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Rapports "mère- fils " à  travers la bru dans la famille gabonaise actuelle

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par Floriane Mélinda KAYIBA
Université Omar Bongo Libreville - Maà®trise en sociologie de la connaissance 2009
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ OMAR BONGO

FACULTÉ DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

DÉPARTEMENT DE SOCIOLOGIE

Rapports « mère-fils » à travers la bru

dans la famille gabonaise actuelle

Sociologie de la Connaissance

Présenté et soutenu par : Sous la direction de :

Floriane Melinda KAYIBA Claudine-Augée ANGOUE

Maître-Assistant

Dédicace

Cette production scientifique est dédiée à mes parents, notamment à mon père monsieur Aloïse MAYOMBO et à ma mère Joséphine ILEMBE MOUELE, pour l'amour, le soutien matériel, spirituel, et leur présence sans faille.

Profonde gratitude et respect !

Remerciements

Aucune production scientifique ne s'est faite seule. De ce fait, pour ce travail, nous voudrions remercier en premier lieu notre Directeur de recherche, monsieur Jean Ferdinand MBAH, qui a bien voulu assurer la direction de ce travail.

Profonde gratitude et respect !

Nos sincères remerciements vont également à l'endroit de tous les enseignants du Département de Sociologie, qui ont participé de près ou de loin à la réalisation de ce travail, par les enseignements qui nous ont permis de mieux appréhender la sociologie. Nous pensons ici à monsieur Mesmin-Noël SOUMAHO, pour sa rigueur et la méthodologie dans le travail intellectuel, à monsieur Joseph TONDA, à madame Claudine Augée ANGOUE et monsieur Placide ONDO, pour leurs orientations dans notre travail.

Aussi,nos remerciements vont à ma fille Merveilles Asthine Janny ILEMBERENAMY qui me donne encore chaque jour la force de continuer mes études, à Lionel Cédrick IKOGOU-RENAMY qui ne cesse de m'aider moralement, financièrement et pour sa présence dans les moments d'épreuves ; à toute ma famille, mes frères, soeurs, en tête desquels Yvon Mauxer MONDJO, Yvan Cédrick MAYOMBO, Arnold Landry MAYOMBO, Claude Martial LEBIOGHO, Anouchka Carène BOUKOUNDI, Brice Allan MOUELE MAYOMBO, Andy Marvhel YABA MAYOMBO, Darnel Christopher BOUDIALA MAYOMBO, pour leur soutien moral,spirituel et pour avoir veiller sur ma fille. Enfin, un grand merci à Herlange TSOUNGUI.

A tous nos amis Michelle KOUMBA IBINGA, Sonia Prisca GUITSOUGA, Franck NDONG BITEGHE. Janny DIVAGOU IBRAHIM KUMBA, Isabelle MENGUE, Joël Gaby BOUKA, Anouchka Idlege MVOU LOUBA, Gladice DIMANGA MAYOMBO, Susanna MOUSSONGOU IBRAHIM KUMBA, Perrin Hermann IKHOUBANGOYE, Davis Willis KOUMBI OVENGA et à Nikita AZINGO, Joe Francis DEMBA. A tous mes frères jécistes et ceux de la Coordination Paroissiale des Jeunes de St Michel pour leurs soutiens spirituels et à toutes les personnes qui ont bien voulu accepter de répondre à nos entretiens.

Nous ne pouvons terminer sans remercier la famille de monsieur Sylvain IKOGOU pour son soutien moral et les conseils apportés ; en particulier Isaac IKOGOU

index du tableau

> Tableau de la construction du concept du «conflit » . 36

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Dédicace

Remerciements Index du tableau Sommaire

Introduction générale . 1

Les préalables épistémologiques 3

Section 1 : Objet et champ de l'étude . 3

Section 2 : Construction du modèle d'analyse 9

Section 3 : Démarche méthodologique 34

Première partie : La question du mariage au Gabon en période précoloniale 39

Introduction de la première partie .... 40

Chapitre I : Aperçu historique sur la question du mariage 41

Section 1 : La conception du mariage dans la commune ancienne 41

Section 2 : Echanges relationnels entre la bru et la belle famille 51

Chapitre II : L'impact de la période coloniale sur la société gabonaise 59

Section 1 : Instrumentalisation des valeurs occidentales 59

Section 2 : Le choix ou la rencontre du conjoint 64

Conclusion de la première partie 70

Deuxième partie : Les rapports entre bru et belle-mère dans la famille gabonaise actuelle ..71

Introduction de la deuxième partie .72

Chapitre III : Les rapports mère-fils à travers la bru 73

Section 1 : La relation « mère-fils » 73

Section 2 : Domination symbolique et relation belle-mère et bru 77

Chapitre IV : La réfraction des rapports sociaux au sein du couple 96

Section 1 : L'instabilité du couple et le recours à différentes pratiques telle la

sorcellerie ..96

Section 2 : Affirmation de la bru 102

Conclusion de la deuxième partie 106

Conclusion générale 108

Références Bibliographiques 111

Table des matières 118

Annexes

Introduction générale

La Sociologie de la famille, du mariage est une des nombreuses branches qui composent la Sociologie générale. Il va de soi que cette sociologie de la famille, du mariage s'intéresse particulièrement au phénomène du mariage ; en ce sens que pour nous, il n'y a de famille que parce qu'il y aurait eu au préalable mariage. Affirmer cela, c'est dire que « le mariage définit des modalités d'une union légitime, approuvée par la société et déterminant plus spécialement les relations entre mari et femme. >>1 Justement, en partant de cette définition du mariage que nous propose Jacques LOMBARD, nous nous intéressons à la formation sociale gabonaise actuelle.

A ce sujet, nous avons constaté qu'au sein même de la famille gabonaise actuelle, précisément dans la relation entre belle-mère et bru, il existe un conflit qui apparaît manifeste ou latent selon les situations, et a des répercussions dans le couple. De plus, il prend forme par des actes et des injures de la part des deux acteurs tels : « quand je me dispute avec mon mari, ma belle-mère prend la part de son fils. Lorsque je dors avec mon mari, elle vient me réveiller à 5 heures du matin en disant que vous êtes entrain de"baiser", allons-y en brousse.>>2 Ou encore, « quand elle lave le linge de son mari~ n'a jamais pris ne fusse qu'une fois dans le mois le linge du beau-père, de la belle-mère. En passant elle peut prendre le linge des frères du mari pour laver ne fusse que deux tenues mais rien. Quand elle fait la vaisselle, le reste des travaux, elle laisse pour les beaux-frères et

la belle-soeur sachant que les beaux-frères ne travaillent pas souvent, c'est la belle-soeur quis'occupe du reste du ménage. Elle aime toujours rester dans la chambre et quand le mari est

là, ils passent plus de temps dans la chambre mari et femme. Mon fils me donnait au moins 50000f chaque fin de mois, il ne me donne vraiment plus rien depuis qu'elle est venue rester avec nous.»3

1 Jacques LOMBARD, Introduction à l'ethnologie, 2ème édition, Paris, Armand Colin, (coll. « Cursus, série Sociologie »), 1998, p.54.

2 Propos de madame I.E.E, bru, vit en concubinage, 2 enfants, sans profession.

3 Propos de madame I.M.J, 43 ans, belle-mère, archiviste, 10 enfants.

Notons que ces conflits mettent le fils dans une situation délicate. Selon toute vraisemblance, c'est ce genre de conflits ou rapports conflictuels entre belle-mère et bru qui alimentent les conversations dans les différents quartiers de Libreville, sous la rubrique du << Kongossa4. » Aussi, toute la difficulté de cette étude résiderait dans le fait d'expliquer ce phénomène social en se gardant de donner le tort à un des acteurs : et qu'il a été souvent difficile de pouvoir collecter les récits de vie des informatrices et des informateurs, qui vivent ces situations.

Pour la simple et bonne raison qu'il s'agit de « s'introduire » dans la vie privée des gens ; dans le but de nous faire partager leurs expériences ; que les femmes trouvent douloureuses en réveillant ces souvenirs. Elles préférèrent tourner la page. Porter notre regard sur le phénomène des rapports << mère-fils >> à travers la bru, c'est montrer que l'homme est un alibi pour voir comment se lisent les rapports entre belle-mère et bru. C'est aussi tenter d'appréhender, à partir de la famille gabonaise, considérée comme le premier canal de socialisation de l'individu, des logiques de pouvoir et de lutte qui s'installent et se manifestent ; out comme qui détient le pouvoir.

Faire cette incursion dans la vie du couple, c'est en outre tenter de comprendre en vue d'expliquer les mécanismes en filigrane qui expliqueraient les divorces les divorces, les familles recomposées, etc. Cette étude veut saisir les fondements sociaux des rapports conflictuels entre la belle-mère et la bru. Enfin, notre Mémoire de Maîtrise se compose de 3 parties qui sont respectivement, les préalables épistémologiques, d'une première partie axée sur la question du mariage au Gabon en période précoloniale et pour finir, la seconde partie traitera des rapports entre bru et belle-mère comme objet à proprement parlé.

Préalables épistémologiques

Section 1 : Objet et champ de l'étude.

1- Les rapports mère-fils à travers la bru comme objet d'étude.

Le travail que nous avons réalisé porte sur la « famille. » Il s'agit d'étudier les rapports entre la mère et son fils à travers la bru dans la famille gabonaise actuelle. Pour mener à bien notre étude, nous nous sommes appesantis sur la famille élargie; celle composée du père, la mère, les enfants, les grands-parents, les neveux, les oncles, les tantes etc. vivants sous un même toit. Il convient de noter avec Henry MENDRAS que, << le terme de famille est ambigu dans notre langage (...) Il désigne les gens liés par le sang et éventuellement les alliés : mes oncles, mes tantes, mes grands-parents, mes cousins, constituent ma famille. »5

Dans notre contexte d'étude6, trois cas de figures ont été constatés en ce qui concerne la belle-mère et la bru. En effet, la belle-mère désignerait ici la femme qui a mise au monde l'enfant et l'a élevé elle-même ; soit celle qui n'a pas mise au monde l'enfant mais l'a élevé jusqu'à ce qu'il soit grand ou alors, les grandes soeurs du mari qui ont participé à son éducation, après le décès de la maman ou alors, quand cette dernière n'avait pas de moyens. De même, la bru ou belle-fille désignerait l'épouse de son fils. Par épouse on attend ici soit celle qui vit en concubinage depuis plus de cinq ans dans le foyer; soit celle qui est mariée que ce soit à la coutume, coutume et état civil, état civil ; état civil et religieux.

Notre étude part du constat selon lequel les belles-mères et les brus s'accusent mutuellement sinon réciproquement d'impolitesse. Ce conflit se manifeste dans le verbe (c'est-à-dire qu'il s'exprime par des injures, des railleries, des ragots) et dans des actes pratiques. Comme verbe, on peut retenir par exemple les injures de la bellemère sur la bru telles : << ce n'est pas le fait de coucher avec mon fils, il n'y a pas encore

5 Henry MENDRAS, Eléments de sociologie, 2ème tirage, Paris, Armand Colin, p.145.

6 Signalons que nous n'avons pas choisi une ethnie précise.

d'enfants, ce n'est pas la peine d'être là, tu ne sais pas entretenir la maison, les marmites sont mal lavées et tu t'occupes mal de mon fils >>7 ; « mon fils participe seul aux besoins du ménage. Par ailleurs, l'éducation des enfants n'est pas bien faite. >>8

En ce qui concerne les injures des brus envers les belles-mères, nous avons retenu par exemple « qu'on ne souffre pas avec les mères des maris. Nos mères ne vivent plus. Des fois, elles se mettaient à parler seules : je ne veux pas voir la mère de mon mari, je ne veux pas que mon mari donne de l'argent à sa mère seule moi. Elles m'insultent ouvertement "idoungui" c'est-à-dire "maboule, les yeux rouges". >>9 Autre injure de la bru envers la belle-mère : « tu n'es pas la mère de mon mari, dis nous sa vraie mère ; il ne peut pas avoir une mère infirme, tu fais exprès de ne pas marcher. »10 Ou encore, « sorcière, c'est toi qui a mangé mon fils dans mon ventre. »11

Quant aux autres pratiques révélatrices de ce conflit à la maison, on note comme actes des belles-mères qu'« elle passe son temps à nous espionner, des fois, elle rentrait dans notre chambre sans cogner. >>12 Mieux encore, « ma belle-mère m'avait emmené en brousse, elle savait que je ne connaissais pas sa plantation. Elle m'avait rempli le panier de nourriture malgré ma petitesse et m'a laissé seule en brousse jusqu'à ce que je sois arrivée au village en me renseignant car il était déjà tard. »13 En outre, « quand mon mari apportait le poisson, elle prenait la part de poisson de la deuxième femme et écaillait, laissant pour moi au sol jusqu'à ce que je revienne de mon bricole. Quand je laissais mon enfant endormi pour aller au travail, elle ne s'occupait pas de mon enfant, gardait mon enfant avec la couche que j'ai

7 Entretien avec madame B.O.M une bru, sans enfants, âgée de 28 ans, étudiante, Fang et vit en concubinage depuis 7 ans.

8 Entretien avec une belle-fille, madame Y.H, âgée de 40 ans, psychologue, Myènè, vit en concubinage depuis 9 ans, avec 2 enfants.

9 Entretien avec madame M.D, né vers 1930, belle-mère, sans profession, veuve avec 8 enfants, elle a trois belles-filles. Elle est Massango.

10 Entretien avec madame M.J, belle-mère, 42 ans, Mitsogho, sans profession avec 5 enfants, elle vit en concubinage.

11 Entretien avec madame B.M.G, belle-mère, âgée de 52 ans, Punu, commerçante, elle a 6 enfants. Elle est divorcée.

12 Propos de madame I.E.E, belle-fille, âgée de 30 ans, Massango, sans profession, vit en concubinage depuis 8 ans. Elle a 2 enfants.

13 Propos de madame M.M.A, belle-fille, 46 ans, mariée à la coutume et à l'état-civil, avec 6 enfants, Akélé, sans emploi.

laissé, l'enfant restait avec les cacas jusqu'à ce que j'arrive. »14 Enfin, «quand j'accouche, elle ne vient pas me rendre visite, elle peut faire même trois mois sans venir nous voir, elle ne touche pas le bébé.»15

Au sujet des actes des brus, nous avons retenu par exemple « lorsque j'arrive chez elle, quand elle veut elle me dit bonjour, soit elle me dit d'aller me service moi-même à la cuisine dans la marmite. Elle ne rendait pas visite à la belle-famille, restait toujours avec son mari. »16 En plus, « Malgré que je sois malade, elle ne vient même pas me rendre visite ; elle n'envoie pas les enfants venir me voir, je reste seule dans la grande maison ; elle ne respecte pas le gens, elle n'a que du mépris pour la belle famille ; ne prépare même pas pour le grandfrère du mari. Quand les gens arrivent chez elle, ils restent avec la faim. Elle ne garde pas les enfants du côté de son mari rien que son côté meme lorsque tu arrives, il n'y a que ses parents dans la maison. »17 Aussi, « elle ne me rend pas service, c'est-à-dire me laver le linge, me puiser de l'eau, ne me prépare pas la nourriture que j'aime pour me donner car mon fils lui donne de l'argent. Elle ne m'achète pas quelque chose à boire. Lorsqu'elle se réveille, elle utilise mes marmites propres et les laisse sales. Quand je suis malade, elle ne me chauffe pas de l'eau, je fais meme quatre jours alitée et ne vient meme pas me dire bonjour.»18

Ces mots et ces actes sont socialement significatifs parce qu'ils ont pour fonction de rabaisser l'autre, mais également, de faire prendre conscience surtout à la bru de son statut, du rang qu'elle occupe dans la famille. En fait, l'ironie, la moquerie et le ragot ont pour fonction, selon Pierre BOURDIEU19, de rappeler à l'ordre et à une certaine prise de conscience, c'est-à-dire à la conformité et à l'uniformité à toute la communauté, la famille et lui signifier clairement qu'il y a un maître des lieux.

14 Propos de madame M.A.M, belle-fille, 51 ans, mariée à la coutume, 7 enfants, Kota, elle a fait 25 ans de vie conjugale avec son mari.

15 Des propos de madame I.M.J, belle-fille, 43 ans, mariée à la coutume, Massango, archiviste, avec 10 enfants.

16 Entretien avec madame B.C, belle-mcre, 45 ans, 6 enfants, mariée à l'état-civil, sans emploi. Elle est Akélé.

17 Propos de madame B.F, belle-mère, Nzébi, sans profession, veuve avec 10 enfants.

18 Propos de madame B.M.G, divorcée avec 6 enfants, âgée de 52 ans, Punu et commerçante.

19 Pierre BOURDIEU et al, Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, 2ème édition, Paris, Les éditions de Minuit, 1965, 360 p.

Il apparaît clair que c'est le fils qui soit à l'origine de ces rapports conflictuels entre sa mère et sa femme. D'où, nous avons voulu saisir les fondements sociaux de ce type de rapports entre les belles-mères et les brus. Ce sont ces frictions, ces tensions et affrontements symboliques qui font l'objet de notre étude. Il faut dire qu'à travers la lecture des rapports entre mère et fils, il s'agit juste d'un alibi pour lire en réalité les rapports entre la belle-mère et la bru. Rapports qui, en général, apparaissent comme conflictuels.

Mieux, on parlera de frictions ; « des frictions de plus en plus fréquentes et vives entre deux femmes les plus aimées d'un homme: sa mère et son épouse. La première trouve souvent que la seconde est une intrigante, qui menace plus ou moins la vie de son fils, et elle n'hésite pas à l'accuser d'user de sorcellerie pour envoûter son fils ; quant à l'épouse, elle voudrait bien voir sa belle-mère s'occuper surtout de son propre ménage et un peu moins de celui de son fils, qu'elle revendique comme le sien. En un mot, chacune trouve que l'autre est trop envahissante et devrait, sinon disparaître, du moins s'estomper un peu de la vie de l'homme qui les a mis face à face. »20

Il est en de même au Gabon où les brus que nous avons rencontrées pour la circonstance, nous ont affirmé qu'il n'est pas toujours souhaitable de vivre avec les belles-mères dans la même maison, parce que la bru n'aura pas sa place dans son propre foyer et serait relayée au second plan. C'est fort de ce constat que nous nous posons la question de savoir pourquoi existe-t-il des rapports conflictuels entre la belle-mère et la bru ?

2- La sociologie de la famille comme cadre de référence.

Il n'y a point d'investigations en sociologie sans que le chercheur ne précise le ou les champs dans lesquels il inscrit son objet d'étude. Aussi, le choix de la sociologie de la famille comme champ théorique ou cadre de référence, nous permet

de comprendre comment une famille se constitue et surtout, quelles sont les logiques qui font qu'elle subsiste, quelle que soit la ou les situations auxquelles elle peut être confrontée. Mieux encore, il s'agit de voir quelles sont les stratégies matrimoniales mises en place ; dans l'objectif d'une consolidation de son patrimoine et de sa survie.

Somme toute, c'est par ce champ théorique d'étude que nous pouvons mieux aborder les diverses transformations ou mutations qui s'opèrent dans la famille, et de facto, au sein du couple. << La sociologie de la famille est une des branches de la sociologie. Son objet d'étude concerne aussi bien les composantes que les évolutions de cette situation. La famille, qui est le plus élémentaire entre eux, est aussi un des plus important car c'est le premier groupe auquel appartient un individu et c'est en son sein qu'il commence à vivre en société : la famille est donc le groupe de base de la société, en constante évolution.»21

LEVI-STRAUSS souligne que << le groupe familial tire son origine du mariage.»22 La sociologie de la famille correspond à l'étude des statuts sociaux, c'està-dire, les rôles que jouent les acteurs sociaux au sein de la famille gabonaise élargie.

Ensuite, << il semble que ce terme que nous avons présent à l'esprit, désigne un groupe social offrant au moins deux caractéristiques :

1. Il a son origine dans le mariage.

2. Il comprend le mari, la femme et les enfants nés de leur union, bien que l'on puisse concevoir la présence d'autres parents agglutinés à ce noyau. Les membres de la famille sont unis par des liens légaux ; par des droits et obligations de nature économique, religieuse ou autre ; par un réseau précis de droits et interdits sexuels, et un ensemble variable et diversifié de sentiments psychologiques tels que l'amour, l'affection, le respect, la crainte, etc. »23

21 Sociologie de la famille, un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre, p.1.

22Raymond BOUDON et François BOURRICAUD, Dictionnaire critique de la Sociologie, Paris, (coll. « Quadrige et Puf »), 2004, p.251.

23 Sociologie de la famille, un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre, ibid., p.2.

L'observation que nous faisons sur les mutations qui se produisent dans la cellule familiale telles la nature des rapports entre belle-mère et bru par exemple, nous permet de nous rendre compte de l'élargissement de la sociologie de la famille. En tentant de cerner la dynamique de ces rapports entre belle-mère et bru, nous voulons nous inscrire dans la perspective dynamiste de Georges BALANDIER, qui interroge les logiques des transformations des structures sociales, mais aussi des mentalités.

Selon BALANDIER, << il faut tenir compte des mouvements internes des sociétés, des forces qui les constituent, tout autant qu'elles modifient. »24 En ce sens, nous observons quelques décalages dans les relations entre belle-mère et bru ; tout en précisant que BALANDIER n'a pas étudié la famille, mais plutôt cette logique des transformations des structures sociales et des mentalités, n'échappe pas à la famille car elle est un élément de la société et donc est en perpétuelle évolution. La société traditionnelle tend à se modernisée, mieux, << La tradition cède place au modernisme. Toutes les communautés de notre société se modernisent et se développent maintenant sous l'influence de l'Occident. Les téléfilms, les CD importés accélèrent l'acculturation dans toutes les familles urbaines comme rurales. »25 Ainsi, << si la famille est devenue l'objet d'une discipline scientifique largement reconnue [...] c'est par l'observation des changements imprévus et inouïs, qui donnent aux recherches sur la famille un champ nouveau et une totalité d'urgence. »26

On assiste donc à l'évolution des moeurs, ce qui a conduit l'institution familiale à de nouvelles << régulations » (prédominance du rôle de la belle mère). Par ailleurs, Marcel MAUSS pense que la famille constitue un << fait social total. »27 Dans le sens où cette << totalité >> à laquelle il fait allusion n'est rien de plus que l'ensemble des rapports qui soutiennent les membres de l'organisation familiale en dedans et en

24 Georges BALANDIER, Sens et puissance, Paris, Quadrige/Puf, p.99.

25 Femme : La belle-mère, une alliée ou une coépouse in l'Essor n°15842 du - 2006-12-08 08:00:00, p.3.

26 M.B. TAHON, Sociologie de la famille et des rapports sociaux de sexe, cité par Raymond BOUDON et François BOURRICAUD in Dictionnaire critique de Sociologie, Paris, (coll. « Quadrige et Puf »), 2004, 714p.

27 Raymond BOUDON et François BOURRICAUD, op.cit, p.251.

dehors de cette organisation, la famille peut être qualifiée sans risque de << fait social total >>. Il s'agit d'un ensemble ouvert. Aussi, le statut de chaque individu se trouve affecté non seulement par celui du conjoint, mais par le statut des parents du conjoint, qu'il ne lui est toujours pas possible, même s'il en a l'intention de « snober » et d'ignorer.

En définitive, la sociologie de la famille est un domaine de la sociologie, qui nous permettra d'appréhender les rapports entre belle-mère et bru : notre objet d'étude. Par ailleurs, le recours à LEVI-STRAUSS nous conduit à voir comment est structurée une famille d'une part. D'autre part, avec BALANDIER, il s'agit simplement de montrer la dynamique de la famille, évoluant et essayant de s'adapter à une époque bien précise.

Section 2 : Construction du modèle d'analyse.

<< Tout travail de recherche s'inscrit dans un continuum et peut être situé dans ou par rapport à des courants de pensées qui le précèdent et l'influencent.»28 Mieux, << la problématique est l'approche théorique ou perspective théorique qu'on décide d'adopter pour traiter le problème posé par la question de départ. Elle est une manière d'interroger les phénomènes étudiés.»29

Ainsi commencerons-nous dans un premier temps par << exploiter les lectures et les entretiens et faire le point sur les différents aspects du problème qui y sont mis en évidence »30 , pour arriver dans un deuxième temps à << choisir et construire sa propre problématique. »31

1. La question des relations familiales posée en occident.

28 Raymond QUIVY et Luc VAN CAMPENHOUDT, Manuel de recherche en sciences sociales, 2ème éd, Paris, Dunod, 1995, p.43.

29 Ibid. p.85.

30 Ibid. p.85.

31 Ibid. p.86.

Tout d'abord, « le mariage définit les modalités d'une union légitime, approuvee par la societe et determinant plus precisement les relations entre mari et femme.»32 Par ailleurs, definir le mariage revient à evoquer le choix du conjoint qui, a priori, est tout aussi important.

Pour Martine SEGALEN, « le mariage unissant deux conjoint qui se sont librement choisis est une invention occidentale recente des societes democratiques. »33 Dans cette etape du choix du conjoint, le concubinage se manifeste en tant qu'étape transitoire entre le célibat et le mariage reconnu.

Aujourd'hui, « le mariage nous semble une affaire individuelle, ne concernant que les futurs conjoints. »34 D'autant plus que « chacun desormais considère le choix de son conjoint comme un acte dont il assume la responsabilite ; que cette liberte soit illusoire ou non [...I L'essentiel est de signaler le changement observé : les parents d'aujourd'hui n'interviennent guère dans le mariage de leurs enfants. Non seulement ils " n'arrangent " plus leur mariage, mais la "demande de la main " d'une jeune fille à ses parents semble desormais une demarche desuète. Ce sont les interesses qui decident leur mariage et qui en règlent les modalites. »35

Louis ROUSSEL nous présente l'évolution du mariage dans la societe française. L'auteur fait une description de ce phénomène en s'appuyant sur certains aspects tels l'homogamie socioprofessionnelle, le cas particulier des étudiants, l'évolution au 20ème siècle ou encore le choix du conjoint. En effet, en ce qui concerne le choix du conjoint, Louis ROUSSEL a pu se rendre compte qu'il n'est plus une affaire des parents, plutôt des conjoints eux-mêmes. L'enquete menée dans ce sens prouve que l'effacement des parents dans le choix du conjoint de leurs enfants paraît clairement perçu par l'ensemble de la population.

32 Jacques LOMBARD, Introduction à l'ethnologie, 2ème éd., Paris, Armand Colin, (coll. « Cursus, série Sociologie »), 1998, p.54.

33 Martine SEGALEN, Eloges du mariage, Paris, Gallimard, (coll. « Découvertes, culture et société »), 2003, p.11.

34 Encyclopédie AXIS, l'Univers documentaire, dossiers, volume 6, Paris, Hachette, 1995, p.372.

35 Louis ROUSSEL, Le mariage dans la société contemporaine. Faits de population, données d'opinion. Préface d'Alain GIRARD, Paris, Puf, (coll. « Travaux et documents »), cahier n°73, 1975, pp.346-347.

Cependant, les parents restent toujours présents car l'importance du patrimoine, le souci de sa transmission ou de son accroissement, la nécessité de trouver un successeur capable de le gérer, peuvent en effet rester déterminants dans le choix d'un gendre ou d'une bru. Mais insiste t-il sur le fait que les parents n'arrangent plus le mariage de leur fils ou de leur fille. De facto, les jeunes sont donc libres du choix de leur conjoint, en ce sens au moins qu'ils savent désormais que leurs parents n'interviendront généralement qu'avec la plus grande prudence dans leur mariage.

Ils connaissent les raisons de cette prudence : le souci de respecter le choix personnel de leur enfant, et aussi parfois la conscience qu'une opposition résolue n'aurait d'autre conséquence qu'une brouille temporaire avec le jeune ménage. A ce propos, comme brouille que l'on peut soulever ; n'est-ce pas celui du choix de la bru par le fils et surtout les rapports entre la bru et la belle-mère ?

Dans son article intitulé « Choix du conjoint et processus de maturation dans les Kibboutz (pp.263-268) », Yonina TALMON36 fait état d'un possible conflit entre les générations au sujet du choix du conjoint. Si pour la première génération ; celle des parents, pour qui se marier à l'intérieur du Kibboutz (c'est-à-dire une exploitation agricole collective en Israël), pour la seconde génération par contre, celle des enfants, il y a cette tendance à l'exogamie. Cette interprétation de l'exogamie jette une nouvelle lumière sur les fonctions intermédiaires des structures du mariage. Ces structures sont des solutions de compromis qui permettent aux membres de la seconde génération de résoudre à demi le problème des pressions que l'on exerce sur eux et le dilemme entre la continuité et la discontinuité, entre l'endogamie et exogamie.

Aussi, la sélection du conjoint est ainsi une solution au dilemme fondamental de la formation de l'individualité. L'exogamie, cette tendance à se marier à l'extérieur, représente un effort pour la seconde génération à s'individualiser et

échapper aux restrictions de leurs parents. Néanmoins, le choix de la bru ne vient-il pas poser un problème en terme de rapports avec la belle-mère puisqu'il s'agit d'un choix fait par le fils et qu'il s'inscrit dans l'exogamie ?

Mieux encore, Gilles FERREOL et Jean-Pierre NORECK37 mettent en avant le fait que << le choix d'un mari- première constatation- ne signifie pas seulement satisfaction sexuelle ou affective ; il correspond, pour la future épouse, à l'ouverture d'un nouveau portefeuille qu'il convient de gérer de manière rationnelle. »38 Or, même si le choix du conjoint qui est un acte individuel, c'est a priori la gestion de manière rationnelle du portefeuille de son mari qui peut être ici à l'origine des conflit avec la belle-mère ; qui se voit à la longue détrônée de son autorité et de son influence sur son fils. De plus, << la sélection du partenaire ne se réalise pas au hasard mais s'opère- consciemment ou non- en fonction de déterminants socioéconomiques. »39

Pour rester toujours dans la perspective du choix du conjoint, nous avons retenu l'ouvrage collectif de André BURGUIERE et al40, qui fait la présentation de l'augmentation des divorces, chute des mariages, prolifération des familles monoparentales et des solitaires en milieu urbain, émergence des mères porteuses et de diverses techniques de fécondation artificielle applicables au genre humain. D'où nous nous posons la question de savoir si la famille n'est-elle pas en train de disparaître ? Cet ouvrage n'a pas pour ambition de deviner l'avenir, plutôt, apporter une meilleure connaissance des formes variables que l'institution familiale a revêtue au cours des temps et des rôles qui lui étaient assignés, elle doit permettre de comprendre les problèmes qui se présentent maintenant et bien sûr, de les affronter.

37 Gilles FERREOL et Jean-Pierre NORECK, Introduction à la sociologie, 6ème édition revue et mise à jour, Paris, 2005, Armand Colin,(coll. « Cursus Sociologie »), 191 p.

38 Gilles FERREOL et Jean-Pierre NORECK, Introduction à la sociologie, ibid., p.108.

39 Gilles FERREOL et Jean-Pierre NORECK, Introduction à la sociologie, ibid., p.108.

40 Histoire de la famille. Préface de Claude LEVI-STRAUSS, tome 1 : Mondes lointains, Paris, Armand Colin, 1986, 447p,

Finalement, l'ouvrage combine les méthodes les plus récentes de la démarche historique et le regard de l'ethnologie.

Pour sa part, Jean-Hugues DECHAUX41 estime que définir ce qu'est la famille, est devenu bien difficile tant ses transformations depuis les années 1970, en France comme dans les sociétés occidentales, sont profondes. La démarche adoptée dans cet ouvrage consiste non pas à proposer une théorie générale, mais d'élaborer étape par étape une vision d'ensemble qui soit un diagnostic sociologique sur ce qui constitue une nouvelle donne familiale.

Dans la même perspective, Pierre Bourdieu42 parle d'une unification du marché matrimonial, qui constitue un moment dramatique de découverte des bouleversements de la table des valeurs, se traduisant par une crise de l'ordre paysan ancien.« C'est ainsi que, dans l'ancien régime matrimonial,du fait que l'initiative du mariage revenait non aux intéressés mais aux familles, les valeurs et les intérêts de la « maison » et de son patrimoine avaient plus de chances de triompher contre les fantaisies ou les hasards du sentiment.»43 L'école est à l'origine de cette mutation, car elle exerce une violence symbolique sur les jeunes, particulièrement les jeunes filles du monde paysans ; qui prennent conscience de leurs droits de choisir elles-mêmes leurs futurs conjoints.

En outre, chez Jean-Claude KAUFMANN44, jamais les ruptures conjugales n'ont été aussi nombreuses, et jamais le couple n'a été autant célébré sur l'autel des valeurs contemporaines. Contradiction ? Nullement, c'est justement parce que l'on attend beaucoup du couple qu'il est devenu si difficile à construire. Aujourd'hui, on se satisfait plus d'un demi bonheur. Ce qui hier encore allait de soi est désormais systématiquement mis en question. Ce livre fait le point sur le point sur les différents

41 Jean-Hugues DECHAUX, Sociologie de la famille, Paris, La Découverte, (coll. « Repères/sociologie n°494 »), 2007, 128 p.

42 Pierre Bourdieu, le bal des célibataires. Crise de la société paysanne en Béarn, Paris, éditions du Seuil, (coll. « Points »), 2002, p.230.

43 Ibid., p.231.

44Jean-Claude KAUFMANN, Sociologie du couple, 4ème édition refondue, Puf/ QSJ ? (coll. « Encyclopédique »), 2003, 127p.

aspects de la vie en couple...Il nous permet de connaître les mystères du fonctionnement conjugal à l'heure où, depuis une génération au moins, celui-ci évolue très rapidement. Amour, choix du conjoint, étapes su cycle conjugal, gestion de l'insatisfaction et des attentes réciproques, rôles féminins et masculins : les nouvelles règles de la vie à deux.

Les familles se caractérisent aujourd'hui par la progression de styles de vie marqués par l'individualisme moral. Les exigences individuelles se sont continûment affirmées au détriment se la stabilité de l'institution familiale. Loin de se dissoudre, les normes se redéfinissent et se multiplient : il existe désormais différentes façons de " faire famille", également légitimes. Cette coexistence est source d'instabilité, mais aussi d'inégalité entre milieux sociaux, sexes et générations.

On retient que le mariage, tel qu'il se présente aujourd'hui à savoir l'état-civil, a subi de nombreuses mutations. Ce qui fait qu'en occident, il est une affaire individuelle, donc des conjoints. Le lien avec notre objet vient du fait que nous ne pouvons pas étudier les rapports entre belle-mère et bru, sans avoir recours à l'histoire du mariage ; voire comment la bru a été choisie. Cependant, tous parlent du choix du conjoint sans évoquer le conflit qui peut surgir entre bru et belle-mère.

2. Du point de vue des africanistes

Raymond MAYER45 montre les manifestations et conduites protocolaires de respect d'un gendre à l'égard de la belle-mère et de la soeur aînée de sa femme. Chez les Fang par exemple, il y a une manière particulière pour le gendre de saluer la belle mère : il s'asseoit sur ses genoux, et l'appelle « nane », ce qui signifie mère. Cette attitude est reportée sur la soeur aînée de sa femme, assimilée à la belle-mère. Chez

les Punu, le beau-fils appelle aussi une belle-mère « mam'», en repondant, celle-ci lui dira en le traitant de « tat'», le père.

Que ce soit chez les Nzébi, les Galoa, ou les Nkomi, il existe differentes formes de manifestations protocolaires de respect resumees par un langage bien code d'attitudes. Il en est de meme pour les manifestations culinaires de respect. Selon MBAZIBADI46, concernant la bru, cette dernière prendra soin de servir sa belle-mère, non dans une simple assiette, mais en presentant la marmite. Il existe là aussi une batterie de codes à respecter par la bru pour ne pas vexer, sinon insulter par maladresse sa belle-mère. Par exemple, elle ne doit pas mettre de « Soko» (sorte de poivre qui sert d'ingrédient) dans les plats destinés aux beaux-parents, car le nom de cet ingredient est une injure, et ce serait donc les insulter.

L'anthropologue camerounais Séverin Cécile ABEGA47, à travers son analyse de la societe Beti, a voulu montrer que les mythes et les rites nous revèlent que dans les societes patrilineaires et virilocales, telle les Beti ; les rapports la femme et le fils de l'époux sont souvent tendus. Tant que la société béti a connu un équilibre, ce conflit est reste latent et la tradition a su le resoudre. Mais le chercheur note cependant que les bouleversements qu'a connu l'Afrique l'ont exacerbé. Pour comprendre l'origine de cette résurgence, il estime que la relation oedipienne n'est pas à exclure et qu'il faut étudier certains rites comme « l'ekamba » ; tout comme le changement du mode de residence ou de production economique ou encore la disparition de certaines institutions telle l'initiation So.

MBENO DIEBA, dans son travail de recherche pense que « pour la bru, le respect doit aussi passer par l'usage d'un langage codé pour désigner certains produits. »48

46 MBAZIBADI, Mémoire de Maîtrise, Département d'Histoire et Archéologie, Libreville, UOB/FSLH, 1986 cité par Raymond MAYER in Histoire de la famille gabonaise, Libreville, Editions du Luto, (coll. « Découverte du Gabon »), p.

47 Séverin Cécile ABEGA, « La bru tueuse » in Journal des africanistes, année 1992, volume 62, numéro 62-1, pp.95-106.

48 MBENO DIEBA, Mémoire de Maîtrise, Département d'Histoire et Archéologie, Libreville,UOB/FSLH, 1986, cité par Raymond Mayer, in Histoire de la famille gabonaise, Libreville, Editions du Luto, (coll. « Découverte du Gabon »), p.7.

Ainsi chez les kota, pour demander à sa belle-mère le « Soko», la belle-fille doit user de l'expression «Kubamule.»

A travers ces exemples, Raymond MAYER nous montre la place qu'occupe la variable << respect >> qui doit être réciproque entre belle-mère et bru. Autrement dit, Raymond Mayer, MBENO DIEBA et MBAZIBADI mettent l'accent sur la relation entre gendre, bru et beaux-parents en terme d'attitudes de respect. En dehors du respect en tant que valeur traditionnelle au sein de la famille, nous remarquons que ces relations semblent ne plus être en bon point. Mais ces travaux historiques anthropologiques ne rendent pas compte de la situation actuelle.

Peter GESCHIERE49 met en exergue, à travers cette analyse, les relations qui existent entre un gendre et sa belle-mère chez les Maka du Cameroun. C'est une relation qui est plus perceptible lors du << djade >>. Le djade est un des moments forts qui marquent la vie des femmes chez les Maka ; population du sud-est du Cameroun : il s'agit particulièrement de la fête du travail des « belles-mères >> ; qui viennent rendre visite à l'un de leurs gendres (Mboa) d'un village voisin (distant de 5 km où était mariée l'une des filles de leur famille). Ainsi, lorsqu'un homme se rend compte que sa femme a trop de travail dans les champs, il peut inviter les femmes du village de son épouse, qui sont ses << belles-mères >>, à venir en aide à sa femme dans les champs. Pour ces femmes, le moment est important pour plusieurs raisons : elles sont reçues royalement et le vin de palme y coule à flots. Ce qui est aussi important à retenir c'est qu'elles ont le droit à cette occasion, ou plutôt le « devoir >> comme le disent eux-mêmes les Maka, d'humilier le gendre et tous les hommes qu'elles rencontrent sur leur passage (tous ceux qui n'ont pas eu la sagesse de se cacher) de toutes les manières possibles. Par exemple les femmes faisaient des remarques moqueuses sur l'avarice de leur gendre, et avançaient que l'accueil était "trop maigre". Elles lui demandaient sur un ton narquois pourquoi il n'avait pas encore engrossé leur fille ; s'il n'était pas trop jeune pour une si belle femme. Par ailleurs, le

49 Peter GESCHIERE, « la visite des belles-mères chez les Maka. Une rébellion contre les hommes ? » (pp.193- 215), article in Jean-Claude BARBIER, Femmes du Cameroun. Mères pacifiques, femmes rebelles, Paris, Karthala/Orstom, (coll. « hommes et société »), 1985, 402 p.

djade des hommes consistait au fait que le gendre devait aller avec ses compagnons chez son beau-père (Tsji) pour débroussailler un champ, construire une maison.

D'autant plus que la séance donne lieu à divers traitements vexatoires du gendre, vu que, sitôt le travail fini, les << belles-mères >> s'en vont à la recherche du village d'un autre gendre et << poursuivent >> tous les hommes qu'elles y rencontrent. En fin de compte, selon Peter GESCHIERE, le djade, a priori, permet << d'explorer certains aspects du rôle de la femme chez les Maka. Il exprime en effet les tensions qui sont essentielles dans l'organisation de la parenté et dans les rapports économiques, là où les femmes se situent par rapport aux hommes. »50

Il faut aussi compter avec l'apport de la symbolique de la parenté à plaisanterie au Cameroun ; selon Séverin Cécile ABEGA ; pour nous aider à comprendre la nature de la relation bru/belle-mère dans la famille africaine. Pour lui, << la relation bru/beaux-parents est donc dangereuse, puisque la première est toujours accusée d'avoir tué les seconds. C'est une relation de meurtre et de dévoration. Pour la bru, les beaux-parents sont du gibier, de la venaison, dit le rite. »51 L'auteur poursuit sa réflexion sur le rôle joué par la parenté à plaisanterie, en tant qu'amortisseur du conflit entre bru et belle-mère, en prenant appui sur les travaux de RADCLIFFE-BROWN.

A cet effet, << l'analyse de RADCLIFFE-BROWN (1968 :168-72) à propos de la parenté à plaisanterie, souligne que celle-ci révèle à la fois le lien que l'on veut cultiver et un conflit que l'on joue pour le désamorcer. Ici, le lien est fort visible, puisque bru et belle-mère appartiennent à la même famille, celle de l'homme auquel elles sont intimement liées, l'une en tant que mère, l'autre en tant qu'épouse. Quant au conflit, il s'exprime dans cet aveu qui resterait incompréhensible, si on ne le rapprochait de cette conclusion que nous a fournie notre analyse du mythe d'OEdipe : une femme, classée comme bru, avoue avoir tué une autre femme considérée comme

50 Peter GESCHIERE, << la visite des belles-mères chez les Maka. Une rébellion contre les hommes ? », p.1.

51 Séverin Cécile ABEGA, << La bru tueuse » in Journal des africanistes, année 1992, volume 62, numéro 62-1, p.98.

sa belle-mère. Le rite confirme donc, ce qui est l'objet de notre préoccupation, le motif pour lequel ces deux femmes ne s'aiment pas : l'une tue l'autre symboliquement. »52

Comme nous l'avons dit tantôt, l'objectif de cette parenté à plaisanterie permet de désamorcer la tension entre la bru et la belle-mère : et pourquoi pas, peut tenter un retour dans le passé où << jadis les belles-mères ne s'opposaient pas aussi violemment à leurs belles-filles, qu'elles étaient au contraire bien heureuses d'accueillir au sein de la famille. »53

La symbolique de la parenté à plaisanterie dans l'explication des frictions entre ces 2 femmes montre finalement qu'« une modification de la structure sociale serait à l'origine de ce phénomène. »54 Par son mariage, le fils marque la scission d'une cellule nucléaire, en crée une nouvelle et définit maintenant comme époux, plus comme un fils. Il quitte de la tutelle de sa famille, particulièrement de sa mère, pour bâtir son foyer comme il l'entend.

Restant dans cette perspective des relations entre la belle-mère et la bru, Makan BARRY55, dans << Belle mère ou co-épouse ? », parle de belle-mère ou co-épouse pour la bru. Il fait ressortir la différence qu'il y a entre la belle-mère d'hier et celle d'aujourd'hui. Dans les sociétés traditionnelles, la belle-mère devient responsable de la nouvelle mariée qu'elle se doit d'adopter comme sa propre fille. Elle doit être une conseillère infaillible, toujours prête à guider. En retour la bru lui doit un respect. L'auteur poursuit en disant qu'à Mandé, au pays Bamancan ou Ouassdom, la bru et la belle-mère forment un couple inséparable, du fait qu'entre elles demeurent une grande intimité, la soumission était de rigueur.

Mais, il remarque que cette << Afrique-là » est en train de disparaître. La bellemère hier confidente et incontournable conseillère, pointe aujourd'hui un doigt

52 RADCLIFFE-BROWN, cité par Séverin Cécile ABEGA, in << La bru tueuse » in Journal des africanistes, année 1992, volume 62, numéro 62-1, p.98.

53 Ibid., p.9.

54 Séverin Cécile ABEGA, ibid., p.99.

55 Makan BARRY, << Belle mère ou co-épouse ? » du jeudi 3 février 2005 du quotidien malien Essor n°15842 du 8 déc.2006, sur le site internet www.musow.com.

accusateur sur la bru << laquelle devient usurpatrice qui lui vole son enfant, c'est elle qui jouit des biens du fils»56 , lesquels n'ont peut être jamais existés. Elle ne néglige rien pour l'accabler. Il fait état par la suite des parents qui ont perdu de vue que les temps ont changé et que cela amène un changement même dans les familles les plus soudées.

Par ailleurs, L'article sénégalais << 24ème édition de la quinzaine de la femme : la belle mère sénégalaise, << gourou » ou << wujje » ? »57, met en évidence l'idée selon laquelle la belle-mère est une despote pour la bru. Ceci se manifeste par le fait que << la belle mère sénégalaise est, la plupart du temps, installée dans une logique de compétition et de pressions psychologiques envers la bru, comme si leur survie, statut respectif et identité en dépendaient.»58 Cet article fait état du mauvais comportement de la belle mère pour qui, la belle fille est toujours une opportunité pour tracer et fixer les contours de son omnipotence, exercer son leadership et solder ses comptes avec tous les contentieux, les conflits, frustrations et humiliation, engendrés par le passé, dans la vie conjugale et par des relations heurtées avec sa propre belle mère. Il nous renseigne sur le fait que belle mère et belle fille ont toujours des relations faites d'animosité et de méfiance mutuelle.

En outre, Nedjima PLANTADE59 montre comment les femmes sont capables de recourir à la magie pour désunir un couple déjà formé ou en voie de formation ; soit pour conserver son couple sous prétexte d'amour. L'auteur présente les conflits féminins qui se déroulent toujours dans une situation triangulaire, mettant en scène deux femmes et un homme. Dans la première partie, au chapitre III intitulé "Détruire" ; il est question de faire en sorte que le mari se détache de sa femme, ceci est le fait d'une belle-mère, soit d'une belle-soeur, soit d'une voisine etc., animée de sentiment d'envie, de jalousie et de haine. La femme qui veut séparer un couple se

56 Makan BARRY, Ibid., p.1.

57 24ème édition de la quinzaine de la femme : la belle mère sénégalaise, « gourou » ou « wujje » Article du jeudi28 avril 2005.

58 « La belle mère sénégalaise » ibid., .p.2.

59 Nedjima PLANTADE, La guerre des femmes. Magie, et amour en Algérie, Paris, édition La Boîte à Documents, 1988, 179 p.

fabriquer deux amulettes avec du sang de crapaud. Mais nous nous intéressons au cas de la belle-mère.

La belle-mère qui cherche à faire répudier sa bru par son fils, se sert du crapaud. Elle délègue pour se faire, une sorcière qu'elle aura ramassée, de préférence dans un endroit pierreux. Après l'avoir lavé, elle l'enveloppe dans un linge blanc et l'enterre devant la porte de la chambre de la bru, à un endroit où le mari est forcé de passer. Elle accompagne l'inhumation de ces paroles « Crapaud, celui qui a deux femmes n'a plus de bon sens. Figure de malédiction, je le pose pour cette fille ; qu'il divorce de son coeur ». Quelques jours plutard, le mari commence à faire de nombreux reproches à sa femme puis la tension entre eux montant, ils se disputent violemment et finissent par se séparer. De plus, dans la deuxième partie au chapitre IV, intitulé "l'Amour prétexte". On peut se rendre compte que les conduites magiques ne répondent pas à une motivation amoureuse, et l'érotisme exprimé dans les rites n'est qu'un moyen et non une fin. La motivation essentielle opérant dans la magie négative (celle qui sépare les couples) est incontestablement la jalousie. Or la jalousie est basée sur un conflit impliquant une lutte. C'est à coup d'ensorcellement et de désensorcellement que les femmes règlent leur vie sociale et rationnelle.

Selon la formule d'ALEMBERT, « on est jaloux de ce que l'on possède et envieux de ce que possèdent les autres. » Mais la jalousie inclut l'envie car si la femme, dès le début de son mariage, recherche une possession exclusive de son mari, parce qu'elle sait d'avance (la culture le lui ayant appris) que celui-ci est susceptible d'être désiré ou récupéré par une autre. Ses rivales potentielles (belle-mère, bellesoeur, voisine, etc.) qui sont par définition les envieuses, ne peuvent tolérer qu'elle puisse vivre dans la paix conjugale si elles-mêmes l'ignorent dans leur vie. Alors un sentiment de haine les envahit bientôt (sentiment exprimé dans la magie) et les poussent à détruire. Moins d'ailleurs, l'objet de la possession (le mari) que celle qui le possède (l'épouse).

A travers ces exemples, Nedjima PLANTADE insiste sur le recours à la magie dans le mariage. Magie de l'une pour prévenir, magie de l'autre pour attaquer et

faire payer la dépossession d'un fils. L'auteur parle bel et bien des brus et bellesmères qui sont en lutte tout en introduisant la variable religieuse( magie), qui part des concepts d'envie et de jalousie et qui pousse à détruire le couple de la bru.

Après cette lecture, nous nous posons les questions suivantes : est-ce que ces travaux qui datent de depuis 20 ans rendent compte de la situation actuelle ? Pourquoi la belle-mère veut-elle désunir le couple ? La bru n'est-elle pas de son choix ? La belle-mère se sent-elle menacée par la dépossession de son fils ou de toute sa supériorité sur le fils ? La bru ne partage t-elle pas les mêmes logiques de la bellefamille ?

En dernier lieu, nous retenons l'analyse de la togolaise Rita MENSAH

AMENDAH60, qui met en évidence le statut de la femme te analyse les questions féminines telles l'égalité de sexes, la logique masculine. Mais nous nous intéressons aux relations conflictuelles entre belle-mère et bru. Rita MENSAH AMENDAH fait mention de la mauvaise réputation de la belle-mère. « La belle mère a mauvaise réputation dans la vie comme dans la littérature. Elle est un casse-pieds, fouineuse, jalouse et même parfois sorcière. »61 Selon elle, il y a comme une jalousie inconsciente de la belle-mère, la plupart du temps, elle envie sa belle-fille par des propos tels, « ce que mon fils fait à sa femme, mon mari, son père ne me l'a jamais fait.»62 De plus, en elle, il y a une mère possessive affirmant qu'« elle me vole mon fils, il est à moi, elle me prend ma place, il n'écoute plus qu'elle.»63 Par ailleurs, l'auteur évoque aussi le comportement des belles-filles envers leurs belles-mères et leurs belles familles. Rita MENSAH AMENDAH donne les causes des conflits qui s'expliquent par le fait que « la belle fille soit trop dépensière, elle est impolie, elle ne sait pas recevoir la famille... »64 Elle énonce encore l'aspect selon lequel « certaines belles filles

60 Rita MENSAH AMENDAH, Mosaïque Africaine. Chroniques féminines, 3Ern, al+ ErpEttEQUIRll. « Etudes africaines »), 2002, 112 p.

61 Rita MENSAH AMENDAH, Mosaïque Africaine. Chroniques féminines, ibid., p.53.

62 Ibid., p.54.

63 Ibid., p.54.

64 Ibid., p.53.

manifestent le mépris, le manque d'égard, de considération pour leurs belles mères. »65

On peut épouser le point de vue de l'anthropologue camerounais Séverin Cécile ABEGA, qui nous invite à considérer que lorsqu'un « homme se marie, il s'établit, c'est-à-dire, qu'il sort de la tutelle et du giron de sa mère et fonde un ménage. Il quitte un foyer dans lequel il était un fils, et en crée un autre en tant qu'époux. Le chercheur évoque même le terme de « mort symbolique » ; la bru entraînerait la mort symbolique de la mère. Par « mort symbolique », cela laisse entrevoir que la bru prend la place de la mère ; qu'en fait, « son arrivée relègue la mère au second plan, ce qui signifie, si l'on accepte l'interprétation qui veut que le fils tue le père parce qu'il est destiné à prendre sa place, que la bru tue aussi sa bellemère.»66

Toutefois, une remarque s'impose sur la relation bru et belle-mère, selon
l'auteur, qu'il perçoit comme une relation qui a un sous-bassessement symbolique.
Pour lui, cette relation se résume socialement sur le fait que cette relation peut se
concevoir comme la traduction d'une compétition pour occuper un même espace
vital. Le beau-parent, la belle-mère doit disparaître pour que s'épanouisse l'épouse,
et en fait, sur le plan symbolique, c'est ce qui se passe. Si on prend le fils comme
point central autour duquel s'organise ce conflit, dès qu'apparaît l'épouse, ses
parents s'estompent de sa vie, car il doit désormais s'établir, quitter la concession
paternelle, bâtir sa case et conquérir son indépendance économique, en cessant de
travailler pour le compte de son père et en créant son propre espace de production.»67
Nous retiendrons chez ces auteurs, qu'ils ont tous évoqué l'aspect de notre
travail, à savoir les rapports belle-mère et bru ; mais uniquement dans le contexte de
leurs pays respectifs. Par contre, Raymond MAYER a traité la question des relations
entre bru et beau-mère au Gabon ; toutefois, son étude s'est attelée à montrer la place

65 Ibid., p57.

66 Séverin Cécile ABEGA, op.cit., p.96.

67 Séverin Cécile ABEGA, ibid., p.99.

qu'occupe le respect dans le mariage. Ses travaux anthropologiques et historiques ne rendent pas compte de la situation actuelle du conflit.

Après avoir abordé la question du mariage et des relations familiales dans la vie du couple, chez les chercheurs africains, venons-en à présent aux points de vue des chercheurs et universitaires gabonais.

3. Du point de vue des chercheurs et universitaires gabonais.

Partant du point de vue littéraire, Honorine NGOU68, dans son oeuvre, nous présente la relation entre belle-mère et belle-fille. Pour elle, la belle-mère intervient dans le choix de la belle-fille. De plus, « Féminin interdit » est donc la narration de l'histoire d'une jeune fille DZIBAYO qui, depuis son enfance, ne cesse de connaître les vicissitudes de la vie ; à savoir, le décès de son père dans son enfance, la tentative de viol et pour finir, des conditions de vie qui se dégradent autour d'elle. Pourtant, elle parvient à faire de brillantes études qui la contraignent à aller en Europe, pour obtenir un doctorat en droit. En Europe, elle fait la connaissance de Hémiel ATSANGO, jeune étudiant à l'Ecole de Pilote de Fréjorgues.

Très vite ils décident, après la naissance de leur premier fils, de se marier. Sa vie bascule dès l'instant où sa belle-mère ne vient pas à son mariage parce qu'elle n'est pas de son choix. S'en suivent des actes de sorcellerie. La belle-mère envoie sa fille déposer une poudre magique sur le siège de sa belle-fille pour qu'il ait rupture. En outre, l'apparition d'un gros serpent noir dans la maison ne vient pas arranger les choses qui ne cessent de se compliquer de jour en jour. En somme, les rapports entre la belle-mère et la bru sont conflictuels et reposent sur la sorcellerie. C'est la bellemère, a priori, qui n'a pas choisi la bru, fait tout ce qui est en son pouvoir pour chasser sa bru, qu'elle considère comme une rivale, une étrangère.

68 Honorine NGOU, Féminin Interdit, Paris, l'Harmattan, (coll. « Encres noires »), 2007, 291 p.

Par ailleurs, Jean-Ferdinand MBAH et Mesmin-Noël SOUMAHO, à travers leur etude69, se sont appesantis sur les strategies matrimoniales des etudiants au Gabon dans le choix du conjoint. Les conclusions de cette monographie, sur la question du mariage en milieu universitaire, nous permettent de nous rendre compte « qu'il existe une préférence nettement marquee des deux sexes pour le mariage »70 ; mais surtout que les etudiants ne se marient pas entre eux.

Plus important encore, c'est le fait que « les comportements et attitudes heterogames des universitaires gabonais reflètent bien ceux des autres groupes de la société. En partant de cette vision globale de l'interaction entre groupes sociaux différents, on peut considérer l'homogamie comme alternative à un véritable changement des attitudes et strategies sexuelles en milieu etudiant.»71 D'autant plus que « la nuptialite est retardee parce que les etudiants ne parviennent pas encore à surmonter l'incompatibilité entre mariage et les études qu'ils ont établie. »72 Ou encore, « la sexualite en milieu etudiant gabonais se deroule dans un contexte de forte heterogamie. D'où la faible proportion de mariages entre étudiants.»73 En fin de compte, « quand les étudiants se marient à l'Université, c'est généralement en fin de cycle dans la perspective de leur insertion sociale.»74

Josiane MELEANG M'ATOME75 a pu se rendre compte que la femme diplômee gabonaise, grâce à ses acquis scolaires, universitaires et avec ses pretentions, semblerait avoir rompu a priori avec les rôles assignes par la tradition. Il s'agit donc d'une femme qui n'est plus inscrite dans un mode précapitaliste, mais

69 Jean-Ferdinand MBAH et Mesmin-Noël SOUMAHO, La question du mariage en milieu universitaire au Gabon, Libreville, CERGEP/Les Editions Udégiennes, 1996, 213 p.

70 Ibid., p.183.

71 Ibid., p. 184.

72 Ibid., p.183.

73Jean-Ferdinand MBAH et Mesmin-Noël SOUMAHO, La question du mariage en milieu universitaire au Gabon, Libreville p.183.

74 Ibid., p.183.

75-MianeE0 ( / ( $ 1 * E0 7$ 72 0 ( , De la bénédiction parentale lors du mariage coutumier de la femme diplômée : permanence et paradoxe, Mémoire de Maîtrise en Sociologie, Libreville, UOB/FLSH, Juin 2008, 99p.

plutôt d'une femme devenue individualiste, autonome ; qui se trouve dans un paradoxe ; car reposant toujours sur les valeurs traditionnelles, plus precisement la benediction parentale dans le mariage coutumier. Elle a instrumentalise la benediction parentale. Ainsi se retrouve t-elle prisonnière de la famille en ayant recours à cette bénédiction, au risque d'être menacée. Le diplôme apparaît dès lors que comme une illusion de l'épanouissement.

D'autre part, Josiane MELEANG M'ATOME a abordé l'aspect de la belle famille et la belle-fille (ici, femme diplômee). La famille, qui avait la main mise sur la vie du couple par le passe, a souvent des antagonismes recurrents avec la belle-fille. Mais la femme diplômee veut restructurer les rapports au sein de la famille. La belle famille qui pouvait s'imposer au sein du foyer est écartée et les obligations de la belle-fille vis-à-vis de la belle famille disparaissent.

Nous pouvons convenir avec elle que la femme diplômee entend donner une nouvelle orientation du couple au sein de la famille, elle veut diriger son foyer comme elle l'entend, sans avoir à rendre des comptes à la famille. Nonobstant, n'estce pas là encore une façon une façon d'accentuer le conflit entre la belle-mère et la bru ? Qui plus est, la belle-mère, se sentant depossedee de son autorite sur la gestion du couple, acceptera t-elle que la belle-fille la depossède t-elle aussi de son autorite sur son fils ? Telles sont quelques perspectives qui peuvent se degager et meritent un interêt de notre part.

En ce qui concerne Noëlla Maryse BELLA M'BA76, il s'agit de voir l'implication de la femme gabonaise et sa participation dans la sphère politique. Elle etudie donc cette emergence progressive de la femme dans le politique. Ce qui est interessant dans son étude, c'est le rôle de la femme dans la société traditionnelle gabonaise. De façon générale, l'image traditionnelle de la femme gabonaise se situe en marge de la vie publique, bien qu'il lui soit reconnu un rôle important au niveau

76 1 RoaaCID 1r.1111-C/( / / $ CID r/$ , Participation politique de la femme ou mystification : essai d'analyse des rapports sociaux de genre dans le champ politique gabonais, Mémoire de Maîtrise en Sociologie, Libreville, UOB/FLSH, 2006-2007, 102 p.

de la sphère économique. S'appuyant sur les travaux de Rose NTSAME77 qui « postule que la femme traditionnelle n'avait pas un accès aux conseils régissant la vie au village, et donc à la vie publique. Son rôle se limitait pour l'essentiel à veiller au bon fonctionnement du ménage. Agricultrice, elle était donc productrice d'une certaine richesse, elle seule possédait le pouvoir de procréer et donc de perpétuer la lignée. Elle seule porte la progéniture, c'est elle qui a la charge de la "conduire" à maturité.»78

La politique est une affaire d'homme. A partir de 1974, les femmes y font une entrée progressive, elles investissent la scène politique. Elles sont sénatrice, député, ministre. Cette émancipation qui donne droit à la femme d'adhérer à la sphère politique, c'est-à-dire à la vie publique, ne serait-ce pas l'un des facteurs du conflit entre bru et belle-mère ? Un homme n'occupant pas une fonction qui soit élevée à celle de sa femme, à l'exemple de parlementaire, quelle serait la réaction de la mère ? Acceptera t-elle que son fils soit en "en dessous" de sa femme ? Toutes ces préoccupations feront l'objet de perspectives à envisager.

Mieux encore, notre examen s'est arreté sur l'analyse de Steeve Thierry BALONDJI79. Ce dernier étudie les conjugalités de fait en milieu ouvrier au Gabon ; qu'il présente comme des unions hors mariage en émergence considérable. Pour lui, « il est en effet chose courante, dans notre société, que deux personnes choisissent de faire vie commune sans se marier, s'unir civilement ou coutumièrement. »80 Et c'est au cours des années 1950 ; surtout au cours de l'année 1972 que le nombre de cohabitations sans mariage avait presque quadruplé dans l'ensemble des couples issus des milieux ouvriers et cela, même dans les années 1990.

77 Rose NTSAME, Les conditions de la femme au Gabon, essai sur les conditions de la femme fang, Thèse de Doctorat de 3ème cycle en Sociologie, Université de Bordeaux II, 1982, 450 p ; cité par Noëlla Maryse BELLA M'BA, op.cit, p.30.

78 Rose NTSAME citée par Noëlla Maryse BELLA M'BA, op.cit., p.41.

79 Steeve Thierry BALONDJI, Les conjugalités de faits en milieu ouvrier au Gabon, Mémoire de Maîtrise en Sociologie, Libreville, UOB/FLSH, sept.2005, 114 p.

80 Ibid., p.1.

Steeve Thierry BALONDJI estime que comme les moeurs changent, aujourd'hui bien des couples décident de faire vie commune sans passer par le mariage, c'est le domaine de l'amour sans formalités. D'où, a priori, il y aurait crise du mariage, pourtant institution bien solide dans la formation sociale gabonaise. Il déduit de son observation que le nombre de couples vivant en union libre ne cesse d'augmenter. L'intérêt de cette étude résiderait dans la compréhension des causes et l'évolution des conjugalités de fait à travers les mutations profondes du monde paysan en force de travail, largement de plus en plus absorbé dans l'orbite du capitalisme occidental.

En définitive conclut-il sur le fait que « dans ce milieu ouvrier, les hommes sont enclins à la mise en infériorisation des femmes. Leur quête d'autorité de domination, les incite à chercher les femmes parmi celle sui ne travaillent pas ou parmi celles qui ont un revenu suffisamment inférieur aux leurs.»81 Toutefois, à la suite de Steeve Thierry BALONDJI, est-ce que cette persistance à ne pas officialiser leurs relations sur les plans coutumier et civil en milieu ouvrier au Gabon, n'est pas la résultante, sinon la conséquence des perceptions de la belle-mère, avec qui la bru entre en rapports conflictuels ?

En dernière analyse, Annick Sandra NYINGONE82 nous propose de revisiter l'impact de l'institution matrimoniale sur la condition sociale de la femme esclave chez les peuples Nkomi du Gabon au milieu du 18ème siècle jusqu'au début du 20ème siècle. Nous nous sommes intéressés à l'impact sur la situation sociale de la femme esclave dans la communauté des hommes libres ; surtout, les rapports qu'elle entretenait avec ses co-épouses, sa belle famille. La jeune esclave avait été élevée par une femme libre qui lui avait inculqué une éducation, dont le but était de faire d'elle une femme soumise, travailleuse et respectueuse de la hiérarchie familiale et conjugale. En dépit des rapports de soumission tenant à l'âge, à l'inégalité des

81 Ibid., p.106.

82 Annick Sandra NYINGONE, Mariage et condition sociale de la femme esclave sous la royauté Nkomi( 1750- 1903), Mémoire de Maîtrise en Histoire et Archéologie, Libreville, UOB/FLSH,sept.2004, 116p.

statuts, à la condition même de l'épouse esclave, des rapports conflictuels pouvaient surgir entre co-épouses parce que le mari avait tendance à la préférer.

La jeune esclave était protégée par sa belle famille. La première épouse « owantolonga » ne pouvait éviter les conflits avec la mère de son mari ; la jeune esclave « owongune » travaillait la plupart du temps non pour elle, mais pour son mari, ses enfants, et qui savait satisfaire les besoins des membres de la famille. A tout moment, n'importe quel parent du mari pouvait venir lui demander la nourriture, parfois l'envoyer chercher de l'eau, lui faire balayer la chambre sans qu'elle n'ait le droit de refuser. Quelle était la cause réelle des conflits entre belle-mère et la bru (première épouse du mari) ? Etait-ce à cause de la préférence de la belle famille ? Pourquoi cette préférence, pourtant c'est la première épouse qui était considérée comme la mère ou grande soeur qui avait inculqué les bonnes manières à la jeune esclave. Nous supposons que elle-même, en principe, était aussi soumise, travailleuse, respectueuse, etc.

De même ici, Séverin Cécile ABEGA aborde aussi cette perspective d'Annick Sandra NYINGONE. Selon lui, « il y eut un temps où dans la société Béti, parce que les filles pouvaient être mariées jeunes, certaines belles-mères élevaient leurs brus. Il est évident que celles-ci ne pouvaient être considérées comme étrangères, et que l'épouse ainsi éduquée s'insérait plus harmonieusement dans as nouvelle famille qu'en y débarquant avec le voile blanc seulement au soir de la cérémonie nuptiale. »83 Ceci pour dire que puisque la bru, à ce moment là, façonnée à la convenance de la belle-mère, il se trouve qu'elle avait les qualités exigées par la belle-mère pour être introduite sans heurts dans sa nouvelle famille. Car la belle-mère lui aura expliquée les us, coutumes et les interdits les relations particulières qui lient la famille à telle personne, tel groupe, telle institution. Chacun de ses manquements est rapporté à sa belle-mère, afin qu'elle la reprenne, la corrige, l'aide à s'amender, à s'améliorer, à se conformer aux usages.

En analysant le mariage et ses représentations sociales, Julie NDOMENGANE ONDO84 montre les attitudes et les opinions d'une classe sociale, les ouvriers, à l'égard du mariage à l'état civil et le mariage coutumier. Si l'intérêt de cette étude réside dans le rapport objectif et subjectif que les enquêtés ont à l'égard des deux types de mariage, on peut souligner l'absence des rapports entre belle-mère et bru. Les tensions entre belle-mère et bru existent-elles dans le mariage coutumier et le mariage civil ? Quelles formes prennent-elles ?

Denise NGWAGANGA85 étudie les représentations sociales du mariage chez la femme salariée en montrant les transformations dans les rapports sociaux de sexe, autrefois définis comme une relation de dépendance socio-économique de la femme envers le mari, seul pourvoyeur des biens. La domination masculine se trouve mise en mal par le nouveau statut de la femme mariée salariée car l'homme se voit dépossédé de toute sa supériorité sur la femme. Pour Denise NGWAGANGA, ces bouleversements sont imputables à l'introduction du mode de production capitaliste.

A la suite de Denise NGWAGANGA, on peut formuler deux interrogations : les rapports conflictuels entre belle-mère et bru sont-ils l'expression d'un affranchissement de la domination masculine que la belle-fille exprimerait à l'égard de sa belle-mère ; qui incarne ici la famille de l'homme, membre de cette famille qu'elle côtoie plus au quotidien ? Les rapports de force entre bru et belle-mère sontils l'effet, dans l'ordre domestique, de l'introduction du mode de production capitaliste et des rapports de domination qui lui sont inhérents ?

En définitive, tous ces auteurs universitaires gabonais parlent du mariage sans évoquer l'aspect des rapports entre bru et belle-mère, exceptée Josiane MELEANG M'ATOME, qui a effleuré l'aspect conflictuel sans en donner l'origine véritable et les conséquences.

84 Julie NDOMENGANE ONDO, « Mariage et représentations sociales en milieu ouvrier au Gabon », UOB/FLSH, Libreville, rapport de Licence en Sociologie, septembre 1998, 27 pages.

85 Denise NGWAGANGA, « Les représentations sociales du mariage chez la femme mariée salariée », UOB/FLSH, Libreville, rapport de Licence en Sociologie, novembre 1999, 26 pages.

4. Comment entendons-nous poser le problème dans notre recherche ?

C'est dans la société gabonaise, en proie à des mutations de tout genre, que nous avons articulé notre problématique. L'irruption du capitalisme, avec la variable « argent », a changé les mentalités africaines, gabonaises particulièrement. Nous sommes passés de la solidarité mécanique, celle où la conscience collective ou collectivité prime sur l'individu, et où le respect régnait, à la solidarité organique où, c'est l'intérêt individuel qui prime. L'intérêt sociologique de cette étude sur les rapports mère-fils à travers la bru dans la famille actuelle, réside dans l'interrogation du changement des relations observées entre deux acteurs, qui hier, étaient basées sur les relations de respect, de confidence, conseillère de la belle mère pour la bru, de la mère à fille, à aujourd'hui, devenues des relations de tensions.

De plus, l'accent est mis sur le fait que c'est ce rapport conflictuel qui semble affecter les relations entre belle-mère et bru. Chacun de ces deux acteurs est plein de méfiance de l'un à l'égard de l'autre. Ce qui pose problème dans cette étude, c'est cette tendance à écouter partout à Libreville des conversations où chacun de ces deux acteurs présente l'autre comme à l'origine de la mésentente qui se crée avec le fils ou les autres membres des deux familles constituées. Mais le véritable problème c'est surtout le fait qu'il s'agit d'une maman qui tient à contrôler son fils qui lui échappe. L'homme est pris entre deux feux et doit gérer les deux femmes.

Il convient de rappeler qu'un « homme se marie, il s'établit, c'est-à-dire, qu'il sort de la tutelle et du giron de sa mère et fonde un ménage. Il quitte un foyer dans lequel il était un fils, et en crée un autre en tant qu'époux. Le chercheur camerounais Séverin Cécile ABEGA évoque même le terme de "mort symbolique" ; la bru entraîne

donc la mort symbolique de la mère.»86 Et que par ailleurs, l'arrivée de la bru et qui prend la place de la mère fait que la bru relègue la mère au second plan. On perçoit ici en filigrane que le conflit entre bru et belle-mère naît a priori du difficile détachement social entre la mère et son fils.

Les rapports conflictuels entre bru et belle-mère naissent également du fait que « l'homme, une fois marié, ses devoirs les plus impérieux le réclament en premier lieu auprès de sa femme et de ses enfants. Mais, s'il continue à vivre parmi les siens, dans le même cercle de relations, il lui est difficile de percevoir que désormais il doit diminuer les prestations qu'il leur accordait auparavant, parce que ses moyens ne sont pas extensibles, et que la priorité doit être donnée à sa femme et à ses enfants. Cette dernière en tant que nouvelle venue dans la famille qui l'accueille, discerne fort bien les contours de son ménage, de son foyer, hiérarchise mieux les rapports, et sait mettre en avant les intérêts de son foyer (parfois trop), au risque de compromettre les rapports que son mari tient à préserver avec les siens. »87

De même, la situation décrite au Cameroun par ABEGA est la même a priori au Gabon ; confirmée par nos informateurs, qui pensent que « en ce qui me concerne, j'ai ma vie, je suis adulte, ils n'ont pas le droit de s'opposer ; ils ne me trouveront jamais une autre, c'est juste une façon de me détruire. Je me révolte par rapport à ce qui est imposé dans ma vie. Je dis avec beaucoup de force que mes parents ont leur vie et moi aussi j'ai la mienne. Chacun fait son expérience terrestre.»88 En effet, « chez moi j'influence, je décide, je suis un rebelle de la famille donc ma mère se tient à carreaux. C'est mon foyer que je protège car mes parents ont eu leurs vies et moi j'ai la mienne. Je débats de toutes ces choses sans retenu avec la famille d'où j'ai meme interdit ma mère de venir chez moi.»89

86 Séverin Cécile ABEGA, op.cit., p.96.

87 Ibid., p.104.

88 Propos de monsieur I.I, 48 ans, agent de contrôle à l'ASECNA, marié à l'état-civil à une sénégalaise, 3 enfants, domicilié à la cité ASECNA.

89 Propos de monsieur I.I, 48 ans, agent de contrôle à l'ASECNA, marié à l'état-civil, 3 enfants, cité ASECNA.

Et qu'en définitive, les situations conflictuels entre belle-mère et bru proviennent du fait que << la première tient à ce que les prestations de la seconde à l'égard de ses enfants soient les mêmes que celles qu'elle accorde à ses beaux-frères, fils de cette belle-mère. >90

Nous mettons également l'accent sur la métaphore selon laquelle la belle mère, en tant que propriétaire et détentrice des moyens de production, c'est-à-dire << le fils > est en conflit avec celle qui n'a que sa force de travail à offrir, c'est-à-dire, lui faire des enfants. En d'autres termes, la belle-mère a « son rêve : pouvoir trôner matin et soir au sommet du mouchoir de tête de sa bru à qui elle va dicter ses conditions qui changent d'une seconde à l'autre.>91 Ce n'est pas seulement l'aspect économique qui peut expliquer le conflit que nous décrivons ici, il a aussi un aspect psychologique et émotionnel (la difficile séparation << mère-fils >>), l'aspect symbolique (les injures, les évitements, ignorance de l'une à l'égard de l'autre, etc.)

Aussi notre recherche s'inscrit dans le cadre du matérialisme historique de Karl MARX et Friedrich ENGELS. Cette perspective nous montre que << L'évolution de la société résulte de l'évolution des conditions matérielles de la vie. A la base se trouvent les forces productives (instruments et techniques de production, force de travail des hommes et objets auxquels s'applique ce travail). Ces forces productives engendrent des rapports de production : ce sont les rapports que les individus nouent entre eux à l'occasion de la production. >92 Dans notre métaphore, << ces forces productives > représentent la bru, qui subit le calvaire de sa belle-mère, désignée ici comme << propriétaire des moyens de production. > Nous étudions donc ces rapports conflictuels dans la formation sociale gabonaise actuelle.

90 Séverin Cécile ABEGA, ibid., p.104.

91 24ème édition de la quinzaine de la femme : la belle mère sénégalaise, p.3.

92 R.G. SCHWARTZENBERG, Sociologie politique, Paris, éditions Montchrestien, 5ème éd., (coll. « Domat Politique »), 1998, p.48.

5- Enonciation de nos hypothèses de recherche.

<< L'hypothèse est une relation entre les faits significatifs. Même plus ou moins précise, elle aide à sélectionner les faits. »93 Par ailleurs, l'hypothèse se présente comme <<une proposition provisoire, une présomption, qui demande à être vérifiée. »94 En fin de compte, << la suite du travail consistera en effet à tester les hypothèses en les confrontant à des données d'observation. »95

Ainsi, dans le cadre notre travail et à la lumière de ces quelques définitions, nous avons retenu deux hypothèses qui vont guider notre démarche, en partant de la question: pourquoi bru et belle-mère sont en conflit ?

Hypothèse 1:

La bru et la belle-mère sont en conflit parce que toutes les deux veulent contrôler l'homme.

Hypothèse 2 :

Le rapport que la mère entretenait avec son fils a changé parce que le mode de production capitaliste a transformé et désorganisé la société ; tout en modifiant le mode du choix du conjoint et les mentalités des deux femmes.

5.1- Définition et construction des concepts

<< Le concept en tant qu'outil, fournit non seulement un point de départ, mais également un moyen de désigner par abstraction, d'imaginer ce qui n'est pas directement perceptible.»96 Plus important encore, pour le sociologue ou le

93 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, op.cit., p.398.

94 Raymond QUIVY et Luc Van CAMPENHOUDT, Manuel de recherche en sciences sociales, 2ème édition, Paris, Dunod, 1995, p.135.

95 Ibid., p.118.

96 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, ibid., p.385.

chercheur, c'est qu'il doit « définir les choses dont il traite, afin que l'on sache et qu'il sache bien de quoi il est question.»97

La définition du concept, bien qu'étant qu'une simple << convention terminologique », opère un tri des faits que cherche à rendre intelligible le sociologue. Après être prêtés à cette exigence méthodologique, nous avons retenu les concepts suivant de notre travail: Belle-mère, Bru ou belle-fille, rapports conflictuels et fils/époux. Cependant, le concept fondamental qui structure notre travail est le conflit.

5.2. Définition des concepts de belle-mère, de bru, rapports conflictuels et fils/époux comme concepts pour notre étude.

Le concept n'est pas seulement une aide pour percevoir, mais une façon de concevoir. Il organise la réalité en retenant les caractères distinctifs, significatifs des phénomènes ; en opérant par un tri des faits que cherche à rendre intelligible le sociologue. En ce qui concerne notre travail, nous définirons trois concepts (que nous trouvons pertinents) : belle-mère, bru et rapports conflictuels, et que nous essayons d'inscrire dans le système conceptuel marxiste.

Belle-mère : Il s'agit de la femme qui a mise au monde l'enfant et l'a élevé ellemême ; soit celle qui n'a pas mise au monde l'enfant mais l'a élevé jusqu'à ce qu'il soit grand. Enfin, il s'agit des grandes soeurs du mari qui ont participé à son éducation, après le décès de la maman ou alors, quand cette dernière n'avait pas de moyens. Dans la perspective marxiste, la belle-mère est ici assimilée au bourgeois, le détenteur des moyens de production ; c'est-à-dire qu'elle est le << propriétaire » du fils.

97 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, op.cit, p.34.

Bru ou belle-fille : Elle désigne l'épouse du fils. Par épouse on attend ici soit celle qui vit en concubinage depuis plus de cinq ans dans le foyer; soit celle qui est mariée que ce soit à la coutume, coutume et état civil , état civil ; état civil et religieux. C'est elle qui n'a que sa force de travail à offrir comme l'ouvrier chez MARX, c'est-à-dire, la capacité à procréer, à entretenir la belle famille. Elle sera la nouvelle « propriétaire » du fils, en tant que nouvelle maîtresse de maison.

Fils ou époux: C'est l'homme qui apparaît comme l' « objet » des convoitises des deux femmes qui se disputent son coeur : sa mère et son épouse. Aussi est-il a priori réifié par ses deux femmes dans leurs rapports conflictuels.

Conflit : Ensemble des relations et frictions entre belle-mère et bru ; l'une qui veut prendre le dessus sur l'autre à travers le fils. Il prend forme par des actes et des injures de la part des deux acteurs. Comme actes, on note que: « l'argent de la consommation de l'eau et du courant des locataires, c'est ma belle-mère qui prend comme si c'était sa maison. Et elle disait aux locataires que c'est elle qui commande. »98 Ou encore, « à la maison elles ne me donnent pas la nourriture, même pas le bonjour, elle reste que dans leurs chambres. Nous sommes dans la même concession mais pas dans la même maison. Quand elle me donne la nourriture aujourd'hui, elles font deux jours sans me donner la nourriture. C'est mon fils qui me donne à manger. »99 Pour les injures, retenons par exemple celles de la belle-mère sur la bru telles : « ce n'est pas le fait de coucher avec mon fils, il n'y a pas encore d'enfants, ce n'est pas la peine d'être là, tu ne sais pas entretenir la maison, les marmites sont mal lavées et tu t'occupes mal de mon fils. »100

En ce qui concerne les injures des brus envers les belles-mères, nous avons retenu par exemple Autre injure de la bru envers la belle-mère : « tu n'es pas la mère de mon mari, dis nous sa vraie mère ; il ne peut pas avoir une mère infirme, tu fais exprès de ne

98 Propos de madame M.C, 40 ans, éducatrice préscolaire, Nzébi, mariée à la coutume il ya 10 ans et à l'état-civil depuis 1 an. Elle a 4 enfants. Elle relate les actes de sa belle-mère au quotidien.

99 Propos de madame M.D, 78 ans, Massango, sans profession, veuve avec 8 enfants, qui a trois belles-filles. Elle rapporte les actes de ses belles-filles au quotidien.

100 Entretien avec madame B.O.M une bru, sans enfants, âgée de 28 ans, étudiante, Fang et vit en concubinage depuis 7 ans.

pas marcher. »101 Ces rapports conflictuels entre bru et belle-mère au sein de la famille, nous rappellent la « lutte des classes » de MARX qui oppose la bourgeoisie (détentrice des capitaux et des moyens de production) et le prolétariat (qui n'a que sa force de travail à offrir en contrepartie d'un salaire), chacune étant à la recherche et /ou la consolidation et la préservation de ses intérêts au sein de la formation sociale capitaliste.

5.3. Construction de notre concept fondamental. Tableau de la construction du concept du « conflit.»

Concept

Dimensions

Indicateurs

Conflit

Economique

> Regard sur les dépenses de la bru

> Partage des finances du fils par la maman

> La bru trop dépensière selon la belle-mère, elle ne sait pas faire des économies.

> Concurrence des vêtements, sacs, etc.

Matériel

> Déplacement des choses telles le savon, les marmites sans accord du propriétaire.

> Revendication de l'espace et des choses comme le

réfrigérateur, les verres, les assiettes, etc.

> Double cuisson la journée de la bru et de la belle-mère > Mésentente au niveau

Symbolique

> Rapport d'évitement (reste dans la chambre) > Ignorance de l'autre (refus de dire bonjour) > Injures réciproques

Section 3 : Démarche méthodologique.

Une première remarque s'impose sur la notion de « terrain. >> En effet, « faire du terrain, c'est avoir envie de se colleter avec les faits, de discuter avec les en quêtés, de mieux comprendre les individus et les processus sociaux.>>102 Il va de soit qu'il n'y a pas de recherche sans terrain, surtout en sciences humaines. Parce que le sociologue s'astreint à un long travail de description et d'interprétation, « il met au jour la complexité des pratiques sociales les plus ordinaires des enquêtés, celles qui vont tellement de soi qu'elles finissent par passer inaperçues, celles qu'on croit "naturelles"parce qu'elles ont été naturalisées par l'ordre social : pratiques économiques, alimentaires, scolaires, culturelles, religieuses ou politiques, etc. >>103

102 Stéphane BEAUD, Florence WEBER, Guide de l'enquête de terrain. Produire et analyser des données eI I I I raI UqI I I, Nouvelle édition, Paris, éd. La Découverte, 2003, p.16.

103 LIIIUd., p.9.

1- Cadre empirique de la recherche.

L'univers d'enquête est le lieu par excellence où le chercheur va puiser les informations dont il a besoin pour rendre compte du phénomène qu'il étudie. A ce propos, il est important pour nous de préciser que notre étude s'est réalisée uniquement dans les quartiers de Libreville ; à savoir Plaine Orety, Ecole Normale, Ancienne Sobraga, Pk6, Pk7, Pk8 et Pk9, Pk11, Nzeng Ayong, Derrière la Prison Charbonnage (Louis GRIGNON de MON-FORT), Derrière l'Hôpital, le Ministère des Mines, la cité ASECNA, Plein Ciel.

Nous avons retenu ces quartiers parce qu'ils sont proches de notre lieu de
résidence c'est-à-dire le campus universitaire (en ce qui concerne les quartiers Plaine
Orety, Ecole Normale, Ancienne Sobraga, Derrière la Prison et Nzeng Ayong) et puis
les quartiers Pk6, Pk7, Pk8 et Pk9, Pk11 parce que c'est une zone géographique
fortement habitée où presque toute les ethnies y cohabitent ensemble ; zone où notre
constat a d'abord pu se faire. Il était intéressant pour nous d'avoir le point de vue de
chaque famille. En outre ces maisons ne sont pas clôturées, ce qui a facilité notre
accès dans ces familles contrairement aux quartiers Plaine-Orety, Ancienne
SOBRAGA où les gens nous recevaient hors de la concession, nous demandaient de
patienter un moment, puis à la fin, il n'était plus possible de nous entretenir, etc.
Nzeng Ayong, Charbonnage (Louis GRIGNON de MON-FORT), Derrière
l'Hôpital ont été retenu parce qu'ils font suite aux rendez-vous que nous avons pris
grâce à des personnes intermédiaires (nos soeurs, nos tantes, des amies, condisciples
de classe, etc.) Notre enquête sur le terrain s'est résumée à l'observation participante,
<< durant laquelle le chercheur participe aux activités qu'il observe.»104 Cette
technique d'enquête nous a donc permis de << faire du porte à porte » entendu par là
cogner dans toutes les portes de ces maisons pour pouvoir nous entretenir avec les
belles-mères et les brus afin de recueillir les avis sur notre objet d'étude. Nous avons

104 Alain BEITONE et al. Sciences sociales, Paris, (coll. « aide-mémoire »), 3ème éd., 2002, p.27.

dii par moment sortir un peu d'argent, à la demande des brus et des belles-mères, pour nos remerciements d'avoir bien voulu accepter de nous recevoir.

2- Population d'enqu~te.

Notre population d'enquête est composée de quarante personnes. Cette population était constitué en majorité de vingt (20) brus et de dix (10) belles-mères et de dix (10) hommes mariés aussi bien à des gabonaises qu'à des étrangères. Il est important pour nous ici de dire qu'il y a eu une difficulté majeure ; celle de rencontrer les belles-mères car étant âgées et pour la plupart, ne vivent pas à Libreville. Ce qui explique le chiffre de (10) dix belles-mères.

3- Technique de collecte et de traitement des données.

Pour rester fidèle à Emile Durkheim, pour qui « les faits sociaux doivent être traités comme des choses »105, le sociologue dispose de plusieurs méthodes et techniques de travail à savoir : (grilles) entretiens, questionnaires, etc. Par ailleurs, nous savons également que le choix des méthodes de travail dépend strictement de l'objet d'étude. Par conséquent, pour notre étude, nous avons eu recours aux entretiens et à l'analyse de contenu. Pour justifier notre choix, nous nous devons d'expliquer les avantages qui résultent de l'utilisation des entretiens comme technique de collecte de données et l'analyse de contenu comme moyen d'exploitation de ces données.

3.1. L'entretien comme technique de collecte des données.

L'utilisation du magnétophone a été indispensable pour espérer atteindre l'objectivité scientifique ; telle que prônée par les sciences sociales. L'entretien apparaît ici comme « une technique qui consiste à organiser une conversation entre

105 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, 11e édition, Paris, Puf /Quadrige, 2002, p.27.

enquêté et enquêteur. Dans cet esprit, celui-ci doit préparer un guide d'entretien, dans lequel figurent les thèmes qui doivent être impérativement abordés.»106

L'entretien a pour but « de recueillir le savoir spécifique dont le narrateur est porteur. L'interviewer doit avoir le souci d'une part de recenser toutes les informations en profondeur et d'autre part, de restituer le discours dans sa singularité même.»107 C'est précisément parce que les rapports entre bru et belle-mère restent << oraux » que cette technique nous paraît adaptée à notre étude. D'où nous avons eu recourt à un magnétophone pour recueillir les informations. Ensuite, pour cette étude, nous avons utilisé l'entretien anti-directif thématique. Cet entretien correspond à <<l'entretien guidé ou « centré > et a pour but d'explorer une partie de la vie du narrateur ; il est focalisé108 sur des situations vécues, sur des évènements. Le chercheur a à sa disposition le guide préalablement établi [...] Celui-ci ayant une fonction de ne pas les laisser digresser le narrateur hors du champ de la recherche.»109

Enfin, nos entretiens sont composés de différents items tels :

> << Rapports mère-fils >> << Attitude de l'homme >>

> << Le choix du conjoint >>

> << Rapport belle-mère/conjointe >>

3.2. L'analyse de contenu comme technique d'analyse des données.

<< L'analyse de contenu porte sur des messages aussi variés que des oeuvres littéraires, des articles de journaux, des documents officiels, des programmes audiovisuels, des déclarations politiques, des rapports de réunion ou des comptes rendus d'entretiens semi-directifs. Le choix des termes utilisés par le locuteur, leur fréquence et leur et leur mode d'agencement, la construction du « discours » et son

106 Alain BEITONE et al. Sciences sociales, Paris, (coll. « aide-mémoire »), 3ème éd., 2002, p.27.

107 Jean POIRIER et al, Les récits de vie. Théorie et pratique, Paris, Puf, << collection dirigée par Georges

BALANDIER », 1983, p.75.

108 C'est la technique du focused interview de MERTON, cf., MERTON R.K., and KENDALL P., the focused interview,Glencoe III, the Free Press, 1952, cité par Jean POIRIER in Les récits de vie, p.75.

109 Jean POIRIER in Les récits de vie, ibid., p.76.

développement constituent des sources d'informations à partir desquelles le chercheur tente de construire une connaissance .»110 Elle a aussi pour but de rendre explicite l'implicite, pour lire au-delà des textes, pour décrypter les idéologies de nature qualitative et quantitative.

En un mot, l'analyse de contenu a pour but de rendre explicite l'implicite, pour lire au-delà des textes, pour décrypter les idéologies de nature qualitative et quantitative. L'analyse de contenu nous permet de faire << la carte d'identité » de chaque enquêté pour bien reconstruire leurs logiques et aussi, de mettre en évidence la logique d'ensemble des belles-mères et des belles-filles ; et de procéder à une catégorisation des discours.

3.3. Limites de l'étude.

Une des limites majeures dans notre travail se trouve être la documentation sur la question que nous soulevons dans cette étude. En effet, Jean Ferdinand MBAH affirme que << le problème de la documentation au Gabon constitue un réel handicap autant qu'une difficulté pour la recherche. »111 A cela, il faut ajouter le fait que nous nous sommes osés sur un objet que nous considérons comme << sensible », nous faisons face à la réticence de nos enquêtés susceptibles de nous apporter un plus dans la recherche.

C'est ici l'occasion de souligner par exemple que nos enquêtées, en majorité, ont refusé que nous puissions enregistrer les entretiens parce qu'il s'agit de nous relater leurs vies privées et qu'elles ne voudraient en aucun cas que cela soit mis au grand jour ; malgré nos assurances, pourtant elles ne nous donnaient pas leurs identités. De plus, comme nous l'avons souligné déjà, nous n'avons pas pu rencontrer un nombre important de belles-mères parce qu'elles ne vivent pas à Libreville et ne sont pas sur place avec les belles-filles, celles qui ont au moins quarante ans n'ont pas encore d'enfants vivant en concubinage ou en mariage,

110 Raymond QUIVY et Luc VAN CAMPENHOUDT, op.cit., pp.229-230.

111 Jean-Ferdinand MBAH, La recherche en sciences sociales au Gabon. Préface de Louis-Vincent Thomas, Paris, l'Harmattan, (coll. « Logiques sociales »), 1987, p.123.

seulement des copines. Certaines brus ont refusé catégoriquement de nous recevoir car elles ont gardé un mauvais souvenir de leurs belles-mères et de leurs bellesfamilles.

Un autre fait qui a constitué une des limites à notre étude, c'est le fait que certaines maisons étaient inaccessibles dû au fait des barrières et grands portails, sans oublier que ces mêmes concessions avaient des chiens (Bergers allemands par exemple à Plaine Orety). On peut aussi évoquer le problème des horaires de rendezvous fixées par nos enquêtées, les entretiens se passaient pour la plupart la nuit, généralement vers 21 heures dans le quartier Plaine Orety. Les belles-mères et les belles-filles de Plaine Orety nous demandaient de venir à même à 22 heures, peut être est-ce là une tactique pour nous dissuader de revenir. Pour contourner les difficultés, on avait recours de temps en temps à des personnes intermédiaires (nos soeurs, nos tantes, des amies, condisciples de classe, etc.) pour pouvoir nous prendre des rendez-vous et nous faciliter la rencontre avec les enquêtées. Certaines enquêtées, en l'occurrence les belles-mères âgées nous parlaient en Nzébi, Sango et ont avait recours aux traducteurs parce que ne maîtrisant pas correctement ces deux langues. Toutes ces difficultés nous permettent de mesurer la portée d'une recherche en sciences sociales au Gabon, mais aussi, permet au chercheur en formation que nous sommes de mieux nous familiariser avec le terrain. Aussi, la réalisation de ce mémoire est l'aboutissement d'un travail qui ne peut toutefois revendiquer la perfection. Cependant, nous voulons tout de même espérer que l'année prochaine si pour un éventuel 3ème cycle, nous tenterons d'en compenser les carences éventuelles qui se feront ressentir.


Introduction de la première partie

Comprendre comment nos sociétés lignagères ont conçu et élaboré la question du mariage au Gabon en période précoloniale est l'objectif de cette première partie de notre Mémoire. Et pour y parvenir, il nous a paru indispensable d'interroger l'histoire et en filigrane, les logiques qui gouvernent l'institution du mariage, vu que celui-ci est un acte proprement social et culturel. D'autant plus que « toute recherche a pour but d'expliquer et de comprendre les faits sociaux. »112

Mais pourquoi avoir recours à l'histoire ? Pour la simple raison que « les historiens sont des sociologues qui s'ignorent. Et inversement, les sociologues, s'ils veulent construire et mettre à l'épreuve leurs théories, doivent puiser dans les matériaux livrés par les historiens. »113 Ce qui nous permet de dire que le mariage au Gabon, du moins son institutionnalisation, a une histoire que nous devons visiter pour tenter de rendre compte de la nature des rapports entre brus, gendres et beaux-parents ; que nous observons dans ledit Mémoire. Le recours à l'histoire ici, à travers la question du mariage au Gabon en période précoloniale, s'explique en outre par le fait que « si, de plus, l'histoire est, pour les sociologues, une discipline importante, c'est aussi parce que les individus que les sciences sociales étudient sont eux-mêmes des produits de l'histoire. Autrement dit, l'histoire, selon la formule de DURKHEIM, est notre "inconscient social". Nos manières de penser, nos institutions, nos habitudes, qui paraissent inscrites dans nos représentations collectives, trouvent leur origine dans le passé. »114

112 Jean-) HEEc:c011)BA'-F ,ILa recherche en sciences sociales au Gabon. Préface de Louis Vincent THOMAS, 3111011-F arINc,UERO. « Logiques sociales »), 1987, p.105.

113 Patrick CHAMPAGNE, La Sociologie, Toulouse, Les Essentielles Milan, 2005, p.28.

114 Ibid., p.29.

Aussi, dans le meme ordre d'idée, cette première partie de notre Mémoire intitulée « la question du mariage au Gabon en période précoloniale » est constituée de deux chapitres. Le chapitre premier a pour titre « Aperçu historique sur la question du mariage » et le second chapitre porte essentiellement sur « l'impact de la période coloniale sur la société gabonaise. »

Chapitre I : Aperçu historique sur la question du mariage.

Section 1 : Le mariage dans la société traditionnelle.

Une première remarque s'impose sur la question du mariage dans la société traditionnelle gabonaise en général, chez les Myènè en particulier par exemple. Comme l'écrit, à ce propos, l'historien Nicolas METEGUE N'NAH115 « que la coutume du mariage n'existait pas dès l'origine sous sa forme actuelle chez les Ngwèmyènè. »116 Se focalisant sur les travaux du feu Pasteur OGOULA-M'BEYE117, Nicolas METEGUE N'NAH retient de ces travaux que « l'évolution vers l'institution du mariage légitime s'est faite par étapes dans la société ngwèmyènè. Ainsi, du concubinage primitif, les Ngwèmyènè sont passés à un concubinage amélioré, d'un type nouveau, ressemblant beaucoup plus aux fiançailles et appelé "ôgoli". »118 En fin de compte, cette section s'atèle à mettre en évidence le mariage dans la commune ancienne et la recherche de l'épouse.

1. La conception du mariage dans la commune ancienne.

Le concept du mariage est polysémique. De manière générale l'encyclopédie AXIS119 définit le mariage comme union légitime entre un homme et une femme, le

mariage est une institution universelle, à la fois juridique et sociale, qui établit le statut des enfants tout en créant des droits et des devoirs entre les conjoints et leurs et leurs familles. Objet d'une certaine ritualisation, il présente des modalités diverses selon les sociétés et selon les époques. Nous convoquons Claude LEVI-STRAUSS120.

En effet, l'auteur note, en ce qui concerne le mariage dans les sociétés traditionnelles, dans le Regard éloigné (1983) que << dans toutes les sociétés humaines, la création d'une nouvelle famille a pour condition absolue l'existence préalable de deux autres familles, prêtes à fournir qui un homme, qui une femme, du mariage desquels naîtra une troisième famille, et ainsi de suite indéfiniment. [...] Une famille ne saurait exister s'il n'y avait d'abord une société : pluralité de familles qui reconnaissent l'existence de liens autres que la consanguinité, et que le procès naturel de la filiation ne peut suivre son cours qu'intégré au procès social de l'alliance.»121

De plus, le mariage est, selon le Larousse 2009, un acte solennel par lequel un homme et une femme établissent entre eux une union dont les conditions, les effets et la dissolution sont régis par des dispositions en vigueur dans le pays, par les lois religieuses ou par la coutume. Il s'étend aussi comme une cérémonie organisée à l'occasion de la célébration de cette union. Par ailleurs, c'est l'un des sept sacrements de l'Eglise catholique.

Par ailleurs, dans la société gabonaise il est question du mariage coutumier selon Justine ELO MINTSA et Grégory NGBWA MINTSA pour qui << le mariage, dans la tradition, en dehors d'unir deux êtres pour fonder une famille, avait pour but d'unir des familles et des clans pour une alliance quasi sacrée .Il existe deux étendues du mariage dans la tradition : le mariage endogamique, qui consiste à épouser un membre d'une famille ou de son clan, et le mariage exogamique, qui consiste à épouser un membre d'une famille , d'un clan ou d'une tribu autre que les siens.»122

120 Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre « Sociologie de la famille », récupéré de http : // fr.wikipedia.org/wiki/sociologie de la famille, 8 pages.

121 Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre « Sociologie de la famille », récupéré de http : // fr.wikipedia.org/wiki/sociologie de la famille, ibid., p.3.

122 Justine ELO MINTSA et Grégory NGBWA MINTSA, Protocole du mariage coutumier au Gabon, Libreville, Polypress, 2003, p.13.

Dans sa thèse de doctorat Florence BIKOMA123 définit le mariage comme « complexe des normes sociales sanctionnant les relations sexuelles d'un homme et d'une femme et les liant par un système d'obligations mutuelles et de droits. Il fait l'objet de cérémonies rituelles publiques, conduites par un ou plusieurs membres, qui statuent sur le fait que l'homme accepte la femme et que la femme accepte l'homme comme épouse et époux. Le caractère exclusif du mariage intègre l'homme dans la sphère des grands et participe au changement de statut. Il socialise le couple. »124

Selon le Pasteur OGOULA-M'BEYE, chez les Myènè (de la société traditionnelle), « il n'existait pas de vrai mariage chez eux. On vivait en concubinage. L'homme pouvait changer de femme à son gré. La femme pouvait aussi en faire autant, car elle n'appartenait réellement à personne. Chacun pouvait la prendre à qui mieux-mieux et c'est ce qui provoqua beaucoup d'ennuis pour l'établissement d'un mariage. On vivait comme des cabris ou des moutons disputant chèvres et brebis. Le mariage d'autrefois n'est pas loin de la débauche des célibataires d'aujourd'hui. »125

Ici, le constat fait par le Pasteur à propos du mariage dans la commune ancienne démontre qu'un libertinage sexuel existe et laisse envisager qu'« aucun mariage vrai n'existait mais du concubinage. »126 Ce point de vue développé sur l'union libre ou concubinage est partagé par Steeve Thierry BALONDJI pour qui, « il est en effet chose courante, dans notre société, que deux personnes choisissent de faire vie commune sans se marier, s'unir civilement ou coutumièrement. Ce choix de vie est connu sous le nom de conjugalité de fait. »127 Or, « l'union libre n'avait aucun statut dans nos traditions. C'était quelque chose d'honteux. »128 Et comme il était

123 Florence BIKOMA, Socialisation de la femme accomplie mukaas wadya makoma bya chez les Nzébi du Gabon, thèse de Doctorat en Ethnologie-Anthropologie, Université Paul VALERY de MONTPELLIER III, 2004, 457 p.

124 Florence BIKOMA, Socialisation de la femme accomplie mukaas wadya makoma bya chez les Nzébi du Gabon, thèse de Doctorat en Ethnologie-Anthropologie, ibid., pp.90-91.

125 Pasteur OGOULA-0 /(<(, Galwa ou Edongo d'antan, ibid., p.82.

126 Ibid., p.83.

127 Steeve Thierry BALONDJI, Les conjugalités de faits en milieu ouvrier au Gabon, op.cit., p.1.

128 Ibid., p.34.

question de soigner son image par le mariage dans la commune ancienne, « le bon "citoyen" était celui qui avait pris femme. Dans le village, le concubin était un citoyen de second ordre, qui ne prenait pas part à la direction de la "cité". »129

Après tout, « le concubinage c'est un gîte de passage tandis que le mariage c'est le village. »130 Selon les propos du Pasteur OGOULA-M'BEYE, de Nicolas METEGUE N'NAH et Anges François RATANGA-ATOZ il ressort qu'il n'existait pas de mariage dès l'origine sous sa forme actuelle, c'est-à-dire avant la migration des Ngwèmyènè. Mais on vivait en concubinage en d'autre terme en conjugalité de fait ou encore unions libres ; sources de désordre, manque d'estime de soi et de conflits surtout chez les femmes. Parce que la femme, étant le pilier de la famille (c'est elle qui transmet la lignée), ne s'inquiétait pas de son entourage. La femme n'appartenait à personne car les hommes se les échangeaient comme des betes.

De ce fait, pour palier cette attitude d'insouciance, et aux conflits engendrés par ces unions aventureuses capables de nuire à la société, il fallait trouver une solution ; c'est ainsi que l'homme qui voulait prendre une femme pour épouse devait soumettre cette question à sa famille. Venons-en à présent à la question relative à la recherche de l'épouse. Il faut signaler à ce sujet que l'historien Nicolas METEGUE N'NAH tente de récapituler l'origine du mariage dans la commune ancienne par le fait que « du concubinage primitif, les Ngwèmyènè sont passés à un concubinage amélioré, d'un type nouveau, ressemblant beaucoup plus aux fiançailles et appelé"ôgoli".»131

Pour rester dans cette même logique du mariage dans la commune ancienne, un regard est aussi posé sur la société traditionnelle Nzébi ; pour voir comment ce peuple percevait et concevait le mariage. En effet, « le mariage existait mais pas le concubinage car chez les Nzébi, ils n'acceptaient pas la prostitution » nous a confié

129 Anges F. RATANGA-ATOZ, Les peuples du Gabon occidental pendant la première période coloniale 1839- 1914, Thèse de Doctorat ès Lettres option Histoire, Université de REIMS CHAMPAGNE ARDENNES, Tome 1, 1996, pp483-484.

130 Pasteur OGOULA-D N( <( ,1op.cit., p. 87.

131 1 ITRUND ( 7( * 8 ( 1 1 $ +, Lumière sur points d'ombre, op.cit., p.43.

monsieur Joseph Francis MAYOMBO NZENGUE132 lors d'un entretien qu'il nous a accordé à cet effet. Autre point de vue recueilli, c'est celui de madame veuve NDONG-MVE Véronique133 pour qui, chez les fang, « le concubinage n'existait pas, la dot n'existait pas en tant que telle, il s'agissait seulement des échanges. Soit on échangeait la nourriture ; soit la machette, la hache et le mariage était uniquement une affaire des hommes. »

Après avoir traité de la conception du mariage dans la commune ancienne, venons-en à présent à la question relative aux contextes du mariage dans la société gabonaise précoloniale.

2. Les contextes du mariage dans la société gabonaise précoloniale.

La recherche de l'épouse pour certains, le choix du conjoint pour d'autres, est une étape importante dans la vie de l'homme, et partant, pour la création d'un nouveau lien de parenté et la continuité d'un clan. Après le mariage la femme allait vivre dans le village du mari ce qui faisait qu'elle était mieux connue. Aujourd'hui lorsqu'on se marie on part habiter loin des parents pour s'autonomiser ; le mariage à l'époque n'était pas pour légitimer la femme au contraire, elle était comme une esclave car c'est le mari qui décidait de tout.

Rappelons que le mariage commence par le choix du conjoint et naît véritablement avec l'introduction du versement de la dot. Celle-ci est au fondement du mariage, comme l'indique Louis ROUSSEL, « l'importance du patrimoine, le souci de sa transmission ou de l'accroissement, la nécessité de trouver un successeur

132 Entretien le 14 septembre 2008 avec monsieur Joseph Francis MAYOMBO NZENGUE ; 53 ans, Nzébi de Lébamba ; technicien de recherches en botanique, marié à la coutume et à l'état-civil. Il est père de 9 enfants. Lieu de l'entretien : Arboretum de Sibang.

133 Entretien qu'elle nous a accordé ce 17 septembre 2008, elle est veuve, ~gée de 50 ans, Fang de Bitam, mère de 10 enfants. Ses parents ont eu à arranger son mariage. Elle est sans profession et habite au carrefour B.2 de Libreville.

capable de le gérer, peuvent en effet rester déterminant dans le choix d'un gendre ou d'une bru. »134

Cette situation montre que « chez les peuples de l'Ouest du Gabon, on pouvait prendre femme de diverses façons. Dès que la femme d'un ami était enceinte, on pouvait manifester le désir de voir l'enfant à naître devenir "sa femme" ou "celle de son fils". »135 Mieux, « dans le milieu Myènè-Nkomi (peuple d'Eliwa) ce que nous conviendrons d'appeler "fiançailles" ou "épousailles" étaient marquées par le passage d'un bracelet en cuivre au bras de l'enfant [...] Ces préludes au véritable mariage ont une signification très particulière. En effet, il s'agit en quelque sorte d'une reservation, une promesse publique de mariage. »136

Par ailleurs, chez les Nzebi, « le mariage se concevait par les chefs de famille, pas parmi des familles inconnues, soient connues comme des héros dans le vampire, sorcellerie, l'orgueil, sur le manque de culture de la terre, et dans les prostitutions. Le mariage se faisait par deux clans, et deux tribus opposées. Le père était le premier à choisir la femme de son fils dans une famille qu'il connaissait bien, la sollicitation d'une épouse pour son fils pouvait se faire depuis la grossesse si celle-ci mettait au monde une fille. La demande de la main de celleci se faisait devant une grand-mère maternelle ou paternelle. »137

Toujours dans la formation sociale Nzebi, « au plan psychologique, la célébration d'un mariage nécessite une connaissance réciproque des deux familles, une connaissance des antecedents genealogique et des differents groupes de filiation des deux familles. Ainsi une verification prealable du clan, ibanda, du pretendant et de son clan paternel, itèyi, etait necessaire car si : le pretendant etait du même clan que le père de la fiancee, il est alors son frère et par consequent le père de la fiancee ; dans ce cas, le mariage demeura impossible. [...] De même que le clan maternel. »138

134 Louis ROUSSEL, Le mariage dans la société contemporaine. Faits de population, données d'opinion. Préface d'Alain GIRARD, Paris, Puf, (coll. « Travaux et documents »), cahier n°73, 1975, p.206.

135 Anges F. RATANGA-ATOZ, opcit., p.485.

136 Anges F. RATANGA-ATOZ, ibid, p.486.

137 Propos de monsieur Joseph Francis MAYOMBO NZENGUE ; 53 ans, Nzébi de Lébamba ; technicien de recherches en botanique, marié à la coutume et à l'état-civil. Il est pqre de 9 enfants. Lieu de l'entretien : Arboretum de Sibang le 14 septembre 2008.

138 Florence BIKOMA, opcit, pp.90-91.

On peut se rendre compte que dans ces deux societes lignagères, on pouvait choisir sa femme dans le ventre ou la reserver pour son fils.

Une première remarque s'impose sur le fait que le choix du conjoint ou la recherche de l'épouse était une affaire des parents. En ce sens, Justine ELO MINTSA et Gregory NGBWA MINTSA, à travers leur ouvrage139, presente trois types de mariages : le mariage arrange, le mariage choisi et le rapt ; nous scrutons le mariage arrange. En effet, « autrefois, les mariages etaient, le plus souvent, arranges. Ce type de mariage n'était l'affaire de deux êtres qui s'aiment. Il liait avant tout, des familles, des clans. On pourrait meme dire que l'organisation du mariage impliquait plus les parents que le futur couple. Généralement ce mariage s'effectuait sur la base de bonnes relations existant entre deux individus.»140

Louis ROUSSEL pense, pour sa part, qu'« au modèle du mariage traditionnel "arrange" par les familles, on oppose le mariage contemporain oil les jeunes gens, sans aucune pression extérieure se rencontrent, s'aiment et se marient. »141 De plus, les exemples les plus significatifs sont ceux des peuples du Sud dits "sudistes" et des Fang ; en ce sens que « chez les Fang (peuples du Nord et du Littoral-Ogooue) la recherche de l'épouse était strictement une affaire des parents. La famille du garçon s'accordait avec celle de la fille pour de futures "epousailles". »142

De même chez les Akele, le mariage etait aussi une affaire des parents ; comme nous le rapporte madame Helène YAYE143 : « J'ai été mariée au neveu de mon père car sa femme ne faisait pas d'enfants. Son neveu était venu demander à mon père, son oncle, de lui donner une de ses filles, la dernière, donc moi. Etant donné qu'il n'avait pas d'enfants, mon père ma donné en mariage à ce dernier en lui disant de bien me garder parce que je suis sa

139 Justine ELO MINTSA et Grégory NGBWA MINTSA, Protocole du mariage coutumier au Gabon, Libreville, Polypress, 2003, 91 p.

140 Justine ELO MINTSA et Grégory NGBWA MINTSA, Protocole du mariage coutumier au Gabon, ibid., p.18.

141

Louis ROUSSEL, Le mariage dans la société contemporaine, op.cit, p.204.

142 Anges F. RATANGA-ATOZ, op.cit., p.487.

143 Entretien avec madame Hél~ne YAYE, ~gée de 58 ans, d'ethnie Akélé de Mouila. C'est l'une de nos enquêtées que nous avons rencontrée au village artisanal de la "Pierre de Mbigou" au quartier Alibandengue de Libreville ce 5 septembre 2008.

petite soeur. Je faisais une semaine chez mes parents, une semaine chez lui, pour mieux le connaître, ce qu'il aime et ce qu'il n'aime pas jusqu'au jour où il a amené la dot ; c'est-à-dire deux cabris. Et je lui ai fais des enfants, qui n'appartenaient pas à sa première épouse, mais à moi et à mon mari. Je me suis mariée en 1960. Lorsque les parents te donnaient un mari, tu ne pouvais pas dire non devant eux sinon on pouvait te maudire, ne plus faire des enfants, voire même te tuer car c'était un déshonneur pour eux. Si tu ne voulais pas du gars, tu fuyais très loin, tu allais dans un autre village de peur qu'on te tue. Et tu ne devais revenir chez tes parents que si tu trouvais un autre mari et ce n'était pas du coup, après plusieurs années.»144

Ces exemples, en ce qui concerne la recherche de l'épouse ou le choix du conjoint, nous permettent de nous rendre compte que « selon l'ancien ordre social, les relations entre un homme et une femme se réglaient toujours par l'intermédiaire des groupes au sein desquels chacun d'eux s'inscrivait. Il n'existait guère cette rencontre directe à laquelle poussent les inclinations et les affinités physiques-ces "appétits" qui, selon l'expression de MONTAIGNE, "tiennent au corps et à l'âme".»145

Ainsi, la recherche de l'épouse qui entérinait l'institution du mariage chez les Myènè par exemple ; attestait bien que « l'homme qui voulait prendre une femme pour épouse, après s'être entendu tous les deux, soumettait alors la question à son oncle maternel surtout, et exceptionnellement à son père, si celui-ci vivait encore avec sa mère. L'oncle ou le cas échéant le père du fiancé partait avec les deux amoureux chez les parents de la future pour leur dire : ces deux personnes s'aiment, ils veulent se marier. Si les parents de la femme acceptent la proposition, le prétendant liait alors un bracelet de ficelle autour du bras droit de sa promise. C'est ce qui donnait des prérogatives à toute rivalité éventuelle.»146

Le Pasteur OGOULA-M'BEYE poursuit : « lorsqu'une personne avait porté son choix et marqué d'un bracelet de ficelle le bras droit d'une femme voire d'une fillette, cet homme entérinait son acte de mariage en aidant ses beaux-parents dans

144 Propos de madame Hél~ne YAYE, kgée de 58 ans, d'ethnie Akélé de Mouila.

145 Georges BALANDIER, Afrique ambiguë, Paris, Plon, (coll. « Terre Humaine »), 1957, p.38.

146 Pasteur OGOULA-M'BEYE, Galwa ou Edongo d'antan, op.cit., p.84.

leurs divers travaux, en leur procurant éventuellement de la viande et le cas échéant, en exécutant leurs diverses commissions.»147

A ce niveau, Nicolas METEGUE N'NAH pense que le << nouage du bracelet autour du bras de la jeune fille n'était que le symbole de l'union dont l'élément fondamental, à ce stade de l'évolution du régime matrimonial chez les Ngwèmyènè, était les services rendus par le gendre à sa belle-famille.»148 Nous retiendrons que le nouage du bracelet autour du bras de la jeune fille n'était que le symbole de l'union mais la femme continuait à habiter chez ses parents. En définitive, cela conduira les Myènè à institutionnaliser la dot ; qui viendra établir la légitimer et la légalité de l'union. Car, avec la dot, « le mari eut le droit d'emmener son épouse chez lui.»149

En fin de compte, que se soit chez les Fang, les Myènè, les Akélé, les Nzébi ou tout autre ethnie du Gabon, nous partageons le point de vue de RATANGA-ATOZ selon lequel << la société traditionnelle tenait peu compte de la liberté de choix des enfants »150 et donc, que le choix du conjoint à l'origine, revenait exclusivement à la famille. La future épouse était toujours choisie dans une famille amie ou connue et de bonne réputation.

147 Ibid., p.84.

148 Nicolas METEGUE N'NAH, Lumière sur points d'ombre, op.cit., p.44.

149 Nicolas METEGUE N'NAH, Lumière sur points d'ombre, ibid., p.44.

150 Anges F. RATANGA-ATOZ, op.cit., p.487.

Section 2 : Echanges relationnels entre la bru et la bellefamille.

Cette section s'attellera à nous présenter la nature des relations qui ont existé entre la bru et la belle-famille au Gabon, en période précoloniale. Car << face au réel, ce qu'on croît savoir offusque ce qu'on devrait savoir. Quand il se présente à la culture scientifique, l'esprit n'est jamais jeune. Il est même très vieux, car il a l'âge de ses préjugés. Accéder à la science, c'est simplement rajeunir, c'est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé. »151 Aussi verrons-nous d'abord, les devoirs de la bru vis-à-vis de la belle-famille puis les rapports conflictuels ou rapports de force existants susceptibles d'y surgir.

1. Les devoirs de la bru vis-à-vis de la belle-famille.

<< La bonne épouse était avant tout la "bonne paysanne", dure à la peine et préparée à accepter la condition qui lui était offerte. N'ayant jamais connu "autre chose", les filles des hameaux voisins et de toute la zone des collines étaient plus disposées à s'accommoder de l'existence qui leur était promise par le mariage ; nées et élevées dans une aire relativement fermée aux influences extérieures, elles avaient

moins de chance aussi de juger leurs partenaires éventuels selon des critères hétérodoxes.»152

Il faut d'abord rappeler que la jeune fille était mariée très jeune pour s'adapter aux conditions de vie de la belle-famille ; on l'éduquait rien que pour les travaux champêtre et ménager, pour puiser de l'eau et surtout pour être soumise. Elle avait ainsi, avant l'âge de la consommation du mariage, la possibilité d'aller séjourner auprès des parents de son mari et d'apprendre, au contact des femmes qui connaissaient, les goûts et les habitudes de ce dernier ; ce qu'elle devait faire ou éviter pour vivre en bonne intelligence avec lui.

Selon Justine ELO MINTSA et Grégory NGBWA MINTSA, il faut restituer d'abord le contexte du mariage arrangé où l'école, les boites de nuit, les cinémas, les bureaux, ou autre lieu de rencontre facilitant les contacts, n'existaient pas. « Dans ce contexte, il existait un consensus sur le rôle d'un mari et celui d'une femme. Ces valeurs étaient inculquées depuis la tendre enfance. Le système marchait fort bien : les garçons étaient élevés pour être de bons époux et de bons pères, avec toutes les contraintes et les devoirs que cela impliquait, tandis que les filles étaient conditionnées pour être de bonnes épouses et de bonnes mères.»153

Nous savons aussi maintenant que la grande famille africaine a une tendance à vivre dans les capitales africaines avec tous les corollaires que cela peut comporter. Ce combat d'arrière-garde, est illustré par exemple par « Hadja Oumou Coulibaly, une octogénaire. Mère de 7 garçons aujourd'hui tous mariés, nous fait sa confidence. "Quand mon mari est parti à l'exode, je suis restée au service de mes beaux-parents pendant 19 ans. Je n'ai jamais rechigné aux tâches ni aux invectives quotidiennes. Pires, les autres frères et soeurs de mon mari m'en imposaient tous. Mais j'ai supporté tout ça, parce qu'il est dit qu'une femme soumise est toujours récompensée de son

152Pierre Bourdieu, Le bal des célibataires. Crise de la société paysanne en Béarn, Paris, édition du Seuil, (coll. « Point s»), 2002, p.232.

153 Justine ELO MINTSA et Grégory NGBWA MINTSA, Protocole du mariage coutumier au Gabon, Libreville, Polypress, 2003, p.18.

dévouement.»154 Cet exemple nous permet de voir comment une belle-fille se comportait vis-à-vis de sa belle famille et les devoirs auxquels elle devait s'y astreindre.

L'exemple de notre enquêtée madame Hélène YAYE confirme nos dires selon lesquels elle fut en mariage très jeune : « je suis allée en mariage à 10 ans chez le neveu de mon père, car sa femme ne faisait pas d'enfants. Je faisais une semaine chez moi, une autre chez lui, pour connaître ce que mon futur mari aimait. Ce que je raconte, c'est aussi la même histoire pour ma maman ; qui est morte en 1968. »155

Par ailleurs, on doit noter que qu'à cette époque, on ne choisissait pas n'importe quelle femme, on voyait d'abord le comportement de la jeune fille, c'est-àdire la politesse, le fait qu'elle soit travailleuse. Elle était envoyée très tôt en mariage parce que les parents voulaient manger vite la dot. Mais c'était aussi dans le but de lui faire inculquer une éducation propre à sa belle-famille et dont l'objectif de faire d'elle une femme soumise, travailleuse et respectueuse de la hiérarchie familiale et conjugale. Puisqu'on ne naît pas femme, on apprend à le devenir grâce à la socialisation. Et ses rapports étaient basés sur la dépendance de cette dernière envers son mari et sa belle-famille.

Nonobstant les problèmes rencontrés dans le couple ou avec la belle-famille, la femme ne pouvait répondre à sa belle-famille ou quitter le domicile conjugal. Elle était contrainte d'y demeurer et d'être soumise. La belle-fille était malgré tout considérée comme une enfant par sa belle-mère et son beau-père. La belle-mère devenait une seconde mère et était une conseillère pour la bru. Cette dernière travaillait la plupart du temps pour son mari car « dans le système traditionnel, les femmes sont habituellement soumises à leur mari, à la fois socialement et

154 « Des échanges relationnels conflictuels » par Dalila SOLTANI in Le mague-journal de culture-société- people-Décryptage Télé, tiré de www.lemague.net/ dyn/spip.php., p.6.

155 Propos de madame Hélène YAYE.

économiquement >>156 , pour ses enfants, et savait satisfaire les besoins des membres de la famille. Elle devait également montrer son efficacité à la belle-famille ; c'est à ce moment là que les belles-soeurs en profitaient pour ne rien faire.

Puisqu'à tout moment n'importe quel parent du mari pouvait venir lui demander à manger, parfois l'envoyer chercher de l'eau, lui faire balayer la chambre, laver le linge sans qu'elle ne refuse parce qu'il fallait qu'elle montre son image de femme travailleuse. Madame YAYE poursuit encore : <c la plupart du temps se sont les belles-soeurs ; les beaux-frères qui vous embêtent. On ne devait pas refuser. Par exemple, on te dit d'aller puiser de l'eau, ou essayait même la fille pour voir si elle avait reçu une bonne éducation en mettant les arachides dans la calebasse. Si elle mange, on dit qu'elle n'est pas une bonne femme ; quand tu ramènes on dit que t'es une fille. Même si la belle-soeur te parle mal, tu ne dois pas rendre. Aujourd'hui, les beaux-frères pouvaient dire qu'on veut manger les feuilles de manioc, tu te devais de les préparer.>>157

Ce qu'il faut garder à l'esprit c'est que <c la fille doit embrasser la famille du mari ; du mari à la tante (soeurs, frères, père, mère)>>158 dans la mesure où « le mariage est ainsi, essentiellement, une union entre deux familles plutôt une union entre deux individus. >>159 Ou encore comme l'écrit le Pasteur OGOULA M'BEYE, par le mariage, il ne s'agit pas de faire des palabres plutôt constituer une nouvelle famille où l'harmonie et le respect doivent prévaloir de part et d'autre. Point de vue que nous partageons aussi.

Même nos enquêtées ont mis en évidence ces rapports de soumissions auxquels elles étaient contraintes car « à notre époque, mes parents m'ont appris que je devais respecter ma belle-famille, être travailleuse et avoir un bon comportement pour que je sois bien gardée.>>160 Bref, la bru était obligée d'être soumise surtout si l'homme est

156 Aderanti ADEPOJU et al, La famille africaine. Politiques démographiques et développement. Préface de Lamine NDIAYE, Paris, Karthala, (coll. « Questions d'enfances »), 1999, pp.85-86.

157 Propos de madame Hélène YAYE.

158 Propos de monsieur Joseph Francis MAYOMBO NZENGUE.

159Aderanti ADEPOJU et al, La famille africaine. Politiques démographiques et développement, op.cit., p.110.

160 Propos de madame E.T., 63 ans, Fang, retraitée, 7 enfants, à la fois bru et belle-mqre. Entretien qu'elle nous a accordé en juin 2008 à son domicile sis à l'Ancienne Sobraga.

toujours dans les mamelles de sa mère, tant qu'elle vit dans la maison de la bellefamille, elle était contrainte de s'occuper de sa belle-famille.

En définitive, s'il n'ya pas soumission ni respect de la bru envers sa bellefamille, cette situation peut constituer une des prémices aux éventuels rapports conflictuels entre cette dernière et sa belle-famille.

2. Rapports de force existants.

La vie du couple est, à ce qui semble, rythmée par la succession des bons et mauvais moments. En effet, en dépit des rapports de soumission et de respect, les rapports conflictuels pouvaient surgir ; cependant ils restaient latents. Ils demeuraient donc latents parce qu'il y avait des valeurs de respect classées sous la rubrique de convention ; d'où un certain consensus entre parents qui s'était installé, vu que le mariage était arrangé par ces derniers. « Ce type de mariage, certes, pouvait présenter quelques difficultés : il pouvait arriver que, même sous la pression la plus forte, un des deux refuse le conjoint qui lui a été choisi. Toutefois, il semble qu'il y avait moins de conflits.»161

Le plus souvent le conflit, a priori, provenait des belles-soeurs, des beauxfrères, des cousins, car ils pouvaient prendre la jeune mariée comme une esclave ; c'est-à-dire en « t'envoyant trois ou quatre fois voire plus sans repos en disant va me puiser de l'eau ; sert-moi ; on ne veux plus manger cela, prépare nous telle chose.»162 Ce qui faisait que le jeune fille( bru) pouvait, dans ce cas de figure ,oser répondre, estimant que la circonstance était abusive ou, elle boudait et parfois, prenait l'initiative de retourner chez elle.

C'est comme ça « que le père du mari venait encore prier la belle-famille pour que la bru retourne en mariage et pour cela, il donnait encore une nouvelle marchandise comme le vin, le cabris »163 en guise d'amande. On peut aussi corroborer le point de vue

161 Justine ELO MINTSA et Grégory NGBWA MINTSA, op.cit, p.19.

162 Propos de madame Hélène YAYE.

163 Propos de monsieur Joseph Francis MAYOMBO NZENGUE.

d'Annick Sandra NYINGONE pour qui « ces conflits ne devaient pas avoir lieu en présence du mari qui incarnait l'autorité et le respect. Il y avait certainement des murmures de mécontentement, des tentatives de règlements de compte, mais dans l'ombre. »164 On notera aussi que « quand tu appréciais un garçon ou tu faisais n'importe quoi, t'avais peur, car cela faisait des problèmes avec la belle-famille ; on te surveillait. Quelques fois, les soeurs présentaient encore d'autres femmes à leur frère sachant qu'il est marié.»165

Signalons au passage qu'il n'y avait véritablement pas de conflits entre bru et belle-mère d'après notre enquetée madame Hélène YAYE ; et si ils survenaient ; c'est conflits étaient latents vu qu'on ne pouvait pas parler avec sa belle-mère. Nous le répétons il y avait certainement des murmures de mécontentement, mais tout ceci se faisait dans la discrétion. Si la bru venait à mal se comporter, cela se réglait en conseil de famille afin de ramener le calme parce qu'il y `avait des philosophes coutumiers dans chaque famille.166

L'exemple de madame I.A167, qui a passé 15 ans dans sa belle-famille, étant donné que ses beaux-parents l'ont prise à l'age de 8 ans et l'ont élevée, nous édifie sur ces rapports conflictuels entre bru et la belle-famille. Elle nous a confié qu'elle a eu de bons rapports avec sa belle-mère mais la situation était tout autre avec ses belles-soeurs et ses beaux-frères. En effet, « les belles-soeurs et les beaux-frères étaient jaloux, ils inventaient des histoires à propos de mon sujet en mal. Exemple, ta femme, dès que tu parts au travail, elle sort. A un moment donné, ma belle-mère avait pris en compte ces histoires et était devenue contre moi. Elle faisait même deux jours sans me parler, sans manger ma nourriture. Mais je partais toujours vers elle, demandais pardon même pour les choses que je ne reconnaissais pas ; jusqu'à ce qu'elle comprit que c'étaient ses filles qui

164 Annick Sandra NYINGONE, op.cit., p.71.

165 Propos de madame Hélène YAYE.

166 Selon les propos de monsieur Joseph Francis MAYOMBO NZENGUE, chaque famille avait (chez les Nzébi par exemple) des philosophes coutumiers, c'est-à-dire des gens qui, comme les célébrants des mariages ou Okambi, réglaient certains probl~mes au sein des foyers et apportaient des conseils dans l'intérêt de la bonne marche de la famille.

167 Entretien avec madame I.A, Nzébi, 43 ans, sans profession, mariée à la coutume et à l'état-civil avec 7 enfants.

étaient à l'origine des problèmes ; elle avait découvert une lettre écrite par sa fille demandant à son fils de me chasser. »168

Dans la même perspective, madame Y.H169 nous a déclaré qu'elle passait juste des journées avec sa belle-mère pour se connaître. Le conflit a débuté plutôt avec ses belles-soeurs qui demandaient de l'argent à leur frère. Celui-ci répondait qu'il n'en avait pas. C'est ce qui a fait « qu'elles s'acharnaient sur moi en me traitant de mauvaise. Elles me disaient aussi que si je crois que j'ai trouvé le mari~ je me trompe. D'où ma bellemère a commencé à surveiller la maison et affirmait que son fils participe seul aux besoins du ménage et que l'éducation des enfants n'est pas bien faite.»170

Cette situation prouve que la belle-famille a un pouvoir, une influence sur la bru. Mais avec l'arrivée des colons, les changements considérables se sont opérés dans l'éducation de la bru. D'où nous nous posons la question de savoir quelles sont les incidences de la colonisation ?

Selon monsieur MAYOMBO NZENGUE, les conflits pouvaient se résumer au fait que si « si la bru était gentille, elle riait beaucoup avec n'importe qui, les belles-soeurs faisaient les commérages qu'elle est bordelle, parce qu'elle rit avec les hommes, quelques fois c'est motivé par l'homme ; il laisse sa femme sous la garde de ses soeurs. Si elles te voient quelque part avec un homme, elles partent rapporté et cela créait des tensions.»171 Tout bien réfléchi, il n'y avait pas de conflit entre belle-mère et belle-fille mais des incompréhensions dans la maison. Par exemple, « si le mari de la bru avait des cuisses légères, tu parts parler à la belle-mère d'un mauvais ton. Et là, elle pouvait ne pas apprécier mais ce n'était pas courant ; vu que ce n'était pas facile d'adresser la parole au beau-père ou à la belle-mère ; cela faisait en sorte que le mariage ne dure pas et qu'il y ait divorce. »172

168 Propos de madame I.A.

169 Entretien avec madame Y.H, 40 ans, psychologue, Myènè, qui vit en concubinage depuis 9 ans, 2 enfants. Elle travaille à l'hôpital Général de Libreville et a accepté de nous recevoir en mai 2008 à son lieu de travail.

170 Propos de madame Y.H.

171 Propos de monsieur Joseph Francis MAYOMBO NZENGUE.

172 Ibidem.

Chapitre II : L'impact de la période coloniale sur la société gabonaise.

Avec l'irruption du mode de production capitaliste, et partant, de l'implantation de l'administration coloniale au Gabon et ses corollaires ; il s'agit en fait de la désagrégation du mode de production lignager ; mieux, il s'agit d'un "traumatisme colonial". En effet, comme l'écrit l'historienne Florence BERNAULT173 ; à travers la colonisation et surtout l'institution des nouvelles valeurs occidentales (école, église, salariat, état-civil, etc.) ce qui a changé, « c'est la conscience d'une immense fragilisation de la reproduction lignagère et familiale »174 au Gabon.

Aussi, ce chapitre nous permettra de nous rendre compte, autant que faire ce peu, de l'impact de la période coloniale sur le mariage dans la société gabonaise.

173 Florence BERNAULT, Economie de la mort et reproduction sociale au Gabon, in Mama Africa :Hommage à Catherine COQUERY-VIDROVITCH, edited by Odile G2 ( 5 * LIt IWIN:III) $ 1 ' ( ,I3EUVIT1-F apLIWQMILLEL, E 12 p.

174 Ibid., p.8.

Section 1 : Instrumentalisation des valeurs occidentales.

Par "valeurs occidentales", nous entendons ici l'école, le catholicisme, le salariat, mais surtout, la célébration des mariages à l'église et devant l'administration coloniale en place au Gabon.

1. L'école, le travail salarié et l'Eglise.

Considérons d'abord l'exemple de l'école ; pour tenter de montrer son rôle dans les changements intervenus au Gabon. En effet, que l'administration ait été directe (Belgique, France, Portugal) ou indirecte (Angleterre), il faut dire que l'école a été introduite pour former ses auxiliaires ainsi que ceux de la religion et du commerce. Dans un premier temps, elle s'est adressée aux chefs coutumiers sur lesquels le pouvoir entendait s'appuyer. Cependant, au début, ces derniers étaient peu motivés car ils y percevaient là une attaque contre leurs traditions, leurs moeurs, leurs coutumes. Aussi envoyèrent-ils les fils de leurs dépendants tout comme ils les envoyèrent aux chantiers, aux plantations, à l'armée. D'où, s'est amorcée la transformation de la société traditionnelle par l'émancipation des esclaves qui, grace à la scolarisation et le salariat, ont obtenu souvent une position économique supérieure à celle de leurs anciens maîtres. Ceux-ci se rendront compte alors assez vite de l'intérêt que présentait l'école pour le maintien et l'extension de leur influence.

En définitive, ils changèrent leur attitude en y envoyant désormais leurs propres enfants.175 Ce qui fait que va se constituer une couche moyenne intermédiaire entre les blancs et la masse de la population : ce sont "les évolués" ; dont l'administration coloniale veillera à en limiter le nombre, de peur d'être débordée. Dans le même ordre d'idée, le travail salarié a permis également une mutation de l'organisation sociale gabonaise. Ici, il s'agit de l'introduction de l'argent en échange

d'un travail manuel intense à réaliser dans les chantiers ou les plantations. Car l'administration coloniale avait pour souci de mieux s'implanter et pour se faire, avait besoin d'une main d'oeuvre abondante et bon marché pour batir les infrastructures (routes, ponts, écoles, dispensaires...)

Pour rester dans cette perspective du salariat, il faut dire que le choix du conjoint est « de plus en plus libre et les conjoints s'ils se marient n'attendent plus le concours de l'ensemble de la famille. Car par le passé, les rites contribuaient eux aussi à la promotion de la vie, du mariage et des naissances. »176

En outre, le rôle de l'Eglise dans cette société traditionnelle lignagère n'est pas en reste. On peut par exemple s'appuyer sur le roman de Chinua ACHEBE "Le monde s'effondre" pour voir l'impact des missionnaires dans le village Ibo au Nigeria et où cette société traditionnelle va être bouleversée. Pour le personnage principal du roman (Okonkwo), le monde s'effondre parce qu'il s'agit de la profanation de la foret sacrée et interdite, forêt des ancêtres, des génies protecteurs du village par les missionnaires blancs. De plus, les enfants vont être vite convertis au christianisme.

Au Gabon, la situation a été a priori similaire ; puisque quand l'école apparaît, elle sert à former les dirigeants religieux et civils ainsi que les scribes destinés à les seconder dans l'administration politique et économique. L'exemple de l'Eglise catholique177 qui, pendant deux siècles, a exercé un quasi monopôle sur l'éducation des jeunes gabonais. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'avec l'Eglise, il s'agit de la criminalisation des coutumes gabonaises, avec l'aide de l'administration coloniale comme l'écrit Florence BERNAULT. Parmi ces coutumes, il y a la prohibition du mariage coutumier et l'exigence de la dot, qualifiée d'achat de la femme.

176 Steeve Thierry BALONDJI, Les conjugalités de faits en milieu ouvrier au Gabon, op.cit., p.28.

177 On peut mentionner par exemple l'action du pqre BESSIEUX, qui débarqua au Gabon dans les années 1843 ; fondateur du coll~ge qui porte son nom. Comme aussi la création des coll~ges catholiques à l'intérieur du pays ; Val Marie de Mouila, Sainte Marie, Immaculée Conception, Quaben à Libreville, etc. Sans oublier la présence de l'Eglise protestante à Lambaréné, avec la Mission Protestante de Ngomo n'Oronga, qui a participé à la formation de certains cadres actuels du pays.

2. Institution du mariage à l'état-civil et à l'Eglise, évolution du mariage coutumier et persistance du concubinage

Pour être en conformité avec l'administration coloniale via la célébration du mariage à l'état-civil d'une part, d'autre part, pour être en accord avec Dieu et donc la célébration du mariage à l'Eglise, les autochtones devaient respecter ces deux usages s'ils voulaient, ou du moins, espéraient être pris en compte par le colonisateur et bénéficier de certains avantages dans la société tels le statut ; voir être pris pour modèle.

On pourrai prendre l'exemple sur la Bible ou parole de Dieu où il est écrit : « c'est pourquoi l'homme quittera père et mère et pour s'attacher à sa femme, et ils deviendront tous deux un seul être. »178 Dans le même ordre idée, et pour être en conformité avec la loi divine, les futurs mariés devaient être baptisés et suivre régulièrement le catéchisme, etc. Il ya lieu de préciser ici que tout mariage célébré à l'Eglise catholique ne connaît pas le divorce puisqu'il s'agit de deux êtres unis par Dieu, seule la mort doit les séparer.

En ce qui concerne le mariage institué par le code civil, « le mariage est un acte civil, le contrat par lequel deux époux s'engagent à vivre ensemble, à se prêter mutuellement assistance. Ce contrat stipule de manière plus ou moins explicite, les droits et les obligations réciproques aux époux. Par la même occasion, le mariage légitime la procréation au regard de la société. »179 Sous l'influence de la colonisation, la société gabonaise dans son ensemble, particulièrement l'institution matrimoniale gabonaise, a connu de grandes mutations ; introduction du mariage à l'état-civil et du mariage à l'Eglise.

Le mariage coutumier n'est pas en reste dans ces mutations puisqu'il a vu sa célébration évoluer avec l'introduction de la dot ; en tant que nouvelle institution obligatoire qui « consolida le mariage et pallia à beaucoup de lacunes. C'est ce qui fit

178 La Bible Expliquée. Ancien et Nouveau Testament. Traduite de l'Hébreu et du grec en français courant, Paris, société biblique française/Alliance biblique universelle, 2004, p.7.

179 Denise NGWAGANGA, Représentation sociale du mariage chez la femme salariée, op.cit., p.14.

admettre cette coutume de doter la femme à toute l'ethnie Ngwèmyènè »180 et à l'ensemble des ethnies du Gabon comme indispensable.

Toutefois, devant cette institution du mariage à l'état-civil et à l'Eglise, devant l'évolution du mariage coutumier, il ya tout de même une persistance du concubinage.

En effet, on peut faire remarquer que cette persistance du concubinage n'est pas un mythe, plutôt une réalité dans la formation sociale gabonaise ; et demeure une question à l'ordre du jour. Il ya lieu de rappeler qu'« avant la migration des Ngwèmyènè, il n'existait pas de vrai mariage chez eux. On vivait en concubinage. »181 Mieux, « aucun mariage vrai n'existait mais du concubinage. »182

Il est à noter également qu'avec la colonisation, les us et coutumes ont changé et Steeve BALONDJI nous le rappelle aussi, d'autant plus qu« aujourd'hui bien des couples décident de faire vie commune sans passer par le mariage, c'est le domaine de l'amour sans formalité. »183

Après avoir effectué un constat, et peut-être s'inscrivant dans la vision du Pasteur OGOULA-M'BEYE, et malgré l'institutionnalisation du mariage à l'état-civil, à l'Eglise et devant l'évolution du mariage coutumier, Steeve BALONDJI tire la conclusion selon laquelle le nombre de couples vivant en union libre ne cesse de croître. Enfin, « certains jeunes opteraient pour l'union libre qui serait l'illustration d'un amour libre et préférable sans contrainte.»184

Section 2 : Le choix ou la rencontre du conjoint.

180 Pasteur OGOULA-M'BEYE, op.cit., p.89.

181 Ibid., p.82.

182 Ibid., p.83.

183 Steeve Thierry BALANDJI, op.cit., p.2.

184 Louis ROUSSEL, Le mariage dans la société contemporaine. Faits de population, données d'opinio Préface d'Alain GIRARD, Paris, Puf, (coll. « Travaux et documents »), cahier n°73, 1975, p.290.

Le choix ou la rencontre du conjoint est, selon nous, l'étape première qui peut déboucher au mariage et donc à la formation d'une famille. Cette étape nous révèle deux dimensions : d'abord la place de la famille dans le choix du conjoint ; puis le choix ou la rencontre de celui-ci comme affaire individuelle.

1. La place de la famille dans le choix du conjoint.

En ce qui concerne la place de la famille dans le choix du conjoint dans cette société traditionnelle gabonaise, nous dirons que la famille a toujours eu une influence considérable dans le choix du conjoint ; voire de la conjointe surtout. Dans la mesure où le mariage sous-tend un arrangement familial, particulièrement pour une stratégie patrimoniale, et vu que « l'importance du patrimoniale, le souci de sa transmission ou de son accroissement, la nécessité de trouver un successeur capable de le gérer, peuvent en effet rester déterminant dans le choix d'un gendre ou d'une

bru. »185

Pour rester dans le même ordre d'idée selon lequel, dans la société traditionnelle, la place de la famille dans le choix du conjoint est prépondérante, BOURDIEU pense que « l'initiative du mariage revenait non aux intéressés mais aux familles, les valeurs et les intérêts de la "maison" et de son patrimoine avaient plus de chances de triompher contre les fantaisies ou les hasards du sentiments. »186

Ceci nous permet de dire que dans la société traditionnelle gabonaise, le choix du conjoint n'était pas une "affaire individuelle", libre, du ressort exclusif des intéressés ; plutôt celui de la famille ; en quête d'une préservation d'un éventuel patrimoine. C'était le temps des mariages "arrangés" dans l'intérêt de la famille d'abord et permettaient, si possible, d'éviter le désordre, les disputes par la suite.

Pour renchérir notre propos, lequel propos met en évidence la place prépondérante de la famille pour le choix du conjoint, nous nous appuyons sur le

185 Ibid., p.206.

186 Pierre BOURDIEU, Le bal des célibataires. Crise de la société paysanne en Béarn, Paris, Editions du Seuil, (coll. « Points »), 2002, p.231.

Pasteur OGOULA-M'BEYE pour qui, « l'homme qui voulait prendre une femme pour epouse ; après s'etre entendu tous les deux, soumettait alors la question à son oncle maternel surtout, et exceptionnellement à son père, si celui-ci vivait encore avec sa mère. L'oncle ou le cas échéant le père du fiancé partait avec les deux amoureux chez les parents de la future pour leur dire : ces deux personnes s'aiment, ils veulent se marier. Si les parents de la femme acceptent la proposition, le pretendant liait alors un bracelet de ficelle autour du bras droit de sa promise. »187

Tout cela nous amène finalement à tirer la conclusion selon laquelle, dans la societe traditionnelle gabonaise, les parents, la famille en general a toujours eu une place prépondérante quant au choix du conjoint, et qu'en définitive, « ni le mariage ni la vie conjugale n'étaient donc vécus comme affaires privees. »188

En definitive, nous retenons ici que le choix du conjoint et partant, le mariage concretise et officialise un arrangement familial. Les demarches en vue du mariage sont amorcees par les parents. A près tout, cette preponderance de la famille dans le choix du conjoint dans cette societe traditionnelle est aussi mise en exergue par Simon David YANA189 pour qui, le choix du conjoint est quasi-inexistant ; il parle plutôt d'accepter celui fait par les parents parce que le mariage est un arrangement entre familles. Il ajoute que « le mariage est conçu comme une alliance entre deux individus, bien qu'il soit arrangé par les deux familles alors que les futurs conjoints, surtout la femme, n'ont pas encore atteint la puberté. »190

En un mot, « traditionnellement le mariage comme base de la procreation representait un processus prolonge qui concernait les deux familles et pas uniquement les deux individus. Le choix même des deux epoux etait du ressort de la famille. Ce processus refletait le rôle fondamental de la famille en tant que moteur

187 Pasteur OGOULA-0 IN < ,-1rm awa-1m-1 G(Q1 -1GI1nX4-1op.cit., p.84.

188 Louis ROUSSEL, op.cit., p.30.

189 Simon David YANA, « Statuts et rôles féminins au Cameroun. Réalités d'hier, images d'aujourd'hui », pp.35-47 in Politique Africaine. L'Afrique des femmes, n°65, 1997, 165 p.

190 Simon David YANA, « Statuts et rôles féminins au Cameroun. Réalités d'hier, images d'aujourd'hui », ibid., p. 37.

des évènements du cycle de la vie. »191 C'est un point de vue qui rencontre notre assentiment.

Toutefois, puisque cette même société traditionnelle gabonaise subit les influences de la colonisation et ses corollaires, il va de soi que le choix du conjoint connaisse des mutations, des altérations ; pour devenir une affaire individuelle.

2. Le choix du conjoint : affaire individuelle.

Le lien socialement reconnu (mariage, concubinage) qui unit les conjoints est appelé "alliance" et avec l'irruption des nouvelles valeurs telles l'école, le salariat, le choix du conjoint, autrefois affaire des parents, est a priori devenu une "affaire individuelle" ; donc concernant les futurs mariés d'abord. En effet, « au modèle du mariage traditionnel, "arrangé par les familles", on oppose le mariage contemporain oil les jeunes gens, sans aucune pression extérieure, se rencontrent, s'aiment et se marient. »192 Cela ne veut pas dire que les parents ou la famille n'a plus d'avis à donner, il s'agit juste de dire que cet avis est toujours présent, surtout lors de la célébration du mariage à la coutume par exemple, seulement il est relayé au second plan a priori.

Certainement que l'école, l'Eglise, le travail rémunéré, etc., y sont pour beaucoup dans cette nouvelle configuration du choix du conjoint, et partant, du mariage. Il va s'en dire que « l'effacement des parents dans le choix du conjoint de leurs enfants paraît clairement perçu par l'ensemble de la population [...] D'une manière générale, le mariage arrangé apparaît comme relevant des usages d'une autre génération.»193

Plus important encore et toujours pour partager le point de vue de Louis ROUSSEL, a priori, « la liberté "d'élire" son conjoint apparaît comme un droit

191 Aderanti ADEPOJU et al, La famille africaine. Politiques démographiques et développement, op.cit., p.14.

192 Louis ROUSSEL, Le mariage dans la société contemporaine. Faits de population, données d'opinion Préface d'Alain GIRARD, ibid., p.204.

193 Louis ROUSSEL, Le mariage dans la société contemporaine. Faits de population, données d'opinion Préface d'Alain GIRARD, ibid., p.205.

imprescriptible et l'idée qu'une contrainte puisse exister sur ce point paraît proprement scandaleux.»194

A ce titre, le Pasteur OGOULA-M'BEYE ajoute qu'antérieurement au mariage et dans le choix du conjoint, « quand on s'aimait, on s'unissait sans aucune consultation préalable des parents et c'est ce qui était caution à palabre et à désordre. Les parents ne pouvaient pas en l'occurrence intervenir. Dès lors qu'une personne était venue à eux, devant témoins pour demander publiquement mariage avec leur fille afin de fonder une famille et par conséquent, créer un village, les parents de la fiancée acceptèrent le principe envisagé.»195

Cette illustration du Pasteur OGOULA-M'BEYE nous invite seulement à comprendre que même si dans cette société traditionnelle, le choix du conjoint est du ressort exclusif de la famille, il y avait tout de même des exceptions ou des faits accomplis qui attestaient un tout petit peu de poches de résistance devant le monopôle des parents.

A cet effet, en nous référant à nos divers entretiens196, il ressort que le choix du conjoint n'est plus une affaire où les parents sont impliqués en premier, particulièrement dans le choix de la bru, c'est plutôt devenu un choix libre, qui engage d'abord les enfants eux-mêmes. Considérons par exemple le cas de madame A.M.S. A la question de savoir qui a choisi votre belle-fille, elle nous a répondu en disant que c'est son fils « lui-même, il a amené sa copine chez moi. »197 Ou encore le cas de madame E.T, à qui la même question lui a été posée, et pour qui c'est aussi son fils « lui-même. Nous avons seulement fait les présentations qui étaient comme le mariage »198 nous a-t-elle confié. Pour madame M.D ; selon elle, se sont ses 3 fils « qui sont venus eux-mêmes nous présentés leurs femmes. On a accepté. »199

194 Ibid., p.204.

195 Pasteur OGOULA-M'BEYE, op.cit., p.86.

196 Entretiens obtenus avec des brus et des belles-mères.

197 Propos de madame A.M.S, mariée à la fois à la coutume et à l'état-civil, âgée de 63 ans, Fang( Estuaire), institutrice retraitée, avec 8 enfants.

198 Propos de madame E.T, âgée de 63 ans, Fang, retraitée, avec 7 enfants.

199 Propos de madame M.D, 78 ans, Massango, sans profession, veuve avec 8 enfants dont 3 belles-filles.

Ce qu'il faut retenir ici c'est que ces trois exemples confirment le fait que le choix du conjoint est bien devenu une affaire individuelle, surtout dans une formation sociale gabonaise en proie à des mutations découlant de la décolonisation et de ses nouvelles valeurs.

En fin de compte, ce qu'il faut retenir ici c'est que « les jeunes sont donc libres du choix de leur conjoint, en ce sens au moins qu'ils savent désormais que leurs parents n'interviendront généralement qu'avec prudence : le souci de respecter le choix personnel de leur enfant et aussi parfois la conscience qu'une opposition résolue n'aurait d'autre conséquence qu'une brouille temporaire avec le jeune ménage. »200 Nous partageons ce point de vue de Louis ROUSSEL.

De même qu'en filigrane, même si avec la société traditionnelle l'on peut reconnaître et admettre aux parents le droit et pourquoi pas le devoir de choisir un conjoint pour leurs enfants, avec la colonisation et ses nouvelles valeurs (l'école et la scolarisation des jeunes filles par exemple), « les jeunes gens choisissent eux-mêmes leurs conjoint, le rôle des parents se limitant à émettre un avis consultatif sur la personne qui leur est présentée et à légaliser l'union. On peut d'ailleurs penser que l'autonomie de la femme dans le choix du conjoint est en progrès dans les sociétés où elle n'était pas traditionnellement établie, principalement sous l'effet de la scolarisation.»201

Conclusion de la première partie

A la lumière de tout ce qui précède, nous pouvons retenir quelques considérations générales. D'abord, que le mariage, dans la société traditionnelle, n'existait pas tel que nous le connaissons aujourd'hui, à en croire les propos de

200 Louis ROUSSEL, op.cit., p.206.

201 Simon David YANA, « Statuts et rôles féminins au Cameroun. Réalités d'hier, images d'aujourd'hui », op.cit., p.37.

Nicolas METEGHE N'NAH et du Pasteur OGOULA-M'EYE. Par ailleurs, dans la recherche de l'épouse, « la société traditionnelle tenait peu compte de la liberté de choix des enfants »202, c'était du ressort exclusif de la famille et la future épouse était toujours épouse était toujours choisie dans une famille de bonne réputation.

Dans une autre mesure, entre bru et sa belle-famille, c'étaient toujours des rapports de soumission qui devaient prévaloir ; il fallait que la bru soit soumise pour la réputation de ses parents d'abord et le respect de son mari ensuite. Les quelques

rapports conflictuels qui pouvaient surgir provenaient des belles-soeurs surtout quicherchaient à dominer cette dernière.

Cependant, l'arrivée de l'école, de l'Eglise et du travail salarié a modifié ces rapports. La bru, instruite et suivant par exemple le catéchisme et travaillant, voit peu à peu sa condition s'améliorer au sein du couple et avec sa belle-famille. C'est le temps de la dot, du mariage à l'Eglise, et de l'état-civil mais surtout, du choix du conjoint devenu maintenant une affaire individuelle. Les avis des parents interviennent en seconde position, parfois pour seulement approuver le choix, de peur de créer une brouille dans le futur ménage.

Ce qui nous conduit à nous poser la question de savoir si les rapports conflictuels que nous voulons rendre compte entre bru et belle-mère, au sein de la famille gabonaise actuelle, ne trouvent-ils pas leur origine dans le fait que le choix du conjoint, avec l'introduction de l'Eglise, l'école, le travail rémunéré, soit devenu une affaire individuelle et où l'avis des parents ne compte plus vraiment ? Autrement dit, pourquoi bru et belle-mère sont-elles en conflit ?

«Le sociologue n'observe pas la réalité sociale, mais des pratiques [...] Entre lui et son objet d'étude s'interpose un ensemble d'interprétations et d'interventions.>>203 D'autant plus que << le sociologue a la particularité qui n'a rien d'être un privilège, d'être celui qui a pour tâche de dire les choses du monde social,et de les dire autant que possible, comme elles sont : rien que de normal, de trivial même, en cela.>>204 Car « le problème sociologique est toujours de comprendre ce qui se passe en termes d'interaction sociale. Ainsi le problème sociologique n'est pas tant de savoir pourquoi des choses ne vont pas selon le point de vue des autorités [...] mais bien comment le système entier fonctionne d'abord, quelles sont ses fondations et comment il est maintenu ensemble.>>205 En définitive, << l'étude de la société ne peut être que celle d'un ordre ; l'étude des acteurs ne peut être que celle de leurs croyances et de leurs projets.>>206

Ce qui a motivé le choix de ce sujet, c'est notre volonté de comprendre et de tenter d'expliquer la nature des rapports qui existent et prédominent entre la belle mère et la bru au sein de la famille gabonaise actuelle. En effet, la famille << constitue un système de rapports entre les conjoints, les parents et des alliés et entre le système qu'ils constituent et les autres sous-systèmes de la société (notamment économique et politique).>> 207

En partant de l'observation de la famille gabonaise actuelle, le constat qui se dégage des rapports entre belle mère et bru montre des rapports mitigés, voire ambigus qui constituent l'objet de discussion ou kongossa208, dans les différents quartiers de Libreville. Ces discussions qui rapportent comment les mariages sont défaits attestent que la famille gabonaise, en tant que premier lieu de socialisation de l'individu, connaît des tensions internes qui ébranlent la vie de couple. Aussi, belle mère et bru s'inscrivent dans des logiques et des rapports souvent controversés. On

203 Alain TOURAINE, Pour la Sociologie, Paris, Seuil, (coll. « Points »), 1974, p.25.

204 Pierre BOURDIEU in Méditations pascaliennes, cité par Claude JAVEAU in Leçons de sociologie, Paris, Armand Colin, 2001, p.5.

205 P.L. BERGER, Invitation to sociology, cité par Claude JAVEAU in Leçons de sociologie, Paris, Armand Colin, 2001, p.82.

206 Alain TOURAINE, op.cit., p.213.

207 Raymond BOUDON et F. BOURRICAUD, Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, Quadrige/Puf, 2004, p.251.

208 Expression gabonaise désignant les commérages de tout genre.

note des forces qui débouchent sur d'éventuelles séparations des conjoints ; il importe pour nous de mener cette étude sociologique afin d'en saisir les mécanismes de non reproduction de la famille et d'en apprécier l'étendue. Tel est l'objectif visé par cette recherche.

Ainsi, au regard de ce constat que nous avons dressé précédemment, nous nous posons la question de savoir pourquoi bru et belle-mère sont en conflit ?

Chapitre III : Les rapports mère-fils à travers la bru

Section 1 : La relation « mère-fils ».

Evoquer la question relative aux rapports conflictuels entre la bru et bellemère au sein du couple, c'est surtout et d'abord jeter un regard sur la relation « mèrefils » ; dans l'optique de tenter de comprendre et pourquoi pas expliquer autant que possible l'amour d'une femme (ici la mère) considérée comme « propriétaire des moyens de production » (c'est-à-dire le fils) qui deviendra plutard l'époux d'une autre femme (c'est-à-dire la bru). En effet, la logique qui sous-tend cette relation « mère-fils » nous conduit à dire, avec Anne Laure GANNAC209, qu'il s'agit d'une relation d'amour; « une histoire d'amour au sens fort du terme. Les hommes de la vie d'une femme ne sont-ils pas son père, son mari (ou l'homme avec lequel elle vit) et son (ses) fils ?»210 De plus, l'auteur poursuit en disant que cet amour « existe avant même que le fils soit là. Chez toute femme, même si elle affirme de façon consciente qu'elle préfèrerait avoir une fille, il ya le désir d'avoir un fils.»211

A cet effet, elle conclut son propos par le fait que « toute femme a le fantasme (parfois resté inconscient) de faire un bébé (...) Pour peu que ce bébé soit un garçon et qu'il ressemble à son grand-père maternel, la mère aura, bien sûr, plus de facilité à reporter sur lui des sentiments éprouvés autrefois pour son propre père.»212 Mais « pour une femme, il est très comblant d'avoir un garçon dans la mesure où il est porteur du phallus qu'elle n'a pas. Grace à ce fils, elle obtient cette position de femme " complète", ce phallus imaginaire et symbolique venant combler son manque.»213

Sur le plan symbolique, le fils représenterait pour elle le pouvoir, la puissance la conquête. Finalement pour notre auteur, cette relation « mère-fils » se résume au fait que « l'attachement d'une mère à son fils sera d'autant plus fort si elle a souffert

209 Anne Laure GANNAC, Mère-filT. L1 VPSRTTiEOLTPSDIDtIRn, Paris, éd. Anne Carrière, (coll. « Marabout »), Cursus psychologie n°3711, 2004, p.23.

210 Ibid., p.23.

211 Ibid., p.23.

212 Ibid., p.23.

213 Ibid., p.24.

de son statut de femme qui l'aurait empeché de s'imposer et de s'épanouir. Elle pourra prendre sa revanche à travers lui qui reste un prolongement d'elle-même. C'est " l'enfant phallus" venu combler ce manque. C'est le " fils gladiateur" qui va conquérir pour elle.»214 Nous avons fait une petite incursion dans la psychologie pour avoir une lecture assez claire de cette relation « mère-fils ». Pour mieux l'apprécier, nous pensons que cette relation se décline sur deux moments cruciaux à savoir, la relation mère-fils avant l'arrivée de la bru et la relation mère-fils après l'arrivée de la bru.

1. La relation « mère-fils » avant l'arrivée de la bru.

En général, la relation « mère-fils » a toujours été bonne c'est-à-dire qu'il s'agit d'une relation affective, voire très protectrice. Cette relation ne pose pas de problème a priori, on peut dire qu'il s'agit d'abord d'une relation mère-enfant, une relation conviviale, de respect et d'obéissance du fils envers sa mère. La mère passe aussi pour une amie où elle joue le rôle de soeur, confidente voire une conseillère. A cet effet, la mère occupe une place prépondérante chez son fils. Anne Laure GANNAC nous apprend que par exemple, « ma grand-mère, c'est la bonté, la douceur, la fragilité, la discrétion...Ma mère, c'est différent, c'est la mère, très présente, parfois casse-pieds, mais surtout très protectrice et sur la quelle on peut toujours compter.»215 En ce sens que chaque instant vécu avec son fils est majeur, elle est beaucoup plus présente que le père. En effet, aux dires de nos informateurs, il ressort que la relation « mère-fils » est une relation habituelle c'est-à-dire le fils doit respect à ses parents et a des obligations envers eux et que la mère a la main mise sur son fils. Ceci est illustré par ce genre de témoignage: «j'habitais avec ma mère dans sa maison, je travaillais, ma mère gérait mon argent, ma petite amie était aux Etats-Unis, je devais participer a la popote, devais payer le local, en d'autre terme, les charges étaient

214 Anne Laure GANNAC, Mère-filT. 771VPSRTTiEle7TPSECEJiRn, ibid., p.24.

215 Ibid., p.282.

partagées. Il faillait que quand j'arrive à la fin du mois j'honore à ses décisions ; en fait, on n'a meme pas le choix, le regard parle, tu deviens solvable.»216

De même, « je bénéficiais des conseils de ma mère, d'ailleurs elle m'appris à préparer et me répétait sans cesse qu'un homme devait savoir tout faire et qu'un homme ne doit pas rester sans femme.»217 Par ailleurs, en interrogeant les belles-mères, ce qui ressort que « quand je suis malade, il s'occupait de moi, me donnait son argent.»218 Dans ce meme ordre d'idée, la relation « mère-fils » est une « relation d'ami avec mon fils, c'est-àdire, confident, obéissant, respect, me donnait toujours son argent sans que je demande.»219 Enfin, pour sa part, monsieur J.D nous a confié que sa relation entre lui et sa mère est toujours bonne puisque « moi j'apprenais encore, je n'avais pas de moyens pour m'occuper de mes enfants et c'est ma mère qui s'en occupait.»220

2. La relation « mère-fils » après l'arrivée de la bru.

L'impossible séparation dans la relation « mère-fils » dont parle Anne Laure GANNAC, dans ses travaux et oil la mère a quasiment la mainmise sur son fils ; nous voyons que l'arrivée de la bru dans la vie de son fils est perçue avec arrières pensées du côté de la belle-mère. Pourtant, il semble évident qu'une mère devait savoir céder sa place à un moment donné ; elle qui est d'abord une femme puis une mère. Ensuite, elle voit ses intérêts bafoués car les intérêts mère-fils ne sont plus partagés. En ce sens, lorsqu'on prend une femme, c'est pour fonder une nouvelle famille, elle deviendra un obstacle à l'épanouissement de son époux et que la bru viendra contrarier les projets que la belle famille a initié. Cette relation « mère-fils » se bouleverse à cause du changement de comportement du fils à l'égard de sa mère. Le fils estime que sa mère a eu son foyer dont il est issu et qu'elle a eu à le gérer ; ce qui fait qu'elle a déjà fait sa vie. Pour lui, il est temps qu'il prépare aussi la sienne car

216 Propos de monsieur J.A.A, 48 ans, Mycnt, cadre au Minist~re des mines, marié à l'état-civil depuis 2004.

217 Propos de monsieur O.B, 49 ans, Myqnt, cadre à l'OPRAG, 2 enfants, vit en concubinage depuis 9 ans.

218 Propos de madame B.M.G, 52 ans, commerçante, divorcée.

219 Propos de madame I.M, 44 ans, PK9, 8 enfants,, mariée à la coutume, technicienne de surface.

220 Propos de monsieur J.D.

étant adulte, il doit apprendre à se prendre en charge et que les conséquences corrigent mieux que les conseils.

Vu l'attitude de rébellion du fils envers sa mère, celle-ci s'inquiète et sent que son fils lui échappe petit à petit. En témoigne par exemple ces propos de nos informateurs comme quoi, « en ce qui me concerne, j'ai ma vie, je suis adulte, ils n'ont pas le droit de s'opposer ; ils ne me trouveront jamais une autre, c'est juste une façon de me détruire. Je me révolte par rapport à ce qui est imposé dans ma vie. Je dis avec beaucoup de force que mes parents ont leur vie et moi aussi j'ai la mienne. Chacun fait son expérience terrestre.»221 En outre, « quand la belle-fille arrive, la maman se dit qu'il ya un partage, ya un souci d'intérêts qui s'installe. Le plus souvent la maman se trouve en rivalité avec sa bellefille. Je suis grand, je fais ma vie, j'ai pratiquement 40 ans, j'ai le droit de me marier, toi tu t'es mariée à 18 ans alors ne me fais pas le bruit.»222 Enfin, « pour elle j'étais sa sécurité sociale, ma femme était une rivale pour elle dans la mesure où elle l'empeche de tourner en rond parce que tout ce que j'ai, je dois lui donner, c'est l'argent de mon fils, j'ai souffert pour l'élever.»223 En effet, en Afrique, l'enfant apparaît comme une garantie sociale, une sécurité sociale voire une retraite sociale pour ses parents en qui ils voient une prise en charge dans leur vieillesse.

Vu le changement constaté depuis l'arrivée de la bru au sein de la famille, particulièrement au sein du couple « mère-fils » ; cette arrivée suscite de nombreux questionnements chez la mère. On citera par exemple les questions selon lesquelles « pourra t-elle supporter la belle famille ? Donc autant on l'agresse pour voir si elle pourra supporter la famille, si elle flanche, on dira qu'elle n'est pas une bonne femme. Ou encore, cette femme pour qui mon fils a changé, sera-t-elle capable de s'occuper de moi comme ma fille et de bien garder mon fils ?» C'est là autant de questionnements sui font en sorte que la belle-mère puisse attaquer al bru pour voir

221 Propos de monsieur I.I, 48 ans, agent de contrôle à l'ASECNA, marié à l'état-civil, 3 enfants, cité ASECNA.

222 Propos de monsieur J.A.A, 45 ans, 4 enfants, cadre au minist~re des mines, marié à une fang à l'état-civil.

223 Propos de monsieur I.S, 49 ans, 3 enfants, marié à l'état-civil à une mauricienne, enseignant du supérieur et conseiller du ministre des mines.

son comportement ; percevoir si elle va répondre, etc. D'où l'instauration des rapports conflictuels entre bru et belle-mère.

Section 2 : Domination symbolique et relation belle-mère et bru.

Etudier les rapports entre bru et belle-mère dans la famille gabonaise actuelle, c'est finalement faire ressortir une dimension importante de leur relation : la domination symbolique ou violence symbolique, au sens bourdieusien. Rapports conflictuels ne riment pas forcément avec attaques physiques ; mais plutôt des sortes d'agressions verbales et un type de comportement adopté pour rabaisser l'adversaire et lui montrer qu'on est le ~ propriétaire", le maître des lieux. En effet, la domination symbolique ou violence symbolique c'est l'imposition de formes de comportement, des formes de vie, de choix intellectuels, de choix vestimentaires, de choix linguistiques, par les dominants aux dominés. Mieux, « la violence symbolique s'institue par l'intermédiaire de l'adhésion que le dominé ne peut pas accorder au dominant (donc à la domination) lorsqu'il ne dispose, pour le penser et pour se penser ou, mieux, pour penser sa relation avec lui, que d'instruments.»224

Mais la révolution industrielle a engendré de nombreuses mutations dans toutes les sphères des sociétés humaines tant aux plans politiques, culturels, économiques, familiaux, etc. et a bouleversé en outre les mentalités des individus c'est-à-dire les moeurs africaines particulièrement ; dii à l'industrialisation et à l'urbanisation. Cette urbanisation impose un mode de vie, un comportement à l'individu. En ce sens les rapports entre bru et belle-mère, qui étaient des rapports de mère-enfant dans le mariage (d'antan), se sont transformés en des relations d'animosité, de tension ; voire de friction. Cette nouvelle forme de relation serait la résultante de cette urbanisation.

Le pasteur OGOULA-M'BEYE nous rappelle que le mariage d'autrefois n'est pas loin de celui d'aujourd'hui. Puisse que « toutes choses sont en travail au-delà de ce qu'on peut dire ; l'oeil ne se rassasie pas de voir et l'oreille ne se lasse pas d'entendre. Ce qui se fera, il n'ya rien de nouveau sous le soleil. S'il est une chose dont on dise : vois ceci, c'est nouveau ! Cette chose existait déjà dans les siècles qui nous ont précédés.

On ne se souvient pas de ce qui est ancien ; et ce qui arrivera dans la suite ne laissera pas de souvenir chez ceux qui vivront plus tard.»225 Tout ceci pour dire que dans le mariage ancien il existait aussi des conflits entre bru et belle-mère mais il restaient latents. Aujourd'hui, ils deviennent manifestes, dii à l'évolution de la société, la scolarisation des filles qui les a amené à avoir des diplômes, à avoir un salaire mensuel et qui, finalement, remettent en question certaines valeurs anciennes face à l'obéissance envers la belle-famille ; à travailler pour elle.

D'où la révolte et pourquoi pas, un changement radical des mentalités et visions de la vie en couple. Ce qui nous conduit à nous poser un certain nombre de questions dont voici la teneur : qu'est-il devenue de la domination symbolique codifiée par des adages et proverbes ? Ces adages ont-ils toujours de la valeur ? Si oui, qu'est-ce qui serait alors à l'origine du conflit ? Quel est l'élément déstabilisateur de la famille ? Telle sera l'articulation de ce chapitre.

1. Domination symbolique : codification verbales des comportements et de respect dans le mariage et importance des proverbes.

Les adages sont des conseils, des mises en garde et sont illustrés par des métaphores bien adaptées pour la circonstance. En effet, « nombreux sont les dictons et les adages qui codifient en quelque sorte les attitudes de respect à tenir envers certains parents »226, particulièrement le beau-père, la belle-mère pour ne citer que ces

deux exemples. En d'autres termes, les proverbes viennent codifier le comportement du gendre ou de la bru devant les beaux-parents et ce, dans des situations particulières. Car << le mot, par sa force et ses effets, illusionne sur le réel pour aboutir à ce que l'idée se réalise ; et aussi, pour le manipuler dans la théâtralité et l'ambiguïté.»227 Nous déduisons ainsi que les proverbes font partis de l'univers culturel, de l'imaginaire et du symbolique des gabonais et auxquels ils restent fondamentalement attachés. Pour le cas du mariage, il existe une panoplie de proverbes qui nous permettent d'apprécier la portée du mariage mais surtout, toute la symbolique sinon le rituel qui l'accompagnent.

Comme nous le disions dans notre propos introductif, il existe des proverbes pour présenter les rapports et les comportements entre bru, gendre et les beaux-parents. C'est ainsi que chez les Galwa, lorsqu'une femme allait en mariage, ses parents lui prodiguaient quelques conseils sous la formes de proverbes ; dont nous avons retenu certains : << mwantô ékènda gô nagô y'ijomba n'otôndô n'epole.»228 Ce qui signifie qu'une femme n'a pas à rapporter à ses parents les mécomptes de son ménage. Le même proverbe est perçu d'une autre manière chez les Nzébi : << ghou lekouelê yendanga na lengala, hâ na pondji vê »229 pour dire qu'au mariage, on ne va pas avec le panier (parce qu'il n'a pas de trous), mais avec une corbeille qui a les trous.

De même, les Fang disent : << hé you wa ke â louk, wa keki na we sô okiri, wa ke ekeke, akalé na alouk hé né abé ya henbeng »230 ce qui veut dire que lorsque tu vas en mariage, tu n'y vas pas pour revenir demain mais plutôt pour toujours parce que le mariage est fait pour le meilleur et le pire. On encore << miniga ha nané fâ, ngué fâ hé béhé wa ho siki da ké woua ô fegne, wé da bran gnon akala we bra sin dô »231 pour dire que la fille est comme une machette. Lorsque tu te blesses avec ta machette tu ne peux pas la jeter puisqu'elle te servira encore dans tes différents travaux.

227 Georges BALANDIER, Le pouvoir sur scènes, ibid. p.26.

228 Pasteur OGOULA-M'EYE, Galwa ou Edôngô d'antan, op.cit., p.88.

229 Propos de monsieur Aloïse MAYOMBO, 50 ans, informaticien à Tractafric Sho Gabon, Nzébi, marié à la coutume, père de 9 enfants.

230 Propos de madame Berthe OYE-MVE, Fang de Bitam, 38 ans, 5 enfants, commerçante.

231 Ibidem.

La morale à tirer de ces différents proverbes dans trois langues maternelles différentes est qu'ils mettent en relief le fait que le mariage n'est pas un jeu et que des conflits peuvent surgir. L'essentiel est de tout faire pour arranger car c'est pour le meilleur et le pire qu'on s'unit à quelqu'un d'autre. Mieux encore, << ironda mbôgo, jomba nkala »232 ce qui veut dire que le concubinage c'est un gîte de passage, un campement où on fait une escale, tandis que le mariage c'est le village, on y demeure tout le temps. Les Nzébi traduisent ce proverbe par << le kuèle duti vè », le mariage n'est pas un rêve ; c'est-à-dire quand tu vas en mariage, tu ne sais pas ce que tu parts trouver là-bas ; il ya le bon et le mauvais côté.

Par ailleurs, on dit << bou kô yimbassanga »233 pour dire simplement qu'il faut respecter la belle-mère, que la belle-mère ; le beau-père, on l'attrape avec les feuilles. Simplement pour montrer le respect que la bru ou le gendre doivent présenter aux beaux-parents. Enfin, << buko na buko bwa mu kasse a roghesse wè we kwate na ma kaye, to buko bwa vè roghesse wè ; we yendè na podji itsatse, motghi sa wè, mô polegue, to mama bwè we kakele utso mutéma. »234 Ce proverbe veut dire que si la belle-mère te respecte, tu lui rend en retour ; tu lui rend des services, tout ce qu'elle te demande tu le fais, car elle te prend comme une fille (elle a un traitement de faveur). Ce que la belle-mère fait à sa fille, elle doit te le faire, elle a une considération pour toi. La belle-mère qui ne te respecte pas, qui est méchante, tu amènes un panier troué, toutes les mauvaises choses qu'elle dira sur toi doivent tomber ; (ici au sens symbolique le panier représente le coeur de la personne, tu banalises tout ce que tes oreilles vont entendre.) Or tout ce qui est bien tu gardes dans le coeur.

On peut encore dire que les << trous >> traduiraient ici la nécessité d'oublier ou de laisser tomber les problèmes éventuels qui pourraient surgir dans le foyer. Voilà pourquoi on déconseille cette attitude d'accumulation des problèmes et de non rejet.

232 Pasteur OGOULA-M'EYE, ibid., p.87.

233 Propos de monsieur Aloïse MAYOMBO, 50 ans, informaticien à Tractafric Sho Gabon, Nzébi, marié à la coutume, père de 9 enfants.

234 Propos de madame Marie-Françoise KAÎBA, 72 ans, sans profession, pas d'enfant.

Nous pouvons retenir que << jomba mbuwe »235 comme pour dire que le mariage c'est la famille et que le respect doit être au coeur du mariage pour qu'il se passe bien.

En définitive, 2 questions se dégagent au sortir de cette analyse, à savoir qu'en est-il aujourd'hui de ces adages et proverbes ? Cette domination symbolique de la belle-mère à la bru est-elle maintenue ?

2. La relation conflictuelle entre bru et belle-mère.

A la lecture de ce qui est précédemment dit, nous remarquons que le changement du comportement du fils envers sa mère est dû à sa nouvelle manière de voir les choses avec l'intrusion de la bru dans sa vie. Cela a bouleversé la relation << mère-fils » et cette nouvelle configuration de cette relation << mère-fils » peut altérer à son tour la relation << belle-mère-bru. » En effet, si auparavant on a eu à observer les devoirs de la bru vis-à-vis de la belle famille, particulièrement envers sa belle-mère, c'est parce que la belle-mère constituait une seconde mère, une conseillère incontournable dans la bonne marche du mariage de la bru. Aujourd'hui a priori, il s'agit de rapports conflictuels entre la belle-mère et la bru, voire en rivalité.

<< Classiquement, c'est la belle-mère qui déclenche les différends »236 parce qu'elle a mauvaise réputation dans la vie. « On dit qu'elle est casse-pieds, fouineuse, jalouse et même parfois sorcière. Or, ceci crée des situations conflictuelles entre bellefille et belle-mère.»237 Les plus mauvaises langues disent qu'elles voudraient avoir un mari qui n'a plus de mère, soit aveugle ou muette. De plus, si nous venons de voir que généralement c'est la belle-mère qui déclenche les différends, << il survient dans certains cas que la belle-fille provoque elle-même les disputes afin de pousser son

235 Pasteur OGOULA-O /(<(, UIop.cit, p.86.

236 Dalila SOLTANI, « Des échanges relationnels conflictuels (le mague-journal de culture-société-peopledécryptage télé) », op.cit., p.1.

237 Rita MENSAH AMENDAH, op.cit., p.53.

époux à se débrouiller pour acquérir un appartement personnel. La bru étant à la quête de stabilité use de ces différends qui rendent le climat familial toxique pour pousser son conjoint à lui assurer un domicile individuel.»238 Ce qui conduit à une compétition entre la belle-mère et la bru.

D'autant plus que « les relations des femmes entre elles, enserrées dans une formidable compétition obligent à devancer la rivale potentielle et à frapper la première »239 et pourquoi pas, pour se faire passer pour une victime auprès du fils pour l'une, le mari pour l'autre.

Comme l'écrit Dalila SOLTANI, c'est habituellement la belle-mère qui déclenche les différends, cela peut trouver son explication dans le fait qu'il peut s'agir d'une belle-mère qui débarque à l'improviste, qui critique sans arrêt la façon de la bru de cuisiner ou d'éduquer les enfants ou encore une belle-mère qui peut passer son temps à espionner le ménage de son fils, et particulièrement les agissements de la bru et être envahissante, voire très protectrice.

Au sortir de nos entretiens avec nos informateurs, il ressort que bru et bellemère entretiennent des rapports conflictuels parce qu'il ya un conflit d'intérêt qui s'installe ; d'autant plus que la bru vient contrarier les projets de la belle famille. D'ailleurs selon monsieur I.I, pour les Myènè, particulièrement les Galoa qui sont de filiation matrilinéaire, « les mamans veulent que leurs fils soient là pour s'occuper de la progéniture de leurs filles. On met en marge nos propres enfants. Pour elles ; quand vous prenez une femme, ça fait obstacle à leurs ambitions (de la belle-famille). Alors par moment la bru est adulée par la famille maternelle. Avec le temps j'ai constaté qu'on dit que ma femme s'accapare de moi, elle m'a fait mangé des choses. »240

238 Dalila SOLTANI, ibid., p.1.

239 Nedjima PLANTADE, op.cit., p.165.

240 Propos de monsieur I.I, 48 ans, agent de contrôle à l'ASECNA, marié à l'état-civil à une sénégalaise, 3 enfants.

Dans le même sens, monsieur J.A.A241 affirme que << le plus souvent ma maman se trouve en rivalité avec sa belle-fille. Car ma mère avait une emprise sur moi étant donné que j'étais seul et je dormais chez elle. J'ai trois enfants hors mariage, le fait d'envoyer 80000 fcfa a chacun de mes enfants était un cauchemar pour ma mère. >> Il poursuit en disant que << j'ai marié ma femme en 2004 en France sans l'aval de ma mère, mon père étant décédé, cela a suscité vraiment des conflits. J'ai dis clairement à ma mère que je suis grand, je fais ma vie, j'ai pratiquement 40 ans, j'ai le droit de me marier, toi tu t'es mariée à 18 ans alors ne me fais pas le bruit. Elle a dit que je me rebelle. >>242 De même, << ma mère est toujours au milieu de ma relation avec ma femme. Ma mère est protectrice et voyait qu'il n'y avait plus d'attachement pour elle. >>243

On peut aussi compter sur le vécu de monsieur I.S qui a connu ces rapports conflictuels entre sa mère et sa femme. << Lorsque j'ai fais venir ma mère chez moi à Franceville, ma mère se prenait pour l'épouse. J'ai dli me fdcher, j'ai remis les choses sur pieds parce que mon épouse n'est pas gabonaise, j'ai dis que ici au Gabon, je suis son père, sa mère et que si tu la touche, tu me touches. >>244

D'après les brus, les belles-mères considèrent toujours leurs fils comme des bébés et pour les belles-mères, les brus ne sont pas à la hauteur donc, les belles-mères sont en permanence en surveillance des faits et gestes des brus. Ces relations conflictuelles se manifestent par des actes et des verbes de ces deux acteurs. Par la notion de << verbe >>, il faut entendre les discours que ces deux acteurs tiennent réciproquement. Le "verbe" désigne les mots, les paroles, les injures car << le mot, par sa force et ses effets, illusionne sur le réel pour aboutir à ce que l'idée se réalise ; et aussi pour le manipuler dans la théâtralité et l'ambiguïté. >>245

241 Monsieur J.A.A, Myqn~, 47 ans, cadre au Minist~re des mines, marié à l'état-civil, 3 enfants.

242 Propos de monsieur J.A.A.

243 Propos de monsieur C.A.E, Fang, ingénieur marketing à Zain Gabon, père de 3 enfants, vit en concubinage depuis 9 ans.

244 Propos de monsieur I.S, Conseillé du Ministre des Mines et enseignant du supérieur, Myènè, 49 ans, Myènè, il a épousé une mauricienne et a 3 enfants.

245 Georges BALANDIER, Le pouvoir sur scènes, Paris, Balland, 1992, p.26.

En ce qui concerne les brus, leurs actes et verbes sont illustrés par les cas de mesdames Y.H, I.E.E, B.A, M.A, A.E.M, A.M.S et O.E, des brus que nous avons rencontrées pour la circonstance. En effet, dans le cadre des actes, madame Y.H a, pour corroborer nos dires, été victime de la surveillance de sa belle-mère et de ses critiques sur l'éducation des enfants : << ma belle-mère surveillait la maison et affirmait que son fils participe seul aux besoins du ménage. Par ailleurs, elle disait sans arrêt que l'éducation des enfants n'est pas bien faite.>>246

Pour sa part, madame I.E.E se plaint du fait que << quand je me dispute avec mon mari, ma belle-mère prend la part de son fils. Lorsque je dors avec mon mari, elle vient me réveiller à 5 heures du matin en disant que vous êtes entrain de"baiser", allons-y en brousse.>>247 D'autre part, madame B.A affirme que << ma belle-mère et moi avions d'assez bons rapports au début, après ça capoté quand son fils a pris une deuxième femme donc ça ne m'a pas plu et la belle-mère était du côté de son fils parce qu'elle couvrait son fils. Parce que ola deuxième femme restait chez ma belle-mère et j'avais le sentiment de n'être plus appréciée.

Il n'est pas souhaitable de vivre avec sa belle-mère car vous ne pouvez pas vous entendre, siton mari t'aime, la belle-mère ne va pas l'accepter.>>248

Enfin, O.E raconte que << il ya de cela plus de 10 ans, depuis le jour où je suis partie de la maison de mon père, pour habiter avec mon amant chez lui. Au début, tout allait bien, 2 à 3 mois après, j'étais devenue comme une esclave, des humiliations allant jusqu'aux injures publiques en excitant sa fille (soeur aînée de mon amant) à se battre avec moi bref. Depuis que nous sommes partis de chez elle, tout va mieux du moins, je suis chez moi. Je gère mon couple comme je peux même si elle cherche toujours à s'ingérer dans nos problèmes. Ce qui fait qu'il n'est pas souhaitable de vivre avec elle parce qu'elle s'occupe de tout, elle veut être dans la prise des décisions.>>249

246 Propos de madame Y.H, bru, vit en concubinage, avec 2 enfants, psychologue.

247 Propos de madame I.E.E, bru, vit en concubinage, 2 enfants, sans profession.

248 Propos de madame B.A, bru, divorcée, 6 enfants, secrétaire.

249 Propos de madame O.E, bru, concubinage, 4 enfants, conseiller pédagogique.

S'agissant du verbe, les brus affirment qu'elles sont victimes des injures publiques de la part des belles-mères. En témoigne mesdames I.E.E, O.E, M.A, A.E.M et AM.S.

Madame I.E.E nous déclare que << lorsque nous sommes à table, ma belle-mère dit : "ma nourriture que j'ai payée, c'est une fille inconnue qui vient manger". Elle dit que l'argent de la bricole de son fils, c'est moi qui finis. Lorsque je dors avec mon mari, elle vient me réveiller à 5 heures du matin en disant que vous êtes entrain de "baiser", allons-y en brousse. Quelques fois, elle m'insultait publiquement "ton con", tu n'as pas trouvé un autre "bangala", c'est seulement celui de mon fils ? "Ton con" là, c'est toi qui as sorti l'enfant dans "ton con" ? Et moi je répondais "la manière dont tu as fais sortir l'enfant dans ton con", c'est comme ça que ma mère m'a fait sortir dans "son con".>>250 Les propos de madame I.E.E nous permettent de nous rendre compte qu'il ya, entre elle et sa belle-mère, la tenue de paroles injurieuses et grossières, traduisant l'ampleur des rapports conflictuels.

La situation est quasiment la même pour madame O.E, car << au début, tout allait bien, 2 à 3 mois après j'étais devenue comme une esclave, des humiliations allant jusqu'aux injures publiques en excitant sa fille (soeur aînée de mon amant) à se battre avec moi bref. >>251 Aussi, << ma belle-mère demande chaque fin de mois à son fils de lui donner une part et ne veut pas entendre parler de mon ménage avec son fils. Pour moi, la belle-mère est une rivale, par son comportement, la manière dont elle réagit dans ce qui me concerne.>>252 Madame A.M.S affirme que << ma belle-mère me disait que c'est moi qui mange l'argent de son fils, que c'est moi qui commande son enfant, et c'est moi qui décide.>>253 Compte tenu de l'éducation qu'elle a reçu de ses parents, madame A.M.S se gardait de ne pas répondre à sa belle-mère, quelque soit la situation. De plus, il ya des brus qui subissent des menaces verbales de mort comme c'est le cas de madame M.A et de madame A.E.M.

250 Propos de madame I.E.E, 30 ans, bru, sans profession, vit en concubinage, 2 enfants.

251 Propos de madame O.E, 36 ans, conseiller pédagogique, 4 enfants, vit en concubinage.

252 Ibidem.

253 Propos de madame A.M.S, bru, 63 ans, institutrice retraitée, mariée à la coutume et à l'état-civil, mère de 8 enfants.

A cet égard, madame M.A nous a confié que ses rapports avec sa belle-mère reposent sur l'hypocrisie, de sa belle-mère et que « ma belle-mère me disait que mes enfants et moi nous ne pouvions pas manger l'argent de son fils seuls car ses enfants appartiennent à la mère et ce sont les neveux qui sont ses propres enfants. Elle me disait "si c'est moi qui a mis au monde cet enfant, tu verras". Ce qui fait que je me sente en rivalité avec elle car il ya la différence des enfants de son fils et ceux de la fille. »254

Quand à madame A.E.M, pour qui le choix de la belle-fille est à l'origine du conflit, notre enquêtée nous a fait part du fait que sa belle-mère a amené son nom chez le Nganga, ce qui a fait qu'elle soit distante de sa belle-mère. Plus encore, « elle me répétait touts les jours que j'allais mourir en décembre 2006 si je ne partais pas de la maison de son fils. Elle dit aussi que je finis l'argent de son fils et qu'elle va m'abattre comme un chien si je ne parts pas de SOTEGA. Son fils va nous coucher toutes les deux et on aura le même goût. Moi je ne répondais pas. »255 Ces menaces verbales sont a priori courantes et on peut constater qu'elles proviennent généralement des belles-mères.

De manière générale il ressort que les belles-filles disent que leurs bellesmères déclarent que ce sont elles qui finissent l'argent des fils, ce qui exacerbe les brus. Ce qu'il faut retenir encore, c'est que la bru est réifiée par sa belle-mère qui, par le verbe, montre qu'elle est la maîtresse des lieux, et partant, l'unique "propriétaire" du fils. Vu les diverses plaintes faites par les brus au sujet du comportement de leurs belles-mères, a priori la belle-mère fait en sorte que la bru puisse commettre l'irréparable par des provocations directes ou indirectes ; voire la rabaisser par tous les moyens.

En outre, sur la question de la jalousie, inconsciente la plupart du temps a priori, il faut dire à ce sujet que « la belle-mère envie sa belle-fille et se dit : ce que

254 Propos de madame M.A, bru, concubinage, 4 enfants, 32 ans.

255 Propos de madame A.E.M, bru, concubinage, enseignante du préscolaire, 32 ans, 1 enfant.

mon fils fait à sa femme, mon mari son père ne me l'a jamais fait. Cette jalousie se situe au niveau de la femme. C'est une femme qui en envie une autre.»256 En bref, il s'agit donc d'une mère possessive, en tant qu'autre manifestation de cette jalousie ; la belle-mère qui dit : « elle me vole mon fils, il est à moi, elle me prend ma place, il n'écoute plus qu'elle.»257

Elle sent donc qu'elle perd son influence, son autorité sur le fils. De plus, la lutte entre la bru et la belle-mère, symbolique soit elle, cache en profondeur un sentiment de jalousie et une relation de rivalité s'amplifie avec le temps. Parce que « la bru est une intruse qui a débarqué pour chambouler la vie familiale. D'abord, elle s'est mariée avec le fils (ce qui signifie, pour la mère, qu'elle n'est plus propriétaire de cette partie d'elle-même qu'elle a toujours protégée et entretenue.) Le sentiment d'être dépossédée de ce fils laisse naître chez la mère une sensation de mal-être. D'ailleurs, elle se sent reléguée au dernier plan. Elle a l'impression de ne plus être importante puisque cette "autre femme" est venue s'approprier son fils et sa maison258

En dernier lieu, « ne pouvant supporter cette situation, la belle-mère commence à lancer des messages hostiles à l'égard de sa bru. Implicitement puis ouvertement, des critiques et des sous-entendus sont lancés de manière à pousser la belle-fille à riposter et, donc, à entrer en conflit avec la belle-mère. Le but principal de la belle-mère est de clairement signifier à sa bru qu'elle est l'unique chef des lieux et qu'elle ne peut être qu'un subordonné. La belle-mère n'hésitera pas, une fois la dispute enclenchée, à se mettre sur la défensive, à responsabiliser sa bru et à demander à son fils de se positionner par rapport au conflit, de punir son épouse et d'exiger d'elle le respect et soumission259

Après avoir traité des actes et des verbes posés par les belles-mères à l'encontre de leurs brus, venons-en à présent à ceux posés par les brus à l'endroit des belles-mères. Si nous avons vu tantôt les diverses plaintes faites par les brus au sujet

256Rita MENSAH AMENDAH, ibid., p.54.

257 Ibid., p.54.

258 Propos de madame I.E.E., 30 ans, concubinage, 2 enfants, sans profession.

259 Propos de madame I.M.J, 43 ans, mariée à la coutume, 10 enfants, archiviste.

du comportement des belles-mères, il n'en demeure pas moins vrai que les bellesmères elles aussi se plaignent du comportement des brus, qu'elles qualifient d'irrespectueux.

Partant des actes posés par les brus, il faut dire que selon les propos des belles-mères en général, les brus ont du mépris pour la belle famille, particulièrement à leur égard, elles sont irrespectueuses, n'aiment que leurs maris et sont surtout paresseuses. Pour être mieux édifiés sur cette question, nous avons retenu les propos de certaines de nos belles-mères tels mesdames M.D, mesdames E.T, I.M.J, M.J, B.M.G.

Par exemple, madame M.D a trois belles-filles avec qui elle a eu de bons rapports ; elles affichaient un bon comportement. « Mais lorsque mon mari est mort en 2006, tout a changé, je ne sais pas pourquoi »260 nous a-t-elle confié. Ensuite elle a ajouté que ses brus ont commencé à mal se comporter vu que pour elle, ses belles-filles « n'aiment que leurs maris et n'aiment pas la belle famille et la belle-mère. Elles ne me donnent pas la nourriture, même pas le bonjour, elles restent que dans leurs chambres. Nous sommes dans la même concession mais pas dans la même maison. Quand elles me donnent la nourriture aujourd'hui, elles font deux jours sans me donner la nourriture. C'est mon fils qui me donne à manger. »261 En ce qui concerne madame E.T, il faut dire qu'elle reprochait à sa bru qu'elle ne lui prête pas du tout attention, ce qui, aux dires de la belle-mère madame E.T, l'ennui car elle n'a pas agit de la sorte. « Nous avons les mauvais rapports car elle avait un mauvais comportement. Quand je suis tombée malade la deuxième année après ses présentations, elle était venue passer un jour, elle a dormi jusqu'à midi sans faire un tour chez moi pour travailler, juste me dire bonjour. Après elle disparaissait pendant 3 à 4 mois sans venir voir la belle-mère, ni son mari. Les raisons étaient que je garde l'enfant de ma soeur (la première année de ses présentations), la deuxième année c'était maintenant ma soeur qui a accouché.»262

260 Propos de madame M.D, belle-mère, 78 ans, sans profession, veuve avec 8 enfants et avec 3 brus. 261Ibidem.

262 Propos de madame E.T, 63 ans, retraitée, 7 enfants, belle-mère.

En outre, madame I.M.J reproche à sa bru le fait qu'elle soit paresseuse. << Quand elle lave le linge de son mari, n'a jamais pris ne fusse qu'une fois dans le mois le linge du beau-père, de la belle-mère. En passant elle peut prendre le linge des frères du mari pour laver ne fusse que deux tenues mais rien. Quand elle fait la vaisselle, le reste des travaux, elle laisse pour les beaux-frères et la belle-soeur sachant que les beaux-frères ne travaillent pas souvent, c'est la belle-soeur qui s'occupe du reste du ménage. Elle aime toujours rester dans la chambre et quand le mari est là, ils passent plus de temps dans la chambre mari et femme. Mon fils me donnait au moins 50000f chaque fin de mois, il ne me donne vraiment plus rien depuis qu'elle est venue rester avec nous.>>263

En plus de madame I.M.J, madame M.J nous a relaté que sa bru incite son fils à l'insulter elle et sa fille et se plaint également de la paresse de sa belle-fille. << Les rapports entre ma belle-fille et moi sont mauvais. Il n'ya pas d'entente, elle ne veut pas que mon fils me garde. S'il a l'argent, c'est juste pour elle ; elle est de son côté, elle ne travaille pas. Elle ne veut pas que j'attrape mon petit-fils et dit que je suis une sorcière. Elle dit à mon fils de séparer la maison en deux. Je ne vois vraiment plus mon fils, il a changé avec moi. Mon fils veut même me porter main. Depuis que nous sommes ensembles là, elle n'a jamais préparé pour le grand-père du mari, ni jamais donner la nourriture aux enfants de sa belle-soeur malgré qu'elle soit en voyage.»264

Enfin, nous terminons nos illustrations avec le cas de madame B.M.G qui entretient aussi de très mauvais rapports avec sa belle-fille ; de surcroît qui vit avec elle dans la même maison. << On a souvent des conflits, ma belle-fille est en concubinage avec mon fils, elle ne me rend pas service, c'est-à-dire puiser de l'eau, me laver le linge, ne me prépare pas la nourriture que j'aime pour me donner car mon fils lui donne de l'argent. Elle ne m'achète pas quelque chose à boire. Je ne suis pas contente car j'ai souffert avec son mari "9 mois de grossesse". Jamais elle a pris 5000 ou 10000 f pour me donner. Lorsqu'elle se réveille, elle utilise mes marmites propres et les laisses sales. Moi je ne suis pas d'accord. Quand je suis malade, elle ne me chauffe pas de l'eau, je fais même quatre jours alitée et ne vient même

pas me dire bonjour. Je me sens en rivalité car elle m'accuse de sorcière, c'est moi qui avais mangé son enfant dans le ventre puisqu'elle a accouché un mort-né à 9 mois. Mon nom était gaspillé chez tout le monde. Elle ne garde pas bien ses enfants, ils sont sales avec la gale. Mon fils avait promis me frapper à cause d'elle. Je ne dépenserai jamais mon argent pour aller la marier, je la déteste. Ce n'est pas la faute de mon fils car il est manipulé par sa femme. Je connais mon fils, il était bien avec moi. Depuis qu'il est avec cette fille, il ya eu un changement terrible.»265

S'agissant du verbe des brus sur les belles-mères, nous avons retenu le discours de mesdames B.C, M.J, de madame B.M.G et de madame M.D pour enrichir les paroles des brus envers les belles-mères.

Pour madame B.C, chaque fois qu'elle arrive chez sa belle-fille, << elle me dit d'aller me servir moi-même à la cuisine dans la marmite»266, ce qui constitue un manque de respect à l'égard de la belle-mère par la bru, aux dires de madame B.C dans notre entretien. C'est ce genre de paroles et d'actes qui font qu'elle soit en conflit avec sa bru car cette dernière mépriserait la belle-famille.

Autre cas à signaler, c'est celui de madame M.J, qui ne s'entend pas du tout avec sa bru. En effet, << ma belle-fille ne veut pas que j'attrape mon petit-fils et dit que je suis une sorcière. Elle a dit à mon fils de séparer la maison en deux. Je ne vois même plus vraiment mon fils, il a changé avec moi. Elle m'insulte ouvertement "tu n'es pas la mère de mon mari, dis-nous sa vraie mère, il ne peut pas avoir une mère infirme, tu fais exprès de ne pas marcher". Elle dit à son mari de m'insulter devant les gens sinon elle part chez elle. Et mon fils m'insulte "mon gros con" ; même jusqu'à ma petite soeur.»267

Dans le même ordre d'idée, madame B.M.G se trouve confrontée dans cette situation où elle est accusée d'être une sorcière par sa belle-fille, ce qui fait également qu'elle a de très mauvais rapports avec sa belle-fille qui vit dans la même maison qu'elle. « Tu vois, ma belle-fille m'accuse de sorcière, que c'est moi qui avais mangé son

265 Propos de madame B.M.G, commerçante, belle-mère, divorcée, 52 ans.

266 Propos de madame B.C, belle-mqre, 45 ans, mariée à l'état-civil, 6 enfants et sans emploi.

267 Propos de madame M.J, belle-mère, 42 ans, sans profession, avec 54 enfants, concubinage.

enfant dans le ventre puisqu'elle a accouché un mort-né à 9 mois. Mon nom était gaspillé chez tout le monde.»268 Aussi considère t-elle sa bru comme une rivale irrespectueuse.

Enfin, madame M.D se plaint non seulement du fait que ses belles-filles n'aiment que leurs maris et pas la belle-famille, encore moins la belle-mère, mais aussi qu'elle est victime d'injures et pamphlets de ses trois belles-filles : « elles m'ont dit qu'on ne souffre pas avec les mères des autres (maris). Nos mères ne vivent plus. Des fois, elle se mettaient à parler seules : je ne veux pas voir la mère de mon mari ; je ne veux pas que mon mari donne l'argent à sa mère seule moi. Elles m'insultent ouvertement "idoungui" c'est-à-dire maboule ; "les yeux rouges"269

Pour résumer, les belles-mères estiment pour leur part que les brus d'aujourd'hui sont irrespectueuses à leur égard et elles comparent, a priori, ce qu'elles vivent maintenant à leurs propres vécus hier quand elles étaient brus ou le sont encore. Outre le non respect des belles-mères, ces dernières affirment que les brus sont paresseuses et ont du mépris pour la belle famille.

Dans cette présentation du conflit, même si nous observons quelques exceptions, généralement c'est toujours la belle-mère qui déclenche le conflit, pour asseoir sa domination symbolique ; en tant que chef et propriétaire des lieux. Mais cette domination symbolique tend à être renversée par la bru. Cependant, il est important de savoir quels sont les éléments déclencheurs du conflit ?

> L'origine du conflit

On peut d'abord partir des mutations qui ont façonné l'Afrique, particulièrement le Gabon et qui conduisent au fait que le choix du conjoint soit dû

268 Propos de madame B.M.G, belle-mère, 52 ans, commerçante, divorcée.

269 Propos de madame M.D, 78 ans, sans profession, veuve, 8 enfants dont 3 belles-filles.

au sentiment exclusif des conjoints qui se sont rencontrés soit en pleine balade, à l'école, au travail. Car << les jeunes sont donc libres du choix de leur conjoint, en ce sens au moins qu'ils savent désormais que leurs parents n'interviendront généralement qu'avec prudence : le souci de respecter le choix personnel de leur enfant et aussi la conscience qu'une opposition résolue n'aurait d'autre conséquence qu'une brouille temporaire avec le jeune ménage.»270

Ce qui fait que les conjoints ignorent presque comment sont les comportements de la famille du conjoint, de même la famille du conjoint ignore d'où vient ce conjoint, quelle est la renommée de cette famille et se sent écartée, frustrée ; constituant une perte d'influence et de son autorité.

<< Arrive alors une femme qui, au nom de la relation d'alliance, au nom du mariage, devient plus proche de ce fils, son époux, que ces femmes dont il est le débiteur, et qui prétend, soit les écarter de la jouissance de ces biens, soit venir avant elles dans le partage de ces prestations. Elles se sentent frustrées de devoir passer après une autre qui n'a aucunement contribué, au départ tout au moins, à l'épanouissement de l'époux. La relation entre la bru d'un côté, la belle-mère et les belles-soeurs de l'autre, devient nécessairement conflictuelle»271 parce que la bru apparaît comme une accapareuse. Signalons que l'origine du conflit est de deux natures : celle qui tend à faire entrer la bru dans la famille et celle qui tend à faire ressortir le fils de la famille.

En ce qui concerne l'arrivée de la bru dans la famille, il s'agit de faire connaître cette dernière auprès de la belle-mère. Ceci implique la cohabitation. Cette cohabitation est en majeure partie une des tensions excessives de la bru envers sa belle-mère. Nous pouvons dire que la cohabitation existe depuis dans les sociétés précapitalistes car on vivait en communauté, c'était la solidarité mécanique dans la société gabonaise. La belle-famille est élargie c'est-à-dire que l'on retrouve les soeurs, les tantes, les frères, les cousins etc. Rare est la situation où nous ne trouvons rien que

le père, la mère et les enfants. D'où la belle-fille a la charge de s'occuper de cette famille là. Cette cohabitation permet de mieux se connaître.

C'est pourquoi la belle-fille devait passer un certain temps avec les beaux-parents si le conjoint n'avait pas encore de situation stable. La belle-fille était contrainte d'aller rester dans la maison familiale. Et celle qui avait un mari ayant un salaire ; son mari et elle partaient faire un mois et plus avec la belle-mère pour se connaître étant donné qu'elle ignore (belle-mère) la famille de l'homme, comment est cette fille ; est-elle travailleuse, polie ou encore c'est la belle-mère qui se déplace pour aller trouver le couple.

Cette cohabitation entraînerait la surveillance de la bru qui pour elle, n'admet cette situation. Ce qui fait apparaître les tensions. L'élément déclencheur du conflit serait dii à la décision du fils d'aller présenter sa conjointe à sa mère. A signaler que cette décision a été motivée par le fait que la bru avait déjà un enfant. Ce qui a pour corollaire les présentations officielles auprès de la belle-famille. C'est le cas par exemple de madame I.E.E272 qui, quand elle est allée habiter dans la maison de la belle-mère, était enceinte de 4 mois mais n'avait rien dit à la belle-mère. En fait, tout a commencé lorsque la belle-mère lui proposa d'allée laver le corps chez le Nganga avec elle, parce qu'il n'était pas normal qu'elle puisse rester avec son fils qui ne travaille pas ; elle mérite mieux et lui a demandé de ne rien dire à son fils. Quand la bru a décliné l'offre de la belle-mère d'aller voir un Nganga, la belle-mère s'est fâchée en disant que « moi, on ne m'a pas fait sortir l'argent pour qu'on m'épouse ; je ne peux pas aussi le faire, jamais.» Pour madame Y.H273, le conflit débute ici dès la naissance du 1er enfant ; ce qui faisait que la belle-mère commençait à faire des tours de temps en temps à la maison de la bru puisqu'elle aidait sa belle-fille à garder l'enfant. On notera que la belle-mère a commencé à surveiller la maison ; en cherchant par exemple à savoir ce qui a été préparé pour son fils, il faut mettre de l'eau de javel dans les toilettes, la nourriture n'est pas bien nettoyée.

De même, avec madame L.C274, le conflit a declenche après la naissance du 2ème enfant et les presentations ont suivi. Dès lors, ils ont decide de vivre ensemble et le conflit s'est véritablement manifesté d'abord avec les belles-soeurs et les beauxfrères qui vivaient avec eux dans la maison du mari. Le conflit a declenche après la naissance du 2ème enfant et les presentations ont suivi. Dès lors, ils ont decide de vivre ensemble et le conflit s'est véritablement manifesté d'abord avec les belles-soeurs et les beaux-frères qui vivaient avec eux dans la maison du mari.

Tout comme pour madame A.E.M275 lorsque le mari a commence à travailler, il a décidé d'aller se présenter au bout de 4 ans. De là, la belle-mère a proteste en disant que si il decide de vivre avec sa femme, ils doivent donc sortir de sa maison et la belle-mère racontait que sa belle-fille etait sterile. Venons-en à présent à l'origine qui tend à faire sortir le fils de la famille.

A cet effet, le conflit s'accentue lorsque les fils s'obstinent à aller vivre avec leurs conjointes sur leurs propres toits, malgre le refus de leurs mères. Nous prendrons le cas des hommes maries avec des gabonaises et des etrangères ; pour mieux illustrer nos propos.

Monsieur I.S276 nous a dit que « quand je suis rentré au Gabon, j'étais déjà marié donc je n'avais pas de compte à rendre à mes parents. Je ne suis pas resté longtemps à Libreville, je suis parti loin de la famille à Franceville, je suis resté là-bas pendant 10 ans donc la famille je ne voyais que pendant les vacances. » Pour monsieur J.A.A277 « je me suis marié en 2004 en France avec elle. Dès qu'elle est arrivée au Gabon, je suis allé directement louer avec elle, à la maison il y avait rien. » En outre, « quand j'ai commencé à travailler, j'ai décidé de quitter la maison familiale. Le fait de quitter la maison a été un souci pour ma mère, car c'était d'ordre affectif, elle se sentait dépossédée étant dans la maison familiale ; elle

274 Madame L.C, Massango, mariée à la coutume, 39 ans, 6 enfants, étudiante.

275 Madame A.E.M, Fang de Minvoul, 32 ans, 2 enfants, concubinage, enseignante préscolaire.

276 Monsieur I.S, 49 ans, Myqn~, marié à l'état-civil avec une mauricienne, conseiller du ministre des mines et enseignant du supérieur, père de 3 enfants.

277 Monsieur J.A.A, 45 ans, 4 enfants, cadre au minist~re des mines, marié à une fang à l'état-civil.

pensait me gérer. Savoir comment j'allais, juste pour elle je n'étais pas assez grand, et avec une personne, elle se demandait comment j'allais ma comporter. Ça n'a pas été facile.>>278

Ici, nous voyons avec Louis ROUSSEL que l'enfant est un « caractéristique irréductible du lien conjugal. C'est la décision d'avoir un enfant qui "change tout " et transforme le couple en conjoints. La naissance de l'enfant transforme inévitablement le lien qui unit les conjoints et confère à l'épouse des responsabilités qui demeurent, pour ma majorité de l'opinion, de son ressort.>>279 Cet enfant est apparu dans les résultats comme essentiel au mariage : sans lui, pas de vrai mariage.

En effet, avec la naissance de l'enfant, la belle-mère se sent déstabilisée, mieux encore, avec le mariage, la belle-mère perd la bataille, sans parler de l'éloignement du fils et la décohabitation. A cela, Séverin Cécile ABEGA280 parle de la « mort symbolique >> de la belle-mère par la bru.

278 Propos de monsieur C.A.E, 38 ans, Fang, ingénieur en marketing, 3 enfants, vit en concubinage avec une fang.

279 Louis ROUSSEL, op.cit., p.290.

280 Séverin Cécile ABEGA, op.cit., pp.98-99.

Chapitre IV : La réfraction des rapports sociaux au sein du couple.

En physique, la réfraction désigne ce phénomène qui consiste en la déviation d'un rayon lumineux, d'une onde électromagnétique qui passe d'un milieu à un autre. De même, en sociologie, le phénomène de la réfraction peut s'observer en ce sens qu'il s'agit de la répercussion d'un fait social au sein d'un groupe. En fait, il est question ici d'étudier les possibles conséquences des rapports conflictuels entre la belle-mère et la bru dans la famille d'abord, au sein du couple ensuite.

Section 1 :L'instabilité du couple et le recours à différentes pratiques telle la sorcellerie.

Les rapports conflictuels entre bru et belle-mère ont un effet au sein du couple ; qui lui, engendra l'instabilité des conjoints car les brus se plaignent de la relation invivable avec leurs belles-mères pour certaines ; et pour d'autres, elles changent d'attitude vis-à-vis de leurs maris. Celui-ci (fils/époux) aimant les deux femmes, ne sachant quoi faire, en souffre de ce manque d'amour entre ces deux acteurs.

L'instabilité dans le couple peut dépendre de plusieurs facteurs ; entre autre, le manque de respect entre les deux acteurs qui peut surgir devant le fils pour l'une, le mari pour l'autre. Face à ce problème, le fils peut se dire qu'elles n'ont qu'à trouver un terrain d'entente elles-mêmes. En ce qui concerne la maman, elle se dira probablement que le fils approuve ce que sa femme fait car si son fils n'avait pas choisi cette femme, elle ne serait pas aujourd'hui dans cette situation. Soit ce sont les disputes considérables entre époux qui peuvent surgir car il (le mari) ne voudra pas que son épouse puisse importuner sa maman. Cette situation d'incompréhension

peut aboutir au divorce pour celles (les brus) qui sont mariées ou l'abandon du foyer par les brus ; trouvant inacceptable et difficile cette cohabitation.

En outre, la violence symbolique des rapports conflictuels entre la bru et la belle-mère et le manque de compréhension entre la bru, la belle-mère et le mari/le fils créent le doute dans le foyer et peuvent pousser à l'infidélité. Ainsi, le doute et la suspicion engendrent un climat de malaise, d'instabilité préjudiciable à tous. Certaines personnes seront heureuses, d'autres non comme les enfants par exemple. D'où cette question, à qui profite cette instabilité dans le couple ?

Par ailleurs, la belle-mère peut imposer une deuxième femme ou plus à son fils car pour certains hommes, a priori, l'amour pour leurs mères passe avant celui de leurs épouses ; et cela peut constituer un problème. Sur ce choix d'une seconde épouse, notons que celui-ci n'est plus du ressort du fils, plutôt de sa famille ; une épouse de la même ethnie. Choix qui peut engendrer des cris, des bouderies, violence inouïe, comme cela peut engendrer aussi une concurrence entre rivales, l'arrogance, le mépris encouragés par la belle famille. La première épouse supportera difficilement. Le manque de confiance entre bru et belle-mère conduit vers un climat invivable.

Et que par ailleurs, « la tension entre ces deux femmes est donc implicite, car elles occupent dans le système deux positions qui se qui se révèlent antithétiques (...) pour révéler que cela existe depuis des temps immémoriaux.»281 Enfin, l'auteur clôt son analyse sur les rapports conflictuels entre la bru et la belle-mère par sa une recommandation qu'il convient à tous d'apprécier en disant que « les belles-mères et les brus sont un mal nécessaire et doivent réapprendre à vivre ensemble, tout homme devant naître et se marier»282 pour que la société retrouve un équilibre grâce auquel toutes ses contradictions pourront s'atténuer. Cette instabilité nous pousse donc à nous interroger sur la place de l'homme dans le conflit.

281 Séverin Cécile ABEGA, La bru tueuse, in Journal des africanistes, 1992, volume 62, numéro 62-1, ibid., p.105.

282 Ibid., p.105.

1. L'homme comme enjeu du conflit.

Ici nous sommes dans une situation triangulaire dont deux femmes et un homme. L'homme est, dans la relation conflictuelle entre bru et belle-mère, pris comme « un objet >> précieux ; dont chacune voudrait préserver ses intérêts particuliers. Il apparaît ainsi comme une victime ; victime parce que le conflit va opposer deux femmes qu'il aime : d'un coté sa mère et de l'autre sa femme qu'il affectionne et ne peut jouer l'arbitre en face des deux. Donc, il est pris entre deux feux ; il doit gérer deux femmes. On peut rappeler ici le fait que « les conflits entre belle-mère et bru ont existé depuis la nuit des temps, mais à la base de leur genèse a toujours existé la rivalité et la jalousie excessive qui imprègne leur relation. Il ne faut pas oublier aussi que les deux femmes sont impliquées dans une même relation et se disputent le même objet d'amour qu'est le fils.>>283 Cette guerre des femmes les pousse à recourir à différentes pratiques telle la sorcellerie.

Ces pratiques sorcellaires sont considérées comme un type de comportement dit « intentionnel ; mieux, ce sont des conduites visant consciemment à atteindre un but. Recourir à ces pratiques sorcellaires, cela sous-entend qu'il ya manifestement un conflit symbolique ; en tant qu'ultime moyen pouvant déboucher sur une victoire de l'une sur l'autre. Pour Max WEBER, ce type de comportement définit ce qu'il appelle la rationalité instrumentale. En effet ici, « l'action, définie comme un comportement intentionnel, obéit implicitement à une rationalité de type instrumental ou utilitaire, dans la situation qui est la sienne au moment d'agir, l'acteur engage ses moyens pour atteindre la fin dont il pense qu'elle lui apportera la plus grande satisfaction.>>284

283 Dalila SOLTANI, op.cit., p.1.

284 Raymond BOUDON et Renaud FILLIEULE, les méthodes en sociologie, 12ème édition, Paris, Puf, (coll. « Que sais-je ? »), n°1334, 2004, p.54.

Ce point de vue de Max WEBER sur l'action rationnelle, que nous partageons, nous permet de nous situer et dire que la bru, pour (re)conquérir ou garder son mari, son foyer, et la belle-mère, qui voudrait détruire cette relation, auront recours aux pratiques sorcellaires ou à la magie285 pour atteindre leurs fins. Fétiches, pour la bru afin que son mari l'aime davantage et pour que le mari ne puisse pas voir les mauvaises choses qu'elle puisse faire ; ou encore pour que le mari lui donne ce qu'elle veut ; qu'il soit complètement sous son emprise.

Au rebours, la belle-mère286 peut user de la magie ou sorcellerie voire fétiches287 pour mettre un terme à cette relation qui vient la déposséder de son fils. En effet, « une fois la bru installée dans la maison, toutes les occasions seront saisies pour la faire souffrir et le recours à la magie deviendra vite inéluctable. Magie de l'une pour prévenir, magie de l'autre pour attaquer et faire payer la dépossession d'un fils ne sont que le reflet vrai d'une relation triangulaire dans laquelle se joue le drame du pouvoir.»288 Dans cette situation, le fils/époux se trouve être encore une victime ballottée d'une femme à l'autre.

Si la bru persiste à rester dans son foyer, la belle-mère cherchera à la faire partir en employant certaines pratiques soit en attachant des cordes pour que son fils déteste sa femme ou alors la bru fait de plus en plus une série de cauchemar, des maladies répétées etc. Toutefois, ces pratiques, comme l'écrit WEBER, qui ne sont pas illusoires, arriverons à satisfaire les deux acteurs. Parce qu'étant avant tout des actions intentionnelles, rationnelles ; guidées par des mobiles.

En témoigne les propos de monsieur I.S pour qui « quand je ne suis pas là c'est la guéguerre, quand je suis là tout le monde est gentil. Je suis comme un peu le dindon de la farce. A beau supporter, ma femme se plaint, ta mère, je ne comprends pas. Comme je voyais

285 Nedjima PLANTADE, La guerre des femmes. Magie et amour en Algérie, Paris, édition la Boîte à Document, 1988, 179 pages

286 A ce propos, l'entretien avec madame A.E.M, bru, 32 ans, enseignante préscolaire, concubinage depuis 8 ans, 1 enfant, nous a permis de voir que sa belle-m~re avait amené son nom chez le Nganga pour qu'elle meurt en décembre 2006 et donc se séparer définitivement de son mari.

287 Cf. Féminin interdit d'Honorine NGOU, qui met en évidence le recours à la sorcellerie dans cet ouvrage de la mère du personnage principal Hémiel, pour que ce dernier se sépare de sa femme.

288 Nedjima PLANTADE, La guerre des femmes. Magie et amour en Algérie, Paris, Puf, édition la Boîte à Documents, 1988, p.154.

que cette histoire prenait de l'ampleur, j'ai fais semblant d'aller un jour au travail et je suis resté dans la chambre pour voir ce qui se passe.>>

Quant au recours à la sorcellerie, madame I.E.E indique que: << ma belle mère me proposa d'aller laver le corps chez le Nganga avec elle, parce qu'il n'était pas normal qu'elle puisse rester avec son fils qui ne travail pas, que je mérite mieux mais de ne rien dire à son fils ; et j'ai refusé. > De même c'est le cas de madame M.A : << tu vois la grosse boule que j'ai derrière l'oreille, c'est ma belle-mère qui m'a lancé çà mystiquement. Aujourd'hui, je suis partie de la maison de son fils avec les enfants. Il est resté seul dans la maison avec sa mère et les enfants de sa soeur. >>289 Par ailleurs, madame A.E.M nous rapporte que << ma bellemère me répétait touts les jours que j'allais mourir en décembre 2006 si je ne partais pas de la maison de son fils. Elle dit aussi que je finis l'argent de son fils et qu'elle va m'abattre comme un chien si je ne parts pas de SOTEGA. Son fils va nous coucher toutes les deux et on aura le même goût.>>290 Autre exemple qui confirme l'usage de pratiques sorcellaires, c'est celui de monsieur I.I qui nous a dit qu'on lui a dit que sa femme le vampirise.

Symboliquement, le fils est la première victime, mieux un << objet >> disputé que la belle-mère et la bru veulent contrôler. Cette lutte acharnée autour de cet << objet >> s'amplifie de jour en jour en l'absence de solutions pratiques ; la vie familiale risque de devenir insupportable. Il est pour ainsi dire réifié par les deux femmes. Quelle sera alors l'attitude de l'homme dans ce conflit ?

2. La prise de position du mari/fils dans le conflit

On peut partir du fait que les tensions qui naissent ou provoquées par la bru et la belle-mère se manifestaient devant le mari. << Mais ces conflits ne devaient pas avoir lieu en présence du mari qui incarnait l'autorité et le respect. Il y avait

289 Madame M.A, 4 enfants, Nzébi, concubinage, 32 ans, sans profession.

290 Propos de madame A.E.M, bru, concubinage, enseignante du préscolaire, 32 ans, 1 enfants.

certainement des murmures de mécontentement, des tentatives de règlement de compte, mais dans l'ombre.»291

Né et élevé d'une femme qui est sa mère, ayant souffert avec lui et aimant sa famille, l'homme ne se voit pas porté un doigt accusateur sur sa maman, ou encore chasser cette dernière. Il se voit dans l'obligation de demander à sa femme de supporter car il s'agit de sa mère, que peut-il faire d'autre ? Essayer de discuter avec les deux protagonistes car lorsque survient un conflit entre elles, l'homme se range du côté de sa mère. Autre fait, nous avons posé la question de savoir justement quelle est l'attitude du mari et quelles sont les solutions qu'il propose, la réponse et qu'il prend le parti de sa mère, et qu'il demande donc à sa femme de supporter. Soit << il ne dit rien car s'il prend ma part, la mère dira voila, on a fétiché mon enfant.»292 Dans ces conditions, il choisit d'arranger et de ramener les deux femmes à la raison. Cependant, << seule une tension extrêmement violente peut le faire sortir de sa réserve.»293 Comme le soulignent nous informateurs qui disent à leurs femmes de supporter leurs mamans aux yeux de celles-ci, et lorsque la bru tourne le dos, il va parler avec sa mère. Car ils prétendent mettre en exergue leurs foyers et on pour prétexte que leurs parents avaient déjà fait leurs vies et qu'il était déjà tant que leurs mamans s'occupent d'autres choses.

En effet, monsieur A.E.C294, ce qui concerne les rapports conflictuels entre sa femme et sa mère, a préféré partir de la maison familiale pour vivre seul et << c'est comme çà que j'ai su gérer mes problèmes et çà te responsabilise. Le fait de quitter la maison était un souci pour ma mère car c'était d'ordre affectif~ elle se sentait dépossédée étant dans la maison familiale ; elle pensait me gérer, savoir comment j'allais juste pour elle, je n'étais pas assez grand et avec une personne, elle se demandait comment j'allais me comporter. Ça n'a

291 Annick Sandra NYINGONE, Mariage et condition sociale de la femme esclave sous la royauté Nkomi (1750- 1903), Mémoire de Maîtrise en Histoire et Archéologie, UOB/FLSH, sept.2004, p.71.

292 Propos de madame I.E.E, bru, 30 ans, 2 enfants.

293 Séverin Cécile ABEGA, op.cit., p.104.

294 Ingénieur en marketing à Zain Gabon, 38 ans, en concubinage depuis 9 ans, habitant l'ENS, pqre de 3 enfants, entretien réalisé en avril 2009.

pas été facile.»295 D'autres n'hésitent pas à tenir tete à leurs mères en prenant la défense de leurs épouses. C'est le cas de monsieur A.A.J296 qui s'est marié en 2004 en France avec sa femme sans l'aval de sa mère ; son père étant décédé ; ce qui a suscité vraiment des conflits. Aussi, « j'ai clairement dis à ma mère que je suis grand, je fais ma vie, j'ai pratiquement 40 ans j'ai le droit de me marier ; toi tu t'es mariée à 18 ans alors ne me fais pas le bruit. »

Mieux, un de nos informateurs a tout simplement interdit sa mère de venir chez lui et prend le parti de son épouse. En effet, « chez moi j'influence, je décide, je suis un rebelle de la famille donc ma mère se tient à carreaux. C'est mon foyer que je protège car mes parents ont eu leurs vies et moi j'ai la mienne. Je débats de toutes ces choses sans retenu avec la famille d'où j'ai meme interdit ma mère de venir chez moi.»297 Pour monsieur I.S, « pour moi c'est ma soeur qui doit garder ma mère et le fils garde son père. Alors puisque ma mère embête ma femme, je lui ai dis de retourner chez ses filles, ne vient plus chez moi, prend tes bagages et je te paie le retour et elle est retournée. »298

Section 2 : Affirmation de la bru.

Les pratiques employées pour arriver à ses fins, comme nous venons de le voir précédemment, conduira a priori à une stabilité de son foyer. Cependant, c'est sans compter que cette dernière doit adopter un type de comportement : appropriation du foyer par la bru et prise de distance avec la belle famille.

1. Appropriation du foyer par la bru.

La prise de position du mari face à sa mère va octroyer un pouvoir à la bru : il s'agit de l'appropriation du foyer par la bru. Pour A.A.J, « la vie nous instruit, la femme doit etre forte, elle doit s'imposer parce que c'est la femme qui gère la maison et non l'homme,

295 Propos de monsieur A.E.C, ingénieur en marketing Zain Gabon.

296 Cadre au Minist~re des Mines, 45 ans, marié à l'état-civil et à la coutume.

297 Propos de monsieur I.I, 48 ans, agent de contrôle à l'ASECNA, marié à l'état-civil, 3 enfants, cité ASECNA.

298 Propos de monsieur I.S, 49 ans, 3 enfants, marié à l'état-civil à une mauricienne, enseignant du supérieur et conseiller du ministre des mines.

l'homme ne fait que donner l'argent mais l'éducation revient à la femme. Quand la femme perd son autorité dans le foyer, c'est fini.»

« Les femmes africaines disposent et ont toujours disposé d'un pouvoir réel dans leur menage malgre les hierarchies formelles des rôles sexues qui leur confèrent une position d'infériorité.»299 L'appropriation du foyer concerne la tenue de la maison ; la planification du panier de la menagère, la planification des naissances, consecutive à la scolarisation des femme, à leurs activites professionnelles remunerees, ont modifie leurs rôles et statuts au sein du foyer.

En outre, dans sa maison, `importe qui ne plus s'asseoir comme il le désir, toucher la nourriture, etc. En fait, la belle famille n'a plus véritablement la mainmise sur elle. Elle n'est plus obligée de laver le linge, de préparer et, il ya des domestiques à cet effet, car elle est le chef de la maison. Certaines prefèrent habiter dans des quartiers éloignés où il faudrait toujours avoir se déplacer avec l'argent du taxi en cas d'absence des parents. Cet éloignement fait limiter les visites où celles qui habitent dans les grandes villas avec gardien et grandes barrières, laissent des consignent telles « aucunes visites sans autorisation » car elle est la maîtresse de maison.

Soit avant de venir, il faut au prealable aviser, passer un coût de fil pour annoncer son arrivee ; elle conditionne le mari (dans le cas oil la bru a plus de moyens que le mari). La scolarisation massive des femmes et leurs differentes activites professionnelles ont donc pour ainsi dire, modifie leurs rôles et statuts au sein du couple. Par ailleurs la bru diplômée, dont l'environnement social favorisait une émancipation, ne se voit plus guidée par la tradition. L'individualisme est mis en relief car chacun voit son interêt.

Celles qui sont déjà mariées n'ont presque plus d'obligations avec leurs belles familles ; car elles essaient encore d'être dominantes, bien qu'étant dans leurs foyers.

299 « L'Afrique des femmes » in la revue VolWWWfWWKne, n°65, 1997, p.35.

Sauf pour celles qui vivent encore en concubinage (de moins de 5 ans) elles voudraient gagner la confiance de la belle famille.

Celles qui ont plus de 8 ans, même si elles vivent en concubinage, et qui ont les moyens financiers, nous ont rapporté ne plus supporter ce « calvaire de la belle famille >>, et de modifier la situation. Et qu'en étant dans son propre foyer, elles obtiennent un nouveau pouvoir et peuvent gérer leurs foyers à leur guise.

2. Prise de distance avec la belle famille.

Une première remarque vient du fait que la vie de couple n'est pas toujours évidente. Et lorsqu'on y ajoute la belle famille, cela peut devenir ingérable. En effet, dans un contexte de mutations sociales affectant toutes les structures de la société, la tradition cède la place au modernisme. La société gabonaise se modernise et se développe maintenant sous l'influence de l'Occident : les téléfilms, les cd importés accélèrent le processus d'acculturation dans toutes les familles urbaines et rurales. De plus, internet et la téléphonie mobile ne sont pas en reste. Ce qui fait que le cliché européen de l'incompatibilité d'humeur entre belle-mère et bru sème le trouble dans la relation traditionnelle de ces deux acteurs.

En son temps, les devoirs de la bru envers sa belle famille étaient de rigueur. Mais cette autorité s'émousse de jour en jour. Les rapports conviviaux se font de plus en plus rares. Les couples aspirent à plus de liberté d'où la décision d'aller vivre loin la maison familiale. Car la cohabitation familiale entraîne, comme nous l'avons vu dans les sections précédentes, la surveillance de la vie du couple par la belle famille dont parle madame Y.H et les autres brus que nous avons rencontrées, et qui suscite toujours des conflits ; en particulier entre bru et belle-mère.

Ainsi la bru, influencée par un ensemble de valeurs occidentales telles les téléfilms, l'école, l'urbanisation ; l'économie monétaire et pourquoi pas l'entourage, provoquent en elle des transformations considérables et partant, les pratiques culturelles africaines.

Disons aussi que la soif de liberté ou d'individualisme a fait naître un nouvel esprit qui met en évidence l'ego, l'égoïsme, le moi. Celles qui n'étaient pas mariées étaient soumises après le mariage, montrent leurs « vrai visage » en prenant donc des distances avec la belle famille ; ou pour celles qui ne cohabitent plus dans la maison familiale montrent également « leurs vrais visages ». En fin de compte, la belle famille perd son autorité sur le fils et la bru ; et les obligations des belles-filles vis-à-vis d'eux disparaissent. D'où leur avis selon lequel « il n'est pas souhaitable de vivre avec sa belle-mère parce qu'elle voudra se mêler des affaires du couple et prendre la part de son fils ; la bru aura l'impression d'être gérée dans le foyer par une tiers personne.»300 En résumé, si la bru prend des distances avec la belle famille alors elle pourra mieux s'approprier son foyer. En témoigne A.A.J « j'attire l'attention de ma femme, cette relation j'attire l'attention de ma femme ; cette relation il faut faire attention ; c'est mon devoir de l'avertir. Mon pieds c'est son pieds, là où je dois mettre les pieds c'est là où tu mets les pieds.»

Egalement, « moi-même j'ai dis à ma femme que c'est inutile d'aller rendre visite à mes parents. Je lui dis 1 fois tous les 3 mois, tu leur dis que t'es juste de passage vous dire bonjour. C'est pour garder les bons rapports.»301 Enfin, monsieur I.S nous dit que « Personne ne vient manger chez moi. Même mes neveux ne connaissent pas chez moi. Il n'ya pas que la belle-mère, il ya aussi les grandes soeurs.»302

300 ,Il s'agit là du point de vue que partagent toutes les brus quant à la question de savoir si il est souhaitable de vivre avec sa belle-mère ?

301 Propos de monsieur E.J.F, Myènè, cadre retraité de Tractafric SHO/Gabon, 59 ans, 5 enfants, marié à la coutume à une Sénégalo-gabonaise, habitant la Sni/Owendo, entretien réalisé en avril 2009.

302 Propos de monsieur I.S, 49 ans, 3 enfants, marié à l'état-civil, à une mauricienne, enseignant du supérieur et conseiller du Ministre des mines.

Conclusion de la deuxième partie

En partant de la question de savoir pourquoi bru et belle-mère sont-elles en conflit, nous nous sommes rendus compte qu'en fait, il s'agit de deux femmes qui ont chacune la volonté et le désir de contrôler un seul homme : le fils pour l'une, le mari pour l'autre. Car, aux dires de nos différents informateurs, principalement les hommes mariés à des étrangères comme à des gabonaises, il ressort qu'avant l'arrivée de la bru, les rapports « mère-fils » ne connaissaient pas de troubles.

vivre loin de sa famille avec sa femme et pourquoi pas, de la mettre en exergue. Cependant, ils comprennent bien l'attitude de leurs mamans mais en plus, celles de leurs femmes. Par ailleurs, nous précisons que cette étude n'a pas pour objectif de jeter l'anathème sur un des acteurs de ce trio, ce triptyque. Plutôt de nous engager dans une tentative d'explication de ce phénomène social qui, à la lecture de la formation sociale gabonaise, se pose avec acuité.

De même, DURKHEIM nous apprend que « quand donc on entreprend d'expliquer un phénomène, (...), il est naturel de rechercher la cause (...) avant d'essayer d'en déterminer les effets. »303 Les effets sont connus, divorces, déstabilisation des familles ; familles recomposées, etc. Etudier les rapports qui existent au sein de la famille gabonaise actuelle, c'est aussi nous interroger sur la structuration des rapports existant en général dans une formation sociale donnée. La présente étude nous permet de voir qui détient le pouvoir et comment et à partir de quoi il s'exerce ; mais surtout, à quelles fins.

Au fond, nous retiendrons que la perspective du matérialisme historique de Karl MARX sied ici, parce qu'elle nous aide à voir que « l'évolution de la société résulte de l'évolution des conditions matérielles de la vie. A la base se trouvent les forces productives (instruments et techniques de production, force de travail des hommes et objets auxquels s'applique ce travail). Ces forces productives engendrent des rapports de production : ce sont les rapports que les individus nouent entre eux à l'occasion de la production. »304 Dans notre métaphore, « ces forces productives » représentent la bru, qui subit le calvaire de sa belle-mère, désignée ici comme « propriétaire des moyens de production >>, c'est-à-dire, le « fils. »

303 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, Paris, Puf/Quadrige, 11ème édition, 2002, p.95.

304 R.G. SCHWARTZENBERG, Sociologie politique, Paris, éditions Montchrestien, 5ème éd., (coll. « Domat Politique »), 1998, p.48.

Ces rapports qui se présentent comme conflictuels entre la belle-mère et la bru découlerait bien de l'évolution des conditions matérielles de la vie familiale, mieux, de la vie sociale.

Conclusion générale

La famille gabonaise n'est plus soudée, c'est le paraître. Le lien qui existe entre une mère et son fils est très fort car durant toute son enfance, la maman a toujours été présente pour partager ses joies et ses peines. Il y avait une certaine complicité entre eux avant que le fils ne lui présente sa conjointe. Et l'arrivée d'une bru dans la vie de son fils est perçue avec méfiance et arrières pensés; d'autant plus que la société a évolué, le choix du conjoint ne se fait plus de la même manière c'est-à-dire qu'autrefois, ce choix se faisait par le canal des parents. Ce qui faisaient en sorte que la bru était mieux accueillie puisqu'on connaissait déjà la renommée » de la famille et la mentalité de cette bru.

Or, aujourd'hui avec l'évolution de la société gabonaise, ce choix se fait en majeure partie par des conjoints eux-mêmes qui se sont rencontres soit en pleine ballade, soit à l'école et relève du sentiment personnel. Ainsi, l'arrivée de cette instruise dont on ignore sa vie, la renommée de sa famille ne pourra pas être de facto acceptée facilement. Il est vrai que la belle-mère et la bru peuvent développer des affinités mais dans la plupart des cas, il n'est pas toujours évident que bru et bellemère découvrent en chacune d'elle une femme formidable vis-à-vis de l'autre ; et s'accusent mutuellement de discourtoisie, ce qui amène des tensions. Cela se manifeste par des injures et actes tels: « ce n'est pas le fait de coucher avec mon fils, il n'y a pas encore d'enfants, ce n'est pas la peine d'être là, tu ne sais pas entretenir la maison, les marmites sont mal lavées et tu t'occupes mal de mon fils »305 ; « mon fils participe seul aux besoins du ménage. Par ailleurs, l'éducation des enfants n'est pas bien faite. »306 Ou encore, « qu'on ne souffre pas avec les mères des maris. Nos mères ne vivent plus. Des fois, elles se mettaient à parler seules : je ne veux pas voir la mère de mon mari, je ne veux pas que mon mari donne de l'argent à sa mère seule moi. Elles m'insultent ouvertement "idoungui" c'està-dire "maboule, les yeux rouges". »307 Autre injure de la bru envers la belle-mère : « tu n'es pas la mère de mon mari~ dis nous sa vraie mère ; il ne peut pas avoir une mère infirme, tu fais exprès de ne pas marcher. »308 Ou encore, « sorcière, c'est toi qui a mangé mon fils dans mon ventre. »309

Les rapports conflictuels entre bru et belle-mère peuvent provenir soit de la belle-fille, soit de la belle-mère. La plupart du temps on pose souvent un doigt accusateur sur la belle-mère mais il survient aussi que les belles filles déclenchent le

305 Entretien avec madame B.O.M une bru, sans enfants, âgée de 28 ans, étudiante, Fang et vit en concubinage depuis 7 ans.

306 Entretien avec une belle-fille, madame Y.H, âgée de 40 ans, psychologue, Myènè, vit en concubinage depuis 9 ans, avec 2 enfants.

307 Entretien avec madame M.D, né vers 1930, belle-mère, sans profession, veuve avec 8 enfants, elle a trois belles-filles.

308 Entretien avec madame M.J, belle-mère, 42 ans, Mitsogho, sans profession avec 5 enfants, elle vit en concubinage.

309 Entretien avec madame B.M.G, belle-mère, âgée de 52 ans, Punu, commerçante, elle a 6 enfants. Elle est divorcée.

conflit pour que son conjoint aille habiter loin de la famille, sous leur propre toit ; en fait c'est un problème entre deux femmes.

La bru devrait comprendre l'agir de sa belle-mère car elle ignore la douleur de la mère, ce qu'elle vit ou a vécu, toutes les difficultés qu'elle á enduré pour son enfant et c'est une personne inconnue qui n'a pas participé a l'épanouissement de son enfant qui jouit de ses douleurs, économiquement et socialement ; alors elles peuvent être agressives sans le savoir. De plus l'enfant au Gabon, est perçu comme une garantie et une sécurité sociale. Il s'agit de voir que si les parents se sont investis longtemps sur leur fils ; c'est parce qu'il savent qu'il leur sera redevable le moment venu ; c'est-à-dire, lors leur vieillesse.

Mais ces belles-mères oublient qu'elles ont été aussi des belles-filles. De mêmes, Ces brus oublient que demain elles seront aussi des belles-mères et qu'elles agiront aussi de la même manière. Le véritable problème c'est une maman qui tient a contrôler son fils qui lui échappe et qui revendique aussi ses droits. Ce qui est évident de nos jours, c'est qu'il n'y a plus de respect entre bru et belle-mère, les brus affrontent les belles-mères et cela conduit a la désacralisation de cette relation. Dans cette guerre des femmes, l'homme est pris entre deux feux, il est l'objet « précieux » discuté et devient l'enjeu de ce conflit.

Il est l'arbitre donc est le seul a trancher ce conflit parce qu'étant a l'origine du problème. Il apparaît clair que l'homme, dans ce conflit, est réifie par ces deux femmes. D'ailleurs les deux femmes sont habitées et animées par un égoïsme réciproque. A cela, s'ajoute certainement la cohabitation excessive due aux moyens financiers et au manque de logement, qui parait plus important. De même, l'éloignement du fils, c'est-à-dire, la décision d'aller vivre seul avec sa femme dans l'optique de l'expérience du couple, sont autant d'éléments déclencheurs du conflit entre ces deux femmes. Par conséquent pour lire les rapports conflictuels entre bru et belle-mère nous avons pris pour cadre théorique le matérialisme historique de Karl MARX pour faire ressortir la logique de lutte entre ces deux femmes.

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28. BOURDIEU P., Le bal des célibataires. Crise de la société paysanne en Béarn, Paris, éditions du Seuil, (coll. << Points »), 2002, 259 p.

29. BOURDIEU P.,La domination masculine, édition augmentée d'une préface, Paris, Seuil, ( coll. << Points »), 1998, 175 p.

30. BOURDIEU P., Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, 2ème éd., Paris, Les éditions de Minuit, 1965, 360 p.

31. DECHAUX J-H., Sociologie de la famille, Paris, La Découverte, (coll. « Repères/Sociologie »), n°494, 2007, 128 p.

32. ELO MINTSA J., et NGBWA MINTSA G., Protocole du mariage coutumier au Gabon, Libreville, Polypress, 2003, 91 p.

33. KAUFMANN J.C, Sociologie du couple, 4ème éd. refondue, PUF/QSJ ?, (coll. << Encyclopédique »), 2003, 127 p.

34. MAYER R., Histoire de la famille gabonaise, Libreville, 2ème éd., revue et augmentée, Libreville, Editions du LUTO, 2002, 269 p.

35. MBAH J-F., et SOUMAHO M.N., La question du mariage en milieu universitaire au Gabon, Libreville, CERGEP/Les Editions Udégiennes, 1996, 213 p.

36. MENSAH AMENDAH R., Mosaïques Africaines. Chroniques Féminines, Paris, l'Harmattan, coll. « Etudes africaines », 2002, 112p.

37. NGOU H., Féminin Interdit, Paris, l'Harmattan, (coll. << Encres noires »), 2007, 291 p.

38. OGOULA-M'BEYE Pasteur, Galwa ou Edôngô d'antan. Traduit du Galwa et annotépar Paul Vincent POUNAH, Fontenay-Le-Comte, Loriou, 1978, 241 p.

39. PLANTADE N., La guerre des femmes. Magie, et amour en Algérie, Paris, édition La Boîte à Documents, 1988, 179 p.

40. ROUSSEL L., Le mariage dans la société contemporaine. Faits de population, données d'opinion. Préface d'Alain GIRARD, Paris, Puf, (coll. << Travaux et documents »), cahier n°73, 1975, 407 p.

41. SEGALEN M., Eloges du mariage, Paris, Gallimard, (coll. << Découvertes, culture et société »), 2003, 127 p.

42. TALMON Y. in André MICHEL, La sociologie de la famille, Paris, Ecole Pratique des Hautes Etudes et Mouton, 1970, 318 p.

43. YANA Sid, « Statuts et rôles féminins au Cameroun. Réalités d'hier, images d'aujourd'hui, » pp.35-47 in Politique africaine. L'Afrique des femmes, n°65, 1997, 165 p.

IV. Articles, périodiques et revues.

45. BARRY M., << Belle mère ou co-épouse ? » du jeudi 3 février 2005 du quotidien malien Essor n°15842 du 8 déc.2006, sur le site internet www.musow.com.

46. BERNAULT F., Economie de la mort et reproduction sociale au Gabon, in MAMA AFRICA : Hommage à Catherine COQUERY-VIDROVITCH, édité par Odile GOERG et Issiaka MANDE, Paris, l'Harmattan, 2005, 12 p.

47. 24ème édition de la quinzaine de la femme : la belle mère sénégalaise, « gourou » ou « wujje » Article du jeudi 28 avril 2005.

48. GESCHIERE P., << La visite des belles-mères chez les Maka. Une rébellion, contre les hommes ? » pp.193-215, article in Jean-Claude BARBIER, Femmes du Cameroun. Mères pacifiques, femmes rebelles, Paris, Karthala/ORSTOM, (coll. << Hommes et sociétés »), 1985, 402 p.

49. Sociologie de la famille, un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre, 8 p.

50. << Femme : la belle-mère, une alliée ou une co-épouse » in l'Essor, n°15842, déc.2006.

51. SOLTANI b., << Des échanges relationnels conflictuels », in Le mague-journal de Culture-société-people-Décryptage, Télé, in www.lemague.net.

V. Thèse(s) de boctorat, Mémoire(s) de Maîtrise et Rapport(s) de Licence.

53. BELLA M'BA N.M., Participation politique de la femme ou mystification : essai d'analyse des rapports sociaux de genre dans le champ politique gabonais, Mémoire de Maîtrise en Sociologie, Libreville, UOB/FLSH, 2006-2007, 102 p.

54. BIKOMA Fl., Socialisation de la femme accomplie mukaas wadya makoma bya chez les Nzébi du Gabon, thèse de boctorat en Ethnologie-Anthropologie, Université Paul VALERY de MONTPELLIER III, 2004, 457 p.

55. MELEANG M'ATOME J., De la bénédiction parentale lors du mariage coutumier de la femme diplômée : permanence et paradoxe, Mémoire de Maîtrise en Sociologie, Libreville, UOB/FLSH, Juin 2008, 99p.

56. NbOMENGANE ONbO J., Mariage et représentations sociales en milieu ouvrier au Gabon, Rapport de Licence en Sociologie, Libreville, UOB/FLSH, sept. 1998, 27 p.

57. NGWAGANGA b., Les représentations sociales du mariage chez la femme mariée salariée, Rapport de Licence en Sociologie, Libreville, UOB/FLSH, nov. 1999, 26 p.

58.NYINGONE A.S., Mariage et condition sociale de la femme esclave sous la royautéNkomi (1750-1903), Mémoire de Maîtrise en Histoire et Archéologie, Libreville, UOB/FLSH,sept.2004, 116p.

59. RATANGA ATOZ A.F., Les peuples du Gabon occidental pendant la première

période coloniale 1839-1914, thèse de boctorat ès Lettres option Histoire, Université de Reims Champagne Ardennes, tome 1, 1996, 435p.

VI. Moteurs de recherche.

60. www.google.fr/ www.yahooencyclopedie.fr

61. ian.eschstruth@laposte.net

62. www.musow.com.

63. http: // fr.wikipedia.org/wiki/sociologie de la famille

Table des matières

Dédicace

Remerciements

Sigles et abréviations

Liste des illustrations Liste des tableaux

Sommaire

Introduction générale

 

1

Les préalables épistémologiques

 

3

Section 1 : Objet et champ de l'étude

 

3

1-Les rapports mère-fils à travers la bru comme objet d'étude

 

..3

2- La sociologie de la famille comme cadre de référence

 

..6

Section 2 : Construction du modèle d'analyse

 

..9

1-La question des relations familiales posée en occident

 

..9

2- Du point de vue des africanistes

 

14

3- Du point de vue des chercheurs et universitaires gabonais

 

22

4- Comment entendons-nous poser le problème dans notre recherche

?

29

5- Enonciation de nos hypothèses de recherche

 

32

 

5-1-Définition et construction des concepts

 

33

5-.2-Définition des concepts de belle-mère, de bru, rapports conflictuels et fils/époux

comme concepts fondamentaux pour notre étude 33

5.3- Construction de notre concept fondamental 36

Tableau de la Construction du concept du «conflit » . 36

Section 3 : Démarche méthodologique ..36

1-Cadre empirique de la recherche 37

2- Population d'enquête 38

3-Technique de collecte et de traitement des données 38

3.1. L'entretien comme technique de collecte des données 38

3.2. L'analyse de contenu comme technique d'analyse des données 39

3.3. Limites de l'étude 40

Première partie : La question du mariage au Gabon en période précoloniale 42

Chapitre I : Aperçu historique sur la question du mariage

44

Section 1 : Le mariage dans la société traditionnelle

44

1-La conception du mariage dans la commune ancienne

44

2-Les contextes du mariage dans la société gabonaise précoloniale

48

Section 2 : Echanges relationnels entre la bru et la belle-famille

53

1- Les devoirs de la bru vis-à-vis de la belle-famille

53

2- Rapports de force existants .

56

 

Chapitre II : L'impact de la période coloniale sur la société gabonaise

60

Section 1 : Instrumentalisation des valeurs occidentales.

.60

1-L'école, le travail salarié et l'Eglise

60

2-Institution du mariage à l'état-civil et à l'Eglise, évolution du mariage coutumier et

persistance du concubinage ..62

Section 2 : Le choix ou la rencontre du conjoint ..64

1-La place de la famille dans le choix du conjoint 64

2-Le choix du conjoint : affaire individuelle ..66

Conclusion de la première partie ..69

Deuxième partie : Les rapports entre bru et belle-mère dans la famille gabonaise actuelle 70

Introduction de la deuxième partie .71

Chapitre III : Les rapports mère-fils à travers la bru ..73

Section 1 : La relation « mère-fils >> 73

1-La relation « mère-fils >> avant l'arrivée de la bru 74

2-La relation « mère-fils >> après l'arrivée de la bru 75

Section 2 : Domination symbolique et relation belle-mère et bru 77

1-Domination symbolique : codification verbales des comportements et de respect

dans le mariage et importance des proverbes ..78

2- La relation conflictuelle entre bru et belle-mère ..81

> L'origine du conflit .91

Chapitre IV : La réfraction des rapports sociaux au sein du couple 95

1- L'homme comme enjeu du conflit. 97

2- La prise de position du mari/fils dans le conflit 99

Section 2 : Affirmation de la bru 101

1- Appropriation du foyer par la bru 101

2- Prise de distance avec la belle famille 102

Conclusion de la deuxième partie 105

Conclusion générale 107

Références Bibliographiques 110

Table des matières 117

Annexes






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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein