L'expression de la Liberté dans « sous le jasmin la nuit » de Maà¯ssa Bey( Télécharger le fichier original )par Abdelkader Belkhiter Université de Saà¯da Algérie - Magister 2009 |
Les titres :Les éléments hétérogènes qui entourent le texte ont pour rôle de le présenter et de l'introduire, d'interpeller le lecteur et de conditionner sa lecture. Parmi ces éléments, le titre s'impose comme étiquette de l'ensemble, inaugure le protocole de lecture. Habituellement bref, facile à mémoriser, allusif, il oriente et programme l'acte de lecture. Il met donc en oeuvre les mêmes fonctions que le message publicitaire : fonction référentielle, connotative et poétique : « Le titre du roman est un message codé en situation de marché ; il résulte de la rencontre d'un énoncé romanesque et d'un énoncé publicitaire ; en lui se croisent nécessairement littérarité et socialité : il parle l'oeuvre en terme de discours social mais le discours en termes de roman. [...] le titre résume et assume le roman, et oriente la lecture »48(*). Le titre est à la fois stimulation et début d'assouvissement de la curiosité du lecteur. Il est toujours plus ou moins énigmatique : « Le titre, c'est bien connu, est le nom du livre, et comme tel il sert à le nommer, c'est-à-dire à le désigner aussi précisément que possible et sans trop de risque de confusion »49(*). Ne se détachant pas du contexte social, il permet de formuler des hypothèses de lecture qui seront vérifiées lors de la lecture. Le titre remplit trois fonctions : la désignation, l'indication du contenu et la séduction du public. Titre et texte sont en étroite complémentarité : « l'un annonce, l'autre explique ». Le titre donc annonce le roman et le cache : il doit trouver un équilibre entre « les lois du marché et le vouloir dire de l'écrivain ». Le titre peut être entièrement rapporté par l'auteur, mais l'éditeur semble bien disposer d'un droit de regard sur sa composition ; la responsabilité du titre, en principe, « est toujours partagée entre l'auteur et l'éditeur ». 50(*) Le message véhiculé par le texte prend forme dans le titre même, ainsi le déchiffrement de ce dernier, qui est un masque codé, nous permettra de vérifier cette hypothèse, à savoir si le texte et le titre convergent vers une même optique. Le titre de ce recueil est un titre « énigmatique » et abstrus, qui laisse le lecteur sur sa faim, ce qui nous mène à penser que l'écrivaine veut certainement provoquer chez lui un sentiment de mystère en même temps qu'un sentiment de malaise, elle cherche à attirer sa curiosité. Le lecteur cherche à délimiter les diverses possibilités qui puissent convenir à cette association (Jasmin/Nuit) afin de rendre le titre plus intelligible et moins diffus. Pour ce faire, on s'interrogera sur le sens de ce « Sous le jasmin la nuit » : Par cette étude, on s'intéresse à la polysémie du titre, aux jeux visuels et sonores qui lui sont associés. Cette première série d'observations permet de dépasser une simple lecture référentielle et de lire le titre du recueil comme une métaphore de la poésie du langage. Depuis des siècles, le jasmin est considéré en Orient comme le symbole de l'amour et de la tentation féminine. Ce titre est inspiré d'une chanson On se propose de partir de l'observation des titres (titre du recueil, titres des nouvelles) afin d'appréhender la composition de ce recueil dans la perspective de ce que E. Hoppenot et M. Lopez appellent, dans Les titres et leurs surprises, « l'esthétique de la surprise » 51(*). Celle-ci peut se définir par plusieurs traits: des images inédites et juxtaposées qui confrontent le lecteur à un univers inattendu, le recours à la polysémie, à l'analogie, toutes ces caractéristiques contribuent à illustrer la richesse de l'oeuvre de Maïssa Bey. Une première lecture du titre du recueil permet de constater qu'il est inspiré d'une chanson52(*). Aussi les occurrences des termes se référant au jasmin et à la nuit sont symbole de paix, de liberté, de silence ... Cependant, le titre reste encore très problématique. Tout d'abord, les références au jasmin sont principalement des allusions à la joie et à l'épanouissement. La nuit au silence, à la solitude, à la mort. D'autre part, le titre ne semble pas renvoyer à la totalité du recueil. Or, l'absence de déterminants et d'une virgule entre les deux mots « Jasmin » et « Nuit » ouvrent à une infinité de possibles. Ainsi peut-on considérer que le titre du recueil prend des significations dépassant le simple thématisme, le jasmin pouvant être compris comme matériau poétique et symbole de l'amour et de la tentation féminine. Cette difficulté d'élucidation permet d'approcher l'esthétique de la surprise et de s'interroger sur l'effet produit dans l'écriture tant par la dimension métaphorique que par le jeu des associations sonores et visuelles que cette première observation a permis de repérer. On peut alors élargir le point de vue et mettre à jour les motifs auxquels est associé celui du jasmin/ la nuit pour s'interroger sur la relation qu'entretient le titre avec l'ensemble du recueil et tenter de comprendre son pluriel. Les résonances positives du jasmin peuvent être liées à la joie et l'épanouissement, celles de la nuit au silence, à la solitude, à la mort et à la régénération: Tout comme l'hiver appelle le printemps, la nuit évoque la promesse d'une vie renouvelée « Mais le noir est le symbole de la nuit précédent le jour et il est alors force d'appel des énergies du début du jour ». 53(*) Il est aussi le symbole de l'amabilité et de la bonté, en raison de son parfum agréable. Il exprime l'amour naissant ou la sympathie voluptueuse. Certains lui donnent aussi la signification de l'impatience amoureuse. Le jasmin exprime la sensualité. Il symbolise aussi la grâce et l'élégance, aussi le mensonge et le désespoir: Dans le nom jasmin, on retrouve aussi les mots arabes yas (désespoir) et min (mensonge). Pourquoi cette plante magnifique porterait-elle de si mauvais présages? Tout simplement parce que l'on dit que le parfum du jasmin blanc l'emportant sur celui de toutes les autres fleurs, c'est lui que les maris adultères offraient à leur maîtresse ! 54(*) Ces tonalités opposées sont souvent associées à d'autres motifs, également contradictoires et qui, eux, parcourent l'ensemble du recueil. Il s'agit, d'une part, du motif de l'eau, de soleil lui-même lié à l'ombre de la nuit ou à celle du corps (" Les femmes ", " la mort "), et, d'autre part, du motif du feu, dédoublé en thème de la lumière. Il est alors possible de mieux comprendre le pluriel du titre et de voir, qu'en fait, il renvoie bien à la totalité du recueil à condition de s'éloigner de son sens référentiel et d'exploiter toutes les ressources de la polysémie, ce qui permet de recentrer la réflexion autour de l'esthétique de la surprise. Le thème « jasmin » contrairement à « Nuit » est peu présent dans la table des matières, il n'est pas évoqué dans ce recueil de nouvelles. Le titre « Sous le jasmin la nuit » mis en relation avec les titres des nouvelles, participe donc déjà à l'esthétique de la surprise : ceux-ci n'ont en effet pour la plupart rien d'immédiatement commun avec le titre du recueil. La fonction du titre comme programme de lecture est donc ici à première vue détournée. Ainsi, la table des matières éclaire-t-elle davantage et permet-elle de mieux comprendre ce titre « Sous le jasmin la nuit » ? La lecture de la table des matières met en évidence une apparente discontinuité, une hétérogénéité des titres. Si l'on aborde cette table des matières d'un point de vue thématique, on peut identifier certains thèmes récurrents : les femmes « Main de femme à la fenêtre», la nuit (Sous le jasmin la nuit », « Si, par une nuit d'été », « nuit et silence » les légendes et les mythes " La petite fille de la cité sans nom », le temps et les saisons « En ce dernier matin ». Les titres comportent peu d'adjectifs et pratiquement aucun verbe à part la nouvelle « C'est quoi un arabe », et presque tous se présentent sans déterminants. Par certains aspects donc, les titres de la table des matières constituent déjà, en tant que tels, un travail sur la langue. Certains titres sont repris de manière anaphorique et répétés, soit au début, soit dans le corps de la nouvelle. Ils répondent généralement à trois caractéristiques : Ils informent, intéressent et nouent le contrat de lecture. * 48 - Claude Duchet cité par Kristain Achour in Clefs pour la lecture des récits. Convergence critique II, Alger, Edi. Tell, Décembre 2002 * 49 - Gérard Genette. Seuils, Paris , édi. Seuil, 2002, Page83 * 50 - Ibid, pp. 77/78. La relation auteur-lecteur est une relation de production et de consommation. A coté de cet aspect littéraire se superpose l'aspect commercial. Ces deux aspects sont indissociables. Le titre est, de plus en plus travaillé par l'auteur, mais aussi par l'éditeur pour répondre aux besoins du « marché littéraire », constitue la porte d'entrée dans l'univers livresque. et participe à la médiation entre l'auteur et le lecteur. * 51 - http://www.cpod.com/monoweb/atari/atari/alcool.htm. * 52 - http://www.lesfrancophonies.com/maison-des-auteurs/bey-maissa * 53 - http://discipline.free.fr/noir_blanc.htm * 54 - http://www.aujardin.info/plantes/jasmin_hiver.php. 17/05/2008 |
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