CHAPITRE PREMIER :
Analyse des conséquences des
caractéristiques actuelles des
frontières sur la traite des
enfants
Contribution à la lutte contre la traite
transfrontalière des enfants en Afrique de l'Ouest
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L'Etat béninois fournit à son
milieu juridique d'importants instruments,
témoignage de sa volonté de lutter contre la
traite des enfants. En partant de la ratification des conventions
internationales à l'édition des lois nationales, l'on se retrouve
dans un `'monde juridique» favorable à la protection des droits de
l'enfant et à la lutte contre la traite des enfants. En outre, l'Etat,
par son initiative ou par celle des institutions présentes sur le
territoire national, a enclenché plusieurs actions en matière de
lutte contre le phénomène.
Mais au-delà de ce monde juridique parfait, favorable
au respect des textes, aux actions de toutes sortes pour lutter contre la
traite, il est un facteur qui constitue un frein pour la réalisation de
l'objectif visé : il s'agit du caractère actuel des
frontières béninoises.
Les cadres juridique et institutionnel de l'étude (en
première section) et les facteurs favorables à la porosité
des frontières (section 2) sont les principaux points abordés
dans cette partie.
Section Première: Cadres juridique et
institutionnel de l'étude
Le Bénin, comme la plupart des Etats
africains, est partie à plusieurs
conventions dont l'objectif est la protection des enfants. Il
entreprend et soutient des actions dans ce sens. Mais avant d'aborder les
points concernant les instruments juridiques et autres, il convient de
définir la notion de la `'traite des enfants». Notons qu'une
définition précise n'a pas été retenue car les
causes et les manifestations du phénomène ne sont pas identiques
d'un pays à l'autre.
L'exposé des textes juridiques (paragraphe premier) et de
la politique de l'Etat (paragraphe 2) sont les points essentiels de cette
section.
Définition du concept
La `'traite des enfants»
se définit comme « le recrutement, le
transport, l'hébergement ou l'accueil d'un
enfant aux fins d'exploitation13.» La
notion d'exploitation comprend au minimum
l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes
d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage
ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le
prélèvement d'organes14.
L'OIT la définit comme le trafic d'enfants dans le
but de l'exploitation de leur travail. La traite s'entend
également de « tout processus [...] concernant le
recrutement, le transport, la réception ou la vente de l'enfant [...]
à l'extérieur d'un pays15». En
République du
Bénin16, la Loi N°2006-04 du 05
avril 2006 définit la traite comme « toute
convention ayant pour objet d'aliéner, soit à titre gratuit, soit
à titre onéreux, la liberté ou la personne d'un
enfant. »
De façon succincte, la traite est le trafic d'enfants
dans un but d'exploitation. La `'traite des enfants» est proche d'autres
notions. Il convient donc de la dissocier du trafic, du confiage ou du
placement et de la migration d'enfants. L'Afrique de l'Ouest est par excellence
une terre de migrations et d'accueil. De ce fait, toutes ces notions peuvent
parfois prêter à confusion.
Ainsi, il faut entendre par `'Confiage» ou
`'placement» le fait de placer un enfant auprès d'un parent proche
ou éloigné pour qu'il reçoive une éducation ou une
formation. Dans ce cas, les parents rendent parfois des visites
périodiques à leur enfant et contribuent d'une certaine
manière à l'entretien de celui-ci.
13 Le Protocole additionnel à la Convention des
N.U contre la criminalité transnationale organisée, visant
à prévenir,
réprim er et punir la traite des personnes, en particulier
des femmes et des enfants, en son Article 3. c
14 Article 3.a du Protocole de Palerme visant
à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en
particulier des femmes et des enfants.
15 L'Accord de Coopération
transfrontalière entre le Mali et la Côte d'Ivoire signé le
1er Septembre 2000.
10Loi portant conditions de déplacement des
mineurs et répression de la traite d'enfants en République du
BENIN. En préfaçant ce document de vulgarisation de cette loi, le
ministre de la famille et de l'enfant, Clémence YIMBERE épouse
DANSOU, affirme : « le phénomène de la traite des enfants
est une préoccupation majeure du gouvernement. »
Quant à la migration, elle est le déplacement
d'une personne ou d'un groupe de personnes dont des enfants qui sont à
la recherche d'un `'mieuxêtre» hors des frontières de leur
Etat d'origine. Elle résulte de la volonté du migrant
lui-même ou peut être stimulée.
Le `'trafic» est souvent utilisé comme un synonyme
de la traite. Mais le trafic désigne le mouvement de migrants. On peut
également parler de trafic en matière d'échanges
commerciaux. C'est aussi le mouvement des
populations à l'intérieur d'un Etat. Le mot
`'traite» a été donc choisirécemment par
les Nations Unies pour éviter la confusion. La traite implique,
au-delà du déplacement, un intermédiaire
et l'exploitation. La notion d'exploitation permet donc de la
différencier des autres concepts. La traite des enfants peut être
interne ou internationale. Lorsqu'elle est interne, elle consiste en ce que
l'enfant est mis à la disposition de nouveaux tuteurs se trouvant sur le
même territoire que les géniteurs. Quand elle est internationale,
elle s'explique par le fait que, l'enfant pour atteindre ses nouveaux
maîtres, doit être amené à traverser les
frontières de son Etat d'origine : on parle de traite
transfrontalière. La traite internationale peut également se
traduire par l'exploitation d'enfants de nationalités
étrangères sur le territoire d'un autre Etat (pays d'accueil ou
de destination).
Paragraphe Premier : Instruments juridiques
De nombreux instruments juridiques
internationaux reconnaissent à
l'enfant le droit d'être protégé contre
l'exploitation de son travail par autrui17. Des Conventions des
Nations unies aux textes nationaux en passant par les textes régionaux,
l'arsenal juridique est bien fourni.
17 C'est une expression consacrée par l'OIT.
A- Instruments juridiques à caractères
international et sous-régional
> La Convention n°168 de l'OIT
(1973), pose le problème général de l'age
d'admission au travail. Selon ce texte, l'age minimum
d'admission des enfants au travail, dans tous les cas, ne doit pas être
inférieur à quinze (15) ans.
> La Convention des Nations Unies relative aux Droits
de l'Enfant (1989)18 est l'un des plus importants textes
juridiques en la matière. En son article 32, elle affirme que
l'enfant a le droit « d'être protégé contre
l'exploitation économique ». Elle engage également la
responsabilité des Etats parties à «
prendre toutes les mesures (législatives, administratives, sociales
et éducatives) appropriées sur les plans national,
bilatéral et multilatéral pour empêcher
l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants »
(Art. 35 de la CDE).
> Le Protocole facultatif de la CDE concerne la
vente d'enfants, la prostitution et la pornographie mettant en scène des
enfants. Il date du 25 Mai 2000 et est entré en vigueur le 18
Janvier 2002. Il préconise également que des solutions politiques
soient prises afin de prévenir et de combattre le
phénomène.
La CDE a été ratifiée par le Bénin
le 03 Août 1990. Ce faisant, l'Etat béninois est devenu l'un des
22 premiers pays à avoir franchi l'étape de la reconnaissance des
droits et de la protection des enfants.
18 La communauté internationale a retenu la
date du 20 Novembre comme Journée Internationale du respect des droits
de
l'enfant. Cette célébration est le lieu d'une part,
de rappeler à chaque Etat l'engagement qu'il a pris en signant la CDE,
et d'autre part, le rôle de chaque individu dans le respect des droits de
l'enfant et le développement de celui-ci.
> Le Protocole additionnel à la Convention
des Nations sur la Criminalité Transnationale Organisé a
été adopté aux Nations le 15 Novembre 2000 et signé
par le Bénin l'Assemblée Générale de Palerme
(ITALIE) le 12 Décembre 2000. Il vise à prévenir,
réprimer et punir la traite des personnes, en particulier celle des
femmes et des enfants.
> Outre la CDE, le Bénin est également partie
à la Convention 182 de l'OIT de 1999 sur les pires formes du
travail des enfants. Elle inclut la traite des enfants. En son
Article 3.a, elle stipule que toutes les formes d'esclavage ou
pratiques analogues, telles que la vente et la traite d'enfants sont comprises
dans les pires formes du travail des enfants. Abondant dans la même
logique que la CDE, la Convention 182 de l'OIT exhorte les
Etats parties à agir de manière à abolir ces pratiques. Le
Bénin, comme bon nombre de pays Africains tels que le Mali, le
Burkina-Faso, la Côte d'ivoire, est partie à ces conventions.
> Sur le plan régional, le texte le plus
représentatif est la Charte Africaine des Droits et du
Bien-être de l'enfant, adoptée en 1990. Elle a
été ratifiée par le Bénin en 1996 et depuis lors, y
a force de loi conformément à la Constitution Béninoise de
Décembre 1990. (Art. 147 de la Constitution19)
> Sur les plans multilatéral et bilatéral,
les Etats se sont dotés de nouveaux instruments juridiques :
l'Accord Multilatéral de Coopération en matière de
Lutte contre la Traite des enfants en Afrique de l'Ouest. Il a
été signé à Abidjan, le 27 juillet 2005 par neuf
(09) Etats de la sousrégion dont le Bénin. Cet accord s'inscrit
dans le voeu des Etats à promouvoir et protéger les droits
humains en général et préserver en particulier les
enfants. Il exhorte tous les Etats parties à mettre les
19 « Les traités ou accords
régulièrement ratifiés, ont, dès leur publication,
un
réserve pour chaque accord ou traité, de son
application par l'autre partie. »
Contribution à la lutte contre la traite
transfrontalière des enfants en Afrique de l'Ouest
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moyens en oeuvre en vue d'une part de prévenir et de
réprimer la traite et d'autre part de promouvoir la coopération
entre Etats. En son article 2, il stipule notamment que « la
traite des enfants à quelque fin et sous quelque forme que ce soit, est
interdite.»
> Le bilatéral s'illustre notamment par
l'Accord de coopération entre le gouvernement de la
République du Bénin et le gouvernement de la République
Fédérale du Nigeria sur la prévention, la
Répression et la Suppression de la Traite des Personnes en particulier
des Femmes et des Enfants20. En plus de ces textes
internationaux en vigueur, le Bénin dispose d'instruments juridiques sur
le plan national.
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