MEMOIRE DE RECHERCHE APPLIQUEE
Ismaël BOULABAS
La finance islamique
-
Est-elle une solution face à la crise?
MASTER « Banque et Assurance »
Tuteur : Hubert BOELTZ
Date de remise : le 28 juin 2012
RESUME
D
epuis 2008, la survenance de la crise du subprime et celle des
dettes souveraines, ont fragilisé le système financier
jusqu'à créer une crise économique. Nous nous sommes
interrogés sur les causes de ces évènements. En effet,
depuis la création de la monnaie les Hommes ont conçu un
système financier décorrélé de la
réalité du monde en créant des mécanismes tels que
les outils de refinancement.
C'est dans ce contexte que nous avons étudié la
finance islamique. Une finance basée sur des principes coraniques. Cette
dernière étant construite sur des fondements éthiques, et
notamment, sur l'interdiction de la spéculation et l'adossement
systématique des produits à des actifs tangibles. Elle encourage
le recours à des financements participatifs, dans lesquels, banques et
clients partagent les bénéfices et les pertes.
Nous avons évalué la solution que
représentait ce système. Il prône le retour d'une
économie au service de l'Homme, et d'une éthique dans les
transactions. Cependant même si il occulte les facteurs de constitution
des crises, il n'est encore que trop minoritaire pour avoir un réel
impact sur le monde financier. De plus nous avons pu voir qu'il portait, de par
sa nature des risques qui lui sont propres.
SUMMARY
S
ince 2008, the apparition of the subprime crisis and the one
of the sovereign debt, have weakened the financial system until creating an
economic crisis. Also we have questioned ourselves about the causes of these
events. Indeed, since the creation of money, Men have created an uncorrelated
financial system of the reality of the world by creating tools like the
refinancing tools.
It is in that context that we have studied the islamic
finance. A finance based on coranic principals. This one being built on ethic
foundations, and especially, on the ban of the speculation and the systematic
backing of products on tangible assets. It prones then the requirement of
participatory funding, within banks and customers share profit and loss.
That way, we have wondered about the solution this system did
represent. It prones the return of an economy serving men, and an ethic in the
transactions. Although, even if it goes beyond the factors that constitute
crisis, it is yet only minor to have a real impact on the financial world.
Also, we have managed to see that by its nature, it would carry risks of its
own.
REMERCIEMENTS
A
vant de commencer mon étude, je souhaite remercier
toutes les personnes qui m'ont aidé dans la construction de ce
mémoire. Ainsi je tiens à faire part de ma gratitude à
Monsieur Amine NAIT DAOUD pour avoir accepté de me rencontrer et pour
m'avoir fait part de ses connaissances en matière de finance islamique.
Je remercie, aussi, monsieur Arnaud PETIT, pour m'avoir reçu en
entretien, et pour m'avoir donné son point de vue sur le monde
financier. De plus j'aimerais remercier l'ensemble de mes collaborateurs du
centre d'affaires entreprises du CIC de Torcy, dirigée par monsieur
Olivier BRINCAT. Ils m'ont tous aidé, à différents niveaux
dans la rédaction de mon étude. Enfin je tiens à faire
part de ma gratitude à monsieur Hubert BOELTZ, mon tuteur de
mémoire. Il m'a aidé tout au long de mon étude. Il m'a
guidé, à corriger mes fautes d'orthographe, m'a fourni de la
documentation et a su me motiver dans les moments où la fatigue se fit
sentir. Pour cela j'aimerais le remercier tout particulièrement.
SOMMAIRE
RESUME
1
SUMMARY
2
REMERCIEMENTS
2
TABLEAUX ET GRAPHIQUES
2
Tableaux
2
Graphique
2
INTRODUCTION
2
1. LA CRISE DU CAPITALISME
2
1.1. L'histoire de la crise
2
1.1.1. La crise : sa naissance, son
évolution
2
1.1.2. La crise du subprime
2
1.1.3. La crise de la dette
2
1.2. Les causes de la crise
2
1.2.1. L'immoralité
2
1.2.2. Le refinancement
2
1.3. Les conséquences de la crise
2
1.3.1. Le déficit de la confiance des
ménages
2
1.3.2. L'.Effet systémique
2
2. QU'EST-CE QUE LA FINANCE
ISLAMIQUE ?
2
2.1. Historique de la finance islamique
2
2.1.1. Les origines :
2
2.1.2. La finance islamique
contemporaine
2
2.1.3. La normalisation de la finance
islamique :
2
2.1.4. La finance islamique dans le
monde
2
2.2. Les fondements et principes de cette
finance :
2
2.2.1. La finance dans l'islam :
2
2.2.2. Les principes de la finance
islamique
2
2.3. Les outils de la finance islamique
2
2.3.1. Les instruments de participation
à revenus variables
2
2.3.2. Les instruments de financement sans
prise de participation
2
2.3.3. Une innovation appelée
Sukuk
2
3. LA FINANCE ISLAMIQUE, UNE SOLUTION FACE A
LA CRISE ?
2
3.1. Les potentialités de cette Finance
2
3.3.1. Les musulmans dans le
monde :
2
3.3.2. Le marché
français :
2
3.3.3. Une réponse islamique aux
attentes de la population
2
3.2. Les solutions de la finance islamique face
à la crise :
2
3.2.1. La banque islamique, un modèle
de rentabilité :
2
3.2.2. Le retour à
l'éthique
2
3.2.3. Le retour à une finance
réelle
2
3.2.4. La redistribution des
revenus :
2
3.2.5. Le renforcement du partenariat banque
et entreprise :
2
3.2.6. L'exclusion des produits
« toxiques »
2
3.3. Les inconvénients de la finance
islamique
2
3.3.1. Manque de maitrise sur le
système actuel :
2
3.3.2. Le développement moins rapide
que celui des banques conventionnelles
2
3.3.3. Elle n'est pas immunisée face
à d'autres risques
2
CONCLUSION
2
LEXIQUE
2
ANNEXES
2
ANNEXE 1 : Le système de
refinancement
2
ANNEXE 2 : Volume des émissions de CDO
dans le monde
2
ANNEXE 3 : Les Musulmans en Europe
(données 2006)
2
ANNEXE 4 : Panorama des produits financiers
islamiques
2
ANNEXE 5 : Bilan Simplifié d'une banque
islamique
2
ANNEXE 6 : Compte de résultat
simplifié d'une banque islamique
2
ANNEXE 7 : Éthique: les axiomes de la
finance islamique:
2
BIBLIOGRAPHIE
2
TABLEAUX ET GRAPHIQUES
Tableaux
Tableau 1: Comparaison de la confiance dans le
système bancaire entre différents pays
2
Tableau 2: Les risques du refinancement
2
Tableau 3: Evolution du ROE des banques islamiques
et des banques conventionnelles
2
Graphique
Figure 1: fonctionnement du système
bancaire
2
Figure 2 La finance islamique dans le monde
2
Figure 3: Le contrat moucharaka
2
Figure 4: Le contrat ijara
46
Figure 5: Le contrat mourabaha
2
Figure 6: Le contrat assalam
2
Figure 7: Le contrat ijara
2
Figure 8 : Le sukuk
2
Figure 9: les religions dans le monde
2
INTRODUCTION
A
ujourd'hui en 2012 l'Europe doit essuyer l'une des plus
grandes crises économiques de son histoire. En effet cet
évènement, qui concerne des dettes contractées par des
Etats, révèlent l'impuissance de notre système financier.
La situation est telle qu'il est possible d'envisager la
sortie de la Grèce de l'Union Européenne. Les banques, quant
à elles, refusent de se prêter sur les marchés
monétaires interbancaires. Mais bien plus proche de nous, il est
possible d'assister à de graves manifestations de la part d'un peuple
grec écrasé sous la pression de l'austérité.
Pourtant il n'était pas impossible de prévoir
cette crise. En effet, depuis 1909 on a vu apparaitre un détachement de
la valeur liée à l'or. Cette dernière fut transmise aux
billets de banque. Ce fut l'apparition de la monnaie fiduciaire mais aussi le
début de la dématérialisation de l'économie. En
effet, le 15 Aout 1971 le président NIXON, dans le cadre du
« New Economic Policy » annoncera la fin de la
convertibilité en or du dollar. En procédant ainsi il
remettra en cause les principes de Betton Woods et entrainera la
décorrelation totale entre sa monnaie (le dollar) et un actif tangible
(l'or). Cet épisode marquera le commencement d'une série
d'évènements visant à éloigner
l'économie réelle de l'économie de marché.
C'est ainsi que l'on vit apparaitre les dérivés
de produits, la création du Fonds Commun de Créance (FCC) ou
encore les fameux Crédit Défault Swaps (CDS). Ce sont des
garanties prises sur des prêts consentis par des établissements
financiers. Cependant elles prennent la forme de paris sur le défaut de
paiement de tiers. Ces deniers pouvant être des personnes physiques des
entreprises ou des Etats.
Tous ces nouveaux outils étant adoptés afin de
diminuer les risques pris par les prêteurs, ne supprimaient en aucun cas
les risques pris par le système financier. En effet, l'un des
défauts des systèmes de refinancement est qu'au mieux les risques
sont partagés entre les refinanceurs et les refinancés, au pire
que les risques sont directement transférés entre les
contreparties.
Il est important de noter que les refinanceurs peuvent
être des établissements bancaires, mais aussi des personnes
physiques, porteurs d'obligations.
Les pays européens comprennent qu'ils vivent au-dessus
de leurs moyens et qu'ils ne peuvent plus continuer ainsi. Les banques se
rendent compte que même en prenant des garanties sur les prêts
qu'elles accordent, elles ne font que diluer les risques dans des
systèmes de refinancement opaques. Les investisseurs, quant à
eux, voient peu à peu que leurs fonds sont placés sur des
valeurs, elles aussi opaques, qui n'offrent aucune stabilité. Enfin, les
épargnants sont en pleine méfiance vis-à-vis des
marchés financiers, mais aussi des banques.
C'est ainsi que l'on voit apparaitre de nouveaux modes de
consommations de produits financiers. Aussi une nouvelle science
économique appelée finance comportementale détermine
notamment, que les Hommes ne choisissent plus leurs investissement de
manière rationnelle. En effet d'après des études leurs
choix se feraient en fonction de leurs sensibilités, de leurs croyances,
de leurs valeurs etc...
Dans ce contexte la finance islamique connait un essor depuis
les années 1980.
Selon Boubkeur AJDIR, directeur de la société
IFAAS (Islamic Finance Advisory & Assurances Advisory), la finance
islamique n'est pas compatible à l'éthique musulmane mais
compatible à "l'éthique tout court"1(*). Pour lui c'est un
moyen de réconcilier le monde de la finance avec l'économie
réelle.
En effet, loin des excès d'un monde bancaire de plus en
plus immoral la finance islamique se dresse contre la spéculation
à outrance, l'usure et la prise d'intérêts, les produits
dérivés etc... Elle préfère se recentrer sur des
modes de financements participatifs et le désendettement de l'Homme.
L'objectif ici étant de le replacer au centre de l'économie et
d'en faire le principal acteur. Bien que ce dessein semble utopique, la finance
islamique prévoit de réelles solutions pour y parvenir.
Il n'est donc plus question d'un système à
destination de la communauté musulmane, mais bien d'une finance visant
les personnes qui s'exaspèrent des dérives du système.
C'est en partant de ce postulat que des associations telles que l'AIDIMM
essayent de promouvoir ce nouveau paradigme. Ainsi pouvons-nous nous interroger
sur l'alternative que représente la finance islamique face à
cette crise du capitalisme.
Afin de répondre à cette question, nous verrons,
dans un premier temps, comment nous sommes arrivés à cette
situation. Nous nous attarderons sur les crises, leurs causes, et leurs
conséquences. Nous verrons ensuite en quoi consiste la finance
islamique, et quels sont ses outils pour pallier les carences de notre
système financier. Enfin nous verrons quels sont les avantages et
inconvénients de cette finance face à la crise du capitalisme.
1. 1. LA CRISE DU CAPITALISME
1.1. L'histoire de la crise
1.1.1. La crise : sa naissance, son
évolution2(*)
La crise du capitalisme est une expression que nous pouvons
employer pour définir l'état de notre système financier.
Afin de comprendre pourquoi et comment il est devenu si critiquable, nous
dresserons un bref historique de son évolution. Ainsi nous remonterons
jusqu'au début du XIXème siècle pour arriver en
2011.
*De 1815 à 1914 les pièces d'or ou d'argent
constituaient la monnaie des transactions marchandes. Leur poids
représentait leur valeur. La loi du 12 aout 1870, mettra en place les
billets « ayant un cours légal ». Ils pouvaient
être échangés contre leur valeur en pièces (d'or ou
d'argent). De plus, l'utilisation de la vraie monnaie permettait
d'éviter l'inflation, de stabiliser les salaires et de contrôler
les prix. En effet, l'existence d'une monnaie (pièces) réelle en
contrepartie limitait les émissions de billets de banque.
*A la fin de la seconde guerre mondiale. Les nations
alliées signent les accords de Bretton Wood. Dès lors le dollar
deviendra la monnaie étalon. En effet il sera la seule monnaie
indexé sur l'or et servira de référence pour les autres.
C'est ainsi que fut créé le système monétaire
international. D'autre part, ces accords ont permis la création de la
Banque Mondiale et du FMI.
*Le 15 août 1971 le président NIXON dans le cadre
du « New Economic Policy » suspendra la
convertibilité du dollar en or, John Connally secrétaire du
trésor, déclarera : « le dollar est notre monnaie
et votre problème »
*Le 3 janvier 1973 Valéry GISCARD D'ESTAING, ministre
des finances de l'époque, mettra en place la loi
« POMPIDOU-GISCARD ». Cette dernière ôtera le
rôle de service public à la Banque de France. Ainsi le
Trésor Public ne pourra plus escompter ses effets auprès de la
Banque de France. Désormais, les emprunts d'Etat seront souscrits sur
les marchés financiers.
*En 1994 Blythe MASTERS perfectionnera les
dérivés de crédit en « inventant » les
CDS, traités « d'armes financières de destruction
massive » par Warren Buffet. Elle mettra aussi au point un
nouvel instrument de couverture : le CDO (collaterised debt obligation).
Celui-ci permettra aux entreprises de titriser leurs dettes. En effet, il
consiste en la transformation des dettes (réparties par tranche) en
obligation. Ce processus se faisant par l'intermédiaire d'un SPV
(special purpose vehicule).
*Le 12 novembre 1999 les Américains voteront le «
Gramm-Leach-Bliley Act ». Il remplacera le « Glass-Steagall Act
» voté en juin 1933 sous la présidence de Roosevelt. Cette
mesure mettra fin à la séparation entre les banques de
dépôts et les banques d'affaires. De plus, elle
autorisera celles-ci à fusionner avec les sociétés
d'assurance. L'Europe suivra le mouvement en dérèglementant, elle
aussi.
*En 2007, les CDS (Crédit Default Swap) dans lesquels,
entre autres, des crédits «subprimes» accordés à
des américains afin d'accéder à la
propriété, sont utilisés et diffusés
massivement3(*) (cf. annexe
2). Ceci entrainera une méfiance entre les banques. En effet, elles ne
se prêteront plus sur le marché monétaire interbancaire.
Elles accorderont moins de crédits aux entreprises et aux
particuliers.
*Aujourd'hui en 2012, la Grèce est en quasi faillite.
La plupart des Etats de l'Union Européenne sont trop endettés.
La décorrélation progressive de la valeur de la
monnaie et de son actif sous-jacent (l'or), a permis une prise de risques
inconsidérée de la part des acteurs de la finance. En effet la
fusion des banques de dépôts et des banques d'affaires, ainsi que
la construction des instruments de transfert de risques ont eu des
conséquences très graves sur notre système
économique. Nous nous attacherons à expliquer cela plus loin dans
notre étude.
1.1.2. La crise du
subprime
Cette crise a débuté juillet 2007 jusqu'à
atteindre son paroxysme à l'automne 2008. En effet les banquiers
américains ont consentis des prêts hypothécaires à
des ménages modestes, présentant de très grands risques de
défaut. Ces banquiers peu scrupuleux, avaient, pour déplacer ce
risque, titrisé un grand nombre de ces créances
« douteuses ». Le principal problème fut que les
biens saisis ne pouvaient être vendus à leur valeur d'origine. En
effet la multiplication de ces défauts de paiement a engendré une
trop grande offre face à une trop faible demande sur le marché
immobilier. Les banques étaient donc propriétaires d'un parc
immobilier de faible valeur. En effet, la différence entre
l'hypothèque française et l'hypothèque américaine
est qu'aux Etats-Unis la banque est propriétaire du bien jusqu'au
remboursement du prêt, alors qu'en France la banque n'a qu'un droit de
préférence sur le bien qui lui sera accordé en cas de
non-paiement de la part des clients.
La part de ces « subprimes » dans le bilan
de certaines banques américaine étant trop importante, ces
dernières ont dû se résigner à faire faillite
(Lehmann Brothers par exemple). Cependant un élément plus grave
vint empirer le tableau. En effet, une grande partie des banques
non-américaines avaient acheté des obligations issues des
subprimes. Ceci a engendré une contagion dans la plupart des
marchés bancaires développés....
1.1.3. La crise de la dette
La crise de la dette est moins complexe dans son schéma
de propagation. En effet bien que l'on ignore beaucoup d'éléments
sur cette crise, il est possible d'affirmer une chose : les Etats sont
trop endettés et certains d'entre eux ne pourront jamais rembourser leur
dette (le cas notamment de la Grèce). Dettes, qui rappelons le, sont
détenues par les banques, les compagnies d'assurance et les particuliers
à travers les contrats d'assurance vie souscrits en euro.
En effet la majorité des Etats de l'Union
Européenne se sont endettés. Le principal souci que
soulève cette information est que les nations se sont, pour quelques
unes, endettées au-delà de leurs moyens. Si nous prenons le cas
de l'Espagne nous pouvons voir que sa dette publique est passée de 54%
à 62% du PIB entre 2009 et 20104(*) . De plus sa balance commerciale était
négative de 52 milliards d'euros. Selon Arnaud PETIT5(*), cette crise est
différente de celles que l'on a connues. En effet, elle ne
résulte pas de l'éclatement d'une bulle spéculative, mais
bien d'un défaut de gestion de la part des Etats. C'est pourquoi, il
décrit cette crise comme une crise financière à ses
débuts, qui se sera transformée en crise économique.
1.2. Les causes de la crise
Les causes des crises sont multiples. Afin de comprendre
l'enjeu que représente la finance islamique, face à cette
dernière, nous pouvons dégager 2 causes
majeures :l'immoralité et le
refinancement.
1.2.1. L'immoralité
L'immoralité constitue un des éléments
qui fait le plus débat dans la sphère financière. En effet
la question est de savoir si l'on doit être rentable ou moral. Evidemment
cette présentation est caricaturale mais permet de comprendre l'enjeu
caché derrière les questions d'éthique financière.
Toutefois une chose est sure : l'immoralité est l'une des
causes des deux crises. Ainsi nous nous pencherons sur les
éléments immoraux qui ont causé la crise du subprime, ceux
qui ont causé la crise des dettes souveraines et les
éléments externes aux deux crises.
1.2.1.1. L'immoralité dans la crise du
subprime :
L'immoralité est l'élément qui a
causé la crise du subprime. En effet, des banquiers américains,
peu scrupuleux ont été les instigateurs de cet
évènement.
Débuts des années 2000 le marché
immobilier américain était saturé. En effet la cible des
agences immobilière, traditionnellement composé de ménages
ayant des revenus assez conséquent pour pouvoir absorber un
crédit immobilier, n'était plus assez abondante pour assurer des
perspectives commerciales suffisantes. Elles se sont donc penchées sur
une nouvelle cible : les ménages ayant de faibles ressources.
Paradoxalement cette cible pouvait être financée.
Tout d'abord il fallait pouvoir vendre un crédit
immobilier à des ménages modestes. Pour ce faire il suffisait de
prêter à taux variable et à paliers. Ainsi les emprunteurs
pouvaient rembourser les premières années de prêt sans trop
de difficulté. Ensuite, lorsque les taux des prêts
« recollaient » à la réalité des
marchés, et que les clients devaient passer un pallier, ces mêmes
emprunteurs devaient supporter des échéances, nettement plus
élevées (allant du simple au double). Cela les conduisait
inéluctablement vers l'insolvabilité.
En expliquant cela nous répondons à la
question : comment la crise du subprime a-t-elle été
initiée ? En revanche, nous ne répondons pas à la
question « pourquoi ? ». Pour ce faire, il faut
tout d'abord comprendre une différence juridique majeure entre le cadre
juridique français, et le cadre juridique américain.
En France, les prêts hypothécaires, sont
systématiquement affectés au bien qu'ils financent. De plus les
lois NEIERTZ et SCRIVENER 2 obligent le créancier à s'assurer de
la solvabilité de son débiteur avant de prêter. Enfin
l'hypothèque prise sur le bien n'accorde à la banque qu'un droit
de préférence. Cela signifie qu'en cas d'impayé de la part
de l'emprunteur la banque devra demander à un tribunal la saisie du
bien. Ce n'est qu'après la vente en adjudication de l'immeuble que le
créancier pourra faire valoir son droit de préférence.
S'il n'est pas remboursé après la vente de l'immeuble il devra
faire appliquer son droit de suite qui le placera au même rang que les
autres créanciers du débiteur.
Aux Etats-Unis, en revanche le cadre juridique est beaucoup
plus léger. En effet, l'obligation de la solvabilité des
emprunteurs est moins présente. Cependant ce qu'il faut comprendre est
le principe du « mortgage loan » (prêt
hypothécaire). L'hypothèque américaine, contrairement,
à l'hypothèque française, donne un droit de
propriété à la banque. Cela signifie que la banque est
propriétaire du bien jusqu'au remboursement de la dette.
Concrètement, la banque peut expulser un mauvais payeur, et revendre son
bien immédiatement après. Cela démontre clairement que le
prêt hypothécaire américain est beaucoup moins
encadré que dans le système français.
Malgré un système hypothécaire facilitant
les prêts, les banquiers américains, ont réussi à
dégager ses prêts risqués de leur bilan. En effet, les
banques ont tout simplement utilisé la titrisation par le FCC, mais
aussi et surtout via les CDO. Ainsi elles pouvaient exporter leurs risques
qu'elles prenaient en finançant ces créances douteuses. Il faut
voir que le volume de CDO émis aura connu une évolution
exponentielle juste avant la crise du subprime et une chute après cette
dernière (cf. annexe 2).
On pourra, noter que la propagation de la crise du subprime,
s'est faite en raison de la recherche du profit, et ce, de la part de chacun
des agents économiques. En effet, on a souvent l'habitude de
désigner les banques comme seules et uniques responsables de cette
crise. Cependant il est utile d'observer que les banques qui proposaient des
produits ne contenant pas de dette de subprime, offraient des
rémunérations bien inférieures à celles de leurs
concurrentes, qui elles en proposaient. Ainsi sous la pression
commerciale infligée par leurs clients elles devaient s'aligner
sur leur confrère en en proposant elles aussi.
1.2.1.2.
L'immoralité dans la crise de la dette :
Lorsque l'on parle de la crise de la dette. On pense
immédiatement à la Grèce. En effet, ce pays fut le premier
à être frappé par ce fléau. La crise de la dette se
résume par le fait que pendant trop longtemps des pays ont vécus
au-dessus de leurs moyens, et qu'aujourd'hui ils doivent rembourser leurs
emprunts. Nous pouvons noter, par exemple, que le premier poste de
dépense de l'Etat français est le remboursement des
intérêts de la dette. En effet, aujourd'hui certains Etats
n'arrivent plus à rembourser leurs dettes du fait d'une charge
d'intérêts trop lourde. Mais revenons-en à la Grèce.
Ce pays est rentré dans la zone euro avec des comptes falsifiés.
Effectivement, leur situation ne le permettait d'atteindre les critères
de convergence mis en place par l'Eurogroupe. Et c'est bien ici que se place
l'immoralité. En effet, aujourd'hui ce sont 10,8 millions d'habitants
qui souffrent à cause de la tromperie de leurs élus. Il est ici
intéressant de noter que le vice-président pour l'Europe de la
banque Goldman Sachs qui a aidé la Grèce à falsifier ses
comptes n'est autre que Mario DRAGHI, actuel président de la BCE.
1.2.1.3. Les
éléments externes aux deux crises :
Pendant ces crises, nous avons pu voir apparaitre des
éléments d'immoralité financière qui n'en sont pas
des facteurs. En effet on a pu voir et entendre parler de certains scandales
financiers. En effet, nous parlons ici de certaines affaires qui ont
heurtées l'opinion en temps de crise, et contribué à la
mise en place d'une barrière entre les banques et les personnes. Nous
retiendrons dans notre cas deux scandales : l'affaire
KERVIEL et l'affaire MADOFF.
Jérôme KERVIEL était un jeune trader au
sein de la Société Générale. Il entra en 2000 au
middle office avant d'intégrer le front office en 2005. Il fut connu
pour avoir perdu 4,82 milliards d'euros en vendant à perte. L'affaire
sera révélée le 24 janvier 2008. Daniel BOUTON, PDG de
cette banque, n'arrivera pas à le qualifier lors de son interview ce
même jour sur France Inter : «cet escroc, ce fraudeur, ce
terroriste, je ne sais pas ». Le gouverneur de la banque de France
(Christian NOYER) le qualifiera, quant à lui de génie de la
fraude. Toutes ces allégations relayées par les médias on
fait renaitre chez les français un sentiment
« anti-banquier », que les grands établissements
français ont tenté de faire disparaitre dans le début des
années 20006(*). Le
principal élément mis en avant dans cette affaire est que le
trader fit un passage au middle office avant d'être placé au front
office. Il connaissait les rouages du système. Il savait contourner les
contrôles. On pourra noter que le 5 octobre 2010 la
11ème chambre correctionnelle de Paris reconnaitra
Jérôme KERVIEL coupable de « faux, usage de faux, abus de
confiance, introduction frauduleuse de données dans un
système informatique ». Il sera condamné notamment à
rembourser les 4,8 milliards d'euros, et a une peine de prison ferme (3 ans).
Il fera appel de la décision et sera rejugé du 4 au 28 juin
2012.
Ce sera d'ailleurs le 7 juin 2012 que l'on apprendra de la
bouche de Claire DUMAS (représentante de la Société
Générale au procès), que les personnes qui auraient pu
empêcher le trader de prendre des positions (jusqu'à 50 milliards
d'euros en 2008), ne comprenaient pas les opérations passés, mais
les autorisaient quand même. Elle déclarera ce jour
même« [la position]était visible, mais elle
n'était pas vue et c'est normal »7(*).
Bernard MADOFF, quant à lui, est un homme d'affaire qui
fut condamné pour une escroquerie basée sur le système de
la chaine de PONZI. Il créa Bernard L. Madoff Investment Securities LLC
qui devint l'une des principales sociétés d'investissements
à Wall Street.
Eloi LAURENT, dit de cet homme qu'il a su habilement
profité de « l'exubérance irrationnelle de la
finance mondialisée et la foie entretenue par les agences de notation,
dans des rendements chimériques »7(*)
En raison de son activité au sein de la National
Association of Securities Dealer (NASD), MADOFF bénéficiait de la
confiance des autres investisseurs et des autorités de contrôle
(la SEC par exemple), qui n'ont pas douté du cachet de notre
fraudeur. Sans cette relation « consanguine » il
n'aurait jamais pu réussir sa manoeuvre.
Le mécanisme était simple. Les investisseurs
apportaient des capitaux qui servaient à payer les intérêts
qui étaient servis aux clients plus anciens. Ce système est
appelé « vente pyramidale ».
Le montant de la fraude s'élevait à 50 milliards
d'euros. Il sera jugé et condamné le 29 juin 2009 à une
peine de prison de 150 ans.
Contrairement à Jérôme KERVIEL, MADOFF,
lui, s'est enrichi avec cette escroquerie.
Ces deux affaires, mises à jour en période de
crise, ont creusé un peu plus le fossé entre les banques et les
ménages. En effet, les deux affaires que nous avons
évoquées ont permis de comprendre les failles morales du
système financier. Effectivement, lors de l'affaire KERVIEL, nous avons
pu voir l'immoralité d'une banque (Société
Générale) mais aussi d'une institution (l'AMF). Ces deux
entités ont laissé passer des opérations d'un montant
exorbitant. Rappelons notamment que le trader en question avait, avec des
opérations similaires à celles qui lui sont actuellement
reprochées, gagné un peu plus d'un milliard d'euros avant d'en
perdre six fois plus, et qu'à cet instant, personne n'avait dit mots
à ce sujet. L'affaire MADOFF, quant à elle, mit en exergue
l'immoralité d'un homme qui s'est enrichit en trompant ses clients.
1.2.1.4.
L'immoralité de la spéculation :
La spéculation consiste à prévoir les
évolutions de marché afin d'en tirer un profit financier, en
prenant des positions d'achat ou de vente en fonction de son anticipation. Elle
est l'un des éléments financiers les plus critiqués.
Ainsi, elle est immorale en trois points :
Tout d'abord, nous pourrons noter que la spéculation
est un moyen d'acheter ou de vendre des biens dont on ne dispose pas
réellement. En effet, elle consiste en des prises de position concernant
des actifs sous-jacents. Ainsi, grâce à la spéculation,
nous pouvons vendre un bien dont nous ne sommes pas propriétaire.
Ensuite nous dirons que la spéculation est un moyen de
gagner de l'argent en cas de baisse des prix des valeurs. Effectivement, la
vente à découvert permet d'anticiper une baisse de marché,
en vendant un bien dont on ne dispose pas. Concrètement, cela signifie
qu'il est possible de gagner de l'argent alors que des investisseurs, sur ces
mêmes valeurs sous-jacentes, enregistrent des pertes.
Enfin nous parlerons du deposit. Celui-ci est la garantie
laissé au broker afin de pouvoir spéculer. Il est
inférieur au montant des sommes sur lesquels on spécule. Cela
signifie que nous pouvons prendre des positions sur 100€ alors que l'on ne
dispose que de 50€. C'est ce que l'on appelle l'effet de levier.
En raison de ces éléments la spéculation
est vivement critiquée. Souvent remise en question par les
médias, elle reste très utilisée par les investisseurs
1.2.2. Le
refinancement
Le système de refinancement est l'élément
qui a permis de propager les crises de manière internationale. Sans ce
dernier, les soucis causés par la sphère financière
seraient restés localisés. Nous allons donc l'expliquer afin de
le comprendre.
1.2.2.1. Rappel sur le fonctionnement du système
bancaire :
Le système bancaire français fonctionne
selon un modèle appelé gestion actif/passif. Ce
système repose sur un principe : la banque prête à
monsieur B l'argent déposé par monsieur A (moyennant
intérêts). Jusque dans les années 1990 ce système
constituait le principal mode de rémunération des banques.
Figure 1: fonctionnement du système
bancaire
Client A
Client B
BANQUE
Prête 100
Dépose 100
Rend 100
Rend 105
Cependant ce système présente certains risques.
En effet il est possible que monsieur A demande à retirer son argent sur
avant que B n'ait remboursé son prêt. Il se peut aussi que B fasse
défaut (quel que soit la qualité de B). Il est donc
nécessaire pour la banque de pouvoir pallier ces carences.
Il faut tout d'abord souligner qu'il existe trois risques
liés au crédit :
-Le risque de crédit : c'est le
risque lié au défaut de paiement du client.
-Le risque opérationnel : ce
risque se constitue essentiellement de la mauvaise application des processus
des collaborateurs au sein de la banque. Il résulte de fraudes, erreurs
humaines...
-Le risque de marché : ce risque
est lié à la performance des marchés. Par exemple, en
accordant un prêt immobilier à taux fixe sur 20 ans, le banquier
prend le risque que les taux de crédit en immobilier dépassent
celui qu'il a fixé. Effectivement, il se peut que le coût de
l'argent soit plus élevé que le taux pratiqué. Ceci est
particulièrement vrai en France dans la mesure où la
majorité des crédits se font à taux fixes.
Comme nous venons de le voir la gestion actif/passif
présente certains risques. Il est donc nécessaire pour une banque
de pouvoir se refinancer en cas d'une forte exposition à ses derniers.
Nous verrons dans l'annexe 1 un tableau récapitulant l'ensemble des
couvertures de ces risques.
1.2.2.2. Le système de refinancement :
Comme nous pouvons le voir dans le tableau de l'annexe 1, il
existe 2 types de sources de couverture de risque pour une banque :
l'interne et l'externe :
*Les sources internes.
Constituées des liquidités ainsi que des fonds
propres.
*Les sources externes :
Le marché monétaire :il
est composé de trois marchés
-Le marché interbancaire : c'est
un marché de taux dont les participants sont exclusivement des banques.
Dans ce marché, elles se prêtent entre elles à des taux
qu'elles se fixent.
-Le marché banque centrale : la
BCE permet aux banques d'emprunter à taux fixe via son taux directeur
« Refi ». Aujourd'hui à 1%, il est
l'un des moyens les plus efficaces pour lutter contre la méfiance qui
règne sur le marché monétaire interbancaire.
-Le marché des titres :
marché qui permet aux banques d'émettre des titres de
créances négociables. Ces TCN pourront ensuite passer par le
FCC afin d'être échangés sur le marché secondaire
(la bourse).
Le marché
hypothécaire :
-Caisse de Refinancement Hypothécaire
(CRH) : La CRH est exclusivement utilisée pour refinancer
les crédits immobiliers. Tout comme pour les titres, ces refinancements
peuvent faire l'objet d'une titrisation par le FCC. Les dettes seront alors
transformées en obligations. Lorsque l'on recourt à la CRH, on
partage son risque avec notre refinanceur.
Le Fonds Commun de Créances
(FCC) :
Le FCC est un « véhicule » qui
permet de titriser une créance. Cela signifie que les prêts qu'une
banque consent peuvent être transmis à ce fond. Ce dernier les
transformera en obligations. Ainsi ces créances seront mises à
disposition des épargnants. En effet, ils pourront intégrer des
fonds ou des assurances-vie.
L'avantage (mais aussi le risque) est que lorsqu'une banque
titrise une créance elle déplace son risque vers celui qui
l'achète. On pourra toutefois noter que le recours au FCC n'est pas
illimité. Par exemple, une banque n'a pas le droit de titriser plus de
30%8(*)de ses crédits
à la consommation.
1.3. Les conséquences de la crise
1.3.1. Le
déficit de la confiance des ménages
La méfiance est un élément bien connus de
la sphère financière. En effet, elle est l'un des ennemis de la
liquidité. Lorsqu'elle sévit sur le monétaire
interbancaire, elle paralyse les banques et les empêchent de prêter
facilement. Cependant, il existe un phénomène dont on parle
moins : la méfiance des ménages.
Afin de comprendre l'enjeu de cet élément, il
faut comprendre que les ménages sont à la base d'une
économie développée. Ainsi, ce sont des agents
économiques qui ont pour missions, entre autre, de financer les
entreprises. Cependant, l'accès aux sociétés étant
complexes et risqués, très peu de personnes se risquent à
investir directement dans ces structures. C'est ici qu'intervient la banque. En
effet, sa mission d'intermédiation, lui permet d'investir dans des
entreprises avec les dépôts des ménages. Elle a donc pour
mission de faire se rencontrer ces deux agents économiques.
Afin de déterminer ce qu'est la méfiance des
ménages à l'égard des banques, nous nous baserons sur une
étude menée par le cabinet Deloitte intitulée
Comment regagner durablement la confiance des clients et
parue en mai 2011.
Tout d'abord, il est nécessaire de comprendre que les
ménages ne voient pas leur banque comme un offreur de prestation
quelconque, mais bien comme un établissement dans lequel ils vont placer
leurs économies. C'est pourquoi ils ont le sentiment que les banques
prennent des risques inconsidérés lorsqu'elles spéculent
sur les marchés. Les établissements bancaires l'ont compris,
c'est ainsi qu'ils ont entrepris des campagnes de communication cherchant
à rétablir la relation de confiance avec les clients :
« Confiance (n.f.) : premier capital qu'un client doit pouvoir
investir dans sa banque »9(*), « Vous méritez une marque de
considération »10(*), « Etre autre chose qu'un numéro de
compte, ça compte ! »11(*), « Développons ensemble l'esprit
d'équipe »12(*).
Cette étude décrit l'effet négatif qu'ont
eu les crises et les scandales financiers sur les ménages. De plus on
peut constater que les Français sont moins confiants envers leurs
banques que leurs voisins belges, britanniques, et américains. Cela est
paradoxal lorsque l'on sait qu'aucune banque française n'a fait faillite
alors que c'est le cas pour nos voisins.
Tableau 1: Comparaison de
la confiance dans le système bancaire entre différents
pays13(*)
251658240
Même si cette étude montre que la confiance des
ménages a été impactée par les crises, elle montre
aussi que ce déficit de confiance est dû aussi au manque
d'informations de la part des banques ainsi qu'à des tarifs jugés
trop haut.
1.3.2. L'.Effet
systémique
Les outils de refinancement peuvent avoir un effet
néfaste sur le système financier : la transmission des
risques de crédits.
Chaque crédit représente un risque pour une
banque. Les outils de refinancement permettent, en plus de pallier les
problèmes liés à la gestion active/passive, de les
transmettre à des contreparties :
Tableau 2: Les risques du
refinancement
MODE DE REFINANCEMENT
|
RISQUE SUPPORTE
|
Marché interbancaire
|
Partagé entre la refinancée et sa
contrepartie
|
Banque Centrale Européenne
|
Partagé entre la refinancée et la BCE
|
Marché des titres
|
Partagé entre la refinancée et les acheteurs de
titres
|
Caisse de Refinancement Hypothécaire
|
Partagé entre la refinancée et sa
contrepartie
|
Fonds Commun de Créance
|
Déplacement du risque vers celui qui achète
l'obligation
|
Comme nous pouvons le voir dans ce tableau, les risques pris
par une banque peuvent être soit partagés soit
déplacés dans le cas du recourt au fonds commun de
créances. La crainte que l'on peut avoir face à ces
éléments, est que les risques se propagent sur les
marchés. Pire encore que les ménages aient à supporter ces
risques. En effet, le recourt au Fonds Commun de Créances permet de
déplacer le risque sur les acheteurs d'obligations. Par ailleurs, dans
ce système de refinancement, le refinanceur et le refinancé n'ont
aucun contact direct, ne se connaissent pas.
Le système de couverture permet aux banques de limiter
leurs propres risques. Cependant il n'est pas illimité. Ainsi, il
génère un risque très grave : le risque
systémique.
Ce dernier fut découvert en 1974, en raison de la
faillite de la banque Herstatt. En effet, cette dernière, qui
détenait un monopole sur l'achat du dollar, tenta de spéculer
massivement sur l'achat de cette devise. Cependant elle n'avait pas
prévue que le gouvernement américain injecterait, à cette
période une grande quantité de dollars dans son économie.
Ayant acheté à crédit cette monnaie en grande
quantité, la banque Herstatt n'arriva pas à rembourser et fit
faillite. Le problème que cela souleva était que
l'établissement entraina ses créanciers dans sa chute.
Le risque systémique est le fait que lorsqu'une banque
subit un défaut de paiement conséquent mettant en jeu sa
santé financière, elles mettent en danger tout le système
bancaire. Nous sommes donc face à un effet domino qui entraine
l'ensemble du marché dans la chute du refinancé. Ainsi la chute
d'une banque qui subirait un défaut de paiement de taille, impliquerait
toutes ses contreparties de refinancement.
Face au dérives que nous venons de citer, des solutions
plus éthiques en terme de finance sont envisagée. En effet le
retour à des outils plus sains, favorisant une économie
plus proche de la réalité sont de plus en plus
demandé par les Etats. Ainsi la finance islamique peut être une
solution envisageable.
Mais qu'entend-on par cette expression ?
La finance islamique est un système qui base son
fonctionnement sur le droit musulman (Charia).Ainsi est-il judicieux de se
pencher sur ses origines, ses principes et les solutions qu'elle propose.
2. QU'EST-CE QUE LA
FINANCEISLAMIQUE ?
Afin de comprendre la finance islamique, nous allons dans un
premier temps, retracer son histoire, dans un second temps, nous en
expliquerons ses principes, et enfin nous verrons quels sont les instruments
qu'elle propose.
2.1. Historique de la finance
islamique
2.1.1. Les
origines14(*) :
La finance islamique trouve sa source dans la religion
musulmane : l'islam. Cette dernière aurait été
révélée au prophète Muhammad (né en 570
à la Mecque et mort en 532 à Médine) à partir de
l'an 610.
L'islam prévoit dans ces textes (Coran et Hadiths), un
ensemble de préceptes afférant aux échanges
économiques entres les hommes. Ainsi pouvons-nous voir apparaitre les
grands principes de la finance islamique dans la charia. Cependant nous ne
pouvons pas dire qu'il s'agisse de la finance telle qu'on la connait. En effet
le Coran décrit certains comportements à avoir lors de
transactions commerciales, mais ne définit pas un système aussi
complexe que celui que l'on connait aujourd'hui.
Les premières traces d'un système comptable
organisé en terre d'islam se situeraient à l'époque des
premiers Khoufala (à partir de 634). Cette époque fut le
début de l'expansion de la religion musulmane. Les institutions
islamiques de cette période furent très rigoureuses sur la
gestion des ressources des Etats. L'enjeu majeur fut de canaliser correctement
la Zakat. Déjà à cette époque la religion musulmane
se voulait transparente en matière de finance. En 1969 Subhi LABIB
décrit cette période comme la naissance du capitalisme islamique.
Effectivement, dans un article du journal of economic history, il
rappela qu'à cette époque un système économique
musulman verra le jour. Ce système sera basé sur le dinar. Ce
sera à partir de ce moment que nous pourrons voir apparaitre de nouveaux
instruments financiers (tels que les chèques, les lettres de changes,
les opérations de transferts de fond internationaux....).
Cet âge d'or perdurera jusqu'à la chute des
abbassides, en 1258.
2.1.2. La finance
islamique contemporaine
La finance islamique telle que nous la connaissons ne
verra le jour que dans les années 1970. En effet, ce n'est qu'en 1963
que naquit la première caisse d'épargne musulmane. Cet
évènement se déroula dans le village égyptien de
Mit Ghamr et fut déclenché par l'économiste Ahmad EL
NAGGAR. La population locale, très croyante, exprima une méfiance
vis-à-vis des banques classique. C'est pourquoi ils
décidèrent de fonder un système tontinier d'entraide
musulman (par le biais du microcrédit), afin de subvenir à leurs
besoins. Au départ, il n'était pas question d'un système
islamique à proprement parler. Il s'agissait simplement d'un
rassemblement d'agriculteurs souhaitant mutualiser leurs ressources
pécuniaires. Cette caisse d'épargne, qui fut la première
initiative du genre dans le monde musulman, draina une grande partie des
revenus des villageois. Fidèles à leurs principes, les villageois
ne pratiquaient aucune distribution ou prise d'intérêts. Ils
favorisaient plutôt les prises de participations et les financements
directs. En ce sens on peut dire que la finance islamique moderne vit le jour
à cette époque. Bien que cette première expérience
fût une véritable réussite elle ne dura que 4 ans, et
dû prendre fin pour des raisons politiques.
Cette initiative aura inspiré la création de
plusieurs leviers islamiques :
-En 1969 la Malaisie créa un fond islamique d'entraide
appelé le Tabung Hadji. Ce fond, toujours en activité, a pour
mission d'aider financièrement les pèlerins (partant pour la
Mecque). Aujourd'hui encore ce fonds joue un rôle économique
très important en Malaisie
-En 1969, toujours, se créa le Dallah Albaraka Group.
Un conglomérat d'entreprises puissant dont fait partie l'Albaraka
Banking Group. Ce dernier ayant des filiales, « charia
compliant », spécialisées dans la banque de
détail et la banque d'investissement.
-En 1970, on observe la naissance du premier sharia board,
« le sharia supervisory board ». Celui-ci fut
indépendant, et fut l'initiateur de la gouvernance bicéphale des
banques islamiques (nous y reviendrons plus tard dans notre étude).
-En, 1972, on assista à la création de la Nasser
Social Bank. Il s'agissait de la première banque destinée aux
gens modeste en Egypte. Le concept était de proposer des services
conventionnels et parallèlement proposer des services islamiques tels
que la collecte et la redistribution de la Zakat15(*) ou le financement du
Hadj16(*).
D'une manière générale, on peut dire que
c'est dans les années 1970 que l'on vit apparaitre un ensemble de
pratiques financières conformes aux préceptes de l'islam. Cela
à plus grande échelle. Ce mouvement verra le jour grâce
à l'OCI (Organisation de la conférence islamique) qui
décida en 1973 de créer l'Islamic Development Bank. Elle
démarra son activité 2 ans plus tard, en même temps que la
banque privée Dubai Islamic Bank. Ce mouvement fut appelé
« Islamic Finance » (finance islamique en
français).
2.1.3. La
normalisation de la finance islamique :
Nous sommes en Mars 1981. La Dar Al Maal Al Islami est
fondée. Son siège se situe à Genève. Le
président de cette banque se nomme Mohammed AL FAISAL AL SAOUD. Son
activité se décompose en 2 grandes parties :
-les services commerciaux islamiques :
dépôts, cartes chèques, gestion d'actifs, gestion de
portefeuilles etc...
-les services corporates : investissements, fusions et
acquisitions, assurances islamiques etc...
Ce groupe constituera un poids lourd de la finance islamique.
En effet il est présent dans une dizaine de pays (Royaume-Uni, Emirats
Arabes Unis, Bahamas, Bahreïn, Egypte, Pakistan, Niger, Suisse,
Sénégal, Luxembourg).
2.1.4. La finance
islamique dans le monde
Nous avons vu que la finance islamique, était
née en 1963 en Egypte (Mit Ghamr). Elle s'exporta ensuite en Malaisie.
Dans les années 1970, elle commença tout juste son
évolution, en passant par les pays du Golfe (Dubai, par exemple). Elle
démarra sa normalisation au début des années 1980,
atteignant des régions du monde telles que l'Afrique subsaharienne
(Niger, Sénégal...) ou l'Europe (Grande Bretagne, Luxembourg).
Cette finance, a connu en quarante ans, un essor
considérable. effectivement, née la veille du choc
pétrolier de 1973, elle est aujourd'hui pratiquée dans plus de 60
pays. Elle s'est exportée bien en dehors des terres arabes,
traditionnellement musulmanes.
Il est maintenant nécessaire de comprendre comment se
répartie l'activité financière islamique.
Elle est représentée par 345 institutions
financières ou fenêtres d'institutions financières17(*). Parmi ces dernières,
on pourra noter que seules 105, sont des banques purement islamiques (les
banques dont les résultats et bilans sont composés comme l'annexe
5 et 6). Même dans les pays du golfe arabo-persique, la part de
marché des activités purement islamique ne dépassera pas
les 26,5% des activités bancaires totales en 2008. Ce chiffre est
enregistré par le Koweït. En revanche, l'Iran et le Bahreïn
enregistre le meilleur chiffre en ce qui concerne la part des banques purement
islamique dans le système bancaire des pays du golfe en 2008. Ce chiffre
est de 86%. On pourra noter que même si l'Iran fait partie des pays
utilisant le plus la finance islamique, elle n'est pas souvent citée
pour en parler. En effet, ce pays est extrêmement protectionniste.
D'après Dhafer SAIDANE, le processus d'instauration de la finance
islamique dans ce pays fut différent des autres. En effet, cette finance
serait née dans ce pays, à l'initiative des pouvoirs publics,
pendant les révolutions de 1979. On observera aussi que le sultanat
d'Oman ne pratique pas la finance islamique. Effectivement, ce pays émet
un rejet, qui serait d'ordre religieux. Le dogme qui y est majoritairement
pratiquée est l'islam de tendance Abadhite. Ainsi elle ne peut
qu'exprimer un rejet vis-à-vis des principes émanant du courant
Sunnite : « ...des recherches récentes ont
montré que des anciennes sectes de l'islam [dont font partie les
Abadhites], lorsqu'elle se séparèrent de la communauté
orthodoxe [Sunnite], ne pouvaient partager avec la majorité les
principes essentiels d'un droit qui n'existait pas »18(*).
Figure 2 La finance islamique dans le monde19(*)
251658240
Comme nous pouvons le voir sur cette carte, l'essentiel de
l'activité islamique se concentre dans les pays du golfe et d'Asie. Cela
n'est pas un hasard car ces deux régions du monde abritent environ 85%
de la population musulmane mondiale20(*). D'après Amine NAIT DAOUD21(*) la répartition de
l'activité islamique s'effectue de la manière
suivante :CCG22(*)70%, Malaisie 20%, Europe 7%, et Amérique
3%
Nous voyons que les pays du golfe doivent, en grande partie,
le développement de leur finance à l'exploitation
pétrolière (point que nous développerons plus loin dans
notre étude).
2.2. Les fondements et principes de cette finance :
La finance islamique est une extrapolation du droit islamique.
Elle découle du dogme musulman. En revanche on peut noter certaines
différences entre la finance en islam et la finance islamique. Il est
donc nécessaire d'expliquer en quoi consiste ces deux modèles
afin d'en cerner les divergences.
2.2.1. La finance
dans l'islam :
Afin de comprendre les fondements de l'islam, il est
nécessaire d'en expliquer les outils. Ainsi, il existe 2 notions
très fortes dans le dogme islamique : halal et haram.
Le halal est ce qui est autorisé dans la religion
musulmane. Le haram est ce qui est interdit. La charia est le
périmètre qui définit ce qui est halal et ce qui est
haram. Par exemple, on entend beaucoup parler de la viande halal. Elle l'est
lorsque que l'animal que nous consommons est abattu selon le rite musulman.
Ainsi nous pouvons voir que l'islam règlemente le financement mais
aussi l'objet du financement. Il est donc interdit d'avoir recours à des
financements haram, mais il est aussi interdit d'utiliser son argent de
manière illicite en islam.
Ainsi les fondements de la religion musulmane se basent sur
ces notions.
2.2.1.1. L'économie au service de l'Umma
L'islam est une religion apparue au VIIème
siècle. Sa racine vient du mot « Salam » qui
signifie « paix » et du mot
« istislam » qui se traduit par
« soumission » en arabe. Cette religion est basée
sur la croyance en Allah et son prophète Muhammad. Cette doctrine met en
valeur les Hommes et leur communauté. Ainsi voit-on apparaitre dans ce
dogme la notion, d'Umma (communauté). En effet, ici on parle de l'Homme
et de sa contribution à la communauté. Le croyants doit donc
oeuvrer à la fois dans son intérêt, mais aussi dans celui
de sa communauté. On touche ici un point fondamental de la religion
musulmane. Effectivement, cela nous montre que l'islam ne prévoit pas de
statut autonome à l'économie. Pour cette religion,
l'économie n'est qu'un moyen de faire progresser l'Umma. Elle n'est
qu'un outil au service de l'intérêt commun. A ce titre nous
pouvons voir que dans son ouvrage Towzih ol masâ
el (L'explication des problèmes), l'Imam Khomeiny ne fait
pas mention du mot économie. Ceci est le point de divergence essentiel
entre la finance islamique et la finance en islam.
On pourra noter que cette notion va bien plus loin que la
simple théorie. En effet le musulman se voit contraint de travailler
pour la progression de l'Umma (Coran sourate IX. Verset 105). De plus le coran
condamne toute forme d'oisiveté. Ce qui revient à dire que la
prise d'intérêts sur des contrats d'épargne est illicite,
car elle ne résulte pas d'une activité quelconque. Ainsi en islam
les revenus doivent être les fruits d'un travail ou d'un
investissement.
On ne peut parler de la notion d'Umma, sans aborder le
principe de la zakat. Cette dernière correspond à l'aumône
islamique. Elle est le 5ème pilier de la religion musulmane,
et constitue ainsi une obligation fondamentale pour le croyant. Son principe
est simple. En effet, en fonction des ressources, qu'il épargne, le
musulman, doit en reverser une partie. Il a donc le devoir de faire un don
d'une partie de cette épargne à une famille nécessiteuse,
ou à une mosquée qui l'utilisera pour venir en aide à un
musulman. Ainsi cette religion encourage le croyant à épargner
sans thésauriser à outrance23(*). Ainsi, ce dogme prône le mouvement, et la
redistribution des richesses, afin que le musulman s'enrichisse tout en
enrichissant l'Umma.
Selon Isabelle CHAPELIERE, la monnaie elle aussi à une
définition bien précise dans l'islam. Effectivement, elle
explique dans son livre « Ethique & et finance en
islam » que la monnaie joue 2 rôles bien précis cette
religion24(*) »:
-l'unité de compte :elle sert à
quantifier la valeur d'un bien ou d'un service
-Intermédiaire des échanges :
elle permet les échanges de biens et de services et de remédier
au problème du troc
2.2.1.2. Les intérêts, l'usure
Les intérêts (riba en arabe) sont proscrits dans
l'islam. En effet, comme nous l'avons mentionné, les musulmans doivent
percevoir des revenus résultants d'une activité. Ils ne doivent
pas s'adonner à l'oisiveté. Cependant il existe une autre
explication à l'interdiction de la perception d'intérêts.
Cette dernière réfute entièrement notre système
économique. Ainsi, lorsque l'on se penche sur la conception d'un
intérêt, on perçoit qu'il correspond au paiement du temps.
L'intérêt permet au préteur de faire payer à son
débiteur la période de temps qui s'est écoulée
entre le prêt de l'argent et son remboursement. Or dans cette religion
ainsi que dans le christianisme25(*), il est indiqué que le temps n'appartient
qu'à Dieu. Et par voie de conséquence faire payer un
intérêt revient à se placer au niveau de Dieu (ce qui est
un péché très grave).
En revanche dans les premiers textes, cette interdiction ne
portait que sur 6 produits. Le Hadith des « six produits »
rapporté par Al BOUKHARI (810-870) dit : « du
blé pour du blé à part égale, et de main à
main ; le surplus étant de l'usure. De l'orge pour de l'orge
à part égale et de main à main ; le surplus
étant de l'usure. Des dattes pour des dattes à part
égale, et de main à main ; le surplus étant de
l'usure. Du sel pour du sel à part égale, et de main
à main ; le surplus étant de l'usure. De l'argent pour
de l'argent à part égale et de main à main ; le
surplus étant de l'usure. De l'or pour de l'or à part
égale et de main à main ; le surplus étant de
l'usure »
Ce texte montre clairement que seuls ces six produits
étaient impactés par l'interdiction de l'usure. Par
ailleurs, cette interdiction s'est vue évoluer durant les
siècles. En effet, les juristes musulmans se sont longtemps
penchés sur la question de la valeur de l'or et de la monnaie (dinar).
Les juristes ont longtemps autorisé une personne à rembourser
une dette en donnant plus de pièces d'or ou d'argent qu'il n'avait
emprunté. Cela était toléré si le poids de la
matière (or ou argent) était équivalent au poids des
pièces que l'on avait emprunté. Le poids était donc
l'indicateur de la valeur de la monnaie.
Une troisième raison à cette interdiction
existe. Ainsi, au VIIème siècle les personnes qui empruntaient
étaient souvent pauvres. Ils empruntaient de l'argent auprès
d'autres personnes qui elles étaient riches. Dans l'islam ainsi que dans
le christianisme, la prise d'intérêts est perçue comme un
moyen qu'utilisent les riches pour s'enrichir au dépend des plus
pauvres ; c'est un facteur d'aggravation de la fracture sociale.
2.2.2. Les
principes de la finance islamique
La finance islamique, quant à elle, est bel et bien un
concept se suffisant à lui-même faisant appel à une notion
d'économie indépendante. En effet, elle résulte d'une
réflexion philosophique sur une économie musulmane
consécutive à une application des lois du Coran et de la
Sunna26(*).
Afin de mettre en exergue le principe de cette finance nous
établirons ce que l'on appellera les 5 piliers de la finance
islamique. A ces derniers s'ajoutent les
« axiomes » de la finance islamique en matière
d'éthique.
2.2.2.1. La proscription du riba
L'un des aspects fondamentaux de la finance islamique. La
prise d'intérêts est évidemment proscrite dans ce cadre,
mais va bien plus loin que le Coran. Effectivement, d'après Mohammed
FALL OULD-BAH27(*), le
concept de l'interdiction du riba ne fait pas encore l'unanimité au sein
de la communauté musulmane. En revanche, il existe une doctrine qui est
suivie par la majorité des musulmans et qui interdit deux types
d'opération :
-celles qui consistent à prêter en connaissant
à l'avance le revenu que va générer cette
opération
-celles qui consistent à prêter un certain nombre
X de biens et engendre un remboursement en T+1 d'une quantité X+Y.
Concrètement, cela signifie qu'il est interdit d'augmenter la
quantité de bien remboursé, en raison du temps qui s'est
écoulé.
2.2.2.2. L'interdiction de la spéculation
La spéculation, comme nous l'avons définie n'est
pas compatible avec les principes de l'islam. En effet, elle constitue le
maysir, qui est proscrit par cette religion. Cependant, il est très
difficile, dans notre monde de proscrire la spéculation. Cet outil est
très utilisé dans le monde financier. Aujourd'hui n'importe
qu'elle personne peut « trader » en ligne, et
spéculer sur les marchés. De plus le high frequency trading
(trading haute fréquence) permet aux marchés d'acquérir
une liquidité dont ils ont besoin pour attirer les investisseurs.
C'est pourquoi la définition du maysir en finance islamique reste encore
floue. Ainsi, lors d'un entretien avec Amine NAIT DAOUD28(*), nous avons appris la
définition du maysir. Il a expliqué que cela consistait en une
spéculation à outrance. Il a donc émis une nuance.
Effectivement, la finance islamique a pour but de réduire au maximum, la
spéculation, qui pose des problèmes moraux (cf. chapitre 1).
Cependant elle est obligée de tolérer cette dernière car
elle représente une grande partie des transactions
financières.
2.2.2.3. La licité de l'objet du financement
La finance islamique est une extrapolation du droit musulman
dans un contexte financier mondialisé. Ses principales sources se
situent donc dans le droit musulman (Coran, Hadith, et Sunna). Ainsi
pouvons-nous voir que l'investissement en finance islamique doit être
conforme à l'éthique religieuse. Concrètement cela
signifie qu'une banque islamique n'a, en théorie, pas le droit de
financer un objet illicite en termes religieux. L'investissement devra donc
être halal. Ainsi une banque islamique ne pourra pas prêter, ou
investir dans le but de financer des produits en rapport avec, les armes,
l'activité porcine, la pornographie, l'alcool ou les jeux de hasard.
Ainsi cette finance ne permet pas une liberté dans les
choix d'investissement. Elle se veut avant tout être une finance
éthique et morale.
2.2.2.4. L'Obligation de partage des profits et des
pertes
La finance islamique, utilise les banques comme leviers. Pour
ce faire elle incite le financement par prise de participation. Le but est de
faire de la banque un partenaire qui oeuvrera pour la réussite des deux
parties. Ainsi ce système permet de mutualiser des moyens
financiers et de savoir-faire, afin de réaliser un
bénéfice partagé. On appelle souvent cet
élément les 3 P (Partage des Profits et des
Pertes)
2.2.2.5. L'obligation d'adossement à un actif
tangible.
Comme nous l'avons évoqué plus tôt,
l'islam prône une économie au service de l'Homme. Cette
religion, ne permet pas que l'on « gagne de l'argent sur de
l'argent ». C'est pourquoi l'un des grands principes de la finance
dont on parle est d'interdire les opérations qui n'ont pas d'actif
tangible. Cela signifie en claire, que les produits
dérivés sans actifs sous-jacent tangibles sont proscris de ce
système.
2.2.2.6. Les axiomes de la finance islamique
éthique :
Ces 5 piliers sont les principes fondamentaux de la finance
islamique. Ils permettent de poser les bases techniques de cette
dernière. Cependant dans son intervention à l'IAE de Lyon, Anouar
HASSOUN en définit les « axiomes » en matière
d'éthique.
Grâce à cette présentation il montre en
quoi la finance islamique s'insère dans la finance éthique. Il
explique en quoi elle est en adéquation avec ces thèmes. Il est
intéressant de noter que ce paradigme prône le
désendettement progressif des Hommes (cf. annexe 7). Nous pouvons aussi
observer dans cette présentation qu'avant d'être une
extrapolation d'un droit religieux, la finance islamique, est basée sur
les principes de l'éthique en finance.
2.2.2.7. Le sharia board
Toutes les structures de finance islamique reposent
sur une gouvernance bicéphale. En effet il existe une
organisation de gestion classique couplée à un sharia board
indépendant. Ce dernier est composé de personnes
compétentes pour interpréter le fiqh (jurisprudence islamique),
des oulémas, qui disposent de compétences en ingénierie
financière. Le but du sharia board est de pouvoir encadrer
l'activité de financement de manière à ce qu'elle ne
dépasse pas le cadre de la finance islamique. Son rôle est de
répondre à trois questions : est-ce que le contrat est
charia-compatible ? Est-ce que le contrat est dans l'intérêt
du client ? Est-ce que l'investissement est dans l'intérêt de
la communauté ?
Il est important de savoir que les premiers sharia board sont
apparus dans les années 1970. Effectivement, nous avons pu voir qu'il
existait des différences d'interprétations incessantes du Coran
dans le monde musulman. Par exemple, on pourra noter que l'Arabie Saoudite est
plus stricte que les pays d'Asie du sud-est. Ou alors on pourra dire que
l'Université d'Al-Azhar en Egypte a autorisé le recours au taux
d'intérêts dans certains cas. Il était donc
nécessaire de créer un organe capable d'harmoniser les avis.
Ainsi fut créé le « Sharia Supervisory
Board ».
2.3. Les outils de la finance islamique
La finance islamique est avant tout un moyen de financer
l'économie par des moyens « charia-compatibles ».
Nous verrons dans cette partie les différents outils à la
disposition de cette finance. Nous aborderons, dans un premier temps, les
instruments de participations et de partage de revenus, ensuite nous
expliquerons les instruments de prêt, et enfin nous verrons l'innovation
financière que constituent les Sukuks.
2.3.1. Les
instruments de participation à revenus variables
2.3.1.1. Le contrat moucharaka
Le contrat moucharaka est un instrument de prêt par
participation à revenus variables. Il permet un financement par partage
de risques. En effet, l'étymologie de ce mot vient de l'arabe
« charika » qui signifie association ou
société. Cet instrument est essentiellement utilisé pour
financer l'achat, ou la création d'entreprises.
Le principe, basé sur le système de la
joint-venture, est simple. Ainsi, la banque finance une partie du capital de
l'affaire visée. Alors que le client devra se charger de la partie
restante. Elle suppose donc un apport de fonds de la part du client.
Figure 3: Le contrat moucharaka29(*)
BANQUE
MOUCHARAKA
CLIENT
X% de participation
1-X% de participation
Le but ici est de créer une relation de partenariat
entre la banque et son client. En effet, nous sommes en présence d'un
contrat permettant de partager les pertes et les profits. Le moucharaka permet
de générer des droits de propriétés proportionnels
à la part dans l'investissement des deux parties. C'est
pourquoi, les risques ainsi que les gains potentiels sont proportionnels
à la part d'implication des deux parties (banque et client).
2.3.1.2. Le contrat moudharaba
Le contrat de moudharaba est un contrat d'investissement qui
implique un partage des bénéfices et du rendement de
l'investissement. Son fonctionnement rappel le système
d'intermédiation classique. Effectivement, à son passif elle
collecte et gère les dépôts de ses clients.
Figure 4: Le contrat
ijara
251738112
PROJET
ENTREPRENEUR
BANQUE ISLAMIQUE
A son passif elle investit dans des projets. Par cet
instrument la banque obtient donc le rôle d'investisseur
et d'entrepreneur.
Cependant, il ne faut pas confondre les rôles. La banque
ne fait que financer une partie de l'opération. Elle n'est en rien
gestionnaire de la société. En effet, l'administration de
l'affaire reste à la compétence de l'emprunteur. La banque
apporte une partie des fonds, et l'entreprise son savoir-faire (même si
on est bien dans un schéma de prise de participation inscrite au
bilan).
En général le contrat moudharaba s'applique pour
les entreprises de petite taille. Les actifs sont répartis entre la
banque et l'emprunteur. Ceux qui ont été acquis par les fonds
avancés par la banque, resteront la propriété de cette
dernière, jusqu'au remboursement du prêt par l'emprunteur. Les
profits nets, quant à eux, seront répartis entre la banque et
l'emprunteur d'une manière convenue à l'avance entre les deux
parties. Ils seront partagés après que les frais de gestion aient
été réglés par le gestionnaire et que
l'investisseur (la banque) ait recouvré son capital.
Ainsi, nous pourront qualifier le banquier dans cette
opération de bailleur de fonds.
Le fonctionnement concret de cet instrument :
La banque transmet à l'entrepreneur les fonds
nécessaires à l'investissement. Elle peut exercer un
contrôle et superviser l'opération. La banque porte donc le
risque financier. En effet, elle seule investie les moyens financiers dans le
projet. En revanche, on pourra noter qu'en cas de faute manifeste, ou d'une
négligence de la part de l'entrepreneur, la banque peut dégager
sa propre responsabilité et donc, ne pas supporter une éventuelle
perte. Pour résumer on dira que la banque porte un risque de
perte financière, et que l'entrepreneur, porte le risque de perdre le
fruit de son travail.
2.3.2. Les
instruments de financement sans prise de participation
2.3.2.1. Le contrat Qard-el-Hassan
Ce sont des prêts qualifiés de gracieux. Ils sont
conformes à l'éthique islamique, et de par le fait sont
dénués de toute prise d'intérêts.
Nous pouvons les définir comme gracieux car ils sont
accordés à des clients en situation de précarité.
Ils peuvent aussi répondre à un besoin spécifique, tel
que les décès, les mariages, les études des enfants...
Ils sont recommandés dans le Coran. En effet, la banque
joue ici un rôle social.
Afin de mener à bien ce prêt la banque prendra
une garantie sur le prêt.
2.3.2.2. Le contrat mourabaha
Ce type de financement est celui qui fait le plus
débats au sein de la communauté musulmane. Effectivement, il
consiste, pour la banque, à acheter le bien pour son client, et lui
revendre à crédit sans intérêts. Seulement entre, le
prix d'achat et le prix de revente, la banque aura pris le soin
d'appliquer une majoration, qui correspondrait au prix de sa prestation.
Figure 5: Le contrat mourabaha30(*)
FOURNISSEUR DU BIEN
BANQUE
CLIENT
Prix d'achat X
Transfert de propriété au client
Transfert de propriété à la banque
Prix majoré X+Y
On définit le mourabaha comme étant un
prêt bancaire avec bénéfice. En effet, ce mot
vient de l'arabe « ribh » qui signifie gain ou
bénéfice.
Pour que ce financement soit conforme à
l'éthique musulmane, il essentiel que la banque ait acheté le
bien avant l'établissement du prêt. Ainsi, dans le cas où
le transfert de propriété n'aurait pas été
effectué le montage serait apparenté à de la prise
d'intérêts, et serait donc illicite en terme islamique. Cet
élément suppose que la banque établisse deux
contrats : un pour l'achat du bien financé et
l'autre pour sa revente.
Le montant de la majoration est négocié entre le
client et le banquier.
Le mourabaha peut être utilisé pour financer les
entreprises (peu importe leur taille), les ménages (en prêt
à la consommation ou, plus récemment le prêt immobilier).
D'après Elyes JOUINI, docteur en mathématiques
appliquées, le contrat mourabaha est un moyen pour les banques
islamiques, de placer leur trésorerie dans des actifs liquides.
Ce type de financement s'effectue donc en 2 étapes pour
la banque : l'achat du bien et sa revente.
Le mourabaha est le crédit dont on parle le plus en
termes de finance islamique. En effet, le 16 juin 2011 la Chaabi Bank
annonça qu'elle allait mettre en place un crédit immobilier
charia-compatible par le biais du mourabaha à destination des
particuliers. D`autre part, il représente environ 70%31(*) des prêts des banques
islamiques. Il est donc important pour nous de pourvoir comparer cette offre
avec l'offre classique.
Tout d'abord, nous devons indiquer que dans nos deux
financements nous avons un créancier et un débiteur.
Ensuite, nous pouvons observer que le but de
l'opération n'a de réelle importance que dans le cas du
prêt avec intérêts. Ainsi, la banque classique n'a, en
raison de son devoir de non-ingérence, pas le droit de refuser de
prêter car l'objet du crédit lui semble immoral. En revanche, elle
n'a pas le droit de prêter si les fonds servent à une
activité illégale au sens de la loi. La banque islamique, quant
à elle, n'a pas le droit de financer une activité illégale
dans le sens de la loi, mais aussi une activité illégale au sens
religieux. C'est pourquoi, l'objet du prêt est scrupuleusement
examiné dans le cadre d'un crédit islamique.
Le gain de la banque, quant à lui, pose une
réelle différence. En effet, d'un côté, nous avons
une banque qui perçoit un intérêt, et de l'autre une banque
qui perçoit une plus-value. Le premier sera fonction de la durée
et du type de prêt. Le second sera fonction de la conjoncture.
L'un des autres éléments qui entraine une
divergence est le paiement des pénalités en cas de retard. Ainsi
dans une banque traditionnelle, le non-paiement d'une échéance
entraine une pénalité qui se mesure en intérêts
supplémentaires. En finance islamique, en revanche, on distingue deux
cas de non-paiement : le cas de force majeure et la mauvaise
volonté. En cas de force majeure (faillite...), le client
pourra bénéficier d'un délai. Il se peut qu'une
pénalité lui soit appliquée. Dans ce cas il devra faire un
don à une association d'utilité publique et devra en apporter la
preuve à sa banque dans l'année. En cas de mauvaise
volonté la banque devra « mettre tout en oeuvre pour faire
respecter ses droits »32(*) .
Enfin, pour finir ce comparatif, nous aborderons le cas des
garanties. Effectivement, dans le cadre d'un financement classique la prise de
garantie est un élément essentiel. En revanche dans le cadre d'un
financement islamique, une garantie peut-être exigée, mais ce qui
prime reste la moralité de son client.
Comme nous pouvons le constater le financement mourabaha est
basé sur la confiance, qu'accorde la banque à son client. En
effet, comme nous avons pu le voir pour le cas des pénalités de
retard, la banque islamique possède très peu de moyens pour
faire respecter ses droits.
2.3.2.3. Les contrats et assalam et istisnaa
Ce sont des contrats de financement, avant la livraison du
bien.
Figure 6: Le contrat assalam33(*)
VENDEUR
ACHETEUR
BANQUE
Paiement du prix à la livraison
Paiement du prix avant la livraison
Le contrat assalam peut être désigné par
le terme assalaf (arabe d'Iraq). Il constitue un contrat de vente en livraison
différée.
Il est généralement utilisé pour financer
les moyens de production agricole, ainsi que les entreprises de production de
matières premières.
Ce contrat se déroule en trois temps :
- La banque avance le montant nécessaire à
l'achat des biens (matières premières ou produits agricoles)
- La banque se fait livrer les biens
- La banque vend les biens à son client
Il est important de noter que la religion encadre ce type de
transaction. En effet dans le hadith du prophète Muhammad
rapporté par Al BOUKHARI et Mouslim, il est dit que toutes les
caractéristiques du contrat doivent être connues à
l'avance : « Le prophète est arrivé
à Médine à un moment où les gens achetaient des
fruits sur une et deux années à l'avance, il a dit
alors : « celui qui achète un bien qui lui sera
livré ultérieurement qu'il le fasse en une mesure connue, un
poids connu et à une échéance connu ».Nous
pourrons définir ce contrat comme une vente à livraison
différé à paiement comptant.
2.3.2.4. Le contrat ijara
Le contrat ijara est un contrat de leasing. En effet le mot
vient de « oujra » qui signifie loyer en arabe. Figure 7: Le
contrat ijara34(*)
VENDEUR
BANQUE
CLIENT
Paiement du prix d'achat
Actif loué au client
Transfert de propriété à la banque
Amortissement
Le principe est le même que celui d'une location longue
durée. En effet, la banque achète un bien et le loue à son
client sur une durée qui sera déterminée à
l'avance. Les échéances seront elles aussi
déterminées à la signature du contrat. A la fin de la
location, la banque récupère son bien pour le mettre à la
disposition d'un autre de ses clients. Cependant il est possible pour un client
de demander l'achat par amortissement du bien à la fin de la location.
Le prix est négocié entre la banque et l'acheteur à ce
moment. Si le client décide d'acheter le bien alors le contrat ijara
sera vendu à l'acheteur, et n'existera plus.
Ce contrat se déroule en 3 étapes :
-la banque acquiert le bien et le met en location pour son
client
-le client verse des loyers périodiques à sa
banque
-le transfert de propriété se fait au terme du
contrat.
2.3.3. Une
innovation appelée Sukuk
Le Sukuk est certainement l'instrument financier islamique le
plus complexe. Effectivement, il est l'outil le plus jeune de la finance
islamique. Pour preuve nous noterons que l'une des premières
émissions de Sukuks s'est déroulée en 2001 par l'agence
monétaire du royaume de Bahreïn. Le mot sukuk est le pluriel du mot
« sak » qui signifie : « document
financier qui permet au titulaire de bénéficier de la somme
d'argent indiquée sur celui-ci »35(*).
Figure 8 : Le sukuk36(*)
TRANSFERT DES BIENS
EMISSION
INVESTISSEURS
VEHICULE SPECIAL D'ACTIFS
SUKUK
ENTREPRENEUR
LIQUIDITE
Le sukuk est une obligation islamique. De par sa
définition on devine qu'elle est adossée à un actif
tangible. De plus, on peut aussi deviner qu'elle ne délivre pas
d'intérêts fixes pendant sa durée de vie. En
réalité elle confère à son porteur un droit de
créance sur l'émetteur (ce dernier pouvant être un Etat, ou
une entreprise). En revanche le sukuk oblige l'emprunteur à
partager son profit avec le porteur de la valeur. Plus simplement,
les coupons correspondent à une partie du résultat de
l'entreprise, et varient donc chaque année en fonction des chiffres de
cette dernière. On pourra noter que le sukuk ne peut pas garantir un
taux de rendement, mais peut être garantie en capital.
Le sukuk est certainement le produit financier islamique le
plus populaire. En effet, le marché de cet outil subit une croissance
moyenne de 15% par an37(*). D'après une étude de l'agence
Moody's38(*) les encours
de sukuks vendus en 2007 s'élevaient à 97,3 milliards de dollars
progressant de 71% par rapport à 2006.
3. LA FINANCE ISLAMIQUE, UNE
SOLUTION FACE A LA CRISE ?
Comme nous l'avons observé, la finance islamique permet
de renforcer les financements participatifs. Elle permet aussi de revenir
à un système économique plus proche du réel. Nous
verrons plus tard quelles en sont ses potentialités et ses limites.
3.1. Les
potentialités de cette Finance
3.3.1. Les
musulmans dans le monde :
La CIA (central Intelligency Agency) a diligenté en
juillet 2008 une enquête concernant la représentation de l'Islam
dans le monde. Ainsi sur une population de 6,7 milliards d'habitants, le monde
comptait 21,01% de musulmans (soit 1, 4 milliards d'Hommes). Elle est donc en
seconde position des religions derrière le christianisme (33,32%), et
devant l'hindouisme (13,26%). Ce qui est intéressant de retirer de cette
étude est que tous les musulmans ne sont pas arabes. En effet, nous
pouvons voir que ces derniers sont essentiellement situés en Afrique du
nord et au moyen orient et représentent environ 25% de la population
musulmane. 60% de cette dernière est asiatique. L'Europe
représente environ 1% de la population mondiale (environ 14 millions).
De plus au sein de ce continent on peut noter que la France est le pays qui en
compte le plus (cf. Annexe 3). Ainsi nous pouvons déduire que le nombre
de musulmans sur la planète représente un réel potentiel
pour la finance islamique.
Figure 9: les religions
dans le monde39(*)
251658240
3.3.2. Le
marché français :
Afin de comprendre le potentiel de la finance islamique en
France nous allons dépeindre quel est le SWOT de ce marché, et
nous nous intéresserons enfin au climat régnant en France.
3.3.2.1. Le SWOT du marché français
* Forces :
Selon le rapport 2011 publié par l'IFAAS et l'AIDIMM,
la France compterais entre 4 et 6 millions de musulmans en son sein, ce qui
ferait d'elle, l'un des pays d'occident les plus peuplés par ces
derniers. D'autre part, une tendance serait en train de se dessiner. En effet,
la pratique religieuse serait en nette augmentation chez les musulmans. Par
ailleurs, on pourra noter que l'identité religieuse de ses derniers
s'affirme de plus en plus (enquête sur l'évolution de l'islam,
IFOP, 2009). On pourra voir les autorités françaises
émettent un signal positif envers la finance islamique. Ceci se ressent
d'ailleurs par la mise en oeuvre de dispositions en faveur des produits de
finance islamique. Enfin la France possède un pôle industriel
réellement attractif.
*Faiblesses :
On pourra identifier trois grandes faiblesses. Tout d'abord on
pourra noter que l'image médiatique de l'islam en France s'est
profondément dégradée. De plus cette finance est encore
jeune. Par conséquent, il est encore trop tôt pour pouvoir en
tirer les conclusions qui s'imposent, notamment en ce qui concerne la banque de
détail. Enfin nous savons que les banques islamiques ne pouvant pas
générer de bénéfices sur les intérêts
vont répercuter cette pertes par des surcoûts éventuels.
*Opportunités :
Les musulmans n'ayant pas d'offres adaptées à
leurs besoins ont épargné durant des années. Il n'est donc
pas surprenant de voir qu'il existe une réelle réserve dormante
dans la population française. D'autre part, nous pouvons voir que
certains ménages ont retardé leur accession à la
propriété. Il est vrai qu'en regardant la moyenne nationale de
l'accession à la propriété avec celle des musulmans nous
pouvons observer un décalage. Par ailleurs,nous constaterons un vivier
important d'entrepreneurs français qui cherchent des solutions
alternatives. Les collectivités locales, elles aussi en expriment le
souhait. Enfin nous dirons qu'il existe en France de nombreux projets de
constructions d'infrastructures susceptibles d'attirer des investisseurs
islamiques étrangers.
* Menaces
Il existe des concurrents potentiels : les banques
islamiques étrangères, mais aussi les banques traditionnelles
européennes qui peuvent se lancer sur le marché. De plus nous
pouvons voir que les premiers acteurs de cette finance, prendront un risque de
réputation, elles seront scrupuleusement observées. Enfin ces
acteurs prendront le risque que cette finance ne montre pas les
résultats qu'elle escompte. Ceci engendrerait un
désintéressement progressif à l'égard de ce
système.
3.3.2.2. Etude au sein de la communauté musulmane
En 2011, l'IFAAS et l'AIDIMM commandent un rapport sur les
attentes des musulmans en France en matière de finance. Ce rapport
montre clairement que la communauté musulmane à des attentes
précises en matière de banque. Ainsi 55% de la population
étudiée se dit intéressée par des produits de
financement islamique et 47% sont intéressés par des produits
d'épargne islamiques.
D'après cette étude réalisée par
l'IFOP, la finance islamique, possède un marché potentiel allant
de 1,1 million à 1,7 million de personnes soit une hypothèse de
7milliards d'euros.
Il est donc clair que la finance islamique possède un
marché intéressant en France. D'autre part, il existe une
réelle demande de la part de la communauté musulmane
française.
3.3.2.3. Le déficit d'image :
Cette finance souffre aujourd'hui d'un problème
d'image. En effet, bien que la France soit le pays d'Europe comportant le plus
de musulmans, elle n'est pas forcément prête à accueillir
en son sein un système financier basé sur des fondements
coranique. A ce titre dans l'article paru sur le site du Point (source AFP),
Patrick ZEN directeur de la compagnie française de conseil et
d'investissement : « La France est le seul pays au
monde où il n'y avait pas de fonds charia-compatible. Même en
Israël, il y en a. Personne n'a voulu les commercialiser en France. On est
dans un tel problème d'image qu'ils n'ont pas
osé ». On constatera que l'image de l'islam en France
est tellement dégradée, que nous ne sommes qu'au démarrage
de la finance musulmane alors que le montant des actifs islamiques en Grande
Bretagne est déjà de 19 milliards d'euros. On peut aussi citer
l'exemple de l'ouverture du premier Quick Halal de Roubaix qui
déchaina les passions en février 2010. Il est donc visible que
l'islam souffre d'un déficit d'image dans le monde (notamment en raison
des attentats du 11 Septembre, et de l'amalgame injuste, qui se fait entre
musulman et terroristes), mais aussi en France. Effectivement, on peut noter
que les souvenirs de la guerre d'Algérie restent encore présents
dans l'inconscient collectif.
3.3.2.4. Le cadre juridique
Dans sa présentation, lors du IVème Forum
Français de la Finance islamique (28 octobre 2010), le cabinet Gide de
Loyrette Nouel parle d'une tradition juridique commune entre la finance
islamique et le droit français. En effet pour lui la prohibition de la
rémunération du temps, ainsi la non-participation aux
activités immorale, est un point commun entre ces deux
éléments. De plus, cette présentation souligne que des
dispositions légales ont été prises afin d'autoriser les
instruments financiers islamiques. A titre d'exemple nous pourrons dire que
l'Etat a assimilé l'ijara à une opération de
crédit-bail classique, et relevant des mêmes textes de loi.
Ainsi la France met tout en oeuvre pour pouvoir intégrer cette
finance. D'ailleurs Christine LAGARDE, du temps où elle
était encore ministre des finance a déclaré
« nous adapterons notre environnement juridique pour que la
stabilité et l'innovation de notre place financière puissent
bénéficier à la finance islamique »40(*)
3.3.2.5. Le cadre fiscal41(*) :
En 2008, Christine LAGARDE, mis en place une fiscalité
particulière en ce qui concerne la finance islamique. En effet, elle
estimera le 10 décembre 2008 qu'il était nécessaire
de pouvoir rassurer les investisseurs en finance islamique d'un point de vue
fiscal : « la publication et la mise en ligne de rescrits fiscaux
concernant les opérations de sukuk et de mourabaha va enfin permettre
d'apporter aux investisseurs et aux opérateurs la certitude juridique et
fiscale qui est nécessaire au développement de ces
opérations de finance islamique en France ». Ainsi elle mettra
en place deux mesures pour alléger la fiscalité appliquée
aux contrats de types mourabaha et sukuks.
La fiscalité appliquée au mourabaha
La fiscalité appliquée au mourabaha consiste
à exonérer d'impôt la plus-value immobilière
réalisée dans le cadre d'une cession titre à
onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits
relatifs à ces biens.
En ce qui concerne les droits de mutation au profit d'une
institution financière islamique, l'application de la TVA est retenue.
Cependant, il faut souligner que les banques islamiques relèvent du
même régime d'imposition que les marchands de biens. Cela
signifie qu'ils peuvent appliquer une TVA réduite.
Enfin nous pourrons noter que les opérations
d'achat-revente de titres dans le cadre d'un mourabaha, ne sont pas soumises
à la TVA.
La fiscalité appliquée au sukuk
La fiscalité appliquée aux sukuks, permet
à la banque islamique de déduire de son bénéfice
imposable que les intérêts d'emprunt, au même titre que l'IS
(impôt sur les sociétés). De plus les
rémunérations servies par les institutions financières
islamiques aux détenteurs non-résidents de sukuks, sont
exonérées de retenue à la source.
3.3.3. Une
réponse islamique aux attentes de la population
Il existe des produits bancaires et financiers qui ont
été adaptés en version « islamique ».
En effet, grâce aux instruments l'on a évoqué (cf.
chapitre 2). Les ingénieurs de finance islamique ont repris des
produits classiques et les ont revisités afin de répondre aux
attentes d'une cible de croyants musulmans. Ainsi, nous étudierons trois
produits différents : le compte courant, l'assurance-vie et le
crédit immobilier.
3.3.3.1. Le compte courant
Lancé par la Chaabi Bank le 16 juillet 2011, le compte
courant « Harmonis » est le premier à
être conforme en tout point à l'éthique islamique. Ainsi,
face à une réelle demande de la communauté musulmane, elle
ne put faire autrement. Le principe de ce produit est simple, il repose
sur :
-La séparation entre les dépôts des
clients et les fonds conventionnels
-L'audit systématique et récurrent de la part
d'un Sharia Board indépendant
-La non-rémunération des dépôts par
le biais d'intérêts
-L'utilisation des fonds du déposant uniquement dans
des produits charia-compatibles Comme nous pouvons le constater cette offre
ne permet pas l'obtention d'un découvert. En effet, celle-ci donnerait
lieu à la prise d'intérêts, qui ne sont pas
autorisés en finance islamique.
La Chaabi Bank souhaite pourvoir commercialiser dans les
prochains mois un compte courant pour les associations et les entreprises.
3.3.3.2. L'assurance-vie
L'assurance vie est le placement préféré
des Français. En effet, les encours placés sur ces contrats
représentent environ 1 400 milliards d'euros. Ceci est vrai car elle est
un produit très avantageux. C'est une enveloppe juridique, fiscale, et
financière qui permet de répondre à un grand nombre de
besoins (retraite, épargne, succession, prévoyance,
défiscalisation...). Elle reste très avantagée car elle
représente une manne financière importante pour l'Etat.
Effectivement, elle lui permet de financer son déficit. Les obligations
qui composent les fonds en euro sont, pour une grande partie des
« goovies » (obligations d'Etat) françaises. Ainsi
le cadre juridique qui la régit lui est très favorable.
C'est pourquoi l'adapter en version islamique peut être
une avancée importante. Rappelons que le nombre de musulmans vivant en
France est compris entre 4 et 6 millions d'individus. Cela permettrait de
pouvoir exploiter les richesses de cette population.
Cette assurance est un contrat en unité de compte,
adossé sur des sukuks. On pourra noter que la sicav émettant le
sukuk devra être en accord avec les principes islamiques (ne pas exercer
une activité haram, ne pas être endettée à plus de
33% etc...)
Ainsi le principal acteur créateur de cette
assurance-vie, Anouar HASSOUN, lança la sicav composant
l'assurance-vie, en avril 2012. Ainsi dans un article de l'AFP paru le
18/04 /2012, il est dit que l'objectif est fixé à 50
millions d'euros placés sur ce contrat à fin 2013.
3.3.3.3. Le crédit immobilier
Le crédit immobilier est l'un des produits les plus
attendus par la communauté musulmane. En effet, selon une étude
menée en 2003 en Belgique sur 700 ménages musulmans, 61% de ces
derniers ne sont pas propriétaires en raison du riba.42(*)
Selon un agent du service client de la Chaabi Bank, le
prêt immobilier est en phase de test. Ainsi certains clients
sélectionnés selon des conditions de ressources, sont
actuellement les testeurs du crédit immobilier de type mourabaha.
Prévu sur une durée maximale de 10 ans. Il permet l'achat d'un
bien immobilier par achat-revente de ce dernier.
De plus, nous pourrons noter que cette banque prévoit
dans les prochains mois l'élaboration d'un prêt immobilier,
à long terme par le biais d'un moucharaka dégressif. Le principe
est que la banque et le client achètent ensemble le bien immobilier.
Cependant le client rachète progressivement les parts de la banque pour
pouvoir en devenir le seul propriétaire.
Afin de pouvoir répondre aux attentes des musulmans,
certains produits de bancaires ont déjà été
adaptés dans une version islamique. En revanche il existe encore un
grand nombre produits à revisiter pour satisfaire la demande (cf.
annexe 4). Reste encore un grand chantier pour faire de la finance une vraie
offre bancaire de détail complète. Cela constitue un potentiel
énorme lorsque l'on sait qu'il existe entre 4 et 6 millions de musulmans
en France.
3.2.Les solutions de la
finance islamique face à la crise :
Après avoir vu en quoi consistaient les
différentes crises, ce qu'était cette finance, et quel
était son potentiel en France, il est nécessaire de voir en quoi
elle peut être une solution face à la crise.
3.2.1 Une banque pour tous
A l'instar des banques conventionnelles, les banques
islamiques, se positionnent sur une clientèle de particuliers et une
clientèle corporate.
La première se gère en banque de détail.
Cette cible est composée de personnes de confession musulmane (1,3
milliards d'individus dans le monde). On peut cependant noter que
l'accès à ces banques n'est pas restrictif. En effet, la finance
islamique, s'adresse à tous. D'après Dhafer SAIDANE, la
population musulmane est encline à se tourner vers la finance islamique.
Il explique ce phénomène par un besoin de spiritualité, un
besoin de se trouver en conformité avec les lois islamiques.
La cible corporate, quant à elle, se gère en
banque d'investissement. A l'instar des banques conventionnelles, elle a comme
mission principale de financer l'activité des entreprises, par le biais
des instruments que nous avons décrit dans le second chapitre de notre
étude. Cette activité s'est développée ces
dernières années. Ainsi, elle s'appuie aujourd'hui sur des prises
de participation d'entreprise en croissance. Le but ici est de
générer des effets de levier. En ce sens nous pouvons dire que la
banque islamique exerce un métier de capital investissement basé
sur son activité d'intermédiation.
La banque islamique est un moyen de faire avancer
l'économie via une activité d'intermédiation
développée. Effectivement, elle base son modèle sur un
métier de proximité (banque de détail) pour pouvoir
financer les entreprises qui ont besoin de partenaires financiers.
Nous pouvons noter dans l'approche de l'IFAAS et de l'AIDIM,
que la banque de détail en France pourrait constituer une
véritable alternative à la banque traditionnelle. En effet,
d'après Dhafer SAIDANE les musulmans recherchent un retour à leur
spiritualité. La banque de détail islamique pourrait en ce sens
répondre à leurs attentes. Ainsi le développement de la
finance islamique, pourrait passer par la création de produits de
détails charia-compatible
3.2.1. La banque
islamique, un modèle de rentabilité :
Bien qu'elles ne peuvent pas se prémunir des risques de
marché, les banques islamiques sont capables de dégager des
résultats positifs. Effectivement, elles arrivent à maintenir un
grand niveau de marge. Dhafer SAIDANE établit dans son livre
la finance islamique à l'heure de la
mondialisation un graphique qui compare les ROE (return on equity) de
10 grandes banques conventionnelles et ceux de 10 grandes banques islamiques.
Rappelons tout d'abord que le return on equity, sert à mesurer la
rentabilité des fonds propres. Autrement dit, il permet aux actionnaires
de savoir, pour chaque euro investis, quel est le gain. Il résulte donc
du rapport entre le résultat net et les capitaux propres.
Tableau 3: Evolution du ROE
des banques islamiques et des banques conventionnelles43(*)
251658240
Comme nous pouvons le voir les banques islamiques,
dégagent des ROE plus important que les banques conventionnelles. Cela
est dû, notamment à leur modèle économique. En
effet, ces dernières ne dégagent pas de marge
d'intermédiation. Elles établissent leurs bénéfices
grâce au coût de leurs produits et services, mais aussi
grâces aux participations qu'elles prennent dans les entreprises qu'elles
financent. De plus on observera que l'activité financière
musulmane est encore très réduite. Ainsi, nous avons
observé que l'essentiel de cette activité s'exerçait dans
les pays d'Asie du sud ainsi que dans les pays du golfe. Ceci explique en
partie la grande différence entre les ROE des banques islamiques et ceux
des banques conventionnelles
On notera que les résultats des banques islamiques sont
en décorrélation totale avec ceux des conventionnelles. Ce
graphique comparatif démontre bien que le risque systémique ne
menace pas directement les banques islamiques.
3.2.2. Le retour
à l'éthique
Le retour à l'éthique est l'un des
éléments le plus déterminant de la finance islamique. En
effet, comme nous l'avons évoqué dans les premiers chapitres de
cette étude. L'éthique et la finance se sont perdues de vue au
fil du temps. Ainsi l'immoralité s'est installée dans notre
système pour à terme devenir l'un des facteurs des crises que
l'on subit. Ainsi la finance islamique prône un retour à de
vraies valeurs morales. Par exemple nous pouvons parler du prêt
Qard-el-Hassan, un prêt qui vise à aider les personnes en
précarité ponctuelle. Ou bien du principe du takaful44(*), cette assurance islamique
basée sur l'entraide entre sociétaires (système
mutualiste). De plus, cette finance est partisane du désendettement
progressif des Humains. Or, on sait aujourd'hui, que l'un des plus grands
facteurs des crises est notre dépendance aux crédits. Il est
aujourd'hui important de comprendre que la finance islamique est plus
basée sur une philosophie de vie que sur une religion. Ainsi,
en y regardant de plus près, si l'on retire le mot
« charia-compatible » de la sicav d'Anouar HASSOUN, on
pourrait le remplacer par le mot éthique sans que cela ne fasse
débat. On peut aujourd'hui considérer qu'un fonds sur le
thème du développement durable, basé sur des actifs
réels, comportant des sukuks ou des actions, est charia-compatible.
À ce propos Anouar HASSOUN a déclaré que la
première personne à avoir investis dans cette sicav
n'était pas musulmane45(*). En effet, la communication sur ce produit
était essentiellement orientée sur son aspect éthique.
Comme nous l'avons vu la principale préoccupation des banques envers
leurs clients est de redorer leur image (cf. chapitre). En ce sens la finance
islamique permet de montrer un visage sécurisant. Celui d'une banque qui
se soucie de ses clients, qui ne prend pas de risques
inconsidérés sur des marchés instables, qui est simple
d'accès et qui ne diminue cette distance entre les personnes et le monde
financiers.
3.2.3. Le retour
à une finance réelle
Comme nous avons pu le voir dans le cadre des piliers de la
finance islamique, les produits proposés doivent avoir un actif
tangible. D'autre part, comme nous avons pu le décrire dans notre
historique, l'un des éléments qui a conduit à la crise du
capitalisme est bien la dématérialisation de la monnaie. Il faut
bien entendre que le retour à une finance au service de l'Homme, est le
principe philosophique de la finance islamique. Ainsi elle introduit,
l'interdiction de la spéculation. Cette dernière est un des
éléments les plus vivement attaqués d'un point de vue
moral. Il est aussi l'un des moteurs de crises régulières. En
effet, aujourd'hui, on sait que les modèles prévoient environ une
crise tous les sept ans. Ceci correspond à la définition des
cycles boursiers. A chaque cycle on perçoit les mêmes
symptômes : un gonflement progressif d'une bulle spéculative
(alimenté par les spéculateurs), et l'éclatement de cette
dernière. Dans ce schéma nous voyons bien comment la
décorrelation entre un actif et sa valeur réelle entraine des
irrégularités. Ainsi la finance islamique préconise un
adossement systématique d'un actif réel sur un produit.
3.2.4. La
redistribution des revenus :
La finance islamique se base sur la charia. Elle impose donc
à ses banques d'en respecter les principes. Ainsi une banque islamique
se doit de respecter la philosophie de l'Umma. Elle en est un acteur au
même titre que ses clients. Il lui est donc nécessaire de
redistribuer une partie de ses revenus sous forme de Zakat. Ceci afin d'oeuvrer
dans l'intérêt de l'Umma. Elle pourra aussi se charger de la
reverser pour ses clients. Ainsi elle sera l'intermédiaire entre le
bénéficiaire et le client. De plus, en tant que membre de la
communauté, elle peut financer certains projets, sponsoriser certains
évènements, ou même organiser elle-même des
évènements d'intérêt général. Ainsi la
banque n'est plus qu'une entreprise dont le but et le bénéfice,
mais bien un acteur social de proximité avec ses
clients.
Enfin, on peut voir dans la finance islamique, un rappel de la
morale qui s'impose à tous. Comme nous avons pu le voir dans le cadre du
prêt immobilier mourabaha, un client qui ne paye pas une de ses
échéances, se voit contraint de payer une pénalité
sous forme d'un don auprès d'une association d'utilité publique.
On voit bien ici que la finance islamique cherche à donner un
réel rôle social aux banques.
3.2.5. Le
renforcement du partenariat banque et entreprise :
Comme nous l'avons vu précédemment, la finance
islamique encourage la prise de participation. En effet, cela permet aux
entrepreneurs de supporter une partie du risque mais aussi de
bénéficier de l'expertise de sa banque. Cela entraine une
réelle relation de partenariat entre les deux parties. Ainsi les deux
partageront les bénéfices ou les pertes de l'opération.
Cela est très important car en période de crise, il faut que les
banques puissent avoir confiance en leur client et que leurs clients aient
confiance en elles. De plus, rappelons que les banques sont les poumons d'une
économie développée. Effectivement, elles possèdent
le pouvoir de pratiquer une activité d'intermédiation. Cela
signifie qu'elles peuvent transformer les dépôts de leurs clients,
en enveloppe de crédits pour les autres. Ainsi elles peuvent
prêter à nos entreprises grâce à nos
dépôts. Les techniques de financements par prise de
participations vont dans ce sens. Ainsi, une banque qui croit au projet de son
client pourra s'y investir plus facilement car elle y verra un
bénéfice futur. Cela peut même aller dans le sens du
capital risk. Grace à ces outils elles permettent la création,
ou le développement d'entreprises, et ainsi favorisent l'emploi. Ainsi
les banques islamiques constituent des leviers en termes d'emplois et
d'économie.
Le principe des 3 P, peut être un réel outil de
sortie de crise. En effet, nous savons aujourd'hui que l'un des objectifs des
dirigeants européens (notamment François HOLLANDE), est de
relancer l'économie par le biais de la croissance. En ce sens les prises
de participations peuvent servir aux entreprises (notamment les
PME), pour investir dans des facteurs de croissances.
3.2.6. L'exclusion
des produits « toxiques »
Nous avons vu que certains produits, tels que les CDO ou les
CDS font partis des éléments constitutifs des crises que nous
avons étudié. En regardant, de près ces produits nous
pouvons voir qu'ils ne peuvent pas être intégrés dans les
bilans des banques islamiques. Effectivement, les CDO et autres produits
structurés, par exemple, sont des produits de taux. Par
conséquent ils sont illicites au sens de cette finance (interdiction du
riba). De plus, ils sont excessivement spéculatifs. Ce qui est aussi
interdit en finance islamique (gharar). Ainsi le bilan d'une banque islamique
doit être basé sur le même modèle que celui de
l'annexe 5.
De plus, les banques islamiques n'ont pas le droit de prendre
des positions sur des dettes sur des banques traditionnelles, qui sont
exposées aux risques de crédit. En effet, cette finance exige de
la part des banques une surveillance accrue de ses actifs. Ainsi elles ne
peuvent intégrer que des actifs dont elles sont sures de la
qualité. Elle tente par ces principes d'enrayer le risque
systémique, en interdisant l'intégration de produits
« toxiques » et en limitant les transferts de risques par
le biais de la titrisation. D'autre part, de par la structure du bilan des
banques islamiques (cf. annexe 5 et 6), elles fonctionnent avec des fonds
propres très présents, limitant ainsi les risques
d'insolvabilité en cas de faillite. Cependant on pourra noter que
même si les banques islamiques ne sont pas directement exposées au
risque systémique, elles le sont indirectement. Effectivement, nous
noterons qu'en cas de faillite du système bancaire, les entreprises ne
pourraient plus se financer. Cela se ressentirait dans les résultats de
leurs partenaires commerciaux, qui eux peuvent être suivis en banque
islamique. Cet élément impacterait de façon significative
ces institutions financières, qui sont dépendantes des
filières qu'elles financent.
3.3. Les inconvénients de la finance islamique
Nous avons vu que la finance islamique possédait de
réelles qualités pour endiguer les crises. Cependant, elle
comporte de réels inconvénients que nous allons
étudier.
3.3.1. Manque de
maitrise sur le système actuel :
La finance islamique est très jeune. Elle reste
très minoritaire dans les opérations financières qui
s'effectuent chaque jour. Ainsi on peut voir qu'elle n'a aucune maitrise sur
les opérations de finance traditionnelle. En effet si une banque
islamique n'a pas le droit d'investir dans des CDO, la banque traditionnelle,
quant à elle, n'est pas soumise à cette interdiction. Elle n'a
pas encore assez de poids par rapport à la finance conventionnelle.
Par ailleurs, on peut voir que la finance islamique ne prend
pas en compte l'inflation. Ainsi, on observe qu'en France, par exemple, les
taux de rémunération sont fixés en fonction de
l'inflation. Les livrets se rémunèrent par rapport au livret A
(l'actif sans risque), pour lequel le taux dépend en partie de
l'inflation. L'inconvénient que cela suppose est que lorsqu'un client
dépose une somme X sur son compte bancaire à une date T et qu'il
récupère cette somme à une date T+1, il perd de l'argent.
Ceci étant dû au fait que les prix ont augmenté entre T et
T+1. Il perd donc du pouvoir d'achat. Ainsi la finance islamique ne permet pas
de conserver sa capacité d'achat sur une durée. Il faut noter que
cette finance, restant minoritaire ne permet pas non plus d'endiguer
l'inflation. Effectivement, cette dernière est en partie causée
par le coût de l'argent sur les marchés monétaires. Or si
l'on est une banque islamique on ne peut empêcher les autres banques de
se refinancer sur les marchés.
Enfin même si nous avons observé que le cadre
juridique français se positionnait en faveur de la finance islamique,
nous ne pouvons pas dire que la législation soit adaptée à
cette dernière. En effet le cadre juridique de la loi de 1905
définissant les rapports entre l'Eglise et l'Etat est peu compatible
avec la charia.
Ainsi son statut de finance embryonnaire ne lui permet pas
d'avoir un poids nécessaire pour faire pression sur les banques
classiques.
3.3.2. Le
développement moins rapide que celui des banques
conventionnelles
L'un des aspects négatifs d'une banque islamique est sa
faible capacité à se développer rapidement. Cela
s'explique par la structure de son bilan. Ainsi, nous pouvons voir dans
l'annexe 5 que l'essentiel des fonds propres d'un de ces
établissements est constitué des dépôts des clients.
Ainsi une banque islamique, n'ayant pas le droit d'utiliser les leviers du
refinancement, sera contrainte de restreindre sa vitesse de
développement. Ceci est pourtant en désaccord avec la
réalité. En réalité, nous pouvons constater,
une croissance conjoncturelle de cette finance
extrêmement rapide. Cependant le rapport Arthuis, montre
que cette croissance est entièrement due à l'évolution des
cours pétrole (dépendance à la filière
financée).
De plus, on notera que dans le cadre de la gestion
actif/passif (cf. chapitre 1), la banque islamique aura du mal à pallier
le risque de liquidités. En effet, le fait qu'elle n'utilise pas de
produits de refinancement (qui sont ribawi), l'empêche de couvrir ce
risque. Ainsi, dans l'hypothèse où tous les clients d'une
même banque venaient à retirer leurs dépôts en
même temps, la banque islamique aurait des difficultés à
les servir. Là aussi, la réalité nous fait mentir,
cependant, Anouar HASSOUN a affirmé dans un rapport sénatorial de
mai 2008 : « bénéficiant à
l'origine des surliquidités du golfe persique liées au
pétrole et renforcées par les effets du 11 septembre, la finance
islamique, s'est orientée vers les années 1990 vers les
particuliers ». Cela montre bien qu'elle doit s'orienté
vers une nouvelle cible pour pouvoir générer des
liquidités.
Ensuite, nous dirons que la finance islamique prévoit
la fin du trading haute fréquence. Comme nous avons pu le souligner les
spéculateurs sont des « market makers ». Ils
participent à la liquidité des marchés et les rendent plus
attrayant pour les investisseurs. Ils ont donc une utilité
économique et financière. L'inconvénient de la finance
islamique est donc qu'elle freine l'évolution des marchés.
D'autre part, il est important de comprendre que le
modèle économique des banques françaises, est
composé environ à 60% de la marge d'intermédiation
(différence entre les intérêts perçus et les
intérêts versés). Elle représente une vraie source
de revenus pour les banques. Or la finance islamique ne permet pas la prise ou
le versement d'intérêts. Cela signifie qu'une banque islamique
doit se priver d'une recette importante. Or on sait qu'une banque qui fait des
bénéfices peut investir, embaucher, prêter (grâce au
renforcement des fonds propres du à l'intégration des
bénéfices dans les réserves) et payer son impôt sur
les sociétés. En résumé une entreprise
bénéficiaire est une bonne chose au niveau économique. On
peut donc considérer la finance islamique comme étant un frein
à l'économie, mais aussi un frein au développement de ses
institutions financières.
3.3.3. Elle n'est
pas immunisée face à d'autres risques
Bien que la finance islamique soit immunisée contre les
risques systémiques directs« elle ne constitue en rien la
panacée »46(*). En effet, elle n'est pas immunisée contre
certains risques.
Elle est, par exemple, exposée aux risques de
concentration. Cela signifie qu'elle s'expose à la défaillance
d'une région, une filière, ou toute une profession. D'autre part,
étant donné qu'elle n'autorise pas l'investissement dans des
activités haram. Elle ne peut pas se diversifier autant qu'une banque
conventionnelle afin de lisser ses risques. L'exemple est très parlant,
lorsque l'on sait que la finance islamique est très
corrélée à la filière pétrolière.
Ainsi comme nous avons pu le voir l'activité financière (70%)
islamique trouve l'essentiel de son développement dans les pays du moyen
orient qui sont exportateurs de pétrole. Or on a pu constater que
lorsque les volumes exportés par ces Etats augmentent les capitaux
placé dans des banques islamiques augmentent eux aussi47(*).
Par ailleurs, les institutions financières islamiques
peuvent être exposées au risque d'image. En effet elle reste
minoritaire et peine à être prise au sérieux. D'autre part,
son nom évoque clairement ses fondements religieux. Ceci peut lui
être préjudiciable, car cela lui donne une image obsolète,
décorrelée de la modernité du monde. Ainsi il est possible
que cet élément lui incombe à terme. Au demeurant, comme
nous l'avons évoqué l'islam est une religion qui souffre
aujourd'hui d'une mauvaise image. Ceci étant dû, notamment,
à l'amalgame qui se fait (à tort) entre islam et terrorisme,
depuis le 11 septembre 2001.
Enfin les risques que doivent supporter les banques islamiques
sont très spécifiques. Effectivement, la nature des prestations
qu'elles servent influe sur les risques pris. Ainsi, si on prend l'exemple du
contrat moucharaka, on peut voir que la banque prend à la fois un risque
de préteur mais aussi un risque
entrepreneurial. Ainsi en fonction du contrat elle prendra un
risque différent.
De plus, on notera que le risque opérationnel est
renforcé pour une banque islamique. Ainsi, du fait de sa jeunesse et des
contraintes juridiques qu'elle doit subir, les process établis ne sont
pas assez usités pour avoir un recul suffisant sur leur
efficacité. Afin de pallier cette contrainte l'IFSB (Islamic Financial
Service Board) tente d'établir des standards internationaux. Ainsi
l'AAOIFI (Accounting and Auditing Organization of Islamic Financial
institution), prévoit l'harmonisation des normes comptables
internationales.
La finance islamique est un système qui cherche
à endiguer certains aspects de la finance conventionnelle. Cependant,
nous avons pu voir qu'elle n'était pas forcément adaptée
à la finance classique. Par exemple, elle ne prend pas en compte
l'inflation. En effet, nous pourrons voir qu'à l'instar du
système libéral (qui fonctionne uniquement dans un contexte de
concurrence pure et parfaite), la finance islamique ne pourrait fonctionner que
dans un contexte où la finance classique (qui représente la
majeure partie des échanges) n'existerait pas. Ce paradigme comporte ses
avantages et ses inconvénients. En réalité, même
s'il occulte certains inconvénients spécifiques aux crises que
l'on évoqués, il en comporte d'autres.
CONCLUSION
T
out au long de notre étude nous nous sommes
intéressés à l'éthique au sein du monde financier.
Nous nous sommes, dans un premier temps, penchés sur le fonctionnement
de ce système, ainsi que sur ses défauts. Nous avons
retracé un bref historique montrant comment nous sommes arrivés
à créer une finance de plus en plus
décorrélée de la réalité du monde. En effet,
nous avons créé, tout au long de notre histoire
financière, un certain nombre d'outils permettant d'effectuer des
opérations sur des actifs non tangibles. Fort de ce constat nous avons
cherché à savoir quelles pouvaient être les
conséquences de cela. Ainsi, nous avons pu observer que ce
système favorisait l'immoralité, mais aussi la prise de risque
inconsidéré, mettant au danger tout un mécanisme
financier. C'est dans ces conditions que naquit le risque systémique.
Dans ce contexte, nous avons étudié la finance
islamique. Un paradigme reposant sur les principes du Coran. Cette
dernière étant, une finance essentiellement basée sur des
principes éthiques. Elle prône, notamment, un modèle
économique, totalement dénué d'intérêts. Elle
encourage le financement par prise de participation, renforçant ainsi
une relation de partenariat entre une banque et son client. Elle interdit la
spéculation et ses outrances. Enfin, elle interdit la transmission
d'actifs toxiques entre les banques.
C'est dans ce cadre que nous nous sommes interrogés sur
les solutions qu'elle pouvait générer pour endiguer la crise.
Ainsi nous avons vu qu'elle apportait certaines réponses à ce
contexte. Effectivement, son mode de fonctionnement lui permet d'éviter
le risque systémique. De plus elle permet à ses banques de
revêtir un aspect « social » auprès de ses
clients. Enfin elle oblige ses institutions financières, à se
constituer de réels fonds propres pour pouvoir fonctionner. Cependant
nous avons vu qu'elle n'est pas une solution miracle face à la crise. En
effet, de par les restrictions qu'elle impose à ses banques, elle ne
peut pas se développer rapidement. De plus, même si elle endigue
certains risques inhérents aux crises économiques, elle en porte
d'autres qui lui sont propres. Enfin elle souffre d'un réel risque
d'image, dans le monde mais aussi et surtout en France.
Ainsi nous pouvons qualifier la finance islamique de
prometteuse. Effectivement, les valeurs qu'elle prône, ainsi que ces
objectifs font d'elles un paradigme très intéressant. Elle est
pour un retour à l'exercice d'une activité bancaire
traditionnelle de proximité. Ses outils simples d'accès, et sa
conception des valeurs humaines lui permettent de replacer ses clients au
centre de l'intérêt de la banque. Ainsi peut-on voir dans ce
retour aux sources, un modèle d'avenir. C'est pourquoi on peut supposer
que dans le cas où cette crise nous entrainerait dans un cataclysme, les
personnes se tourneraient vers un modèle, à l'image de cette
finance. Elle pourrait répondre aux attentes des personnes en proposant
une offre de détail plus complète. Ce serait un retour à
l'expression de leur spiritualité. En effet, André MALRAUX a
dit : « Je pense que la tâche du prochain
siècle, en face de la plus terrible menace qu'ait connue
l'humanité va être d'y réintégrer les
Dieux»48(*).
LEXIQUE
A- AL Boukhari: érudit de
l'islam ayant, entre autre écrit Al-Jâmi'us-Sahih,
un recueil de hadiths qualifiés d'authentiques par la communauté
musulmane.
C- Charia: droit musulman
Coran :livre sacré des
musulmans. Ecrit par le prophète Muhammad à destination des
humains, il recenserait les paroles de Dieu (Allah pour les Musulmans)
F- Fatwa: opinion émise par un
ouléma
Fiqh: jurisprudence islamique
G- Gharar : hasard en arabe
H- Hadiths :histoires
retraçant la vie du Prophète Muhammad
Hadj : pèlerinage du
musulman. Il s'effectue à la Mecque
Halal:ce qui est licite en dans la
religion musulmane
Haram: ce qui est illicite dans la
religion musulmane
I- Imam Khomeiny :imam de la
Mecque
K- Khoufala: signifie
« successeurs » en arabe. Ce mot désigne donc les
premiers califats ayant propagé l'islam à travers le monde
O- Ouléma :érudit,
savant théologien musulman
M- Maysir :spéculation
à outrance
Mouslim: érudit de l'islam
ayant, entre autre écrit Sahih-i-Muslim un recueil de
hadiths qualifiés d'authentiques par la communauté musulmane.
Muhammad :aussi appelé
Mahomet, il est le plus grand prophète de l'Islam, celui qui aurait
consigné les paroles d'Allah dans le Coran.
R- Riba: intérêts
usuraires
Ribawi : adjectif qualifiant un
produit comprenant des intérêts
S- Sunna :la tradition du
prophète Muhammad. Elle est suivie par les musulmans sunnites
T- Takaful : assurance
islamique
U- Umma: communauté
islamique
Z- Zakat: aumône obligatoire
dans l'islam
ANNEXES
ANNEXE 1 : Le
système de refinancement
Couverture et refinancement des crédits
accordés par une banque grâce...49(*)
|
En interne
|
En externe
|
Fonds propres
|
Monétaire
|
Hypothécaire
|
Financier
|
Liquidités
|
-Marché des taux :
Interbancaire :
Eonia
Euribor
Banque centrale taux
Refi
-Marché des titres :
Titres de créances négociables :
C.D.-B.I.F.S.-B.M.T.N.-B.T.N.
|
C.R.H.
Caisse de Refinancement hypothécaire
|
Marché secondaire : bourse
|
Monétaire
Souscription de TCN par les OPCVM
|
Hypothécaire
Titrisation de créances en obligation
|
FCC
Fonds Communs de Créances
ANNEXE 2 : Volume des
émissions de CDO dans le monde
Volume des émissions de CDO dans le monde50(*)
|
Date
|
Montant en Milliards $
|
Nombre
|
2000
|
237,39
|
226
|
2001
|
351,35
|
341
|
2002
|
394,40
|
261
|
2003
|
413, 96
|
248
|
2004
|
960,10
|
403
|
2005
|
1784,57
|
582
|
2006
|
3588 ,76
|
1162
|
2007
|
3099,09
|
1142
|
2008
|
212,48
|
166
|
ANNEXE 3 : Les
Musulmans en Europe (données 2006)51(*)
Pays
|
Chiffres officiels
|
Chiffres non officiels
|
Allemagne
Autriche
Belgique
Chypre
Danemark
Espagne
Estonie
Finlande
France
Grèce
Hongrie
Irlande
Italie
Lettonie
Lituanie
Luxembourg
Malte
Pays-Bas
Pologne
Portugal
République slovaque
République tchèque
Royaume-Uni
Slovénie
Suède
Suisse
|
3 000 000
338 988
4 182
270 000
1 000 000
1 387
2 833
5 500 000
5 777
17 979
825 000
355
2 860
945 000
5 123
12 014
3 700
1 600 000
47 488
300 000
310 000
|
3 400 000
360 000
1 064 904
360 000
8 898
3 000
3 000
400 000
|
Total
|
14 188 986
|
|
ANNEXE 4 : Panorama
des produits financiers islamiques
PANORAMA DES PRODUITS FINANCIERS52(*)
|
Produits
|
Eligibilité charia
|
Prêt à la consommation, immobilier,
automobile, PME
|
A construire
|
Livret A, B, LDD
|
A construire
|
Monétaire
|
Non
|
FCP
|
Oui sous conditions
|
FIP
|
Oui sous conditions
|
SCPI/OPCI
|
Oui sous conditions
|
Assurance-vie
|
Oui sous conditions
|
PEA
|
Oui sous conditions
|
Obligation
|
Non
|
Produit dérivé
|
A construire
|
Investissement direct Action
|
Oui sous conditions
|
ANNEXE 5 : Bilan
Simplifié d'une banque islamique53(*)
Actif
|
Passif
|
Trésorerie et opérations interbancaires
-Liquidités et réserves auprès de
la Banque centrale, banques et établissements financiers, mourabaha
de court terme interbancaire.
Financements d'actifs
-Financements de type mourabaha.
-Financement de type istisnaa.
-Ijara.
-Assalam.
-Autres financements d'actifs.
Investissements
Sukuks acquis.
Participations
-Participation dans les investissements
moudharaba.
-Participation dans les investissements
moucharaka.
-Participation dans les filiales.
Immobilisations
-Propriétés.
-Equipements.
Autres actifs
|
Trésorerie et opérations
interbancaire
-Banques et établissements financiers, mourabaha
de court terme interbancaire.
Dépôts
-Comptes courants : dépôts sans
intérêt. Capital garanti.
-Mourabaha de court terme interbancaire et à la
clientèle.
-Mourabaha syndiquée de long terme
Dépôts d'investissement de partage du profit et de
la perte moudharaba et moucharaka.
Capital non garanti.
-Réserve de péréquation (Profit
Equalization Reserves).
-Sukuks émis.
Autres passifs
Fonds zakat : alimenté par l'aumône
légale perçue auprès des actionnaires, des
déposants et des employés.
Fonds propres
|
ANNEXE 6 : Compte de
résultat simplifié d'une banque islamique54(*)
Produits opérationnels
(-)
Charges opérationnelles
(-)
Distribution aux dépôts d'investissement de
partage du profit et de la perte
=
Revenu net des investissements
(+)
Commissions perçues sur services
bancaires
(+)
Autres revenus opératoires
=
Revenus opératoires totaux ou produit net
bancaire
(-)
Charges salariales
(-)
Location, dommages, dépréciations,
amortissement
(-)
Autres dépenses administratives et
rémunération du comité directeur
=
Résultats nets
|
ANNEXE 7 :
Éthique: les axiomes de la finance islamique:55(*)
Valeur
|
Sujet
|
Maximes
|
Réalité
|
La monnaie
|
La monnaie est une mesure de la valeur, pas une valeur en soi.
C'est l'économie réelle qui prime; l'inflation notionnelle n'est
pas souhaitable.
|
Responsabilité
|
La dette
|
La dette est sacrée; elle constitue une
responsabilité et ne fait pas l'objet d'un échange. L'endettement
excessif est découragé.
|
Copropriété
|
La régence sur le monde
|
Les Hommes ne sont pas maîtres et possesseurs de la Nature;
ils en sont seulement les dépositaires.
|
Équité
.
|
La justice
sociale
|
La finance participative, de type actionnariale et mutualiste,
est encouragée; ni la spéculation, ni la thésaurisation ne
sont souhaitables
|
Séquentialité
|
La production
et l'échange
|
La production précède l'échange marchand: on
ne peut pas vendre ce qu'on ne possède pas.
|
BIBLIOGRAPHIE
Entretiens
-Amine NAIT DAOUD, le 2 décembre 2011, associé
du cabinet 570, spécialisé en ingénierie financière
islamique
-Arnaud PETIT, le 18 mai 2012, ancien professeur de marketing
bancaire (notamment INSEEC, Normale sup), aujourd'hui chargé d'affaires
entreprises au CIC-Est
-Un technicien de service de la Chaabi Bank (n'ayant pas
souhaité donner son nom), le 30 mai 2012.
Ouvrages :
-Institut de Recherches et de Formation Banque Islamique de
développement (1992), Introduction techniques islamique de
financement (Djeddah, 206 pages).
-Olivier PASTRE et Krassimira GECHEVA (2008), La
finance islamique à la croisée des chemins (197
pages).
-Eloi LAURENT (2012), Economie de la finance, la
découverte, (Paris, 122 pages).
-Isabelle CHAPELIERE (2009), Ethique& finance en
Islam, Koutoubia (329 pages).
-Dhafer SAIDANE (2011), La finance islamique à
l'heure de la mondialisation (2ème édition),
RB édition (128 pages).
Articles de presse et études :
-Frédérique GARROUSTE, Faut-il avoir peur
des CDO ?, Option finance, 10 septembre 2007
-Frédérique GARROUSTE, les CDO
s'enfoncent dans la tourmente, AGEFI HEBDO du 9 au 15 octobre 2008
- Patrick VIGNAL, La SocGen sur la sellette
à son tour au procès Kerviel 8 juin 2012, Reuters 7 juin
2012
- Hubert BOELTZ, Vous avez dit la crise ?,
13 avril 2012, (10 Pages)
-AFP (non signé), La finance islamique fait un
nouveau pas en France avec une assurance-vie, le 18 avril 2012
-Amine NAIT DAOUD, mémoire finance
islamique & fonds sharia compliant, Université d'Evry val
d'Essonne, année 2007-2008
Rapports
-Cabinet Deloitte, Relations banques et clients,
Comment regagner durablement la confiance des clients ?, mai 2011 (24
pages)
-La Finance islamique rapport 2011, quels marchés
et quelles opportunités pour les banques de détail,
commandé par l'IFAAS, (55 pages)
Support de conférences
- Anouar HASSOUN Cartographie de la finance
islamique, le 21 novembre 2009, IAE Lyon
-Anouar HASSOUN les fonds propres des banques
islamiques face aux exigences règlementaires, Paris, janvier
2010
- Cabinet Gide Loyrette Nouel dernières
avancées du cadre juridique et français,
présenté au IVe Forum Français de la Finance Islamique, le
28 octobre 2010
Sites internet
-www.toutsurlesimpots.com : consulté entre l9et le
23 mai 2012
-www.diplomatie.gouv.fr: consulté entre le 10 et le 15
mai 2012
-www .chaabibank.com : consulté entre le 25
et le 30 mai 2012
-www.tamwil-islami.com : consulté le 10
juin
* 1 Rapport IFAAS 2011,
La Finance islamique rapport 2011, quels marchés et quel
opportunités pour les banques de détail, commandé
par l'IFAAS
* 2BOELTZ Hubert, Vous
avez dit la crise ?,13 avril 2012
* 3 Nous y reviendrons plus loin
dans notre étude
* 4 Source :
http://www.diplomatie.gouv.fr/
* 5 Entretien du 18 mai 2012
* 6 D'après Arnaud
PETIT
* Reuters, La SocGen sur la
sellette à son tour au procès Kerviel 8 juin 2012»,
paru le 7 juin 2012
* 7 LAURENT Eloi,
économie de la confiance, édition la
découverte, 2012
* 8Depuis le sommet de
Bruxelles du 27 Janvier 2012
* 9 Caisse d'épargne
* 10 HSBC
* 11 LCL
* 12 Société
Générale
* 13 Source : Cabinet
Deloitte, mai 2011, Comment regagner durablement la confiance
des clients ?
* 14Toutes les dates figurant
dans cet historique se réfèrent au calendrier grégorien
* 15Aumône obligatoire en
islam
* 16 Pèlerinage à
la Mecque
* 17Filiales de banques
classiques répondant aux normes islamiques
* 18 SACHT Joseph (1953),
esquisse d'une histoire du droit musulman
* 19 Source
www.tamwil-islami.com, tiré du sitehttp://www.hsbcamanah.com/
* 20 Nous ne prenons pas en
compte les divergences de courant islamique
* 21NAIT DAOUD Amine dans son
mémoire finance islamique & fonds sharia
compliant, Université d'Evry val d'Essonne, année
2007-2008 ; Mémoire nominé au concours des Mémoires
de l'Economie et de la Finance organisé par le Centre des Professions
Financières de Paris
* 22Conseil de
coopération du golfe regroupant : l'Arabie saoudite, d'Oman, du
Koweït, de Bahreïn, des Émirats arabes unis et le Qatar.
* 23Coran
sourate 70, verset 15-18
* 24 Idée reprise par
Amine NAIT DAOUD dans son mémoire op.cit.
* 25On notera que dans le
judaïsme, il est interdit de prêter avec intérêts
à un juif, mais que la prise d'intérêts est autorisé
si il le débiteur est un non juif. Cette nuance appliqué au
Lévitique verset 35 à 37, est introduite dans le
Deutéronome chapitre 23 ; versets 19 et 20).
* 26 Tradition du
prophète Muhammad. Elle fait partie des sources de droit des musulmans
Sunnite
* 27 FALL OULD-BAH Mohamed,
(2007) l'argent de Dieu. Contribution à une
anthropologie économique des systèmes financiers musulmans»,
thèse de doctorat soutenue à l'université Paul VERLENE
* 28Entretien du 2
décembre 2011
* 29SAIDANE Dhafer, (2012)
La finance islamique à l'heure de la
mondialisation
* 30SAIDANE Dhafer op. cit.
* 31SAIDANE Dhafer op. cit.
* 32 AL-JAHRI Mabid Ali et
IQBAL Munwar, Banques islamique : réponse à des
questions fréquemment posées, 2001
* 33SAIDANE Dhafer op. cit.
* 34SAIDANE Dhafer op. cit.
* 35 Dictionnaire Larousse
Arabe, 1987 p. 848
* 36SAIDANE Dhafer op. cit.
* 37 Rapport sénatorial
Arthuis n°33 du 17 octobre 2007
* 38 2007 Review & 2008
Outlook,
* 39 Graphique crée par
l'auteur à a partir des informations contenues dans le livre de Dhafer
SAIDANE op. cit.
* 40 Forum financier de
l'association Paris Europlace, 2008
* 41
Source : www.toutsurlesimpots.com
* 42FULCONI-TIELENS
Andréane (2007 b), La finance islamique a-t-elle un avenir
prometteur en France ? revue Banque n°696, novembre
* 43SAIDANE Dhafer op.cit.
* 44 Elément que nous ne
développerons pas dans notre étude, car il relève plus de
l'assurance que de la finance
* 45 AFP, le 18 avril 2012,
La finance islamique fait un nouveau pas en France avec une
assurance-vie,
* 46HASSOUN Anouar
conférence à l'IAE de Lyon le 20 novembre 2009 :
« cartographie de la finance islamique »
* 47PASTRE Olivier et
GECHEVA Krassimira: « La finance islamique à la
croisée des chemins »
* 48MALRAUX André
(1955)
*
49Source : MAZZONI Jean-Christian cours
d'institution et gestion bancaire 2012
* 50Source : GARROUSTE
Frédérique, les CDO s'enfoncent dans la tourmente, AGEFI
HEBDO du 9 au 15 octobre 2008
* 51 Source : SAIDANE Dhafer
(2011), La finance islamique à l'heure de la
mondialisation (2ème édition), RB édition
* 52 Source :La
finance islamique rapport 2011, quels marchés et quelles
opportunités pour les banques de détail, commandé
par l'IFAAS et l'ACERFI
* 53Source: SAIDANE Dhafer
op.cit.
* 54Source: SAIDANE Dhafer
op.cit.
* 55 Présentation de
HASSOUN Anouar du 20 novembre 2009 à l'IAE de Lyon
|