2. LES DIFFERENTES DROITES
C'est a Paris que les nationalistes occupent leur
position de très loin la plus forte : ils y enlèvent seize des
quarante sièges a pourvoir. En outre, deux des dix sièges de la
banlieue parisienne leur reviennent ainsi que cinq des dix sièges de
Seine-et-Oise. Ils obtiennent encore de bons résultats en Lorraine, oil
ils enlèvent sept sièges sur dix-sept.
Quarante et un des soixante-dix-huit élus
conservateurs viennent des quatorze départe ments de
l'Ouest4. Le départe ment le plus « réactionnaire
» est le Maine-et-Loire qui envois siéger au Palais-Bourbon six
conservateurs sur sept députés. Par ailleurs, les conservateurs
occupent une position assez bonne dans la partie méridionale du Massif
Central, et ils obtiennent des résultats honorables dans le Nord et le
Pas-de-Calais.
Les républicains progressistes ont une forte
position en Normandie oil ils enlèvent près de la moitié
de sièges (dix-sept sur trente-cinq). Ils sont égale ment assez
bien placés dans l'ouest du Bassin Parisien et dans la région du
Nord, en particulier dans l'Oise, la Seine-et-Oise, la Somme et le
Pas-de-Calais. Dans l'Est, ils obtiennent surtout de très bons
résultats dans les Vosges, et dans une moindre mesure dans la Marne.
Enfin, dans les Basses-Pyrénées et dans les Alpes-Mariti mes, ils
enlèvent la majorité des sièges.
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4 Sans compter quelques
nationalistes catholiques.
3. L'EVOLUTION (cf~ carte n°3)
Elle intéresse plusieurs points :
a) En Bretagne, en Vendée et dans le Maine, on
enregistre d'assez nets progrês des conservateurs. Le Morbihan et la
Vendée fournissent deux bons exe mples a cet égard. Cela confirme
le juge ment d'André Siegfried : a en se retranchant sur la ligne de
defense catholique, l'opposition a en realite renforce ses positions de
resistance »5.
b) En Normandie, les quelques modérés
qui s'étaient prononcés en faveur de Waldeck-Rousseau sont battus
a une exception prês. Quant aux modérés
antiministériels, ils conservent tous, sauf au Havre6 leurs
positions face a des adversaires de gauche et ils gagnent même quelques
sieges a leur détri ment. Mais dans le départe ment du calvados
ils subissent quelques échecs du fait de l'extrême droite
plébiscitaire, car en Basse-Normandie la poussée nationaliste a
provoqué un brusque réveil du bonapartis me latent.
c) Dans le départe ment de la Seine les
élections législatives de 1902 confirment, aprês les
élections municipales de 1900, le passage sans transition du radicalis
me ou du socialis me au nationalisme des arrondissements centraux et du
17"me arrondissement de Paris. Ces quartiers, joints a d'autres
(7"me, 8"me, 16"me et Neuilly) depuis longte
mps acquis a la « réaction », vont désormais former au
cceur meme de la région parisienne un nouveau et solide bastion de la
droite.
d) La Lorraine bascule décidé ment a
droite. Seul un radical doit a ses prises de position antidreyfusardes
intransigeantes de conserver son siege a Toul. Partout ailleurs, les
modérés ministériels sont « balayés ».
Quant aux républicains progressistes, malgré leurs votes contre
Waldeck-Rousseau, ils sont battus ou dangereuse ment menacés par des
nationalistes7. L'affaire Dreyfus a donc ici
5 André SIEGFRIED,
Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième
République, p.502.
6 Jules SIEGFRIED bat un
républicain progressiste.
7 C'est en particulier le cas
de Méline à Remiremont (Vosges).
accéléré une évolution
déjà entamée. On doit par ailleurs dire que le nationalis
me lorrain a un caractère moins outrancier, moins dé magogique
que le nationalis me parisien. 1l est plus e mpreint de patriotis me, car plus
sensible au souvenir des provinces perdues et au voisinage menagant de l'Alle
magne.
e) Dans le Sud-ouest, une double évolution se
poursuit. D'une part dans les
huit départe ments de la haute et de la moyenne
Garonne, la droite conservatrice perd la majeure partie de ses
positions8. D'autre part, les Landes et les
BassesPyrénées évoluent vers la droite. Dans les
Basses-Pyrénées, seule la personnalité de Louis Barthou
permet a la gauche, très modérée, de conserver certaines
positions.
A la suite des élections de 1902 se constitue
ainsi une nouvelle géographie politique de la droite, très
différente de celle des débuts de la Illème
République, et qui va subsister sans grands change ments jusqu'à
la Première Guerre mondiale. Les principaux change ments intervenus
depuis 1871 sont d'une part le passage du centre de l'ouest de Paris ainsi que
de la Lorraine a droite et, d'autre part, la perte par la droite de la plus
grande partie des très fortes positions qu'elle occupait en Aquitaine et
Languedoc.
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8 Piou, Cassagnac,
Prax-Paris, Delpech-Cantaloup, le marquis de Solages sont battus.
CARTE O39
9 Reproduction d'une carte figurant dans l'ouvrage de
monsieur René REMOND, La Droite en France,
p.327
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