Les affiches de publicité au Cameroun. Une
analyse des stratégies discursives en rapport avec les besoins de la
cible.
Par Simon Ngono
Etudiant en Master Communication, Université de
Douala - Cameroun
Les affiches de publicité constituent le moyen propice
pour les entreprises de mettre en visibilité leurs produits. Au Cameroun
notamment des agences de communication rivalisent de créativité
pour concevoir des affiches permettant le positionnement des produits de leurs
annonceurs. Cela suppose à l'évidence la mise sur pied des
stratégies axées sur une posture discursive qui soit en phase
avec les besoins de la cible. Notre question centrale s'énonce alors
comme suit : à partir de quels types de grammaire les entreprises
surfent-elles pour créer la proximité entre leurs valeurs et les
besoins de la cible ?
Nous entendons prendre deux affiches de publicité comme
corpus : celle de « Chococam » et celle de
« Les Brasseries du Cameroun » pour décrypter les
messages des entreprises en direction de leur cible. Il s'agit, en effet, de
s'intéresser aux stratégies discursives déployées
par les entreprises pour être en phase avec les attentes de leur cible.
Bien plus, nous explorons la grammaire marketing employée dans ces
affiches.
Cette exploration puise dans l'analyse proposée par
Michel Foucault. Plus particulièrement, à partir de son concept
de « dispositif » entendue ici comme « un
ensemble résolument hétérogène »
basé sur deux éléments, à savoir : le
« dit » et le « non-dit ». Ainsi,
l'univers diégétique, le cadre de déroulement, le slogan
et le logo constituent des éléments incontournables de notre
grille d'analyse. Mais avant toute chose, il convient de démontrer
pourquoi il est difficile d'analyser une affiche de publicité tant les
grilles d'analyse varient d'un auteur à un autre.
Des apories dans l'analyse d'une affiche de
publicité
Située au confluent d'autres disciplines,à
l'instar de la psychologie,la sociologie,les sciences de l'information et de la
communication,l'anthropologie,la politique,etc. la publicité a fait et
continue de faire l'objet de nombreux travaux scientifiques. Mais jusqu'ici, il
n'existe pas encore de « prêt-à-porter » en
matière d'analyse d'une affiche de publicité. Chaque auteur qui
est intervenu dans ce champ d'étude a proposé sa grille
d'analyse. Sans prétendre être exhaustif, nous présenterons
les grilles proposées par Claude Cossette et Michel Foucault.
Claude Cossette : la quadrature des axes
d'analyse d'une publicité
« Chococam » : Le teasing
comme stratégie de lancement d'un nouveau produit
Le marché camerounais connaît un foisonnement de
produit de bonbons. Pour lancer son nouveau
produit, « Chococam » a opté pour une campagne
de publicité basée sur le teasing. En effet, le teasing consiste
en une phase de pré-campagne pour intriguer la cible. Sur le visuel de
campagne proposé à cet effet, on pouvait apercevoir un monsieur
(visiblement chauffeur de taxi) dans un véhicule avec la tête
dehors. Celui-ci, avait le regard nerveux et menaçant. Au dessus de
cette image, une question : « de quoi a-t-il besoin pour
être heureux ? » Cette phrase sous-entend qu'il
était en état de manque, c'est-à-dire qu'il avait besoin
de quelque chose. Et cette chose là ce sont des bonbons kola.
D'où l'affiche de la seconde phase de campagne de publicité
actionnée par « Chococam ».
La particularité de ce second visuel est qu'il
répond à un état physiologique. Il faut consommer les
bonbons Kola pour être heureux. La masse textuelle
présentée dans le visuel débute par les bonbons kola. Sa
position à l'extrême gauche connote avec le fait de vouloir mettre
une emphase sur ce nouveau produit que l'on veut
« lancer ».
L'accroche : « C'est tellement mieux
d'être heureux ! » semble répondre au besoin de la
cible. La preuve, c'est que l'affiche donne à voir trois personnes (dont
une jeune fille, un homme et une maman) toutes souriantes et donnant
l'impression d'avoir trouvées ce dont elles avaient besoin pour
être heureux. Aussi, les trois personnes tiennent-elles à la main
des sachets de variété de bonbons kola : kola red, kola
ginger et kola oye. Leur position (au centre de l'affiche) traduit la
disponibilité des bonbons « Kola » sur le
marché. La masse colorielle soigneusement choisie ainsi que le slogan
(« Adding value to life ») frappe à l'esprit.
D'où leur vocation à captiver l'attention de la cible.
L'excellence comme stratégie discursive de
« Les Brasseries du Cameroun »
L'analyse de la stratégie discursive de « Les
Brasseries du Cameroun » impose que l'on s'attarde d'abord sur la
valeur de cette entreprise : l'excellence. En effet, se positionner comme
une entreprise citoyenne c'est l'objectif que « Les Brasseries du
Cameroun » se sont fixées depuis quelques années. Pour
se démarquer d'autres entreprises qui poursuivent le même
objectif, elles ont jeté leur dévolu sur une cible souvent
à l'abandon : les jeunes scolarisés. Au lieu d'octroyer des
crédits scolaires aux parents pour la rentrée scolaire comme le
font certaines entreprises, la société brassicole entend
plutôt primer l'excellence scolaire. Il s'agit de promouvoir la valeur
travail en offrant des bourses scolaires aux plus méritants.
L'affiche conçue par « Les Brasseries du
Cameron » et son agence conseil se veut originale. L'accroche
présente au premier plan les six bourses qui « vont
tomber » avec les montants qui varient de 100.000 à
500.000Fcfa. En dessous, les mains des élèves qui veulent chacune
avoir ses bourses. Le message inscrit à l'extrême-droite de
l'affiche et envoyé aux élèves
mentionne : « Le jour des résultats les bourses vont
tomber ». Cela sous-entend que seuls les meilleurs
élèves pourront bénéficier des bourses le jour des
résultats. Autrement dit, « Les Brasseries du
Cameroun » sont là pour primer l'excellence scolaire. La
prédominance de la couleur or (couleur dominante des Brasseries du
Cameroun) traduit à la fois l'excellence et la promotion des valeurs
d'émulation. Une analyse de cette campagne de communication permet
également de relever deux éléments majeurs : la
continuité et la constance.
La continuité
Le soutien de « Les Brasseries du
Cameroun » aux élèves s'inscrit dans la
continuité. Ainsi, c'est depuis cinq ans que cette entreprise s'est
résolument engagée dans l'éducation. Ceci afin de
répondre aux besoins d'une cible-double : les parents et les
élèves.
Les parents, qui font souvent face à des
remue-ménages lors de la rentrée. Les élèves qui
sont les véritables acteurs du système éducatif. En effet,
l'excellence reste le moteur de l'éducation. L'une des pédagogies
d'apprentissage consiste à la réussite-récompense. En
psychologie, et singulièrement dans le conditionnement opérant de
Skinner, l'apprentissage est facile si elle est conditionnée par
l'obtention d'une récompense. L'entreprise peut se targuer d'avoir
déjà dépenser plus de 400 millions de Fcfa au profit de la
performance scolaire.
La constance
La constance ici fait référence aux
thèmes de campagne abordée par « Les Brasseries du
Cameroun ». En effet, cette entreprise a toujours surfé sur la
valeur travail. Et parfois sur des sentiers battus. A l'instar du message de
l'affiche de mai-juin (2012) : « Le jour des résultats
les larmes vont couler ». Ce message est, en réalité,
une déformation de la célèbre phrase populaire et
même puérile : « Le jour des résultats
les larmes vont couler ». Mais son mérite reste entier en ce
sens que la publicité se sert souvent du vécu quotidien ou des
façons de faire enracinés dans les imaginaires sociaux de la
cible.
C'est en cela que la cible a souvent du mal à trouver
la frontière entre la mise en scène qui lui est proposée
dans l'affiche et sa mise en scène quotidienne. La stratégie des
entreprises étant de prétendre projeter un univers social
à travers un lexique de besoins, à partir duquel la cible peut
s'identifier.
Conclusion :
En définitive, la conception des affiches de
publicité obéit à des stratégies discursives bien
précises. Ainsi, en analysant l'affiche de
« Chococam » et celle de « Les Brasseries du
Cameroun », nous avons pu constater que les agences de communication
usent de la grammaire de bonheur, de l'excellence, etc. pour prétendre
répondre aux besoins quotidiens de la cible. Cela suppose que la cible
puisse s'identifier dans cette rhétorique marketing. En outre, le
territoire discursif doit être tributaire de l'environnement
immédiat de la cible et s'inscrire dans leurs imaginaires sociaux.
Toutefois, notre étude s'est essentiellement focalisée sur
l'analyse des affiches de publicité, sans tenir compte du pôle
d'énonciation. Nous avons également minoré les effets
positifs ou négatifs que ces affiches peuvent avoir sur les cibles. Un
aspect aussi capital qui relève purement de la sociologie des
publics.
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