Dynamique des ecosystèmes forestiers en contact avec les savanes dans le corridor forestier de Fianarantsoa (Sahabe- Ambohimahamasina ) à Madagascarpar Andry RANDRIANARISON Université d'Antananarivo Madagascar - Diplôme d'études approfondies en biologie et écologie végétales 2009 Dans la categorie: Géographie |
VIII. Conclusion partielleL'étude de la dynamique des écosystèmes forestiers en contact avec les savanes incluses dans le corridor forestier de Fianarantsoa nous a conduits à déterminer 3 groupements : une formation mature à Dalbergia sp. et à Polyscias ornifolia (G 3), une formation mature peu perturbée à Ficus soroceoïdes et à Erythroxylum nitidilum (G 1), et une formation perturbée à Erythroxylum nitidilum et Amerya humbertii (G2). Le groupe 1 est la formation qui entoure les savanes incluses. Toutefois, elle reste mature car la pratique de la mise à feu des savanes dans la région est bien contrôlée. L'utilisation des pare-feu est bien respectée. De plus, la période de mise à feu est seulement autorisée pendant la saison de pluie. Ainsi, la forêt est bien protégée contre le feu. Selon leurs emplacements et leurs proximités des villages ou campement, les savanes incluses ne présentent pas la même tendance évolutive. Certaines ont augmenté de surface depuis leurs apparitions jusque dans les années 1990 et d'autres ont par contre diminué. Mais quelque soit la tendance évolutive de ces savanes incluses dans les années 90, depuis, elles régressent toutes sauf celles qui sont habitées ou aménagées en rizière. Néanmoins, d'une façon générale, les savanes incluses diminuent de surface mais n'ont pas encore atteint leurs surfaces de 1957. Parallèlement, la forêt a connu ainsi une évolution suivant le mouvement de la limite forestière. Ayant un campement en forêt, les occupants commencent à aménager des rizières et à posséder des zébus. Ainsi, la pratique de la mise à feu des savanes incluses est effectuée pour l'alimentation des troupeaux. La pratique de mise à feu est la cause de la persistance des ces savanes incluses. Des tevy sont aussi effectués pour la culture des produits de contre saisons. L'entrée des zébus en forêt est une pratique qui se transmet d'une génération à une autre. Cette pratique selon la perception paysanne ne présente pas d'effet néfaste sur la forêt. Néanmoins, cette pratique modifie la physionomie et la composition floristique du milieu. Actuellement, ce mode d'élevage est de plus en plus abandonné mais laisse des traces comme l'aménagement des zones de pâturages en rizières ou en campement. QUATRIEME PARTIEDISCUSSION et RECOMMANDATIONSDISCUSSION ET RECOMMANDATIONSCette partie portera sur les problèmes méthodologiques, les remarques sur les résultats ainsi que quelques recommandations pour améliorer la pratique agricole et pastorale. Discussion PROBLEMES METHODOLOGIQUES La matérialisation des placeaux, de dimension standard de 0.1 ha pour les forêts tropicales, a posé de nombreux problèmes au cours des différents relevés. Ceci est du au relief et à la topographie : la longueur de la pente ne dépasse pas les 50m. Or pour réaliser un placeau de 0,1ha, une dimension de 20m x 50m ou quelques fois, 10m x 100m est nécessaire. Ainsi, le dispositif du placeau effectué lors des études sur le terrain a été modifié. Un placeau de 30m x 30m a été adopté. Au moment des descentes sur le terrain, la plupart des plantes étaient à l'état végétatif, ce qui nous a posé des problèmes pour l'identification des espèces. En effet, pour la détermination des espèces, les fleurs ou les fruits sont des caractères importants pour discriminer une espèce des autres espèces ou d'un genre à l'autre. Sans ces caractères, plusieurs plantes sont restées au niveau genre. REMARQUES SUR LES RESULTATS Typologie des formations L'hétérogénéité de la formation ainsi que la présence des activités anthropiques anciennes et actuelles dans le chef lieu de Sahabe ne permet plus l'utilisation du terme forêt « primaire ». Ce terme n'est peut être plus valable pour qualifier les forêts à Madagascar. En effet, des recherches effectués à Madagascar ont montré la faible représentation de ces forêts dite « primaire » (Ranarivelo & Kotozafy, 2001 ; Moreau, 2002). Nos résultats ont corroboré ceux de Carrière et al., (2007) sur la présence de forêt mature dans le corridor. Ainsi, la formation forestière constituant le corridor de Fianarantsoa peut être qualifiée de forêt mature. Toutefois, selon Goodman & Rakotoarisoa (1998), dans la réserve spéciale du pic d'Ivohibe, un site situé plus au Sud, excepté quelques traces d'une occupation humaine ancienne, la forêt et les communautés animales ne montrent plus aucune trace récente de cette occupation humaine. C'est comme si la perturbation ancienne n'existait pas et la forêt était restée primaire. Typologie des formations selon la perception paysanne Selon la perception paysanne, la forêt dans la zone de Sahabe est de 2 types : Alamainty et Alamena. Les Alamena sont identifiées par la population locale comme des formations à forte densité d'arbres de moyen diamètre et les racines sont peu profondes. Certains arbres présentent des racines échasses pour mieux se fixer sur le substrat (sol meuble par la forte teneur en sable). La formation est aussi caractérisée par l'abondance des litières non encore décomposées. Il est à signaler aussi l'abondance d'espèces herbacées vivant en quasi-monopeuplement dans la strate herbacée ce qui les rend sensibles au feu. Quant aux Alamainty, la formation élevée et présente des individus de gros diamètre présentant des contreforts et dont la strate herbacée est dominée par la famille des Acanthacées (Ruellia cyanea). Ces 2 types de forêts renferment des espèces communes mais leur croissance est différente. Ainsi, pour la population locale, les Alamainty sont des forêts dites « naturelles » et les Alamena peuvent être des forêts dégradées, des forêts jeunes ou régénérées ou des forêts se trouvant sur un niveau topographique supérieur (crête, haut versant). Ecologiquement, les Alamena sont des formations secondaires issues d'une perturbation dont les strates tendent à se confondre. Elle est dominée par des espèces héliophiles du fait de l'ouverture de la voûte forestière favorisant le développement des espèces herbacées tels que Cephalostachyrum sp.. Les Alamainty sont des formations hautes comprenant des strates bien distinctes. La strate herbacée est dominée par des espèces sciaphiles à cause de l'humidité et de la fermeture de la voûte forestière. La forêt en contact avec les savanes sur versant et les Alamena font partie d'un même groupe. Les Alamena sont donc sensibles aux feux et peuvent rapidement se transformer en savane. Origine des savanes de la région Nombreuses sont les études réalisées pour connaître l'origine des savanes à Madagascar. D'une part, des chercheurs ont supposé que Madagascar est autrefois recouvert de forêt et affirment que la présence de ces savanes résulterait de la déforestation due à l'augmentation démographique (Perrier de la Bathie, 1921, 1936 ; Humbert, 1927 ; Gade, 1996). Ils défendent l'idée que la forêt recouvrait tout les hauts- plateaux (voire tout l'île) et que c'est l'homme avec ses actions inconsidérées qui a façonné le paysage actuel. D'autre part, des chercheurs comme Dewar & Wright (1993), Burney (1996 ; 1997), assurent grâce à des études de pollen que la végétation couvrant les Hautes Terres, il y a 2 000 ans, était plutôt de nature mixte, composée de forêts, d'arbustes et de prairies et ceci à cause de nombreux incendies pendant la quaternaire. Aussi, l'analyse de charbons montre que durant la fin du Pléistocène et le début de l'Holocène, les 3/4 des charbons proviennent de Graminées. La savane existait donc déjà pendant la quaternaire et se serait maintenue grâce à l'allongement et à l'accentuation de la période sèche à la fin de l'Holocène (1 500-1 000ans). Dans cette partie Sud de l'ex-province de Fianarantsoa, un mythe sur l'existence d'un « afotroa » circule et qui serait à l'origine des savanes (Rainihifina 1958 ; Battistini & Verin, 1966). L' « afotroa » ou un grand feu avait pris son origine dans la partie Ouest de Madagascar (région du Menabe) puis s'était répandu vers l'Est et avait brûlé certaines parties du corridor forestier. L'époque de l'existence de ce feu n'est pas connue mais la datation au C14 d'horizons tourbeux des bas fonds dans la cuvette d'Ambalavao (Portais, 1974) confirme l'existence d'un feu remontant à 600 ans environ. En effet, des prélèvements dans les sédiments lacustres montrent effectivement autour du XIIIème siècle une augmentation des feux, qui se traduit dans les sédiments par l'abondance des dépôts de charbons, la fréquence des pollens de graminées et la diminution des pollens de ligneux (Moreau, 2002). La population locale accuse ce « afotroa » d'être à l'origine des savanes et même pour certains des savanes incluses dans la région. Les savanes incluses dans la forêt de Sahabe sont apparues en 20 ans (1937-1957). Cette apparition est liée aux activités diverses effectuées du temps de la colonisation (exploitation forestière massive, exploitation minière, projet d'une route reliant le district d'Ambalavao et la côte est de l'île). La main d'oeuvre était fournie par des Betsileo de la région ou venant d'Ambalavao. Travailler pour les Merina et les colons a empêché les Betsileo de développer leur propre économie agricole. Des longues zones aménageables en lisière de forêt et en savane sont restées disponibles après la colonisation. En effet, après la colonisation, la surface des savanes incluses est restée apparemment stable (1957-2004). En effet, les savanes incluses sont utilisées seulement pour le pâturage. Mais actuellement (2008) de nouvelles trouées sont apparues. Ces trouées ne sont pas considérées comme des savanes incluses car ce sont surtout des tevy et des bas fonds nouvellement aménagés en rizières. La surface totale de ces nouvelles trouées est de 6 ha (Andrianarivo et al., 2008). Après plusieurs cycles culturaux, ces trouées peuvent devenir un jour des savanes incluses. Et comme pour les savanes incluses déjà présentes, le feu inhibe complètement la reconstitution forestière. Dynamique de l'occupation du sol Etant donné que la forêt présente déjà des difficultés à se reconstituer, les activités humaines ne font rien pour y remédier. Les pressions exercées sur la formation sont surtout le tevy, aménagement des bas fonds en rizières et le feu de pâturage laissant des vides et des creux à l'intérieur d'une vaste forêt verte. Ces ouvertures menacent réellement la continuité du corridor forestier. En effet, elles sont surtout localisées près de la falaise Tanala là où la forêt est la plus dense et la mieux préservée. La pression démographique est la cause directe de la migration des villageois vers la forêt. Cette migration s'accompagne toujours d'une recherche de terre cultivable. En outre, en forêt, les terrains et les bas fonds sont vastes, et les sols des forêts humides sont considérés comme les sols les plus riches (Vande Weghe, 2004). Ces occupations du sol sont confirmées par une analyse d'image SPOT 2004 effectuée par Serpantié et al. (2006) sur le Nord du couloir Ranomafana - Andringitra. En forêt, le sol est très fertile. Et c'est cet aspect que la population recherche en multipliant les tevy et les aménagements de bas-fonds. Mais, malgré la dégradation que ces activités provoquent sur la forêt, elles gardent encore une place primordiale dans le système de production rizicole de la population des hauts plateaux (Ravoavy & Messerli, 2001). Toutefois, dans la zone d'étude, nombreux sont les bas-fonds non encore aménagés en lisière des forêts. Mais, dans le pays betsileo, la dynamique d'occupation des bas-fonds progresse d'Ouest en Est, d'abord en savane, puis en forêt (Rakotoasimbahoaka et al., 2007). A ces pressions s'ajoute l'élevage des zébus en forêt ou l'élevage extensif. L'élevage extensif ne présente pas vraiment de menaces sur les zones de pâturage situées en forêt même. Certes, l'élevage extensif modifie la structure initiale de la végétation mais à l'échelle de la végétation, cette perturbation est faible. Selon Meyer (1991), la contribution de l'élevage dans le processus de dégradation et de déforestation est inférieure à 20% voire 11% du processus global de la déforestation. Ce processus de déforestation n'est pas alors perceptible par la population. Pour les éleveurs de zébus, ils refusent de croire que le fait de pratiquer le pâturage en forêt détruit la forêt. D'autant plus le pâturage en forêt est déjà pratiqué depuis longtemps : « cette pratique ne détruit pas la forêt, la preuve, elle est toujours là ». Ainsi, il pourrait exister un équilibre entre élevage et écosystèmes forestiers (Rakotoniaina S.N., 1994 ; Moreau, 2002 ; Ranaivoson, 2006). Recommandations Pour les Betsileo, la pratique agricole est toujours liée à la pratique pastorale. Le déséquilibre entre ces 2 pratiques présente une conséquence sur les écosystèmes. Afin qu'il y ait toujours un équilibre entre ces pratiques, quelques suggestions en vue d'améliorer les pratiques agricoles et pastorales sont proposées pour maintenir l'intégrité des écosystèmes forestiers et savanicoles : - Au cours des prospections et des séjours effectués dans la région, nous avons repéré de nombreuses zones marécageuses, sur le sentier qui n'étaient pas encore exploitées. La promotion de l'aménagement de ces bas- fonds est donc nécessaire afin de limiter les tevy en forêt et les aménagements en rizières. Mais pour l'aménagement de ces terrains, des matériels adéquats devraient leur être délivrés comme des bêches, charrues. - Les savoka occupent une place importante sur l'occupation du sol. Ainsi, la population locale devrait être incitée à exploiter ces parcelles plutôt que des parcelles en forêt. - Aussi, la promotion de l'élevage de zébus pour la production de fumier est aussi une alternative pour préserver la forêt. En effet selon Rakotoniaina (1994), l'élevage peut être considéré comme un moyen pour limiter la conquête des espaces vers la forêt. Plus une unité de production possède de boeufs, plus elle dispose de moyens de production et de fumier pour favoriser une culture intensive, d'où le détachement de cette unité de production de la forêt (Ranaivoson, 2006). Mais, afin de protéger la forêt, la mise à feu des savanes pour le pâturage de zébus devrait suivre des règles bien définies. Des suggestions sont donc à donner (Ratovonirina, 2009) : - Après quelques années (2 ou 3 ans), les Erica sp. (Anjavidy - ERICACEAE) et Vernonia sp. (Kizity - ASTERACEAE) commencent à envahir la savane. Ainsi, une rotation de mise à feu devrait être faite. En effet, si le feu passe une fois tous les 2 ou 3 ans sur une savane, la savane resterait verte tout en maintenant la qualité fourragère. - D'habitude, les agriculteurs pratiquent la mise à feu au mois de juillet. La mise à feu devrait être avancée pendant la période des pluies, avant le mois d'avril, ceci pour protéger la forêt contre un éventuel accident. - Même pendant la saison des pluies, des pare-feux devraient toujours être effectués pour limiter la puissance du feu. - Pour compléter l'alimentation des zébus, des cultures fourragères devront aussi être implantées par les agriculteurs. |