L'expression de la Liberté dans "sous le jasmin la nuit " de Maà¯ssa Bey( Télécharger le fichier original )par Abdelkader Belkhiter Université de Saida Algérie - Magister 2009 |
Liberté et/ou NécessitéL'écriture, poétique ou prosaïque pour qu'elle soit authentique, doit revêtir le cachet personnel de son auteur. Ainsi, peut-on dire qu'elle doit laisser transparaître son moi profond comme le ferait un prisme ? Certes, écrire, c'est être franc, c'est dire, se dire. En un mot, elle est pour le lecteur le radar qui lui permet de suivre, de cerner la personnalité de l'auteur. Chaque fois qu'on écrit un poème ou simplement quelques phrases, c'est une parcelle de son être qu'on offre à ses lecteurs qui peuvent la rejeter ou l'accepter selon la force et la nature des vibrations qu'elle déclenche chez ces derniers. Il est important de souligner que l'écriture répond à un besoin de survie, une nécessité d'être ou une volonté de conjurer ou d'exorciser des situations insoutenables mais aussi d'immortaliser des situations heureuses, inattendues ou inespérées. Chez Maïssa Bey, l'écriture est liée à une nécessité de défendre les droits de la femme, d'être une Algérienne. Elle a eu la perception d'un monde où le malheur était subi essentiellement par les femmes. Un malheur qu'elle a refusé. De ce refus est née l'envie d'avoir une vision poétique du monde qui était trop sinistre et trop difficile à comprendre. Elle a essayé d'introduire dans la conscience douloureuse du peuple algérien, à travers le déploiement de la subjectivité, de l'intimisme et du corps de la femme gommé dans le monde arabo-musulman où la religion, par exemple, vidée de son contenu mystique et extatique est réduite à une série de pratiques dogmatiques essentiellement fondés sur la demande. Demande surtout d'un paradis même si on fait des massacres, des tueries pour le mériter. Tentative donc alors de flouer Dieu, ce qui semble pour Maïssa Bey un acte insensé. Cette façon de réduire la religion à une série de dogmes et de rituels mécaniques était révoltante. Cela avait donné et donne encore une société hypocrite où le mensonge est érigé en dogme absolu et sécrète une nuisance incroyable. A travers ces écrit, Maïssa Bey veut dénoncer cette société algérienne, une société figée, avec quelque chose de préfabriqué, de lourdement et massivement réifié. Certes, il était évident que seule la subjectivité pouvait désamorcer cette clôture du moi algérien ficelé, structuré et immobilisé par sa vision parcellaire et paresseuse de la religion musulmane très pragmatique qui déterminait à l'avance le moindre geste, le moindre comportement à travers une structure préétablie des siècles plus tôt. La misère, l'analphabétisme et les superstitions font périr cette société. Un certain nombre d'interdits la transformait aussi dans un état de psychose délirante caractérisée par une perte de contact avec la réalité et une dissociation de la personnalité. Le fait politique était lui aussi marqué par la répression massive et impitoyable tantôt de la colonisation, tantôt du terrorisme dont les massacres, tortures et autres barbaries ont bercé l'enfance de l'écrivaine 6(*) qui a baigné dans le sang. Le sang, cet élément qui est à la fois de l'ordre du licite et de l'interdit. Il y eut des massacres organisés par l'armée française lors de l'occupation, et par les terroristes après la dissolution du parti «FIS » qui a gagné en 1992 les élections dans une Algérie plongée dans l'ombre de la grande désillusion. Lors de cette décennie noire, Elle a vu le sang couler dans les rues, des jeunes filles prises par force, violées, torturées. Ce fut là la constitution de sa névrose personnelle qui va irriguer tout son travail d'écrivaine. * 6 - Maïssa Bey avait sept ans quand elle a perdu son père mort en 1957 suite à des tortures que lui ont infligées des militaires français, venus le chercher à la maison et emmené devant elle. Elle était marquée à jamais de cette séparation brusque et brutale. |
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