II.2.2 L'endommagement des massifs rocheux
S'il est difficile de déterminer le seuil exact
d'endommagement de la roche intacte, cela est d'autant plus vrai à
l'échelle du massif rocheux. Le massif rocheux présente de
façon inhérente une grande quantité d'imperfections qui
peuvent être considérées comme de l'endommagement. Ainsi,
les familles de diaclases, les diaclases aléatoires, les
hétérogénéités du massif affectent de
manière importante son comportement mécanique et sa
résistance. L'importance de ces imperfections relègue
généralement au second plan l'influence des imperfections
microscopiques quantifiables à petite échelle lors des essais
courants en laboratoire. Pour déterminer l'influence de ces
imperfections mégascopiques, plusieurs approches peuvent être
utilisées.
Les propriétés mécaniques du massif
rocheux (telles que le module de déformation et la résistance en
compression uniaxiale) sont alors réduites selon la valeur de la cote de
la classification géomécanique. Plusieurs auteurs ont
proposé différentes relations exprimant la réduction du
module de déformation et de la résistance.
Pour le module de déformation, mentionnons la relation
définie par Nicholson et Bieniawski (1990):
où Em est le module de déformation à
l'échelle du massif (<<endommagé»), E est le module de
déformation obtenu en laboratoire (<<non
endommagé»).
Pour la résistance, mentionnons la relation
proposée par Hoek et Brown (1988):
où ócm est la résistance en compression
uniaxiale du massif rocheux (<<endommagé>>) et óc est
la résistance en compression uniaxiale obtenue en laboratoire
(<<non endommagé>>).
1°) Initiation de l'endommagement.
Les roches sont usuellement faites de minéraux
différents dont les cristaux sont cimentés ensembles pour former
la matrice. Parce que chaque minéral a un comportement mécanique
différent et une résistance différente, il peut être
difficile de définir précisément un niveau de chargement
spécifique où la fissuration débute réellement dans
un échantillon de roche. On peut alors se poser la question de savoir si
l'on peut considérer cette activité limitée comme un signe
d'endommagement.
D'un point de vue de l'ingénieur en mécanique
des roches, le niveau de chargement associé à l'initiation de
l'endommagement doit présenter une incidence significative sur le
comportement mécanique du matériau.
Pour répondre partiellement à cette question, il
faut rappeler en premier lieu que la plupart des
roches ont des propriétés mécaniques qui
sont dépendantes du taux de chargement. Ceci est düau
fait qu'une fois initiées, les fissures ont tendance à se
propager à une vélocité critique, et que
cela peut jouer un rôle important dans la rupture du
matériau. C'est pourquoi il a été observé que la
résistance ultime diminue avec le temps, ou diminue à des taux de
déformation inférieurs.
2°) Sources d'endommagement
Pour les massifs rocheux, il est possible de distinguer
essentiellement trois grandes sources d'endommagement, soit l'endommagement
lié à la formation du massif, celui causé par les
contraintes générées par la création d'ouverture et
celui causé par la méthode de percement.
a. Endommagement inhérent
Avec les géomatériaux, il est important de faire
la distinction entre les imperfections inhérentes et l'endommagement.
Les roches (et par extension les massifs rocheux) sont issues, lors de la
formation de la Terre, d'un processus <<chaotique>>, c'est à
dire sans contrôle de qualité. Elles diffèrent donc des
autres matériaux utilisés en ingénierie en ce sens
qu'elles peuvent présenter une grande quantité d'imperfections
dont l'origine peu remonter à sa formation ou à des
transformations au cours des ères géologiques. De plus, ces
imperfections ne sont pas constantes et peuvent varier de façon
importante sur de faibles distances. Si ce phénomène est vrai
à l'échelle de la roche, il est d'autant plus important à
l'échelle du massif rocheux.
Ces imperfections liées à la formation de la
roche peuvent être toutefois considérées comme de
l'endommagement, bien qu'elles ne résultent pas d'un changement de
conditions ou d'efforts (chargement) imposés subséquemment
à la roche. Par ailleurs, au cours des ères géologiques,
plusieurs phénomènes géologiques auront également
contribués à créer de l'endommagement aux roches et aux
massifs rocheux. Parmi ces phénomènes, mentionnons la force de
gravité qui agit sur le massif, les forces tectoniques liées aux
mouvements des plaques continentales, et les activités volcaniques et
tremblements de terre. Il semble impossible de distinguer les imperfections qui
proviennent de la formation du massif, de l'endommagement qui s'est produit
depuis sa formation. Ainsi, dans ce document, le terme <<endommagement
inhérent>> sera utilisé
pour parler de l'endommagement du massif rocheux subi avant
que les activités d'excavation n'aient débutées. On
intègrera également dans l'endommagement inhérent
l'influence possible des excavations à proximité.
b. Endommagement causé par la concentration de
contraintes
A l'état naturel, un massif rocheux est soumis
à un niveau de contraintes qui est le résultat des forces
gravitationnelles et tectoniques. La force gravitationnelle qui est
appliquée à un volume de roche à une profondeur
donnée est causée par le poids des terres (sol et masse rocheuse)
au-dessus de ce volume (voir mine souterraines).
Lorsqu'une excavation souterraine est créée,
l'équilibre des forces en place est modifié en enlevant un volume
de roche qui supportait la charge initiale. Suite à l'excavation, le
massif rocheux à proximité de l'excavation subit un accroissement
de charge qui est fonction essentiellement de la géométrie de
l'ouverture et du comportement mécanique des matériaux composant
le massif rocheux. Cet accroissement de charge (ou de contrainte) peut amener
le massif rocheux à un état de contraintes qui dépasse son
seuil d'endommagement ou même amener le massif à la rupture. Il
peut donc en résulter un endommagement lié à ce surplus de
charge à supporter.
L'accroissement de charge est usuellement maximum à la
périphérie de l'excavation et décroît de
manière exponentielle en s'éloignant de l'excavation. Pour un
massif rocheux ayant un comportement mécanique élastique
linéaire isotrope et homogène, la zone qui subit un accroissement
de charge est limitée à une distance d'environ 3 à 5 fois
le diamètre de l'excavation.
c. Endommagement causé par la méthode
d'excavation.
Plusieurs techniques peuvent être utilisées pour
excaver le massif rocheux. Le choix d'une technique dépend de plusieurs
facteurs tels que le type de roche à excaver, les coûts
engendrés et l'utilisation future de l'excavation. Dans les mines en
roches dures, la technique usuellement employée est l'excavation
à l'aide d'explosifs.
La pression développée dans les trous de forages
lors de la détonation peut dépasser 10 Gpa, soit de 30 à
500 fois la résistance de la roche. Cette pression génère
alors une onde qui voyage à une vitesse de l'ordre de 3 à 5 km/s.
Lorsque le front de l'onde frappe une surface libre, une contrainte en tension
se développe et provoque la fragmentation. La pression des gaz
générés aide également à ouvrir les fissures
créées ainsi que celles déjà existantes. Les
dommages aux parois occasionnés par le sautage peuvent être dus
à des pressions excessives lors de la détonation, un fardeau trop
grand, une séquence de sautage inadéquate ou une orientation
défavorable du sautage par rapport aux discontinuités
initiales.
En théorie, lorsque les trous adjacents à la
paroi sont détonés en même temps (comme c'est usuellement
le cas), la distance d'endommagement sera approximativement égale
à la moitié de la distance de l'espacement.
La surface libre peut être le résultat d'un
sautage précédent ou être le résultat d'une
détonation avant t0. A t1 > t0 des ondes de
compression générées par la détonation des trous
traversent le massif rocheux. A t2 > t1 les ondes de
compression ont rencontré des surfaces libres (la face libre et la face
des trous) et des ondes de tension sont émises par la réflexion
sur les faces libres. Ces ondes de tension brisent la roche dont la
résistance en tension est beaucoup plus faible que celle en compression.
A t3 > t2 la portion inférieure du massif
traversée par les ondes de tension est brisée et
éjectée, alors que la portion supérieure n'est que
fracturée par ces ondes. Lorsque les ondes se rencontrent, la portion
supérieure sera également éjectée .Les zones
endommagées au dessus des trous peuvent soit être maintenues en
place à cause des contraintes tangentielles qui s'exercent à la
nouvelle paroi, ou soit s'effondrer également causant un bris hors
profil.
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