CONCLUSION :
Dans un monde régi par l'égalité
sexuelle, les femmes et les hommes s'exprimeraient de la même
manière. La domination masculine a généré
l'illusion d'une littérature « féminine » qui
n'est en fait qu'une réaction à la culture patriarcale. Les
femmes, dans leurs productions diverses, ne font que faire
réapparaître un contenu humain (le corps en l'occurrence) que les
hommes ont décidé de ne pas reconnaître comme leur et dont
ils ont fait le propre des femmes. Ce qui résoudrait du même coup
la contradiction qui appert dans la conformité entre ce qu'elles disent
et ce qu'« ils » disent d'elles : les femmes sont
corps.
Mais le problème est plus complexe. Car pour autant
que les femmes parlent du corps, c'est toujours encore du corps
féminin. Un corps féminin qu'elles soumettent comme
les hommes à l'infini de l'abjection, de la torture et de la
disparition. De ce fait, la réduction phallique de la femme à la
chair et de la chair à la femme demeure, et c'est en cela que la
littérature féminine ainsi décrite ne fait
qu'entériner la domination masculine.
Cette littérature féminine est contestée
parce qu'elle est dérangeante. La société est
bousculée par des oeuvres où une subjectivité s'expose,
où un(e) individu(e) se gère, se mettant en marge de
l'approbation du groupe.
Ainsi, on ne pense pas qu'il y ait une
spécificité de l'écriture féminine dans la
littérature du monde arabe. On pense que c'est réduire
l'importance de la femme arabe que de la cantonner à une écriture
revendicative. Lorsqu'elles écrivent, elles ne sont ni homme ni femme.
Un livre n'est pas un tract politique. Écrire pour une femme comme pour
un homme, c'est retranscrire la vie et, au-delà, rendre compte de
l'univers intérieur qu'elles traversent.
Il est toutefois évident que dans le monde
maghrébin en particulier, les écrivains hommes ont une place
prépondérante. C'est sans doute le signe que dans une
société où la communauté passe avant l'individu,
les femmes ont plus de mal à accéder au droit d'exister par elle
même donc de créer. Mais Leur situation n'est pas monolithique.
Elles puisent du flux entre leurs racines arabes et leur expérience
française. Il y a dans cette écriture, des rythmes, une
sensualité, une lumière qui leur viennent de l'autre
côté de la Méditerranée. C'est cela qui leur
caractérise. Plus que le fait d'être une femme.
Pour dire l'histoire des femmes et de son pays dans une langue
venue de l'ailleurs, la romancière Maïssa Bey s'approprie le
français, le transforme. Son langage supprime le superflu pour donner
naissance à une écriture sèche et envoûtante dans
ses répétitions et la brièveté de ses phrases.
Au-delà du témoignage, l'adoption du français donne
à l'auteur une certaine liberté dans les thèmes
abordés et en particulier dans le traitement de l'univers
féminin. Il lui est possible d'évoquer la solitude des femmes,
leur dépendance aux hommes et la question du viol
Ainsi, L'écriture est devenue pour Maïssa Bey son
seul espace de liberté, dans la mesure où elle écrit
poussée par le désir de redevenir sujet, de remettre en cause,
frontalement, toutes les visions d'un monde fait par et pour les hommes
essentiellement.
La plupart des femmes ont connu une vie difficile, leur
souffrance d'enfance, d'adolescence et d'adulte était en grande partie
causée par le fait qu'elles donnaient inconsciemment aux autres le
pouvoir de leur enlever la liberté d'être elles-mêmes. Cette
souffrance les a maintenues dans un emprisonnement psychique qui a
contribué à réprimer leurs émotions et leurs
besoins, et aussi leurs potentialités créatrices. Certaines
d'entre elles ont appris dans la famille à tirer un apprentissage de
chacune de des difficultés et de chacun de des problèmes que
leurs expériences personnelles ont été la meilleure
école de formation.
Dans cet ouvrage Maïssa Bey évoque la question de
la liberté. Une question qui a constitué un thème majeur
de la fiction universelle. Elle nous invite dans cet ouvrage à
méditer sur les questions de l'essence de l'homme, sa
prédisposition à la violence et l'absurdité de son monde
afin d'acquérir sa liberté.
Elle suit une voie originale. Elle a créé des
personnages auxquels elle a su donner la force et la dimension de l'univers.
Ils avouent des itinéraires et des souvenirs communs et s'inventent des
destinées à la démesure de leur fracture avec la vie.
Certains choisissent de subir leur destin, au même moment que d'autres
préfèrent y échapper par le rêve.
Au niveau de l'écriture, nous avons essayé de
démontrer comment l'écriture pourrait-elle être libre. Des
différents éléments paratextuels qui favorisent la
réception du recueil, on a pu déceler cette autre forme de
liberté qui agit sur le lecteur indirectement mais intensément.
La dernière partie de notre travail démontre la liberté de
la parole et de la narration et du langage.
Ainsi notre étude se veut une étude
générale du thème de la liberté dans le recueil de
nouvelles de Maïssa Bey Sous le jasmin la nuit. Un survol des
différents aspects de la liberté produite dans ou par le texte,
ce qui ouvre la perspective pour d'éventuelles recherches plus
approfondies.
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