l'explication historique qu'un embarras. Elle cherche des trains
d'ondes causales et ne s'effraie pas, puisque la vie les montre ainsi, de les
trouver multiples. ».
C'est pour cela que dans ce travail nous menons une recherche
sur l'histoire des médias et celle-ci ne se contente pas de relater les
faits mais de poser des questions précisément celles des raisons
de la non-publication par les organes de presse camerounais des sujets
d'actualité liés aux revendications indépendantistes. Nous
appliquons donc le modèle historiographique de l'École des
Annales prôné par Marc Bloch en nous posant la question principale
de savoir pourquoi les grands journaux camerounais de la période
coloniale ne publiaient pas dans leurs colonnes les nouvelles concernant les
revendications d'indépendance formulées par les nationalistes.
Bien entendu, la réponse à cette question principale qui est
soutenue par plusieurs questions secondaires tentant de déterminer une
variété de causes constitue l'ossature de ce travail comme le
recommande scientifiquement Marc Bloch.
VII-Intérêt du travail
Le présent travail
présente un double intérêt. Il s'agit d'un
intérêt scientifique et d'un intérêt pratique.
VII-1- Intérêt
scientifique
Ce travail permet de montrer le caractère
pluridisciplinaire qui caractérise les Sciences de l'Information et de
la Communication. En effet non seulement il s'agit d'un travail d'histoire avec
les méthodes reconnues à cette science comme la confrontation des
sources, mais aussi d'une recherche axée sur la presse écrite
avec l'analyse des thèmes développés par des organes de
presse; ce qui permet d'associer à la fois l'histoire et les
études sur les structures médiatiques.
De même, il démontre que l'histoire des
médias n'est pas seulement un récit d'évènements
passés dans lesquels on relate les transformations qu'ont connues les
entreprises médiatiques, mais aussi qu'avec des théories
historiographiques comme l'École des Annales, on peut questionner le
passé et poser des problèmes pour étudier les raisons du
silence observé par les structures médiatiques dans la
publication des sujets d'actualité notamment ceux liés aux
revendications d'indépendance.
VII-2- Intérêt
pratique
Ce travail permet en outre de résoudre le
problème de la documentation sur l'histoire des médias au
Cameroun. En effet, la recherche dans ce domaine reste encore quantitativement
limitée. Ce travail vient donc apporter une contribution certes modeste
à la connaissance du passé de la presse écrite au Cameroun
à un moment important de l'histoire de ce pays. Il s'agit de procurer
une documentation à des futurs chercheurs en histoire des médias
dans la suite des travaux déjà réalisés dans le
même domaine par d'autres scientifiques.
VIII-Délimitation de la
recherche
Il importe de préciser les cadres dans lequel ce
travail sera inséré. Cette nécessité de
délimiter notre recherche obéit à toute exigence d'un
travail scientifique, plus précisément en histoire où les
facteurs temps et d'espace sont d'une grande importance.
VIII -1- Délimitation
spatiale du travail
Dans ce travail de recherche nous nous intéressons
à la partie orientale du Cameroun colonial. Celle-ci est la
région administrée par la France avec pour capitale
Yaoundé. Ce choix se justifie d'abord par le fait que les sources
écrites qui sont disponibles dans l'écriture de l'histoire de
cette partie le sont en français, une langue que nous maîtrisons
mieux. De même, il nous a été plus facile de nous procurer
des journaux ayant paru dans cette partie du Cameroun.
VIII-2- Délimitation temporelle
de la recherche
La présente recherche s'inscrit dans un cadre temporel
qui va de 1946 à 1957.
1946 étant la période au cours de laquelle le
Cameroun a acquis officiellement son statut de pays sous-tutelle de l'ONU avec
pour pays administrateurs la France pour la partie orientale qui nous
intéresse et la Grande -Bretagne pour la partie occidentale. Ce statut a
été confirmé par l'accord de tutelle signé le 13
décembre 1946 entre ces deux pays et l'ONU. C'est ce statut en
général et cet accord de tutelle en particulier que les
indépendantistes camerounais vont dénoncer tout au long de leur
lutte.
Quant à l'année 1957, elle est celle au cours de
laquelle le Cameroun a acquis son autonomie interne à la suite du
décret du 16 avril 1957 qui a permis la mise en place des nouvelles
institutions prévues par la loi votée au cours de la session de
l'ATCAM tenue du 28 janvier au 22 février de la même année
(Mveng Engelbert,1985 :247).
VIII- 3- Délimitation liée à la
typologie des journaux et aux
articles de presse
étudiés
Cette recherche s'intéresse particulièrement aux
organes de presse d'information générale car c'est eux qui
traitaient des sujets d'actualité d'ordre politique et étaient
susceptibles de publier les nouvelles concernant les revendications
d'indépendance. Il faut bien souligner qu'entre 1946 et 1957 le Cameroun
comptaient des organes de presse de typologie variées notamment les
journaux d'information générale, des organes de presse
confessionnels, des publications d'entreprises et des journaux
spécialisés. D'où l'importance qui réside dans la
délimitation de cette recherche aux organes d'information
générale.
Pour ce qui est des articles de presse étudiés,
il convient d'indiquer que ce sont ceux qui traitaient des sujets
d'actualité liés au domaine politique que nous allons retenir
afin d'en dégager les thèmes qui y apparaissaient.
IX- Revue de la littérature
Notre travail se situe dans le même domaine
d'étude que des travaux effectués antérieurement par
d'autres chercheurs. Il s'agit d'ouvrages publiés, de thèses et
de mémoires chacun selon sa propre orientation. Il est donc important de
voir ici ce que ces scientifiques ont écrit sur la problématique
de la couverture des événements liés aux revendications
d'indépendance formulées par les nationalistes camerounais.
· Tudesq, André-Jean et Nédélec
Serges, Journaux et radios en Afrique aux XIXe et XXe
siècles, Saint-Étienne, Impressions Dumas, 1998.
L'histoire des médias en
Afrique a intéressé André-Jacques Tudesq et
Serges Nédélec. Ils ont publié en 1998 un ouvrage
intitulé Journaux et Radio en Afrique aux XIXème
et XXème siècles. Ces auteurs font un
récit chronologique de l'évolution des deux médias en
Afrique de 1773, année de la naissance de la première gazette
Annonces, affiches et avis divers pour les colonies des îles de
France et de Bourbon dans l'île Bourbon jusqu'à la
fin du 20ème siècle. Ils vont constater qu'en Afrique
l'introduction de la radio est intervenue un siècle après celle
de la presse écrite. André-Jean Tudesq et Serges
Nédélec (1998 : 90) vont en outre indiquer que
l'introduction de la radio dans certains pays notamment ceux placés sous
administration française se justifie par le désir de ce
gouvernement de « chercher de nouveaux moyens de diffusion
dans la France d'outre-mer pour développer les relations avec la
métropole, construire l'Union française et combattre les
idées nationalistes. ». On voit donc avec eux que la
question de la couverture médiatique se pose déjà et ils
pensent que les organes de presse et les radios ont été
introduits en Afrique pour servir les intérêts des
métropoles et combattre les idées développées par
les nationalistes. Pour ce qui est du Cameroun, ils précisent
que : « Au Cameroun, après 1945, le pluralisme
politique favorisa une presse diversifiée : des journaux
d'avant-guerre continuaient à paraître, comme L'Éveil du
Cameroun qui devient hebdomadaire en 1952, Le Cameroun libre,
organe des gaullistes ... » (Idem, P.78). Cet ouvrage
évoque donc le soutien des journaux à certaines causes notamment
la présence européenne en Afrique et les idées de certains
mouvements politiques notamment les gaullistes pour ce qui est du cas du
journal Le Cameroun libre. Notre travail quant à lui cherche
non pas à évoquer spécifiquement les soutiens des organes
de presse pour des causes mais s'intéresse plus spécifiquement
aux différentes raisons de la non-couverture des faits liés aux
revendications d'indépendance par les organes de presse.
· Omgba Etoundi, Marc Joseph, La presse camerounaise
dans tous ses états : esquisse de présentation de la presse
écrite camerounaise des origines à nos jours avec un gros plan
sur la presse écrite de langue française pour la période
allant de 1992 à 1997 (2000). Pour ce travail d'Habilitation
à Diriger les Recherches(HDR), l'universitaire pose au départ la
problématique qui consiste à voir le rôle joué par
la presse dans l'évolution générale des
sociétés. La délimitation temporelle qu'il fait de son
travail va de 1903 à 1997. Dans sa définition
opérationnelle, le chercheur distingue les catégories des
différents journaux recensés notamment la presse écrite de
service public, la presse d'entreprise, la presse privée d'information
générale et politique et la presse spécialisée. Il
procède par la suite à une présentation sommaire des
différents organes de presse qui ont animé le paysage
médiatique au Cameroun de 1903 à 1992. Enfin, il fait un gros
plan et présente les différentes structures de presse
écrite dans le pays entre 1992 et 1997 en insistant sur les lignes
éditoriales, les périodicités et les présentations
physiques de ces périodiques. Marc Joseph Omgba Etoundi (Idem, P.79)
présentant des organes de presse de la période coloniale dit du
journal Le Cameroun de demain qu'il « a
été fondé à des fins électoralistes à
en croire ses adversaires. Son promoteur qui tient à jouer un rôle
politique dans le territoire, entend disposer ainsi d'un organe d'information
et d'expression au service de son ambition ».
Ici également le chercheur évoque le soutien des
journaux à des hommes politiques. C'est le cas de la publication Le
Cameroun de demain fondée par le Dr. Aujoulat qui venait en appui
à ses activités politiques.
Notre travail quant à lui est délimité
dans la période allant de 1946 à 1957. De même il entend
non pas évoquer simplement les orientations éditoriales des
organes de presse, mais étudier les raisons de la non-publication par
les journaux des sujets liés aux revendications
d'indépendance.
· Sah, Israël Leonard, Contribution
à l'histoire de la presse écrite de langue française au
Cameroun, des origines à l'autonomie (1975) ;
Cette thèse de Doctorat présente de
manière générale les différents organes de presse
du Cameroun depuis l'arrivée des français en 1916 jusqu'à
l'autonomie du Cameroun français en 1957. Il classe les journaux de
cette période en plusieurs catégories. Il s'agit notamment des
journaux publics, des journaux d'information générale et
politique et des organes de presse spécialisés parmi lesquels les
journaux confessionnels, corporatifs et les publications sportives. Pour lui,
les origines de la presse de langue française au Cameroun sont à
trouver dans la fondation le 1er novembre 1916 du journal officiel
du Cameroun qui s'appelait alors Journal officiel des territoires
occupés de l'ancien Cameroun. L'âge d'or de cette presse
intervient pendant la décolonisation. Voici d'ailleurs comment
Israël Léonard Sah (Idem, P.104) explique l'origine de cette
pluralité d'organes de presse :
« C'est ainsi qu'une certaine idée de la
liberté mettra en marche le processus de la décolonisation qui ne
cessera de se développer. La naissance au cours des années
1949-1950 d'un sentiment national camerounais qui ira en s'amplifiant
procède du même état d'esprit. Etat d'esprit favorable
à la multiplication des journaux et d'organes d'expression proprement
indigènes ».
Parlant des orientations éditoriales de ces journaux,
il montre également que certaines publications défendaient la
cause coloniale tandis que d'autres animés par un sentiment national
soutenaient les mouvements nationalistes.
Notre recherche quant à elle est axée sur la
période qui va de 1946 à 1957. De même, le travail que nous
menons cherche les raisons déterminantes du peu d'intérêt
affiché par les grands journaux aux événements liés
aux revendications d'indépendance.
Au terme de cette revue de la littérature. Nous avons
relevé que les différents documents qui ont déjà
abordé le problème de la couverture médiatique pendant la
période coloniale se sont plus appesantis sur le fait que ces journaux
servaient chacun une cause précise. Notre travail qui a la
particularité de s'intéresser à la période allant
de 1946 à 1957 entend lui, se démarquer des recherches
antérieures en ce sens qu'il pose le problème des raisons de la
non-publication par les grands organes de presse des revendications
d'indépendance formulées par les nationalistes. Ceci dans une
perspective de l'école historiographique des Annales.
X- Définition des
mots-clés
Nous avons mobilisé plusieurs concepts
dans le cadre de ce travail, leur définition s'avère
nécessaire pour une meilleure compréhension de leur utilisation
dans cette recherche.
X-1-Presse écrite
Du latin pressus, pressé, comprimé,
serré, enfoncé désigne d'une manière
générale, l'ensemble des moyens de diffusion de l'information
écrite : quotidiens, hebdomadaires et autres publications
périodiques ainsi que les journaux professionnels contribuant à
la diffusion de l'information écrite. Tirant son origine de l'usage
d'une
presse
d'imprimerie, l'expression "presse écrite" sert à distinguer la
presse par rapport aux autres
médias :
radio, télévision, internet...
Dans ce travail le concept de presse
écrite renvoie à l'ensemble de journaux publiés
c'est-à-dire à l'ensemble des supports d'information
écrite.
X-2-Nationalisme
Du latin natio, naissance, extraction,
dérivant de natus, né ; le nationalisme est un
concept qui renvoie à plusieurs sens : un sens de
« libérateur » et un sens de
« dominateur ».
Dans son sens de «
libérateur », le nationalisme est une doctrine et une action
politique qui visent à l'
indépendance
d'une nation lorsqu'elle est placée sous une domination
étrangère. Le nationalisme peut aussi chercher à
défendre une culture opprimée ou niée par un occupant ou
dissoute au sein d'un ensemble plus vaste.
Le nationalisme s'appuie alors sur l'unité historique,
culturelle, linguistique de la population. Il est fondé sur le principe
d'
auto-détermination
des
peuples
c'est-à-dire leur droit à disposer d'eux-mêmes avec pour
conséquence la
souveraineté
populaire et l'indépendance de l'État sur un territoire
national.
Dans son sens de « dominateur », au sein
d'un État-nation existant, le nationalisme est une
idéologie
politique qui donne la primauté à la nation par rapport à
toute autre considération dans les relations internationales. Ce
nationalisme peut trouver son origine dans des peurs provoquées par des
dangers extérieurs ou par un ennemi intérieur (
xénophobie,
antisémitisme...).
Il conduit alors à un certain isolement et au retour vers le
système de valeurs sur lequel est fondée la nation.
Alain Aimé Rajaonarison (2009 :32) définit
le nationalisme comme « la réaction d'un individu ou d'un
groupe de personnes à une situation, qui est souvent excitée par
l'orgueil blessé, le sentiment d'infériorité, la
défaite.».
Tenant compte de tout ce qui précède, nous
formulons la définition suivante du nationalisme pour ce travail:
c'est un sentiment d'amour pour une nation exprimé par un groupe de
personnes dont le territoire est dominé par une puissance
étrangère et qui souhaite l'indépendance de celui-ci. Cela
amène ainsi plusieurs actions de revendications de souveraineté
formulées par ces personnes qui sont donc qualifiées de
nationalistes et qui idéologiquement s'opposent aux occupants.
X-3-Indépendance
Le concept d'indépendance renvoie à plusieurs
sens. On peut le définir comme l'état de quelqu'un qui n'est
tributaire de personne sur le plan matériel, moral et intellectuel.
Ce concept peut encore être vu comme la situation d'une
collectivité dotée sur le territoire où elle vit d'organes
non subordonnés à ceux d'une autre collectivité. On dira
donc pour ce cas que l'indépendance politique s'exprime juridiquement
par la souveraineté étatique interne et internationale. Le
concept « indépendance » a donc dans ce cas pour
synonymes: liberté, émancipation...
Blouin, Maurice et ali (1995 :39) quant
à eux définissent l'indépendance comme la capacité
d'être autonome au plan des idées, des sentiments, de la
motricité et des habitudes de vie.
Cette définition est proche de celle que nous adoptons
dans le cadre de cette recherche où l'indépendance est vue comme
la condition d'un État, d'un pouvoir qui ne relève pas d'un
autre, qui est souverain à tous points de vue et qui s'administre
librement.
XI-Plan du travail
La structure de ce travail comprend trois grandes lignes
représentant ses trois parties. La première intitulée
présentation du Cameroun et du cadre juridique de la presse
écrite est constituée de généralités dans
lesquelles nous présentons le territoire et le cadre juridique qui
régissait les activités de la presse écrite entre 1946 et
1957. Quant à la deuxième partie, elle est
intitulée : le contenu des journaux édités par les
Français et les informations fournies par les sources sur l'attitude des
autorités à l'endroit des publications des nationalistes. Cette
articulation est consacrée à la présentation des
données recueillies sur le terrain. Ce qui amène donc à
présenter les thèmes contenus dans les différents journaux
étudiés et à présenter les informations fournies
par les sources sur l'attitude des autorités coloniales suite aux
dénonciations contenues dans les journaux fondés par les
nationalistes. Pour ce qui est de la troisième partie, elle porte le
titre suivant : les causes de la non-publication par les journaux des
faits d'actualité liés aux revendications
indépendantistes. Cette articulation est centrée sur les analyses
thématiques, la confrontation des sources et sur l'interprétation
qui nous amène de ce fait à découvrir les
différentes raisons déterminantes de la non-publication par les
journaux des sujets concernant les réclamations de souveraineté
formulées par les nationalistes.
PREMIÈRE PARTIE :
PRÉSENTATION DU CAMEROUN ET DU CADRE JURIDIQUE
DE LA PRESSE ÉCRITE
En 1945, au moment où la Seconde Guerre
mondiale s'achève, le Cameroun jusque là pays sous-mandat de la
SDN va changer de statut. Il va devenir un territoire international
sous-tutelle de l'Organisation des Nations Unies. Dès lors, avec le vent
des revendications que connaissent des pays jusque là dominés
par les puissances occidentales, des Camerounais vont réclamer
l'indépendance du pays. Cette première partie s'attèle
donc à mobiliser des généralités importantes pour
ce travail notamment la présentation du Cameroun après la Seconde
Guerre mondiale (chapitre I) et le cadre juridique qui régissait les
activités de la presse écrite pendant la même
période (chapitre II).
CHAPITRE PREMIER :
PRÉSENTATION DU CAMEROUN APRES LA SECONDE GUERRE
MONDIALE
C'est le 2 septembre 1945 que la Seconde Guerre mondiale
s'achève officiellement avec la capitulation du Japon. Plusieurs
camerounais ont participé aux opérations militaires en tant
qu'acteurs en combattant aux côtés des alliés. La fin de ce
deuxième grand conflit planétaire va entraîner plusieurs
conséquences dont la création de l'Organisation des Nations
Unies. De même, plusieurs Camerounais vont entamer des revendications
pour réclamer l'indépendance du pays. Ce chapitre entend
procéder à la présentation du Cameroun entre 1946 et 1957.
Pour cela, il sera question tour à tour de présenter
géographiquement et administrativement le Territoire (section I),
d'indiquer son statut (section II) et de montrer les différentes
tribunes d'expression des Camerounais pendant cette période (section
III).
Section I - Présentation
géographique et administrative du Cameroun
français
Lorsqu'on parle du Cameroun français, il s'agit de la
partie de ce territoire qui était administrée par la France
pendant la période coloniale, il est question plus
précisément du Cameroun oriental. Cette section vise donc
à présenter le pays ; ce qui amène à montrer
son aspect géographique (paragraphe I) et son découpage
administratif (paragraphe II).
I-1-La géographie du Cameroun français
Selon Richard Joseph (2000 :27), le Cameroun
français avait une superficie totale de 431 206 Km2. La
France administrait ainsi la plus vaste partie puisque le Cameroun anglais
était doté d'une superficie de 76 125 Km2. Quant
à la population du pays, elle était estimée en 1954 comme
l'indique Richard Joseph (Ibidem) à 3 127 321 habitants dont
3 115 052 Africains et 12 269 Européens. Parmi ces derniers, on
dénombrait un total de 11 500 citoyens français.
CARTE 1 : LE CAMEROUN FRANÇAIS
I-2-L'administration du Cameroun
La France a pratiqué au Cameroun le système
d'administration direct et a placé à la tête du pays un
Haut-commissaire de la République. Entre 1946 et 1957, les
personnalités suivantes ont occupé ce poste : MM.
Delavignette, Hofher, Soucadeaux, Roland Pré et Pierre Mesmer. Quant
à son découpage administratif, le Cameroun était
divisé en régions dirigées chacune par un Chef de
région. Les différentes régions étaient :
Haut-Nyong, Wouri, Nyong et Sanaga, Ntem, Mbam, Mungo, Noun,
Bamiléké, Lom et Kadéi, Sanaga-Maritime, Kribi,
Bénoué, Adamaoua et Maroua soit 14 au total.
Au terme de cette section nous avons donc pu présenter
le Cameroun français, un territoire vaste de 431 206
Km2 et divisé en 14 régions administratives à
la tête desquelles étaient placés des fonctionnaires
français.
Section II - Le statut du Cameroun après la
Seconde Guerre mondiale
La présentation du statut du Cameroun après la
Seconde Guerre mondiale constitue pour ainsi dire le principal axe de cette
section. Plusieurs textes juridiques déterminent ce nouveau statut du
Cameroun après le mandat. Ces textes sont : la Charte de
l'Organisation des Nation Unies (paragraphe I), l'Accord de tutelle
signé entre la France et l'ONU le 13 décembre 1946 et la
constitution de l'Union française promulguée en 1946 (paragraphe
II).
II-1-La définition du statut du Cameroun dans la
Charte des Nations unies
Le 26 juin 1945, alors que les pays alliés ont
déjà réussi à vaincre l'Allemagne et l'Italie et
que le Japon poursuit encore la guerre, les représentants de cinquante
pays adoptent à l'unanimité la Charte des Nations unies à
San Francisco aux États-Unis d'Amérique. Elle va entrer en
vigueur le 24 octobre 1945 (Engelbert Mveng, 1985 :173). La
nouvelle organisation comprend six organes d'administration qui sont :
l'Assemblée générale, le Conseil de
sécurité, la Cour internationale de justice, le Conseil
économique et social et le Conseil de tutelle qui est
chargé des anciens territoires sous-mandat. Le rôle de ce dernier
est de veiller au déroulement normal du processus de
décolonisation de ces territoires. Ces pays qui jouissent tous d'un
statut de territoire international sont : La Nouvelle -Guinée, le
Samoa, la somalie, le Ruanda-Urundi, le Cameroun, le Togo, et la zone
stratégique qui couvre les îles Marshall, les Mariannes et les
Carolines.
Le nouveau statut du Cameroun est donc régi par la
Charte des Nations unies. Dans son article 75, celle-ci dispose que :
« L'Organisation des Nations Unies établira,
sous son autorité, un régime international de tutelle pour
l'administration et la surveillance des territoires qui pourront être
placés sous ce régime en vertu d'accords particuliers
ultérieurs. Ces territoires sont désignés
ci-après par l'expression "Territoires Sous-
Tutelle "».
On voit que l'Organisation des Nations Unies avait
déterminé un statut que l'on pourrait qualifier de particulier et
qui allait concerner certains territoires dont le Cameroun. Le régime de
tutelle, tel que définit par les dispositions de l'article 76 de la
Charte des Nations unies a entre autres pour buts : de favoriser le
progrès politique, économique et social des populations des
territoires sous tutelle ainsi que le développement de leur instruction;
de favoriser également leur évolution progressive vers la
capacité à s'administrer elles-mêmes ou vers
l'indépendance, et d'assurer l'égalité de traitement
dans le domaine social, économique et commercial à tous les
membres de l'organisation et à leurs ressortissants.
Ainsi définis, les buts du régime de tutelle
montrent à suffisance que l'ONU entend promouvoir l'émancipation
politique, économique et sociale des populations des territoires
placés sous sa tutelle. L'article 77 de la charte précise la
nature des territoires qui sont susceptibles d'être placés sous le
régime international de tutelle. Il s'agit : des anciens
territoires sous- mandat, des territoires pouvant être
détachés d'États ennemis à la suite de la Seconde
Guerre mondiale et des territoires volontairement placés sous ce
régime par les États responsables de leur administration.
Ainsi, avec son statut de pays sous -mandat pendant
la période d'existence de la SDN, le Cameroun, si on s'en tient à
cette disposition, est donc appelé dès la création de
l'ONU à devenir un Territoire sous-tutelle dans le cadre de ce nouveau
régime international défini par la Charte des Nations unies. Ce
qui revient donc à dire que les conditions de jouissance des
libertés des citoyens de ces territoires allaient être
déterminées par les puissances tutrices. Le Cameroun
n'était donc pas une colonie française mais un territoire
international placé sous administration de la France. Mais comme le
souligne Engelbert Mveng (1985 :175) « Cela revenait
à dire que le Cameroun suivrait la doctrine de Brazzaville sous le
contrôle de l'ONU.».
Seulement, la Charte des Nations unies même si elle
déterminait explicitement que le Cameroun en tant qu'ancien Territoire
sous- mandat devenait une tutelle, elle précisait dans son article 79
que :
« Les termes du régime de tutelle, pour
chacun des territoires à placer sous ce régime, de même que
les modifications et amendements qui peuvent y être apportés,
feront l'objet d'un accord entre les Etats directement
intéressés, y compris la puissance mandataire dans le cas de
Territoires sous-mandat d'un membre des Nations unies, et seront
approuvés conformément aux articles 83 et 85 ».
Le statut du Cameroun tel que précisé par la
Charte de l'ONU allait donc être complété dans sa
définition par l'Accord de tutelle que la France va signer avec les
Nations unies et qui sera entériné par l'Assemblée
générale de cette organisation le 13 décembre 1946.
II-2- La définition du statut du Cameroun dans la
constitution française et l'Accord de tutelle
- La constitution française du 27 octobre
1946 substitue l'Union française à l'Empire
colonial. L'article 60 crée la catégorie juridique de
« Territoires Associés » qui correspond à
celle des Territoires-sous tutelle. Le Comité juridique de l'Union
française et le Conseil d'État admettent que « le
Cameroun en tant que Territoire sous -tutelle est un Territoire
Associé » (« Avis du 13 avril 1948 »
in Revue de l'Union française, 1948 :247). Ainsi, sous
réserve de la Charte des Nations unies et de l'Accord de tutelle, la
constitution de 1946 fût considérée comme applicable au
Cameroun. Le pouvoir législatif continue d'appartenir au parlement
français. Le Cameroun est désormais représenté au
parlement français avec 3 députés jusqu'en 1951 et 2
sénateurs. Les représentants camerounais sont élus au
suffrage restreint et au double collège. Dans les matières
réservées, le Cameroun est soumis au régime des
décrets édictés par le Président de la
République française après avis de l'Assemblée de
l'Union française où le Cameroun est représenté par
5 personnalités.
Aux termes de la constitution du 27 octobre
1946, « le Cameroun fait partie de l'Union française
en qualité de Territoire associé à la
République » (Rapport annuel du
gouvernement français à l'Assemblée générale
des Nations unies sur l'administration du Cameroun placé sous la tutelle
de la France, 1955 :20).
- Quant à l'Accord de
tutelle, conformément aux dispositions de la Charte des
Nations unies, la France en tant que puissance chargée de
l'administration du Cameroun allaient donc signer un accord avec cette
organisation pour déterminer les modalités pratiques de
l'administration du pays en vue de le conduire à son
indépendance. La Charte des Nations unies définit juridiquement
les conditions de signature des accords de tutelle. Elle dispose ainsi en son
article 81 que :
« L'Accord de tutelle comprend, dans chaque cas,
les conditions dans lesquelles le territoire Sous-Tutelle sera
administré et désigne l'autorité qui en assurera
l'administration. Cette autorité, désignée ci-après
par l'expression "Autorité chargée de l'administration",
peut être constituée par un ou plusieurs Etats ou par
l'organisation elle-même.».
Ainsi, conformément à cet article, la France va
proposer à l'Assemblée générale de l'ONU
réunie en sa deuxième session ordinaire un projet d'accord le 13
décembre 1946. Le projet est approuvé sous la
référence « Accord de Tutelle pour le Cameroun sous
mandat français, soumis par le Gouvernement de la France, document
A/155 Rev.2 ». L'Accord de tutelle sur le Cameroun,
élaboré en 15 articles tenant compte du principe de
l'égalité du droit des peuples et de leur droit à disposer
d'eux-mêmes, est approuvé par l'Assemblée
générale de l'ONU, puis publié au Journal Officiel de la
République française du 29 janvier 1948 .
Aux termes de ce nouveau statut organique, qui n'est pas un
simple prolongement du système de mandat, mais dont le champ d'action
est plus vaste et les pouvoirs plus étendus, la France s'engage
systématiquement à :
· instaurer une véritable politique de
développement socioéconomique et culturel ;
· assurer la participation effective des populations
à la vie administrative et politique par la mise en place d'organes
représentatifs et démocratiques ;
· encourager le respect des droits de l'Homme et des
libertés fondamentales comme celles d'opinion, de circulation,
d'association et de presse ;
· procéder, le moment venu, aux consultations
appropriées, en vue de permettre aux populations de se prononcer
librement sur leur régime politique.
L'Accord de tutelle selon les dispositions de son article 2
« confie l'administration du territoire au gouvernement
français ». Celui-ci a pleins pouvoirs de
législation, d'administration et de juridiction et doit sous
réserve des dispositions de la charte « administrer le
territoire selon la législation française, comme partie
intégrante du territoire français » (Idem, P. 20).
En outre l'article 88 de la Charte des Nations unies dispose
que le Conseil de tutelle établit un questionnaire portant sur les
progrès des habitants de chaque territoire dans les domaines politique,
économique et social et dans celui de l'instruction. L'autorité
chargée de l'administration de chaque territoire relevant de la
compétence de l'Assemblée générale de l'ONU adresse
à celle-ci un rapport annuel fondé sur le questionnaire
précité. Pendant la période coloniale ce questionnaire est
régulièrement envoyé aux autorités
françaises qui y répondent annuellement pendant la durée
de la tutelle sous la forme d'un document écrit et illustré
intitulé « Rapport annuel du Gouvernement français
à l'Assemblée Générale des Nations Unies sur
l'administration du Cameroun». Ce rapport est envoyé à l'ONU
dès 1947.
Au terme de cette section, nous avons donc pu voir que le
Cameroun est un territoire international placé sous le régime de
tutelle dont l'administration a été confiée à la
France pour sa partie orientale. Les textes qui régissent ce statut du
Cameroun sont : La charte des Nations Unies, la constitution
française du 27 octobre 1946 et l'Accord de tutelle signé entre
la France et l'ONU.
Ce nouveau statut du Cameroun va accorder des libertés
aux ressortissants de ce pays, ce qui va les amener à formuler des
revendications d'indépendance dans un espace public
déterminé.
Section III - Les tribunes d'expression des
camerounais à l'ère de la décolonisation
Cette section consiste essentiellement à
présenter les canaux par lesquels les camerounais pouvaient s'exprimer
entre 1946 et 1957. Les tribunes qui permettaient aux Camerounais de s'exprimer
comme le mentionne Engelbert Mveng (1985 :183-203) sont : les
organisations syndicales et politiques (paragraphe I) et la presse
écrite (paragraphe II).
III-1-Les organisations syndicales et politiques
- Le syndicalisme camerounais comme d'ailleurs dans la plupart
des pays placés sous la domination française est né
à l'issu de la Conférence de Brazzaville. Le décret du 7
août 1944 signé du Général de Gaulle, chef de la
France libre, reconnaît la constitution des syndicats professionnels en
Afrique noire et à Madagascar. C'est ainsi que plusieurs français
arrivent au Cameroun pour former les camerounais à l'action syndicale.
Parmi eux, Messieurs Jacquot et Gaston Donnat pour le secteur de
l'enseignement, Soulier et Lalaurie pour le secteur du chemin de fer. Dans la
foulée on enregistre la constitution de plusieurs syndicats dont
l'Union des Syndicats Confédérés du Cameroun qui a comme
secrétaire MM. Ruben Um Nyobé et Charles Assale, la
Confédération Camerounaise des Syndicats des Croyants, la Force
Ouvrière...Ces syndicats vont permettre au Camerounais de s'initier aux
actions de revendications.
- Pour ce qui est des partis
politiques, leur essor sera fondé sur les syndicats et les associations
dans les milieux urbains. Leur rôle est surtout de lancer des
idées et de créer une opinion qui pèsera même sur
les populations rurales. Parmi les partis politiques les plus importants de
cette période , on peut citer : L'Union des Populations du
Cameroun, section camerounaise du Rassemblement Démocratique Africain
créée le 10 avril 1948, qui selon Engelbert Mveng (Idem, P. 196)
« est certainement le parti qui, le plus , a fait parler
de lui au Cameroun et dans le monde », l'Évolution
Sociale Camerounaise fondée en 1949 par M. Pierre Dimalia, le Bloc
Démocratique Camerounais formé par M. Louis-Paul Aujoulat en juin
1951, l'Union Sociale Camerounaise, mise sur pied en janvier 1953 par M.
Okala...Certains de ces partis politiques se montrent opposés à
toute forme de colonisation tandis que d'autres seront plus favorables à
la présence française dans le pays.
III-2- La presse écrite
Elle constituait un moyen d'information et même de
formation très important de l'opinion publique auprès de la
population scolarisée. Plusieurs journaux ont vu le jour à cette
période et sont venus s'ajouter à ceux existant
déjà avant la Seconde Guerre mondiale. L'administration
coloniale, les leaders des partis politiques et même des hommes
d'affaires n'hésitent pas à fonder des journaux pour quelques
raisons que ce soit.
Cette section indique donc que les principaux canaux
d'expression des Camerounais pendant la décolonisation sont : les
syndicats, les partis politiques et la presse écrite.
En définitive, ce chapitre nous a permis de voir
qu'après la Seconde Guerre mondiale, le Cameroun a acquis le statut de
territoire international sous-tutelle de l'ONU donc l'administration a
été confiée pour la partie qui nous intéresse dans
ce travail à la France suite aux accords de tutelle validés le 13
décembre 1946. Dès lors, le Cameroun qui est devenu
un « Territoire Associé » de l'Union
française est administré suivant les lois en vigueur en France.Ce
qui a donné lieu à de nombreuses revendications
indépendantistes. Les Camerounais pendant cette période avaient
plusieurs canaux d'expression pour se faire entendre. Il s'agit des syndicats,
des partis politiques et des journaux.
CHAPITRE DEUX :
LE CADRE JURIDIQUE DE LA PRESSE ÉCRITE
Avant 1946, plusieurs organes de presse animaient
déjà le paysage médiatique au Cameroun. Parmi eux :
Informations Radio-Presse, le journal officiel du Cameroun
français, La Gazette du Cameroun, Le bulletin de la chambre de commerce
de Douala, L'Éveil du Cameroun, Le Cameroun agricole, forestier et
minier, Le Cameroun libre... La période de décolonisation
qui débute après la Seconde Guerre mondiale connaît la
production de plusieurs journaux d'opinion à la faveur d'un nouveau
cadre juridique. Ce chapitre a donc pour axe principal la présentation
du cadre juridique qui régissait la presse écrite. Pour cela, il
sera question de présenter la structure de la loi française sur
la liberté de la presse du 29 juillet 1881 et ses modifications
(section I), les caractères essentiels de ladite loi (section II) et
son application au Cameroun (section III).
Section I - La loi française du 29 juillet
1881 et ses modifications
La proposition de la loi du 29 juillet 1881 fût
discutée et adoptée le 21 juillet 1881 par la Chambre des
Députés de la République française. C'est sa
promulgation qui intervient le 29 juillet de la même année. Elle
succède à la loi du 29 décembre 1875 jusque là
appliquée. C'est cette loi qui va régir les activités de
la presse écrite au Cameroun après la Seconde Guerre mondiale,
d'où la nécessité de procéder à sa
présentation.
I-1-La structure de la loi du 29 juillet 1881
Cette loi comporte 70 articles répartis dans
cinq chapitres.
Le chapitre premier est consacré à
l'imprimerie et à la librairie. Dans son article premier on peut ainsi
lire que « L'imprimerie et la librairie sont
libres. ». Ce chapitre comporte 4 articles.
Quant au chapitre deux, il est consacré à
la presse périodique et comporte 9 chapitres. L'article 5 indique
l'esprit de cette loi qui se veut une loi de liberté car il dispose
que : « Tout journal ou écrit périodique peut
être publié, sans autorisation préalable et sans
dépôt de cautionnement, après la déclaration
prescrite par l'article 7 ». L'article 7 de la loi dispose
quant à lui que :
« Avant la publication de tout journal ou
écrit périodique, il sera fait au parquet du procureur de la
République, une déclaration contenant : le titre du journal ou
écrit périodique et son mode de publication ; le nom et la
demeure du gérant ; l'indication de l'imprimerie où il doit
être imprimé. Toute mutation dans les conditions ci-dessus
énumérées sera déclarée dans les cinq jours
qui suivront. »
Il est donc clair, si on s'en tient à ces deux articles
que le régime d'autorisation a cédé la place à
celui de déclaration. Ce qui revient à dire que cette loi qui
sera appliquée au Cameroun plus tard va garantir une liberté dans
les activités de presse notamment pour ce qui est du lancement d'un
organe d'information; surtout que les formalités de déclaration
sont assez simples comme le dispose l'article 8 de la même loi
« Les déclarations seront faites par écrit, sur
papier timbré, et signées des gérants. Il sera
donné récépissé ».
Le chapitre trois de cette loi quant à lui est relatif
à l'affichage, au colportage et à la vente des journaux sur la
voie publique.
Pour ce qui est du chapitre quatre, il concerne les crimes et
délits commis par les journalistes ou par tout autre moyen de
publication. Il comprend 18 articles et est relatif respectivement à la
provocation, aux délits contre la chose publique,
contre les personnes, les chefs d'État et agents
diplomatiques étrangers et aux publications interdites.
Quant au chapitre cinq, il est lié aux poursuites et
à la répression. Il comprend 23 articles concernant
respectivement les personnes responsables de crimes et délits commis par
voie de presse. Il concerne enfin les peines complémentaires,
les récidives, les circonstances atténuantes et les
prescriptions.
La loi est conclue par des dispositions transitoires.
C'est donc cette loi votée sous la Troisième
République française qui est appliquée au Cameroun entre
1946 et 1957. Elle présente plusieurs innovations et est
présentée comme « une loi des
libertés ».
I-2- La modification du 13 septembre 1945
Dans un contexte marqué à la fois par la Seconde
Guerre mondiale et par le début du processus de décolonisation
rythmé par des revendications indépendantistes, la France va
prendre une ordonnance le 13 septembre 1945 dans le but de modifier certaines
dispositions de la loi du 29 juillet 1881.
En effet, le 13 septembre 1945, le Général
Charles de Gaulle, chef de la France libre, prend l'ordonnance
No45-2090 (Journal Officiel de la République
Française, édition du 14 septembre 1945 :18).
Celle-ci vient modifier 13 articles de la loi du 29 juillet 1881 sur
la liberté de la presse. Elle concerne essentiellement la poursuite des
délits et contraventions de police commis par voie de presse ou par
tout autre moyen de publication. Elle laisse en outre apparaître
plusieurs modifications dans la loi de 1881. Ainsi :
· Dans tous les cas de poursuites correctionnelles ou de
simple police, le désistement du plaignant ou de la partie poursuivante
arrêtera la poursuite commencée (article 49).
· Après le réquisitoire, le juge
d'instruction pourra, mais seulement en cas d'omission du dépôt
prescrit par les articles 3 et 10, ordonner la saisie de quatre exemplaires de
l'écrit, du journal ou du dessin incriminé (article 51).
· En cas de condamnation prononcée en application
des articles 23, 24 (alinéas 1er et 2), 25 et 27, la suspension du
journal ou du périodique pourra être prononcée par la
même décision de justice pour une durée qui
n'excédera pas trois mois (article 62).
Les dispositions de cette ordonnance seront
appliquées au Cameroun suite au décret du 27 septembre 1946.
Section II-Les caractères essentiels de la loi
du 29 juillet 1881
La loi du 29 juillet 1881, comme le soulignent Claude
Béranger et ali (1972 :8)
présente deux caractères essentiels : elle est
à la fois une loi de codification et une loi de libération.
II-1-Une loi de codification
L'article 68 de la loi dispose que :
« Sont abrogés les édits, lois,
décrets, ordonnances, arrêtés, règlements,
déclarations généralement quelconques, relatifs à
l'imprimerie, à la librairie, à la presse périodique ou
non périodique, au colportage, à l'affichage, à la vente
sur la presse et les autres moyens de publication sans que puissent revivre les
dispositions abrogées par les lois
antérieures. »
En matière de droit de la publication, la codification
réalisée par cette loi entraîne une division en deux
catégories des infractions pouvant être commises par voie de
presse : il s'agit notamment :
· Des délits de presse proprement dits
définis par la présente loi et réprimés dans les
conditions qu'elle fixe. Ainsi par exemple dans son article 27, cette loi
dispose que :
« La publication ou reproduction de nouvelles
fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou
mensongèrement attribuées à des tiers, sera punie d'un
mois à un an d'emprisonnement et d'une amende de cinquante francs
à mille francs, ou de l'une de ces deux peines seulement, lorsque la
publication ou reproduction aura troublé la paix publique et qu'elle
aura été faite de mauvaise foi ».
On remarque donc qu'ici, la loi précise
l'infraction et elle fixe les conditions dans lesquelles celle-ci est
réprimée.
· Des infractions de droit commun
définies par le code pénal ou des lois pénales
spéciales et réprimées dans les conditions du droit
commun. Pour ces cas, la loi renvoie aux applications des dispositions
pénales certaines infractions commises par voie de presse. C'est le cas
de l'article 43 de cette loi qui dispose que :
« Lorsque les gérants ou les
éditeurs seront en cause, les auteurs seront poursuivis comme complices.
Pourront l'être, au même titre et dans tous les cas, les personnes
auxquelles l'article 60 du Code pénal pourrait s'appliquer. Ledit
article ne pourra s'appliquer aux imprimeurs pour faits d'impression, sauf dans
le cas et les conditions prévus par l'article 6 de la loi du 7 juin 1848
sur les attroupements. »
II-2-Une loi de libération
On peut dire de la loi du 29 juillet 1881 qu'elle est une loi
de libération en ce sens qu'elle présente des caractères
nouveaux et particuliers qui viennent lever « les
épées » qui, jusque là pesaient sur les
promoteurs des organes de presse dont le plus lourd était sans doute
l'autorisation préalable. La loi du 29 juillet 1881 vient donc
affranchir le responsable de publication. Cet affranchissement se traduit
concrètement par plusieurs mesures tant sur le plan des règles et
du contrôle de police administrative que sur celui des
responsabilités judiciaires notamment la suppression de la mesure
d'autorisation préalable pour le lancement d'un organe de presse sur le
marché et du dépôt de cautionnement au
bénéfice de la déclaration préalable
désormais en vigueur. C'est cette mesure de déclaration qui va
permettre l'émergence au Cameroun d'une presse d'opinion pendant le
processus de décolonisation du pays.
Section III - L'application de la loi du 29
juillet 1881 au Cameroun
C'est donc la loi du 29 juillet 1881 modifiée par
l'ordonnance No45-2090 qui va régir la presse écrite
dans les Territoires français d'outre-mer. Selon l'Accord de tutelle
signé le 13 décembre 1946 entre l'ONU et la France, il est admis
par les deux parties que le territoire sous-tutelle est administré selon
les lois et règlements en vigueur dans la métropole (article 2).
Ainsi les activités de la presse écrite étant
régies en France par les dispositions de la loi du 29 juillet 1881, la
présente section entend par conséquent indiquer comment ladite
loi a été appliquée au Cameroun pendant la période
de décolonisation. Pour cela, il sera question de déterminer des
textes d'application de cette loi dans le pays (paragraphe I) et de montrer des
sanctions qui ont été énoncées par l'administration
à l'encontre de certains journaux (paragraphe II).
III-1- Les textes d'application de la loi du
29 juillet 1881 au Cameroun
Plusieurs textes réglementaires
édictent les modalités d'application au Cameroun de la loi
française du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
III-1-1-Le décret rendant applicable
l'ordonnance du 13 septembre 1945
modifiant certaines dispositions de la loi
du 29 juillet 1881
En date du 27 septembre 1946, le Président de la
République française signe un décret rendant applicable
dans les colonies et « les Territoires Associés »
les dispositions de l'ordonnance du 13 septembre 1945 modifiant la loi du 29
juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il n'est plus question de
revenir ici sur les caractères essentiels dudit texte législatif
mais il convient tout de même de préciser que c'est une loi qui
simplifie les procédures de création des organes de presse car
elle institue la déclaration et c'est ce qui explique donc
l'émergence d'une presse d'opinion au Cameroun après la Seconde
Guerre mondiale.
III-1-2- L'arrêté No3521 du
13 octobre 1948 sur le dépôt légal
Entre 1946 et 1957, l'administration coloniale a
réglementé le dépôt légal des publications
paraissant au Cameroun à travers l'arrêté du 13 octobre
1948. Ce texte rend applicable dans le pays les dispositions du
décret N° 46-1644 du 17 juillet 1946
fixant les conditions du dépôt légal dans les
territoires relevant du Ministère de la France d'outre-mer dont le
Cameroun fait partie. Ainsi dans son article premier, il est
précisé que la régie du dépôt légal
instituée par le décret du 17 juillet 1946 fonctionnera au
Service de presse et d'information du Haut-commissariat de la
République. Les articles deux, trois et quatre sont plus précis
quant au fonctionnement de ce dépôt légal. Ils indiquent la
répartition des exemplaires qui sont déposés par les
promoteurs d'organes de presse.
III-2- Les sanctions administratives prises pour mieux
contrôler les activités de la presse
L'administration coloniale française applique donc au
Cameroun les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de
la presse. Mais dans un contexte marqué par des revendications
nationalistes visant l'indépendance du pays, des mesures administratives
sont prises par les autorités coloniales pour contrôler les
activités de la presse. Ils sont publiés par l'administration
coloniale dans les différents rapports qu'elle envoie à l'ONU en
réponse aux questions que cette institution pose et qui sont relatives
aux mesures prises pour garantir la liberté de la presse dans le pays.
Ainsi, les mesures et sanctions ci-après ont été
énoncées par les autorités:
· L'achat des publications non
déposées aux frais des contrevenants : l'imprimeur
et l'éditeur d'un journal sont, chacun en ce qui le concerne, astreints
à la formalité dite du « dépôt
légal ». Ils doivent donc déposer des exemplaires de
leurs publications auprès de l'administration.
« Au cas où ils ne se conformeraient pas
à cette formalité très simple, et après un
délai d'un mois à dater d'une mise en demeure par lettre
recommandée, restée infructueuse, l'administration a le droit de
faire procéder à l'achat dans le commerce des oeuvres non
déposées, et ce aux propres frais des contrevenants, sans
préjudice des amendes qui peuvent les frapper. »
(« Rapport annuel du gouvernement français à
l'Assemblée Générale des Nations Unies sur
l'administration du Cameroun », 1947 :93).
· Les interdictions temporaires ou
définitives d'organes de presse : si la production
et la distribution des journaux sont libres, l'administration
coloniale se réserve toutefois le droit de prendre des mesures dites
restrictives à l'encontre de certains organes de presse. Indiquant que
ces publications « ne peuvent faire l'objet de mesures
restrictives que dans la mesure où elles risquent de provoquer des
troubles graves de l'ordre public. » (« Rapport
annuel du gouvernement français à l'Assemblée
Générale des Nations Unies sur l'administration du
Cameroun »,1955 :161). Les interdictions temporaires ou
définitives de journaux peuvent donc être prononcées par
les autorités coloniales et d'ailleurs celles-ci pour justifier ces
actes auprès des missionnaires de l'ONU indiquent en 1955 que :
« L'autorité administrative a pris
ces mesures pour éviter qu'une propagande, basée sur des
théories anarchistes ou sur des informations tendancieuses ou
mensongères, ne crée des troubles graves dans un pays en pleine
évolution sociale où le sens critique est encore insuffisamment
développé dans les masses. Enfin les journaux publiés par
l'UPC et ses filiales ; La voix du Cameroun, Etoile, Vérité
et Lumière ont cessé de paraître depuis juin
1955. ». (« Rapport annuel du gouvernement
français à l'Assemblée Générale des Nations
Unies sur l'administration du Cameroun »,1955 :161).
L'administration coloniale applique donc la loi
française du 29 juillet 1881 au Cameroun en tenant compte des
spécificités de ce pays qui est un territoire dit d'outre-mer. Et
surtout dans un contexte où le pays est dominé par des
revendications d'indépendance, elle tient par ces mesures à mieux
contrôler les activités de la presse écrite.
Cette section a donc permis de montrer que plusieurs
textes réglementaires ont rendu applicable au Cameroun la loi
française du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette
loi va donc régir les activités de la presse écrite dans
le pays tout au long de la période de décolonisation. De
même, l'administration coloniale va énoncer plusieurs sanctions
dans le but de mieux contrôler les activités de la presse
écrite dans ce pays.
Parvenu au terme de ce chapitre qui était centré
sur la présentation du cadre juridique de la presse écrite au
Cameroun on peut donc constater que c'est la loi française du 29 juillet
1881 qui va régir les activités de ce secteur d'activités.
Son application dans ce pays fera l'objet de plusieurs textes
réglementaires signés par les autorités françaises.
Il s'agit entre autres du décret du 27 septembre 1946 et de
l'arrêté No3521 du 13 octobre 1948
sur le dépôt légal. Mais, les autorités coloniales
n'hésitent pas à énoncer plusieurs mesures disciplinaires
dans le but de mieux contrôler les activités de la presse
écrite au Cameroun.
Ce cadre juridique comme on peut le constater institue un
régime de la presse dit de déclaration. Ce qui va entraîner
l'émergence au Cameroun d'une pluralité d'organes de presse
d'opinion.
Cette première partie entièrement centrée
sur les généralités notamment la présentation du
Cameroun et celle du cadre juridique de la presse écrite nous a permis
de voir qu'entre 1946 et 1957, le Cameroun a bénéficié
d'un statut de territoire international sous-tutelle administré par la
France pour la partie orientale qui nous intéresse dans cette recherche
et la Grande-Bretagne pour la partie occidentale. Les syndicats, les partis
politiques et la presse écrite étaient les tribunes qui
permettaient aux Camerounais de s'exprimer et c'est à travers elles que
les revendications d'auto-détermination seront menées par les
partisans de l'indépendance du pays. Quant au cadre juridique de la
presse écrite, c'est la loi française du 29 juillet 1881 qui
régit cette activité après la Seconde Guerre mondiale. Le
régime de déclaration qui est institué permet la
création de plusieurs organes de presse d'opinion et on peut constater
que les autorités coloniales vont énoncer plusieurs mesures
administratives dans le but de mieux contrôler les activités de la
presse écrite dans le pays.
Après ces généralités, la
partie qui va suivre s'attèle à présenter les informations
recueillis auprès de nos sources notamment les contenus des informations
politiques des journaux publiés par les Français vivants au
Cameroun et l'attitude des autorités coloniales suite aux
dénonciations contenues dans les organes de presse édités
par les nationalistes.
DEUXIÈME PARTIE :
LE CONTENU DES ORGANES ÉDITÉS PAR LES
FRANÇAIS ET LES INFORMATIONS FOURNIES PAR
LES SOURCES SUR L'ATTITUDE DES AUTORITÉS
À L'ENDROIT DES JOURNAUX DES NATIONALISTES
Le processus de décolonisation a été
marqué au Cameroun non seulement par la création de partis
politiques mais par une pluralité d'organes de presse. La presse
écrite qui fonctionnait sous un régime de déclaration
allait alors connaître l'émergence de plusieurs titres d'une
typologie variée. La présente partie est consacrée
à la présentation des informations brutes recueillies. Ainsi,
elle entend présenter tout d'abord le contenu des journaux
édités par des Français vivant au Cameroun. Il s'agit pour
cela de présenter les thèmes développés par les
organes de presse édités par les Français
installées au Cameroun (chapitre trois). Et en second lieu, il sera
question de présenter les informations recueillies auprès de
sources diverses sur l'attitude des autorités coloniales après
les dénonciations publiées dans les organes de presse
fondés par les nationalistes dans un environnement marqué par des
réclamations d'indépendance (chapitre quatre).
CHAPITRE TROIS:
PRÉSENTATION DU CONTENU DES JOURNAUX
PUBLIÉS PAR LES FRANÇAIS VIVANT AU CAMEROUN
Plusieurs journaux ont été fondés au
Cameroun pendant la période coloniale française. Cette
production éditoriale va davantage s'accélérer avec le
déclenchement du processus de décolonisation marqué par
des élections dans le territoire et les revendications d'accession
à l'indépendance formulées par les nationalistes. De
même, l'introduction de la ronéo va booster l'édition,
à peu de frais, des journaux dans ce pays. Ce chapitre entend
présenter le contenu des journaux publiés par les Français
qui vivaient au Cameroun. Il s'agit de ressortir les thèmes
développés par les articles à caractère politique
qui ont été publiés par lesdits organes de presse. Qu'il
s'agisse de l'administration coloniale française, des hommes politiques
français installés au Cameroun ou des hommes d'affaires
français menant leurs activités dans ce pays, ces
différentes forces ont fondé des publications dans le territoire.
Dans ce chapitre, il est question de présenter tour à tour les
thèmes développés dans les organes de presse publics
(section I) , dans les journaux fondés par les hommes politiques
français vivant au Cameroun (section II) et enfin dans les publications
appartenant aux hommes d'affaires installés dans le pays (section
III).
Section I - L'information politique dans les
organes de presse publics
Cette section envisage de présenter le contenu
des journaux publics par la présentation des thèmes liés
à l'actualité politique qui ont été
développés par eux. Entre 1946 et 1957, l'administration
coloniale a favorisé la production de plusieurs organes de presse. Parmi
eux : Informations Radio-presse, Vie Camerounaise, Journal des
villages des Nyong et Sanaga, Les nouvelles du Mungo, Le
bamiléké, L'avenir de l'Adamaoua, Études et documents
camerounais, Bulletin de renseignements politique, économique et
social. ..De toutes ces publications, Informations
Radio-presse et Journal des villages du Nyong et Sanaga
semblent être les plus importants. D'où le choix porté sur
ces deux périodiques pour servir d'illustration afin de
découvrir les thèmes développés par les journaux
publics. Pour y parvenir, il sera question tour à tour d'identifier ces
publications (paragraphe I) et de faire ressortir les thèmes
développés par eux dans les différents articles
concernant l'actualité politique (paragraphe II).
I-1- Identification des périodiques publics
étudiés
Informations Radio-Presse qui a pour sous-titre
« Bulletin d'information du Cameroun » est un
journal fondé le 1eroctobre 1939 (Informations
Radio Presse, No001 du 1er octobre 1939)
c'est-à-dire un mois exactement après le début en Europe
le 1er septembre de la Seconde Guerre mondiale. Le siège de
cet organe de presse est à Yaoundé. À son lancement, la
publication est un quotidien mais elle cesse de paraître temporairement
en 1944. Informations Radio-Presse est relancé le 3
décembre 1946 (Idem, No001 nouvelle série du
mercredi 3 décembre 1946). Dès lors, ce support adopte une
périodicité trihebdomadaire et paraît le dimanche, le
mercredi et le vendredi. Informations Radio-Presse cesse de
paraître définitivement en 1955. Il a 2 pages
illustrées et est imprimé sur un grand format de dimension 575
X 410 mm. Son tirage moyen est de 3500 exemplaires et il est
édité dans l'Imprimerie du Gouvernement, une entreprise
appartenant comme lui à l'administration coloniale française.
Informations Radio-Presse est imprimé en bichromie
c'est -à-dire en deux couleurs qui sont le noir et le blanc. Il convient
de préciser que ce journal coûtait 2 francs le numéro de sa
création jusqu'au 30 avril 1950, puis 5 francs du 1ermai
1950 jusqu'à la fin de sa parution en 1955 (Idem, No
524du 30 avril 1950 :1).
Les principales rubriques du journal sont :
· « Lu dans la presse
parisienne » : c'est la revue de la presse parisienne. Plusieurs
journaux publiés en France sont ainsi revisités pour les lecteurs
du journal Informations Radio-Presse notamment : Le
Figaro, l'Aurore, Combat et bien d'autres ;
· « Lu dans la presse
étrangère » : il s'agit de la revue de la presse
américaine, britannique, portugaise, hollandaise et canadienne ;
· « La politique
internationale » : on évoque ici des sujets
d'actualité des pays autres que la France ;
· « Sport » : cette rubrique
présente les nouvelles du sport au Cameroun et en France, de même
que celles des compétitions internationales ;
· « Programme cinéma » :
Le journal présente ici le programme des films à diffuser dans
les salles de cinéma de Douala et de Yaoundé ;
· « De Douala à Maroua, la vie
locale » : cette rubrique présente les nouvelles des
différentes régions du Cameroun. Ce sont des correspondances
venant de plusieurs villes du Cameroun ;
· « Programmes radio» : Il s'agit de
présenter les programme des chaînes de radio qui étaient
écoutées au Cameroun et dans l'ensemble des pays de l'Afrique
Équatoriale française (AEF) notamment Radio-Douala et
Radio-Brazzaville.
· « Annonces » : ce sont des
messages à caractère commercial.
À côté des rubriques permanentes du
journal, on notait également en page 1, des articles d'opinion
concernant l'actualité au Cameroun et en France. Il n'y a pas de
rubrique identifiée pour ces articles d'opinion.
Quant au support Journal des villages du Nyong et
Sanaga, il a pour sous titre « Bulletin mensuel
d'information et de liaison des communes, des sociétés Africaines
de Prévoyance et des Villages ». Le journal est fondé
en juin 1953 (Journal des villages du Nyong et Sanaga, No
001 du 05 juin 1953 :1).Cette publication que Marc Joseph Omgba
Etoundi (2000 :77) présente comme « l'une des plus
grandes réalisations et de réussite en matière de journaux
durant cette période... » est éditée par
les services de la région du Nyong -et -Sanaga. Il est imprimé
sur un grand format de dimension 575 X 410 mm. Journal des villages
du Nyong et Sanaga devient plus tard Journal des
villages .Ce changement de dénomination se justifie sans
doute parce que selon Marc Joseph Omgba Etoundi (Idem, P.85)
« l'ambition de ses promoteurs est de l'étendre dans tous
les villages. ». Il coûte 20 francs et son siège
est à Yaoundé. En outre, il est bimensuel car paraissant le 5 et
le 20 de chaque mois. Il continue de paraître même à la fin
du cadre temporel de cette recherche c'est-à-dire en 1957. La
spécificité de ce journal par rapport à Informations
Radio-presse c'est qu'il est rédigé non pas par les
français mais par les indigènes qui travaillent dans des services
publics. Son Directeur-gérant est M. Jean Christol, un fonctionnaire
colonial. Même si son titre indique une publication locale, cette
publication s'intéresse également à l'actualité
nationale et internationale. Voici d'ailleurs ses principales rubriques:
· « Connaissance du Cameroun et des
Camerounais » : il s'agit ici de donner des nouvelles de
l'actualité nationale. Ce sont pour la plupart des nouvelles à
caractère sociopolitique ;
· « 15 jours » : c'est une
présentation sous forme de brèves de l'actualité
internationale ;
· « Annonces » : cette rubrique
est consacrée aux communiqués ;
· « Sport » : il est question
ici des nouvelles sportives du Cameroun et de l'étranger
À côté de ces rubriques, on note
plusieurs articles qui reviennent sur les faits de société
s'étant déroulés dans la région du Nyong-et
-Sanaga.
Il importe après cette identification des journaux
publics, de présenter leur contenu notamment les thèmes qu'ils
développaient dans leurs articles se rapportant à
l'actualité politique.
I-2- Les thèmes développés par
les journaux publics et leur fréquence d'apparition
La présentation des thèmes
développés dans les journaux publics à savoir
Informations Radio-presse et Journal des villages du
Nyong et Sanaga amène successivement à présenter le
corpus d'analyse, les unités d'analyse, de même que les
thèmes développés dans ces journaux et leur
fréquence d'apparition.
I-2-1- Le corpus d'analyse
Etant vu comme l'ensemble exhaustif des documents sur lesquels
se réalise l'analyse, notre corpus est par conséquent
constitué des articles à caractère politique qui ont
été publiés dans les périodiques publics
Informations Radio-presse et Journal des villages du
Nyong et Sanaga pendant le cadre temporel délimité pour
cette recherche.
Informations Radio-presse a été
édité 1317 fois entre 1946 et 1955. Ces numéros ont
été étudiés afin de dégager les articles qui
traitaient des sujets liés à l'actualité politique. Au
total 1084 articles se rapportant à l'actualité politique ont
donc été publiés dans les colonnes de ce journal. Tandis
que Journal des villages du Nyong et Sanaga est paru 108 fois et a
publié 235 articles traitant de l'actualité politique. C'est donc
un total de 1319 articles de ces deux publications qui
constituent notre corpus d'analyse des thèmes développés
par les journaux publics au Cameroun à l'ère des revendications
d'indépendance. D'où cette représentation :
Tableau 1 : corpus d'analyse des
thèmes contenus dans les journaux publics
Nom de la publication
|
Nombre de parutions étudiées
|
Nombre d'articles constituant le corpus
d'analyse
|
Informations Radio-presse
|
1317
|
1084
|
Journal des villages du Nyong et Sanaga
|
108
|
235
|
Total
|
1425
|
1319
|
I-2-2-L'unité d'analyse
L'analyse des thèmes développés dans les
journaux publics sera appréhendée suivant la fréquence
d'apparition des thèmes dans les articles. L'unité d'analyse sera
donc ici l'article de presse. Il sera par conséquent question de relever
la fréquence d'apparition des thèmes se rapportant à
l'actualité politique dans les différents articles publiés
dans ces journaux.
I-2-3- Présentation et quantification
des thèmes développés par les journaux publics
Les thèmes développés dans les articles
des supports Informations Radio-presse et Journal des
villages du Nyong et Sanaga constituent notre catégorie d'analyse.
Ainsi, en scrutant les 1319 articles de ces publications, on se rend compte que
plusieurs thèmes semblent avoir retenus l'attention des
rédacteurs de ces périodiques. Ces thèmes sont :Les
activités de l'administration centrale coloniale, les
réalisations de la France au Cameroun ;la politique
intérieure de la France, les textes signés par les
autorités françaises pour l'ensemble des territoires de l'Union
Française , les activités des conseillers de l'ARCAM ,
les activités des conseillers de l'ATCAM , les sessions de
l'ARCAM , les sessions de l'ATCAM, Les sessions de l'ALCAM , Les
activités des députés Camerounais à
l'Assemblée nationale française , les visites des
émissaires de l'ONU au Cameroun , les élections
organisées au Cameroun par les autorités coloniales
françaises et les activités menées par les chefs de
régions.
La fréquence d'apparition de ces thèmes ressort
dans le tableau ci-après.
Tableau 2 : Fréquence d'apparition
des thèmes développés par les journaux
publics
Thème évoqué
|
Nombre d'articles consacrés dans Informations
Radio-presse
|
Nombre d'ar-
ticles contenus
dans Journal
des villages du
Nyong et Sa-
naga
|
Total
|
%
(par rap-
Port à l'en-
semble des
des articles)
|
Les activités de l'administration centrale coloniale
|
320
|
71
|
391
|
29,6%
|
Les réalisations de la France au Cameroun
|
279
|
54
|
333
|
25,2%
|
La politique intérieure de la France
|
256
|
22
|
278
|
21,07%
|
les textes signés par les autorités
françaises pour tous les territoires de l'Union française
|
42
|
12
|
54
|
4,09%
|
les activités des conseillers de l'ARCAM
|
28
|
0
|
28
|
2,1%
|
les activités des conseillers de l'ATCAM
|
53
|
11
|
64
|
4,8%
|
les sessions de l'ARCAM
|
12
|
0
|
12
|
0,9%
|
Les sessions de l'ATCAM
|
9
|
8
|
17
|
1,2%
|
Les sessions de l'ALCAM
|
0
|
2
|
2
|
0,1%
|
Les activités des députés Camerounais
à l'Assemblée nationale française
|
43
|
12
|
55
|
4,1%
|
Les diverses élections organisées au Cameroun
par les autorités coloniales
|
31
|
17
|
48
|
3,6%
|
Les activités menées par le
chef de la région du Nyong-et-Sanaga
|
0
|
22
|
22
|
1,6%
|
Les visites des émissaires de l'ONU au Cameroun
|
11
|
4
|
15
|
1,1%
|
Total
|
1084
|
235
|
1319
|
100%
|
Comme on peut le remarquer, le thème des revendications
d'indépendance ne figurait pas parmi les sujets souvent traités
et publiés par les journaux publics. Les différents
thèmes étaient plutôt portés de manière
générale vers les actions qui étaient menées par
les autorités coloniales notamment les visites des autorités
françaises au Cameroun, les changements à la tête du
Haut-commissariat de la République, les audiences du Haut-commissaire de
la République, les visites des autorités coloniales à
l'intérieur du Cameroun, la participation des autorités
coloniales françaises à des réunions à
l'étranger, les textes signés par les autorités
coloniales, les comptes rendus des missions des autorités
françaises à l'ONU pour faire des rapports sur l'administration
du Cameroun et vers la politique intérieure de la France. Ce
contenu thématique montre à suffisance que les nouvelles
liées aux réclamations d'indépendance formulées par
les nationalistes étaient ignorées par les journaux publics.
En définitive, cette section consacrée à
la présentation thématique des articles liés à
l'actualité politique par les journaux publics nous a amené
à choisir comme cas d'illustration les organes Informations
Radio-presse et Journal des villages du Nyong et Sanaga, deux
publications publiques fondées en octobre 1939 pour la première
et en juin 1953 pour la seconde. Ces journaux présentent donc un contenu
qui ignore les sujets concernant les réclamations d'indépendance
formulées par les nationalistes. Ils s'intéressent en
priorité aux activités des autorités coloniales, aux
réalisations de la France au Cameroun et à la politique
intérieure de la France. Cette présentation des thèmes
développés par les organes de presse publics et leur
fréquence d'apparition constitue en fait la première étape
de l'analyse des thèmes développés par cette
catégorie d'organes de presse qui sera poursuivie et
interprétée dans la troisième partie de ce travail.
Il importe à présent de poursuivre cette mise en
évidence du contenu des organes de presse édités par les
Français au Cameroun par la présentation des thèmes
d'actualité politique qui intéressaient les journaux
publiés par les hommes politiques français qui vivaient au
Cameroun.
Section II - L'information
politique dans les organes de presse
fondés au Cameroun
par des hommes politiques français
Des hommes politiques français qui vivaient au
Cameroun ont fondé plusieurs organes de presse pendant la
période de décolonisation. Ces acteurs de la scène
politique se sont ainsi lancés dans des projets éditoriaux
à la faveur du processus de décolonisation au cours duquel des
élections multipartites ont été organisées dans le
pays. Cette section entend présenter le contenu des journaux
édités au Cameroun par des hommes politiques français par
la présentation des thèmes liés à
l'actualité politique qui ont été développés
dans leurs colonnes. Parmi les publications fondées par des hommes
politiques d'origine française vivant au Cameroun, on peut
citer : Méridien de France et d'Afrique, Le Cameroun
de demain (fondés toutes les deux par le Dr. Louis-Paul Aujoulat)
et Le Cameroun libre (fondé par les Français libres du
Cameroun en 1940 et géré par M. Coulouma). Parmi ces
périodiques les plus représentatifs semblent être
Le Cameroun de demain et Le Cameroun libre. D'où le
choix porté sur ces organes de presse pour servir d'illustration aux
journaux publiés par les hommes politiques français vivant au
Cameroun. La présentation des thèmes contenus dans ces journaux
amènera pour cela à identifier ces publications
(paragraphe I) et à faire ressortir les thèmes
développés par eux dans les différents articles
concernant l'actualité politique (paragraphe II).
II-1- Identification des journaux fondés
au Cameroun par des hommes politiques
français
Le journal Le Cameroun de demain est fondé en
1951 par le Dr. Louis-Paul Aujoulat (Le Cameroun de demain,
No001 juin 1951). Il est la deuxième publication de cet homme
politique après Méridiens de France et d'Afrique
fondé en 1946 et qui a cessé de paraître en 1947. Le Dr.
Louis-Paul Aujoulat lance donc son organe de presse la même année
qu'il fonde son parti politique le Bloc Démocratique Camerounais (BDC).
Le siège de ce journal est à Yaoundé. Il est publié
en français et est édité sur quatre pages, mais dès
le mois d'avril 1955, il ne paraît plus que sur deux pages. Il a pour
Directeur-gérant M. André Fouda qui est par ailleurs membre du
BDC (Il sera plus tard le premier Maire de la ville de Yaoundé). Cette
publication a un tirage moyen est de 1000 exemplaires. Le Cameroun de
demain est un mensuel qui est imprimé en bichromie et plus
précisément en noir et blanc. Il est édité sur un
format berlinois de dimension 470x320 mm. Ce journal disparaît des
kiosques en 1956 c'est-à-dire l'année même où son
promoteur est battu par M. André-Marie Mbida aux élections des
députés à l'Assemblée nationale française.
Pour ce qui est de ses rubriques, il faut dire qu'elles varient beaucoup et ne
sont pas permanentes. Néanmoins on peut en retenir quelques unes
notamment :
· « le Cameroun ce mois » qui relate
les faits d'actualité politique et sociale s'étant
déroulés dans le territoire entre deux parutions du
journal ;
· « La chronique » qui est un regard
jeté sur la situation sociopolitique du pays par un
journaliste ;
· « A l'étranger » qui est
une rubrique reprenant les brèves concernant les pays européens
et américains à l'exception de la France ;
· « Annonces » qui est une rubrique
d'annonces à caractère commercial.
À côté de cela, on note
également plusieurs articles qui ne rentrent pas dans une rubrique
précise.
Quant au journal Le Cameroun libre, il voit le jour
en 1940 (« Rapport annuel du gouvernement français à
l'Assemblée Générale des Nations Unies sur
l'administration du Cameroun »,1947 :92). Son sous-titre est
« Organe des Français libres du Cameroun ». C'est un
bimensuel qui parait le 1er et le 15 de chaque mois et qui est
édité en noir et blanc sur 8 pages et parfois, en fonction de la
densité de l'actualité, il a 10 pages c'est-à-dire qu'en
plus du nombre habituel on y ajoute une feuille de deux pages sous forme
d'encartage. Il est imprimé sur un format de dimension 470x320 mm et a
pour Directeur-gérant M. Coulouma Henri qui est par ailleurs
propriétaire de l'Imprimerie Coulouma qui porte son nom. Ce dernier est
membre du Rassemblement du Peuple Français (RPF) et de l'Association des
Colons du Cameroun (ASCOCAM). Le siège de ce journal est à
Yaoundé. Le journal Le Cameroun libre cesse de
paraitre en janvier 1958. Ses principales rubriques sont :
· « Au jour le jour » : qui
revient sur les principaux faits d'actualité de la quinzaine qui se sont
développés au Cameroun ou en France ;
· « Nos on dit » : ce sont des
articles d'opinion rédigés sous une forme humoristique ;
· « Internationale » : cette
rubrique développe des articles liés à l'actualité
hors de la France ;
· « chronique juridique » :
c'est un regard jeté sur des sujets liés au droit ;
· « Annonce » : ce sont des
communiqués le plus souvent à caractère
commercial ;
On note également plusieurs articles sur des
thèmes et des domaines variés qui ne rentrent pas dans une
rubrique précise.
II-2 - Les thèmes
développés dans les journaux édités au Cameroun par
les
hommes politiques français et leur
fréquence d'apparition
Pour présenter les thèmes
développés par les journaux édités par les hommes
politiques vivant au Cameroun, nous allons tour à tour indiquer le
corpus d'analyse, les unités d'analyse et enfin dégager lesdits
thèmes.
II-2-1-Le corpus d'analyse
Entre juin 1951, mois de son lancement et janvier 1956,
période de cessation de ses activités, le journal Le
Cameroun de demain a été imprimé 55 fois. C'est donc
les 55 numéros de ce périodique que nous avons
étudiés pour voir les principaux thèmes qui
intéressaient ses rédacteurs. Pour ce qui est donc des sujets
à caractère politique nous avons recensé 241 articles qui
ont été publiés par ce journal. Quant au
périodique Le Cameroun libre, il a été
publié 288 fois entre 1946 et 1957. Dans ces numéros qui ont
été étudiés, 315 articles liés à
l'actualité politique ont été recensés. Notre
corpus d'analyse est donc constitué de 556 articles.
D'où la représentation suivante :
Tableau 3 : Corpus d'analyse des
thèmes contenus dans les publications édités au
Cameroun par des hommes politiques
français
Nom de la publication
|
Nombre de parutions
étudiées
|
Nombre d'articles consti-
tuant le corpus d'analyse
|
Le Cameroun de demain
|
55
|
241
|
Le Cameroun libre
|
288
|
315
|
Total
|
343
|
556
|
II-2-2-L'unité d'analyse
L'unité d'analyse c'est l'article de presse. Il sera
par conséquent question de relever la fréquence d'apparition des
thèmes se rapportant à l'actualité politique dans les
différents articles contenus dans ces organes de presse.
II-2-3- Présentation et quantification des
thèmes développés dans les journaux
édités au Cameroun par les
hommes politiques français
En étudiant les 556 articles qui constituent ce corpus
d'analyse, les thèmes suivants ressortent: Les activités et les
idées politiques prônées par leurs promoteurs respectifs,
les activités de l'administration coloniale, les réalisations de
la France au Cameroun, la politique intérieure de la France, les
critiques à l'endroit des nationalistes et les diverses consultations
électorales organisées dans le pays. La fréquence
d'apparition de ces thèmes ressort dans le tableau ci-après.
Tableau 4 : Fréquence d'apparition
des thèmes développés dans les journaux
édités au
Cameroun par les hommes
politiques français
Thème évoqué
|
Nombre d'arti-
cles contenus
dans Le Came-
roun de demain
|
Nombre d'articles contenus dans Le Cameroun
libre
|
Total
|
%
(Par rapport
A l'ensemble
Des articles)
|
Les activités et les idées politiques
prônées par leurs
Promoteurs respectifs
|
129
|
162
|
291
|
52,3%
|
Les activités de l'adminis-
tration coloniale
|
24
|
41
|
65
|
11,6%
|
Les réalisations de la France au Cameroun
|
44
|
33
|
77
|
13,8%
|
La politique intérieure de la France
|
12
|
52
|
64
|
11,5%
|
Les critiques à l'endroit des nationalistes
|
4
|
12
|
16
|
2,8%
|
Les diverses élections organisées au Cameroun
|
28
|
15
|
43
|
7,7%
|
Total
|
241
|
315
|
556
|
100%
|
Ce tableau ressort ainsi les différents thèmes
développés par les organes de presse qui étaient
édités au Cameroun par les hommes politiques d'origine
française. On va ainsi noter que pour ces publications, le thème
lié aux activités et aux idées politiques
prônées par leurs Promoteurs respectifs occupe 52,3% du nombre
total des articles. Elles ne s'intéressent pas aux
événements concernant les revendications d'indépendance
formulées par les camerounais. Lorsque ces journaux évoquent la
question du nationalisme, c'est juste pour apporter des critiques aux
idées défendues par ces Camerounais qui aspirent à
l'autonomie complète et immédiate de leur pays et pour indiquer
que celles -ci sont contraires au développement de ce territoire.
En somme, cette section qui consistait à
présenter le contenu des journaux fondés par des hommes
politiques français qui vivaient au Cameroun nous a amené
à prendre comme cas d'étude les publications Le Cameroun de
demain lancé en 1951 par le Dr. Louis-Paul Aujoulat et Le
Cameroun libre dirigé par M. Coulouma. Ces organes de presse
présentent plutôt un contenu ne s'intéressant
prioritairement qu'aux activités et aux idées politiques
prônées par leurs promoteurs respectifs. Ils ignorent les sujets
liés aux revendications d'indépendance formulées par les
Camerounais et lorsqu' il leur arrive de consacrer quelques articles sur les
nationalistes c'était pour décrier leur attitude et critiquer
leurs actions. Cette présentation thématique constitue en fait
la première étape de l'analyse des thèmes
développés par cette catégorie d'organes de presse qui
sera poursuivie et interprétée dans la troisième partie de
ce travail.
Il importe à présent de poursuivre cette
présentation du contenu des organes de presse édités par
les Français au Cameroun par l'évocation des thèmes
d'actualité politique qui intéressaient les journaux
publiés par les hommes d'affaires.
Section III - L'information politique dans les
journaux fondés par
les hommes d'affaires
Cette section entend présenter les thèmes
développés par les organes de presse édités au
Cameroun par les hommes d'affaires. Plusieurs opérateurs
économiques se sont également lancés dans la production
des organes de presse d'information générale au Cameroun. Cette
activité était commerciale pour eux car ils cherchaient à
tirer des profits sur les ventes de leurs journaux. Parmi ces journaux
édités par les hommes d'affaires on peut citer :
L'Éveil du Cameroun de M. Charles Lalanne, La presse du
Cameroun, éditée par le groupe de Breteuil, Ici,
publié par la Compagnie Africaine de Diffusion(CAD) et
dirigé par Mme Marschall. De ces différentes publications, les
plus importantes semblent être L'Éveil du Cameroun
et La presse du Cameroun. C'est la raison pour laquelle ces deux
journaux ont été choisis pour servir d'illustration aux
publications fondées au par des hommes d'affaires installés au
Cameroun. Cette section entend donc présenter le contenu
thématique de ces deux publications. Pour ce faire, il sera
tour à tour question d'identifier ces journaux (paragraphe I) et de
ressortir les thèmes qu'ils développent dans leur contenu
(paragraphe II).
III-1- Identification des journaux publiés
au Cameroun par les hommes d'affaires
Plusieurs sources indiquent que le journal L'Éveil
du Cameroun a été fondé à Douala en 1927.
D'abord le journal lui-même dans sa première parution indique
qu'il est à son premier numéro (L'Éveil du
Cameroun No 001 du 18 juillet 1927 :1). Marc Joseph Omgba
Etoundi (1982 :15) quant à lui précise que
« L'Éveil du Cameroun fût conçu en 1927
à Yaoundé. ». Son sous-titre est
« Economie coloniale, informations, publicité, Annonces
légale ». Cette publication est trihebdomadaire de son
lancement en 1927 jusqu'en 1952, année au cours de laquelle elle adopte
une périodicité bihebdomadaire. Son siège est à
Douala à la Rue du Roi George. Ce journal est imprimé par
l' « Imprimerie Commerciale du Cameroun », une
entreprise dont le propriétaire est également M. Charles Lalanne,
fondateur de L'Éveil du Cameroun. Il est édité
sur 4 pages et tiré à 3000 exemplaires .Il coûte 2 francs
50 et est vendu à l'intérieur du Cameroun, dans les colonies
françaises et en France. Son fondateur, M. Charles Lalanne était
instituteur et homme d'affaires. Le journal cesse de paraître en mars
1955. En effet, dans son numéro 1460 du jeudi 31 mars 1955 en page 1 il
est annoncé la fin de parution de cette publication qui est
remplacée par un quotidien, La presse du Cameroun. Jean
René Comte, l'auteur de cet article précise
que « L'Éveil du Cameroun devient quotidien sous le
titre de La presse du Cameroun ».
Cet organe de presse n'a pas de rubriques permanentes. La seule qui
est « Au fil du stylo » et qui est animée par
Bil Boquet est en fait une rubrique des faits divers c'est-à-dire des
petites histoires sans grand intérêt pour le lecteur qui
désire s'informer. Les articles d'opinion sont donc
présentés sans faire partie d'une rubrique préalablement
identifiée.
Quant au journal La presse du Cameroun, il est
fondé le 1er avril 1955 après le rachat de
L'Éveil du Cameroun par ses propriétaires (Marc Joseph
Omgba Etoundi ,1982 :8). C'est un quotidien qui est imprimé en noir
et blanc. La presse du Cameroun est éditée par la
Société Camerounaise de Presse et d'Édition dont le
principal actionnaire est le groupe de Breteuil qui confie la direction du
journal à M. Georges Larche (André-Jean Tudesq et Serges
Nédélec, 1998 :84). Cet organe de presse est
édité sur un grand format de dimension 575 X 410 mm. Son
siège est à Douala à la Place du gouvernement. Il garde la
même pagination que L'Éveil du Cameroun (4 pages). Il
faut noter qu'au niveau de la numérotation des éditions de ce
journal il s'inscrit dans la continuité de L'Éveil du
Cameroun. Ainsi au lieu que la première édition de cette
publication soit numérotée 001, elle est plutôt
numéro 1461 pour respecter une continuité par rapport à
la dernière sortie de L'Éveil du Cameroun (No
1460). Cette publication coûte 10 francs. La presse du Cameroun
cesse de paraître le 29 juin 1974(Marc Joseph Omgba Etoundi
,1982 :103). Les principales rubriques de ce quotidien sont :
· « Douala » : Il s'agit de
faits d'actualités s'étant produits dans cette ville ;
· « Yaoundé » : Ce sont
des faits d'actualité s'étant déroulés dans la
capitale ;
· « Programmes radio » : ici, il
est question des programmes de Radio Douala et de Radio
Yaoundé ;
· « Petites annonces » : il
s'agit soit des offres d'emploi, soit des annonces à caractère
commercial ;
· « Publicité : ce sont des
insertions publicitaires ;
· « La page de
France-Soir » : cette rubrique occupe toute la
quatrième page de La presse du Cameroun. Comme son nom
l'indique, il s'agit d'un condensé d'articles
développés dans le journal français
France-Soir.
À côté de cela, le journal
développe plusieurs articles qui ne rentrent pas dans une rubrique
précise.
III-2- Les thèmes développés dans les
journaux édités par les hommes d'affaires et leur
fréquence d'apparition
La présentation des thèmes
développés dans les journaux édités au Cameroun
par les hommes d'affaires consistera tour à tour à indiquer le
corpus d'analyse, l'unité d'analyse et les thèmes
développés par ces organes de presse de même que leur
fréquence d'apparition.
III-2-1-Le corpus d'analyse
Entre le 1er janvier 1946, date du début du
cadre temporel de notre recherche et le 31 mars 1955, date de la cessation des
activités de l'Éveil du Cameroun, le journal a
été publié 562 fois. Ce qui correspond à 562
numéros qui ont été étudiés pour voir les
thèmes que cet organe de presse développe. Nous avons ainsi
dégagé 476 articles liés à l'actualité
politique. Quant au quotidien La presse du Cameroun, entre le
1er avril 1955 et le 31 décembre 1957, il a
été édité 909 fois et 817 articles se sont
intéressés aux faits politiques .Ce sont donc ces 817 articles
qui seront étudiés pour voir le contenu de cet organe de presse.
Le corpus d'analyse est par conséquent constitué de 1293
articles ; d'où la représentation suivante :
Tableau 5 : Corpus d'analyse des
thèmes contenus dans les journaux fondés par les
hommes d'affaires
Nom de la publication
|
Nombre de parutions étudiées
|
Nombre d'articles constituant le corpus
d'analyse
|
L'Éveil du Cameroun
|
562
|
476
|
La presse du Cameroun
|
909
|
817
|
Total
|
1471
|
1293
|
III-2-2-L'unité d'analyse
L'unité d'analyse c'est l'article de presse. Il sera
par conséquent question de relever la fréquence d'apparition des
thèmes se rapportant à l'actualité politique dans les
différents articles publiés dans ces organes de presse.
III-2-3- Présentation et quantification des
thèmes développés dans les journaux
édités au Cameroun par les
hommes d'affaires
Les différents articles constituant le corpus
d'analyse ont abordé les thèmes suivants: la politique
intérieure de la France, les activités des autorités
coloniales, les réalisations de la France au Cameroun ,les diverses
élections organisées au Cameroun, les visites des
émissaires de l'ONU au Cameroun, le plaidoyer de certains conseillers de
l'ATCAM pour l'amnistie des « responsables » des
événements de mai 1955, les activités des conseillers de
l'ARCAM ,de l'ATCAM et de l'ALCAM, les activités des membres de
l'ASCOCAM, les activités du RPF, du MRP et du BDC.
Il importe ainsi de présenter la fréquence
d'apparition de ces thèmes dans les différents articles parus
dans les journaux fondés au Cameroun par les hommes d'affaires dans le
tableau ci-après.
Tableau 6 : Fréquence d'apparition
des thèmes développés dans les journaux
édités par les
hommes d'affaires
Thèmes
|
Nombre d'arti-
cles contenus
dans L'Éveil du
Cameroun
|
Nombre d'arti-
cle contenus
dans La presse
du Cameroun
|
Total
|
%
(Par rap-
Port à
L'ensemble des articles
|
la politique intérieure de la France
|
162
|
287
|
449
|
34,7%
|
les activités des autorités coloniales
|
97
|
221
|
318
|
24,5%
|
les réalisations de la France au Cameroun
|
31
|
88
|
119
|
9,2%
|
les diverses élections organisées au Cameroun
|
21
|
36
|
57
|
4,4%
|
Les visites des émissaires de l'ONU au Cameroun
|
11
|
9
|
20
|
1,5%
|
le plaidoyer de certains conseillers de l'ATCAM pour
l'amnistie des « responsables » des
événements de mai 1955
|
0
|
11
|
11
|
0,8%
|
les sessions de l'ARCAM, de l'ATCAM et de l'ALCAM
|
24
|
18
|
42
|
3,2%
|
les activités des membres de l'ASCOCAM
|
16
|
43
|
59
|
4,5%
|
les activités du RPF, du MRP et du BDC au Cameroun
|
48
|
56
|
104
|
8,04%
|
Les visites des autorités françaises au
Cameroun
|
66
|
32
|
98
|
7,5%
|
Les activités du gouvernement de M. André-Marie
Mbida
|
0
|
16
|
16
|
1,2%
|
Total
|
476
|
817
|
1293
|
100%
|
Ce tableau ressort les différents thèmes
développés par les organes de presse qui étaient
édités au Cameroun par les hommes d'affaires. On va ainsi noter
que pour ces publications, le seul thème lié à la
politique intérieure en France occupe 34,7% du nombre total des articles
et celui qui est consacré aux activités des autorités
coloniales qui vient en second lieu dispose de 24,5% de l'ensemble des articles
publiés par journaux. Ces publications ne s'intéressent pas aux
événements concernant les revendications d'indépendance
formulées par les camerounais. Lorsque ces journaux évoquent la
question du nationalisme, c'est pour faire allusion au plaidoyer de certains
conseillers de l'ATCAM demandant une amnistie des
« responsables » des événements de mai 1955
à Douala et qui ont abouti à la dissolution de l'UPC.
En conclusion, cette section qui consistait à
présenter le contenu des journaux fondés par des hommes
d'affaires installés au Cameroun nous a amené à prendre
comme cas d'étude les publications L'Éveil du Cameroun
fondée en 1927 par M. Charles Lalanne et La presse du
Cameroun éditée dès 1955 par le groupe de Breteuil.
Ces organes de presse présentent plutôt un contenu ne
s'intéressant prioritairement qu'à la politique intérieure
de la France et aux activités de l'administration coloniale au Cameroun.
Ils ignorent les sujets liés aux revendications d'indépendance
formulées par les Camerounais et lorsqu' il leur arrive de consacrer
quelques articles sur les nationalistes c'est juste pour indiquer que les
conseillers de l'ATCAM demandaient clémence auprès des
autorités coloniales pour une amnistie des
« responsables » des événements
insurrectionnels de mai 1955 et qui ont abouti à la dissolution de
l'UPC. Cette présentation thématique qui vient d'être
faite constitue en fait la première étape de l'analyse des
thèmes développés par cette catégorie d'organes de
presse qui sera poursuivie et interprétée dans la
troisième partie de ce travail.
En définitive, ce chapitre entièrement
consacré à la présentation des thèmes qui
intéressaient les organes de presse édités au Cameroun par
les Français entre 1946 et 1957 nous a amené à
étudier tour à tour les journaux publics, les périodiques
fondés par les hommes politiques français vivant au Cameroun et
enfin les publications éditées par les hommes d'affaires. Le
premier constat d'ensemble est que ces publications ignorent les sujets
d'actualité liés aux revendications d'indépendance. Pour
ce qui est des organes de presse publics leur intérêt est
porté sur des sujets concernant les activités des
autorités coloniales et les réalisations de la France au
Cameroun. Les journaux fondés par des hommes politiques français
quant à eux privilégient dans leur traitement de l'information
les activités menées par leurs fondateurs. Tandis que les
publications éditées par les hommes d'affaires jettent leur
dévolu sur la politique intérieure de la France et les
activités des autorités coloniales au Cameroun.
Si les journaux publiés par les Français au
Cameroun ignoraient les sujets liés aux revendications
d'indépendance formulés par les camerounais, ce qui ne pouvait
pas leur causer des conflits avec l'administration coloniale, les organes de
presse édités par les nationalistes dans le but de porter leurs
idées auprès de l'opinion semblent avoir eu des rapports
difficiles avec les autorités coloniales françaises. Ce qui nous
amène au quatrième chapitre qui présente l'attitude des
autorités coloniales suite aux dénonciations contenues dans les
journaux édités par les nationalistes dans un environnement
marqué par les réclamations d'autodétermination.
CHAPITRE QUATRE :
LA DESCRIPTION PAR DES SOURCES DE L'ATTITUDE DES
AUTORITÉS À L'ENDROIT DES JOURNAUX ÉDITÉS PAR LES
NATIONALISTES
À la faveur de l'application au Cameroun de la loi
française du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et avec
le déclenchement du processus de décolonisation, des
nationalistes vont fonder des organes de presse. Le but de ces journaux
d'opinion est bien évidemment de les accompagner dans leur lutte pour
l'obtention de la souveraineté du pays. Ce chapitre entend
présenter les informations fournies par les sources consultées au
sujet de l'attitude des autorités coloniales après les
dénonciations publiées dans les journaux fondés par les
nationalistes. Parmi les organes de presse appartenant aux nationalistes entre
1946 et 1957 et dans lesquelles sont publiées des dénonciations
de la présence coloniale , on peut citer : La voix du
Cameroun (fondée par l'UPC), L'étoile
(fondée par l'UPC), les cahiers upécistes (fondé
par l'UPC), Kamerun mon pays (Fondée par M. Ndjeng Jean),
Le flambeau (fondé par M. King John), Le kwifo
(fondé par le « Kumzse), La vérité
(fondée par la Jeunesse Démocratique du Cameroun),
Lumière (fondé par l'UPC)... De ces différentes
publications, les plus importantes semblent être La voix du Cameroun
et Kamerun mon pays. Il s'agit donc de montrer l'attitude de
l'administration coloniale après les écrits contenus dans les
journaux La voix du Cameroun et Kamerun mon pays. Pour ce
faire, il sera d'abord question de présenter l'intérêt
porté aux réclamations indépendantistes par les
publications des nationalistes (section I), ensuite présenter les
informations fournies par les sources consultées sur l'attitude des
autorités coloniales après la publication dans les colonnes de
La voix du Cameroun (section II) et de Kamerun mon pays
(section III) de certains articles dénonçant la présence
française au Cameroun.
Section I- L'intérêt porté aux
réclamations indépendantistes par les publications des
nationalistes
Cette section entend montrer que les journaux
édités par les nationalistes s'intéressaient aux sujets
d'actualité liés aux réclamations de souveraineté
et accompagnaient les indépendantistes dans cette quête de
l'autonomie complète du Cameroun. Pour y parvenir il sera d'abord
question de présenter les périodiques qui nous servent
d'illustration (paragraphe I) et ensuite d'indiquer les principaux
événements concernant les revendications de souveraineté
qui ont été couverts et relayés par lesdits journaux
(paragraphe II).
I-1 : Identification des journaux publiés par
les nationalistes
Il s'agit dans ce paragraphe de procéder à la
présentation des deux organes de presse qui nous servent d'illustration
parmi les journaux édités par les indépendantistes. C'est
en septembre 1949 que l'Union des Populations du Cameroun fonde à
Douala le journal La voix du Cameroun (La voix
du Cameroun No001, septembre 1949 :1).
Cet organe de presse est un mensuel et il a pour sous-titre jusqu'en
décembre 1955 « Organe de l'Union des Populations du
Cameroun, section camerounaise du Rassemblement Démocratique
Africain ». Dès janvier 1956, avec l'adoption de son nouveau
design et suite à l'interdiction de l'UPC, le sous-titre de La voix
du Cameroun devient « Organe central de l'Union
des Populations du Cameroun ». Le journal est mensuel et coûte
15 francs à l'intérieur du Cameroun et 20 francs à
l'extérieur du pays. Son siège est à New-Bell à
Douala. Le tirage moyen de cette publication est de 3000 exemplaires. Il est
édité en noir et blanc. Ce support d'information est
imprimé sur quatre pages sur un format de dimension 410x290 mm de sa
fondation jusqu'en 1955 et est tiré sur offset. Mais dès 1956,
il est ronéotypé et son format a désormais une dimension
de 290 x210 mm. Le journal continue de paraître sous maquis malgré
l'interdiction du parti en 1955. Plusieurs
responsables de l'UPC ont occupé le poste de Directeur-gérant de
La voix du Cameroun. Il s'agit respectivement de MM. Ernest
Ouandié de 1949 à 1952, Abel Kingué de 1952 à 1955
et Joseph Innocent Kamsu dès janvier 1956. Dans son contenu le journal
présente plusieurs rubriques notamment :
· « Editorial » : Ici la
position du journal est donnée sur un sujet d'actualité ;
· « Nouvelles » : Il s'agit de
nouvelles du pays, le plus souvent l'action des indépendantistes sur le
terrain et les agissements des autorités coloniales ;
· « Page humoristique » :
Celle-ci traite des sujets d'actualité sous forme d'humour et est
animée par un rédacteur qui a pour pseudonyme « The
observer ».
D'autres articles ne rentrant pas dans des rubriques
précises sont également publiés dans les colonnes de ce
périodique.
Quant au journal Kamerun mon pays, il est
fondé en janvier 1956 à Douala (Kamerun mon pays,
édition No001 du 4 janvier 1956). Il a pour sous-titre
« Organe progressiste d'informations ». À son
lancement il est trihebdomadaire, paraissant le mardi, le jeudi et le samedi.
Mais en octobre 1956, il change de périodicité et devient
quotidien dans sa nouvelle version. Le journal est ronéotypé et
est édité sur un format de dimension 290 x210mm. Il a un tirage
moyen de 1000 exemplaires et a 4 pages même si la densité de
l'actualité amène parfois ses promoteurs à le produire sur
6 ou même 8 pages. Le journal Kamerun mon pays a pour Directeur
- gérant M. Ndjeng Jean jusqu'en octobre 1956 et à partir de
cette période, ce dernier est remplacé par M. Zambo Jean - Paul.
Le Rédacteur- en-chef de cette publication est M. Jean Marie Manga. Son
siège est à Akwa à Douala et il coûte 10 francs.
Outre l'éditorial généralement signé du
Rédacteur-en-chef, les rubriques de ce journal sont :
· « Evénement » qui publie le
fait marquant du moment ;
· « Dernière heure » qui est
rédigé sous forme de brèves. Ce sont des nouvelles de
l'actualité qui ne font pas l'objet de commentaires ;
· « Tribune » : Cette rubrique
est rédigée par les lecteurs et donne l'occasion à l'un
deux de s'exprimer sur un sujet d'actualité ;
· « Il semble » : Cette rubrique
est destinée à faire des commentaires sur les agissements des
autorités coloniales à l'endroit des nationalistes ;
· « Communiqués » :C'est
une rubrique consacrée aux annonces diverses.
Des articles ne rentrant pas dans une rubrique
précise du journal sont également publiés dans le
journal.
I-2-La publication par les journaux édités
par les nationalistes des sujets liés aux
réclamations de l'indépendance
Pendant la période de décolonisation, les
nationalistes camerounais vont réclamer la souveraineté du pays
à travers plusieurs événements qu'ils vont organiser. Ce
paragraphe présente ainsi l'intérêt porté par les
journaux fondés par les nationalistes aux manifestations majeures de
revendication de l'autonomie du Cameroun. Leur importance tient notamment du
fait qu'ils ont été repris plus tard par des historiens ayant
écrit sur cette période, de leur caractère populaire et
des sujets qu'ils ont abordé et qui constituaient des thèmes
assez importants dans le contexte sociopolitique de cette période. Parmi
les principaux événements indépendantistes de la
période allant de 1949 à 1957 et qui en raison de leur importance
étaient susceptibles d'être relayés dans les colonnes des
périodiques édités par les nationalistes on a :
· Le premier Congrès ordinaire de
l'UPC
Il se tient à Dschang du 10 au 13 avril 1950. Pendant
les travaux, les participants réaffirment leur souhait de voir le
Cameroun indépendant. À la fin de ce congrès, des
responsables de l'UPC dont MM. Um Nyobé, Ngom Jacques, Ntehep Jean et
Kingué Abel se rendent chez le juge de paix pour y déposer une
motion de protestation de la présence française au Cameroun
(Victor Julius Ngoh, 1990 :123).
· La conférence publique de l'UPC du 12
juillet 1951
Après les élections à l'Assemblée
nationale française de juin 1951, M. Um Nyobé, organise une
conférence publique dans la salle des fêtes d'Akwa pour
dénoncer ce qu'il qualifie de tripatouillage électorale
orchestré par l'administration coloniale. À l'issu de ce scrutin,
l'UPC a obtenu 3081 voix 280.302 suffrages exprimés (Idem, P.125). Au
cours de cette conférence plusieurs dirigeants de l'UPC dont MM.
Djoumessi Mathias et Um Nyobé Ruben respectivement Président et
Secrétaire général du parti prennent la parole pour
condamner la fraude massive enregistrée pendant les élections et
pour réitérer la nécessité pour le pays
d'accéder à son indépendance.
· La Première
intervention de M. Um Nyobé à l'ONU
Le 17 décembre 1952, le Secrétaire
général de l'UPC, M. Um Nyobe Ruben s'exprime devant les membres
de la 4ème Commission de l'Assemblée
générale de l'ONU. Il sollicite la fixation d'un délai
pour l'expiration de la tutelle afin que le Cameroun soit indépendant
(Um Nyobé Ruben, « programme politique »,
1953). L'événement est assez important dans le contexte
sociopolitique de l'époque car c'est la première fois que l'ONU
accorde aux Camerounais l'opportunité de s'exprimer sur la
présence française dans le pays.
· La tournée de compte rendu du
Secrétaire général de l'UPC
Après son intervention à l'ONU, M. Um
Nyobé effectue une tournée de compte rendu qui le conduit dans
plusieurs villes du Cameroun en janvier 1953. Il entend donner aux populations
à travers les réunions publiques qu'il organise les grandes
lignes de son intervention aux Nations unies. Comme le dit Victor Julius Ngoh
(1990 :123), Il se rendit ainsi dans les villes de
Ngaoundéré, Tignère, Sa'a, Okola, Esse, Kribi et
Nkongsamba.
· La deuxième intervention du
Secrétaire général de l'UPC devant l'Assemblée
générale de l'ONU
Le 5 décembre 1953, M. Ruben Um Nyobé se rend
une fois de plus au siège de l'ONU à New-York où il prend
la parole devant les participants à la 8ème session
de l'Assemblée générale. Cette fois, il fait un
état des lieux de l'administration du Cameroun par la France et conclut
que seule une indépendance est nécessaire pour le pays (Ferdinand
Chinji-Kouleu, 2006 :94).
· Le premier congrès du Mouvement d'Union
Nationale
Le 9 juin 1956, à Dibombari, des nationalistes
réunis autour du Mouvement d'Union Nationale tiennent leur premier
congrès. Ils réclament l'amnistie des Camerounais
arrêtés à Douala en mai 1955 et ceux qui ont
été amenés à entrer dans le maquis,
l'indépendance et la réunification du Cameroun.
L'événement tient son importance en ce sens que c'est la
première fois depuis la dissolution prononcée de l'UPC le 13
juillet 1955 que des Camerounais tiennent une rencontre d'un tel niveau pour
réclamer l'indépendance et la réunification du pays (Idem,
P.128).
· La prise de parole de l'UPC dissoute à
l'ONU en 1956
Malgré l'interdiction de l'UPC par l'administration
coloniale le 13 juillet 1955 et après la visite de la mission
d'évaluation de l'ONU au Cameroun (Victor Julius
Ngoh ,1990 :130), l'UPC est de nouveau admise en 1956 à l'ONU
pour revendiquer l'indépendance du Cameroun. Le journal Kamerun mon
pays (No 0019 des Samedi 10 et dimanche 11 novembre
1956 :8) qui relaie cette information indique que :
« La commission de l'Assemblée des
Nations unies a examiné les problèmes des pays sous tutelle et,
en ce qui concerne le Kamerun, après de longs débats, a admis la
présence de l'UPC à New-York. M. Bargues, représentant de
la France s'est opposé et a déclaré que
ce mouvement a été dissout ».
Entre 1949 et 1957, les journaux fondés par les
nationalistes ont accompagné leurs propriétaires dans
leur lutte pour l'indépendance du Cameroun. Pour cela, ces organes de
presse vont relayer comme faits d'actualité plusieurs
événements organisés par les nationalistes pour
réclamer l'autonomie complète du pays. Parmi les
événements que nous venons de présenter voici ceux qui ont
été effectivement publiés dans les colonnes de ces
journaux.
Tableau 7 : Les principaux
événements anticoloniaux relayés par les
journaux
Fondés par les
nationalistes
Manifestation liée à la
réclamation de l'indépendance
|
Date
|
Couverture de ladite manifestation par La voix du
Cameroun
|
Couverture de ladite manifestation par Kamerun mon
pays
|
Le premier Congrès ordinaire de l'UPC
|
10-13avril 1950
|
X
|
Pas encore fondé
|
La conférence publique de l'UPC
|
12 juillet 1951
|
Non
|
Pas encore fondé
|
La Première intervention de M. Um Nyobé à
l'ONU
|
17décembre 1952
|
X
|
Pas encore fondé
|
La tournée de compte rendu du Secrétaire
général de l'UPC
|
Janvier 1953
|
X
|
Pas encore fondé
|
La deuxième intervention du Secrétaire
général de l'UPC à l'ONU
|
5décembre 1953
|
X
|
Pas encore fondé
|
Le premier congrès du Mouvement d'Union Nationale
|
9 juin 1956
|
X
|
X
|
La prise de parole de l'UPC dissoute à l'ONU en 1956
|
novembre 1956
|
X
|
X
|
Légende : X=
événement effectivement relayé par le journal
À la lecture de ce tableau, on se rend compte que les
journaux publiés par les nationalistes ont affiché un réel
intérêt à couvrir et à publier les principaux faits
d'actualité liés aux revendications d'indépendance.
Toutefois, si on comprend que le journal Kamerun mon pays,
fondé en 1956 n'a pas pu publier les faits qui se sont
déroulés avant son lancement, on peut néanmoins constater
que La voix du Cameroun, organe de l'Union des Populations du
Cameroun, n'a pas relayé tous les événements malgré
l'intérêt qu'il portait à la lutte pour
l'indépendance du Cameroun. En effet, la conférence publique
organisée par ce parti le 12 juillet 1951 n'a pas fait l'objet d'un
article dans les colonnes de ce journal.
Cette section a donc permis de présenter les principaux
organes de presse édités par les nationalistes et qui servent
d'illustration dans ce travail. D'où l'intérêt porté
par eux aux événements concernant les réclamations
d'indépendance. Seulement, on se serait attendu à ce que ces
organes de presse relaient toutes ces manifestations. Il n'en a pas
été le cas ; en effet l'information liée à la
conférence publique organisée le 12 juillet 1951 à Douala
par l'UPC pour protester contre les résultats des élections
à l'Assemblée nationale française et réclamer le
départ de la France n'a pas été publiée dans les
colonnes de cette publication. Il s'agit donc par la suite de comprendre
pourquoi même les journaux fondés par les nationalistes ne
publiaient pas tous les sujets liés aux grandes manifestations de
réclamation de l'indépendance organisés pourtant par leurs
propriétaires.
La section qui va suivre est une présentation des
informations recueillies auprès de sources diverses sur l'attitude des
autorités coloniales après la publication dans les colonnes de
La voix du Cameroun d'un article portant sur les résolutions du premier
congrès de l'UPC.
Section II- La description par les sources de
l'attitude des autorités après
la publication par La voix du Cameroun des
résolutions du
premier congrès de l'UPC
Cette section entend présenter les informations
recueillies auprès des sources consultées sur l'attitude des
autorités coloniales après la publication par le journal La
voix du Cameroun d'un article consacré aux résolutions du
premier congrès de l'UPC qui s'est tenu du 10 au 13 avril 1950 à
Dschang. Pour y parvenir nous allons présenter ledit article (paragraphe
I), puis indiquer les informations données par les sources
consultées au sujet de l'attitude des autorités après la
publication de cet article de presse (paragraphe II).
II-1- La publication par La voix du Cameroun de l'article
portant sur les
résolutions du premier
congrès de l'UPC
Du 10 au 13 avril 1950 est organisé à Dschang,
le premier congrès de l'UPC. À la fin des travaux, le journal
La voix du Cameroun qui relaie régulièrement les
nouvelles concernant les revendications d'indépendance formulées
par les nationalistes publie en pages une et deux, un article qui fait un
compte rendu de ces assises. Parmi les résolutions de cette rencontre
que relaie La voix du Cameroun du mois d'avril 1950, il y
a : l'union autour de la lutte anticoloniale et les
doléances portées par les Camerounais devant le Conseil de
tutelle de l'ONU. De même, à la fin de ce congrès, MM. Um
Nyobé, Kingué Abel, Ngom Jacques et Ntehep Jean, tous des
dirigeants de l'UPC sont arrêtés et mis en prison. Ce qui fera
dire à La voix du Cameroun dans le même article que
« la colonisation c'est le vol, c'est le pillage, c'est le
meurtre ».
Après la publication de cet article dans les colonnes
du journal La voix du Cameroun, plusieurs sources consultées
ont fait état d'une réaction des autorités coloniales
françaises à l'encontre de cet organe de presse.
II-2- La description par les sources de la réaction
des autorités coloniales après la
publication de l'article portant sur les
résolutions du premier congrès de l'UPC
Plusieurs sources consultées indiquent une
réaction des autorités coloniales après la publication de
l'article faisant le compte rendu du congrès de l'UPC et qui a par la
même occasion fait état de l'arrestation de plusieurs dirigeants
de ce parti.
· Pour André-Jean Tudesq et Serges
Nédélec (1998 : 78) présentant le
journal La voix du Cameroun :
« Imprimée d'abord en France, cette
feuille de combat se présentait comme une " manifestation du
développement naturel de notre lutte émancipatrice ",
déclarant en avril 1950 que " La colonisation, c'est le vol,
c'est le pillage, c'est le meurtre ". La voix du Cameroun subit des
pressions de la part des administrateurs coloniaux et fût interdite entre
mai 1950 et janvier 1952 ».
· Ferdinand Chindji-Kouleu
(2006 :85), quant à lui écrit ce qui
suit: « Interdiction de La voix du Cameroun pour avoir
déclaré " La colonisation, c'est le vol, c'est le pillage,
c'est le meurtre. Entre mai 1950 et janvier 1952, le journal ne parut
plus ».
· Marc Joseph Omgba Etoundi
(2000 :79), présentant La voix du Cameroun pense
que « D'après ses promoteurs, La voix du Cameroun doit
apporter le salut de la démocratie et la liberté et partant se
trouver un oppresseur, le journal a l'obligation de crier l'indignation du
peuple. Il souffre durement de cette lutte.».
· Ruben Um Nyobé (1989 :72),
précise pour sa part que « L'Union des Populations du
Cameroun a déjà tenu son premier congrès à Dschang
du 10 au 13 avril 1950. L'UPC dirige un journal intitulé La voix du
Cameroun qui paraît une fois par mois. Sa parution a été
interrompue ces derniers temps. ».
Plusieurs de ces sources font donc état d'une
réaction de l'administration coloniale après la publication dans
les colonnes de l'organe de presse La voix du Cameroun d'un article
faisant le compte rendu du premier congrès de l'UPC et indiquant
l'arrestation des dirigeants de ce parti.
Donc, cette section consacrée à la
présentation des informations recueillies auprès des sources
consultées au sujet de l'attitude de l'administration coloniale
après la publication par le journal La voix du Cameroun d'un
article consacré aux résolutions du premier congrès de
l'UPC nous a permis de voir que plusieurs sources font état d'une
réaction des autorités française après la
publication dudit article. La confrontation de ces sources amènera
à établir le fait à retenir sur cette attitude des
autorités coloniales à l'endroit du journal La voix du
Cameroun.
Section III- La description par les sources de
l'attitude des autorités
après la publication par
Kamerun mon pays d'un article portant
sur l'interdiction d'une
réunion publique des nationalistes
Cette section entend présenter les informations
recueillies auprès des sources consultées sur l'attitude de
l'administration après la publication par le journal Kamerun mon
pays d'un article faisant état de l'interdiction par les
autorités coloniales d'une réunion publique des nationalistes.
Pour y parvenir nous allons évoquer ledit article (paragraphe I), puis
indiquer les informations données par les sources consultées au
sujet de l'attitude des autorités après la publication de cet
article (paragraphe II).
III-1- La publication par Kamerun mon pays d'un article
portant sur
l'interdiction d'une réunion publique
des nationalistes
Dans un article publié le 27 novembre 1956, le
quotidien Kamerun mon pays (parution No33) publie un
article dans lequel il dénonce l'interdiction par l'administration
coloniale d'une réunion publique organisée par des nationalistes
réunis au sein du Mouvement d'Union Nationale, un regroupement de
plusieurs partis fondé après la dissolution de l'UPC. La
réunion était prévue à Douala le 27 novembre 1956
mais suite à son interdiction, les organisateurs ont été
contraints à son annulation. C'est cette information que Kamerun mon
pays tente donc de relayer dans ses colonnes. Seulement, dès la mise en
vente du numéro 33 de ce journal qui contient ladite information,
plusieurs sources évoquent une réaction des autorités
coloniales à son encontre.
III-2- La description par les sources de la
réaction des autorités coloniales après
la publication par Kamerun mon pays de
l'article portant sur l'interdiction
d'une réunion publique des
nationalistes
Plusieurs sources indiquent une réaction de
l'administration coloniale après la publication par le journal
Kamerun mon pays d'un article indiquant l'interdiction par les
autorités d'un regroupement public des nationalistes à Douala.
· D'abord la correspondance
No 1.126/CF/RWI du 27 novembre 1956 (ANY, Correspondance
No 1.126/CF/RWI du 27 novembre 1956) signée du chef de la
Région du Wouri. Dans ce document adressé au Commissaire de
police du 2e arrondissement de New-Bell, le chef de Région
lui ordonne de saisir le journal Kamerun mon pays No33. Il
motive cette décision par les propos suivants : « le
numéro en question contient des diffamations, publications de fausses
nouvelles pouvant troubler l'ordre public ». Le
motif est donc trouvé : diffamations et publications de fausses
nouvelles. Si on s'en tient à cette source, le journal a
été saisi et le motif a été trouvé. C'est
une source qui indique par la même occasion les raisons avancées
par l'administration coloniale pour confisquer le numéro 33 de cette
publication.
· Ensuite Simon Thadée Beyaga (in
« Un drame à Kamerun mon pays »,
Kamerun mon pays No35 du jeudi 29 novembre 1956 :
3) ; Dans cet article, le rédacteur raconte les
circonstances de la saisie de la parution No33 de ce journal. Voici
ce qu'il dit à ce propos :
« Le 27 novembre à 9h30 M. le commissaire
de police du 2e arrondissement de New-Bell, accompagné de 2
secrétaires de police MM. Nsoka Zachée et Dibonga Mathieu, et
trois agents de police, arriva à la direction de Kamerun mon pays. Il
pénétra brusquement dans la maison et après avoir
défendu aux clients et au personnel du journal de ne pas sortir, M. le
commissaire procéda à une perquisition policière
arbitraire et illégale. Il ramassa tous les journaux et documents qu'il
trouva dans la maison. A une question du personnel qui lui demandait s'il
s'agissait d'une saisie du journal ou d'un numéro, le commissaire
répondit : il s'agit de la saisie du numéro du journal
d'aujourd'hui. Nous fûmes, Missongo Raymond et moi transportés au
commissariat de police de New-Bell où l'on procéda à
l'examen des journaux et documents. Monsieur le commissaire de New-Bell
confisqua le numéro du journal du 27 novembre 1956 et nous restitua les
autres documents. Je ne savais exactement de quoi il s'agissait et c'est
à ce moment qu'il me fût révélé que la saisie
du journal a été ordonnée par M. le Chef de la
Région du Wouri ».
Il est à noter qu'il s'agit là d'une source
primaire car le témoignage est fait par quelqu'un qui a vécu cet
événement.
Ainsi, cette section a permis de présenter les
différentes sources ayant indiqué une réaction des
autorités coloniales après la publication par le journal
Kamerun mon pays d'un article relatif à l'interdiction par
l'administration d'une réunion publique à Douala. Cette
présentation n'était que l'amorce d'une procédure
scientifique qui nous conduira à une confrontation desdites sources.
En définitive, ce chapitre était centré
sur la présentation des informations fournies par des sources
d'information sur l'attitude des autorités coloniales après la
publication dans les colonnes des journaux fondés par les nationalistes
de certains articles dénonçant la colonisation. Ainsi, il s'est
agit tout d'abord de présenter les principaux journaux
édités par les nationalistes à savoir La voix du
Cameroun fondée en 1949 et Kamerun mon pays lancé
en 1956. Aussi, il a été vu que plusieurs sources ont
indiqué des réactions des autorités coloniales notamment
après la publication par La voix du Cameroun d'un article
relayant les résolutions du premier congrès de l'UPC et
après la publication dans les colonnes de Kamerun mon pays
d'un article indiquant l'interdiction par l'administration coloniale d'une
réunion organisée par les nationalistes. Certaines ont
mentionné des suspensions de journaux, d'autres des saisies. Ce chapitre
n'ayant été que l'amorce d'une procédure scientifique ,
ces faits historiques restent à être confirmés dans la
troisième partie de ce travail .Celle-ci consistera entre autre à
confronter lesdites sources, conformément à une méthode
reconnue en histoire, et à procéder à leur
interprétation afin de voir en quoi ces réactions des
autorités vis-à-vis des journaux fondés par les
indépendantistes ont pu constituer une raison de la non-publication par
ces organes de presse des sujets d'actualité liés aux grandes
manifestations de réclamation de l'autonomie complète du
Cameroun.
Cette partie entièrement centrée sur la
présentation des informations recueillies sur le terrain nous a
amené à nous intéresser au contenu des organes de presse
publiés par les Français vivant au Cameroun et à la
description par diverses sources de l'attitude des autorités coloniales
après la publication d'articles publiés dans des journaux
fondés par les nationalistes et qui dénonçaient la
présence française au Cameroun. Ainsi, le premier constat est que
les publications des Français ne s'intéressaient pas aux sujets
liés aux revendications d'indépendance. Les organes de presse
publics s'intéressaient en priorité aux activités du
Haut-commissariat de la République, aux réalisations de la France
au Cameroun et à la politique intérieure de la France. Quant aux
journaux fondés par les hommes politiques français vivant au
Cameroun ils traitaient surtout les sujets d'actualité liés aux
activités politiques de leurs fondateurs et à celle du
Haut-commissariat de la République alors que les publications
fondées par les hommes d'affaires préféraient les faits
concernant la politique intérieure de la France , les activités
des autorités coloniales et celles des ressortissants français
vivant au Cameroun .Des analyses qui seront approfondies dans la
troisième partie de ce travail. Les journaux fondés par les
nationalistes ont pour leur part relayé plusieurs informations
liées aux manifestations anticoloniales. Seulement, certaines rencontres
organisées par ces nationalistes n'ont pas
bénéficié de la couverture médiatique de leurs
propres organes de presse. Les sources que nous avons consultées nous
ont indiqué des réactions de l'administration coloniale
après la publication d'article dénonçant la gestion du
Cameroun par la France. Plusieurs d'entre elles ont même
évoqué des pressions des autorités coloniales sur ces
journaux. Des faits qui restent à être prouvés dans la
confrontation des sources qui sera menée dans la suite de ce
travail.
La partie qui va suivre nous amènera par
conséquent à procéder à l'analyse et à
l'interprétation de ces différentes informations, ce qui nous
permettra de voir les causes de la non-publication par les journaux des sujets
d'actualité liés aux revendications d'indépendance
formulées par les nationalistes.
TROISIÈME PARTIE :
LES CAUSES DE LA NON-PUBLICATION PAR LES JOURNAUX DES
FAITS D'ACTUALITÉ LIÉS AUX REVENDICATIONS D'INDÉPENDANCE
La précédente partie nous a amené
à la présentation des données recueillies auprès
des organes de presse et des sources consultées. Les journaux nous ont
permis de présenter les thèmes qui intéressaient les
périodiques publiés par les Français qui vivaient au
Cameroun. Nous avons pu constater que le thème des revendications
indépendantistes était de manière générale
ignorée par ces publications. Quant aux autres sources notamment les
ouvrages ,les travaux de recherche et même des journaux, elles ont
fourni des informations concernant l'attitude des autorités coloniales
après les dénonciations contenues dans les organes de presse
édités par les nationalistes alors même que nous avions
déjà vu que certains d`entre eux n'ont pas pu publier tous les
grands sujets concernant les manifestations de réclamation
d'autodétermination. La présente partie consacrée aux
analyses, confrontations de sources et aux interprétations nous
amènera à découvrir les raisons déterminantes de
cette non-publication par les organes de presse des sujets d'actualité
liés aux revendications d'indépendance. Il
s'agit pour cela d'évoquer tour à tour le soutien des journaux
à leurs propriétaires opposés à
l'indépendance du Cameroun (chapitre cinq) et les contraintes
liées aux pressions de l'administration coloniale et au souci de
certains propriétaires d'organes de presse de satisfaire leur
clientèle d'origine française (chapitre six).
CHAPITRE CINQ :
LE SOUTIEN DES JOURNAUX À LEURS
PROPRIÉTAIRES ANTI-INDÉPENDANTISTES
La précédente partie nous a indiqué que
les thèmes concernant les réclamations d'indépendance
étaient ignorés par les journaux publics et les organes de presse
édités par les hommes politiques français qui vivaient au
Cameroun. Ce chapitre entend procéder aux analyses et
interprétations des thèmes contenus dans les journaux publics
(section I) et dans les journaux fondés au Cameroun par les hommes
politiques français (section II).
Section I: Le soutien des journaux publics à
une administration opposée aux revendications
d'indépendance
Dans cette section, il est question d'analyser et de
procéder à l'interprétation du contenu des journaux
publics. Ce qui amène donc à analyser les thèmes
développés par cette catégorie d'organes de presse
(paragraphe I). L'interprétation qui va suivre permettra de voir la
raison explicative de la non-publication par ces périodiques des faits
d'actualité concernant les réclamations d'indépendance
(paragraphe II).
I-1-Le soutien des journaux publics aux actions de
l'administration coloniale
Les thèmes qui se dégagent du contenu des
journaux publics qui a été précédemment
présenté laissent entrevoir une forte orientation du journal
vers la publication des actions menées par l'administration coloniale.
Au total 794 articles sur 1319 soit 60,19% du nombre total d'articles de
presse publiés par ces journaux ont été
réservés aux seules actions menées par les
autorités coloniales françaises. Ces articles sont
répartis dans les thèmes suivants : les activités de
l'administration centrale coloniale (391articles), les réalisations de
la France au Cameroun (333articles), les élections organisées
dans le pays par les autorités coloniales (48 articles) et les
activités menées par les chefs de régions (22 articles).
Ce qui montre bien que les journaux publics s'intéressaient plus aux
sujets d'actualité qui concernaient directement leur
propriétaire, c'est-à-dire l'administration coloniale
française. Ils faisaient connaître ses activités
auprès d'un lectorat hétérogène afin de montrer que
cette administration était active au Cameroun. D'ailleurs, on a pu voir
qu'au total 333 articles ont été consacrés aux
réalisations de la France dans le territoire. On peut ainsi dire que les
organes de presse publics pendant leur existence soutenaient les actions
menées par l'administration. Ils accompagnaient les autorités
dans leurs actions de colonisation du Cameroun. Malgré le changement de
l'environnement sociopolitique marqué par la création de partis
politiques et des réclamations d'indépendance, ces journaux sont
restés des organes de soutien aux actions de l'administration
coloniale. Les autres articles, 525 au total, même s'ils ne sont pas
directement liés aux activités de l'administration coloniale n'en
sont pas très éloignés. Ils sont répartis dans des
thèmes aussi variés que la politique intérieure de la
France, les textes signés par le Gouvernement français pour
l'ensemble des Territoires de l'Union française, les activités
des conseillers de l'ARCAM, les activités des conseillers de l'ATCAM,
les sessions de l'ARCAM, les sessions de l'ATCAM, les activités des
députés camerounais à l'Assemblée nationale
française. Cette analyse des thèmes développés dans
les colonnes des journaux publics indiquent qu'il n'y a pas eu d'article
consacré aux sujets concernant les revendications d'indépendance
formulées par les nationalistes. On va donc comprendre à travers
ce contenu des organes de presse publics que ceux-ci soutenaient
l'administration coloniale. Ce soutien est perceptible à travers la
prépondérance des articles liés aux activités de
l'administration par rapport aux autres faits d'actualité.
Le fait que ces publications soient des organes de presse
public qui soutenaient les actions de leur propriétaire,
l'administration coloniale, peut donc constituer une amorce qui va amener
à comprendre pourquoi cette catégorie de supports d'information
ne publiait pas les faits d'actualité concernant les réclamations
de souveraineté formulées par les nationalistes.
I-2 -Les journaux publics : des
publications servant de soutien à une administration
anti-indépendantiste
Les journaux publics étaient soumis à
l'administration coloniale par un lien institutionnel qui faisait d'eux des
publications intégrées soit au Haut-commissariat de la
République (cas d'Informations Radio-presse) soit à ses
services déconcentrés (cas de Journal des villages du Nyong
et Sanaga). Dans tous les cas de figure, ces organes de presse
étaient produits avec des financements publics. Or,
précisément cette administration avait pour mission de
sauvegarder les intérêts de la France au Cameroun. Les
autorités coloniales, propriétaires des journaux publics,
devaient maintenir la présence française dans le pays
jusqu'à l'indépendance qui d'ailleurs ne figurait pas
véritablement parmi les priorités de la France dans sa gestion
des Territoires d'Outre-mer. Comment dès lors penser que ces journaux
qui étaient intégrés dans les services centraux ou
extérieurs de l'administration coloniale, et qui les soutenaient dans
leur contenu , pouvaient relayer les nouvelles concernant les revendications
d'indépendance que formulaient les nationalistes ; alors que
lesdites revendications étaient opposées aux missions de
sauvegarde des intérêts de la France qu'assurait le
Haut-commissariat de la République et ses démembrements. Ces
publications, par leur statut de journaux publics avaient
pour mission de servir d'organe d'expression des autorités coloniales au
Cameroun. D'ailleurs Israël Léonard Sah (1975 : 278)
présentant le journal Informations Radio-presse pense
que : « Il diffuse aussi objectivement et aussi
fidèlement que possible les grandes nouvelles de France, du Cameroun et
du Monde ». De ce fait, cet organe de presse ne pouvait pas
assurer la médiatisation des événements organisés
par les nationalistes qui eux, réclamaient l'indépendance
immédiate du Territoire alors que précisément son
propriétaire n'avait pas encore prévu une date pour l'accession
du Cameroun à sa souveraineté. Les revendications
d'indépendance ne pouvaient donc pas faire l'objet d'une publication
dans les colonnes des journaux, car il appartenait à
l'administration coloniale française qui n'épousait pas les
idées d'indépendance immédiate et de réunification
que formulaient les nationalistes camerounais.
Les principales réclamations de l'indépendance
du Cameroun ont été formulées par l'Union des Populations
du Cameroun. M. Ruben Um Nyobé, Secrétaire général
de ce parti politique s'est rendu le 17 décembre 1952, le 5
décembre 1953 et même en décembre 1954 aux Nations unies
pour réclamer l'indépendance du Cameroun. À chaque fois
les autorités coloniales françaises étaient
opposées à ces prises de parole du Secrétaire
général de l'UPC qui cherchaient à réaffirmer le
désir des nationalistes d'accéder à leur
souveraineté. Ferdinand Chinji-Kouleu (2006 :92) écrit pour
cela que : « Ajoutons qu'à partir de 1952, Ruben Um
Nyobé se présentera chaque année devant les Nations unies
comme pétitionnaire, défenseur de la cause du Cameroun. A chacun
de ses voyages, le Gouvernement français dépêchera des
contradicteurs Camerounais et Français... ». Victor
Julius Ngoh (1990 :127) quant à lui mentionne que
« l'appel d'Um Nyobé pour la fin de la présence
française au Cameroun provoqua une vive indignation de la part des
Français. Le représentant de la France à l'ONU, Pignon, se
plaignit de la réception chaleureuse que l'ONU réserva à
Um Nyobé. ». Ces deux sources indiquent
donc une opposition des autorités françaises aux
réclamations d'indépendance formulées par les
nationalistes. Or précisément, ce sont ces autorités qui
étaient propriétaires des journaux publics.
On peut donc dire que le soutien de ces organes de presse
publics à une administration coloniale donc le caractère
anti-indépendantiste vient d'être démontré est une
cause de la non-publication par les journaux des sujets d'actualité
liés aux réclamations de souveraineté formulées par
les nationalistes. Ce qui indique donc que l'une des causes du silence des
journaux sur les informations concernant les revendications
d'indépendance est le soutien que les journaux publics manifestaient
à une administration anti-indépendantiste.
Parvenu au terme de cette section, il a été vu
dans l'analyse des thèmes développés par les journaux
publics que ceux-ci dans leur contenu soutenaient les actions menées au
Cameroun par leur propriétaire, l'administration coloniale. Ce soutien
est perceptible à travers la prépondérance des articles
liés aux activités de l'administration par rapport aux autres
faits d'actualité. L'opposition de cette administration aux
revendications nationalistes peut par conséquent expliquer pourquoi les
journaux publics qui les soutenaient observaient un silence sur les
réclamations de souveraineté. Ce qui montre que l'une des causes
de la non-publication par les journaux camerounais des nouvelles liées
aux réclamations d'auto-détermination est le soutien des
journaux publics à une administration coloniale
anti-indépendantiste.
Ce qui amène dans la section II de ce chapitre à
poursuivre les analyses avec celles
des journaux édités au Cameroun par les hommes
politiques français.
Section II- le soutien des journaux fondés au
Cameroun par des hommes
politiques français
à leurs promoteurs anti-indépendantistes
Cette section poursuit l'analyse des thèmes
développés dans les journaux édités au Cameroun par
les hommes politiques français qui a été entamée
dans la deuxième partie de ce travail. Ce qui amène donc à
analyser les thèmes développés par cette catégorie
d'organes de presse (paragraphe I). L'interprétation qui va suivre
permettra de voir la raison explicative de la non-publication par ces
périodiques des faits d'actualité concernant les
réclamations d'indépendance (paragraphe II).
II-1 -Les journaux fondés par les hommes
politiques français: des publications
éditées pour faire connaître
les activités et les idées de leurs promoteurs
L'analyse des thèmes
développés par les organes de presse fondés au
Cameroun par les hommes politiques français amène à
constater que les activités et les idées prônées
par leurs différents promoteurs sont au coeur des préoccupations
de ces publications. En effet, sur 556 articles publiés, ces
périodiques ont consacré au total 291articles pour les seuls
articles dont le but était de faire connaître les activités
et les idées prônées par leurs fondateurs. Pour le Dr.
Louis-Paul Aujoulat, fondateur du journal Le Cameroun de demain, ses
activités et les idées prônées par lui occupent
à elles seules 129 articles sur 241 articles de presse publiés
par son périodique soit 53,5%. Il s'agit de : ses visites
officielles au Cameroun lorsqu'il était ministre en France, ses
rencontres avec des hommes politiques français, la tenue des sessions de
l'ATCAM sous sa présidence, ses déclarations lors des
campagnes électorales, Les comptes rendus des réunions de son
parti le BDC, le déroulement des campagnes électorales
menées par son parti et la tenue des sessions de l'Assemblée
nationale française lorsqu'il était député.
Quant à M. Coulouma, promoteur du périodique Le Cameroun
libre, ses activités et les idées prônées par
lui occupent à elles seules 162 articles sur 315 soit 51,4%. Il
s'agit : des réunions du parti dont il était membre(le RPF),
des campagnes électorales menées par le RPF, des visites des
responsables métropolitains du RPF au Cameroun, du travail des
élus locaux membres de ce parti, des réunions de l'ASCOCAM (dont
il était l'un des fondateurs) et des opinions émises par
l'ASCOCAM sur la situation sociopolitique du Cameroun.
Ces articles liés directement aux activités et
idées prônées par les hommes politiques français
qui éditaient des périodiques au Cameroun occupent ainsi 291
articles sur 556 soit 52,3% du nombre total d'articles consacrés
à l'actualité politique dans l'ensemble de cette catégorie
de publications. Ceci semble donc indicateur de ce que ces organes de presse
avaient pour rôle d'accompagner les actions et les idées
défendues par leurs fondateurs. Les autres articles qui concernent
aussi bien les activités des autorités coloniales que les
différentes consultations électorales organisées au
Cameroun ne sont pas eux-mêmes éloignés des
préoccupations de ces promoteurs puisqu'ils montrent le
« dynamisme » de l'administration française et
indiquent leur volonté de promouvoir le pluralisme des idées dans
le pays et par là la nécessité pour le Cameroun de rester
sous la domination de ce pays.
Les articles qui portent critique aux idées
d'indépendance immédiate et de réunification
défendues par les nationalistes (16au total soit 2,8%) cherchent
à montrer aux lecteurs de ces journaux le danger que représentent
les idées et les actions de ceux-ci pour l'avenir du Cameroun. Ces
journaux se montrent donc ainsi antinationalistes à l'instar de leurs
promoteurs respectifs d'ailleurs Le Cameroun libre
(1ère quinzaine du mois de juin 1954 :1)
publiera un article au titre assez indicateur : « Le
Cameroun sans la France est un mort-né ».
Le contenu de ces publications fondées par les
hommes politiques français au Cameroun indique qu'à l'ère
des revendications d'indépendance, ces périodiques ont
été destinés à véhiculer les idées et
à faire connaître les actions menées par leurs promoteurs
dans un contexte marqué par des élections pluralistes et les
positionnements divers au Cameroun. D'ailleurs, sur un plan purement temporel,
Le Cameroun de demain et le BDC, parti politique du Dr. Aujoulat ont
tous été fondés la même année
c'est-à-dire en 1951 par cette personnalité et ont tous les deux
disparu en 1956 c'est-à-dire après sa défaite aux
élections des députés à l'Assemblée
nationale française intervenue le 02 janvier 1956 ;tandis que
Le Cameroun libre fondé en 1940 va cesser de paraître en
janvier 1958 c'est-à-dire quelques mois après l'obtention par le
Cameroun de son autonomie interne survenue en 1957.
L'analyse des thèmes développés par les
journaux publiés au Cameroun par les hommes politiques
français laisse donc entrevoir que ces organes de
presse étaient fondés pour la promotion des idées
et des activités de leurs éditeurs. Ils soutenaient leurs
promoteurs et ce soutien se traduit par la prépondérance des
articles liés aux activités politiques et aux idées de
leurs promoteurs par rapport aux autres sujets d'actualité.
Le paragraphe qui va suivre est une interprétation de
cette analyse. Il va par conséquent permettre de comprendre en quoi le
soutien manifeste de ces publications aux idées et actions de leurs
promoteurs peut constituer une raison déterminante de la non-publication
par les organes de presse des nouvelles d'actualité liées aux
revendications d'indépendance.
II-2-les journaux édités au
Cameroun par des hommes politiques français : des
publications servant de soutien aux activités de
leurs promoteurs anti-indépendantistes
Ce paragraphe est destiné à montrer que le fait
que les hommes politiques français soient anti-indépendantistes
explique la raison pour laquelle leurs organes de presse qui étaient
destinés à promouvoir leurs idéologies ne publiaient pas
les sujets liés aux manifestations de réclamation de
l'indépendance du Cameroun.
Des nombreux Européens qui se sont lancés dans
la scène politique au Cameroun entre 1946 et 1957, le Dr. Louis-Paul
Aujoulat, fondateur du journal Le Cameroun de demain semble être
celui qui a occupé le plus grand nombre de postes et dont le parcours
politique a marqué par sa constance de nombreux historiens. Le site web
de l'Assemblée nationale française (
www.assembléenationale.fr)
qui présente sa biographie indique qu'il est né le 28 août
1910 en Algérie. En 1946, il fonde un premier journal,
Méridiens de France et d'Afrique dans le but d'accompagner sa
carrière politique. En juin 1951, le Dr. Aujoulat fonde un parti
politique, le Bloc Démocratique Camerounais avec pour principaux
responsables MM. André-Marie Mbida, Ahmadou Ahidjo, André Fouda
Omgba, Philémon Sakouma et Benoît Bindzi. En 1952, après
les élections des conseillers de l'ATCAM organisées au mois de
mars, le Dr. Aujoulat devient le premier président de l'institution.
Entre 1948 et 1955, il occupe également plusieurs postes
ministériels dans les différents gouvernements qui se
succèdent en France. Pour ce qui est de ses idées politiques,
elles étaient opposées aux revendications d'indépendance
formulées par les nationalistes.
En effet, le Dr. Louis-Paul Aujoulat et les autres membres du
BDC se sont fixés pour objectifs : « La
poursuite de l'évolution sociale des indigènes du Cameroun
français et aussi la protection et la promotion de leurs
intérêts » (Victor Julius Ngoh,
1990 :121). Ce qui n'épousait pas du tout le
programme des nationalistes notamment ceux de l'UPC qui revendiquaient
l'indépendance immédiate et la réunification des deux
parties du Cameroun. D'ailleurs, le 24 octobre 1952, MM. Charles Okala et
Louis-Paul Aujoulat envoient une correspondance à l'ONU pour s'opposer
à la prise de parole de l'UPC prévue en décembre de la
même année devant la 7ème session de
l'Assemblée générale de l'Organisation internationale
(Ferdinand Chinji-Kouleu, 2006 :91). Daniel Abwa (1993:29) pour montrer
l'opposition idéologique qui existait entre les indépendantistes
de l'UPC et le Dr. Aujoulat indique, évoquant la création du BDC,
que : « Le Dr. Aujoulat était alors à la
recherche d'hommes ambitieux qui pouvaient valablement s'opposer aux cadres
formés par l'UPC... ».
Il se dégage donc de ces différentes sources une
opposition idéologique entre l'UPC, principal parti réclamant une
indépendance immédiate du Cameroun et le Dr. Louis-Paul Aujoulat,
fondateur du journal Le Cameroun de demain qui soutenait ses
activités et ses idées politiques. Dès lors, on peut
comprendre pourquoi le journal Le Cameroun de Demain qu'il a
fondé ne publiait pas les nouvelles liées aux revendications
d'indépendance. En effet, les idées politiques du Dr. Aujoulat,
promoteur du journal Le Cameroun de demain qui le soutenait
dans sa carrière politique, s'opposaient à la vision des
nationalistes pour plusieurs raisons. D'abord Le Dr Louis-Paul Aujoulat
prônait une « évolution sociale » des
indigènes, alors que les nationalistes exigeaient une
indépendance immédiate et la réunification du Cameroun.
Aussi, Le Dr. Louis-Paul Aujoulat se présentait aux élections
sous des partis comme le MRP et plus tard le BDC alors que les nationalistes
présentaient leurs candidats au sein des partis comme l'UPC.
Quant à M. Coulouma Henri, promoteur du journal Le
Cameroun libre, il était membre de la section camerounaise du RPF,
un parti politique dont les militants étaient pour la plupart des
partisans de la résistance française. Ceux-ci se faisaient
appeler « Les Français libres du Cameroun »
d'où le sous-titre « organe des Français libres du
Cameroun » que portait le journal Le Cameroun libre. Selon
Robert Bourgi (1980 :50), le RPF était un parti politique
fondé par le général Charles de Gaulle avec des membres
comme Jacques Foccart. Au Cameroun ce parti se montre fondamentalement
opposé aux nationalistes. D'ailleurs en juin 1951, lors des
élections législatives, Henri Coulouma, l'éditeur du
journal Le Cameroun libre qui est membre du RPF, soutient Georges
Molinatti son camarade de parti pour affronter l'UPC lors de ce scrutin. On
note donc ainsi une opposition politique entre le RPF, parti dont le promoteur
du périodique Le Cameroun libre est membre et l'UPC, principal
parti nationaliste qui réclame l'indépendance du Cameroun.
L'opposition idéologique entre M. Coulouma et les nationalistes est
également visible sur le fait que, face au déclenchement du
processus de décolonisation, le Directeur-gérant du journal
Le Cameroun libre lance dans sa publication un appel en faveur de la
création d'un regroupement anti-indépendantiste composé de
colons vivant au Cameroun. En effet à la « une » de
cet organe de presse (Le Cameroun libre, No262 du
1er avril 1945 :1) on pouvait lire l'appel suivant:
« colons du Cameroun, unissez-vous ». Par la
suite, Henri Coulouma et plusieurs colons se regroupent à Yaoundé
pour fonder l'Association des Colons du Cameroun (ASCOCAM) dont le but
est selon Paulin Adjaï Oloukpona-Yinnon (1985 :82)
« d'affirmer leur privilège face aux mesures qui
risquaient de les remettre en question ». Le bureau de l'ASCOCAM
est dirigé par Georges Molinatti, assisté de colons comme
Coulouma qui devient membre du bureau (Ibidem). L'ASCOCAM a manifesté
ouvertement son opposition à toute idée d'indépendance de
ce territoire dès le début du processus de décolonisation.
Joseph Befe Ateba (« Contribution de la presse dans la
décolonisation au Cameroun sous-tutelle » in
www.lejourquotidien.com,édition du mardi 20 avril 2010)
fait également ressortir l'opposition des responsables du journal
Le Cameroun libre à toute idée d'indépendance,
indiquant que:
« Le Cameroun libre, animé par
des Français libres du Cameroun et dont les articles ridiculisaient et
infantilisaient les prétentions des revendications nationalistes. Ces
Français libres trouvaient absurde l'option de l'indépendance et
fondaient en général leur argumentaire sur l'immaturité
des acteurs politiques camerounais et la précocité d'une telle
issue. ».
Ainsi, l'opposition affichée par ces hommes politiques
français aux revendications de l'indépendance du Cameroun
explique pourquoi leurs journaux qui les soutenaient en privilégiant les
sujets liés à leurs activités politiques et à leurs
idéologies ne relayaient pas les sujets liés aux manifestations
de réclamation de la souveraineté de ce pays. Les journaux
édités par les hommes politiques français ayant pris
l'option de soutenir leurs promoteurs, en privilégiant la publication de
leurs activités et des idées qu'ils prônaient, ne pouvaient
donc plus publier les faits concernant les revendications d'indépendance
qui s'opposaient avec les idées anti-indépendantistes de leurs
promoteurs respectifs.
C'est donc parce que les hommes politique français qui
éditaient les journaux au Cameroun étaient opposés aux
revendications d'auto-détermination que leurs organes de presse, qui
servaient par ailleurs de relaie de leurs activités et idéologies
politiques ne publiaient pas les sujets liés aux réclamations
d'accession à l'indépendance.
Donc, une autre raison déterminante du silence
observé par les organes de presse sur les sujets liés aux
revendications d'indépendance c'est le soutien des journaux
édités au Cameroun par les hommes politiques français
à leurs promoteurs anti-indépendantistes.
Rendu au terme de cette section, il a été
démontré après analyse des thèmes
développés par les organes de presse édités au
Cameroun par les hommes politiques français que ces publications
soutenaient leurs promoteurs. Un soutien qui se traduit par la
prépondérance dans le contenu de ces organes de presse des
articles concernant les idées politiques et les actions menées
par ces éditeurs de presse par rapport à d'autres sujets aux
thèmes différents. Or l'opposition affichée par ces
éditeurs aux manifestations concernant les réclamations
d'indépendance indique donc que si ces journaux observaient un silence
sur les sujets liés aux revendications de la souveraineté du
Cameroun c'est en raison du soutien qu'ils manifestaient à leurs
propriétaires qui étaient anti-indépendantistes. Ce qui
montre donc qu'une autre cause de la non-publication des sujets liés
aux réclamations d'auto-détermination est le soutien que les
journaux qui étaient édités au Cameroun par les hommes
politiques français apportaient à leurs promoteurs
anti-indépendantistes.
En somme, ce chapitre consistait à analyser les
thèmes contenus dans les journaux édités au Cameroun aussi
bien par l'administration coloniale que par les hommes politiques
français. Il a été découvert que ces publications
soutenaient leurs propriétaires ; un soutien qui s'est traduit par
la prépondérance des articles liés aux activités
et aux idées de ces promoteurs d'organes de presse au détriment
d'autres types de sujets. L'opposition idéologique de ces
éditeurs aux revendications d'autonomie complète a donc
amené tour à tour à voir que les journaux publics ne
publiaient pas les sujets liés aux réclamations de
souveraineté parce qu'ils soutenaient une administration
anti-indépendantiste ; alors que les organes de presse qui
étaient édités au Cameroun par des hommes politiques
français observaient un silence sur les faits d'actualité
concernant les manifestations des nationalistes à cause du soutien
qu'ils apportaient à leurs promoteurs anti-indépendantistes. Ce
chapitre a donc amené à voir que si les journaux ne publiaient
pas les sujets concernant les revendications d'indépendance
formulées par les nationalistes c'est entre autre parce que certains
d'entre eux soutenaient leurs propriétaires qui étaient
anti-indépendantistes notamment l'administration coloniale et les hommes
politiques français.
Toutefois, il n'y a pas que le soutien de certains journaux
à leurs propriétaires anti-indépendantistes qui explique
pourquoi les organes de presse ignoraient les faits d'actualité
liés aux revendications de souveraineté.
CHAPITRE SIX : LES CONTRAINTES SUBIES PAR LES
JOURNAUX
Ce chapitre cherche à trouver les autres raisons
déterminantes qui ont amené la presse camerounaise à
observer un silence autour des sujets liés aux diverses manifestations
organisées par les nationalistes pour réclamer l'autonomie
complète du Cameroun. Il s'agira pour cela de procéder à
la confrontation de sources ayant fourni des informations sur l'attitude des
autorités coloniales après les dénonciations
publiés dans les journaux des nationalistes (section I) et aussi de
procéder à l'analyse des thèmes développés
dans les organes de presse qui appartenaient aux hommes d'affaires (section
II). À chaque fois l'interprétation qui sera faite nous permettra
de découvrir d'autres causes de la non-publication par les organes de
presse des nouvelles liées aux réclamations de
souveraineté.
Section I- Les pressions de l'administration coloniale
sur les journaux fondés par les nationalistes
Dans un environnement sociopolitique marqué par des
revendications d'indépendance, on se serait attendu à ce que les
organes de presse fondés par les nationalistes relaient toutes les
informations liées aux grandes manifestations de réclamation de
la souveraineté nationale que leurs propriétaires organisaient.
Seulement, nous avons déjà vu dans le chapitre quatre, que les
journaux édités par les nationalistes malgré leur
intérêt pour les sujets concernant les revendications
d'indépendance, n'ont pas relayé toutes les informations
liées à toutes les grandes manifestations organisées par
les nationalistes. C'est le cas du journal La voix du Cameroun qui
n'a pas fait un compte rendu de la conférence publique tenue par l'UPC
à Douala le 12 juillet 1951. Cette section entend confronter les
sources consultées qui nous ont fourni des informations sur l'attitude
des autorités coloniales à l'endroit des journaux fondés
par les nationalistes (paragraphe I), puis procéder à une
interprétation des faits historiques issues desdites confrontations de
sources (paragraphe II).
I-1- La confrontation des sources ayant
indiqué les pressions de l'administration
sur les journaux fondés par les
nationalistes
Il s'agit dans ce paragraphe de confronter les
différentes sources ayant fourni des informations sur l'attitude des
autorités coloniale à l'endroit des journaux fondés par
les nationalistes après les dénonciations contenues dans leurs
colonnes au sujet de la présence française au Cameroun.
I-1-1-La Confrontation des sources ayant
mentionné l'interdiction temporaire du
journal La voix du Cameroun
La précédente partie a présenté
plusieurs sources qui évoquent l'interdiction temporaire en 1950 du
journal La voix du Cameroun par les autorités coloniales
après la publication dans ses colonnes d'un article relayant les
résolutions du premier congrès de l'UPC. Il s'agit
d'André-Jean Tudesq et Serge Nédélec (1998 :78),
Ferdinand Chinji-Kouleu (2006 :85), Marc Joseph Omgba Etoundi (2000:79)
et Ruben Um Nyobé (1989 :72). En confrontant ces différentes
sources, certains faits semblent constants et concordants:
- Le journal La voix du Cameroun
était édité par l'UPC ;
-Il servait d'organe d'information à ce parti politique
nationaliste ;
- Ce journal a subi des pressions de
l'administration coloniale pour ses écrits contre la colonisation.
- La voix du Cameroun, selon
André-Jean Tudesq et Serges Nédélec et selon
Chinji-Kouleu a été interdit temporairement par l'administration
coloniale entre mai 1950 et janvier 1952 à la suite de la publication
d'un article intitulé « La colonisation c'est le vol,
c'est le pillage, c'est le meurtre ». Même si Marc Joseph
Omgba Etoundi et Ruben Um Nyobé ne précisent pas la nature de ces
pressions, on voit bien que Ruben Um Nyobé évoque l'interruption
du journal à la suite du premier congrès de l'UPC qui s'est
déroulé à Dschang. Et précisément
André-Jean Tudesq et Serges Nédelec , de même que Ferdinand
Chinji-Kouleu indiquent que le journal a été interdit à la
suite d'un article publié en avril 1950 dans lequel il relayait
l'information concernant les résolutions du premier congrès de
l'UPC tenue à Dschang.
Ces différentes sources concordent donc sur le fait que
le journal La voix du Cameroun a souffert du fait de son appartenance
à l'UPC et du fait de ses écrits qui n'étaient pas
appréciés par l'administration coloniale française. Le
journal ,on peut le dire si on s'en tient à cette confrontation de
sources, a été interdit entre mai 1950 et janvier 1952, soit 21
mois de suspension d'activité qu'a connu cet organe de presse. Cette
interdiction temporaire l'a contraint à ne pas paraître, privant
ainsi les Camerounais d'une publication qui était le seul support
d'informations édité par les nationalistes entre 1949 et 1954,
année pendant laquelle sera fondé un autre journal de l'UPC qui
portera le titre L'étoile. Cette interruption allait donc
certainement empêcher à La voix du Cameroun de couvrir et
de publier tous les sujets d'actualité concernant les
réclamations de souveraineté formulées par les
nationalistes au cours de cette période de suspension qu'a connu le
journal.
I-1-2-La confrontation des sources sur la saisie
d'un numéro du journal Kamerun mon
pays
En amorçant dans la précédente partie la
procédure scientifique relative au traitement des informations
concernant l'attitude des autorités coloniales après la
publication par le journal Kamerun mon pays d'un article concernant
l'interdiction par l'administration d'une réunion publique des
nationalistes, nous avons fait appel à deux principales sources
d'information. Il s'agit de la correspondance
No 1.126/CF/RWI du 27 novembre 1956 et de Simon
Thadée Beyaga (in « un drame à Kamerun mon
pays », Kamerun mon pays No35 du jeudi 29
novembre 1956 : 3). La confrontation de ces deux
sources nous amène aux résultats suivants :
- Le journal a subi des pressions venant de l'administration
coloniale
- Le No33 du journal Kamerun
mon pays a effectivement été saisi
- Cette saisie a été
ordonnée par le chef de la Région du Wouri.
Ces résultats confirment donc que l'administration
coloniale française n'hésitait pas au Cameroun à
procéder à la saisie de certains numéros des journaux qui
publiaient les revendications nationalistes. En agissant ainsi, les
autorités coloniales tentaient de faire pression sur les responsables
de ce jeune journal qui, en 1956, était le seul quotidien qui relayait
régulièrement les revendications des nationalistes. John Mukam
Mbaku (2005 :92) va dans le même sens estimant que Kamerun
mon Pays était un journal très populaire et beaucoup lu.
Seulement, poursuit-il, il était constamment saisi par l'administration
coloniale.
Ce paragraphe centré sur la confrontation des sources
qui ont évoqué l'attitude de l'administration coloniale
après les dénonciations contenues dans les journaux
édités par les nationalistes nous permet ainsi de voir que ces
organes de presse ont subi de fortes pressions de l'administration coloniale
avec entre autre l'interdiction temporaire comme ce fût le cas pour
La voix du Cameroun entre mai 1950 et janvier 1952 et la saisie , qui
est une forme de censure, comme ce fût le cas pour le numéro 33 de
Kamerun mon pays.
II-2- L'impact des pressions subies par les journaux
fondés par les nationalistes
sur la publication des informations liées
aux revendications d'indépendance
Il vient donc d'être démontré dans le
précédent paragraphe que les journaux fondés par les
nationalistes ont subi des pressions exercés sur eux par les
autorités coloniales. Il s'agit entre autre de l'interdiction
temporaire et de la saisie. Ce paragraphe entend donc montrer en quoi ces
pressions de l'administration ont pu entraîner la non-publication par ces
organes de presse des nouvelles liées aux revendications
d'indépendance formulées par les nationalistes.
L'interdiction d'un journal entraine son inactivité et
donc son incapacité à pouvoir relayer des informations. C'est une
contrainte imposée à un organe de presse. Le journal La voix
du Cameroun a donc été temporairement interdit entre mai
1950 et janvier 1952 suite à ses écrits anticolonialistes dans sa
parution d'avril 1950. Ce périodique ne réapparaît dans les
kiosques qu'en janvier 1952. L'édition d'avril 1950 ayant
été la dernière avant son interdiction, il y a donc une
période d'inactivité de 21 mois et l'édition numéro
six du journal ne paraît qu'en janvier 1952 c'est-à-dire
seulement 2 mois avant les élections pour l'ATCAM organisées en
mars 1952. Entre temps, les revendications des nationalistes ne paraissent
plus dans les journaux car La voix du Cameroun est à cette
période là le seul organe de presse qui s'efforce encore de
publier les nouvelles liées aux revendications indépendantistes
entre 1949 année de disparition du journal Le flambeau,
premier organe d'information favorable aux revendications des
nationalistes et 1954, année de lancement du second organe de presse de
l'UPC, L'étoile. Cette suspension de La voix du
Cameroun entre mai 1950 et janvier 1952 va donc empêcher la
publication par ce support d'informations des nouvelles concernant les
revendications d'indépendance formulées par les nationalistes.
Ainsi, après les élections à l'Assemblée nationale
française de juin 1951, les nationalistes camerounais décident
d'organiser une conférence publique le 12 juillet 1951 dans la salle des
fêtes d'Akwa à Douala pour dénoncer ce qu'ils qualifient de
tripatouillage électorale orchestré par l'administration
coloniale. Pendant ce scrutin, l'UPC qui obtient 3081 voix sur 280.302
suffrages exprimés (Victor Julius Ngoh, 1990 :125) perd les
élections face au BDC et au RPF. Au cours de cette conférence
publique, plusieurs dirigeants de l'UPC dont MM. Djoumessi Mathias et Um
Nyobé Ruben respectivement Président et Secrétaire
général du parti prennent la parole pour condamner les fraudes
massives enregistrées selon eux pendant les élections. Les
orateurs réaffirment les idéaux du parti à savoir :
l'indépendance immédiate et la réunification du Cameroun
(Idem, P.124). L'événement tient toute son importance car c'est
la deuxième fois après le congrès de Dschang que les
nationalistes camerounais réclament publiquement l'indépendance
du pays. Seulement, malgré l'importance de cette information
qui aurait dû normalement être relayé dans les colonnes de
La voix du Cameroun, unique organe d'information de l'UPC à ce
moment là, cette actualité ne sera pas publiée par ce
journal à cause de son interdiction par l'administration coloniale. La
parution de La voix du Cameroun ayant été interrompue
entre mai 1950 et janvier 1952 suite à son interdiction, le journal sera
donc contraint de ne pas publier toutes les informations liées aux
revendications d'indépendance pendant ladite période. La
suspension de ce journal entre mai 1950 et janvier 1952 a donc eu pour impact
direct son inactivité forcée et donc la non-publication par cet
organe de presse de toutes les informations concernant les faits qui se sont
déroulés pendant la période de cessation de ses
activités. L'interdiction de ce support d'information par
l'administration coloniale entre mai 1950 et janvier 1952 est donc la raison
déterminante du silence observé par cet organe de presse autour
des nouvelles liées aux réclamations d'indépendance
pendant cette période.
La saisie d'un journal quant à elle peut
s'opérer de deux manières. Il peut s'agir de la saisie de la
publication. Dans ce cas lors de ladite opération, l'autorité
chargée de le faire confisque tous les numéros de cette
publication qui sont sur le marché. De même, il peut s'agir de la
saisie d'un numéro de la publication. Dans ce cas précis,
l'autorité procède à la confiscation des seuls exemplaires
du numéro concerné. Bien entendu, la saisie est une forme de
censure. Et lorsqu'un numéro d'une publication est saisi et que les
exemplaires sont confisqués, on peut avoir deux conséquences
directes. La première est que les lecteurs du journal sont privés
de toutes les informations contenues dans le numéro en question. Et la
deuxième conséquence est que la confiscation des exemplaires
entraine un manque à gagner du producteur du journal qui peut ainsi se
retrouver sans ressources pour continuer à éditer sa publication.
Ainsi, comme il a été démontré dans le
précédent paragraphe, le journal Kamerun mon
pays a connu des saisies de numéros. C'est le cas du numéro
33 de cette publication qui a été saisi sur ordre du chef de la
région du Wouri le 27 novembre 1956. Cette saisie a entrainé une
conséquence majeure : le journal n'a pas pu porter à la
connaissance de ses lecteurs l'information sur l'interdiction par
l'administration de la tenue d'une réunion publique du Mouvement
d'Union Nationale à Douala le 27 novembre 1956. Kamerun mon
pays a ainsi été contraint de priver ses lecteurs de ladite
information. Cette contrainte a donc empêché à Kamerun
mon pays de donner l'information sur l'interdiction de la réunion
des nationalistes par l'administration.
Ce paragraphe a donc amené à voir que
l'interdiction temporaire de La voix du Cameroun entre mai 1950 et
janvier 1951 a entrainé la non-publication par cet organe de presse de
l'ensemble des informations liées aux revendications
d'indépendance pendant ladite période notamment la
conférence publique de l'UPC du 12 juillet 1951. De même, la
saisie du numéro 33 de Kamerun mon pays a causé la
privation aux lecteurs de l'information concernant l'interdiction par
l'administration d'une réunion publique des nationalistes. Ce qui
indique donc que les pressions de l'administration coloniale sur les journaux
édités par les nationalistes constitue également une cause
de la non-publication par les organes de presse des faits d'actualité
liés aux revendications d'indépendance.
Cette section a donc permis de voir que les journaux
édités par les nationalistes ont subi des pressions de
l'administration coloniale. Celles-ci étant entre autres l'interdiction
temporaire des organes de presse, comme ce fût le cas de La voix du
Cameroun entre mai 1950 et janvier 1952, et la saisie, une forme de
censure qui fût appliquée notamment au numéro 33 du
journal Kamerun mon pays le 27 novembre 1956. Ces différentes
pressions de l'administration sur les journaux fondés par les
nationalistes ont donc eu pour effet direct la non-publication de certaines
informations liées aux revendications d'indépendance .Ce
fût notamment le cas de celle relative à la tenue le 12 juillet
1951 d'une réunion publique organisée par les nationalistes
à Douala, alors que La voix du Cameroun était suspendue.
Ce fût également le cas de l'information concernant
l'interdiction d'une réunion publique des nationalistes par les
autorités coloniales qui n'a pas été portée
à l'attention des lecteurs de Kamerun mon pays à cause
de la saisie du numéro33 cet organe de presse qui voulait pourtant la
relayer. Ces pressions des autorités coloniales sur les organes de
presse édités par les nationalistes constituent donc une des
causes de la non-publication des sujets d'actualité liés aux
revendications d'indépendance par les journaux camerounais pendant la
période de décolonisation du pays.
Toutefois ces pressions exercées par l'administration
sur les journaux ne semblent pas être la seule contrainte qui a
entrainé le silence observé par les organes de presse sur des
sujets concernant les revendications d'indépendance formulées par
les nationalistes.
Section II- Le souci des hommes d'affaires de
satisfaire et de
conserver leur clientèle
Pendant la période coloniale, des hommes d'affaires ont
investi dans le secteur de la presse dans le but d'informer les populations qui
vivaient dans le pays et de faire des profits. Ces promoteurs de journaux
n'appartenaient pas officiellement à l'un des partis politiques qui
occupaient l'espace public camerounais. C'est pour cela qu'il semble
intéressant également de voir pourquoi même ces journaux
qu'on aurait pu qualifier d'indépendant en raison de l'origine de leurs
capitaux ne publiaient pas les nouvelles liées aux revendications
d'indépendance. Cette section entend procéder tour à tour
à l'analyse des thèmes développés par les journaux
qui étaient édités par les hommes d'affaires (paragraphe
I) puis à l'interprétation de ladite analyse sous l'angle
historique (paragraphe II).
II-1-Les journaux édités par les hommes
d'affaires : des publications au contenu
cherchant à satisfaire une
clientèle d'origine française
En étudiant les thèmes développés
par les journaux édités au Cameroun par les hommes d'affaires, on
se rend compte que ces publications accordent leur priorité aux articles
qui sont liés aussi bien à la politique intérieure de la
France qu'aux activités de l'administration coloniale. En effet, ces
organes de presse accordent 34,7% de leurs articles aux faits
d'actualité liés à la politique intérieure de la
France c'est-à-dire ceux qui se déroulent sur le sol
français, soit un ensemble de 449 articles sur 1293publiés.
D'ailleurs la 4ème page du journal La presse du Cameroun
est réservée exclusivement aux articles
développés par le journal français France-Soir
qui traitent des faits d'actualité s'étant
déroulés en France. Pour ce qui est des faits d'actualité
s'étant déroulés au Cameroun, les activités de
l'administration coloniale occupent 24,5% de l'ensemble des articles
publiés soit 318 sur 1293 articles de presse. Ce qui amène
à dire que les sujets liés à la politique française
et aux activités de l'administration coloniale occupent à eux
seuls 59,2% de l'ensemble des articles de presse publiés par les organes
de presse appartenant aux hommes d'affaires soit 767 articles sur 1293. Or, que
ce soit l'actualité politique de la France ou même les
activités de l'administration coloniale, ces deux thèmes
intéressent au premier chef les Français vivant au Cameroun.
Cette prépondérance des articles concernant la
politique intérieure de la France et les activités de
l'administration coloniale laisse croire que les publications
éditées par les hommes d'affaires sont destinées non pas
à un lectorat hétérogène c'est-à-dire
constitué de l'ensemble des habitants du Cameroun, mais plutôt aux
Français qui vivent dans le pays en général et plus
particulièrement aux Cameroun. En effet, ces organes d'information, si
on s'en tient à leur contenu, consacrent leurs articles aux sujets qui
intéressent prioritairement les Français. Il s'agit des articles
de presse liés à la politique française et ceux concernant
les activités des autorités coloniales. Parmi les sujets
liés aux activités des autorités coloniales on a :
les différentes tournées qu'elles ont effectuées à
l'intérieur du pays, les textes administratifs signés par elles,
les visites des autorités françaises au Cameroun, les missions
des autorités françaises à l'ONU pour un compte rendu de
l'administration du Cameroun par la métropole, la nomination de
nouvelles autorités coloniales au Cameroun et les visites des
dirigeants de l'AEF au Cameroun. Les journaux fondés par les
hommes d'affaires ne publiaient pas les faits d'actualité liés
aux revendications d'indépendance ; seul le plaidoyer des
conseillers de l'ATCAM concernant l'amnistie des nationalistes qui avaient
été condamnés après les événements
sanglants de mai 1955 (qui ont abouti à la dissolution de l'UPC) sont
évoqués dans ces publications. Ce plaidoyer occupe 0,8% de
l'ensemble des articles.
La prédominance des faits liés à
l'actualité politique française et aux activités des
autorités coloniales laissent donc ressortir que ces journaux cherchent
à satisfaire une clientèle d'origine française. Ce contenu
indique que les clients des journaux édités par les hommes
d'affaires étaient des ressortissants français vivant au
Cameroun. Les Camerounais n'étaient donc pas concernés par ces
publications et comme l'indique Marc Joseph Omgba Etoundi (1982 :9)
parlant du lancement du journal La presse du Cameroun:
« le nouveau quotidien venait prendre la relève d'un
périodique paraissant deux fois par semaine, L'Éveil du Cameroun.
Comme son nom ne l'indique pas, celui-ci fût lancé et animé
par les colons pour la défense de leurs
intérêts. ». Ces organes de presse
édités par les hommes d'affaires étaient donc au service
de leur lectorat, composé essentiellement d'Européens en
général et de Français en particulier. Les thèmes
développés dans les colonnes de ces publications indiquent
à suffisance leur souci de ne satisfaire qu'un lectorat constitué
de colons vivant dans le territoire camerounais et pour Israël
Léonard Sah (1974 :113), présentant L'Éveil du
Cameroun: « il leur servait en outre de bulletin de liaison
à travers le territoire. Les populations camerounaises ne se sentaient
donc en rien concernées par cette publication au service des
colons. ».
L'analyse des thèmes qui se dégagent de ces
journaux publiés au Cameroun par les hommes d'affaires à
l'ère des revendications indépendantiste indique donc que ces
organes de presse étaient destinés aux Français vivant au
Cameroun. Ceux-ci étaient les principaux clients de ces publications et
le contenu indique une prédominance des thèmes liés
à la politique française et aux activités de
l'administration coloniale parce que les promoteurs de ces supports
d'information voulaient satisfaire leurs clients qui étaient les
Français vivant au Cameroun.
II-2- Le souci des promoteurs de satisfaire et de
conserver une clientèle anti- indépendantiste
Ce paragraphe est une interprétation de l'analyse des
thèmes des journaux édités par les hommes d'affaires.
Ladite analyse indique que les journaux publiés par les hommes
d'affaires étaient dans leur contenu portés à satisfaire
leur lectorat constitué de ressortissants d'origine française.
Or précisément, ces hommes d'affaires cherchaient prioritairement
à vendre leurs journaux. L'adage « le client est
roi » laissant indiquer que la satisfaction du client est le
maître-mot du producteur ou du vendeur va donc s'appliquer pour ces
organes de presse dont les promoteurs vont s'atteler à ne publier que
les nouvelles qui intéressent leurs clients c'est-à-dire les
Français qui vivaient au Cameroun. Ce qui laisse donc indiquer que si
ces clients étaient anti-indépendantistes, cela contraignaient
les hommes d'affaires à ne pas publier dans leurs organes de presse les
nouvelles liées aux réclamations de souveraineté du
Cameroun.
Le journal L'Éveil du Cameroun a
été fondé en 1927 c'est-à-dire que son existence
date de la période d'avant la Seconde Guerre mondiale. Ce qui revient
à dire qu'il existe au Cameroun avant les revendications
d'indépendance qui, elles commencent à prendre une grande ampleur
avec la création le 10 avril 1948 de l'UPC. De sa création en
1927 jusqu'à sa mise en vente le 31 mars 1955, L'Éveil du
Cameroun n'a donc pas changé sa ligne éditoriale
malgré un contexte sociopolitique marqué par la
décolonisation et rythmé par des revendications
d'indépendance formulées par les nationalistes. Le journal est
donc resté fidèle à son contenu éditorial
c'est-à-dire un journal destiné uniquement à une
clientèle composé d'Européens ou au mieux de
ressortissants d'origine française vivant au Cameroun. Ce qui explique
que ses thèmes soient plus portés soit vers l'actualité
française soit vers les activités des autorités
coloniales.
Entre 1946 et 1955, année de la mise en vente du
journal, le Cameroun a été secoué par une vague de
manifestations de réclamation de l'indépendance. Tous ces
événements de portée majeure pour les nationalistes ont
été ignorés par L'Éveil du Cameroun. Cette
publication, par souci de fidélisation et de conservation de son
lectorat constitué de ressortissants d'origine française n'a donc
pas voulu s'attaquer aux intérêts de ceux-ci ni blesser leur
sensibilité anti-indépendantiste. C'est ainsi que le 17
décembre 1952, le même jour que M. Um Nyobé est intervenu
devant la 7ème session de l'Assemblée
générale de l'ONU pour réclamer l'indépendance du
Cameroun, les autorités coloniales françaises ont
dépêché deux hommes politiques pour aller contredire les
propos du Secrétaire général de l'UPC. Il s'agit
respectivement de MM. Okala Charles, Président du Parti Socialiste
Camerounais et Alexandre Douala Manga Bell, député à
l'Assemblée nationale française (Ferdinand Chinji-Kouleu,
2006 :91). Seulement, dans son traitement de l'information,
L'Éveil du Cameroun a ignoré l'intervention du
Secrétaire général de l'UPC et publié seulement le
fait concernant les prises de parole des deux envoyés de la France
(L'Éveil du Cameroun No 1278 du 19 décembre
1952 :1). Ce fait est suffisamment révélateur de ce que cet
organe de presse n'entendait pas publier des nouvelles qui
n'étaient pas du goût de sa clientèle constituée de
colons français vivant au Cameroun. Le journal
préférait conserver ses clients qui auraient pu s'offusquer de
le voir s'intéresser aux activités des nationalistes dont ils
étaient idéologiquement opposés.
Pour ce qui est de La presse du Cameroun, cette
publication est éditée par le groupe de Breteuil qui appartient
à M. Charles de Breteuil, un homme d'affaires français qui
possède une importante chaîne de journaux en Afrique .Selon
André-Jean Tudesq et Serges Nédélec
(1998 :84) :
« Le Comte Charles de Breteuil en
tournée au Sénégal pour la prospection minière dans
les années 1930, s'étonna de l'absence de quotidiens à
Dakar. En 1933 il lança l'hebdomadaire Paris-Dakar qui devient en 1935
le 1er quotidien d'Afrique noire francophone. La chaîne se
développa : Paris-Tara (1936) à Madagascar, Abidjan -Matin
(1954) en Côte d'Ivoire, Paris-Congo (1938) au Congo et La presse du
Cameroun (1955) au Cameroun). ».
Le promoteur de La presse du Cameroun était
donc un homme d'affaires dont la préoccupation était de vendre
son journal. Le souci de satisfaire et de conserver sa clientèle
apparaît donc comme ayant été son principal souci. Or
cette clientèle était composée de colons français
vivant au Cameroun. Ce qui est normal puisque la vocation d'un homme d'affaires
est de maximiser ses ventes et de faire des profits.
Que ce soit M. Charles Lalanne, fondateur de
L'Éveil du Cameroun ou M. Charles de Breteuil éditeur de
La presse du Cameroun, ces hommes d'affaires avaient pour principaux
clients de leurs publications, des colons français qu'ils tenaient
à satisfaire et à conserver. Cette satisfaction consistait donc
pour ces opérateurs économiques à publier dans leurs
journaux les nouvelles qui intéressaient cette clientèle et qui
ne blessaient pas leur sensibilité. Pendant la période des
revendications de souveraineté, les colons français, principaux
clients de ces publications se sont montrés opposés à
l'indépendance du Cameroun. En 1945, ils ont d'ailleurs fondé
une association, l'ASCOCAM, pour s'opposer à toute possibilité
d'ouverture en vue d'une émancipation des Camerounais. Pour Daniel Abwa
(« Les questions d'indépendance et de
réunification » in www.ambafrance-cm.org) évoquant les
revendications de l'indépendance et de la réunification du
Cameroun:
« Elles furent posées par l'UPC, Union
des Populations du Cameroun, premier parti indigène nationaliste
créé le 10 avril 1948. Une telle évolution ne plut pas
à tout le monde. Les colons français furent les premiers à
manifester leur mécontentement par rapport aux conclusions de
Brazzaville. Le 15 avril 1945 à Yaoundé, ils
créèrent l'Association des Colons du Cameroun,
ASCOCAM. Cette association organisa à Douala le 5 septembre 1945
les États Généraux de la colonisation française
dont la principale conclusion était de s'opposer à l'application
des résolutions de Brazzaville... ».
Les clients de ces journaux fondés par les hommes
d'affaires étaient donc anti-indépendantistes. Or
précisément ces promoteurs d'organes de presse voulaient
satisfaire et conserver cette clientèle. Ce qui va donc les contraindre
à ne pas publier les faits d'actualité liés aux
réclamations de souveraineté formulées par les
nationalistes. Pendant la période de décolonisation, Les hommes
d'affaires voulaient donc conserver leurs clients c'est-à-dire un
lectorat constitué des Français qui vivaient au Cameroun et qui
d'ailleurs possédaient un pouvoir d'achat important par rapport aux
nationalistes. D'où leur silence sur les sujets concernant les
manifestations de réclamation de l'indépendance. Les
opérateurs économiques entendaient faire prospérer leurs
affaires cela passait par la fidélisation voire la conservation des
acheteurs de leurs journaux qui étaient des Français, par
ailleurs anti-indépendantistes.
On peut ainsi dire que le la satisfaction et la conservation
d'une clientèle constituée de Français opposés aux
réclamations de souveraineté est une contrainte d'ordre
économique imposée à ces propriétaire de journaux.
Ce qui montre donc pourquoi les nouvelles liées aux réclamations
d'autodétermination des Camerounais n'étaient pas relayées
par les journaux qui appartenaient aux hommes d'affaires. La raison, en effet
est qu'ils voulaient conserver leur clientèle qui était par
ailleurs idéologiquement opposée aux nationalistes qui
revendiquaient l'indépendance du pays.
Donc, une autre raison déterminante de la
non-publication par les organes de presse des faits d'actualité
liés aux réclamations de souveraineté est le souci des
hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle d'origine
française.
En conclusion, cette section a permis d'analyser les
thèmes développés par les journaux dont les promoteurs
étaient des hommes d'affaires. Il a ainsi été
montré que ces organes de presse étaient destinés de par
leur contenu à une clientèle constituée de colons ;
ceci est perceptible à travers la prépondérance dans leurs
colonnes des thèmes liés à l'actualité politique
de la française et aux activités des autorités coloniales.
Des thèmes qui n'intéressaient que les Français vivant au
Cameroun. L'interprétation qui s'en est suivi indique que si ces
publications ignoraient les faits d'actualité liés aux
revendications d'indépendance, c'est parce que leurs promoteurs
étaient soumis à une contrainte économique, celle de
chercher à satisfaire et à conserver une clientèle
anti-indépendantiste. Donc, une autre cause de la non-publication par
les organes de presse des faits liés aux revendications d'autonomie
complète du Cameroun est le souci des hommes d'affaires de satisfaire et
de conserver leur clientèle.
En somme, ce chapitre a amené à procéder
à la confrontation des sources ayant fourni des informations sur
l'attitude des autorités coloniales après les
dénonciations contenues dans les journaux édités par les
nationalistes et à analyser les organes de presse publiés par les
hommes d'affaires. Nous avons pu, après confrontation de sources
découvrir que les journaux fondés par les nationalistes ont
connu de fortes pressions de l'administration coloniale suite à leurs
écrits pour dénoncer la présence française dans le
pays. Ces pressions sont perceptibles à travers l'interdiction
temporaire de La voix du Cameroun par l'administration coloniale
entre mai 1950 et janvier 1952 et par la saisie du numéro 33 du journal
Kamerun mon pays. Ces pressions ont empêché à ces
journaux de publier les nouvelles de l'actualité liées aux
revendications indépendantistes. Ce qui nous a indiqué que les
pressions des autorités coloniales sur les organes de presse
édités par les nationalistes constituent l'une des raisons de la
non-publication par les organes de presse des faits liés aux
réclamations de l'indépendance. Aussi, dans l'analyse des
thèmes développés dans les colonnes des publications
éditées par les hommes d'affaires installés au Cameroun,
il a été vu que ces opérateurs économiques dans le
contenu de leurs support cherchaient à satisfaire une clientèle
constituée de colons Français vivant au Cameroun .Ce souci de
satisfaire ladite clientèle est perceptible à travers la
prépondérance des thèmes liés à la politique
française et aux activités des autorités coloniales.
L'opposition affichée par cette clientèle aux revendications de
l'indépendance a donc indiqué que le souci des hommes d'affaires
de satisfaire et de conserver une clientèle anti-indépendantiste
pour leurs journaux constituait une contrainte économique subie par
cette catégorie de publications. Les pressions de l'administration sur
les journaux fondés par les nationalistes et le souci des hommes
d'affaires de satisfaire et de conserver une clientèle
anti-indépendantiste sont donc autant de contraintes subies par les
journaux pendant la période de décolonisation. Ces deux types de
contraintes montrent ainsi que parmi les raisons déterminantes du
silence des organes de presse sur les faits liés aux revendications
indépendantistes il y a les pressions de l'administration coloniale sur
les publications fondées par les nationalistes et le souci des hommes
d'affaire qui éditaient les journaux de satisfaire et de conserver leur
clientèle.
En définitive, cette troisième partie
centrée sur les analyses et les interprétations des informations
présentées dans la deuxième partie devait donc amener
à découvrir les causes du silence observé par les journaux
sur les faits d'actualité liés aux revendications
d'indépendance. Après analyses, confrontations de sources et
interprétations, nous avons pu découvrir que, de manière
générale, si les organes de presse ne publiaient pas les faits
concernant les réclamations d'indépendance c'est à cause
de leur soutien aux actions de leurs propriétaires qui étaient
anti-indépendantistes notamment l'administration coloniale et les hommes
politiques français vivant au Cameroun et aussi en raison de multiples
contraintes. Ces contraintes sont liées aux pressions de
l'administration coloniale sur les journaux publiés par les
nationalistes et au souci des hommes d'affaires qui éditaient les
journaux de satisfaire et de conserver leur clientèle
anti-indépendantiste.
CONCLUSION
Au terme de cette recherche intitulée
la presse écrite au Cameroun à l'ère des
revendications d'indépendance : approche
historique, la non-publication par les organes de
presse des sujets d'actualité liés aux réclamations de
souveraineté formulées par les nationalistes a constitué
notre problème de recherche. Pour cela, nous avons formulé une
problématique cherchant à trouver les raisons
déterminantes du silence observé par les journaux sur les sujets
liés aux revendications de l'autonomie complète du Cameroun. Une
problématique encrée théoriquement sur l'école
historiographique des Annales qui recommande au chercheur de poser une
question et de trouver des réponses par la recherche de plusieurs
causes selon le modèle proposé par Marc Bloch que nous avons
adopté dans ce travail.
La question principale de cette recherche est celle de savoir
pourquoi les organes de presse écrite ne publiaient pas les sujets
d'actualité liés aux revendications de souveraineté
formulées par les nationalistes. À cette interrogation
fondamentale, plusieurs questions secondaires sont posées; la
première formulée ainsi qu'il suit : la non-publication par
les organes de presse des sujets liés aux réclamations de
souveraineté était-elle causée entre autre par le soutien
que les journaux publics apportaient à une administration coloniale
soucieuse de maintenir sa présence au Cameroun ? Pour cela,
l'hypothèse suivante a été énoncée : la
non-publication par les organes de presse des sujets liés aux
réclamations de souveraineté était causée entre
autre par le soutien que les journaux publics apportaient à une
administration coloniale soucieuse de maintenir sa présence au Cameroun.
Pour la valider, nous avons pris comme cas d'étude les journaux publics
les plus importants de la période coloniale à savoir
Informations Radio-presse et Le journal des villages du
Nyong et Sanaga. Il a été montré après analyse
des thèmes contenus dans ces périodiques que 794 articles
publiés par ces journaux sur 1319 étaient consacrés aux
seules activités de l'administration coloniale soit 60,19% du nombre
total des articles de presse de ces publications. Le contenu de ces organes de
presse nous a ainsi indiqué qu'ils servaient de soutien aux actions de
l'administration coloniale dont ils étaient les principaux organes
d'information. Ce soutien étant perceptible à travers la
prépondérance des sujets liés aux activités
menées au Cameroun par les autorités françaises. Or,
précisément l'administration coloniale a affiché une
opposition à toute forme de revendication de l'autonomie complète
du Pays. Cette position anti-indépendantiste de l'administration
coloniale a été visible notamment en décembre 1952 et en
décembre 1953 lorsqu'elle a envoyé des émissaires
contredire M. Um Nyobé, Secrétaire général de l'UPC
lors de sa prise de parole à l'ONU où il réclamait
l'indépendance du Cameroun. Ce qui nous a donc amené à
dire que l'une des causes du silence observé par les journaux sur les
faits concernant les réclamations d'indépendance est le soutien
que les organes de presse publics apportaient à une administration
coloniale soucieuse de maintenir sa présence au Cameroun. Ce qui valide
la première hypothèse secondaire formulée dans ce
travail.
Quant à la deuxième question secondaire, elle
est formulée de la manière suivante: une autre cause de la
non-publication par les journaux des sujets concernant les revendications
d'autonomie est-elle le soutien que les organes de presse qui appartenaient
aux hommes politiques français vivant au Cameroun apportaient à
leurs promoteurs anti-indépendantistes? L'hypothèse
énoncée pour cette interrogation est présentée
comme suit: une autre cause de la non-publication par les journaux des sujets
concernant les revendications d'autonomie est le soutien que les organes de
presse qui appartenaient aux hommes politiques français vivant au
Cameroun apportaient à leurs promoteurs anti-indépendantistes.
Ainsi, pour la valider nous avons procédé à l'analyse
des thèmes contenus dans les journaux édités au Cameroun
par les hommes politiques français dont les plus représentatifs
étaient Le Cameroun demain, organe de presse fondé par
le Dr. Louis-Paul Aujoulat, homme politique français vivant au Cameroun
et Le Cameroun libre, organe des Français libres du Cameroun
dont le promoteur était M. Henri Coulouma. À cet effet, il a
été montré au cours de ladite analyse des thèmes
que ces supports d'information servaient de soutien aux idées et
actions politiques de leurs fondateurs car 52,3% de l'ensemble des articles
publiés par eux étaient consacrés aux activités
politiques et aux idées défendues par leurs promoteurs.
L'opposition de ces derniers aux revendications d'indépendance a
été visible sur plusieurs points : le 24 octobre 1952, le
Dr. Louis-Paul Aujoulat, fondateur de Le Cameroun de demain et
Président de l'ATCAM et M. Charles Okala, Président de l'USC, ont
envoyé une correspondance au siège des Nations unies pour
s'opposer à l'intervention de l'UPC à l'Assemblée
générale de l'ONU prévue en décembre de la
même année. De Même, M. Henri Coulouma, promoteur de Le
Cameroun libre était l'un des fondateurs en 1945de l'ASCOCAM, une
association de colons dont le but était de s'opposer à toute
forme de mesures prises visant à l'indépendance du Cameroun. Il
était par ailleurs l'un des chefs de file du RPF au Cameroun, un parti
opposé aux idées de souveraineté défendues par les
nationalistes. Ce qui indique donc une opposition donc une opposition de ces
hommes politiques, qui étaient en même temps éditeurs de
journaux, à toute forme de revendications indépendantistes. Ce
qui précède dénote donc qu'une autre raison
déterminante de la non-publication des sujets concernant les
réclamations de souveraineté formulées par les
nationalistes tient du soutien que les journaux qui appartenaient aux hommes
politiques français apportaient à leurs promoteurs
anti-indépendantistes. La deuxième hypothèse secondaire de
cette recherche se trouve donc également validée.
Pour ce qui est de la troisième question secondaire de
ce travail, elle est formulée ainsi : les pressions exercées
par l'administration coloniale sur des journaux constituent-elles
également l'une des raisons déterminantes du silence
observé par ceux-ci sur des informations liées aux
réclamations indépendantistes ? L'hypothèse relative
à cette question est présentée de la manière
suivante: les pressions exercées par l'administration coloniale sur des
journaux constituent également l'une des raisons déterminantes du
silence observé par ceux-ci sur des informations liées aux
réclamations indépendantistes. Pour la valider, nous avons fait
appel à plusieurs sources écrites ayant fourni des informations
sur l'attitude de l'administration coloniale après des
dénonciations contenues dans les organes de presse fondés par les
nationalistes notamment dans les journaux La voix du Cameroun et
Kamerun mon pays. La confrontation de ces sources a indiqué que
les journaux édités par les nationalistes ont subi de fortes
pressions de l'administration coloniale. Ces pressions qui constituent des
contraintes d'ordre administratif sont perceptibles à travers les
interdictions temporaires de ces journaux par les autorités coloniales,
comme ce fût le cas pour La voix du Cameroun entre mai 1950 et
janvier 1952, et à travers les saisies comme celle du numéro 33
de Kamerun mon pays le 27 novembre 1956 à Douala qui a
été orchestrée sur ordre du chef de la région du
Wouri. Ces pressions ont entraîné la non-publication par ces
journaux des sujets d'actualité liés aux réclamations de
souveraineté. Ainsi, pendant la période d'interdiction temporaire
de La voix du Cameroun, les nationalistes ont organisé des
manifestations pour réclamer l'indépendance du Cameroun, c'est le
cas de la conférence publique tenue à Douala le 12 juillet 1951.
Le journal La voix du Cameroun étant à cette date
là le seul organe de presse publié par les nationalistes, n'a pas
pu relayer cette information à cause de sa suspension par
l'administration coloniale. De même, lorsque le numéro 33 de
Kamerun mon pays a été saisi, les informations contenues
dans ce journal n'ont pas été portées à l'attention
de ses lecteurs. Ce qui indique donc qu'une autre cause de la non-publication
des nouvelles liées aux revendications d'indépendance par les
journaux tient des pressions que ceux qui étaient édités
par les nationalistes subissaient de la part des autorités coloniales.
D'où la validation de la troisième hypothèse secondaire de
cette recherche.
Quant à la quatrième question secondaire, elle
est posée comme suit : le souci des hommes d'affaires de satisfaire
et de conserver leur clientèle d'origine française peut-il
également être une cause de la non-publication par les journaux
des faits d'actualité concernant les réclamations de
souveraineté formulées par les nationalistes? À cette
interrogation, l'hypothèse ci-après a été
formulée : le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de
conserver leur clientèle d'origine française constitue
également une cause de la non-publication par les journaux des faits
d'actualité concernant les réclamations de souveraineté
formulées par les nationalistes. Ainsi, il ressort de l'analyse des
thèmes contenus dans les journaux L'Éveil du Cameroun
et La presse du Cameroun, les publications les plus importantes
fondées par des hommes d'affaires, que 59,2% de l'ensemble des articles
de presse (soit 449 sur 1293) étaient consacrés à la
politique intérieure de la France et aux activités de
l'administration coloniale. Des thèmes qui n'intéressaient pas au
premier chef les nationalistes mais plutôt les ressortissants
français qui vivaient au Cameroun. Cette analyse a donc fait dire que
ces journaux qui ignoraient les faits liés aux réclamations de
souveraineté étaient destinés aux Français vivant
au Cameroun. La prépondérance des articles de presse concernant
les sujets liés à la politique intérieure de la France et
aux activités de l'administration coloniale sur les autres faits
d'actualité a donc dénoté un souci de ces hommes
d'affaires de satisfaire leur clientèle constituée de
ressortissants français car c'est eux qui étaient manifestement
intéressés par ces thèmes. La tendance
anti-indépendantiste affichée par les Français qui
vivaient au Cameroun a donc laissé interpréter que les journaux
édités par les hommes d'affaires ne publiaient pas les nouvelles
liées aux revendications d'indépendance à cause du souci
de leurs propriétaires de satisfaire et de conserver leur
clientèle française. Ce souci constituant d'ailleurs une
contrainte d'ordre économique pour ces hommes qui ne voulaient pas
perdre une clientèle opposée aux manifestations de
réclamation de l'auto-détermination du Cameroun. Ainsi le 17
décembre 1952 lorsque M. Um Nyobé, Secrétaire
général de l'UPC a pris la parole devant les membres de la
7ème session de l'Assemblée générale de
l'ONU pour réclamer l'indépendance du Cameroun, il a
été contredit par deux émissaires de l'administration
française à savoir MM. Okala Charles et Alexandre Ndumbé
Douala Manga Bell. Seule l'information concernant la prise de parole des deux
envoyés des autorités françaises a été
publiée dans les colonnes de L'Éveil du Cameroun ;
celle de M. Um Nyobé ayant été ignorée par cette
publication. Ce qui a donc fait dire qu'il en a ainsi été
à cause du souci du propriétaire de ce journal de satisfaire et
de conserver son lectorat voire sa clientèle constitué de
ressortissants français qu'il ne voulait pas perdre en publiant des
nouvelles concernant les réclamations d'indépendance qui du reste
s'opposaient au désir des colons français de rester au Cameroun.
Ainsi, si les journaux qui étaient édités par des hommes
d'affaires ignoraient les sujets liés aux revendications
d'indépendance, c'est à cause d'une contrainte d'ordre
économique qui est le souci de leurs propriétaires de satisfaire
et de conserver leur clientèle d'origine française (qui du reste
était hostile aux idées d'autonomie complète du Cameroun).
Donc, le souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur
clientèle d'origine française constitue également une
cause de la non-publication par les journaux des faits d'actualité
concernant les réclamations de souveraineté formulées par
les nationalistes. La quatrième hypothèse secondaire de ce
travail est donc de ce fait également validée. Ce qui
précède indique donc que les procédures scientifiques
employées laissent voir que les différentes causes de la
non-publication par les organes de presse des nouvelles liées aux
revendications d'indépendance sont différentes selon les
catégories de journaux.
L'hypothèse principale de cette recherche est
formulée de la manière suivante : si les organes de presse
ne publiaient pas les informations liées aux revendications
d'indépendance c'est non seulement parce que certains soutenaient leurs
propriétaires qui étaient anti-indépendantistes mais aussi
en raison des contraintes auxquelles d'autres faisaient face. De ce fait, la
validation de nos hypothèses secondaires nous a indiqué les
différentes causes de la non-publication par les journaux des faits
liés aux revendications d'indépendance. Il s'agit : du
soutien des journaux publics à une administration soucieuse de maintenir
sa présence au Cameroun, du soutien des organes de presse fondés
par les hommes politiques français vivant au Cameroun à leurs
promoteurs anti-indépendantistes, des pressions de l'administration
coloniale sur les supports d'information fondés par les nationalistes et
du souci des hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur
clientèle d'origine française. En regroupant ces quatre causes on
a le soutien de certains journaux à leurs propriétaires
anti-indépendantistes et les contraintes auxquelles les autres faisaient
face; ces contraintes sont liées aux pressions de l'administration
coloniales sur les journaux fondés par les nationalistes et au souci des
hommes d'affaires de satisfaire et de conserver leur clientèle d'origine
française. Ce qui revient donc à indiquer que si les organes de
presse ne publiaient pas les nouvelles liées aux revendications de
souveraineté formulées par les nationalistes c'est non seulement
parce que certains soutenaient leurs propriétaires qui étaient
anti-indépendantistes mais aussi en raison des contraintes auxquelles
d'autres faisaient face. De ce fait, notre hypothèse principale se
trouve ainsi validée.
Cette recherche pourrait présenter certaines
limites:
L'une d'elles tient du fait qu'elle n'a fait appel qu'aux
sources écrites ; en effet, même si celles-ci
présentent l'avantage d'être faciles à critiquer et
à exploiter, il n'en demeure pas moins que l'histoire peut
également s'écrire avec d'autres types de sources notamment
les images, les témoignages oraux...;
L'autre étant la structure thématique qui a
été adoptée alors que d'autres chercheurs auraient
certainement proposé une autre manière de présenter ce
travail.
La présente recherche laisse toutefois entrevoir
d'autres perspectives sur lesquelles des chercheurs en histoire des
médias à l'ère des revendications indépendantistes
pourraient se pencher. Il s'agit entre autres du rôle de la presse
écrite pendant cette période et de l'application du cadre
juridique de la presse écrite au Cameroun pendant cette période.
De même, les sources de financement de la presse écrite à
l'ère des réclamations d'indépendance pourraient
constituer une piste pour des chercheurs.
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publishing group, 236 pages
MVENG, Engelbert, 1985 Histoire du Cameroun,
Tome II, Yaoundé, CEPER, 316 pages
Njeuma, Martin et Mbembé, Achille, 1989 Histoire
du Cameroun (XIXe-début XXe siècle),
Paris, Editions L'Harmattan, 312 pages
Mbonji Edjenguèlè, 2005 L'ethno-perspective
ou la méthode du discours de l'Ethno-
Anthropologie culturelle,
Yaoundé, Presse Universitaire de Yaoundé, 124 pages
Ngoh, Victor Julius, 1990 Cameroun : 1884-1985 :
Cent ans d'Histoire, Yaoundé, CEPER,
303 pages
Oloukpona-Yinnon Adjaï, Paulin ,1985 Racines du
présent volume 4, Éditions L'Harmattan,
183 pages
Poirrier,
Philippe, 2009
Introduction à l'historiographie, Belin, Paris, 191 pages
Popper, Karl Raimund, 1993 La logique de la
découverte scientifique, Paris, Payot, 480 pages
Prost, Antoine, 1996 Douze leçons pour
l'histoire, Paris, Seuil, 330 pages
Quivy, Raymond et Van Campenhoudt, Luc, 1995 Manuel de
Recherche en Sciences sociales,
2ème édition, Paris,
Dunod , 287 pages
Rajaonarison Alain Aimé, 2009 Les associations
sous la colonisation à Madagascar,
1896-
1960 : leur rôle dans la construction de la conscience
Ethnique
et nationale, Paris, Editions L'Harmattan, 258 pages
Richard, Joseph, 2000 Le mouvement nationaliste au
Cameroun : les origines sociales de
l'UPC (1946-1958), Paris,
Karthala, 414 pages
Um Nyobé, Ruben, 1989 Ecrits sous maquis,
Paris, Editions l'Harmattan, 192 pages
Veyne, Paul, 1996 Comment on écrit l'histoire,
Paris, Seuil, 438 pages
II-
Ouvrages spécifiques
Albert, Pierre, 2003 Histoire de la presse,
10ème édition, Paris, PUF, 127 pages
Bayemi, Jean-Paul, 1989 L'effort camerounais ou la
tentation d'une presse libre,
Paris, Editions
l'Harmattan, 170 pages
Bellanger Claude et al. , 1972 Histoire
générale de la presse française, tome 3, Paris,
Presses
Universitaires de
France, 687 pages
Bellanger Claude et al. , 1975 Histoire
générale de la presse française, tome 4, Paris,
Presses
Universitaires de
France, 486 pages
Heinderyckx, François, 2002 Une introduction aux
fondements théoriques de l'étude des
médias, Liège, éditions du CEFAL, 84 pages
Jeanneney, Jean-Noël Une histoire des
médias : des origines à nos jours, Seuil,
Paris, 2000,
217 pages
Tudesq, André-Jean, 1995 Feuilles d'Afrique,
étude de la presse de l'Afrique sub-saharienne,
Paris,
Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine, 362 pages
Tudesq, André-Jean, 1999 Les médias en
Afrique, Paris, Ellipses Marketing, 160 pages
Tudesq, André-Jean et Nedelec, Serges, 1998
Journaux et radios en Afrique aux XIXe et
XXe siècles, Saint-Étienne, Impressions Dumas,
198 pages
Rieffel, Rémy, 2005 Sociologie des médias
2ème édition, Paris, Ellipses
Marketing,223pages
Wongo Ahanda, Antoine, 2005 La communication au Cameroun:
bibliographie annotée et commentée de 40 ans de recherche,
Paris, Editions L'Harmattan, 371 pages
III-Articles
scientifiques
Boyomo Assala, Laurent Charles, Février 1995 «
Mass média et multipartisme en Afrique
Francophone. Le cas du Cameroun », in Fréquence Sud,
N°
13, Yaoundé, ESSTIC
IV-Thèses et
mémoires
Bema Minang, Marcellin, 1992 Le messager et la couverture
des événements politiques au
Cameroun
(16août 1990-15 août 1991) ML, ESSTI, Université de
Yaoundé, 92
pages
Biang, Richard, 1986 Sortir de la léthargie :
un impératif pour le journal L'unité, ML,
ESSTI, Université de
Yaoundé, 93pages
Chedjou, Bernard, 1988 Au coeur de Le messager :
monographie d'un bimensuel de la presse
privée
camerounaise, ML, ESSTI, Université de Yaoundé, 122 pages
Omgba Etoundi, Marc Joseph, 1982 L'Histoire du
quotidien la presse du Cameroun, 1er avril
1955-29
juin 1974, Mémoire de DEA, Université de Droit,
d'Economie et
de Sciences sociales de Paris, Paris II-Panthéon,
115
pages
Omgba Etoundi, Marc Joseph, 2000 La presse Camerounaise
dans tous ses états :
Esquisse de
présentation de la presse écrite camerounaise
des
origines à nos jours avec un gros plan sur la presse
écrite de langue française pour la période de
1982 à 1997
(Volume
I), Etude menée en vue de l'obtention de l'Habilitation
à Diriger
les travaux de Recherche en SIC, Université de droit,
d'Economie et de sciences
sociales de Paris, Paris II- Panthéon,511 pages
Sah Léonard, Israël, 1974 L'Éveil du
Cameroun, mémoire de diplôme, Institut Français de
Presse, 124 pages
SAH, Léonard, Israël, 1975 Contribution
à l'histoire de la presse écrite de langue
française
au Cameroun
des origines à l'autonomie, Thèse de Doctorat de
troisième
cycle, Université de Paris II, 683 pages
V-Chartes, lois, ordonnances,
décrets, arrêtés et accords
- Charte des Nations Unies adoptée le 26 juin 1945
- Loi n°1881-07-29 du 29 juillet 1881 sur la
liberté de la presse
- Ordonnance N°45-2090 du 13 septembre 1945 relative
à la modification de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de
la presse
- Décret n° 46-1644 du 17 juillet 1946
fixant les conditions du dépôt légal dans les
territoires relevant du Ministère de la France d'outre-mer
- Décret du 27 septembre 1946 rendant applicable au
Cameroun les dispositions de l'ordonnance du 13 septembre 1945 modifiant la loi
du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
- Constitution française du 27 octobre 1946
- Arrêté No3092 portant
création d'une caisse d'avance au service Radio-Presse
Accord de tutelle pour le territoire du Cameroun sous
administration française, 13
décembre 1946
VI-Rapports et articles
« Rapport annuel du gouvernement français
à l'Assemblée Générale des Nations Unies sur
l'administration du Cameroun », années 1946,1947 1948 1949,
1950, 1951, 1952, 1953, 1954, 1955, 1956 et 1957
« Avis du 13 avril 1948 » in Revue de
l'Union française ,1948 No2, P.247
Daniel Abwa, « Les questions d'indépendance
et de réunification » in www.ambafrance-cm.org
VII-Journaux
L'Éveil du Cameroun, du No001 au
No1460
Informations Radio- Presse, du No 001 au
No841
Le Cameroun libre du No001 au
No288
Kamerun, mon pays du No001 au
No 254
La voix du Cameroun, du No001 au
No33
N'kou (le tam-tam), du No5 au
No85
Le flambeau, du No001 au
No38
Lumière, du No07 au
No40
Le Cameroun de demain, du No01 au
No55
Méridiens de France et d'Afrique, du
No001 au No24
La presse du Cameroun, du No001 au
No316
VIII-Archives
1-Archives Nationales de Yaoundé
Um Nyobé Ruben, programme politique
1953,3AC, 1853, ANY
1AC6377, rapport sur les partis politiques au Cameroun
3AC 1852, Anti-upécisme 1953, l'affaire UPC/Gateau
3AC 1867, journaux politiques création 1956
2AC 9800, Mbida (A. Marie) politique 1956
2AC8588 missions dévolues par l'accord de tutelle
1953
ANY, Correspondance No 1.126/CF/RWI du 27 novembre
1956
2-Archives diverses
Correspondance No1125/PS du 16 septembre 1958
sur le dépôt légal de la presse.
IX-Wébographie
www.assembléenationale.fr
(consulté le 12 septembre 2009 de 13h23minutes à 16 h 20 minutes
et le 12 décembre 2009 de 12h15 minutes à 14h 23 minutes)
www.un.org (consulté le 21 novembre 2009
de 10h 40 minutes à 13heures 16 minutes et le 22 novembre de 8heures 50
minutes à 11heures 15 minutes)
www.bonaberi.com (consulté le 18
novembre 2009 de 14 h 36 minutes à 15heures 10 minutes)
www.upc-kamerun.com (consulté
le 15 janvier 2010 de 16h 40 minutes à 19h04 minutes)
www.sjec-cameroun.org
(consulté le 18 janvier 2010 de 12 heures 30 minutes à 14 heures
10 minutes)
www.quotidienlejour.com (consulté le 26 mai 2010 de
16heures 30 minutes à 17heures 40 minutes)
ANNEXES
Annexe 1 : Journaux
Annexe 2 : Décrets et
arrêtés
TABLE DES MATIÈRES
Page
Avertissement
......................................................................................
|
i
|
Dédicace
............................................................................................
|
ii
|
Remerciements....................................................................................
|
iii
|
Résumé..............................................................................................
|
iv
|
Abstract..............................................................................................
|
v
|
Sommaire............................................................................................
|
vi
|
Liste des
illustrations..............................................................................
|
vii
|
Liste des abréviations, acronymes et
sigles..................................................
|
viii
|
Introduction.........................................................................................
|
1
|
I-Contexte de la
recherche........................................................................
|
2
|
II-Justification du choix du
sujet...............................................................
|
3
|
III-Problème de
recherche........................................................................
|
3
|
IV-
Problématique.................................................................................
|
5
|
V- Objectifs de la
recherche.......................................................................
|
8
|
VI- Méthodologie
.................................................................................
|
9
|
VI-1 Techniques et outils de collecte des données
et techniques d'analyse et
d'interprétation des
données...........................................................
|
9
|
VI-2- Positionnement
théorique..............................................................
|
14
|
VII-Intérêt du
travail..............................................................................
|
17
|
VII-1 Intérêt
scientifique.....................................................................
|
17
|
VII-2 Intérêt
pratique...........................................................................
|
17
|
VIII-Délimitation de la
recherche...............................................................
|
18
|
VIII -1 Délimitation spatiale du
travail......................................................
|
18
|
VIII-2 Délimitation temporelle de la
recherche..........................................
|
18
|
VIII- 3 Délimitation liée à la
typologie des organes de presse et aux articles
étudiés
..................................................................................
|
19
|
IX- Revue de la
littérature......................................................................
|
19
|
X- Définition des
mots-clés.....................................................................
|
22
|
XI-Plan du
travail..................................................................................
|
24
|
|
|
PREMIÈRE PARTIE: PRÉSENTATION DU
CAMEROUN ET DU CADRE
JURIDIQUE DE
LA PRESSE ÉCRITE .....................
|
25
|
Chapitre premier : présentation du
Cameroun après la Seconde Guerre
mondiale..................................................................
|
27
|
Section I - Présentation
géographique et administrative du Cameroun
français..................................................................................
|
27
|
I-1-La géographie du Cameroun
français.....................................................
|
27
|
I-2-L'administration du
Cameroun...........................................................
|
29
|
Section II - Le statut du Cameroun
après la Seconde Guerre mondiale ..................
|
29
|
II-1-La définition du statut du Cameroun dans la Charte
des Nations unies..............
|
29
|
II-2- La définition du statut du Cameroun dans la
constitution française et l'Accord de tutelle
............................................................................................
|
31
|
Section III - Les tribunes d'expression
des camerounais à l'ère de la décolonisation...
|
33
|
III-1-Les organisations syndicales et
politiques...............................................
|
33
|
III-2- La presse
écrite .............................................................................
|
34
|
Chapitre deux: Le cadre juridique de la
presse
écrite....................................
|
36
|
Section I - La loi française du
29 juillet 1881 et ses modifications.........................
|
36
|
I-1-La structure de la loi du 29 juillet
1881...................................................
|
36
|
I-2: La modification du 13 septembre 1945
..................................................
|
37
|
Section II-Les caractères essentiels
de la loi du 29 juillet 1881............................
|
38
|
II-1-Une loi de
codification .....................................................................
|
38
|
II-2-Une loi de
libération.........................................................................
|
39
|
Section III- L'application de la loi du 29
juillet 1881 au Cameroun.....................
|
40
|
III-1- Les textes d'application de la loi du 29 juillet 1881
au Cameroun..... ...........
|
40
|
III-2-Les sanctions administratives prises pour mieux
contrôler les activités de la
presse
écrite....................................................................................
|
41
|
|
|
DEUXIÈME PARTIE : LE CONTENU DES ORGANES
ÉDITÉS PAR LES FRANÇAIS ET LES INFORMATIONS FOURNIES PAR
LES SOURCES SUR L'ATTITUDE DES AUTORITÉS À L'ENDROIT DES JOURNAUX
DES NATIONALISTES.......
|
44
|
Chapitre trois: Présentation du contenu des
journaux publiés par les français vivant au
Cameroun........................................................
|
46
|
Section I - L'information politique dans
les organes de presse publics......................
|
46
|
I- 1- Identification des périodiques publics
étudiés
..............................................
|
47
|
I-2-Les thèmes développés par les
journaux publics et leur fréquence d'apparition...
|
49
|
Section II - L'information politique
dans les organes de presse fondés au Cameroun
par des hommes politiques
français............................................
|
52
|
II-1-Identification des journaux fondés au Cameroun par
des hommes politiques
français........................................................................................
|
53
|
II-2- Les thèmes développés dans les
journaux édités au Cameroun par les hommes
politiques français et leur fréquence
d'apparition......................................
|
55
|
Section III - L'information politique
dans les journaux fondés par des hommes
d'affaires .............................................................................
|
57
|
III-1-Identification des journaux publiés au Cameroun
par les hommes
d'affaires.............................................................................................
|
58
|
III-2: Les thèmes développés dans les
journaux édités par les hommes d'affaires et leur
fréquence
d'apparition...................................................................
|
59
|
Chapitre quatre : La description par des sources
de l'attitude des autorités à l'endroit des journaux
édités par les nationalistes ...............
|
64
|
Section I- L'intérêt
porté aux réclamations indépendantistes par les
publications des
nationalistes...........................................................................
|
64
|
I-1- Identification des journaux publiés par les
nationalistes.............................
|
65
|
I-2 -La publication par les journaux édités par
les nationalistes des sujets liés aux
réclamations de
l'indépendance.........................................................
|
66
|
Section II-La description par les sources de
l'attitude des autorités après la publication
par la voix du Cameroun des
résolutions du premier congrès de l'UPC......
|
70
|
II-I-La publication par La voix du Cameroun de
l'article portant sur les résolutions du
premier congrès de
l'UPC....................................................................
|
70
|
II-2-La description par les sources de la réaction des
autorités coloniales après la
publication de l'article portant sur les
résolutions du premier congrès de l'UPC.....
|
71
|
Section III- La description par les sources
de l'attitude des autorités après la
publication par Kamerun mon pays
d'un article portant sur l'interdiction
d'une réunion publique des
nationalistes.......................................
|
72
|
III-1-La publication par Kamerun mon pays d'un
article portant sur l'interdiction
d'une réunion publique des
nationalistes................................................
|
72
|
III-2-La description par les sources de la réaction des
autorités coloniales après la
publication par Kamerun mon pays de
l'article portant sur l'interdiction d'une
réunion publique des
nationalistes.........................................................
|
73
|
|
|
TROISIÈME PARTIE : LES CAUSES DE LA
NON-PUBLICATION PAR LES JOURNAUX DES FAITS D'ACTUALITÉ LIÉS AUX
REVENDICATIONS D'INDÉPENDANCE .............................
|
77
|
Chapitre cinq : Le soutien des journaux à
leurs propriétaires
anti-indépendantistes.......................................................
|
79
|
Section I- Le soutien des journaux publics
à une administration opposée
aux revendications
d'indépendance ............................................
|
79
|
I-1-Le soutien des journaux publics aux actions de
l'administration coloniale ........
|
79
|
I-2 -Les journaux publics : des publications servant
de soutien à une administration
anti-indépendantiste.........................................................................
|
80
|
Section II- le soutien des journaux
fondés au Cameroun par des hommes politiques
français à leurs promoteurs
anti-indépendantistes...............................
|
82
|
II-1 - Les journaux fondés par les hommes
politiques français : des publications
éditées pour faire connaître les
activités et les idées de leurs promoteurs...........
|
83
|
II-2-Les journaux édités au Cameroun par les
hommes politiques français : des
publications servant de soutien aux activités de
leurs promoteurs
anti-indépendantistes......................................................................
|
84
|
Chapitre six : Les contraintes subies par les
journaux..................................
|
89
|
Section I- Les pressions de l'administration
coloniale sur les journaux fondés par les
nationalistes.............................................................................
|
89
|
I-1-La confrontation des sources ayant indiqué les
pressions de l'administration sur les
journaux fondés par les nationalistes
.....................................................
|
90
|
II-2- L'impact des pressions subies par les journaux
fondés par les nationalistes sur la
publication des informations liées aux
revendications d'indépendance..............
|
92
|
Section II- Le souci des hommes d'affaires de
satisfaire et de conserver leur
clientèle.................................................................................
|
95
|
II-1-Les journaux édités par les hommes
d'affaires : des publications au contenu
cherchant à satisfaire une clientèle
d'origine française................................
|
95
|
II-2- Le souci des promoteurs de satisfaire et de conserver
une clientèle
anti-indépendantiste......................................................................
|
97
|
Conclusion........................................................................................
|
103
|
Bibliographie.....................................................................................
|
110
|
Annexes............................................................................................
|
117
|
Annexe 1-
Journaux................................................................................
|
118
|
Annexe 2- Lois, décrets et
arrêtés...............................................................
|
119
|
Table des
matières...............................................................................
|
120
|
|