II. Faible accès au crédit agricole
Pour accomplir l'indispensable passage à la culture
stabilisée, le paysan à besoin de quelques moyens dans la plupart
des cas, il devra passer à la culture attelée et à la
fumure animale ou compost végétal ; il lui faudrait bien
acheter une paire de boeufs, une charrue, une charrette, un semoir. Si pour
diverses raisons (impossibilité d'élevage des bovins du fait de
la présence de tsé-tsé, terre excessivement lourde,
excès d'herbes) il est obligé d'adopter la culture
motorisée, il devra acheter un motoculteur ou un petit tracteur. Dans
toutes les régions, maintenant ou un peu plus tard, il faudra se
procurer des engrais chimiques et des produits phytosanitaires.
Or, en culture extensive, le paysan n'a pas d'argent devant
lui. On se trouve devant un cercle vicieux : il faudrait de l'argent pour
cultiver mieux ; et il faudrait cultiver mieux pour avoir de l'argent.
On est malheureusement obligé de constater que dans
plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, le dispositif de crédit agricole
s'est effondré et cela pour plusieurs raisons.
D'abord et avant tout à cause du volume
élevé des crédits impayés. Les organismes de
crédit agricole qui avaient au départ des disponibilités
relativement importantes les ont vues fondre rapidement parce que les paysans
ne remboursaient pas les emprunts qu'ils avaient souscrits, ou ne les
remboursaient que partiellement.
De façon générale, on observe que les
paysans sont peu enclins à rembourser l'argent qu'ils doivent aux
banques ou aux organismes importants de crédit ou aux
coopératives. Comme l'écrit Claude Guillemain «
Pourquoi le paysan rembourse -t-il peu ? L'argent qu'on lui prête
vient de loin, il ne sait d'où, c'est de l'argent
étranger ».
En outre le remboursement de dette de ce genre de
caractère administratif, ne fait pas parti des impératifs de la
morale villageoise ancestrale et le fait de ne pas rembourser apparaît
comme une véritable faute morale.
Enfin, il y a un certain laxisme des gouvernements. Dans
plusieurs cas, par le billet des coopératives ou par le canal des
sociétés de développement ou à travers des banques
de crédit agricole trop liées à l'Etat, des gouvernements
ont accepté, plus ou moins ouvertement, que les paysans ne remboursent
pas des dettes qu'ils avaient contractées auprès des organismes.
Au Sénégal par exemple, le Gouvernement avait
décidé, quatre reprises au cours des années 70 d'annuler
les dettes de cultivateurs.
Devant les mesures de ce genre, les cultivateurs ont pris
l'habitude de considérer que les emprunts contractés par eux
pouvaient ne pas être remboursés. Les réserves des
organismes de crédit agricole se sont taris et ceux-ci n'ont plus du
tout de fonds ; dans plusieurs Etats de la sous région, il n'y a
plus vraiment de possibilités de crédit.
Actuellement, instruits par des expériences ainsi faites
un certain nombre d'Etats sont entrain de reconstituer des systèmes de
crédit agricole sur des bases entièrement nouvelles.
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