UNIVERSITÉ OMAR BONGO
FACULTÉ DES LETTRES ET SCIENCES
HUMAINES
DÉPARTEMENT DE SOCIOLOGIE
Rapports « mère-fils »
à travers la bru
dans la famille gabonaise actuelle
Sociologie de la Connaissance
Présenté et soutenu par : Sous la
direction de :
Floriane Melinda KAYIBA Claudine-Augée
ANGOUE
Maître-Assistant
Dédicace
Cette production scientifique est dédiée
à mes parents, notamment à mon père monsieur
Aloïse MAYOMBO et à ma mère
Joséphine ILEMBE MOUELE, pour l'amour, le soutien
matériel, spirituel, et leur présence sans faille.
Profonde gratitude et respect !
Remerciements
Aucune production scientifique ne s'est faite seule. De ce
fait, pour ce travail, nous voudrions remercier en premier lieu notre Directeur
de recherche, monsieur Jean Ferdinand MBAH, qui a bien voulu
assurer la direction de ce travail.
Profonde gratitude et respect !
Nos sincères remerciements vont également
à l'endroit de tous les enseignants du Département de Sociologie,
qui ont participé de près ou de loin à la
réalisation de ce travail, par les enseignements qui nous ont permis de
mieux appréhender la sociologie. Nous pensons ici à monsieur
Mesmin-Noël SOUMAHO, pour sa rigueur et la
méthodologie dans le travail intellectuel, à monsieur
Joseph TONDA, à madame Claudine Augée
ANGOUE et monsieur Placide ONDO, pour leurs
orientations dans notre travail.
Aussi,nos remerciements vont à ma fille
Merveilles Asthine Janny ILEMBERENAMY qui me donne encore
chaque jour la force de continuer mes études, à Lionel
Cédrick IKOGOU-RENAMY qui ne cesse de m'aider moralement,
financièrement et pour sa présence dans les moments
d'épreuves ; à toute ma famille, mes frères, soeurs, en
tête desquels Yvon Mauxer MONDJO, Yvan
Cédrick MAYOMBO, Arnold Landry MAYOMBO,
Claude Martial LEBIOGHO, Anouchka Carène BOUKOUNDI, Brice Allan
MOUELE MAYOMBO, Andy Marvhel YABA MAYOMBO, Darnel Christopher BOUDIALA MAYOMBO,
pour leur soutien moral,spirituel et pour avoir veiller sur ma fille.
Enfin, un grand merci à Herlange TSOUNGUI.
A tous nos amis Michelle KOUMBA IBINGA,
Sonia Prisca GUITSOUGA, Franck NDONG BITEGHE.
Janny DIVAGOU IBRAHIM KUMBA, Isabelle MENGUE,
Joël Gaby BOUKA, Anouchka Idlege MVOU LOUBA,
Gladice DIMANGA MAYOMBO, Susanna MOUSSONGOU IBRAHIM KUMBA, Perrin Hermann
IKHOUBANGOYE, Davis Willis KOUMBI OVENGA et à Nikita
AZINGO, Joe Francis DEMBA. A tous mes frères jécistes et
ceux de la Coordination Paroissiale des Jeunes de St Michel pour leurs soutiens
spirituels et à toutes les personnes qui ont bien voulu accepter de
répondre à nos entretiens.
Nous ne pouvons terminer sans remercier la famille de monsieur
Sylvain IKOGOU pour son soutien moral et les conseils
apportés ; en particulier Isaac IKOGOU
index du tableau
> Tableau de la construction du concept du «conflit
» . 36
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Dédicace
Remerciements Index du tableau
Sommaire
Introduction générale .
1
Les préalables épistémologiques
3
Section 1 : Objet et champ de l'étude .
3
Section 2 : Construction du modèle
d'analyse 9
Section 3 : Démarche
méthodologique 34
Première partie : La question du mariage
au Gabon en période précoloniale 39
Introduction de la première partie
.... 40
Chapitre I : Aperçu historique sur la
question du mariage 41
Section 1 : La conception du mariage dans la
commune ancienne 41
Section 2 : Echanges relationnels entre la bru
et la belle famille 51
Chapitre II : L'impact de la période
coloniale sur la société gabonaise 59
Section 1 : Instrumentalisation des valeurs
occidentales 59
Section 2 : Le choix ou la rencontre du conjoint
64
Conclusion de la première partie
70
Deuxième partie : Les rapports entre bru
et belle-mère dans la famille gabonaise actuelle ..71
Introduction de la deuxième partie
.72
Chapitre III : Les rapports mère-fils
à travers la bru 73
Section 1 : La relation «
mère-fils » 73
Section 2 : Domination symbolique et relation
belle-mère et bru 77
Chapitre IV : La réfraction des rapports
sociaux au sein du couple 96
Section 1 : L'instabilité du couple et le
recours à différentes pratiques telle la
sorcellerie ..96
Section 2 : Affirmation de la bru 102
Conclusion de la deuxième partie
106
Conclusion générale
108
Références Bibliographiques
111
Table des matières 118
Annexes
Introduction générale
La Sociologie de la famille, du mariage est une des nombreuses
branches qui composent la Sociologie générale. Il va de soi que
cette sociologie de la famille, du mariage s'intéresse
particulièrement au phénomène du mariage ; en ce sens que
pour nous, il n'y a de famille que parce qu'il y aurait eu au préalable
mariage. Affirmer cela, c'est dire que « le mariage définit des
modalités d'une union légitime, approuvée par la
société et déterminant plus spécialement les
relations entre mari et femme. >>1 Justement, en partant de
cette définition du mariage que nous propose Jacques LOMBARD, nous nous
intéressons à la formation sociale gabonaise actuelle.
A ce sujet, nous avons constaté qu'au sein même
de la famille gabonaise actuelle, précisément dans la relation
entre belle-mère et bru, il existe un conflit qui apparaît
manifeste ou latent selon les situations, et a des répercussions dans le
couple. De plus, il prend forme par des actes et des injures de la part des
deux acteurs tels : « quand je me dispute avec mon mari, ma
belle-mère prend la part de son fils. Lorsque je dors avec mon mari,
elle vient me réveiller à 5 heures du matin en disant que vous
êtes entrain de"baiser", allons-y en brousse.>>2 Ou
encore, « quand elle lave le linge de son mari~ n'a jamais
pris ne fusse qu'une fois dans le mois le linge du beau-père, de la
belle-mère. En passant elle peut prendre le linge des frères du
mari pour laver ne fusse que deux tenues mais rien. Quand elle fait la
vaisselle, le reste des travaux, elle laisse pour les beaux-frères
et
la belle-soeur sachant que les beaux-frères ne
travaillent pas souvent, c'est la belle-soeur quis'occupe du reste
du ménage. Elle aime toujours rester dans la chambre et quand le mari
est
là, ils passent plus de temps dans la chambre mari
et femme. Mon fils me donnait au moins 50000f chaque fin de mois, il ne me
donne vraiment plus rien depuis qu'elle est venue rester avec
nous.»3
1 Jacques LOMBARD, Introduction à
l'ethnologie, 2ème édition, Paris, Armand Colin,
(coll. « Cursus, série Sociologie »), 1998, p.54.
2 Propos de madame I.E.E, bru, vit en concubinage, 2
enfants, sans profession.
3 Propos de madame I.M.J, 43 ans, belle-mère,
archiviste, 10 enfants.
Notons que ces conflits mettent le fils dans une situation
délicate. Selon toute vraisemblance, c'est ce genre de conflits ou
rapports conflictuels entre belle-mère et bru qui alimentent les
conversations dans les différents quartiers de Libreville, sous la
rubrique du << Kongossa4. » Aussi,
toute la difficulté de cette étude résiderait dans le fait
d'expliquer ce phénomène social en se gardant de donner le tort
à un des acteurs : et qu'il a été souvent difficile de
pouvoir collecter les récits de vie des informatrices et des
informateurs, qui vivent ces situations.
Pour la simple et bonne raison qu'il s'agit de «
s'introduire » dans la vie privée des gens ; dans le but de nous
faire partager leurs expériences ; que les femmes trouvent douloureuses
en réveillant ces souvenirs. Elles préférèrent
tourner la page. Porter notre regard sur le phénomène des
rapports << mère-fils >> à travers la bru,
c'est montrer que l'homme est un alibi pour voir comment se lisent les rapports
entre belle-mère et bru. C'est aussi tenter d'appréhender,
à partir de la famille gabonaise, considérée comme le
premier canal de socialisation de l'individu, des logiques de pouvoir et de
lutte qui s'installent et se manifestent ; out comme qui détient le
pouvoir.
Faire cette incursion dans la vie du couple, c'est en outre
tenter de comprendre en vue d'expliquer les mécanismes en filigrane qui
expliqueraient les divorces les divorces, les familles recomposées, etc.
Cette étude veut saisir les fondements sociaux des rapports conflictuels
entre la belle-mère et la bru. Enfin, notre Mémoire de
Maîtrise se compose de 3 parties qui sont respectivement, les
préalables épistémologiques, d'une première partie
axée sur la question du mariage au Gabon en période
précoloniale et pour finir, la seconde partie traitera des rapports
entre bru et belle-mère comme objet à proprement parlé.
Préalables
épistémologiques
Section 1 : Objet et champ de l'étude.
1- Les rapports mère-fils à travers la bru
comme objet d'étude.
Le travail que nous avons réalisé porte sur la
« famille. » Il s'agit d'étudier les rapports entre
la mère et son fils à travers la bru dans la famille gabonaise
actuelle. Pour mener à bien notre étude, nous nous sommes
appesantis sur la famille élargie; celle composée du père,
la mère, les enfants, les grands-parents, les neveux, les oncles, les
tantes etc. vivants sous un même toit. Il convient de noter avec Henry
MENDRAS que, << le terme de famille est ambigu dans notre langage (...)
Il désigne les gens liés par le sang et éventuellement les
alliés : mes oncles, mes tantes, mes grands-parents, mes cousins,
constituent ma famille. »5
Dans notre contexte d'étude6, trois cas de
figures ont été constatés en ce qui concerne la
belle-mère et la bru. En effet, la
belle-mère désignerait ici la femme qui a mise au monde
l'enfant et l'a élevé elle-même ; soit celle qui n'a pas
mise au monde l'enfant mais l'a élevé jusqu'à ce qu'il
soit grand ou alors, les grandes soeurs du mari qui ont participé
à son éducation, après le décès de la maman
ou alors, quand cette dernière n'avait pas de moyens. De même,
la bru ou belle-fille désignerait l'épouse de
son fils. Par épouse on attend ici soit celle qui vit en concubinage
depuis plus de cinq ans dans le foyer; soit celle qui est mariée que ce
soit à la coutume, coutume et état civil, état civil ;
état civil et religieux.
Notre étude part du constat selon lequel les
belles-mères et les brus s'accusent mutuellement sinon
réciproquement d'impolitesse. Ce conflit se manifeste dans le verbe
(c'est-à-dire qu'il s'exprime par des injures, des railleries, des
ragots) et dans des actes pratiques. Comme verbe, on peut retenir par exemple
les injures de la bellemère sur la bru telles : << ce n'est
pas le fait de coucher avec mon fils, il n'y a pas encore
5 Henry MENDRAS, Eléments de
sociologie, 2ème tirage, Paris, Armand Colin, p.145.
6 Signalons que nous n'avons pas choisi une ethnie
précise.
d'enfants, ce n'est pas la peine d'être là,
tu ne sais pas entretenir la maison, les marmites sont mal lavées et tu
t'occupes mal de mon fils >>7 ; « mon fils
participe seul aux besoins du ménage. Par ailleurs, l'éducation
des enfants n'est pas bien faite. >>8
En ce qui concerne les injures des brus envers les
belles-mères, nous avons retenu par exemple « qu'on ne souffre
pas avec les mères des maris. Nos mères ne vivent plus. Des fois,
elles se mettaient à parler seules : je ne veux pas voir la mère
de mon mari, je ne veux pas que mon mari donne de l'argent à sa
mère seule moi. Elles m'insultent ouvertement "idoungui"
c'est-à-dire "maboule, les yeux rouges". >>9 Autre
injure de la bru envers la belle-mère : « tu n'es pas la
mère de mon mari, dis nous sa vraie mère ; il ne peut pas avoir
une mère infirme, tu fais exprès de ne pas marcher.
»10 Ou encore, « sorcière, c'est toi qui a
mangé mon fils dans mon ventre. »11
Quant aux autres pratiques révélatrices de ce
conflit à la maison, on note comme actes des belles-mères
qu'« elle passe son temps à nous espionner, des fois, elle
rentrait dans notre chambre sans cogner. >>12 Mieux
encore, « ma belle-mère m'avait emmené en brousse, elle
savait que je ne connaissais pas sa plantation. Elle m'avait rempli le panier
de nourriture malgré ma petitesse et m'a laissé seule en brousse
jusqu'à ce que je sois arrivée au village en me renseignant car
il était déjà tard. »13 En outre,
« quand mon mari apportait le poisson, elle prenait la part de poisson
de la deuxième femme et écaillait, laissant pour moi au sol
jusqu'à ce que je revienne de mon bricole. Quand je laissais mon enfant
endormi pour aller au travail, elle ne s'occupait pas de mon enfant, gardait
mon enfant avec la couche que j'ai
7 Entretien avec madame B.O.M une bru, sans enfants,
âgée de 28 ans, étudiante, Fang et vit en concubinage
depuis 7 ans.
8 Entretien avec une belle-fille, madame Y.H,
âgée de 40 ans, psychologue, Myènè, vit en
concubinage depuis 9 ans, avec 2 enfants.
9 Entretien avec madame M.D, né vers 1930,
belle-mère, sans profession, veuve avec 8 enfants, elle a trois
belles-filles. Elle est Massango.
10 Entretien avec madame M.J, belle-mère, 42
ans, Mitsogho, sans profession avec 5 enfants, elle vit en concubinage.
11 Entretien avec madame B.M.G, belle-mère,
âgée de 52 ans, Punu, commerçante, elle a 6 enfants. Elle
est divorcée.
12 Propos de madame I.E.E, belle-fille,
âgée de 30 ans, Massango, sans profession, vit en concubinage
depuis 8 ans. Elle a 2 enfants.
13 Propos de madame M.M.A, belle-fille, 46 ans,
mariée à la coutume et à l'état-civil, avec 6
enfants, Akélé, sans emploi.
laissé, l'enfant restait avec les cacas
jusqu'à ce que j'arrive. »14 Enfin,
«quand j'accouche, elle ne vient pas me rendre visite, elle peut faire
même trois mois sans venir nous voir, elle ne touche pas le
bébé.»15
Au sujet des actes des brus, nous avons retenu par exemple
« lorsque j'arrive chez elle, quand elle veut elle me dit bonjour,
soit elle me dit d'aller me service moi-même à la cuisine dans la
marmite. Elle ne rendait pas visite à la belle-famille, restait toujours
avec son mari. »16 En plus, « Malgré que
je sois malade, elle ne vient même pas me rendre visite ; elle n'envoie
pas les enfants venir me voir, je reste seule dans la grande maison ; elle ne
respecte pas le gens, elle n'a que du mépris pour la belle famille ; ne
prépare même pas pour le grandfrère du mari. Quand les gens
arrivent chez elle, ils restent avec la faim. Elle ne garde pas les enfants du
côté de son mari rien que son côté meme lorsque tu
arrives, il n'y a que ses parents dans la maison. »17
Aussi, « elle ne me rend pas service, c'est-à-dire me laver le
linge, me puiser de l'eau, ne me prépare pas la nourriture que j'aime
pour me donner car mon fils lui donne de l'argent. Elle ne m'achète pas
quelque chose à boire. Lorsqu'elle se réveille, elle utilise mes
marmites propres et les laisse sales. Quand je suis malade, elle ne me chauffe
pas de l'eau, je fais meme quatre jours alitée et ne vient meme pas me
dire bonjour.»18
Ces mots et ces actes sont socialement significatifs parce
qu'ils ont pour fonction de rabaisser l'autre, mais également, de faire
prendre conscience surtout à la bru de son statut, du rang qu'elle
occupe dans la famille. En fait, l'ironie, la moquerie et le ragot ont pour
fonction, selon Pierre BOURDIEU19, de rappeler à l'ordre et
à une certaine prise de conscience, c'est-à-dire à la
conformité et à l'uniformité à toute la
communauté, la famille et lui signifier clairement qu'il y a un
maître des lieux.
14 Propos de madame M.A.M, belle-fille, 51 ans,
mariée à la coutume, 7 enfants, Kota, elle a fait 25 ans de vie
conjugale avec son mari.
15 Des propos de madame I.M.J, belle-fille, 43 ans,
mariée à la coutume, Massango, archiviste, avec 10 enfants.
16 Entretien avec madame B.C, belle-mcre, 45 ans, 6
enfants, mariée à l'état-civil, sans emploi. Elle est
Akélé.
17 Propos de madame B.F, belle-mère,
Nzébi, sans profession, veuve avec 10 enfants.
18 Propos de madame B.M.G, divorcée avec 6
enfants, âgée de 52 ans, Punu et commerçante.
19 Pierre BOURDIEU et al, Un art moyen. Essai sur
les usages sociaux de la photographie, 2ème
édition, Paris, Les éditions de Minuit, 1965, 360 p.
Il apparaît clair que c'est le fils qui soit à
l'origine de ces rapports conflictuels entre sa mère et sa femme.
D'où, nous avons voulu saisir les fondements sociaux de ce type de
rapports entre les belles-mères et les brus. Ce sont ces frictions, ces
tensions et affrontements symboliques qui font l'objet de notre étude.
Il faut dire qu'à travers la lecture des rapports entre mère
et fils, il s'agit juste d'un alibi pour lire en réalité les
rapports entre la belle-mère et la bru. Rapports qui, en
général, apparaissent comme conflictuels.
Mieux, on parlera de frictions ; « des frictions de plus
en plus fréquentes et vives entre deux femmes les plus aimées
d'un homme: sa mère et son épouse. La première trouve
souvent que la seconde est une intrigante, qui menace plus ou moins la vie de
son fils, et elle n'hésite pas à l'accuser d'user de sorcellerie
pour envoûter son fils ; quant à l'épouse, elle voudrait
bien voir sa belle-mère s'occuper surtout de son propre ménage et
un peu moins de celui de son fils, qu'elle revendique comme le sien. En un mot,
chacune trouve que l'autre est trop envahissante et devrait, sinon
disparaître, du moins s'estomper un peu de la vie de l'homme qui les a
mis face à face. »20
Il est en de même au Gabon où les brus que nous
avons rencontrées pour la circonstance, nous ont affirmé qu'il
n'est pas toujours souhaitable de vivre avec les belles-mères dans la
même maison, parce que la bru n'aura pas sa place dans son propre foyer
et serait relayée au second plan. C'est fort de ce constat que nous nous
posons la question de savoir pourquoi existe-t-il des rapports
conflictuels entre la belle-mère et la bru ?
2- La sociologie de la famille comme cadre de
référence.
Il n'y a point d'investigations en sociologie sans que le
chercheur ne précise le ou les champs dans lesquels il inscrit son objet
d'étude. Aussi, le choix de la sociologie de la famille comme champ
théorique ou cadre de référence, nous permet
de comprendre comment une famille se constitue et surtout,
quelles sont les logiques qui font qu'elle subsiste, quelle que soit la ou les
situations auxquelles elle peut être confrontée. Mieux encore, il
s'agit de voir quelles sont les stratégies matrimoniales mises en place
; dans l'objectif d'une consolidation de son patrimoine et de sa survie.
Somme toute, c'est par ce champ théorique
d'étude que nous pouvons mieux aborder les diverses transformations ou
mutations qui s'opèrent dans la famille, et de facto, au sein du couple.
<< La sociologie de la famille est une des branches de la sociologie. Son
objet d'étude concerne aussi bien les composantes que les
évolutions de cette situation. La famille, qui est le plus
élémentaire entre eux, est aussi un des plus important car c'est
le premier groupe auquel appartient un individu et c'est en son sein qu'il
commence à vivre en société : la famille est donc le
groupe de base de la société, en constante
évolution.»21
LEVI-STRAUSS souligne que << le groupe familial tire son
origine du mariage.»22 La sociologie de la famille correspond
à l'étude des statuts sociaux, c'està-dire, les
rôles que jouent les acteurs sociaux au sein de la famille gabonaise
élargie.
Ensuite, << il semble que ce terme que nous avons
présent à l'esprit, désigne un groupe social offrant au
moins deux caractéristiques :
1. Il a son origine dans le mariage.
2. Il comprend le mari, la femme et les enfants nés de
leur union, bien que l'on puisse concevoir la présence d'autres parents
agglutinés à ce noyau. Les membres de la famille sont unis par
des liens légaux ; par des droits et obligations de nature
économique, religieuse ou autre ; par un réseau précis de
droits et interdits sexuels, et un ensemble variable et diversifié de
sentiments psychologiques tels que l'amour, l'affection, le respect, la
crainte, etc. »23
21 Sociologie de la famille, un article de
Wikipédia, l'encyclopédie libre, p.1.
22Raymond BOUDON et François BOURRICAUD,
Dictionnaire critique de la Sociologie, Paris, (coll. «
Quadrige et Puf »), 2004, p.251.
23 Sociologie de la famille, un article de
Wikipédia, l'encyclopédie libre, ibid., p.2.
L'observation que nous faisons sur les mutations qui se
produisent dans la cellule familiale telles la nature des rapports entre
belle-mère et bru par exemple, nous permet de nous rendre compte de
l'élargissement de la sociologie de la famille. En tentant de cerner la
dynamique de ces rapports entre belle-mère et bru, nous voulons nous
inscrire dans la perspective dynamiste de Georges BALANDIER, qui interroge les
logiques des transformations des structures sociales, mais aussi des
mentalités.
Selon BALANDIER, << il faut tenir compte des mouvements
internes des sociétés, des forces qui les constituent, tout
autant qu'elles modifient. »24 En ce sens, nous observons
quelques décalages dans les relations entre belle-mère et bru ;
tout en précisant que BALANDIER n'a pas étudié la famille,
mais plutôt cette logique des transformations des structures sociales et
des mentalités, n'échappe pas à la famille car elle est un
élément de la société et donc est en
perpétuelle évolution. La société traditionnelle
tend à se modernisée, mieux, << La tradition cède
place au modernisme. Toutes les communautés de notre
société se modernisent et se développent maintenant sous
l'influence de l'Occident. Les téléfilms, les CD importés
accélèrent l'acculturation dans toutes les familles urbaines
comme rurales. »25 Ainsi, << si la famille est devenue
l'objet d'une discipline scientifique largement reconnue [...] c'est par
l'observation des changements imprévus et inouïs, qui donnent aux
recherches sur la famille un champ nouveau et une totalité d'urgence.
»26
On assiste donc à l'évolution des moeurs, ce qui
a conduit l'institution familiale à de nouvelles <<
régulations » (prédominance du rôle de la belle
mère). Par ailleurs, Marcel MAUSS pense que la famille constitue un
<< fait social total. »27 Dans le sens où cette
<< totalité >> à laquelle il fait allusion n'est rien
de plus que l'ensemble des rapports qui soutiennent les membres de
l'organisation familiale en dedans et en
24 Georges BALANDIER, Sens et puissance,
Paris, Quadrige/Puf, p.99.
25 Femme : La belle-mère, une alliée ou une
coépouse in l'Essor n°15842 du - 2006-12-08 08:00:00, p.3.
26 M.B. TAHON, Sociologie de la famille et des
rapports sociaux de sexe, cité par Raymond BOUDON et
François BOURRICAUD in Dictionnaire critique de Sociologie,
Paris, (coll. « Quadrige et Puf »), 2004, 714p.
27 Raymond BOUDON et François BOURRICAUD,
op.cit, p.251.
dehors de cette organisation, la famille peut être
qualifiée sans risque de << fait social total >>. Il s'agit
d'un ensemble ouvert. Aussi, le statut de chaque individu se trouve
affecté non seulement par celui du conjoint, mais par le statut des
parents du conjoint, qu'il ne lui est toujours pas possible, même s'il en
a l'intention de « snober » et d'ignorer.
En définitive, la sociologie de la famille est
un domaine de la sociologie, qui nous permettra d'appréhender les
rapports entre belle-mère et bru : notre objet d'étude. Par
ailleurs, le recours à LEVI-STRAUSS nous conduit à voir comment
est structurée une famille d'une part. D'autre part, avec BALANDIER, il
s'agit simplement de montrer la dynamique de la famille, évoluant et
essayant de s'adapter à une époque bien précise.
Section 2 : Construction du modèle d'analyse.
<< Tout travail de recherche s'inscrit dans un continuum
et peut être situé dans ou par rapport à des courants de
pensées qui le précèdent et
l'influencent.»28 Mieux, << la problématique est
l'approche théorique ou perspective théorique qu'on décide
d'adopter pour traiter le problème posé par la question de
départ. Elle est une manière d'interroger les
phénomènes étudiés.»29
Ainsi commencerons-nous dans un premier temps par <<
exploiter les lectures et les entretiens et faire le point sur les
différents aspects du problème qui y sont mis en évidence
»30 , pour arriver dans un deuxième temps à
<< choisir et construire sa propre problématique. »31
1. La question des relations familiales posée en
occident.
28 Raymond QUIVY et Luc VAN CAMPENHOUDT, Manuel de
recherche en sciences sociales, 2ème éd, Paris,
Dunod, 1995, p.43.
29 Ibid. p.85.
30 Ibid. p.85.
31 Ibid. p.86.
Tout d'abord, « le mariage définit les
modalités d'une union légitime, approuvee par la societe et
determinant plus precisement les relations entre mari et
femme.»32 Par ailleurs, definir le mariage revient à
evoquer le choix du conjoint qui, a priori, est tout aussi important.
Pour Martine SEGALEN, « le mariage unissant deux conjoint
qui se sont librement choisis est une invention occidentale recente des
societes democratiques. »33 Dans cette etape du choix du
conjoint, le concubinage se manifeste en tant qu'étape transitoire entre
le célibat et le mariage reconnu.
Aujourd'hui, « le mariage nous semble une affaire
individuelle, ne concernant que les futurs conjoints. »34
D'autant plus que « chacun desormais considère le choix de son
conjoint comme un acte dont il assume la responsabilite ; que cette liberte
soit illusoire ou non [...I L'essentiel est de signaler le changement
observé : les parents d'aujourd'hui n'interviennent guère dans le
mariage de leurs enfants. Non seulement ils " n'arrangent " plus leur mariage,
mais la "demande de la main " d'une jeune fille à ses parents semble
desormais une demarche desuète. Ce sont les interesses qui decident leur
mariage et qui en règlent les modalites. »35
Louis ROUSSEL nous présente l'évolution du
mariage dans la societe française. L'auteur fait une description de ce
phénomène en s'appuyant sur certains aspects tels l'homogamie
socioprofessionnelle, le cas particulier des étudiants,
l'évolution au 20ème siècle ou encore le choix
du conjoint. En effet, en ce qui concerne le choix du conjoint, Louis ROUSSEL a
pu se rendre compte qu'il n'est plus une affaire des parents, plutôt des
conjoints eux-mêmes. L'enquete menée dans ce sens prouve que
l'effacement des parents dans le choix du conjoint de leurs enfants
paraît clairement perçu par l'ensemble de la population.
32 Jacques LOMBARD, Introduction à
l'ethnologie, 2ème éd., Paris, Armand Colin,
(coll. « Cursus, série Sociologie »), 1998,
p.54.
33 Martine SEGALEN, Eloges du mariage, Paris,
Gallimard, (coll. « Découvertes, culture et
société »), 2003, p.11.
34 Encyclopédie AXIS, l'Univers
documentaire, dossiers, volume 6, Paris, Hachette, 1995, p.372.
35 Louis ROUSSEL, Le mariage dans la
société contemporaine. Faits de population, données
d'opinion. Préface d'Alain GIRARD, Paris, Puf, (coll.
« Travaux et documents »), cahier n°73, 1975,
pp.346-347.
Cependant, les parents restent toujours présents car
l'importance du patrimoine, le souci de sa transmission ou de son
accroissement, la nécessité de trouver un successeur capable de
le gérer, peuvent en effet rester déterminants dans le choix d'un
gendre ou d'une bru. Mais insiste t-il sur le fait que les parents n'arrangent
plus le mariage de leur fils ou de leur fille. De facto, les jeunes sont donc
libres du choix de leur conjoint, en ce sens au moins qu'ils savent
désormais que leurs parents n'interviendront généralement
qu'avec la plus grande prudence dans leur mariage.
Ils connaissent les raisons de cette prudence : le souci de
respecter le choix personnel de leur enfant, et aussi parfois la conscience
qu'une opposition résolue n'aurait d'autre conséquence qu'une
brouille temporaire avec le jeune ménage. A ce propos, comme brouille
que l'on peut soulever ; n'est-ce pas celui du choix de la bru par le fils et
surtout les rapports entre la bru et la belle-mère ?
Dans son article intitulé « Choix du conjoint
et processus de maturation dans les Kibboutz (pp.263-268) », Yonina
TALMON36 fait état d'un possible conflit entre les
générations au sujet du choix du conjoint. Si pour la
première génération ; celle des parents, pour qui se
marier à l'intérieur du Kibboutz (c'est-à-dire une
exploitation agricole collective en Israël), pour la seconde
génération par contre, celle des enfants, il y a cette tendance
à l'exogamie. Cette interprétation de l'exogamie jette une
nouvelle lumière sur les fonctions intermédiaires des structures
du mariage. Ces structures sont des solutions de compromis qui permettent aux
membres de la seconde génération de résoudre à demi
le problème des pressions que l'on exerce sur eux et le dilemme entre la
continuité et la discontinuité, entre l'endogamie et exogamie.
Aussi, la sélection du conjoint est ainsi une solution
au dilemme fondamental de la formation de l'individualité. L'exogamie,
cette tendance à se marier à l'extérieur,
représente un effort pour la seconde génération à
s'individualiser et
échapper aux restrictions de leurs parents.
Néanmoins, le choix de la bru ne vient-il pas poser un problème
en terme de rapports avec la belle-mère puisqu'il s'agit d'un choix fait
par le fils et qu'il s'inscrit dans l'exogamie ?
Mieux encore, Gilles FERREOL et Jean-Pierre
NORECK37 mettent en avant le fait que << le choix d'un mari-
première constatation- ne signifie pas seulement satisfaction sexuelle
ou affective ; il correspond, pour la future épouse, à
l'ouverture d'un nouveau portefeuille qu'il convient de gérer de
manière rationnelle. »38 Or, même si le choix du
conjoint qui est un acte individuel, c'est a priori la gestion de
manière rationnelle du portefeuille de son mari qui peut être ici
à l'origine des conflit avec la belle-mère ; qui se voit à
la longue détrônée de son autorité et de son
influence sur son fils. De plus, << la sélection du partenaire ne
se réalise pas au hasard mais s'opère- consciemment ou non- en
fonction de déterminants socioéconomiques. »39
Pour rester toujours dans la perspective du choix du conjoint,
nous avons retenu l'ouvrage collectif de André BURGUIERE et
al40, qui fait la présentation de l'augmentation des
divorces, chute des mariages, prolifération des familles monoparentales
et des solitaires en milieu urbain, émergence des mères porteuses
et de diverses techniques de fécondation artificielle applicables au
genre humain. D'où nous nous posons la question de savoir si la famille
n'est-elle pas en train de disparaître ? Cet ouvrage n'a pas pour
ambition de deviner l'avenir, plutôt, apporter une meilleure connaissance
des formes variables que l'institution familiale a revêtue au cours des
temps et des rôles qui lui étaient assignés, elle doit
permettre de comprendre les problèmes qui se présentent
maintenant et bien sûr, de les affronter.
37 Gilles FERREOL et Jean-Pierre NORECK,
Introduction à la sociologie, 6ème
édition revue et mise à jour, Paris, 2005, Armand Colin,(coll.
« Cursus Sociologie »), 191 p.
38 Gilles FERREOL et Jean-Pierre NORECK,
Introduction à la sociologie, ibid., p.108.
39 Gilles FERREOL et Jean-Pierre NORECK,
Introduction à la sociologie, ibid., p.108.
40 Histoire de la famille. Préface de Claude
LEVI-STRAUSS, tome 1 : Mondes lointains, Paris, Armand Colin, 1986,
447p,
Finalement, l'ouvrage combine les méthodes les plus
récentes de la démarche historique et le regard de
l'ethnologie.
Pour sa part, Jean-Hugues DECHAUX41 estime que
définir ce qu'est la famille, est devenu bien difficile tant ses
transformations depuis les années 1970, en France comme dans les
sociétés occidentales, sont profondes. La démarche
adoptée dans cet ouvrage consiste non pas à proposer une
théorie générale, mais d'élaborer étape par
étape une vision d'ensemble qui soit un diagnostic sociologique sur ce
qui constitue une nouvelle donne familiale.
Dans la même perspective, Pierre Bourdieu42
parle d'une unification du marché matrimonial, qui constitue un moment
dramatique de découverte des bouleversements de la table des valeurs, se
traduisant par une crise de l'ordre paysan ancien.« C'est ainsi que, dans
l'ancien régime matrimonial,du fait que l'initiative du mariage revenait
non aux intéressés mais aux familles, les valeurs et les
intérêts de la « maison » et de son patrimoine avaient
plus de chances de triompher contre les fantaisies ou les hasards du
sentiment.»43 L'école est à l'origine de cette
mutation, car elle exerce une violence symbolique sur les jeunes,
particulièrement les jeunes filles du monde paysans ; qui prennent
conscience de leurs droits de choisir elles-mêmes leurs futurs
conjoints.
En outre, chez Jean-Claude KAUFMANN44, jamais les
ruptures conjugales n'ont été aussi nombreuses, et jamais le
couple n'a été autant célébré sur l'autel
des valeurs contemporaines. Contradiction ? Nullement, c'est justement parce
que l'on attend beaucoup du couple qu'il est devenu si difficile à
construire. Aujourd'hui, on se satisfait plus d'un demi bonheur. Ce qui hier
encore allait de soi est désormais systématiquement mis en
question. Ce livre fait le point sur le point sur les différents
41 Jean-Hugues DECHAUX, Sociologie de la
famille, Paris, La Découverte, (coll. «
Repères/sociologie n°494 »), 2007, 128 p.
42 Pierre Bourdieu, le bal des
célibataires. Crise de la société paysanne en
Béarn, Paris, éditions du Seuil, (coll. «
Points »), 2002, p.230.
43 Ibid., p.231.
44Jean-Claude KAUFMANN, Sociologie du couple,
4ème édition refondue, Puf/ QSJ ? (coll.
« Encyclopédique »), 2003, 127p.
aspects de la vie en couple...Il nous permet de
connaître les mystères du fonctionnement conjugal à l'heure
où, depuis une génération au moins, celui-ci évolue
très rapidement. Amour, choix du conjoint, étapes su cycle
conjugal, gestion de l'insatisfaction et des attentes réciproques,
rôles féminins et masculins : les nouvelles règles de la
vie à deux.
Les familles se caractérisent aujourd'hui par la
progression de styles de vie marqués par l'individualisme moral. Les
exigences individuelles se sont continûment affirmées au
détriment se la stabilité de l'institution familiale. Loin de se
dissoudre, les normes se redéfinissent et se multiplient : il existe
désormais différentes façons de " faire famille",
également légitimes. Cette coexistence est source
d'instabilité, mais aussi d'inégalité entre milieux
sociaux, sexes et générations.
On retient que le mariage, tel qu'il se présente
aujourd'hui à savoir l'état-civil, a subi de nombreuses
mutations. Ce qui fait qu'en occident, il est une affaire individuelle, donc
des conjoints. Le lien avec notre objet vient du fait que nous ne pouvons pas
étudier les rapports entre belle-mère et bru, sans avoir recours
à l'histoire du mariage ; voire comment la bru a été
choisie. Cependant, tous parlent du choix du conjoint sans évoquer le
conflit qui peut surgir entre bru et belle-mère.
2. Du point de vue des africanistes
Raymond MAYER45 montre les manifestations et
conduites protocolaires de respect d'un gendre à l'égard de la
belle-mère et de la soeur aînée de sa femme. Chez les Fang
par exemple, il y a une manière particulière pour le gendre de
saluer la belle mère : il s'asseoit sur ses genoux, et l'appelle «
nane », ce qui signifie mère. Cette attitude est
reportée sur la soeur aînée de sa femme, assimilée
à la belle-mère. Chez
les Punu, le beau-fils appelle aussi une
belle-mère « mam'», en repondant, celle-ci lui dira
en le traitant de « tat'», le père.
Que ce soit chez les Nzébi, les
Galoa, ou les Nkomi, il existe differentes formes de
manifestations protocolaires de respect resumees par un langage bien code
d'attitudes. Il en est de meme pour les manifestations culinaires de respect.
Selon MBAZIBADI46, concernant la bru, cette dernière prendra
soin de servir sa belle-mère, non dans une simple assiette, mais en
presentant la marmite. Il existe là aussi une batterie de codes à
respecter par la bru pour ne pas vexer, sinon insulter par maladresse sa
belle-mère. Par exemple, elle ne doit pas mettre de «
Soko» (sorte de poivre qui sert d'ingrédient) dans les plats
destinés aux beaux-parents, car le nom de cet ingredient est une injure,
et ce serait donc les insulter.
L'anthropologue camerounais Séverin Cécile
ABEGA47, à travers son analyse de la societe Beti, a voulu
montrer que les mythes et les rites nous revèlent que dans les societes
patrilineaires et virilocales, telle les Beti ; les rapports la femme et le
fils de l'époux sont souvent tendus. Tant que la société
béti a connu un équilibre, ce conflit est reste latent et la
tradition a su le resoudre. Mais le chercheur note cependant que les
bouleversements qu'a connu l'Afrique l'ont exacerbé. Pour comprendre
l'origine de cette résurgence, il estime que la relation oedipienne
n'est pas à exclure et qu'il faut étudier certains rites comme
« l'ekamba » ; tout comme le changement du mode de residence
ou de production economique ou encore la disparition de certaines institutions
telle l'initiation So.
MBENO DIEBA, dans son travail de recherche pense que «
pour la bru, le respect doit aussi passer par l'usage d'un langage codé
pour désigner certains produits. »48
46 MBAZIBADI, Mémoire de
Maîtrise, Département d'Histoire et Archéologie,
Libreville, UOB/FSLH, 1986 cité par Raymond MAYER in Histoire de la
famille gabonaise, Libreville, Editions du Luto, (coll. «
Découverte du Gabon »), p.
47 Séverin Cécile ABEGA, «
La bru tueuse » in Journal des africanistes,
année 1992, volume 62, numéro 62-1, pp.95-106.
48 MBENO DIEBA, Mémoire de Maîtrise,
Département d'Histoire et Archéologie, Libreville,UOB/FSLH, 1986,
cité par Raymond Mayer, in Histoire de la famille gabonaise,
Libreville, Editions du Luto, (coll. « Découverte du Gabon
»), p.7.
Ainsi chez les kota, pour demander à sa
belle-mère le « Soko», la belle-fille doit user de
l'expression «Kubamule.»
A travers ces exemples, Raymond MAYER nous montre la place
qu'occupe la variable << respect >> qui doit être
réciproque entre belle-mère et bru. Autrement dit, Raymond Mayer,
MBENO DIEBA et MBAZIBADI mettent l'accent sur la relation entre gendre, bru et
beaux-parents en terme d'attitudes de respect. En dehors du respect en tant que
valeur traditionnelle au sein de la famille, nous remarquons que ces relations
semblent ne plus être en bon point. Mais ces travaux historiques
anthropologiques ne rendent pas compte de la situation actuelle.
Peter GESCHIERE49 met en exergue, à travers
cette analyse, les relations qui existent entre un gendre et sa
belle-mère chez les Maka du Cameroun. C'est une relation qui est plus
perceptible lors du << djade >>. Le djade est un des
moments forts qui marquent la vie des femmes chez les Maka ; population du
sud-est du Cameroun : il s'agit particulièrement de la fête du
travail des « belles-mères >> ; qui viennent rendre visite
à l'un de leurs gendres (Mboa) d'un village voisin (distant de
5 km où était mariée l'une des filles de leur famille).
Ainsi, lorsqu'un homme se rend compte que sa femme a trop de travail dans les
champs, il peut inviter les femmes du village de son épouse, qui sont
ses << belles-mères >>, à venir en aide à sa
femme dans les champs. Pour ces femmes, le moment est important pour plusieurs
raisons : elles sont reçues royalement et le vin de palme y coule
à flots. Ce qui est aussi important à retenir c'est qu'elles ont
le droit à cette occasion, ou plutôt le « devoir >>
comme le disent eux-mêmes les Maka, d'humilier le gendre et tous les
hommes qu'elles rencontrent sur leur passage (tous ceux qui n'ont pas eu la
sagesse de se cacher) de toutes les manières possibles. Par exemple les
femmes faisaient des remarques moqueuses sur l'avarice de leur gendre, et
avançaient que l'accueil était "trop maigre". Elles lui
demandaient sur un ton narquois pourquoi il n'avait pas encore engrossé
leur fille ; s'il n'était pas trop jeune pour une si belle femme. Par
ailleurs, le
49 Peter GESCHIERE, « la visite des
belles-mères chez les Maka. Une rébellion contre les hommes
? » (pp.193- 215), article in Jean-Claude BARBIER,
Femmes du Cameroun. Mères pacifiques, femmes rebelles, Paris,
Karthala/Orstom, (coll. « hommes et société
»), 1985, 402 p.
djade des hommes consistait au fait que le gendre devait aller
avec ses compagnons chez son beau-père (Tsji) pour
débroussailler un champ, construire une maison.
D'autant plus que la séance donne lieu à divers
traitements vexatoires du gendre, vu que, sitôt le travail fini, les
<< belles-mères >> s'en vont à la recherche du
village d'un autre gendre et << poursuivent >> tous les hommes
qu'elles y rencontrent. En fin de compte, selon Peter GESCHIERE, le djade, a
priori, permet << d'explorer certains aspects du rôle de la femme
chez les Maka. Il exprime en effet les tensions qui sont essentielles dans
l'organisation de la parenté et dans les rapports économiques,
là où les femmes se situent par rapport aux hommes. »50
Il faut aussi compter avec l'apport de la symbolique de la
parenté à plaisanterie au Cameroun ; selon Séverin
Cécile ABEGA ; pour nous aider à comprendre la nature de la
relation bru/belle-mère dans la famille africaine. Pour lui, << la
relation bru/beaux-parents est donc dangereuse, puisque la première est
toujours accusée d'avoir tué les seconds. C'est une relation de
meurtre et de dévoration. Pour la bru, les beaux-parents sont du gibier,
de la venaison, dit le rite. »51 L'auteur poursuit sa
réflexion sur le rôle joué par la parenté à
plaisanterie, en tant qu'amortisseur du conflit entre bru et belle-mère,
en prenant appui sur les travaux de RADCLIFFE-BROWN.
A cet effet, << l'analyse de RADCLIFFE-BROWN (1968
:168-72) à propos de la parenté à plaisanterie, souligne
que celle-ci révèle à la fois le lien que l'on veut
cultiver et un conflit que l'on joue pour le désamorcer. Ici, le lien
est fort visible, puisque bru et belle-mère appartiennent à la
même famille, celle de l'homme auquel elles sont intimement liées,
l'une en tant que mère, l'autre en tant qu'épouse. Quant au
conflit, il s'exprime dans cet aveu qui resterait incompréhensible, si
on ne le rapprochait de cette conclusion que nous a fournie notre analyse du
mythe d'OEdipe : une femme, classée comme bru, avoue avoir tué
une autre femme considérée comme
50 Peter GESCHIERE, << la visite des
belles-mères chez les Maka. Une rébellion contre les hommes
? », p.1.
51 Séverin Cécile ABEGA, << La
bru tueuse » in Journal des africanistes, année 1992,
volume 62, numéro 62-1, p.98.
sa belle-mère. Le rite confirme donc, ce qui est l'objet
de notre préoccupation, le motif pour lequel ces deux femmes ne s'aiment
pas : l'une tue l'autre symboliquement. »52
Comme nous l'avons dit tantôt, l'objectif de cette
parenté à plaisanterie permet de désamorcer la tension
entre la bru et la belle-mère : et pourquoi pas, peut tenter un retour
dans le passé où << jadis les belles-mères ne
s'opposaient pas aussi violemment à leurs belles-filles, qu'elles
étaient au contraire bien heureuses d'accueillir au sein de la famille.
»53
La symbolique de la parenté à plaisanterie dans
l'explication des frictions entre ces 2 femmes montre finalement qu'« une
modification de la structure sociale serait à l'origine de ce
phénomène. »54 Par son mariage, le fils marque la
scission d'une cellule nucléaire, en crée une nouvelle et
définit maintenant comme époux, plus comme un fils. Il quitte de
la tutelle de sa famille, particulièrement de sa mère, pour
bâtir son foyer comme il l'entend.
Restant dans cette perspective des relations entre la
belle-mère et la bru, Makan BARRY55, dans << Belle
mère ou co-épouse ? », parle de belle-mère ou
co-épouse pour la bru. Il fait ressortir la différence qu'il y a
entre la belle-mère d'hier et celle d'aujourd'hui. Dans les
sociétés traditionnelles, la belle-mère devient
responsable de la nouvelle mariée qu'elle se doit d'adopter comme sa
propre fille. Elle doit être une conseillère infaillible, toujours
prête à guider. En retour la bru lui doit un respect. L'auteur
poursuit en disant qu'à Mandé, au pays Bamancan ou Ouassdom, la
bru et la belle-mère forment un couple inséparable, du fait
qu'entre elles demeurent une grande intimité, la soumission était
de rigueur.
Mais, il remarque que cette << Afrique-là »
est en train de disparaître. La bellemère hier confidente et
incontournable conseillère, pointe aujourd'hui un doigt
52 RADCLIFFE-BROWN, cité par Séverin
Cécile ABEGA, in << La bru tueuse » in
Journal des africanistes, année 1992, volume 62, numéro
62-1, p.98.
53 Ibid., p.9.
54 Séverin Cécile ABEGA, ibid.,
p.99.
55 Makan BARRY, << Belle mère ou
co-épouse ? » du jeudi 3 février 2005 du quotidien
malien Essor n°15842 du 8 déc.2006, sur le site internet
www.musow.com.
accusateur sur la bru << laquelle devient
usurpatrice qui lui vole son enfant, c'est elle qui jouit des biens du
fils»56 , lesquels n'ont peut être jamais
existés. Elle ne néglige rien pour l'accabler. Il fait
état par la suite des parents qui ont perdu de vue que les temps ont
changé et que cela amène un changement même dans les
familles les plus soudées.
Par ailleurs, L'article sénégalais <<
24ème édition de la quinzaine de la femme : la belle
mère sénégalaise, << gourou » ou << wujje
» ? »57, met en évidence l'idée selon
laquelle la belle-mère est une despote pour la bru. Ceci se manifeste
par le fait que << la belle mère sénégalaise
est, la plupart du temps, installée dans une logique de
compétition et de pressions psychologiques envers la bru, comme si leur
survie, statut respectif et identité en
dépendaient.»58 Cet article fait état du
mauvais comportement de la belle mère pour qui, la belle fille est
toujours une opportunité pour tracer et fixer les contours de son
omnipotence, exercer son leadership et solder ses comptes avec tous les
contentieux, les conflits, frustrations et humiliation, engendrés par le
passé, dans la vie conjugale et par des relations heurtées avec
sa propre belle mère. Il nous renseigne sur le fait que belle
mère et belle fille ont toujours des relations faites d'animosité
et de méfiance mutuelle.
En outre, Nedjima PLANTADE59 montre comment les
femmes sont capables de recourir à la magie pour désunir un
couple déjà formé ou en voie de formation ; soit pour
conserver son couple sous prétexte d'amour. L'auteur présente les
conflits féminins qui se déroulent toujours dans une situation
triangulaire, mettant en scène deux femmes et un homme. Dans la
première partie, au chapitre III intitulé
"Détruire" ; il est question de faire en sorte que le mari se
détache de sa femme, ceci est le fait d'une belle-mère, soit
d'une belle-soeur, soit d'une voisine etc., animée de sentiment d'envie,
de jalousie et de haine. La femme qui veut séparer un couple se
56 Makan BARRY, Ibid., p.1.
57 24ème édition de la
quinzaine de la femme : la belle mère sénégalaise, «
gourou » ou « wujje » Article du jeudi28 avril 2005.
58 « La belle mère sénégalaise
» ibid., .p.2.
59 Nedjima PLANTADE, La guerre des femmes. Magie,
et amour en Algérie, Paris, édition La Boîte
à Documents, 1988, 179 p.
fabriquer deux amulettes avec du sang de crapaud. Mais nous
nous intéressons au cas de la belle-mère.
La belle-mère qui cherche à faire
répudier sa bru par son fils, se sert du crapaud. Elle
délègue pour se faire, une sorcière qu'elle aura
ramassée, de préférence dans un endroit pierreux.
Après l'avoir lavé, elle l'enveloppe dans un linge blanc et
l'enterre devant la porte de la chambre de la bru, à un endroit
où le mari est forcé de passer. Elle accompagne l'inhumation de
ces paroles « Crapaud, celui qui a deux femmes n'a plus de bon sens.
Figure de malédiction, je le pose pour cette fille ; qu'il divorce de
son coeur ». Quelques jours plutard, le mari commence à faire
de nombreux reproches à sa femme puis la tension entre eux montant, ils
se disputent violemment et finissent par se séparer. De plus, dans la
deuxième partie au chapitre IV, intitulé "l'Amour
prétexte". On peut se rendre compte que les conduites magiques ne
répondent pas à une motivation amoureuse, et l'érotisme
exprimé dans les rites n'est qu'un moyen et non une fin. La motivation
essentielle opérant dans la magie négative (celle qui
sépare les couples) est incontestablement la jalousie. Or la jalousie
est basée sur un conflit impliquant une lutte. C'est à coup
d'ensorcellement et de désensorcellement que les femmes règlent
leur vie sociale et rationnelle.
Selon la formule d'ALEMBERT, « on est jaloux de ce que
l'on possède et envieux de ce que possèdent les autres. »
Mais la jalousie inclut l'envie car si la femme, dès le début de
son mariage, recherche une possession exclusive de son mari, parce qu'elle sait
d'avance (la culture le lui ayant appris) que celui-ci est susceptible
d'être désiré ou récupéré par une
autre. Ses rivales potentielles (belle-mère, bellesoeur, voisine, etc.)
qui sont par définition les envieuses, ne peuvent tolérer qu'elle
puisse vivre dans la paix conjugale si elles-mêmes l'ignorent dans leur
vie. Alors un sentiment de haine les envahit bientôt (sentiment
exprimé dans la magie) et les poussent à détruire. Moins
d'ailleurs, l'objet de la possession (le mari) que celle qui le possède
(l'épouse).
A travers ces exemples, Nedjima PLANTADE insiste sur le
recours à la magie dans le mariage. Magie de l'une pour prévenir,
magie de l'autre pour attaquer et
faire payer la dépossession d'un fils. L'auteur parle
bel et bien des brus et bellesmères qui sont en lutte tout en
introduisant la variable religieuse( magie), qui part des concepts d'envie et
de jalousie et qui pousse à détruire le couple de la bru.
Après cette lecture, nous nous posons les questions
suivantes : est-ce que ces travaux qui datent de depuis 20 ans rendent compte
de la situation actuelle ? Pourquoi la belle-mère veut-elle
désunir le couple ? La bru n'est-elle pas de son choix ? La
belle-mère se sent-elle menacée par la dépossession de son
fils ou de toute sa supériorité sur le fils ? La bru ne partage
t-elle pas les mêmes logiques de la bellefamille ?
En dernier lieu, nous retenons l'analyse de la togolaise Rita
MENSAH
AMENDAH60, qui met en évidence le statut de
la femme te analyse les questions féminines telles
l'égalité de sexes, la logique masculine. Mais nous nous
intéressons aux relations conflictuelles entre belle-mère et bru.
Rita MENSAH AMENDAH fait mention de la mauvaise réputation de la
belle-mère. « La belle mère a mauvaise
réputation dans la vie comme dans la littérature. Elle est un
casse-pieds, fouineuse, jalouse et même parfois sorcière.
»61 Selon elle, il y a comme une jalousie inconsciente
de la belle-mère, la plupart du temps, elle envie sa belle-fille par des
propos tels, « ce que mon fils fait à sa femme, mon mari,
son père ne me l'a jamais fait.»62 De plus, en
elle, il y a une mère possessive affirmant qu'« elle me
vole mon fils, il est à moi, elle me prend ma place, il n'écoute
plus qu'elle.»63 Par ailleurs, l'auteur évoque
aussi le comportement des belles-filles envers leurs belles-mères et
leurs belles familles. Rita MENSAH AMENDAH donne les causes des conflits qui
s'expliquent par le fait que « la belle fille soit trop
dépensière, elle est impolie, elle ne sait pas recevoir la
famille... »64 Elle énonce encore l'aspect selon lequel
« certaines belles filles
60 Rita MENSAH AMENDAH, Mosaïque Africaine.
Chroniques féminines, 3Ern, al+ ErpEttEQUIRll. « Etudes
africaines »), 2002, 112 p.
61 Rita MENSAH AMENDAH, Mosaïque Africaine.
Chroniques féminines, ibid., p.53.
62 Ibid., p.54.
63 Ibid., p.54.
64 Ibid., p.53.
manifestent le mépris, le manque d'égard, de
considération pour leurs belles mères. »65
On peut épouser le point de vue de l'anthropologue
camerounais Séverin Cécile ABEGA, qui nous invite à
considérer que lorsqu'un « homme se marie, il s'établit,
c'est-à-dire, qu'il sort de la tutelle et du giron de sa mère et
fonde un ménage. Il quitte un foyer dans lequel il était un fils,
et en crée un autre en tant qu'époux. Le chercheur évoque
même le terme de « mort symbolique » ; la bru
entraînerait la mort symbolique de la mère. Par « mort
symbolique », cela laisse entrevoir que la bru prend la place de la
mère ; qu'en fait, « son arrivée relègue la
mère au second plan, ce qui signifie, si l'on accepte
l'interprétation qui veut que le fils tue le père parce qu'il est
destiné à prendre sa place, que la bru tue aussi sa
bellemère.»66
Toutefois, une remarque s'impose sur la relation bru et
belle-mère, selon l'auteur, qu'il perçoit comme une relation
qui a un sous-bassessement symbolique. Pour lui, cette relation se
résume socialement sur le fait que cette relation peut se concevoir
comme la traduction d'une compétition pour occuper un même
espace vital. Le beau-parent, la belle-mère doit disparaître
pour que s'épanouisse l'épouse, et en fait, sur le plan
symbolique, c'est ce qui se passe. Si on prend le fils comme point central
autour duquel s'organise ce conflit, dès qu'apparaît
l'épouse, ses parents s'estompent de sa vie, car il doit
désormais s'établir, quitter la concession paternelle,
bâtir sa case et conquérir son indépendance
économique, en cessant de travailler pour le compte de son
père et en créant son propre espace de
production.»67 Nous retiendrons chez ces auteurs, qu'ils ont
tous évoqué l'aspect de notre travail, à savoir les
rapports belle-mère et bru ; mais uniquement dans le contexte
de leurs pays respectifs. Par contre, Raymond MAYER a traité la
question des relations entre bru et beau-mère au Gabon ; toutefois,
son étude s'est attelée à montrer la place
65 Ibid., p57.
66 Séverin Cécile ABEGA,
op.cit., p.96.
67 Séverin Cécile ABEGA, ibid.,
p.99.
qu'occupe le respect dans le mariage. Ses travaux
anthropologiques et historiques ne rendent pas compte de la situation actuelle
du conflit.
Après avoir abordé la question du mariage et des
relations familiales dans la vie du couple, chez les chercheurs africains,
venons-en à présent aux points de vue des chercheurs et
universitaires gabonais.
3. Du point de vue des chercheurs et universitaires
gabonais.
Partant du point de vue littéraire, Honorine
NGOU68, dans son oeuvre, nous présente la relation entre
belle-mère et belle-fille. Pour elle, la belle-mère intervient
dans le choix de la belle-fille. De plus, « Féminin
interdit » est donc la narration de l'histoire d'une jeune fille
DZIBAYO qui, depuis son enfance, ne cesse de connaître les vicissitudes
de la vie ; à savoir, le décès de son père dans son
enfance, la tentative de viol et pour finir, des conditions de vie qui se
dégradent autour d'elle. Pourtant, elle parvient à faire de
brillantes études qui la contraignent à aller en Europe, pour
obtenir un doctorat en droit. En Europe, elle fait la connaissance de
Hémiel ATSANGO, jeune étudiant à l'Ecole de Pilote de
Fréjorgues.
Très vite ils décident, après la
naissance de leur premier fils, de se marier. Sa vie bascule dès
l'instant où sa belle-mère ne vient pas à son mariage
parce qu'elle n'est pas de son choix. S'en suivent des actes de sorcellerie. La
belle-mère envoie sa fille déposer une poudre magique sur le
siège de sa belle-fille pour qu'il ait rupture. En outre, l'apparition
d'un gros serpent noir dans la maison ne vient pas arranger les choses qui ne
cessent de se compliquer de jour en jour. En somme, les rapports entre la
belle-mère et la bru sont conflictuels et reposent sur la sorcellerie.
C'est la bellemère, a priori, qui n'a pas choisi la bru, fait tout ce
qui est en son pouvoir pour chasser sa bru, qu'elle considère comme une
rivale, une étrangère.
68 Honorine NGOU, Féminin Interdit,
Paris, l'Harmattan, (coll. « Encres noires »), 2007, 291
p.
Par ailleurs, Jean-Ferdinand MBAH et Mesmin-Noël SOUMAHO,
à travers leur etude69, se sont appesantis sur les strategies
matrimoniales des etudiants au Gabon dans le choix du conjoint. Les conclusions
de cette monographie, sur la question du mariage en milieu universitaire, nous
permettent de nous rendre compte « qu'il existe une
préférence nettement marquee des deux sexes pour le mariage
»70 ; mais surtout que les etudiants ne se marient pas entre
eux.
Plus important encore, c'est le fait que « les
comportements et attitudes heterogames des universitaires gabonais
reflètent bien ceux des autres groupes de la société. En
partant de cette vision globale de l'interaction entre groupes sociaux
différents, on peut considérer l'homogamie comme alternative
à un véritable changement des attitudes et strategies sexuelles
en milieu etudiant.»71 D'autant plus que « la nuptialite
est retardee parce que les etudiants ne parviennent pas encore à
surmonter l'incompatibilité entre mariage et les études qu'ils
ont établie. »72 Ou encore, « la sexualite en
milieu etudiant gabonais se deroule dans un contexte de forte heterogamie.
D'où la faible proportion de mariages entre
étudiants.»73 En fin de compte, « quand les
étudiants se marient à l'Université, c'est
généralement en fin de cycle dans la perspective de leur
insertion sociale.»74
Josiane MELEANG M'ATOME75 a pu se rendre compte que
la femme diplômee gabonaise, grâce à ses acquis scolaires,
universitaires et avec ses pretentions, semblerait avoir rompu a priori avec
les rôles assignes par la tradition. Il s'agit donc d'une femme qui n'est
plus inscrite dans un mode précapitaliste, mais
69 Jean-Ferdinand MBAH et Mesmin-Noël SOUMAHO,
La question du mariage en milieu universitaire au Gabon, Libreville,
CERGEP/Les Editions Udégiennes, 1996, 213 p.
70 Ibid., p.183.
71 Ibid., p. 184.
72 Ibid., p.183.
73Jean-Ferdinand MBAH et Mesmin-Noël SOUMAHO,
La question du mariage en milieu universitaire au Gabon, Libreville
p.183.
74 Ibid., p.183.
75-MianeE0 ( / ( $ 1 * E0 7$ 72 0 ( ,
De la bénédiction parentale lors du mariage coutumier de la
femme diplômée : permanence et paradoxe, Mémoire de
Maîtrise en Sociologie, Libreville, UOB/FLSH, Juin 2008, 99p.
plutôt d'une femme devenue individualiste, autonome ;
qui se trouve dans un paradoxe ; car reposant toujours sur les valeurs
traditionnelles, plus precisement la benediction parentale dans le mariage
coutumier. Elle a instrumentalise la benediction parentale. Ainsi se retrouve
t-elle prisonnière de la famille en ayant recours à cette
bénédiction, au risque d'être menacée. Le
diplôme apparaît dès lors que comme une illusion de
l'épanouissement.
D'autre part, Josiane MELEANG M'ATOME a abordé l'aspect
de la belle famille et la belle-fille (ici, femme diplômee). La famille,
qui avait la main mise sur la vie du couple par le passe, a souvent des
antagonismes recurrents avec la belle-fille. Mais la femme diplômee veut
restructurer les rapports au sein de la famille. La belle famille qui pouvait
s'imposer au sein du foyer est écartée et les obligations de la
belle-fille vis-à-vis de la belle famille disparaissent.
Nous pouvons convenir avec elle que la femme diplômee
entend donner une nouvelle orientation du couple au sein de la famille, elle
veut diriger son foyer comme elle l'entend, sans avoir à rendre des
comptes à la famille. Nonobstant, n'estce pas là encore une
façon une façon d'accentuer le conflit entre la belle-mère
et la bru ? Qui plus est, la belle-mère, se sentant depossedee de son
autorite sur la gestion du couple, acceptera t-elle que la belle-fille la
depossède t-elle aussi de son autorite sur son fils ? Telles sont
quelques perspectives qui peuvent se degager et meritent un interêt de
notre part.
En ce qui concerne Noëlla Maryse BELLA M'BA76,
il s'agit de voir l'implication de la femme gabonaise et sa participation dans
la sphère politique. Elle etudie donc cette emergence progressive de la
femme dans le politique. Ce qui est interessant dans son étude, c'est le
rôle de la femme dans la société traditionnelle gabonaise.
De façon générale, l'image traditionnelle de la femme
gabonaise se situe en marge de la vie publique, bien qu'il lui soit reconnu un
rôle important au niveau
76 1 RoaaCID 1r.1111-C/( / / $ CID r/$ ,
Participation politique de la femme ou mystification : essai d'analyse des
rapports sociaux de genre dans le champ politique gabonais, Mémoire
de Maîtrise en Sociologie, Libreville, UOB/FLSH, 2006-2007, 102 p.
de la sphère économique. S'appuyant sur les
travaux de Rose NTSAME77 qui « postule que la femme
traditionnelle n'avait pas un accès aux conseils régissant la vie
au village, et donc à la vie publique. Son rôle se limitait pour
l'essentiel à veiller au bon fonctionnement du ménage.
Agricultrice, elle était donc productrice d'une certaine richesse, elle
seule possédait le pouvoir de procréer et donc de
perpétuer la lignée. Elle seule porte la progéniture,
c'est elle qui a la charge de la "conduire" à
maturité.»78
La politique est une affaire d'homme. A partir de 1974, les
femmes y font une entrée progressive, elles investissent la scène
politique. Elles sont sénatrice, député, ministre. Cette
émancipation qui donne droit à la femme d'adhérer à
la sphère politique, c'est-à-dire à la vie publique, ne
serait-ce pas l'un des facteurs du conflit entre bru et belle-mère ? Un
homme n'occupant pas une fonction qui soit élevée à celle
de sa femme, à l'exemple de parlementaire, quelle serait la
réaction de la mère ? Acceptera t-elle que son fils soit en "en
dessous" de sa femme ? Toutes ces préoccupations feront l'objet de
perspectives à envisager.
Mieux encore, notre examen s'est arreté sur l'analyse
de Steeve Thierry BALONDJI79. Ce dernier étudie les
conjugalités de fait en milieu ouvrier au Gabon ; qu'il présente
comme des unions hors mariage en émergence considérable. Pour
lui, « il est en effet chose courante, dans notre société,
que deux personnes choisissent de faire vie commune sans se marier, s'unir
civilement ou coutumièrement. »80 Et c'est au cours des
années 1950 ; surtout au cours de l'année 1972 que le nombre de
cohabitations sans mariage avait presque quadruplé dans l'ensemble des
couples issus des milieux ouvriers et cela, même dans les années
1990.
77 Rose NTSAME, Les conditions de la femme au
Gabon, essai sur les conditions de la femme fang, Thèse de Doctorat
de 3ème cycle en Sociologie, Université de Bordeaux
II, 1982, 450 p ; cité par Noëlla Maryse BELLA M'BA,
op.cit, p.30.
78 Rose NTSAME citée par Noëlla Maryse
BELLA M'BA, op.cit., p.41.
79 Steeve Thierry BALONDJI, Les
conjugalités de faits en milieu ouvrier au Gabon, Mémoire de
Maîtrise en Sociologie, Libreville, UOB/FLSH, sept.2005, 114 p.
80 Ibid., p.1.
Steeve Thierry BALONDJI estime que comme les moeurs changent,
aujourd'hui bien des couples décident de faire vie commune sans passer
par le mariage, c'est le domaine de l'amour sans formalités.
D'où, a priori, il y aurait crise du mariage, pourtant institution bien
solide dans la formation sociale gabonaise. Il déduit de son observation
que le nombre de couples vivant en union libre ne cesse d'augmenter.
L'intérêt de cette étude résiderait dans la
compréhension des causes et l'évolution des conjugalités
de fait à travers les mutations profondes du monde paysan en force de
travail, largement de plus en plus absorbé dans l'orbite du capitalisme
occidental.
En définitive conclut-il sur le fait que « dans ce
milieu ouvrier, les hommes sont enclins à la mise en
infériorisation des femmes. Leur quête d'autorité de
domination, les incite à chercher les femmes parmi celle sui ne
travaillent pas ou parmi celles qui ont un revenu suffisamment inférieur
aux leurs.»81 Toutefois, à la suite de Steeve Thierry
BALONDJI, est-ce que cette persistance à ne pas officialiser leurs
relations sur les plans coutumier et civil en milieu ouvrier au Gabon, n'est
pas la résultante, sinon la conséquence des perceptions de la
belle-mère, avec qui la bru entre en rapports conflictuels ?
En dernière analyse, Annick Sandra
NYINGONE82 nous propose de revisiter l'impact de l'institution
matrimoniale sur la condition sociale de la femme esclave chez les peuples
Nkomi du Gabon au milieu du 18ème siècle jusqu'au
début du 20ème siècle. Nous nous sommes
intéressés à l'impact sur la situation sociale de la femme
esclave dans la communauté des hommes libres ; surtout, les rapports
qu'elle entretenait avec ses co-épouses, sa belle famille. La jeune
esclave avait été élevée par une femme libre qui
lui avait inculqué une éducation, dont le but était de
faire d'elle une femme soumise, travailleuse et respectueuse de la
hiérarchie familiale et conjugale. En dépit des rapports de
soumission tenant à l'âge, à l'inégalité
des
81 Ibid., p.106.
82 Annick Sandra NYINGONE, Mariage et condition
sociale de la femme esclave sous la royauté Nkomi( 1750- 1903),
Mémoire de Maîtrise en Histoire et Archéologie, Libreville,
UOB/FLSH,sept.2004, 116p.
statuts, à la condition même de l'épouse
esclave, des rapports conflictuels pouvaient surgir entre co-épouses
parce que le mari avait tendance à la préférer.
La jeune esclave était protégée par sa
belle famille. La première épouse « owantolonga » ne
pouvait éviter les conflits avec la mère de son mari ; la jeune
esclave « owongune » travaillait la plupart du temps non pour elle,
mais pour son mari, ses enfants, et qui savait satisfaire les besoins des
membres de la famille. A tout moment, n'importe quel parent du mari pouvait
venir lui demander la nourriture, parfois l'envoyer chercher de l'eau, lui
faire balayer la chambre sans qu'elle n'ait le droit de refuser. Quelle
était la cause réelle des conflits entre belle-mère et la
bru (première épouse du mari) ? Etait-ce à cause de la
préférence de la belle famille ? Pourquoi cette
préférence, pourtant c'est la première épouse qui
était considérée comme la mère ou grande soeur qui
avait inculqué les bonnes manières à la jeune esclave.
Nous supposons que elle-même, en principe, était aussi soumise,
travailleuse, respectueuse, etc.
De même ici, Séverin Cécile ABEGA aborde
aussi cette perspective d'Annick Sandra NYINGONE. Selon lui, « il y eut un
temps où dans la société Béti, parce que les filles
pouvaient être mariées jeunes, certaines belles-mères
élevaient leurs brus. Il est évident que celles-ci ne pouvaient
être considérées comme étrangères, et que
l'épouse ainsi éduquée s'insérait plus
harmonieusement dans as nouvelle famille qu'en y débarquant avec le
voile blanc seulement au soir de la cérémonie nuptiale. »83
Ceci pour dire que puisque la bru, à ce moment là,
façonnée à la convenance de la belle-mère, il se
trouve qu'elle avait les qualités exigées par la
belle-mère pour être introduite sans heurts dans sa nouvelle
famille. Car la belle-mère lui aura expliquée les us, coutumes et
les interdits les relations particulières qui lient la famille à
telle personne, tel groupe, telle institution. Chacun de ses manquements est
rapporté à sa belle-mère, afin qu'elle la reprenne, la
corrige, l'aide à s'amender, à s'améliorer, à se
conformer aux usages.
En analysant le mariage et ses représentations
sociales, Julie NDOMENGANE ONDO84 montre les attitudes et les
opinions d'une classe sociale, les ouvriers, à l'égard du mariage
à l'état civil et le mariage coutumier. Si l'intérêt
de cette étude réside dans le rapport objectif et subjectif que
les enquêtés ont à l'égard des deux types de
mariage, on peut souligner l'absence des rapports entre belle-mère et
bru. Les tensions entre belle-mère et bru existent-elles dans le mariage
coutumier et le mariage civil ? Quelles formes prennent-elles ?
Denise NGWAGANGA85 étudie les
représentations sociales du mariage chez la femme salariée en
montrant les transformations dans les rapports sociaux de sexe, autrefois
définis comme une relation de dépendance socio-économique
de la femme envers le mari, seul pourvoyeur des biens. La domination masculine
se trouve mise en mal par le nouveau statut de la femme mariée
salariée car l'homme se voit dépossédé de toute sa
supériorité sur la femme. Pour Denise NGWAGANGA, ces
bouleversements sont imputables à l'introduction du mode de production
capitaliste.
A la suite de Denise NGWAGANGA, on peut formuler deux
interrogations : les rapports conflictuels entre belle-mère et bru
sont-ils l'expression d'un affranchissement de la domination masculine que la
belle-fille exprimerait à l'égard de sa belle-mère ; qui
incarne ici la famille de l'homme, membre de cette famille qu'elle côtoie
plus au quotidien ? Les rapports de force entre bru et belle-mère
sontils l'effet, dans l'ordre domestique, de l'introduction du mode de
production capitaliste et des rapports de domination qui lui sont
inhérents ?
En définitive, tous ces auteurs universitaires gabonais
parlent du mariage sans évoquer l'aspect des rapports entre bru et
belle-mère, exceptée Josiane MELEANG M'ATOME, qui a
effleuré l'aspect conflictuel sans en donner l'origine véritable
et les conséquences.
84 Julie NDOMENGANE ONDO, « Mariage et
représentations sociales en milieu ouvrier au Gabon »,
UOB/FLSH, Libreville, rapport de Licence en Sociologie, septembre 1998, 27
pages.
85 Denise NGWAGANGA, « Les
représentations sociales du mariage chez la femme mariée
salariée », UOB/FLSH, Libreville, rapport de Licence en
Sociologie, novembre 1999, 26 pages.
4. Comment entendons-nous poser le problème dans
notre recherche ?
C'est dans la société gabonaise, en proie
à des mutations de tout genre, que nous avons articulé notre
problématique. L'irruption du capitalisme, avec la variable «
argent », a changé les mentalités africaines, gabonaises
particulièrement. Nous sommes passés de la solidarité
mécanique, celle où la conscience collective ou
collectivité prime sur l'individu, et où le respect
régnait, à la solidarité organique où, c'est
l'intérêt individuel qui prime. L'intérêt
sociologique de cette étude sur les rapports mère-fils à
travers la bru dans la famille actuelle, réside dans l'interrogation du
changement des relations observées entre deux acteurs, qui hier,
étaient basées sur les relations de respect, de confidence,
conseillère de la belle mère pour la bru, de la mère
à fille, à aujourd'hui, devenues des relations de tensions.
De plus, l'accent est mis sur le fait que c'est ce rapport
conflictuel qui semble affecter les relations entre belle-mère et bru.
Chacun de ces deux acteurs est plein de méfiance de l'un à
l'égard de l'autre. Ce qui pose problème dans cette étude,
c'est cette tendance à écouter partout à Libreville des
conversations où chacun de ces deux acteurs présente l'autre
comme à l'origine de la mésentente qui se crée avec le
fils ou les autres membres des deux familles constituées. Mais le
véritable problème c'est surtout le fait qu'il s'agit d'une maman
qui tient à contrôler son fils qui lui échappe. L'homme est
pris entre deux feux et doit gérer les deux femmes.
Il convient de rappeler qu'un « homme se marie, il
s'établit, c'est-à-dire, qu'il sort de la tutelle et du giron de
sa mère et fonde un ménage. Il quitte un foyer dans lequel il
était un fils, et en crée un autre en tant qu'époux. Le
chercheur camerounais Séverin Cécile ABEGA évoque
même le terme de "mort symbolique" ; la bru entraîne
donc la mort symbolique de la mère.»86
Et que par ailleurs, l'arrivée de la bru et qui prend la place de la
mère fait que la bru relègue la mère au second plan. On
perçoit ici en filigrane que le conflit entre bru et belle-mère
naît a priori du difficile détachement social entre la mère
et son fils.
Les rapports conflictuels entre bru et belle-mère
naissent également du fait que « l'homme, une fois marié,
ses devoirs les plus impérieux le réclament en premier lieu
auprès de sa femme et de ses enfants. Mais, s'il continue à vivre
parmi les siens, dans le même cercle de relations, il lui est difficile
de percevoir que désormais il doit diminuer les prestations qu'il leur
accordait auparavant, parce que ses moyens ne sont pas extensibles, et que la
priorité doit être donnée à sa femme et à ses
enfants. Cette dernière en tant que nouvelle venue dans la famille qui
l'accueille, discerne fort bien les contours de son ménage, de son
foyer, hiérarchise mieux les rapports, et sait mettre en avant les
intérêts de son foyer (parfois trop), au risque de compromettre
les rapports que son mari tient à préserver avec les siens.
»87
De même, la situation décrite au Cameroun par
ABEGA est la même a priori au Gabon ; confirmée par nos
informateurs, qui pensent que « en ce qui me concerne, j'ai ma vie, je
suis adulte, ils n'ont pas le droit de s'opposer ; ils ne me trouveront jamais
une autre, c'est juste une façon de me détruire. Je me
révolte par rapport à ce qui est imposé dans ma vie. Je
dis avec beaucoup de force que mes parents ont leur vie et moi aussi j'ai la
mienne. Chacun fait son expérience terrestre.»88 En
effet, « chez moi j'influence, je décide, je suis un rebelle de
la famille donc ma mère se tient à carreaux. C'est mon foyer que
je protège car mes parents ont eu leurs vies et moi j'ai la mienne. Je
débats de toutes ces choses sans retenu avec la famille d'où j'ai
meme interdit ma mère de venir chez moi.»89
86 Séverin Cécile ABEGA,
op.cit., p.96.
87 Ibid., p.104.
88 Propos de monsieur I.I, 48 ans, agent de
contrôle à l'ASECNA, marié à l'état-civil
à une sénégalaise, 3 enfants, domicilié à la
cité ASECNA.
89 Propos de monsieur I.I, 48 ans, agent de
contrôle à l'ASECNA, marié à l'état-civil, 3
enfants, cité ASECNA.
Et qu'en définitive, les situations conflictuels entre
belle-mère et bru proviennent du fait que << la première
tient à ce que les prestations de la seconde à l'égard de
ses enfants soient les mêmes que celles qu'elle accorde à ses
beaux-frères, fils de cette belle-mère. >90
Nous mettons également l'accent sur la métaphore
selon laquelle la belle mère, en tant que propriétaire et
détentrice des moyens de production, c'est-à-dire << le
fils > est en conflit avec celle qui n'a que sa force de travail à
offrir, c'est-à-dire, lui faire des enfants. En d'autres termes, la
belle-mère a « son rêve : pouvoir trôner matin
et soir au sommet du mouchoir de tête de sa bru à qui elle va
dicter ses conditions qui changent d'une seconde à
l'autre.>91 Ce n'est pas seulement l'aspect économique qui
peut expliquer le conflit que nous décrivons ici, il a aussi un aspect
psychologique et émotionnel (la difficile séparation <<
mère-fils >>), l'aspect symbolique (les injures, les
évitements, ignorance de l'une à l'égard de l'autre,
etc.)
Aussi notre recherche s'inscrit dans le cadre du
matérialisme historique de Karl MARX et
Friedrich ENGELS. Cette perspective nous montre que <<
L'évolution de la société résulte de
l'évolution des conditions matérielles de la vie. A la base se
trouvent les forces productives (instruments et techniques de production, force
de travail des hommes et objets auxquels s'applique ce travail). Ces forces
productives engendrent des rapports de production : ce sont les rapports que
les individus nouent entre eux à l'occasion de la production.
>92 Dans notre métaphore, << ces forces
productives > représentent la bru, qui subit le calvaire de sa
belle-mère, désignée ici comme <<
propriétaire des moyens de production. > Nous
étudions donc ces rapports conflictuels dans la formation sociale
gabonaise actuelle.
90 Séverin Cécile ABEGA, ibid.,
p.104.
91 24ème édition de la
quinzaine de la femme : la belle mère sénégalaise,
p.3.
92 R.G. SCHWARTZENBERG, Sociologie politique,
Paris, éditions Montchrestien, 5ème éd., (coll.
« Domat Politique »), 1998, p.48.
5- Enonciation de nos hypothèses de recherche.
<< L'hypothèse est une relation entre les faits
significatifs. Même plus ou moins précise, elle aide à
sélectionner les faits. »93 Par ailleurs,
l'hypothèse se présente comme <<une proposition provisoire,
une présomption, qui demande à être vérifiée.
»94 En fin de compte, << la suite du travail consistera
en effet à tester les hypothèses en les confrontant à des
données d'observation. »95
Ainsi, dans le cadre notre travail et à la
lumière de ces quelques définitions, nous avons retenu deux
hypothèses qui vont guider notre démarche, en partant de la
question: pourquoi bru et belle-mère sont en conflit
?
Hypothèse 1:
La bru et la belle-mère sont en conflit parce que toutes
les deux veulent contrôler l'homme.
Hypothèse 2 :
Le rapport que la mère entretenait avec son fils a
changé parce que le mode de production capitaliste a transformé
et désorganisé la société ; tout en modifiant le
mode du choix du conjoint et les mentalités des deux femmes.
5.1- Définition et construction des concepts
<< Le concept en tant qu'outil, fournit non seulement un
point de départ, mais également un moyen de désigner par
abstraction, d'imaginer ce qui n'est pas directement
perceptible.»96 Plus important encore, pour le sociologue ou
le
93 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences
sociales, op.cit., p.398.
94 Raymond QUIVY et Luc Van CAMPENHOUDT, Manuel de
recherche en sciences sociales, 2ème édition,
Paris, Dunod, 1995, p.135.
95 Ibid., p.118.
96 Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences
sociales, ibid., p.385.
chercheur, c'est qu'il doit « définir les choses
dont il traite, afin que l'on sache et qu'il sache bien de quoi il est
question.»97
La définition du concept, bien qu'étant qu'une
simple << convention terminologique », opère un tri des faits
que cherche à rendre intelligible le sociologue. Après être
prêtés à cette exigence méthodologique, nous avons
retenu les concepts suivant de notre travail:
Belle-mère, Bru ou belle-fille, rapports
conflictuels et fils/époux. Cependant, le concept
fondamental qui structure notre travail est le conflit.
5.2. Définition des concepts de
belle-mère, de bru, rapports conflictuels et fils/époux comme
concepts pour notre étude.
Le concept n'est pas seulement une aide pour percevoir, mais
une façon de concevoir. Il organise la réalité en retenant
les caractères distinctifs, significatifs des phénomènes ;
en opérant par un tri des faits que cherche à rendre intelligible
le sociologue. En ce qui concerne notre travail, nous définirons trois
concepts (que nous trouvons pertinents) : belle-mère, bru et rapports
conflictuels, et que nous essayons d'inscrire dans le système conceptuel
marxiste.
Belle-mère : Il s'agit
de la femme qui a mise au monde l'enfant et l'a élevé
ellemême ; soit celle qui n'a pas mise au monde l'enfant mais l'a
élevé jusqu'à ce qu'il soit grand. Enfin, il s'agit des
grandes soeurs du mari qui ont participé à son éducation,
après le décès de la maman ou alors, quand cette
dernière n'avait pas de moyens. Dans la perspective marxiste, la
belle-mère est ici assimilée au bourgeois, le détenteur
des moyens de production ; c'est-à-dire qu'elle est le <<
propriétaire » du fils.
97 Emile DURKHEIM, Les règles de la
méthode sociologique, op.cit, p.34.
Bru ou belle-fille : Elle
désigne l'épouse du fils. Par épouse on attend ici soit
celle qui vit en concubinage depuis plus de cinq ans dans le foyer; soit celle
qui est mariée que ce soit à la coutume, coutume et état
civil , état civil ; état civil et religieux. C'est elle qui n'a
que sa force de travail à offrir comme l'ouvrier chez MARX,
c'est-à-dire, la capacité à procréer, à
entretenir la belle famille. Elle sera la nouvelle « propriétaire
» du fils, en tant que nouvelle maîtresse de maison.
Fils ou époux: C'est
l'homme qui apparaît comme l' « objet » des
convoitises des deux femmes qui se disputent son coeur : sa mère et son
épouse. Aussi est-il a priori réifié par ses deux femmes
dans leurs rapports conflictuels.
Conflit : Ensemble des
relations et frictions entre belle-mère et bru ; l'une qui veut prendre
le dessus sur l'autre à travers le fils. Il prend forme par des actes et
des injures de la part des deux acteurs. Comme actes, on note que: «
l'argent de la consommation de l'eau et du courant des locataires, c'est ma
belle-mère qui prend comme si c'était sa maison. Et elle disait
aux locataires que c'est elle qui commande. »98 Ou encore,
« à la maison elles ne me donnent pas la nourriture, même
pas le bonjour, elle reste que dans leurs chambres. Nous sommes dans la
même concession mais pas dans la même maison. Quand elle me donne
la nourriture aujourd'hui, elles font deux jours sans me donner la nourriture.
C'est mon fils qui me donne à manger. »99 Pour les
injures, retenons par exemple celles de la belle-mère sur la bru telles
: « ce n'est pas le fait de coucher avec mon fils, il n'y a pas encore
d'enfants, ce n'est pas la peine d'être là, tu ne sais pas
entretenir la maison, les marmites sont mal lavées et tu t'occupes mal
de mon fils. »100
En ce qui concerne les injures des brus envers les
belles-mères, nous avons retenu par exemple Autre injure de la bru
envers la belle-mère : « tu n'es pas la mère de mon
mari, dis nous sa vraie mère ; il ne peut pas avoir une mère
infirme, tu fais exprès de ne
98 Propos de madame M.C, 40 ans, éducatrice
préscolaire, Nzébi, mariée à la coutume il ya 10
ans et à l'état-civil depuis 1 an. Elle a 4 enfants. Elle relate
les actes de sa belle-mère au quotidien.
99 Propos de madame M.D, 78 ans,
Massango, sans profession, veuve avec 8 enfants, qui a trois belles-filles.
Elle rapporte les actes de ses belles-filles au quotidien.
100 Entretien avec madame B.O.M une bru, sans enfants,
âgée de 28 ans, étudiante, Fang et vit en concubinage
depuis 7 ans.
pas marcher. »101 Ces rapports
conflictuels entre bru et belle-mère au sein de la famille, nous
rappellent la « lutte des classes » de MARX qui oppose la bourgeoisie
(détentrice des capitaux et des moyens de production) et le
prolétariat (qui n'a que sa force de travail à offrir en
contrepartie d'un salaire), chacune étant à la recherche et /ou
la consolidation et la préservation de ses intérêts au sein
de la formation sociale capitaliste.
5.3. Construction de notre concept fondamental. Tableau
de la construction du concept du « conflit.»
Concept
|
Dimensions
|
Indicateurs
|
Conflit
|
Economique
|
> Regard sur les dépenses de la bru
> Partage des finances du fils par la maman
> La bru trop dépensière selon la
belle-mère, elle ne sait pas faire des économies.
> Concurrence des vêtements, sacs, etc.
|
Matériel
|
> Déplacement des choses telles le savon, les marmites
sans accord du propriétaire.
> Revendication de l'espace et des choses comme le
réfrigérateur, les verres, les assiettes, etc.
> Double cuisson la journée de la bru et de la
belle-mère > Mésentente au niveau
|
Symbolique
|
> Rapport d'évitement (reste dans la chambre) >
Ignorance de l'autre (refus de dire bonjour) > Injures réciproques
|
Section 3 : Démarche méthodologique.
Une première remarque s'impose sur la notion de «
terrain. >> En effet, « faire du terrain, c'est avoir envie de se
colleter avec les faits, de discuter avec les en quêtés, de mieux
comprendre les individus et les processus sociaux.>>102 Il va
de soit qu'il n'y a pas de recherche sans terrain, surtout en sciences
humaines. Parce que le sociologue s'astreint à un long travail de
description et d'interprétation, « il met au jour la
complexité des pratiques sociales les plus ordinaires des
enquêtés, celles qui vont tellement de soi qu'elles finissent par
passer inaperçues, celles qu'on croit "naturelles"parce qu'elles ont
été naturalisées par l'ordre social : pratiques
économiques, alimentaires, scolaires, culturelles, religieuses ou
politiques, etc. >>103
102 Stéphane BEAUD, Florence WEBER, Guide de
l'enquête de terrain. Produire et analyser des données eI I I I
raI UqI I I, Nouvelle édition, Paris, éd. La
Découverte, 2003, p.16.
103 LIIIUd., p.9.
1- Cadre empirique de la recherche.
L'univers d'enquête est le lieu par excellence où
le chercheur va puiser les informations dont il a besoin pour rendre compte du
phénomène qu'il étudie. A ce propos, il est important pour
nous de préciser que notre étude s'est réalisée
uniquement dans les quartiers de Libreville ; à savoir Plaine Orety,
Ecole Normale, Ancienne Sobraga, Pk6, Pk7, Pk8 et Pk9, Pk11, Nzeng Ayong,
Derrière la Prison Charbonnage (Louis GRIGNON de MON-FORT),
Derrière l'Hôpital, le Ministère des Mines, la cité
ASECNA, Plein Ciel.
Nous avons retenu ces quartiers parce qu'ils sont proches de
notre lieu de résidence c'est-à-dire le campus universitaire
(en ce qui concerne les quartiers Plaine Orety, Ecole Normale, Ancienne
Sobraga, Derrière la Prison et Nzeng Ayong) et puis les quartiers
Pk6, Pk7, Pk8 et Pk9, Pk11 parce que c'est une zone
géographique fortement habitée où presque toute les
ethnies y cohabitent ensemble ; zone où notre constat a d'abord pu se
faire. Il était intéressant pour nous d'avoir le point de vue
de chaque famille. En outre ces maisons ne sont pas clôturées,
ce qui a facilité notre accès dans ces familles contrairement
aux quartiers Plaine-Orety, Ancienne SOBRAGA où les gens nous
recevaient hors de la concession, nous demandaient de patienter un moment,
puis à la fin, il n'était plus possible de nous entretenir,
etc. Nzeng Ayong, Charbonnage (Louis GRIGNON de MON-FORT),
Derrière l'Hôpital ont été retenu parce qu'ils
font suite aux rendez-vous que nous avons pris grâce à des
personnes intermédiaires (nos soeurs, nos tantes, des amies,
condisciples de classe, etc.) Notre enquête sur le terrain s'est
résumée à l'observation participante, << durant
laquelle le chercheur participe aux activités qu'il
observe.»104 Cette technique d'enquête nous a donc
permis de << faire du porte à porte » entendu par
là cogner dans toutes les portes de ces maisons pour pouvoir nous
entretenir avec les belles-mères et les brus afin de recueillir les
avis sur notre objet d'étude. Nous avons
104 Alain BEITONE et al. Sciences sociales, Paris,
(coll. « aide-mémoire »), 3ème
éd., 2002, p.27.
dii par moment sortir un peu d'argent, à la demande des
brus et des belles-mères, pour nos remerciements d'avoir bien voulu
accepter de nous recevoir.
2- Population d'enqu~te.
Notre population d'enquête est composée de
quarante personnes. Cette population était constitué en
majorité de vingt (20) brus et de dix (10) belles-mères et de dix
(10) hommes mariés aussi bien à des gabonaises qu'à des
étrangères. Il est important pour nous ici de dire qu'il y a eu
une difficulté majeure ; celle de rencontrer les belles-mères car
étant âgées et pour la plupart, ne vivent pas à
Libreville. Ce qui explique le chiffre de (10) dix belles-mères.
3- Technique de collecte et de traitement des
données.
Pour rester fidèle à Emile Durkheim, pour qui
« les faits sociaux doivent être traités comme des choses
»105, le sociologue dispose de plusieurs
méthodes et techniques de travail à savoir : (grilles)
entretiens, questionnaires, etc. Par ailleurs, nous savons
également que le choix des méthodes de travail dépend
strictement de l'objet d'étude. Par conséquent, pour notre
étude, nous avons eu recours aux entretiens et à l'analyse de
contenu. Pour justifier notre choix, nous nous devons d'expliquer les avantages
qui résultent de l'utilisation des entretiens comme technique de
collecte de données et l'analyse de contenu comme moyen d'exploitation
de ces données.
3.1. L'entretien comme technique de collecte des
données.
L'utilisation du magnétophone a été
indispensable pour espérer atteindre l'objectivité scientifique ;
telle que prônée par les sciences sociales. L'entretien
apparaît ici comme « une technique qui consiste à organiser
une conversation entre
105 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode
sociologique, 11e édition, Paris, Puf /Quadrige, 2002,
p.27.
enquêté et enquêteur. Dans cet esprit,
celui-ci doit préparer un guide d'entretien, dans lequel figurent les
thèmes qui doivent être impérativement
abordés.»106
L'entretien a pour but « de recueillir le savoir
spécifique dont le narrateur est porteur. L'interviewer doit avoir le
souci d'une part de recenser toutes les informations en profondeur et d'autre
part, de restituer le discours dans sa singularité
même.»107 C'est précisément parce que les
rapports entre bru et belle-mère restent << oraux »
que cette technique nous paraît adaptée à notre
étude. D'où nous avons eu recourt à un magnétophone
pour recueillir les informations. Ensuite, pour cette étude, nous avons
utilisé l'entretien anti-directif thématique. Cet entretien
correspond à <<l'entretien guidé ou « centré
> et a pour but d'explorer une partie de la vie du narrateur ; il est
focalisé108 sur des situations vécues, sur des
évènements. Le chercheur a à sa disposition le guide
préalablement établi [...] Celui-ci ayant une fonction de ne pas
les laisser digresser le narrateur hors du champ de la
recherche.»109
Enfin, nos entretiens sont composés de différents
items tels :
> << Rapports mère-fils >> <<
Attitude de l'homme >>
> << Le choix du conjoint >>
> << Rapport belle-mère/conjointe
>>
3.2. L'analyse de contenu comme technique d'analyse des
données.
<< L'analyse de contenu porte sur des messages aussi
variés que des oeuvres littéraires, des articles de journaux, des
documents officiels, des programmes audiovisuels, des déclarations
politiques, des rapports de réunion ou des comptes rendus d'entretiens
semi-directifs. Le choix des termes utilisés par le locuteur, leur
fréquence et leur et leur mode d'agencement, la construction du «
discours » et son
106 Alain BEITONE et al. Sciences sociales, Paris,
(coll. « aide-mémoire »), 3ème
éd., 2002, p.27.
107 Jean POIRIER et al, Les récits de vie.
Théorie et pratique, Paris, Puf, << collection
dirigée par Georges
BALANDIER », 1983, p.75.
108 C'est la technique du focused interview de MERTON, cf.,
MERTON R.K., and KENDALL P., the focused interview,Glencoe III, the Free Press,
1952, cité par Jean POIRIER in Les récits de vie,
p.75.
109 Jean POIRIER in Les récits de vie, ibid.,
p.76.
développement constituent des sources d'informations
à partir desquelles le chercheur tente de construire une connaissance
.»110 Elle a aussi pour but de rendre explicite l'implicite,
pour lire au-delà des textes, pour décrypter les
idéologies de nature qualitative et quantitative.
En un mot, l'analyse de contenu a pour but de rendre explicite
l'implicite, pour lire au-delà des textes, pour décrypter les
idéologies de nature qualitative et quantitative. L'analyse de contenu
nous permet de faire << la carte d'identité » de chaque
enquêté pour bien reconstruire leurs logiques et aussi, de mettre
en évidence la logique d'ensemble des belles-mères et des
belles-filles ; et de procéder à une catégorisation des
discours.
3.3. Limites de l'étude.
Une des limites majeures dans notre travail se trouve
être la documentation sur la question que nous soulevons dans cette
étude. En effet, Jean Ferdinand MBAH affirme que << le
problème de la documentation au Gabon constitue un réel handicap
autant qu'une difficulté pour la recherche. »111 A cela,
il faut ajouter le fait que nous nous sommes osés sur un objet que nous
considérons comme << sensible », nous faisons face à
la réticence de nos enquêtés susceptibles de nous apporter
un plus dans la recherche.
C'est ici l'occasion de souligner par exemple que nos
enquêtées, en majorité, ont refusé que nous
puissions enregistrer les entretiens parce qu'il s'agit de nous relater leurs
vies privées et qu'elles ne voudraient en aucun cas que cela soit mis au
grand jour ; malgré nos assurances, pourtant elles ne nous donnaient pas
leurs identités. De plus, comme nous l'avons souligné
déjà, nous n'avons pas pu rencontrer un nombre important de
belles-mères parce qu'elles ne vivent pas à Libreville et ne sont
pas sur place avec les belles-filles, celles qui ont au moins quarante ans
n'ont pas encore d'enfants vivant en concubinage ou en mariage,
110 Raymond QUIVY et Luc VAN CAMPENHOUDT, op.cit.,
pp.229-230.
111 Jean-Ferdinand MBAH, La recherche en sciences sociales au
Gabon. Préface de Louis-Vincent Thomas, Paris, l'Harmattan, (coll.
« Logiques sociales »), 1987, p.123.
seulement des copines. Certaines brus ont refusé
catégoriquement de nous recevoir car elles ont gardé un mauvais
souvenir de leurs belles-mères et de leurs bellesfamilles.
Un autre fait qui a constitué une des limites à
notre étude, c'est le fait que certaines maisons étaient
inaccessibles dû au fait des barrières et grands portails, sans
oublier que ces mêmes concessions avaient des chiens (Bergers allemands
par exemple à Plaine Orety). On peut aussi évoquer le
problème des horaires de rendezvous fixées par nos
enquêtées, les entretiens se passaient pour la plupart la nuit,
généralement vers 21 heures dans le quartier Plaine Orety. Les
belles-mères et les belles-filles de Plaine Orety nous demandaient de
venir à même à 22 heures, peut être est-ce là
une tactique pour nous dissuader de revenir. Pour contourner les
difficultés, on avait recours de temps en temps à des personnes
intermédiaires (nos soeurs, nos tantes, des amies, condisciples de
classe, etc.) pour pouvoir nous prendre des rendez-vous et nous faciliter la
rencontre avec les enquêtées. Certaines enquêtées, en
l'occurrence les belles-mères âgées nous parlaient en
Nzébi, Sango et ont avait recours aux traducteurs parce que ne
maîtrisant pas correctement ces deux langues. Toutes ces
difficultés nous permettent de mesurer la portée d'une recherche
en sciences sociales au Gabon, mais aussi, permet au chercheur en formation que
nous sommes de mieux nous familiariser avec le terrain. Aussi, la
réalisation de ce mémoire est l'aboutissement d'un travail qui ne
peut toutefois revendiquer la perfection. Cependant, nous voulons tout de
même espérer que l'année prochaine si pour un
éventuel 3ème cycle, nous tenterons d'en compenser les
carences éventuelles qui se feront ressentir.
Introduction de la première partie
Comprendre comment nos sociétés
lignagères ont conçu et élaboré la question du
mariage au Gabon en période précoloniale est l'objectif de cette
première partie de notre Mémoire. Et pour y parvenir, il nous a
paru indispensable d'interroger l'histoire et en filigrane, les logiques qui
gouvernent l'institution du mariage, vu que celui-ci est un acte proprement
social et culturel. D'autant plus que « toute recherche a pour but
d'expliquer et de comprendre les faits sociaux. »112
Mais pourquoi avoir recours à l'histoire ? Pour la
simple raison que « les historiens sont des sociologues qui s'ignorent. Et
inversement, les sociologues, s'ils veulent construire et mettre à
l'épreuve leurs théories, doivent puiser dans les
matériaux livrés par les historiens. »113 Ce qui
nous permet de dire que le mariage au Gabon, du moins son
institutionnalisation, a une histoire que nous devons visiter pour tenter de
rendre compte de la nature des rapports entre brus, gendres et beaux-parents ;
que nous observons dans ledit Mémoire. Le recours à l'histoire
ici, à travers la question du mariage au Gabon en période
précoloniale, s'explique en outre par le fait que « si, de plus,
l'histoire est, pour les sociologues, une discipline importante, c'est aussi
parce que les individus que les sciences sociales étudient sont
eux-mêmes des produits de l'histoire. Autrement dit, l'histoire, selon la
formule de DURKHEIM, est notre "inconscient social". Nos
manières de penser, nos institutions, nos habitudes, qui paraissent
inscrites dans nos représentations collectives, trouvent leur origine
dans le passé. »114
112 Jean-) HEEc:c011)BA'-F ,ILa recherche en
sciences sociales au Gabon. Préface de Louis Vincent THOMAS,
3111011-F arINc,UERO. « Logiques sociales »),
1987, p.105.
113 Patrick CHAMPAGNE, La Sociologie,
Toulouse, Les Essentielles Milan, 2005, p.28.
114 Ibid., p.29.
Aussi, dans le meme ordre d'idée, cette première
partie de notre Mémoire intitulée « la question du
mariage au Gabon en période précoloniale » est
constituée de deux chapitres. Le chapitre premier a pour titre «
Aperçu historique sur la question du mariage » et le
second chapitre porte essentiellement sur « l'impact de la
période coloniale sur la société gabonaise. »
Chapitre I : Aperçu historique sur la question
du mariage.
Section 1 : Le mariage dans la société
traditionnelle.
Une première remarque s'impose sur la question du
mariage dans la société traditionnelle gabonaise en
général, chez les Myènè en particulier par exemple.
Comme l'écrit, à ce propos, l'historien Nicolas METEGUE
N'NAH115 « que la coutume du mariage n'existait pas dès
l'origine sous sa forme actuelle chez les Ngwèmyènè.
»116 Se focalisant sur les travaux du feu Pasteur
OGOULA-M'BEYE117, Nicolas METEGUE N'NAH retient de ces travaux que
« l'évolution vers l'institution du mariage légitime s'est
faite par étapes dans la société
ngwèmyènè. Ainsi, du concubinage primitif, les
Ngwèmyènè sont passés à un concubinage
amélioré, d'un type nouveau, ressemblant beaucoup plus aux
fiançailles et appelé "ôgoli".
»118 En fin de compte, cette section
s'atèle à mettre en évidence le mariage dans la commune
ancienne et la recherche de l'épouse.
1. La conception du mariage dans la commune ancienne.
Le concept du mariage est polysémique. De manière
générale l'encyclopédie AXIS119 définit
le mariage comme union légitime entre un homme et une femme, le
mariage est une institution universelle, à la fois
juridique et sociale, qui établit le statut des enfants tout en
créant des droits et des devoirs entre les conjoints et leurs et leurs
familles. Objet d'une certaine ritualisation, il présente des
modalités diverses selon les sociétés et selon les
époques. Nous convoquons Claude LEVI-STRAUSS120.
En effet, l'auteur note, en ce qui concerne le mariage dans
les sociétés traditionnelles, dans le Regard
éloigné (1983) que << dans toutes les
sociétés humaines, la création d'une nouvelle famille a
pour condition absolue l'existence préalable de deux autres familles,
prêtes à fournir qui un homme, qui une femme, du mariage desquels
naîtra une troisième famille, et ainsi de suite
indéfiniment. [...] Une famille ne saurait exister s'il n'y avait
d'abord une société : pluralité de familles qui
reconnaissent l'existence de liens autres que la consanguinité, et que
le procès naturel de la filiation ne peut suivre son cours
qu'intégré au procès social de
l'alliance.»121
De plus, le mariage est, selon le Larousse 2009, un acte
solennel par lequel un homme et une femme établissent entre eux une
union dont les conditions, les effets et la dissolution sont régis par
des dispositions en vigueur dans le pays, par les lois religieuses ou par la
coutume. Il s'étend aussi comme une cérémonie
organisée à l'occasion de la célébration de cette
union. Par ailleurs, c'est l'un des sept sacrements de l'Eglise catholique.
Par ailleurs, dans la société gabonaise il est
question du mariage coutumier selon Justine ELO MINTSA et Grégory NGBWA
MINTSA pour qui << le mariage, dans la tradition, en dehors d'unir deux
êtres pour fonder une famille, avait pour but d'unir des familles et des
clans pour une alliance quasi sacrée .Il existe deux étendues du
mariage dans la tradition : le mariage endogamique, qui consiste à
épouser un membre d'une famille ou de son clan, et le mariage
exogamique, qui consiste à épouser un membre d'une famille , d'un
clan ou d'une tribu autre que les siens.»122
120 Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre
« Sociologie de la famille », récupéré
de http : //
fr.wikipedia.org/wiki/sociologie
de la famille, 8 pages.
121 Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre
« Sociologie de la famille », récupéré
de http : //
fr.wikipedia.org/wiki/sociologie
de la famille, ibid., p.3.
122 Justine ELO MINTSA et Grégory NGBWA MINTSA,
Protocole du mariage coutumier au Gabon, Libreville, Polypress, 2003,
p.13.
Dans sa thèse de doctorat Florence BIKOMA123
définit le mariage comme « complexe des normes sociales
sanctionnant les relations sexuelles d'un homme et d'une femme et les liant par
un système d'obligations mutuelles et de droits. Il fait l'objet de
cérémonies rituelles publiques, conduites par un ou plusieurs
membres, qui statuent sur le fait que l'homme accepte la femme et que la femme
accepte l'homme comme épouse et époux. Le caractère
exclusif du mariage intègre l'homme dans la sphère des grands et
participe au changement de statut. Il socialise le couple. »124
Selon le Pasteur OGOULA-M'BEYE, chez les Myènè
(de la société traditionnelle), « il n'existait pas de vrai
mariage chez eux. On vivait en concubinage. L'homme pouvait changer de femme
à son gré. La femme pouvait aussi en faire autant, car elle
n'appartenait réellement à personne. Chacun pouvait la prendre
à qui mieux-mieux et c'est ce qui provoqua beaucoup d'ennuis pour
l'établissement d'un mariage. On vivait comme des cabris ou des moutons
disputant chèvres et brebis. Le mariage d'autrefois n'est pas loin de la
débauche des célibataires d'aujourd'hui. »125
Ici, le constat fait par le Pasteur à propos du mariage
dans la commune ancienne démontre qu'un libertinage sexuel existe et
laisse envisager qu'« aucun mariage vrai n'existait mais du concubinage.
»126 Ce point de vue développé sur l'union libre
ou concubinage est partagé par Steeve Thierry BALONDJI pour qui, «
il est en effet chose courante, dans notre société, que deux
personnes choisissent de faire vie commune sans se marier, s'unir civilement ou
coutumièrement. Ce choix de vie est connu sous le nom de
conjugalité de fait. »127 Or, « l'union libre
n'avait aucun statut dans nos traditions. C'était quelque chose
d'honteux. »128 Et comme il était
123 Florence BIKOMA, Socialisation de la femme accomplie
mukaas wadya makoma bya chez les Nzébi du Gabon, thèse de
Doctorat en Ethnologie-Anthropologie, Université Paul VALERY de
MONTPELLIER III, 2004, 457 p.
124 Florence BIKOMA, Socialisation de la femme accomplie
mukaas wadya makoma bya chez les Nzébi du Gabon, thèse de
Doctorat en Ethnologie-Anthropologie, ibid., pp.90-91.
125 Pasteur OGOULA-0 /(<(, Galwa ou Edongo d'antan, ibid.,
p.82.
126 Ibid., p.83.
127 Steeve Thierry BALONDJI, Les conjugalités de faits
en milieu ouvrier au Gabon, op.cit., p.1.
128 Ibid., p.34.
question de soigner son image par le mariage dans la commune
ancienne, « le bon "citoyen" était celui qui avait pris femme. Dans
le village, le concubin était un citoyen de second ordre, qui ne prenait
pas part à la direction de la "cité". »129
Après tout, « le concubinage c'est un gîte
de passage tandis que le mariage c'est le village. »130 Selon
les propos du Pasteur OGOULA-M'BEYE, de Nicolas METEGUE N'NAH et Anges
François RATANGA-ATOZ il ressort qu'il n'existait pas de mariage
dès l'origine sous sa forme actuelle, c'est-à-dire avant la
migration des Ngwèmyènè. Mais on vivait en concubinage en
d'autre terme en conjugalité de fait ou encore unions libres ; sources
de désordre, manque d'estime de soi et de conflits surtout chez les
femmes. Parce que la femme, étant le pilier de la famille (c'est elle
qui transmet la lignée), ne s'inquiétait pas de son entourage. La
femme n'appartenait à personne car les hommes se les échangeaient
comme des betes.
De ce fait, pour palier cette attitude d'insouciance, et aux
conflits engendrés par ces unions aventureuses capables de nuire
à la société, il fallait trouver une solution ; c'est
ainsi que l'homme qui voulait prendre une femme pour épouse devait
soumettre cette question à sa famille. Venons-en à présent
à la question relative à la recherche de l'épouse. Il faut
signaler à ce sujet que l'historien Nicolas METEGUE N'NAH tente de
récapituler l'origine du mariage dans la commune ancienne par le fait
que « du concubinage primitif, les Ngwèmyènè sont
passés à un concubinage amélioré, d'un type
nouveau, ressemblant beaucoup plus aux fiançailles et
appelé"ôgoli".»131
Pour rester dans cette même logique du mariage dans la
commune ancienne, un regard est aussi posé sur la société
traditionnelle Nzébi ; pour voir comment ce peuple percevait et
concevait le mariage. En effet, « le mariage existait mais pas le
concubinage car chez les Nzébi, ils n'acceptaient pas la
prostitution » nous a confié
129 Anges F. RATANGA-ATOZ, Les peuples du Gabon
occidental pendant la première période coloniale 1839- 1914,
Thèse de Doctorat ès Lettres option Histoire,
Université de REIMS CHAMPAGNE ARDENNES, Tome 1, 1996, pp483-484.
130 Pasteur OGOULA-D N( <( ,1op.cit., p. 87.
131 1 ITRUND ( 7( * 8 ( 1 1 $ +, Lumière
sur points d'ombre, op.cit., p.43.
monsieur Joseph Francis MAYOMBO NZENGUE132 lors
d'un entretien qu'il nous a accordé à cet effet. Autre point de
vue recueilli, c'est celui de madame veuve NDONG-MVE
Véronique133 pour qui, chez les fang, « le
concubinage n'existait pas, la dot n'existait pas en tant que telle, il
s'agissait seulement des échanges. Soit on échangeait la
nourriture ; soit la machette, la hache et le mariage était uniquement
une affaire des hommes. »
Après avoir traité de la conception du mariage
dans la commune ancienne, venons-en à présent à la
question relative aux contextes du mariage dans la société
gabonaise précoloniale.
2. Les contextes du mariage dans la société
gabonaise précoloniale.
La recherche de l'épouse pour certains, le choix du
conjoint pour d'autres, est une étape importante dans la vie de l'homme,
et partant, pour la création d'un nouveau lien de parenté et la
continuité d'un clan. Après le mariage la femme allait vivre dans
le village du mari ce qui faisait qu'elle était mieux connue.
Aujourd'hui lorsqu'on se marie on part habiter loin des parents pour
s'autonomiser ; le mariage à l'époque n'était pas pour
légitimer la femme au contraire, elle était comme une esclave car
c'est le mari qui décidait de tout.
Rappelons que le mariage commence par le choix du conjoint et
naît véritablement avec l'introduction du versement de la dot.
Celle-ci est au fondement du mariage, comme l'indique Louis ROUSSEL, «
l'importance du patrimoine, le souci de sa transmission ou de l'accroissement,
la nécessité de trouver un successeur
132 Entretien le 14 septembre 2008 avec monsieur
Joseph Francis MAYOMBO NZENGUE ; 53 ans, Nzébi de Lébamba ;
technicien de recherches en botanique, marié à la coutume et
à l'état-civil. Il est père de 9 enfants. Lieu de
l'entretien : Arboretum de Sibang.
133 Entretien qu'elle nous a accordé ce 17
septembre 2008, elle est veuve, ~gée de 50 ans, Fang de Bitam,
mère de 10 enfants. Ses parents ont eu à arranger son mariage.
Elle est sans profession et habite au carrefour B.2 de Libreville.
capable de le gérer, peuvent en effet rester
déterminant dans le choix d'un gendre ou d'une bru. »134
Cette situation montre que « chez les peuples de l'Ouest
du Gabon, on pouvait prendre femme de diverses façons. Dès que la
femme d'un ami était enceinte, on pouvait manifester le désir de
voir l'enfant à naître devenir "sa femme" ou "celle de son fils".
»135 Mieux, « dans le milieu Myènè-Nkomi
(peuple d'Eliwa) ce que nous conviendrons d'appeler "fiançailles" ou
"épousailles" étaient marquées par le passage d'un
bracelet en cuivre au bras de l'enfant [...] Ces préludes au
véritable mariage ont une signification très particulière.
En effet, il s'agit en quelque sorte d'une reservation, une promesse publique
de mariage. »136
Par ailleurs, chez les Nzebi, « le mariage se
concevait par les chefs de famille, pas parmi des familles inconnues, soient
connues comme des héros dans le vampire, sorcellerie, l'orgueil, sur le
manque de culture de la terre, et dans les prostitutions. Le mariage
se faisait par deux clans, et deux tribus opposées. Le
père était le premier à choisir la femme de son fils dans
une famille qu'il connaissait bien, la sollicitation d'une épouse pour
son fils pouvait se faire depuis la grossesse si celle-ci mettait au monde une
fille. La demande de la main de celleci se faisait devant une grand-mère
maternelle ou paternelle. »137
Toujours dans la formation sociale Nzebi, « au plan
psychologique, la célébration d'un mariage nécessite une
connaissance réciproque des deux familles, une connaissance des
antecedents genealogique et des differents groupes de filiation des deux
familles. Ainsi une verification prealable du clan, ibanda, du
pretendant et de son clan paternel, itèyi, etait necessaire car
si : le pretendant etait du même clan que le père de la fiancee,
il est alors son frère et par consequent le père de la fiancee ;
dans ce cas, le mariage demeura impossible. [...] De même que le clan
maternel. »138
134 Louis ROUSSEL, Le mariage dans la
société contemporaine. Faits de population, données
d'opinion. Préface d'Alain GIRARD, Paris, Puf, (coll.
« Travaux et documents »), cahier n°73, 1975, p.206.
135 Anges F. RATANGA-ATOZ, opcit., p.485.
136 Anges F. RATANGA-ATOZ, ibid, p.486.
137 Propos de monsieur Joseph Francis MAYOMBO
NZENGUE ; 53 ans, Nzébi de Lébamba ; technicien de recherches en
botanique, marié à la coutume et à l'état-civil. Il
est pqre de 9 enfants. Lieu de l'entretien : Arboretum de Sibang le 14
septembre 2008.
138 Florence BIKOMA, opcit, pp.90-91.
On peut se rendre compte que dans ces deux societes
lignagères, on pouvait choisir sa femme dans le ventre ou la reserver
pour son fils.
Une première remarque s'impose sur le fait que le choix
du conjoint ou la recherche de l'épouse était une affaire des
parents. En ce sens, Justine ELO MINTSA et Gregory NGBWA MINTSA, à
travers leur ouvrage139, presente trois types de mariages : le
mariage arrange, le mariage choisi et le rapt ; nous scrutons le mariage
arrange. En effet, « autrefois, les mariages etaient, le plus souvent,
arranges. Ce type de mariage n'était l'affaire de deux êtres qui
s'aiment. Il liait avant tout, des familles, des clans. On pourrait meme dire
que l'organisation du mariage impliquait plus les parents que le futur couple.
Généralement ce mariage s'effectuait sur la base de bonnes
relations existant entre deux individus.»140
Louis ROUSSEL pense, pour sa part, qu'« au modèle
du mariage traditionnel "arrange" par les familles, on oppose le mariage
contemporain oil les jeunes gens, sans aucune pression extérieure se
rencontrent, s'aiment et se marient. »141 De plus, les exemples
les plus significatifs sont ceux des peuples du Sud dits "sudistes" et des Fang
; en ce sens que « chez les Fang (peuples du Nord et du Littoral-Ogooue)
la recherche de l'épouse était strictement une affaire des
parents. La famille du garçon s'accordait avec celle de la fille pour de
futures "epousailles". »142
De même chez les Akele, le mariage etait aussi une
affaire des parents ; comme nous le rapporte madame Helène
YAYE143 : « J'ai été mariée au neveu
de mon père car sa femme ne faisait pas d'enfants. Son neveu
était venu demander à mon père, son oncle, de lui donner
une de ses filles, la dernière, donc moi. Etant donné qu'il
n'avait pas d'enfants, mon père ma donné en mariage à ce
dernier en lui disant de bien me garder parce que je suis sa
139 Justine ELO MINTSA et Grégory NGBWA MINTSA,
Protocole du mariage coutumier au Gabon, Libreville, Polypress, 2003,
91 p.
140 Justine ELO MINTSA et Grégory NGBWA MINTSA,
Protocole du mariage coutumier au Gabon, ibid., p.18.
141
Louis ROUSSEL, Le mariage dans la société
contemporaine, op.cit, p.204.
142 Anges F. RATANGA-ATOZ, op.cit., p.487.
143 Entretien avec madame Hél~ne YAYE,
~gée de 58 ans, d'ethnie Akélé de Mouila. C'est l'une de
nos enquêtées que nous avons rencontrée au village
artisanal de la "Pierre de Mbigou" au quartier Alibandengue de Libreville ce 5
septembre 2008.
petite soeur. Je faisais une semaine chez mes parents, une
semaine chez lui, pour mieux le connaître, ce qu'il aime et ce qu'il
n'aime pas jusqu'au jour où il a amené la dot ;
c'est-à-dire deux cabris. Et je lui ai fais des enfants, qui
n'appartenaient pas à sa première épouse, mais à
moi et à mon mari. Je me suis mariée en 1960. Lorsque les parents
te donnaient un mari, tu ne pouvais pas dire non devant eux sinon on pouvait te
maudire, ne plus faire des enfants, voire même te tuer car c'était
un déshonneur pour eux. Si tu ne voulais pas du gars, tu fuyais
très loin, tu allais dans un autre village de peur qu'on te tue. Et tu
ne devais revenir chez tes parents que si tu trouvais un autre mari et ce
n'était pas du coup, après plusieurs
années.»144
Ces exemples, en ce qui concerne la recherche de
l'épouse ou le choix du conjoint, nous permettent de nous rendre compte
que « selon l'ancien ordre social, les relations entre un homme et une
femme se réglaient toujours par l'intermédiaire des groupes au
sein desquels chacun d'eux s'inscrivait. Il n'existait guère cette
rencontre directe à laquelle poussent les inclinations et les
affinités physiques-ces "appétits" qui, selon l'expression de
MONTAIGNE, "tiennent au corps et à l'âme".»145
Ainsi, la recherche de l'épouse qui entérinait
l'institution du mariage chez les Myènè par exemple ; attestait
bien que « l'homme qui voulait prendre une femme pour épouse,
après s'être entendu tous les deux, soumettait alors la question
à son oncle maternel surtout, et exceptionnellement à son
père, si celui-ci vivait encore avec sa mère. L'oncle ou le cas
échéant le père du fiancé partait avec les deux
amoureux chez les parents de la future pour leur dire : ces deux personnes
s'aiment, ils veulent se marier. Si les parents de la femme acceptent la
proposition, le prétendant liait alors un bracelet de ficelle autour du
bras droit de sa promise. C'est ce qui donnait des prérogatives à
toute rivalité éventuelle.»146
Le Pasteur OGOULA-M'BEYE poursuit : « lorsqu'une personne
avait porté son choix et marqué d'un bracelet de ficelle le bras
droit d'une femme voire d'une fillette, cet homme entérinait son acte de
mariage en aidant ses beaux-parents dans
144 Propos de madame Hél~ne YAYE, kgée de 58 ans,
d'ethnie Akélé de Mouila.
145 Georges BALANDIER, Afrique ambiguë, Paris,
Plon, (coll. « Terre Humaine »), 1957, p.38.
146 Pasteur OGOULA-M'BEYE, Galwa ou Edongo d'antan, op.cit.,
p.84.
leurs divers travaux, en leur procurant éventuellement
de la viande et le cas échéant, en exécutant leurs
diverses commissions.»147
A ce niveau, Nicolas METEGUE N'NAH pense que le <<
nouage du bracelet autour du bras de la jeune fille n'était que le
symbole de l'union dont l'élément fondamental, à ce stade
de l'évolution du régime matrimonial chez les
Ngwèmyènè, était les services rendus par le gendre
à sa belle-famille.»148 Nous retiendrons que le nouage
du bracelet autour du bras de la jeune fille n'était que le symbole de
l'union mais la femme continuait à habiter chez ses parents. En
définitive, cela conduira les Myènè à
institutionnaliser la dot ; qui viendra établir la légitimer et
la légalité de l'union. Car, avec la dot, « le mari eut le
droit d'emmener son épouse chez lui.»149
En fin de compte, que se soit chez les Fang, les
Myènè, les Akélé, les Nzébi ou tout autre
ethnie du Gabon, nous partageons le point de vue de RATANGA-ATOZ selon lequel
<< la société traditionnelle tenait peu compte de la
liberté de choix des enfants »150 et donc, que le choix
du conjoint à l'origine, revenait exclusivement à la famille. La
future épouse était toujours choisie dans une famille amie ou
connue et de bonne réputation.
147 Ibid., p.84.
148 Nicolas METEGUE N'NAH, Lumière sur points
d'ombre, op.cit., p.44.
149 Nicolas METEGUE N'NAH, Lumière sur points d'ombre,
ibid., p.44.
150 Anges F. RATANGA-ATOZ, op.cit., p.487.
Section 2 : Echanges relationnels entre la bru et la
bellefamille.
Cette section s'attellera à nous présenter la
nature des relations qui ont existé entre la bru et la belle-famille au
Gabon, en période précoloniale. Car << face au réel,
ce qu'on croît savoir offusque ce qu'on devrait savoir. Quand il se
présente à la culture scientifique, l'esprit n'est jamais jeune.
Il est même très vieux, car il a l'âge de ses
préjugés. Accéder à la science, c'est simplement
rajeunir, c'est accepter une mutation brusque qui doit contredire un
passé. »151 Aussi verrons-nous d'abord, les devoirs de
la bru vis-à-vis de la belle-famille puis les rapports conflictuels ou
rapports de force existants susceptibles d'y surgir.
1. Les devoirs de la bru vis-à-vis de la
belle-famille.
<< La bonne épouse était avant tout la
"bonne paysanne", dure à la peine et préparée à
accepter la condition qui lui était offerte. N'ayant jamais connu "autre
chose", les filles des hameaux voisins et de toute la zone des collines
étaient plus disposées à s'accommoder de l'existence qui
leur était promise par le mariage ; nées et élevées
dans une aire relativement fermée aux influences extérieures,
elles avaient
moins de chance aussi de juger leurs partenaires
éventuels selon des critères
hétérodoxes.»152
Il faut d'abord rappeler que la jeune fille était
mariée très jeune pour s'adapter aux conditions de vie de la
belle-famille ; on l'éduquait rien que pour les travaux champêtre
et ménager, pour puiser de l'eau et surtout pour être soumise.
Elle avait ainsi, avant l'âge de la consommation du mariage, la
possibilité d'aller séjourner auprès des parents de son
mari et d'apprendre, au contact des femmes qui connaissaient, les goûts
et les habitudes de ce dernier ; ce qu'elle devait faire ou éviter pour
vivre en bonne intelligence avec lui.
Selon Justine ELO MINTSA et Grégory NGBWA MINTSA, il
faut restituer d'abord le contexte du mariage arrangé où
l'école, les boites de nuit, les cinémas, les bureaux, ou autre
lieu de rencontre facilitant les contacts, n'existaient pas. « Dans ce
contexte, il existait un consensus sur le rôle d'un mari et celui d'une
femme. Ces valeurs étaient inculquées depuis la tendre enfance.
Le système marchait fort bien : les garçons étaient
élevés pour être de bons époux et de bons
pères, avec toutes les contraintes et les devoirs que cela impliquait,
tandis que les filles étaient conditionnées pour être de
bonnes épouses et de bonnes mères.»153
Nous savons aussi maintenant que la grande famille africaine a
une tendance à vivre dans les capitales africaines avec tous les
corollaires que cela peut comporter. Ce combat d'arrière-garde, est
illustré par exemple par « Hadja Oumou Coulibaly, une
octogénaire. Mère de 7 garçons aujourd'hui tous
mariés, nous fait sa confidence. "Quand mon mari est parti à
l'exode, je suis restée au service de mes beaux-parents pendant 19 ans.
Je n'ai jamais rechigné aux tâches ni aux invectives quotidiennes.
Pires, les autres frères et soeurs de mon mari m'en imposaient tous.
Mais j'ai supporté tout ça, parce qu'il est dit qu'une femme
soumise est toujours récompensée de son
152Pierre Bourdieu, Le bal des
célibataires. Crise de la société paysanne en
Béarn, Paris, édition du Seuil, (coll. « Point
s»), 2002, p.232.
153 Justine ELO MINTSA et Grégory NGBWA MINTSA,
Protocole du mariage coutumier au Gabon, Libreville, Polypress, 2003,
p.18.
dévouement.»154 Cet exemple nous permet
de voir comment une belle-fille se comportait vis-à-vis de sa belle
famille et les devoirs auxquels elle devait s'y astreindre.
L'exemple de notre enquêtée madame
Hélène YAYE confirme nos dires selon lesquels elle fut en mariage
très jeune : « je suis allée en mariage à 10 ans
chez le neveu de mon père, car sa femme ne faisait pas d'enfants. Je
faisais une semaine chez moi, une autre chez lui, pour connaître ce que
mon futur mari aimait. Ce que je raconte, c'est aussi la même histoire
pour ma maman ; qui est morte en 1968. »155
Par ailleurs, on doit noter que qu'à cette
époque, on ne choisissait pas n'importe quelle femme, on voyait d'abord
le comportement de la jeune fille, c'est-àdire la politesse, le fait
qu'elle soit travailleuse. Elle était envoyée très
tôt en mariage parce que les parents voulaient manger vite la dot. Mais
c'était aussi dans le but de lui faire inculquer une éducation
propre à sa belle-famille et dont l'objectif de faire d'elle une femme
soumise, travailleuse et respectueuse de la hiérarchie familiale et
conjugale. Puisqu'on ne naît pas femme, on apprend à le devenir
grâce à la socialisation. Et ses rapports étaient
basés sur la dépendance de cette dernière envers son mari
et sa belle-famille.
Nonobstant les problèmes rencontrés dans le
couple ou avec la belle-famille, la femme ne pouvait répondre à
sa belle-famille ou quitter le domicile conjugal. Elle était contrainte
d'y demeurer et d'être soumise. La belle-fille était malgré
tout considérée comme une enfant par sa belle-mère et son
beau-père. La belle-mère devenait une seconde mère et
était une conseillère pour la bru. Cette dernière
travaillait la plupart du temps pour son mari car « dans le système
traditionnel, les femmes sont habituellement soumises à leur mari,
à la fois socialement et
154 « Des échanges relationnels conflictuels
» par Dalila SOLTANI in Le mague-journal de
culture-société- people-Décryptage Télé,
tiré de www.lemague.net/ dyn/spip.php., p.6.
155 Propos de madame Hélène YAYE.
économiquement >>156 , pour ses
enfants, et savait satisfaire les besoins des membres de la famille. Elle
devait également montrer son efficacité à la belle-famille
; c'est à ce moment là que les belles-soeurs en profitaient pour
ne rien faire.
Puisqu'à tout moment n'importe quel parent du mari
pouvait venir lui demander à manger, parfois l'envoyer chercher de
l'eau, lui faire balayer la chambre, laver le linge sans qu'elle ne refuse
parce qu'il fallait qu'elle montre son image de femme travailleuse. Madame YAYE
poursuit encore : <c la plupart du temps se sont les belles-soeurs ; les
beaux-frères qui vous embêtent. On ne devait pas refuser. Par
exemple, on te dit d'aller puiser de l'eau, ou essayait même la fille
pour voir si elle avait reçu une bonne éducation en mettant les
arachides dans la calebasse. Si elle mange, on dit qu'elle n'est pas une bonne
femme ; quand tu ramènes on dit que t'es une fille. Même si la
belle-soeur te parle mal, tu ne dois pas rendre. Aujourd'hui, les
beaux-frères pouvaient dire qu'on veut manger les feuilles de manioc, tu
te devais de les préparer.>>157
Ce qu'il faut garder à l'esprit c'est que <c la
fille doit embrasser la famille du mari ; du mari à la tante (soeurs,
frères, père, mère)>>158 dans la
mesure où « le mariage est ainsi, essentiellement, une union entre
deux familles plutôt une union entre deux individus.
>>159 Ou encore comme l'écrit le Pasteur OGOULA M'BEYE,
par le mariage, il ne s'agit pas de faire des palabres plutôt constituer
une nouvelle famille où l'harmonie et le respect doivent
prévaloir de part et d'autre. Point de vue que nous partageons aussi.
Même nos enquêtées ont mis en
évidence ces rapports de soumissions auxquels elles étaient
contraintes car « à notre époque, mes parents m'ont
appris que je devais respecter ma belle-famille, être travailleuse et
avoir un bon comportement pour que je sois bien
gardée.>>160 Bref, la bru était
obligée d'être soumise surtout si l'homme est
156 Aderanti ADEPOJU et al, La famille africaine. Politiques
démographiques et développement. Préface de Lamine
NDIAYE, Paris, Karthala, (coll. « Questions d'enfances
»), 1999, pp.85-86.
157 Propos de madame Hélène YAYE.
158 Propos de monsieur Joseph Francis MAYOMBO NZENGUE.
159Aderanti ADEPOJU et al, La famille africaine.
Politiques démographiques et développement, op.cit.,
p.110.
160 Propos de madame E.T., 63 ans, Fang, retraitée, 7
enfants, à la fois bru et belle-mqre. Entretien qu'elle nous a
accordé en juin 2008 à son domicile sis à l'Ancienne
Sobraga.
toujours dans les mamelles de sa mère, tant qu'elle vit
dans la maison de la bellefamille, elle était contrainte de s'occuper de
sa belle-famille.
En définitive, s'il n'ya pas soumission ni respect de
la bru envers sa bellefamille, cette situation peut constituer une des
prémices aux éventuels rapports conflictuels entre cette
dernière et sa belle-famille.
2. Rapports de force existants.
La vie du couple est, à ce qui semble, rythmée
par la succession des bons et mauvais moments. En effet, en dépit des
rapports de soumission et de respect, les rapports conflictuels pouvaient
surgir ; cependant ils restaient latents. Ils demeuraient donc latents parce
qu'il y avait des valeurs de respect classées sous la rubrique de
convention ; d'où un certain consensus entre parents qui s'était
installé, vu que le mariage était arrangé par ces
derniers. « Ce type de mariage, certes, pouvait présenter quelques
difficultés : il pouvait arriver que, même sous la pression la
plus forte, un des deux refuse le conjoint qui lui a été choisi.
Toutefois, il semble qu'il y avait moins de conflits.»161
Le plus souvent le conflit, a priori, provenait des
belles-soeurs, des beauxfrères, des cousins, car ils pouvaient prendre
la jeune mariée comme une esclave ; c'est-à-dire en «
t'envoyant trois ou quatre fois voire plus sans repos en disant va me
puiser de l'eau ; sert-moi ; on ne veux plus manger cela, prépare nous
telle chose.»162 Ce qui faisait que le jeune fille( bru)
pouvait, dans ce cas de figure ,oser répondre, estimant que la
circonstance était abusive ou, elle boudait et parfois, prenait
l'initiative de retourner chez elle.
C'est comme ça « que le père du mari
venait encore prier la belle-famille pour que la bru retourne en mariage et
pour cela, il donnait encore une nouvelle marchandise comme le vin, le
cabris »163 en guise d'amande. On peut aussi corroborer le
point de vue
161 Justine ELO MINTSA et Grégory NGBWA MINTSA,
op.cit, p.19.
162 Propos de madame Hélène YAYE.
163 Propos de monsieur Joseph Francis MAYOMBO NZENGUE.
d'Annick Sandra NYINGONE pour qui « ces conflits ne
devaient pas avoir lieu en présence du mari qui incarnait
l'autorité et le respect. Il y avait certainement des murmures de
mécontentement, des tentatives de règlements de compte, mais dans
l'ombre. »164 On notera aussi que « quand tu
appréciais un garçon ou tu faisais n'importe quoi, t'avais peur,
car cela faisait des problèmes avec la belle-famille ; on te
surveillait. Quelques fois, les soeurs présentaient encore d'autres
femmes à leur frère sachant qu'il est
marié.»165
Signalons au passage qu'il n'y avait véritablement pas
de conflits entre bru et belle-mère d'après notre enquetée
madame Hélène YAYE ; et si ils survenaient ; c'est conflits
étaient latents vu qu'on ne pouvait pas parler avec sa
belle-mère. Nous le répétons il y avait certainement des
murmures de mécontentement, mais tout ceci se faisait dans la
discrétion. Si la bru venait à mal se comporter, cela se
réglait en conseil de famille afin de ramener le calme parce qu'il y
`avait des philosophes coutumiers dans chaque famille.166
L'exemple de madame I.A167, qui a passé 15
ans dans sa belle-famille, étant donné que ses beaux-parents
l'ont prise à l'age de 8 ans et l'ont élevée, nous
édifie sur ces rapports conflictuels entre bru et la belle-famille. Elle
nous a confié qu'elle a eu de bons rapports avec sa belle-mère
mais la situation était tout autre avec ses belles-soeurs et ses
beaux-frères. En effet, « les belles-soeurs et les
beaux-frères étaient jaloux, ils inventaient des histoires
à propos de mon sujet en mal. Exemple, ta femme, dès que tu parts
au travail, elle sort. A un moment donné, ma belle-mère avait
pris en compte ces histoires et était devenue contre moi. Elle faisait
même deux jours sans me parler, sans manger ma nourriture. Mais je
partais toujours vers elle, demandais pardon même pour les choses que je
ne reconnaissais pas ; jusqu'à ce qu'elle comprit que c'étaient
ses filles qui
164 Annick Sandra NYINGONE, op.cit., p.71.
165 Propos de madame Hélène YAYE.
166 Selon les propos de monsieur Joseph Francis
MAYOMBO NZENGUE, chaque famille avait (chez les Nzébi par exemple) des
philosophes coutumiers, c'est-à-dire des gens qui, comme les
célébrants des mariages ou Okambi, réglaient certains
probl~mes au sein des foyers et apportaient des conseils dans
l'intérêt de la bonne marche de la famille.
167 Entretien avec madame I.A, Nzébi, 43 ans,
sans profession, mariée à la coutume et à
l'état-civil avec 7 enfants.
étaient à l'origine des problèmes ; elle
avait découvert une lettre écrite par sa fille demandant à
son fils de me chasser. »168
Dans la même perspective, madame Y.H169 nous
a déclaré qu'elle passait juste des journées avec sa
belle-mère pour se connaître. Le conflit a débuté
plutôt avec ses belles-soeurs qui demandaient de l'argent à leur
frère. Celui-ci répondait qu'il n'en avait pas. C'est ce qui a
fait « qu'elles s'acharnaient sur moi en me traitant de mauvaise.
Elles me disaient aussi que si je crois que j'ai trouvé le
mari~ je me trompe. D'où ma bellemère a
commencé à surveiller la maison et affirmait que son fils
participe seul aux besoins du ménage et que l'éducation des
enfants n'est pas bien faite.»170
Cette situation prouve que la belle-famille a un pouvoir, une
influence sur la bru. Mais avec l'arrivée des colons, les changements
considérables se sont opérés dans l'éducation de la
bru. D'où nous nous posons la question de savoir quelles sont les
incidences de la colonisation ?
Selon monsieur MAYOMBO NZENGUE, les conflits pouvaient se
résumer au fait que si « si la bru était gentille, elle
riait beaucoup avec n'importe qui, les belles-soeurs faisaient les
commérages qu'elle est bordelle, parce qu'elle rit avec les hommes,
quelques fois c'est motivé par l'homme ; il laisse sa femme sous la
garde de ses soeurs. Si elles te voient quelque part avec un homme, elles
partent rapporté et cela créait des
tensions.»171 Tout bien réfléchi, il n'y
avait pas de conflit entre belle-mère et belle-fille mais des
incompréhensions dans la maison. Par exemple, « si le mari de
la bru avait des cuisses légères, tu parts parler à la
belle-mère d'un mauvais ton. Et là, elle pouvait ne pas
apprécier mais ce n'était pas courant ; vu que ce n'était
pas facile d'adresser la parole au beau-père ou à la
belle-mère ; cela faisait en sorte que le mariage ne dure pas et qu'il y
ait divorce. »172
168 Propos de madame I.A.
169 Entretien avec madame Y.H, 40 ans, psychologue,
Myènè, qui vit en concubinage depuis 9 ans, 2 enfants. Elle
travaille à l'hôpital Général de Libreville et a
accepté de nous recevoir en mai 2008 à son lieu de travail.
170 Propos de madame Y.H.
171 Propos de monsieur Joseph Francis MAYOMBO NZENGUE.
172 Ibidem.
Chapitre II : L'impact de la période coloniale
sur la société gabonaise.
Avec l'irruption du mode de production capitaliste, et
partant, de l'implantation de l'administration coloniale au Gabon et ses
corollaires ; il s'agit en fait de la désagrégation du mode de
production lignager ; mieux, il s'agit d'un "traumatisme colonial". En effet,
comme l'écrit l'historienne Florence BERNAULT173 ; à
travers la colonisation et surtout l'institution des nouvelles valeurs
occidentales (école, église, salariat, état-civil, etc.)
ce qui a changé, « c'est la conscience d'une immense fragilisation
de la reproduction lignagère et familiale »174 au
Gabon.
Aussi, ce chapitre nous permettra de nous rendre compte, autant
que faire ce peu, de l'impact de la période coloniale sur le mariage
dans la société gabonaise.
173 Florence BERNAULT, Economie de la mort et
reproduction sociale au Gabon, in Mama Africa :Hommage à Catherine
COQUERY-VIDROVITCH, edited by Odile G2 ( 5 * LIt IWIN:III) $ 1 ' (
,I3EUVIT1-F apLIWQMILLEL, E 12 p.
174 Ibid., p.8.
Section 1 : Instrumentalisation des valeurs
occidentales.
Par "valeurs occidentales", nous entendons ici l'école,
le catholicisme, le salariat, mais surtout, la célébration des
mariages à l'église et devant l'administration coloniale en place
au Gabon.
1. L'école, le travail salarié et
l'Eglise.
Considérons d'abord l'exemple de l'école ; pour
tenter de montrer son rôle dans les changements intervenus au Gabon. En
effet, que l'administration ait été directe (Belgique, France,
Portugal) ou indirecte (Angleterre), il faut dire que l'école a
été introduite pour former ses auxiliaires ainsi que ceux de la
religion et du commerce. Dans un premier temps, elle s'est adressée aux
chefs coutumiers sur lesquels le pouvoir entendait s'appuyer. Cependant, au
début, ces derniers étaient peu motivés car ils y
percevaient là une attaque contre leurs traditions, leurs moeurs, leurs
coutumes. Aussi envoyèrent-ils les fils de leurs dépendants tout
comme ils les envoyèrent aux chantiers, aux plantations, à
l'armée. D'où, s'est amorcée la transformation de la
société traditionnelle par l'émancipation des esclaves
qui, grace à la scolarisation et le salariat, ont obtenu souvent une
position économique supérieure à celle de leurs anciens
maîtres. Ceux-ci se rendront compte alors assez vite de
l'intérêt que présentait l'école pour le maintien et
l'extension de leur influence.
En définitive, ils changèrent leur attitude en y
envoyant désormais leurs propres enfants.175 Ce qui fait que
va se constituer une couche moyenne intermédiaire entre les blancs et la
masse de la population : ce sont "les évolués" ; dont
l'administration coloniale veillera à en limiter le nombre, de peur
d'être débordée. Dans le même ordre d'idée, le
travail salarié a permis également une mutation de l'organisation
sociale gabonaise. Ici, il s'agit de l'introduction de l'argent en
échange
d'un travail manuel intense à réaliser dans les
chantiers ou les plantations. Car l'administration coloniale avait pour souci
de mieux s'implanter et pour se faire, avait besoin d'une main d'oeuvre
abondante et bon marché pour batir les infrastructures (routes, ponts,
écoles, dispensaires...)
Pour rester dans cette perspective du salariat, il faut dire
que le choix du conjoint est « de plus en plus libre et les conjoints
s'ils se marient n'attendent plus le concours de l'ensemble de la famille. Car
par le passé, les rites contribuaient eux aussi à la promotion de
la vie, du mariage et des naissances. »176
En outre, le rôle de l'Eglise dans cette
société traditionnelle lignagère n'est pas en reste. On
peut par exemple s'appuyer sur le roman de Chinua ACHEBE "Le monde
s'effondre" pour voir l'impact des missionnaires dans le village Ibo au
Nigeria et où cette société traditionnelle va être
bouleversée. Pour le personnage principal du roman (Okonkwo), le monde
s'effondre parce qu'il s'agit de la profanation de la foret sacrée et
interdite, forêt des ancêtres, des génies protecteurs du
village par les missionnaires blancs. De plus, les enfants vont être vite
convertis au christianisme.
Au Gabon, la situation a été a priori similaire
; puisque quand l'école apparaît, elle sert à former les
dirigeants religieux et civils ainsi que les scribes destinés à
les seconder dans l'administration politique et économique. L'exemple de
l'Eglise catholique177 qui, pendant deux siècles, a
exercé un quasi monopôle sur l'éducation des jeunes
gabonais. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'avec l'Eglise, il s'agit de la
criminalisation des coutumes gabonaises, avec l'aide de l'administration
coloniale comme l'écrit Florence BERNAULT. Parmi ces coutumes, il y a la
prohibition du mariage coutumier et l'exigence de la dot, qualifiée
d'achat de la femme.
176 Steeve Thierry BALONDJI, Les
conjugalités de faits en milieu ouvrier au Gabon, op.cit.,
p.28.
177 On peut mentionner par exemple l'action du pqre
BESSIEUX, qui débarqua au Gabon dans les années 1843 ; fondateur
du coll~ge qui porte son nom. Comme aussi la création des coll~ges
catholiques à l'intérieur du pays ; Val Marie de Mouila, Sainte
Marie, Immaculée Conception, Quaben à Libreville, etc. Sans
oublier la présence de l'Eglise protestante à
Lambaréné, avec la Mission Protestante de Ngomo n'Oronga, qui a
participé à la formation de certains cadres actuels du pays.
2. Institution du mariage à l'état-civil et
à l'Eglise, évolution du mariage coutumier et persistance du
concubinage
Pour être en conformité avec l'administration
coloniale via la célébration du mariage à
l'état-civil d'une part, d'autre part, pour être en accord avec
Dieu et donc la célébration du mariage à l'Eglise, les
autochtones devaient respecter ces deux usages s'ils voulaient, ou du moins,
espéraient être pris en compte par le colonisateur et
bénéficier de certains avantages dans la société
tels le statut ; voir être pris pour modèle.
On pourrai prendre l'exemple sur la Bible ou parole de Dieu
où il est écrit : « c'est pourquoi l'homme quittera
père et mère et pour s'attacher à sa femme, et ils
deviendront tous deux un seul être. »178 Dans le
même ordre idée, et pour être en conformité avec la
loi divine, les futurs mariés devaient être baptisés et
suivre régulièrement le catéchisme, etc. Il ya lieu de
préciser ici que tout mariage célébré à
l'Eglise catholique ne connaît pas le divorce puisqu'il s'agit de deux
êtres unis par Dieu, seule la mort doit les séparer.
En ce qui concerne le mariage institué par le code
civil, « le mariage est un acte civil, le contrat par lequel deux
époux s'engagent à vivre ensemble, à se prêter
mutuellement assistance. Ce contrat stipule de manière plus ou moins
explicite, les droits et les obligations réciproques aux époux.
Par la même occasion, le mariage légitime la procréation au
regard de la société. »179 Sous l'influence de la
colonisation, la société gabonaise dans son ensemble,
particulièrement l'institution matrimoniale gabonaise, a connu de
grandes mutations ; introduction du mariage à l'état-civil et du
mariage à l'Eglise.
Le mariage coutumier n'est pas en reste dans ces mutations
puisqu'il a vu sa célébration évoluer avec l'introduction
de la dot ; en tant que nouvelle institution obligatoire qui « consolida
le mariage et pallia à beaucoup de lacunes. C'est ce qui fit
178 La Bible Expliquée. Ancien et Nouveau Testament.
Traduite de l'Hébreu et du grec en français courant, Paris,
société biblique française/Alliance biblique universelle,
2004, p.7.
179 Denise NGWAGANGA, Représentation sociale du
mariage chez la femme salariée, op.cit., p.14.
admettre cette coutume de doter la femme à toute
l'ethnie Ngwèmyènè »180 et à
l'ensemble des ethnies du Gabon comme indispensable.
Toutefois, devant cette institution du mariage à
l'état-civil et à l'Eglise, devant l'évolution du mariage
coutumier, il ya tout de même une persistance du concubinage.
En effet, on peut faire remarquer que cette persistance du
concubinage n'est pas un mythe, plutôt une réalité dans la
formation sociale gabonaise ; et demeure une question à l'ordre du jour.
Il ya lieu de rappeler qu'« avant la migration des
Ngwèmyènè, il n'existait pas de vrai mariage chez eux. On
vivait en concubinage. »181 Mieux, « aucun mariage vrai n'existait
mais du concubinage. »182
Il est à noter également qu'avec la
colonisation, les us et coutumes ont changé et Steeve BALONDJI nous le
rappelle aussi, d'autant plus qu« aujourd'hui bien des couples
décident de faire vie commune sans passer par le mariage, c'est le
domaine de l'amour sans formalité. »183
Après avoir effectué un constat, et
peut-être s'inscrivant dans la vision du Pasteur OGOULA-M'BEYE, et
malgré l'institutionnalisation du mariage à l'état-civil,
à l'Eglise et devant l'évolution du mariage coutumier, Steeve
BALONDJI tire la conclusion selon laquelle le nombre de couples vivant en union
libre ne cesse de croître. Enfin, « certains jeunes opteraient pour
l'union libre qui serait l'illustration d'un amour libre et
préférable sans contrainte.»184
Section 2 : Le choix ou la rencontre du conjoint.
180 Pasteur OGOULA-M'BEYE, op.cit., p.89.
181 Ibid., p.82.
182 Ibid., p.83.
183 Steeve Thierry BALANDJI, op.cit., p.2.
184 Louis ROUSSEL, Le mariage dans la société
contemporaine. Faits de population, données d'opinio Préface
d'Alain GIRARD, Paris, Puf, (coll. « Travaux et
documents »), cahier n°73, 1975, p.290.
Le choix ou la rencontre du conjoint est, selon nous,
l'étape première qui peut déboucher au mariage et donc
à la formation d'une famille. Cette étape nous
révèle deux dimensions : d'abord la place de la famille dans le
choix du conjoint ; puis le choix ou la rencontre de celui-ci comme affaire
individuelle.
1. La place de la famille dans le choix du conjoint.
En ce qui concerne la place de la famille dans le choix du
conjoint dans cette société traditionnelle gabonaise, nous dirons
que la famille a toujours eu une influence considérable dans le choix du
conjoint ; voire de la conjointe surtout. Dans la mesure où le mariage
sous-tend un arrangement familial, particulièrement pour une
stratégie patrimoniale, et vu que « l'importance du patrimoniale,
le souci de sa transmission ou de son accroissement, la nécessité
de trouver un successeur capable de le gérer, peuvent en effet rester
déterminant dans le choix d'un gendre ou d'une
bru. »185
Pour rester dans le même ordre d'idée selon
lequel, dans la société traditionnelle, la place de la famille
dans le choix du conjoint est prépondérante, BOURDIEU pense que
« l'initiative du mariage revenait non aux intéressés mais
aux familles, les valeurs et les intérêts de la "maison" et de son
patrimoine avaient plus de chances de triompher contre les fantaisies ou les
hasards du sentiments. »186
Ceci nous permet de dire que dans la société
traditionnelle gabonaise, le choix du conjoint n'était pas une "affaire
individuelle", libre, du ressort exclusif des intéressés ;
plutôt celui de la famille ; en quête d'une préservation
d'un éventuel patrimoine. C'était le temps des mariages
"arrangés" dans l'intérêt de la famille d'abord et
permettaient, si possible, d'éviter le désordre, les disputes par
la suite.
Pour renchérir notre propos, lequel propos met en
évidence la place prépondérante de la famille pour le
choix du conjoint, nous nous appuyons sur le
185 Ibid., p.206.
186 Pierre BOURDIEU, Le bal des célibataires. Crise de
la société paysanne en Béarn, Paris, Editions du
Seuil, (coll. « Points »), 2002, p.231.
Pasteur OGOULA-M'BEYE pour qui, « l'homme qui voulait
prendre une femme pour epouse ; après s'etre entendu tous les deux,
soumettait alors la question à son oncle maternel surtout, et
exceptionnellement à son père, si celui-ci vivait encore avec sa
mère. L'oncle ou le cas échéant le père du
fiancé partait avec les deux amoureux chez les parents de la future pour
leur dire : ces deux personnes s'aiment, ils veulent se marier. Si les parents
de la femme acceptent la proposition, le pretendant liait alors un bracelet de
ficelle autour du bras droit de sa promise. »187
Tout cela nous amène finalement à tirer la
conclusion selon laquelle, dans la societe traditionnelle gabonaise, les
parents, la famille en general a toujours eu une place
prépondérante quant au choix du conjoint, et qu'en
définitive, « ni le mariage ni la vie conjugale n'étaient
donc vécus comme affaires privees. »188
En definitive, nous retenons ici que le choix du conjoint et
partant, le mariage concretise et officialise un arrangement familial. Les
demarches en vue du mariage sont amorcees par les parents. A près tout,
cette preponderance de la famille dans le choix du conjoint dans cette societe
traditionnelle est aussi mise en exergue par Simon David YANA189
pour qui, le choix du conjoint est quasi-inexistant ; il parle plutôt
d'accepter celui fait par les parents parce que le mariage est un arrangement
entre familles. Il ajoute que « le mariage est conçu comme une
alliance entre deux individus, bien qu'il soit arrangé par les deux
familles alors que les futurs conjoints, surtout la femme, n'ont pas encore
atteint la puberté. »190
En un mot, « traditionnellement le mariage comme base de
la procreation representait un processus prolonge qui concernait les deux
familles et pas uniquement les deux individus. Le choix même des deux
epoux etait du ressort de la famille. Ce processus refletait le rôle
fondamental de la famille en tant que moteur
187 Pasteur OGOULA-0 IN < ,-1rm awa-1m-1 G(Q1
-1GI1nX4-1op.cit., p.84.
188 Louis ROUSSEL, op.cit., p.30.
189 Simon David YANA, « Statuts et
rôles féminins au Cameroun. Réalités d'hier, images
d'aujourd'hui », pp.35-47 in Politique Africaine. L'Afrique des
femmes, n°65, 1997, 165 p.
190 Simon David YANA, « Statuts et rôles
féminins au Cameroun. Réalités d'hier, images
d'aujourd'hui », ibid., p. 37.
des évènements du cycle de la vie.
»191 C'est un point de vue qui rencontre notre assentiment.
Toutefois, puisque cette même société
traditionnelle gabonaise subit les influences de la colonisation et ses
corollaires, il va de soi que le choix du conjoint connaisse des mutations, des
altérations ; pour devenir une affaire individuelle.
2. Le choix du conjoint : affaire individuelle.
Le lien socialement reconnu (mariage, concubinage) qui unit
les conjoints est appelé "alliance" et avec l'irruption des nouvelles
valeurs telles l'école, le salariat, le choix du conjoint, autrefois
affaire des parents, est a priori devenu une "affaire individuelle" ;
donc concernant les futurs mariés d'abord. En effet, « au
modèle du mariage traditionnel, "arrangé par les
familles", on oppose le mariage contemporain oil les jeunes gens, sans
aucune pression extérieure, se rencontrent, s'aiment et se marient.
»192 Cela ne veut pas dire que les parents ou la famille n'a
plus d'avis à donner, il s'agit juste de dire que cet avis est toujours
présent, surtout lors de la célébration du mariage
à la coutume par exemple, seulement il est relayé au second plan
a priori.
Certainement que l'école, l'Eglise, le travail
rémunéré, etc., y sont pour beaucoup dans cette nouvelle
configuration du choix du conjoint, et partant, du mariage. Il va s'en dire que
« l'effacement des parents dans le choix du conjoint de leurs enfants
paraît clairement perçu par l'ensemble de la population [...]
D'une manière générale, le mariage arrangé
apparaît comme relevant des usages d'une autre
génération.»193
Plus important encore et toujours pour partager le point de
vue de Louis ROUSSEL, a priori, « la liberté
"d'élire" son conjoint apparaît comme un droit
191 Aderanti ADEPOJU et al, La famille africaine.
Politiques démographiques et développement,
op.cit., p.14.
192 Louis ROUSSEL, Le mariage dans la
société contemporaine. Faits de population, données
d'opinion Préface d'Alain GIRARD, ibid., p.204.
193 Louis ROUSSEL, Le mariage dans la
société contemporaine. Faits de population, données
d'opinion Préface d'Alain GIRARD, ibid., p.205.
imprescriptible et l'idée qu'une contrainte puisse
exister sur ce point paraît proprement scandaleux.»194
A ce titre, le Pasteur OGOULA-M'BEYE ajoute
qu'antérieurement au mariage et dans le choix du conjoint, « quand
on s'aimait, on s'unissait sans aucune consultation préalable des
parents et c'est ce qui était caution à palabre et à
désordre. Les parents ne pouvaient pas en l'occurrence intervenir.
Dès lors qu'une personne était venue à eux, devant
témoins pour demander publiquement mariage avec leur fille afin de
fonder une famille et par conséquent, créer un village, les
parents de la fiancée acceptèrent le principe
envisagé.»195
Cette illustration du Pasteur OGOULA-M'BEYE nous invite
seulement à comprendre que même si dans cette
société traditionnelle, le choix du conjoint est du ressort
exclusif de la famille, il y avait tout de même des exceptions ou des
faits accomplis qui attestaient un tout petit peu de poches de
résistance devant le monopôle des parents.
A cet effet, en nous référant à nos
divers entretiens196, il ressort que le choix du conjoint n'est plus
une affaire où les parents sont impliqués en premier,
particulièrement dans le choix de la bru, c'est plutôt devenu un
choix libre, qui engage d'abord les enfants eux-mêmes. Considérons
par exemple le cas de madame A.M.S. A la question de savoir qui a choisi votre
belle-fille, elle nous a répondu en disant que c'est son fils «
lui-même, il a amené sa copine chez moi.
»197 Ou encore le cas de madame E.T, à qui la
même question lui a été posée, et pour qui c'est
aussi son fils « lui-même. Nous avons seulement fait les
présentations qui étaient comme le mariage »198 nous
a-t-elle confié. Pour madame M.D ; selon elle, se sont ses 3 fils «
qui sont venus eux-mêmes nous présentés leurs femmes.
On a accepté. »199
194 Ibid., p.204.
195 Pasteur OGOULA-M'BEYE, op.cit., p.86.
196 Entretiens obtenus avec des brus et des
belles-mères.
197 Propos de madame A.M.S, mariée à la fois
à la coutume et à l'état-civil, âgée de 63
ans, Fang( Estuaire), institutrice retraitée, avec 8 enfants.
198 Propos de madame E.T, âgée de 63 ans, Fang,
retraitée, avec 7 enfants.
199 Propos de madame M.D, 78 ans, Massango, sans profession,
veuve avec 8 enfants dont 3 belles-filles.
Ce qu'il faut retenir ici c'est que ces trois exemples
confirment le fait que le choix du conjoint est bien devenu une affaire
individuelle, surtout dans une formation sociale gabonaise en proie à
des mutations découlant de la décolonisation et de ses nouvelles
valeurs.
En fin de compte, ce qu'il faut retenir ici c'est que «
les jeunes sont donc libres du choix de leur conjoint, en ce sens au moins
qu'ils savent désormais que leurs parents n'interviendront
généralement qu'avec prudence : le souci de respecter le choix
personnel de leur enfant et aussi parfois la conscience qu'une opposition
résolue n'aurait d'autre conséquence qu'une brouille temporaire
avec le jeune ménage. »200 Nous partageons ce point de
vue de Louis ROUSSEL.
De même qu'en filigrane, même si avec la
société traditionnelle l'on peut reconnaître et admettre
aux parents le droit et pourquoi pas le devoir de choisir un conjoint pour
leurs enfants, avec la colonisation et ses nouvelles valeurs (l'école et
la scolarisation des jeunes filles par exemple), « les jeunes gens
choisissent eux-mêmes leurs conjoint, le rôle des parents se
limitant à émettre un avis consultatif sur la personne qui leur
est présentée et à légaliser l'union. On peut
d'ailleurs penser que l'autonomie de la femme dans le choix du conjoint est en
progrès dans les sociétés où elle n'était
pas traditionnellement établie, principalement sous l'effet de la
scolarisation.»201
Conclusion de la première partie
A la lumière de tout ce qui précède, nous
pouvons retenir quelques considérations générales.
D'abord, que le mariage, dans la société traditionnelle,
n'existait pas tel que nous le connaissons aujourd'hui, à en croire les
propos de
200 Louis ROUSSEL, op.cit., p.206.
201 Simon David YANA, « Statuts et rôles
féminins au Cameroun. Réalités d'hier, images
d'aujourd'hui », op.cit., p.37.
Nicolas METEGHE N'NAH et du Pasteur OGOULA-M'EYE. Par
ailleurs, dans la recherche de l'épouse, « la société
traditionnelle tenait peu compte de la liberté de choix des enfants
»202, c'était du ressort exclusif de la famille et la
future épouse était toujours épouse était toujours
choisie dans une famille de bonne réputation.
Dans une autre mesure, entre bru et sa belle-famille,
c'étaient toujours des rapports de soumission qui devaient
prévaloir ; il fallait que la bru soit soumise pour la réputation
de ses parents d'abord et le respect de son mari ensuite. Les quelques
rapports conflictuels qui pouvaient surgir provenaient des
belles-soeurs surtout quicherchaient à dominer cette
dernière.
Cependant, l'arrivée de l'école, de l'Eglise et
du travail salarié a modifié ces rapports. La bru, instruite et
suivant par exemple le catéchisme et travaillant, voit peu à peu
sa condition s'améliorer au sein du couple et avec sa belle-famille.
C'est le temps de la dot, du mariage à l'Eglise, et de
l'état-civil mais surtout, du choix du conjoint devenu maintenant une
affaire individuelle. Les avis des parents interviennent en seconde position,
parfois pour seulement approuver le choix, de peur de créer une brouille
dans le futur ménage.
Ce qui nous conduit à nous poser la question de savoir
si les rapports conflictuels que nous voulons rendre compte entre bru et
belle-mère, au sein de la famille gabonaise actuelle, ne trouvent-ils
pas leur origine dans le fait que le choix du conjoint, avec l'introduction de
l'Eglise, l'école, le travail rémunéré, soit devenu
une affaire individuelle et où l'avis des parents ne compte plus
vraiment ? Autrement dit, pourquoi bru et belle-mère sont-elles en
conflit ?
«Le sociologue n'observe pas la réalité
sociale, mais des pratiques [...] Entre lui et son objet d'étude
s'interpose un ensemble d'interprétations et
d'interventions.>>203 D'autant plus que << le
sociologue a la particularité qui n'a rien d'être un
privilège, d'être celui qui a pour tâche de dire les choses
du monde social,et de les dire autant que possible, comme elles sont : rien que
de normal, de trivial même, en cela.>>204 Car
« le problème sociologique est toujours de comprendre ce qui se
passe en termes d'interaction sociale. Ainsi le problème sociologique
n'est pas tant de savoir pourquoi des choses ne vont pas selon le point de vue
des autorités [...] mais bien comment le système entier
fonctionne d'abord, quelles sont ses fondations et comment il est maintenu
ensemble.>>205 En définitive, <<
l'étude de la société ne peut être que celle d'un
ordre ; l'étude des acteurs ne peut être que celle de leurs
croyances et de leurs projets.>>206
Ce qui a motivé le choix de ce sujet, c'est notre
volonté de comprendre et de tenter d'expliquer la nature des rapports
qui existent et prédominent entre la belle mère et la bru au sein
de la famille gabonaise actuelle. En effet, la famille << constitue
un système de rapports entre les conjoints, les parents et des
alliés et entre le système qu'ils constituent et les autres
sous-systèmes de la société (notamment économique
et politique).>> 207
En partant de l'observation de la famille gabonaise actuelle,
le constat qui se dégage des rapports entre belle mère et bru
montre des rapports mitigés, voire ambigus qui constituent l'objet de
discussion ou kongossa208, dans les différents
quartiers de Libreville. Ces discussions qui rapportent comment les mariages
sont défaits attestent que la famille gabonaise, en tant que premier
lieu de socialisation de l'individu, connaît des tensions internes qui
ébranlent la vie de couple. Aussi, belle mère et bru s'inscrivent
dans des logiques et des rapports souvent controversés. On
203 Alain TOURAINE, Pour la Sociologie, Paris, Seuil,
(coll. « Points »), 1974, p.25.
204 Pierre BOURDIEU in Méditations pascaliennes,
cité par Claude JAVEAU in Leçons de sociologie, Paris,
Armand Colin, 2001, p.5.
205 P.L. BERGER, Invitation to sociology, cité
par Claude JAVEAU in Leçons de sociologie, Paris, Armand Colin,
2001, p.82.
206 Alain TOURAINE, op.cit., p.213.
207 Raymond BOUDON et F. BOURRICAUD, Dictionnaire critique de
la sociologie, Paris, Quadrige/Puf, 2004, p.251.
208 Expression gabonaise désignant les commérages
de tout genre.
note des forces qui débouchent sur d'éventuelles
séparations des conjoints ; il importe pour nous de mener cette
étude sociologique afin d'en saisir les mécanismes de non
reproduction de la famille et d'en apprécier l'étendue. Tel est
l'objectif visé par cette recherche.
Ainsi, au regard de ce constat que nous avons dressé
précédemment, nous nous posons la question de savoir
pourquoi bru et belle-mère sont en conflit ?
Chapitre III : Les rapports mère-fils à
travers la bru
Section 1 : La relation « mère-fils
».
Evoquer la question relative aux rapports conflictuels entre
la bru et bellemère au sein du couple, c'est surtout et d'abord jeter un
regard sur la relation « mèrefils » ; dans l'optique
de tenter de comprendre et pourquoi pas expliquer autant que possible l'amour
d'une femme (ici la mère) considérée comme «
propriétaire des moyens de production » (c'est-à-dire le
fils) qui deviendra plutard l'époux d'une autre femme
(c'est-à-dire la bru). En effet, la logique qui sous-tend cette relation
« mère-fils » nous conduit à dire, avec Anne
Laure GANNAC209, qu'il s'agit d'une relation d'amour; « une
histoire d'amour au sens fort du terme. Les hommes de la vie d'une femme ne
sont-ils pas son père, son mari (ou l'homme avec lequel elle vit) et son
(ses) fils ?»210 De plus, l'auteur poursuit en disant que cet
amour « existe avant même que le fils soit là. Chez toute
femme, même si elle affirme de façon consciente qu'elle
préfèrerait avoir une fille, il ya le désir d'avoir un
fils.»211
A cet effet, elle conclut son propos par le fait que «
toute femme a le fantasme (parfois resté inconscient) de faire un
bébé (...) Pour peu que ce bébé soit un
garçon et qu'il ressemble à son grand-père maternel, la
mère aura, bien sûr, plus de facilité à reporter sur
lui des sentiments éprouvés autrefois pour son propre
père.»212 Mais « pour une femme, il est très comblant
d'avoir un garçon dans la mesure où il est porteur du phallus
qu'elle n'a pas. Grace à ce fils, elle obtient cette position de femme "
complète", ce phallus imaginaire et symbolique venant combler son
manque.»213
Sur le plan symbolique, le fils représenterait pour
elle le pouvoir, la puissance la conquête. Finalement pour notre auteur,
cette relation « mère-fils » se résume au fait
que « l'attachement d'une mère à son fils sera d'autant plus
fort si elle a souffert
209 Anne Laure GANNAC, Mère-filT. L1
VPSRTTiEOLTPSDIDtIRn, Paris, éd. Anne Carrière, (coll.
« Marabout »), Cursus psychologie n°3711, 2004,
p.23.
210 Ibid., p.23.
211 Ibid., p.23.
212 Ibid., p.23.
213 Ibid., p.24.
de son statut de femme qui l'aurait empeché de
s'imposer et de s'épanouir. Elle pourra prendre sa revanche à
travers lui qui reste un prolongement d'elle-même. C'est " l'enfant
phallus" venu combler ce manque. C'est le " fils gladiateur" qui va
conquérir pour elle.»214 Nous avons fait une petite
incursion dans la psychologie pour avoir une lecture assez claire de cette
relation « mère-fils ». Pour mieux l'apprécier, nous
pensons que cette relation se décline sur deux moments cruciaux à
savoir, la relation mère-fils avant l'arrivée de la bru et la
relation mère-fils après l'arrivée de la bru.
1. La relation « mère-fils » avant
l'arrivée de la bru.
En général, la relation «
mère-fils » a toujours été bonne
c'est-à-dire qu'il s'agit d'une relation affective, voire très
protectrice. Cette relation ne pose pas de problème a priori, on peut
dire qu'il s'agit d'abord d'une relation mère-enfant, une relation
conviviale, de respect et d'obéissance du fils envers sa mère. La
mère passe aussi pour une amie où elle joue le rôle de
soeur, confidente voire une conseillère. A cet effet, la mère
occupe une place prépondérante chez son fils. Anne Laure GANNAC
nous apprend que par exemple, « ma grand-mère, c'est la
bonté, la douceur, la fragilité, la discrétion...Ma
mère, c'est différent, c'est la mère, très
présente, parfois casse-pieds, mais surtout très protectrice et
sur la quelle on peut toujours compter.»215 En ce sens que
chaque instant vécu avec son fils est majeur, elle est beaucoup plus
présente que le père. En effet, aux dires de nos informateurs, il
ressort que la relation « mère-fils » est une
relation habituelle c'est-à-dire le fils doit respect à ses
parents et a des obligations envers eux et que la mère a la main mise
sur son fils. Ceci est illustré par ce genre de témoignage:
«j'habitais avec ma mère dans sa maison, je travaillais, ma
mère gérait mon argent, ma petite amie était aux
Etats-Unis, je devais participer a la popote, devais payer le local, en d'autre
terme, les charges étaient
214 Anne Laure GANNAC, Mère-filT.
771VPSRTTiEle7TPSECEJiRn, ibid., p.24.
215 Ibid., p.282.
partagées. Il faillait que quand j'arrive à
la fin du mois j'honore à ses décisions ; en fait, on n'a meme
pas le choix, le regard parle, tu deviens solvable.»216
De même, « je bénéficiais des
conseils de ma mère, d'ailleurs elle m'appris à préparer
et me répétait sans cesse qu'un homme devait savoir tout faire et
qu'un homme ne doit pas rester sans femme.»217 Par
ailleurs, en interrogeant les belles-mères, ce qui ressort que «
quand je suis malade, il s'occupait de moi, me donnait son
argent.»218 Dans ce meme ordre d'idée, la relation
« mère-fils » est une « relation d'ami avec
mon fils, c'est-àdire, confident, obéissant, respect, me donnait
toujours son argent sans que je demande.»219 Enfin, pour
sa part, monsieur J.D nous a confié que sa relation entre lui et sa
mère est toujours bonne puisque « moi j'apprenais encore, je
n'avais pas de moyens pour m'occuper de mes enfants et c'est ma mère qui
s'en occupait.»220
2. La relation « mère-fils » après
l'arrivée de la bru.
L'impossible séparation dans la relation «
mère-fils » dont parle Anne Laure GANNAC, dans ses travaux
et oil la mère a quasiment la mainmise sur son fils ; nous voyons que
l'arrivée de la bru dans la vie de son fils est perçue avec
arrières pensées du côté de la belle-mère.
Pourtant, il semble évident qu'une mère devait savoir
céder sa place à un moment donné ; elle qui est d'abord
une femme puis une mère. Ensuite, elle voit ses intérêts
bafoués car les intérêts mère-fils ne sont plus
partagés. En ce sens, lorsqu'on prend une femme, c'est pour fonder une
nouvelle famille, elle deviendra un obstacle à l'épanouissement
de son époux et que la bru viendra contrarier les projets que la belle
famille a initié. Cette relation « mère-fils »
se bouleverse à cause du changement de comportement du fils à
l'égard de sa mère. Le fils estime que sa mère a eu son
foyer dont il est issu et qu'elle a eu à le gérer ; ce qui fait
qu'elle a déjà fait sa vie. Pour lui, il est temps qu'il
prépare aussi la sienne car
216 Propos de monsieur J.A.A, 48 ans, Mycnt, cadre au Minist~re
des mines, marié à l'état-civil depuis 2004.
217 Propos de monsieur O.B, 49 ans, Myqnt, cadre à
l'OPRAG, 2 enfants, vit en concubinage depuis 9 ans.
218 Propos de madame B.M.G, 52 ans, commerçante,
divorcée.
219 Propos de madame I.M, 44 ans, PK9, 8 enfants,, mariée
à la coutume, technicienne de surface.
220 Propos de monsieur J.D.
étant adulte, il doit apprendre à se prendre en
charge et que les conséquences corrigent mieux que les conseils.
Vu l'attitude de rébellion du fils envers sa
mère, celle-ci s'inquiète et sent que son fils lui échappe
petit à petit. En témoigne par exemple ces propos de nos
informateurs comme quoi, « en ce qui me concerne, j'ai ma vie, je suis
adulte, ils n'ont pas le droit de s'opposer ; ils ne me trouveront jamais une
autre, c'est juste une façon de me détruire. Je me révolte
par rapport à ce qui est imposé dans ma vie. Je dis avec beaucoup
de force que mes parents ont leur vie et moi aussi j'ai la mienne. Chacun fait
son expérience terrestre.»221 En outre, «
quand la belle-fille arrive, la maman se dit qu'il ya un partage, ya un
souci d'intérêts qui s'installe. Le plus souvent la maman se
trouve en rivalité avec sa bellefille. Je suis grand, je fais ma vie,
j'ai pratiquement 40 ans, j'ai le droit de me marier, toi tu t'es mariée
à 18 ans alors ne me fais pas le bruit.»222 Enfin,
« pour elle j'étais sa sécurité sociale, ma femme
était une rivale pour elle dans la mesure où elle l'empeche de
tourner en rond parce que tout ce que j'ai, je dois lui donner, c'est l'argent
de mon fils, j'ai souffert pour l'élever.»223 En
effet, en Afrique, l'enfant apparaît comme une garantie sociale, une
sécurité sociale voire une retraite sociale pour ses parents en
qui ils voient une prise en charge dans leur vieillesse.
Vu le changement constaté depuis l'arrivée de la
bru au sein de la famille, particulièrement au sein du couple «
mère-fils » ; cette arrivée suscite de nombreux
questionnements chez la mère. On citera par exemple les questions selon
lesquelles « pourra t-elle supporter la belle famille ? Donc autant on
l'agresse pour voir si elle pourra supporter la famille, si elle flanche, on
dira qu'elle n'est pas une bonne femme. Ou encore, cette femme pour qui mon
fils a changé, sera-t-elle capable de s'occuper de moi comme ma fille et
de bien garder mon fils ?» C'est là autant de questionnements sui
font en sorte que la belle-mère puisse attaquer al bru pour voir
221 Propos de monsieur I.I, 48 ans, agent de contrôle
à l'ASECNA, marié à l'état-civil, 3 enfants,
cité ASECNA.
222 Propos de monsieur J.A.A, 45 ans, 4 enfants, cadre au
minist~re des mines, marié à une fang à
l'état-civil.
223 Propos de monsieur I.S, 49 ans, 3 enfants, marié
à l'état-civil à une mauricienne, enseignant du
supérieur et conseiller du ministre des mines.
son comportement ; percevoir si elle va répondre, etc.
D'où l'instauration des rapports conflictuels entre bru et
belle-mère.
Section 2 : Domination symbolique et relation
belle-mère et bru.
Etudier les rapports entre bru et belle-mère dans la
famille gabonaise actuelle, c'est finalement faire ressortir une dimension
importante de leur relation : la domination symbolique ou violence symbolique,
au sens bourdieusien. Rapports conflictuels ne riment pas forcément avec
attaques physiques ; mais plutôt des sortes d'agressions verbales et un
type de comportement adopté pour rabaisser l'adversaire et lui montrer
qu'on est le ~ propriétaire", le maître des lieux. En effet, la
domination symbolique ou violence symbolique c'est l'imposition de formes de
comportement, des formes de vie, de choix intellectuels, de choix
vestimentaires, de choix linguistiques, par les dominants aux dominés.
Mieux, « la violence symbolique s'institue par l'intermédiaire de
l'adhésion que le dominé ne peut pas accorder au dominant (donc
à la domination) lorsqu'il ne dispose, pour le penser et pour se penser
ou, mieux, pour penser sa relation avec lui, que
d'instruments.»224
Mais la révolution industrielle a engendré de
nombreuses mutations dans toutes les sphères des sociétés
humaines tant aux plans politiques, culturels, économiques, familiaux,
etc. et a bouleversé en outre les
mentalités des individus c'est-à-dire les moeurs africaines
particulièrement ; dii à l'industrialisation et à
l'urbanisation. Cette urbanisation impose un mode de vie, un comportement
à l'individu. En ce sens les rapports entre bru et belle-mère,
qui étaient des rapports de mère-enfant dans le mariage
(d'antan), se sont transformés en des relations d'animosité, de
tension ; voire de friction. Cette nouvelle forme de relation serait la
résultante de cette urbanisation.
Le pasteur OGOULA-M'BEYE nous rappelle que le mariage
d'autrefois n'est pas loin de celui d'aujourd'hui. Puisse que « toutes
choses sont en travail au-delà de ce qu'on peut dire ; l'oeil ne se
rassasie pas de voir et l'oreille ne se lasse pas d'entendre. Ce qui se fera,
il n'ya rien de nouveau sous le soleil. S'il est une chose dont on dise : vois
ceci, c'est nouveau ! Cette chose existait déjà dans les
siècles qui nous ont précédés.
On ne se souvient pas de ce qui est ancien ; et ce qui
arrivera dans la suite ne laissera pas de souvenir chez ceux qui vivront plus
tard.»225 Tout ceci pour dire que dans le mariage ancien il
existait aussi des conflits entre bru et belle-mère mais il restaient
latents. Aujourd'hui, ils deviennent manifestes, dii à
l'évolution de la société, la scolarisation des filles qui
les a amené à avoir des diplômes, à avoir un salaire
mensuel et qui, finalement, remettent en question certaines valeurs anciennes
face à l'obéissance envers la belle-famille ; à travailler
pour elle.
D'où la révolte et pourquoi pas, un changement
radical des mentalités et visions de la vie en couple. Ce qui nous
conduit à nous poser un certain nombre de questions dont voici la teneur
: qu'est-il devenue de la domination symbolique codifiée par des adages
et proverbes ? Ces adages ont-ils toujours de la valeur ? Si oui, qu'est-ce qui
serait alors à l'origine du conflit ? Quel est l'élément
déstabilisateur de la famille ? Telle sera l'articulation de ce
chapitre.
1. Domination symbolique : codification verbales des
comportements et de respect dans le mariage et importance des proverbes.
Les adages sont des conseils, des mises en garde et sont
illustrés par des métaphores bien adaptées pour la
circonstance. En effet, « nombreux sont les dictons et les adages qui
codifient en quelque sorte les attitudes de respect à tenir envers
certains parents »226, particulièrement le
beau-père, la belle-mère pour ne citer que ces
deux exemples. En d'autres termes, les proverbes viennent
codifier le comportement du gendre ou de la bru devant les beaux-parents et ce,
dans des situations particulières. Car << le mot, par sa force et
ses effets, illusionne sur le réel pour aboutir à ce que
l'idée se réalise ; et aussi, pour le manipuler dans la
théâtralité et l'ambiguïté.»227
Nous déduisons ainsi que les proverbes font partis de l'univers
culturel, de l'imaginaire et du symbolique des gabonais et auxquels ils restent
fondamentalement attachés. Pour le cas du mariage, il existe une
panoplie de proverbes qui nous permettent d'apprécier la portée
du mariage mais surtout, toute la symbolique sinon le rituel qui
l'accompagnent.
Comme nous le disions dans notre propos introductif, il existe
des proverbes pour présenter les rapports et les comportements entre
bru, gendre et les beaux-parents. C'est ainsi que chez les Galwa, lorsqu'une
femme allait en mariage, ses parents lui prodiguaient quelques conseils sous la
formes de proverbes ; dont nous avons retenu certains : << mwantô
ékènda gô nagô y'ijomba n'otôndô
n'epole.»228 Ce qui signifie qu'une femme n'a pas à
rapporter à ses parents les mécomptes de son ménage. Le
même proverbe est perçu d'une autre manière chez les
Nzébi : << ghou lekouelê yendanga na lengala, hâ
na pondji vê »229 pour dire qu'au mariage, on ne va
pas avec le panier (parce qu'il n'a pas de trous), mais avec une corbeille qui
a les trous.
De même, les Fang disent : << hé you wa
ke â louk, wa keki na we sô okiri, wa ke ekeke, akalé na
alouk hé né abé ya henbeng »230 ce
qui veut dire que lorsque tu vas en mariage, tu n'y vas pas pour revenir demain
mais plutôt pour toujours parce que le mariage est fait pour le meilleur
et le pire. On encore << miniga ha nané fâ, ngué
fâ hé béhé wa ho siki da ké woua ô
fegne, wé da bran gnon akala we bra sin dô
»231 pour dire que la fille est comme une machette. Lorsque tu
te blesses avec ta machette tu ne peux pas la jeter puisqu'elle te servira
encore dans tes différents travaux.
227 Georges BALANDIER, Le pouvoir sur scènes, ibid.
p.26.
228 Pasteur OGOULA-M'EYE, Galwa ou Edôngô
d'antan, op.cit., p.88.
229 Propos de monsieur Aloïse MAYOMBO, 50 ans, informaticien
à Tractafric Sho Gabon, Nzébi, marié à la coutume,
père de 9 enfants.
230 Propos de madame Berthe OYE-MVE, Fang de Bitam, 38 ans, 5
enfants, commerçante.
231 Ibidem.
La morale à tirer de ces différents proverbes
dans trois langues maternelles différentes est qu'ils mettent en relief
le fait que le mariage n'est pas un jeu et que des conflits peuvent surgir.
L'essentiel est de tout faire pour arranger car c'est pour le meilleur et le
pire qu'on s'unit à quelqu'un d'autre. Mieux encore, << ironda
mbôgo, jomba nkala »232 ce qui veut dire que le
concubinage c'est un gîte de passage, un campement où on fait une
escale, tandis que le mariage c'est le village, on y demeure tout le temps. Les
Nzébi traduisent ce proverbe par << le kuèle duti vè
», le mariage n'est pas un rêve ; c'est-à-dire quand tu vas
en mariage, tu ne sais pas ce que tu parts trouver là-bas ; il ya le bon
et le mauvais côté.
Par ailleurs, on dit << bou kô
yimbassanga »233 pour dire simplement qu'il faut respecter
la belle-mère, que la belle-mère ; le beau-père, on
l'attrape avec les feuilles. Simplement pour montrer le respect que la bru ou
le gendre doivent présenter aux beaux-parents. Enfin, << buko
na buko bwa mu kasse a roghesse wè we kwate na ma kaye, to buko bwa
vè roghesse wè ; we yendè na podji itsatse, motghi sa
wè, mô polegue, to mama bwè we kakele utso
mutéma. »234 Ce proverbe veut dire que si la
belle-mère te respecte, tu lui rend en retour ; tu lui rend des
services, tout ce qu'elle te demande tu le fais, car elle te prend comme une
fille (elle a un traitement de faveur). Ce que la belle-mère fait
à sa fille, elle doit te le faire, elle a une considération pour
toi. La belle-mère qui ne te respecte pas, qui est méchante, tu
amènes un panier troué, toutes les mauvaises choses qu'elle dira
sur toi doivent tomber ; (ici au sens symbolique le panier représente le
coeur de la personne, tu banalises tout ce que tes oreilles vont entendre.) Or
tout ce qui est bien tu gardes dans le coeur.
On peut encore dire que les << trous >>
traduiraient ici la nécessité d'oublier ou de laisser tomber les
problèmes éventuels qui pourraient surgir dans le foyer.
Voilà pourquoi on déconseille cette attitude d'accumulation des
problèmes et de non rejet.
232 Pasteur OGOULA-M'EYE, ibid., p.87.
233 Propos de monsieur Aloïse MAYOMBO, 50 ans, informaticien
à Tractafric Sho Gabon, Nzébi, marié à la coutume,
père de 9 enfants.
234 Propos de madame Marie-Françoise KAÎBA, 72 ans,
sans profession, pas d'enfant.
Nous pouvons retenir que << jomba mbuwe
»235 comme pour dire que le mariage c'est la famille et que le
respect doit être au coeur du mariage pour qu'il se passe bien.
En définitive, 2 questions se dégagent au sortir
de cette analyse, à savoir qu'en est-il aujourd'hui de ces adages et
proverbes ? Cette domination symbolique de la belle-mère à la bru
est-elle maintenue ?
2. La relation conflictuelle entre bru et
belle-mère.
A la lecture de ce qui est précédemment dit,
nous remarquons que le changement du comportement du fils envers sa mère
est dû à sa nouvelle manière de voir les choses avec
l'intrusion de la bru dans sa vie. Cela a bouleversé la relation
<< mère-fils » et cette nouvelle configuration de cette
relation << mère-fils » peut altérer à
son tour la relation << belle-mère-bru. » En effet,
si auparavant on a eu à observer les devoirs de la bru vis-à-vis
de la belle famille, particulièrement envers sa belle-mère, c'est
parce que la belle-mère constituait une seconde mère, une
conseillère incontournable dans la bonne marche du mariage de la bru.
Aujourd'hui a priori, il s'agit de rapports conflictuels entre la
belle-mère et la bru, voire en rivalité.
<< Classiquement, c'est la belle-mère qui
déclenche les différends »236 parce qu'elle a
mauvaise réputation dans la vie. « On dit qu'elle est casse-pieds,
fouineuse, jalouse et même parfois sorcière. Or, ceci crée
des situations conflictuelles entre bellefille et
belle-mère.»237 Les plus mauvaises langues disent
qu'elles voudraient avoir un mari qui n'a plus de mère, soit aveugle ou
muette. De plus, si nous venons de voir que généralement c'est la
belle-mère qui déclenche les différends, << il
survient dans certains cas que la belle-fille provoque elle-même les
disputes afin de pousser son
235 Pasteur OGOULA-O /(<(, UIop.cit, p.86.
236 Dalila SOLTANI, « Des échanges relationnels
conflictuels (le mague-journal de
culture-société-peopledécryptage télé)
», op.cit., p.1.
237 Rita MENSAH AMENDAH, op.cit., p.53.
époux à se débrouiller pour
acquérir un appartement personnel. La bru étant à la
quête de stabilité use de ces différends qui rendent le
climat familial toxique pour pousser son conjoint à lui assurer un
domicile individuel.»238 Ce qui conduit à une
compétition entre la belle-mère et la bru.
D'autant plus que « les relations des femmes entre elles,
enserrées dans une formidable compétition obligent à
devancer la rivale potentielle et à frapper la première
»239 et pourquoi pas, pour se faire passer pour une victime
auprès du fils pour l'une, le mari pour l'autre.
Comme l'écrit Dalila SOLTANI, c'est habituellement la
belle-mère qui déclenche les différends, cela peut trouver
son explication dans le fait qu'il peut s'agir d'une belle-mère qui
débarque à l'improviste, qui critique sans arrêt la
façon de la bru de cuisiner ou d'éduquer les enfants ou encore
une belle-mère qui peut passer son temps à espionner le
ménage de son fils, et particulièrement les agissements de la bru
et être envahissante, voire très protectrice.
Au sortir de nos entretiens avec nos informateurs, il ressort
que bru et bellemère entretiennent des rapports conflictuels parce qu'il
ya un conflit d'intérêt qui s'installe ; d'autant plus que la bru
vient contrarier les projets de la belle famille. D'ailleurs selon monsieur
I.I, pour les Myènè, particulièrement les Galoa qui sont
de filiation matrilinéaire, « les mamans veulent que leurs fils
soient là pour s'occuper de la progéniture de leurs filles. On
met en marge nos propres enfants. Pour elles ; quand vous prenez une femme,
ça fait obstacle à leurs ambitions (de la belle-famille). Alors
par moment la bru est adulée par la famille maternelle. Avec le temps
j'ai constaté qu'on dit que ma femme s'accapare de moi, elle m'a fait
mangé des choses. »240
238 Dalila SOLTANI, ibid., p.1.
239 Nedjima PLANTADE, op.cit., p.165.
240 Propos de monsieur I.I, 48 ans, agent de contrôle
à l'ASECNA, marié à l'état-civil à une
sénégalaise, 3 enfants.
Dans le même sens, monsieur J.A.A241 affirme
que << le plus souvent ma maman se trouve en rivalité avec sa
belle-fille. Car ma mère avait une emprise sur moi étant
donné que j'étais seul et je dormais chez elle. J'ai trois
enfants hors mariage, le fait d'envoyer 80000 fcfa a chacun de mes enfants
était un cauchemar pour ma mère. >> Il poursuit en
disant que << j'ai marié ma femme en 2004 en France sans
l'aval de ma mère, mon père étant
décédé, cela a suscité vraiment des conflits. J'ai
dis clairement à ma mère que je suis grand, je fais ma vie, j'ai
pratiquement 40 ans, j'ai le droit de me marier, toi tu t'es mariée
à 18 ans alors ne me fais pas le bruit. Elle a dit que je me rebelle.
>>242 De même, << ma mère est
toujours au milieu de ma relation avec ma femme. Ma mère est protectrice
et voyait qu'il n'y avait plus d'attachement pour elle.
>>243
On peut aussi compter sur le vécu de monsieur I.S qui a
connu ces rapports conflictuels entre sa mère et sa femme. <<
Lorsque j'ai fais venir ma mère chez moi à Franceville, ma
mère se prenait pour l'épouse. J'ai dli me fdcher, j'ai remis les
choses sur pieds parce que mon épouse n'est pas gabonaise, j'ai dis que
ici au Gabon, je suis son père, sa mère et que si tu la touche,
tu me touches. >>244
D'après les brus, les belles-mères
considèrent toujours leurs fils comme des bébés et pour
les belles-mères, les brus ne sont pas à la hauteur donc, les
belles-mères sont en permanence en surveillance des faits et gestes des
brus. Ces relations conflictuelles se manifestent par des actes et des verbes
de ces deux acteurs. Par la notion de << verbe >>, il faut
entendre les discours que ces deux acteurs tiennent réciproquement. Le
"verbe" désigne les mots, les paroles, les injures car << le mot,
par sa force et ses effets, illusionne sur le réel pour aboutir à
ce que l'idée se réalise ; et aussi pour le manipuler dans la
théâtralité et l'ambiguïté.
>>245
241 Monsieur J.A.A, Myqn~, 47 ans, cadre au Minist~re des mines,
marié à l'état-civil, 3 enfants.
242 Propos de monsieur J.A.A.
243 Propos de monsieur C.A.E, Fang, ingénieur marketing
à Zain Gabon, père de 3 enfants, vit en concubinage depuis 9
ans.
244 Propos de monsieur I.S, Conseillé du Ministre des
Mines et enseignant du supérieur, Myènè, 49 ans,
Myènè, il a épousé une mauricienne et a 3
enfants.
245 Georges BALANDIER, Le pouvoir sur scènes,
Paris, Balland, 1992, p.26.
En ce qui concerne les brus, leurs actes et verbes sont
illustrés par les cas de mesdames Y.H, I.E.E, B.A, M.A, A.E.M, A.M.S et
O.E, des brus que nous avons rencontrées pour la circonstance. En effet,
dans le cadre des actes, madame Y.H a, pour corroborer nos dires,
été victime de la surveillance de sa belle-mère et de ses
critiques sur l'éducation des enfants : << ma
belle-mère surveillait la maison et affirmait que son fils participe
seul aux besoins du ménage. Par ailleurs, elle disait sans arrêt
que l'éducation des enfants n'est pas bien
faite.>>246
Pour sa part, madame I.E.E se plaint du fait que <<
quand je me dispute avec mon mari, ma belle-mère prend la part de
son fils. Lorsque je dors avec mon mari, elle vient me réveiller
à 5 heures du matin en disant que vous êtes entrain de"baiser",
allons-y en brousse.>>247 D'autre part, madame B.A
affirme que << ma belle-mère et moi avions d'assez bons
rapports au début, après ça capoté quand son fils a
pris une deuxième femme donc ça ne m'a pas plu et la
belle-mère était du côté de son fils parce qu'elle
couvrait son fils. Parce que ola deuxième femme restait chez ma
belle-mère et j'avais le sentiment de n'être plus
appréciée.
Il n'est pas souhaitable de vivre avec sa belle-mère
car vous ne pouvez pas vous entendre, siton mari t'aime, la
belle-mère ne va pas l'accepter.>>248
Enfin, O.E raconte que << il ya de cela plus de 10
ans, depuis le jour où je suis partie de la maison de mon père,
pour habiter avec mon amant chez lui. Au début, tout allait bien, 2
à 3 mois après, j'étais devenue comme une esclave, des
humiliations allant jusqu'aux injures publiques en excitant sa fille (soeur
aînée de mon amant) à se battre avec moi bref. Depuis que
nous sommes partis de chez elle, tout va mieux du moins, je suis chez moi. Je
gère mon couple comme je peux même si elle cherche toujours
à s'ingérer dans nos problèmes. Ce qui fait qu'il n'est
pas souhaitable de vivre avec elle parce qu'elle s'occupe de tout, elle veut
être dans la prise des décisions.>>249
246 Propos de madame Y.H, bru, vit en concubinage, avec 2
enfants, psychologue.
247 Propos de madame I.E.E, bru, vit en concubinage, 2 enfants,
sans profession.
248 Propos de madame B.A, bru, divorcée, 6 enfants,
secrétaire.
249 Propos de madame O.E, bru, concubinage, 4 enfants, conseiller
pédagogique.
S'agissant du verbe, les brus affirment qu'elles sont victimes
des injures publiques de la part des belles-mères. En témoigne
mesdames I.E.E, O.E, M.A, A.E.M et AM.S.
Madame I.E.E nous déclare que << lorsque nous
sommes à table, ma belle-mère dit : "ma nourriture que j'ai
payée, c'est une fille inconnue qui vient manger". Elle dit que l'argent
de la bricole de son fils, c'est moi qui finis. Lorsque je dors avec mon mari,
elle vient me réveiller à 5 heures du matin en disant que vous
êtes entrain de "baiser", allons-y en brousse. Quelques fois, elle
m'insultait publiquement "ton con", tu n'as pas trouvé un autre
"bangala", c'est seulement celui de mon fils ? "Ton con" là, c'est toi
qui as sorti l'enfant dans "ton con" ? Et moi je répondais "la
manière dont tu as fais sortir l'enfant dans ton con", c'est comme
ça que ma mère m'a fait sortir dans "son
con".>>250 Les propos de madame I.E.E nous permettent de
nous rendre compte qu'il ya, entre elle et sa belle-mère, la tenue de
paroles injurieuses et grossières, traduisant l'ampleur des rapports
conflictuels.
La situation est quasiment la même pour madame O.E, car
<< au début, tout allait bien, 2 à 3 mois après
j'étais devenue comme une esclave, des humiliations allant jusqu'aux
injures publiques en excitant sa fille (soeur aînée de mon amant)
à se battre avec moi bref. >>251 Aussi, <<
ma belle-mère demande chaque fin de mois à son fils de lui
donner une part et ne veut pas entendre parler de mon ménage avec son
fils. Pour moi, la belle-mère est une rivale, par son comportement, la
manière dont elle réagit dans ce qui me
concerne.>>252 Madame A.M.S affirme que << ma
belle-mère me disait que c'est moi qui mange l'argent de son fils, que
c'est moi qui commande son enfant, et c'est moi qui
décide.>>253 Compte tenu de l'éducation
qu'elle a reçu de ses parents, madame A.M.S se gardait de ne pas
répondre à sa belle-mère, quelque soit la situation. De
plus, il ya des brus qui subissent des menaces verbales de mort comme c'est le
cas de madame M.A et de madame A.E.M.
250 Propos de madame I.E.E, 30 ans, bru, sans profession, vit en
concubinage, 2 enfants.
251 Propos de madame O.E, 36 ans, conseiller pédagogique,
4 enfants, vit en concubinage.
252 Ibidem.
253 Propos de madame A.M.S, bru, 63 ans, institutrice
retraitée, mariée à la coutume et à
l'état-civil, mère de 8 enfants.
A cet égard, madame M.A nous a confié que ses
rapports avec sa belle-mère reposent sur l'hypocrisie, de sa
belle-mère et que « ma belle-mère me disait que mes
enfants et moi nous ne pouvions pas manger l'argent de son fils seuls car ses
enfants appartiennent à la mère et ce sont les neveux qui sont
ses propres enfants. Elle me disait "si c'est moi qui a mis au monde cet
enfant, tu verras". Ce qui fait que je me sente en rivalité avec elle
car il ya la différence des enfants de son fils et ceux de la fille.
»254
Quand à madame A.E.M, pour qui le choix de la
belle-fille est à l'origine du conflit, notre enquêtée nous
a fait part du fait que sa belle-mère a amené son nom chez le
Nganga, ce qui a fait qu'elle soit distante de sa belle-mère. Plus
encore, « elle me répétait touts les jours que j'allais
mourir en décembre 2006 si je ne partais pas de la maison de son fils.
Elle dit aussi que je finis l'argent de son fils et qu'elle va m'abattre comme
un chien si je ne parts pas de SOTEGA. Son fils va nous coucher toutes les deux
et on aura le même goût. Moi je ne répondais pas.
»255 Ces menaces verbales sont a priori courantes et on
peut constater qu'elles proviennent généralement des
belles-mères.
De manière générale il ressort que les
belles-filles disent que leurs bellesmères déclarent que ce sont
elles qui finissent l'argent des fils, ce qui exacerbe les brus. Ce qu'il faut
retenir encore, c'est que la bru est réifiée par sa
belle-mère qui, par le verbe, montre qu'elle est la maîtresse des
lieux, et partant, l'unique "propriétaire" du fils. Vu les diverses
plaintes faites par les brus au sujet du comportement de leurs
belles-mères, a priori la belle-mère fait en sorte que la bru
puisse commettre l'irréparable par des provocations directes ou
indirectes ; voire la rabaisser par tous les moyens.
En outre, sur la question de la jalousie, inconsciente la
plupart du temps a priori, il faut dire à ce sujet que « la
belle-mère envie sa belle-fille et se dit : ce que
254 Propos de madame M.A, bru, concubinage, 4 enfants, 32 ans.
255 Propos de madame A.E.M, bru, concubinage, enseignante du
préscolaire, 32 ans, 1 enfant.
mon fils fait à sa femme, mon mari son père ne
me l'a jamais fait. Cette jalousie se situe au niveau de la femme. C'est une
femme qui en envie une autre.»256 En bref, il s'agit donc d'une
mère possessive, en tant qu'autre manifestation de cette jalousie ; la
belle-mère qui dit : « elle me vole mon fils, il est à moi,
elle me prend ma place, il n'écoute plus qu'elle.»257
Elle sent donc qu'elle perd son influence, son autorité
sur le fils. De plus, la lutte entre la bru et la belle-mère, symbolique
soit elle, cache en profondeur un sentiment de jalousie et une relation de
rivalité s'amplifie avec le temps. Parce que « la bru est une
intruse qui a débarqué pour chambouler la vie familiale. D'abord,
elle s'est mariée avec le fils (ce qui signifie, pour la mère,
qu'elle n'est plus propriétaire de cette partie d'elle-même
qu'elle a toujours protégée et entretenue.) Le sentiment
d'être dépossédée de ce fils laisse naître
chez la mère une sensation de mal-être. D'ailleurs, elle se sent
reléguée au dernier plan. Elle a l'impression de ne plus
être importante puisque cette "autre femme" est venue s'approprier son
fils et sa maison.»258
En dernier lieu, « ne pouvant supporter cette
situation, la belle-mère commence à lancer des messages hostiles
à l'égard de sa bru. Implicitement puis ouvertement, des
critiques et des sous-entendus sont lancés de manière à
pousser la belle-fille à riposter et, donc, à entrer en conflit
avec la belle-mère. Le but principal de la belle-mère est de
clairement signifier à sa bru qu'elle est l'unique chef des lieux et
qu'elle ne peut être qu'un subordonné. La belle-mère
n'hésitera pas, une fois la dispute enclenchée, à se
mettre sur la défensive, à responsabiliser sa bru et à
demander à son fils de se positionner par rapport au conflit, de punir
son épouse et d'exiger d'elle le respect et
soumission.»259
Après avoir traité des actes et des verbes
posés par les belles-mères à l'encontre de leurs brus,
venons-en à présent à ceux posés par les brus
à l'endroit des belles-mères. Si nous avons vu tantôt les
diverses plaintes faites par les brus au sujet
256Rita MENSAH AMENDAH, ibid., p.54.
257 Ibid., p.54.
258 Propos de madame I.E.E., 30 ans, concubinage, 2 enfants, sans
profession.
259 Propos de madame I.M.J, 43 ans, mariée à la
coutume, 10 enfants, archiviste.
du comportement des belles-mères, il n'en demeure pas
moins vrai que les bellesmères elles aussi se plaignent du comportement
des brus, qu'elles qualifient d'irrespectueux.
Partant des actes posés par les brus, il faut dire que
selon les propos des belles-mères en général, les brus ont
du mépris pour la belle famille, particulièrement à leur
égard, elles sont irrespectueuses, n'aiment que leurs maris et sont
surtout paresseuses. Pour être mieux édifiés sur cette
question, nous avons retenu les propos de certaines de nos belles-mères
tels mesdames M.D, mesdames E.T, I.M.J, M.J, B.M.G.
Par exemple, madame M.D a trois belles-filles avec qui elle a
eu de bons rapports ; elles affichaient un bon comportement. « Mais
lorsque mon mari est mort en 2006, tout a changé, je ne sais pas
pourquoi »260 nous a-t-elle confié. Ensuite elle a
ajouté que ses brus ont commencé à mal se comporter vu que
pour elle, ses belles-filles « n'aiment que leurs maris et n'aiment
pas la belle famille et la belle-mère. Elles ne me donnent pas la
nourriture, même pas le bonjour, elles restent que dans leurs chambres.
Nous sommes dans la même concession mais pas dans la même maison.
Quand elles me donnent la nourriture aujourd'hui, elles font deux jours sans me
donner la nourriture. C'est mon fils qui me donne à manger.
»261 En ce qui concerne madame E.T, il faut dire qu'elle
reprochait à sa bru qu'elle ne lui prête pas du tout attention, ce
qui, aux dires de la belle-mère madame E.T, l'ennui car elle n'a pas
agit de la sorte. « Nous avons les mauvais rapports car elle avait un
mauvais comportement. Quand je suis tombée malade la deuxième
année après ses présentations, elle était venue
passer un jour, elle a dormi jusqu'à midi sans faire un tour chez moi
pour travailler, juste me dire bonjour. Après elle disparaissait pendant
3 à 4 mois sans venir voir la belle-mère, ni son mari. Les
raisons étaient que je garde l'enfant de ma soeur (la première
année de ses présentations), la deuxième année
c'était maintenant ma soeur qui a
accouché.»262
260 Propos de madame M.D, belle-mère, 78 ans, sans
profession, veuve avec 8 enfants et avec 3 brus.
261Ibidem.
262 Propos de madame E.T, 63 ans, retraitée, 7 enfants,
belle-mère.
En outre, madame I.M.J reproche à sa bru le fait
qu'elle soit paresseuse. << Quand elle lave le linge de son mari, n'a
jamais pris ne fusse qu'une fois dans le mois le linge du beau-père, de
la belle-mère. En passant elle peut prendre le linge des frères
du mari pour laver ne fusse que deux tenues mais rien. Quand elle fait la
vaisselle, le reste des travaux, elle laisse pour les beaux-frères et la
belle-soeur sachant que les beaux-frères ne travaillent pas souvent,
c'est la belle-soeur qui s'occupe du reste du ménage. Elle aime toujours
rester dans la chambre et quand le mari est là, ils passent plus de
temps dans la chambre mari et femme. Mon fils me donnait au moins 50000f chaque
fin de mois, il ne me donne vraiment plus rien depuis qu'elle est venue rester
avec nous.>>263
En plus de madame I.M.J, madame M.J nous a relaté que
sa bru incite son fils à l'insulter elle et sa fille et se plaint
également de la paresse de sa belle-fille. << Les rapports
entre ma belle-fille et moi sont mauvais. Il n'ya pas d'entente, elle ne veut
pas que mon fils me garde. S'il a l'argent, c'est juste pour elle ; elle est de
son côté, elle ne travaille pas. Elle ne veut pas que j'attrape
mon petit-fils et dit que je suis une sorcière. Elle dit à mon
fils de séparer la maison en deux. Je ne vois vraiment plus mon fils, il
a changé avec moi. Mon fils veut même me porter main. Depuis que
nous sommes ensembles là, elle n'a jamais préparé pour le
grand-père du mari, ni jamais donner la nourriture aux enfants de sa
belle-soeur malgré qu'elle soit en voyage.»264
Enfin, nous terminons nos illustrations avec le cas de madame
B.M.G qui entretient aussi de très mauvais rapports avec sa belle-fille
; de surcroît qui vit avec elle dans la même maison. <<
On a souvent des conflits, ma belle-fille est en concubinage avec mon fils,
elle ne me rend pas service, c'est-à-dire puiser de l'eau, me laver le
linge, ne me prépare pas la nourriture que j'aime pour me donner car mon
fils lui donne de l'argent. Elle ne m'achète pas quelque chose à
boire. Je ne suis pas contente car j'ai souffert avec son mari "9 mois de
grossesse". Jamais elle a pris 5000 ou 10000 f pour me donner. Lorsqu'elle se
réveille, elle utilise mes marmites propres et les laisses sales. Moi je
ne suis pas d'accord. Quand je suis malade, elle ne me chauffe pas de l'eau, je
fais même quatre jours alitée et ne vient même
pas me dire bonjour. Je me sens en rivalité car
elle m'accuse de sorcière, c'est moi qui avais mangé son enfant
dans le ventre puisqu'elle a accouché un mort-né à 9 mois.
Mon nom était gaspillé chez tout le monde. Elle ne garde pas bien
ses enfants, ils sont sales avec la gale. Mon fils avait promis me frapper
à cause d'elle. Je ne dépenserai jamais mon argent pour aller la
marier, je la déteste. Ce n'est pas la faute de mon fils car il est
manipulé par sa femme. Je connais mon fils, il était bien avec
moi. Depuis qu'il est avec cette fille, il ya eu un changement
terrible.»265
S'agissant du verbe des brus sur les belles-mères, nous
avons retenu le discours de mesdames B.C, M.J, de madame B.M.G et de madame M.D
pour enrichir les paroles des brus envers les belles-mères.
Pour madame B.C, chaque fois qu'elle arrive chez sa
belle-fille, << elle me dit d'aller me servir moi-même à
la cuisine dans la marmite»266, ce qui constitue un manque
de respect à l'égard de la belle-mère par la bru, aux
dires de madame B.C dans notre entretien. C'est ce genre de paroles et d'actes
qui font qu'elle soit en conflit avec sa bru car cette dernière
mépriserait la belle-famille.
Autre cas à signaler, c'est celui de madame M.J, qui ne
s'entend pas du tout avec sa bru. En effet, << ma belle-fille ne veut
pas que j'attrape mon petit-fils et dit que je suis une sorcière. Elle a
dit à mon fils de séparer la maison en deux. Je ne vois
même plus vraiment mon fils, il a changé avec moi. Elle m'insulte
ouvertement "tu n'es pas la mère de mon mari, dis-nous sa vraie
mère, il ne peut pas avoir une mère infirme, tu fais
exprès de ne pas marcher". Elle dit à son mari de m'insulter
devant les gens sinon elle part chez elle. Et mon fils m'insulte "mon gros con"
; même jusqu'à ma petite soeur.»267
Dans le même ordre d'idée, madame B.M.G se trouve
confrontée dans cette situation où elle est accusée
d'être une sorcière par sa belle-fille, ce qui fait
également qu'elle a de très mauvais rapports avec sa belle-fille
qui vit dans la même maison qu'elle. « Tu vois, ma belle-fille
m'accuse de sorcière, que c'est moi qui avais mangé son
265 Propos de madame B.M.G, commerçante,
belle-mère, divorcée, 52 ans.
266 Propos de madame B.C, belle-mqre, 45 ans, mariée
à l'état-civil, 6 enfants et sans emploi.
267 Propos de madame M.J, belle-mère, 42 ans, sans
profession, avec 54 enfants, concubinage.
enfant dans le ventre puisqu'elle a accouché un
mort-né à 9 mois. Mon nom était gaspillé chez tout
le monde.»268 Aussi considère t-elle sa bru comme
une rivale irrespectueuse.
Enfin, madame M.D se plaint non seulement du fait que ses
belles-filles n'aiment que leurs maris et pas la belle-famille, encore moins la
belle-mère, mais aussi qu'elle est victime d'injures et pamphlets de ses
trois belles-filles : « elles m'ont dit qu'on ne souffre pas avec les
mères des autres (maris). Nos mères ne vivent plus. Des fois,
elle se mettaient à parler seules : je ne veux pas voir la mère
de mon mari ; je ne veux pas que mon mari donne l'argent à sa
mère seule moi. Elles m'insultent ouvertement "idoungui"
c'est-à-dire maboule ; "les yeux rouges".»269
Pour résumer, les belles-mères estiment pour
leur part que les brus d'aujourd'hui sont irrespectueuses à leur
égard et elles comparent, a priori, ce qu'elles vivent maintenant
à leurs propres vécus hier quand elles étaient brus ou le
sont encore. Outre le non respect des belles-mères, ces dernières
affirment que les brus sont paresseuses et ont du mépris pour la belle
famille.
Dans cette présentation du conflit, même si nous
observons quelques exceptions, généralement c'est toujours la
belle-mère qui déclenche le conflit, pour asseoir sa domination
symbolique ; en tant que chef et propriétaire des lieux. Mais cette
domination symbolique tend à être renversée par la bru.
Cependant, il est important de savoir quels sont les éléments
déclencheurs du conflit ?
> L'origine du conflit
On peut d'abord partir des mutations qui ont
façonné l'Afrique, particulièrement le Gabon et qui
conduisent au fait que le choix du conjoint soit dû
268 Propos de madame B.M.G, belle-mère, 52 ans,
commerçante, divorcée.
269 Propos de madame M.D, 78 ans, sans profession, veuve, 8
enfants dont 3 belles-filles.
au sentiment exclusif des conjoints qui se sont
rencontrés soit en pleine balade, à l'école, au travail.
Car << les jeunes sont donc libres du choix de leur conjoint, en ce sens
au moins qu'ils savent désormais que leurs parents n'interviendront
généralement qu'avec prudence : le souci de respecter le choix
personnel de leur enfant et aussi la conscience qu'une opposition
résolue n'aurait d'autre conséquence qu'une brouille temporaire
avec le jeune ménage.»270
Ce qui fait que les conjoints ignorent presque comment sont
les comportements de la famille du conjoint, de même la famille du
conjoint ignore d'où vient ce conjoint, quelle est la renommée de
cette famille et se sent écartée, frustrée ; constituant
une perte d'influence et de son autorité.
<< Arrive alors une femme qui, au nom de la relation
d'alliance, au nom du mariage, devient plus proche de ce fils, son
époux, que ces femmes dont il est le débiteur, et qui
prétend, soit les écarter de la jouissance de ces biens, soit
venir avant elles dans le partage de ces prestations. Elles se sentent
frustrées de devoir passer après une autre qui n'a aucunement
contribué, au départ tout au moins, à
l'épanouissement de l'époux. La relation entre la bru d'un
côté, la belle-mère et les belles-soeurs de l'autre,
devient nécessairement conflictuelle»271 parce que la
bru apparaît comme une accapareuse. Signalons que l'origine du conflit
est de deux natures : celle qui tend à faire entrer la bru dans la
famille et celle qui tend à faire ressortir le fils de la famille.
En ce qui concerne l'arrivée de la bru dans la famille,
il s'agit de faire connaître cette dernière auprès de la
belle-mère. Ceci implique la cohabitation. Cette cohabitation est en
majeure partie une des tensions excessives de la bru envers sa
belle-mère. Nous pouvons dire que la cohabitation existe depuis dans les
sociétés précapitalistes car on vivait en
communauté, c'était la solidarité mécanique dans la
société gabonaise. La belle-famille est élargie
c'est-à-dire que l'on retrouve les soeurs, les tantes, les
frères, les cousins etc. Rare est la situation où nous ne
trouvons rien que
le père, la mère et les enfants. D'où la
belle-fille a la charge de s'occuper de cette famille là. Cette
cohabitation permet de mieux se connaître.
C'est pourquoi la belle-fille devait passer un certain temps
avec les beaux-parents si le conjoint n'avait pas encore de situation stable.
La belle-fille était contrainte d'aller rester dans la maison familiale.
Et celle qui avait un mari ayant un salaire ; son mari et elle partaient faire
un mois et plus avec la belle-mère pour se connaître étant
donné qu'elle ignore (belle-mère) la famille de l'homme, comment
est cette fille ; est-elle travailleuse, polie ou encore c'est la
belle-mère qui se déplace pour aller trouver le couple.
Cette cohabitation entraînerait la surveillance de la
bru qui pour elle, n'admet cette situation. Ce qui fait apparaître les
tensions. L'élément déclencheur du conflit serait dii
à la décision du fils d'aller présenter sa conjointe
à sa mère. A signaler que cette décision a
été motivée par le fait que la bru avait
déjà un enfant. Ce qui a pour corollaire les présentations
officielles auprès de la belle-famille. C'est le cas par exemple de
madame I.E.E272 qui, quand elle est allée habiter dans la
maison de la belle-mère, était enceinte de 4 mois mais n'avait
rien dit à la belle-mère. En fait, tout a commencé lorsque
la belle-mère lui proposa d'allée laver le corps chez le Nganga
avec elle, parce qu'il n'était pas normal qu'elle puisse rester avec son
fils qui ne travaille pas ; elle mérite mieux et lui a demandé de
ne rien dire à son fils. Quand la bru a décliné l'offre de
la belle-mère d'aller voir un Nganga, la belle-mère s'est
fâchée en disant que « moi, on ne m'a pas fait sortir
l'argent pour qu'on m'épouse ; je ne peux pas aussi le faire,
jamais.» Pour madame Y.H273, le conflit débute ici
dès la naissance du 1er enfant ; ce qui faisait que la
belle-mère commençait à faire des tours de temps en temps
à la maison de la bru puisqu'elle aidait sa belle-fille à garder
l'enfant. On notera que la belle-mère a commencé à
surveiller la maison ; en cherchant par exemple à savoir ce qui a
été préparé pour son fils, il faut mettre de l'eau
de javel dans les toilettes, la nourriture n'est pas bien nettoyée.
De même, avec madame L.C274, le conflit a
declenche après la naissance du 2ème enfant et les presentations
ont suivi. Dès lors, ils ont decide de vivre ensemble et le conflit
s'est véritablement manifesté d'abord avec les belles-soeurs et
les beauxfrères qui vivaient avec eux dans la maison du mari. Le conflit
a declenche après la naissance du 2ème enfant et les
presentations ont suivi. Dès lors, ils ont decide de vivre ensemble et
le conflit s'est véritablement manifesté d'abord avec les
belles-soeurs et les beaux-frères qui vivaient avec eux dans la maison
du mari.
Tout comme pour madame A.E.M275 lorsque le mari a
commence à travailler, il a décidé d'aller se
présenter au bout de 4 ans. De là, la belle-mère a
proteste en disant que si il decide de vivre avec sa femme, ils doivent donc
sortir de sa maison et la belle-mère racontait que sa belle-fille etait
sterile. Venons-en à présent à l'origine qui tend à
faire sortir le fils de la famille.
A cet effet, le conflit s'accentue lorsque les fils
s'obstinent à aller vivre avec leurs conjointes sur leurs propres toits,
malgre le refus de leurs mères. Nous prendrons le cas des hommes maries
avec des gabonaises et des etrangères ; pour mieux illustrer nos
propos.
Monsieur I.S276 nous a dit que « quand je
suis rentré au Gabon, j'étais déjà marié
donc je n'avais pas de compte à rendre à mes parents. Je ne suis
pas resté longtemps à Libreville, je suis parti loin de la
famille à Franceville, je suis resté là-bas pendant 10 ans
donc la famille je ne voyais que pendant les vacances. » Pour
monsieur J.A.A277 « je me suis marié en 2004 en
France avec elle. Dès qu'elle est arrivée au Gabon, je suis
allé directement louer avec elle, à la maison il y avait
rien. » En outre, « quand j'ai commencé à
travailler, j'ai décidé de quitter la maison familiale. Le fait
de quitter la maison a été un souci pour ma mère, car
c'était d'ordre affectif, elle se sentait
dépossédée étant dans la maison familiale ;
elle
274 Madame L.C, Massango, mariée à la
coutume, 39 ans, 6 enfants, étudiante.
275 Madame A.E.M, Fang de Minvoul, 32 ans, 2 enfants,
concubinage, enseignante préscolaire.
276 Monsieur I.S, 49 ans, Myqn~, marié à
l'état-civil avec une mauricienne, conseiller du ministre des mines et
enseignant du supérieur, père de 3 enfants.
277 Monsieur J.A.A, 45 ans, 4 enfants, cadre au
minist~re des mines, marié à une fang à
l'état-civil.
pensait me gérer. Savoir comment j'allais, juste
pour elle je n'étais pas assez grand, et avec une personne, elle se
demandait comment j'allais ma comporter. Ça n'a pas été
facile.>>278
Ici, nous voyons avec Louis ROUSSEL que l'enfant est un «
caractéristique irréductible du lien conjugal. C'est la
décision d'avoir un enfant qui "change tout " et transforme le couple en
conjoints. La naissance de l'enfant transforme inévitablement le lien
qui unit les conjoints et confère à l'épouse des
responsabilités qui demeurent, pour ma majorité de l'opinion, de
son ressort.>>279 Cet enfant est apparu dans les
résultats comme essentiel au mariage : sans lui, pas de vrai mariage.
En effet, avec la naissance de l'enfant, la belle-mère
se sent déstabilisée, mieux encore, avec le mariage, la
belle-mère perd la bataille, sans parler de l'éloignement du fils
et la décohabitation. A cela, Séverin Cécile
ABEGA280 parle de la « mort symbolique >> de la
belle-mère par la bru.
278 Propos de monsieur C.A.E, 38 ans, Fang, ingénieur en
marketing, 3 enfants, vit en concubinage avec une fang.
279 Louis ROUSSEL, op.cit., p.290.
280 Séverin Cécile ABEGA, op.cit., pp.98-99.
Chapitre IV : La réfraction des rapports sociaux
au sein du couple.
En physique, la réfraction désigne ce
phénomène qui consiste en la déviation d'un rayon
lumineux, d'une onde électromagnétique qui passe d'un milieu
à un autre. De même, en sociologie, le phénomène de
la réfraction peut s'observer en ce sens qu'il s'agit de la
répercussion d'un fait social au sein d'un groupe. En fait, il est
question ici d'étudier les possibles conséquences des rapports
conflictuels entre la belle-mère et la bru dans la famille d'abord, au
sein du couple ensuite.
Section 1 :L'instabilité du couple et le recours
à différentes pratiques telle la sorcellerie.
Les rapports conflictuels entre bru et belle-mère ont
un effet au sein du couple ; qui lui, engendra l'instabilité des
conjoints car les brus se plaignent de la relation invivable avec leurs
belles-mères pour certaines ; et pour d'autres, elles changent
d'attitude vis-à-vis de leurs maris. Celui-ci (fils/époux) aimant
les deux femmes, ne sachant quoi faire, en souffre de ce manque d'amour entre
ces deux acteurs.
L'instabilité dans le couple peut dépendre de
plusieurs facteurs ; entre autre, le manque de respect entre les deux acteurs
qui peut surgir devant le fils pour l'une, le mari pour l'autre. Face à
ce problème, le fils peut se dire qu'elles n'ont qu'à trouver un
terrain d'entente elles-mêmes. En ce qui concerne la maman, elle se dira
probablement que le fils approuve ce que sa femme fait car si son fils n'avait
pas choisi cette femme, elle ne serait pas aujourd'hui dans cette situation.
Soit ce sont les disputes considérables entre époux qui peuvent
surgir car il (le mari) ne voudra pas que son épouse puisse importuner
sa maman. Cette situation d'incompréhension
peut aboutir au divorce pour celles (les brus) qui sont
mariées ou l'abandon du foyer par les brus ; trouvant inacceptable et
difficile cette cohabitation.
En outre, la violence symbolique des rapports conflictuels
entre la bru et la belle-mère et le manque de compréhension entre
la bru, la belle-mère et le mari/le fils créent le doute dans le
foyer et peuvent pousser à l'infidélité. Ainsi, le doute
et la suspicion engendrent un climat de malaise, d'instabilité
préjudiciable à tous. Certaines personnes seront heureuses,
d'autres non comme les enfants par exemple. D'où cette question,
à qui profite cette instabilité dans le couple ?
Par ailleurs, la belle-mère peut imposer une
deuxième femme ou plus à son fils car pour certains hommes, a
priori, l'amour pour leurs mères passe avant celui de leurs
épouses ; et cela peut constituer un problème. Sur ce choix d'une
seconde épouse, notons que celui-ci n'est plus du ressort du fils,
plutôt de sa famille ; une épouse de la même ethnie. Choix
qui peut engendrer des cris, des bouderies, violence inouïe, comme cela
peut engendrer aussi une concurrence entre rivales, l'arrogance, le
mépris encouragés par la belle famille. La première
épouse supportera difficilement. Le manque de confiance entre bru et
belle-mère conduit vers un climat invivable.
Et que par ailleurs, « la tension entre ces deux femmes
est donc implicite, car elles occupent dans le système deux positions
qui se qui se révèlent antithétiques (...) pour
révéler que cela existe depuis des temps
immémoriaux.»281 Enfin, l'auteur clôt son analyse
sur les rapports conflictuels entre la bru et la belle-mère par sa une
recommandation qu'il convient à tous d'apprécier en disant que
« les belles-mères et les brus sont un mal nécessaire et
doivent réapprendre à vivre ensemble, tout homme devant
naître et se marier»282 pour que la société
retrouve un équilibre grâce auquel toutes ses contradictions
pourront s'atténuer. Cette instabilité nous pousse donc à
nous interroger sur la place de l'homme dans le conflit.
281 Séverin Cécile ABEGA, La bru tueuse,
in Journal des africanistes, 1992, volume 62, numéro 62-1,
ibid., p.105.
282 Ibid., p.105.
1. L'homme comme enjeu du conflit.
Ici nous sommes dans une situation triangulaire dont deux
femmes et un homme. L'homme est, dans la relation conflictuelle entre bru et
belle-mère, pris comme « un objet >> précieux ; dont
chacune voudrait préserver ses intérêts particuliers. Il
apparaît ainsi comme une victime ; victime parce que le conflit va
opposer deux femmes qu'il aime : d'un coté sa mère et de l'autre
sa femme qu'il affectionne et ne peut jouer l'arbitre en face des deux. Donc,
il est pris entre deux feux ; il doit gérer deux femmes. On peut
rappeler ici le fait que « les conflits entre belle-mère et bru ont
existé depuis la nuit des temps, mais à la base de leur
genèse a toujours existé la rivalité et la jalousie
excessive qui imprègne leur relation. Il ne faut pas oublier aussi que
les deux femmes sont impliquées dans une même relation et se
disputent le même objet d'amour qu'est le fils.>>283
Cette guerre des femmes les pousse à recourir à
différentes pratiques telle la sorcellerie.
Ces pratiques sorcellaires sont considérées
comme un type de comportement dit « intentionnel ; mieux, ce sont des
conduites visant consciemment à atteindre un but. Recourir à ces
pratiques sorcellaires, cela sous-entend qu'il ya manifestement un conflit
symbolique ; en tant qu'ultime moyen pouvant déboucher sur une victoire
de l'une sur l'autre. Pour Max WEBER, ce type de comportement définit ce
qu'il appelle la rationalité instrumentale. En effet ici, «
l'action, définie comme un comportement intentionnel, obéit
implicitement à une rationalité de type instrumental ou
utilitaire, dans la situation qui est la sienne au moment d'agir, l'acteur
engage ses moyens pour atteindre la fin dont il pense qu'elle lui apportera la
plus grande satisfaction.>>284
283 Dalila SOLTANI, op.cit., p.1.
284 Raymond BOUDON et Renaud FILLIEULE, les méthodes
en sociologie, 12ème édition, Paris, Puf, (coll.
« Que sais-je ? »), n°1334, 2004, p.54.
Ce point de vue de Max WEBER sur l'action rationnelle, que
nous partageons, nous permet de nous situer et dire que la bru, pour
(re)conquérir ou garder son mari, son foyer, et la belle-mère,
qui voudrait détruire cette relation, auront recours aux pratiques
sorcellaires ou à la magie285 pour atteindre leurs fins.
Fétiches, pour la bru afin que son mari l'aime davantage et pour que le
mari ne puisse pas voir les mauvaises choses qu'elle puisse faire ; ou encore
pour que le mari lui donne ce qu'elle veut ; qu'il soit complètement
sous son emprise.
Au rebours, la belle-mère286 peut user de la
magie ou sorcellerie voire fétiches287 pour mettre un terme
à cette relation qui vient la déposséder de son fils. En
effet, « une fois la bru installée dans la maison, toutes les
occasions seront saisies pour la faire souffrir et le recours à la magie
deviendra vite inéluctable. Magie de l'une pour prévenir, magie
de l'autre pour attaquer et faire payer la dépossession d'un fils ne
sont que le reflet vrai d'une relation triangulaire dans laquelle se joue le
drame du pouvoir.»288 Dans cette situation, le
fils/époux se trouve être encore une victime ballottée
d'une femme à l'autre.
Si la bru persiste à rester dans son foyer, la
belle-mère cherchera à la faire partir en employant certaines
pratiques soit en attachant des cordes pour que son fils déteste sa
femme ou alors la bru fait de plus en plus une série de cauchemar, des
maladies répétées etc. Toutefois, ces pratiques, comme
l'écrit WEBER, qui ne sont pas illusoires, arriverons à
satisfaire les deux acteurs. Parce qu'étant avant tout des actions
intentionnelles, rationnelles ; guidées par des mobiles.
En témoigne les propos de monsieur I.S pour qui «
quand je ne suis pas là c'est la guéguerre, quand je suis
là tout le monde est gentil. Je suis comme un peu le dindon de la farce.
A beau supporter, ma femme se plaint, ta mère, je ne comprends pas.
Comme je voyais
285 Nedjima PLANTADE, La guerre des femmes. Magie
et amour en Algérie, Paris, édition la Boîte à
Document, 1988, 179 pages
286 A ce propos, l'entretien avec madame A.E.M,
bru, 32 ans, enseignante préscolaire, concubinage depuis 8 ans, 1
enfant, nous a permis de voir que sa belle-m~re avait amené son nom chez
le Nganga pour qu'elle meurt en décembre 2006 et donc se séparer
définitivement de son mari.
287 Cf. Féminin interdit d'Honorine
NGOU, qui met en évidence le recours à la sorcellerie dans cet
ouvrage de la mère du personnage principal Hémiel, pour que ce
dernier se sépare de sa femme.
288 Nedjima PLANTADE, La guerre des femmes. Magie et amour en
Algérie, Paris, Puf, édition la Boîte à
Documents, 1988, p.154.
que cette histoire prenait de l'ampleur, j'ai fais
semblant d'aller un jour au travail et je suis resté dans la chambre
pour voir ce qui se passe.>>
Quant au recours à la sorcellerie, madame I.E.E indique
que: << ma belle mère me proposa d'aller laver le corps chez
le Nganga avec elle, parce qu'il n'était pas normal qu'elle puisse
rester avec son fils qui ne travail pas, que je mérite mieux mais de ne
rien dire à son fils ; et j'ai refusé. > De même
c'est le cas de madame M.A : << tu vois la grosse boule que j'ai
derrière l'oreille, c'est ma belle-mère qui m'a lancé
çà mystiquement. Aujourd'hui, je suis partie de la maison de son
fils avec les enfants. Il est resté seul dans la maison avec sa
mère et les enfants de sa soeur. >>289 Par
ailleurs, madame A.E.M nous rapporte que << ma bellemère me
répétait touts les jours que j'allais mourir en décembre
2006 si je ne partais pas de la maison de son fils. Elle dit aussi que je finis
l'argent de son fils et qu'elle va m'abattre comme un chien si je ne parts pas
de SOTEGA. Son fils va nous coucher toutes les deux et on aura le même
goût.>>290 Autre exemple qui confirme l'usage de
pratiques sorcellaires, c'est celui de monsieur I.I qui nous a dit qu'on lui a
dit que sa femme le vampirise.
Symboliquement, le fils est la première victime, mieux
un << objet >> disputé que la belle-mère et la bru
veulent contrôler. Cette lutte acharnée autour de cet <<
objet >> s'amplifie de jour en jour en l'absence de solutions pratiques ;
la vie familiale risque de devenir insupportable. Il est pour ainsi dire
réifié par les deux femmes. Quelle sera alors l'attitude de
l'homme dans ce conflit ?
2. La prise de position du mari/fils dans le conflit
On peut partir du fait que les tensions qui naissent ou
provoquées par la bru et la belle-mère se manifestaient devant le
mari. << Mais ces conflits ne devaient pas avoir lieu en présence
du mari qui incarnait l'autorité et le respect. Il y avait
289 Madame M.A, 4 enfants, Nzébi, concubinage, 32 ans,
sans profession.
290 Propos de madame A.E.M, bru, concubinage, enseignante du
préscolaire, 32 ans, 1 enfants.
certainement des murmures de mécontentement, des
tentatives de règlement de compte, mais dans
l'ombre.»291
Né et élevé d'une femme qui est sa
mère, ayant souffert avec lui et aimant sa famille, l'homme ne se voit
pas porté un doigt accusateur sur sa maman, ou encore chasser cette
dernière. Il se voit dans l'obligation de demander à sa femme de
supporter car il s'agit de sa mère, que peut-il faire d'autre ? Essayer
de discuter avec les deux protagonistes car lorsque survient un conflit entre
elles, l'homme se range du côté de sa mère. Autre fait,
nous avons posé la question de savoir justement quelle est l'attitude du
mari et quelles sont les solutions qu'il propose, la réponse et qu'il
prend le parti de sa mère, et qu'il demande donc à sa femme de
supporter. Soit << il ne dit rien car s'il prend ma part, la
mère dira voila, on a fétiché mon
enfant.»292 Dans ces conditions, il choisit d'arranger et
de ramener les deux femmes à la raison. Cependant, << seule une
tension extrêmement violente peut le faire sortir de sa
réserve.»293 Comme le soulignent nous informateurs qui
disent à leurs femmes de supporter leurs mamans aux yeux de celles-ci,
et lorsque la bru tourne le dos, il va parler avec sa mère. Car ils
prétendent mettre en exergue leurs foyers et on pour prétexte que
leurs parents avaient déjà fait leurs vies et qu'il était
déjà tant que leurs mamans s'occupent d'autres choses.
En effet, monsieur A.E.C294, ce qui concerne les
rapports conflictuels entre sa femme et sa mère, a
préféré partir de la maison familiale pour vivre seul et
<< c'est comme çà que j'ai su gérer mes
problèmes et çà te responsabilise. Le fait de quitter la
maison était un souci pour ma mère car c'était d'ordre
affectif~ elle se sentait dépossédée
étant dans la maison familiale ; elle pensait me gérer, savoir
comment j'allais juste pour elle, je n'étais pas assez grand et avec une
personne, elle se demandait comment j'allais me comporter. Ça
n'a
291 Annick Sandra NYINGONE, Mariage et condition sociale de
la femme esclave sous la royauté Nkomi (1750- 1903), Mémoire
de Maîtrise en Histoire et Archéologie, UOB/FLSH, sept.2004,
p.71.
292 Propos de madame I.E.E, bru, 30 ans, 2 enfants.
293 Séverin Cécile ABEGA, op.cit.,
p.104.
294 Ingénieur en marketing à Zain Gabon, 38 ans, en
concubinage depuis 9 ans, habitant l'ENS, pqre de 3 enfants, entretien
réalisé en avril 2009.
pas été facile.»295
D'autres n'hésitent pas à tenir tete à leurs mères
en prenant la défense de leurs épouses. C'est le cas de monsieur
A.A.J296 qui s'est marié en 2004 en France avec sa femme sans
l'aval de sa mère ; son père étant
décédé ; ce qui a suscité vraiment des conflits.
Aussi, « j'ai clairement dis à ma mère que je suis
grand, je fais ma vie, j'ai pratiquement 40 ans j'ai le droit de me marier ;
toi tu t'es mariée à 18 ans alors ne me fais pas le bruit.
»
Mieux, un de nos informateurs a tout simplement interdit sa
mère de venir chez lui et prend le parti de son épouse. En effet,
« chez moi j'influence, je décide, je suis un rebelle de la
famille donc ma mère se tient à carreaux. C'est mon foyer que je
protège car mes parents ont eu leurs vies et moi j'ai la mienne. Je
débats de toutes ces choses sans retenu avec la famille d'où j'ai
meme interdit ma mère de venir chez moi.»297 Pour
monsieur I.S, « pour moi c'est ma soeur qui doit garder ma mère
et le fils garde son père. Alors puisque ma mère embête ma
femme, je lui ai dis de retourner chez ses filles, ne vient plus chez moi,
prend tes bagages et je te paie le retour et elle est retournée.
»298
Section 2 : Affirmation de la bru.
Les pratiques employées pour arriver à ses fins,
comme nous venons de le voir précédemment, conduira a priori
à une stabilité de son foyer. Cependant, c'est sans compter que
cette dernière doit adopter un type de comportement : appropriation du
foyer par la bru et prise de distance avec la belle famille.
1. Appropriation du foyer par la bru.
La prise de position du mari face à sa mère va
octroyer un pouvoir à la bru : il s'agit de l'appropriation du foyer par
la bru. Pour A.A.J, « la vie nous instruit, la femme doit etre forte,
elle doit s'imposer parce que c'est la femme qui gère la maison et non
l'homme,
295 Propos de monsieur A.E.C, ingénieur en
marketing Zain Gabon.
296 Cadre au Minist~re des Mines, 45 ans, marié à
l'état-civil et à la coutume.
297 Propos de monsieur I.I, 48 ans, agent de contrôle
à l'ASECNA, marié à l'état-civil, 3 enfants,
cité ASECNA.
298 Propos de monsieur I.S, 49 ans, 3 enfants,
marié à l'état-civil à une mauricienne, enseignant
du supérieur et conseiller du ministre des mines.
l'homme ne fait que donner l'argent mais
l'éducation revient à la femme. Quand la femme perd son
autorité dans le foyer, c'est fini.»
« Les femmes africaines disposent et ont toujours
disposé d'un pouvoir réel dans leur menage malgre les hierarchies
formelles des rôles sexues qui leur confèrent une position
d'infériorité.»299 L'appropriation du foyer
concerne la tenue de la maison ; la planification du panier de la
menagère, la planification des naissances, consecutive à la
scolarisation des femme, à leurs activites professionnelles remunerees,
ont modifie leurs rôles et statuts au sein du foyer.
En outre, dans sa maison, `importe qui ne plus s'asseoir comme
il le désir, toucher la nourriture, etc. En fait, la belle famille n'a
plus véritablement la mainmise sur elle. Elle n'est plus obligée
de laver le linge, de préparer et, il ya des domestiques à cet
effet, car elle est le chef de la maison. Certaines prefèrent habiter
dans des quartiers éloignés où il faudrait toujours avoir
se déplacer avec l'argent du taxi en cas d'absence des parents. Cet
éloignement fait limiter les visites où celles qui habitent dans
les grandes villas avec gardien et grandes barrières, laissent des
consignent telles « aucunes visites sans autorisation » car elle est
la maîtresse de maison.
Soit avant de venir, il faut au prealable aviser, passer un
coût de fil pour annoncer son arrivee ; elle conditionne le mari (dans le
cas oil la bru a plus de moyens que le mari). La scolarisation massive des
femmes et leurs differentes activites professionnelles ont donc pour ainsi
dire, modifie leurs rôles et statuts au sein du couple. Par ailleurs la
bru diplômée, dont l'environnement social favorisait une
émancipation, ne se voit plus guidée par la tradition.
L'individualisme est mis en relief car chacun voit son interêt.
Celles qui sont déjà mariées n'ont
presque plus d'obligations avec leurs belles familles ; car elles essaient
encore d'être dominantes, bien qu'étant dans leurs foyers.
299 « L'Afrique des femmes »
in la revue VolWWWfWWKne, n°65, 1997, p.35.
Sauf pour celles qui vivent encore en concubinage (de moins de
5 ans) elles voudraient gagner la confiance de la belle famille.
Celles qui ont plus de 8 ans, même si elles vivent en
concubinage, et qui ont les moyens financiers, nous ont rapporté ne plus
supporter ce « calvaire de la belle famille >>, et de modifier la
situation. Et qu'en étant dans son propre foyer, elles obtiennent un
nouveau pouvoir et peuvent gérer leurs foyers à leur guise.
2. Prise de distance avec la belle famille.
Une première remarque vient du fait que la vie de
couple n'est pas toujours évidente. Et lorsqu'on y ajoute la belle
famille, cela peut devenir ingérable. En effet, dans un contexte de
mutations sociales affectant toutes les structures de la société,
la tradition cède la place au modernisme. La société
gabonaise se modernise et se développe maintenant sous l'influence de
l'Occident : les téléfilms, les cd importés
accélèrent le processus d'acculturation dans toutes les familles
urbaines et rurales. De plus, internet et la téléphonie mobile ne
sont pas en reste. Ce qui fait que le cliché européen de
l'incompatibilité d'humeur entre belle-mère et bru sème le
trouble dans la relation traditionnelle de ces deux acteurs.
En son temps, les devoirs de la bru envers sa belle famille
étaient de rigueur. Mais cette autorité s'émousse de jour
en jour. Les rapports conviviaux se font de plus en plus rares. Les couples
aspirent à plus de liberté d'où la décision d'aller
vivre loin la maison familiale. Car la cohabitation familiale entraîne,
comme nous l'avons vu dans les sections précédentes, la
surveillance de la vie du couple par la belle famille dont parle madame Y.H et
les autres brus que nous avons rencontrées, et qui suscite toujours des
conflits ; en particulier entre bru et belle-mère.
Ainsi la bru, influencée par un ensemble de valeurs
occidentales telles les téléfilms, l'école, l'urbanisation
; l'économie monétaire et pourquoi pas l'entourage, provoquent en
elle des transformations considérables et partant, les pratiques
culturelles africaines.
Disons aussi que la soif de liberté ou d'individualisme
a fait naître un nouvel esprit qui met en évidence l'ego,
l'égoïsme, le moi. Celles qui n'étaient pas mariées
étaient soumises après le mariage, montrent leurs « vrai
visage » en prenant donc des distances avec la belle famille ; ou pour
celles qui ne cohabitent plus dans la maison familiale montrent
également « leurs vrais visages ». En fin de compte, la belle
famille perd son autorité sur le fils et la bru ; et les obligations des
belles-filles vis-à-vis d'eux disparaissent. D'où leur avis selon
lequel « il n'est pas souhaitable de vivre avec sa belle-mère
parce qu'elle voudra se mêler des affaires du couple et prendre la part
de son fils ; la bru aura l'impression d'être gérée dans le
foyer par une tiers personne.»300 En résumé,
si la bru prend des distances avec la belle famille alors elle pourra mieux
s'approprier son foyer. En témoigne A.A.J « j'attire
l'attention de ma femme, cette relation j'attire l'attention de ma
femme ; cette relation il faut faire attention ; c'est mon devoir de l'avertir.
Mon pieds c'est son pieds, là où je dois mettre les pieds c'est
là où tu mets les pieds.»
Egalement, « moi-même j'ai dis à ma
femme que c'est inutile d'aller rendre visite à mes parents. Je lui dis
1 fois tous les 3 mois, tu leur dis que t'es juste de passage vous dire
bonjour. C'est pour garder les bons rapports.»301 Enfin,
monsieur I.S nous dit que « Personne ne vient manger chez moi.
Même mes neveux ne connaissent pas chez moi. Il n'ya pas que la
belle-mère, il ya aussi les grandes soeurs.»302
300 ,Il s'agit là du point de vue que partagent toutes les
brus quant à la question de savoir si il est souhaitable de vivre avec
sa belle-mère ?
301 Propos de monsieur E.J.F, Myènè, cadre
retraité de Tractafric SHO/Gabon, 59 ans, 5 enfants, marié
à la coutume à une Sénégalo-gabonaise, habitant la
Sni/Owendo, entretien réalisé en avril 2009.
302 Propos de monsieur I.S, 49 ans, 3 enfants, marié
à l'état-civil, à une mauricienne, enseignant du
supérieur et conseiller du Ministre des mines.
Conclusion de la deuxième partie
En partant de la question de savoir pourquoi bru et
belle-mère sont-elles en conflit, nous nous sommes rendus compte
qu'en fait, il s'agit de deux femmes qui ont chacune la volonté et le
désir de contrôler un seul homme : le fils pour l'une, le mari
pour l'autre. Car, aux dires de nos différents informateurs,
principalement les hommes mariés à des étrangères
comme à des gabonaises, il ressort qu'avant l'arrivée de la bru,
les rapports « mère-fils » ne connaissaient pas de
troubles.
vivre loin de sa famille avec sa femme et pourquoi pas, de la
mettre en exergue. Cependant, ils comprennent bien l'attitude de leurs mamans
mais en plus, celles de leurs femmes. Par ailleurs, nous précisons que
cette étude n'a pas pour objectif de jeter l'anathème sur un des
acteurs de ce trio, ce triptyque. Plutôt de nous engager dans une
tentative d'explication de ce phénomène social qui, à la
lecture de la formation sociale gabonaise, se pose avec acuité.
De même, DURKHEIM nous apprend que « quand donc on
entreprend d'expliquer un phénomène, (...), il est naturel de
rechercher la cause (...) avant d'essayer d'en déterminer les effets.
»303 Les effets sont connus, divorces, déstabilisation
des familles ; familles recomposées, etc. Etudier les rapports qui
existent au sein de la famille gabonaise actuelle, c'est aussi nous interroger
sur la structuration des rapports existant en général dans une
formation sociale donnée. La présente étude nous permet de
voir qui détient le pouvoir et comment et à partir de quoi il
s'exerce ; mais surtout, à quelles fins.
Au fond, nous retiendrons que la perspective du
matérialisme historique de Karl MARX sied ici, parce qu'elle nous aide
à voir que « l'évolution de la société
résulte de l'évolution des conditions matérielles de la
vie. A la base se trouvent les forces productives (instruments et techniques de
production, force de travail des hommes et objets auxquels s'applique ce
travail). Ces forces productives engendrent des rapports de production : ce
sont les rapports que les individus nouent entre eux à l'occasion de la
production. »304 Dans notre métaphore, « ces
forces productives » représentent la bru, qui subit le
calvaire de sa belle-mère, désignée ici comme «
propriétaire des moyens de production >>,
c'est-à-dire, le « fils. »
303 Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode
sociologique, Paris, Puf/Quadrige, 11ème édition,
2002, p.95.
304 R.G. SCHWARTZENBERG, Sociologie politique, Paris,
éditions Montchrestien, 5ème éd., (coll. «
Domat Politique »), 1998, p.48.
Ces rapports qui se présentent comme conflictuels entre
la belle-mère et la bru découlerait bien de l'évolution
des conditions matérielles de la vie familiale, mieux, de la vie
sociale.
Conclusion générale
La famille gabonaise n'est plus soudée, c'est le
paraître. Le lien qui existe entre une mère et son fils est
très fort car durant toute son enfance, la maman a toujours
été présente pour partager ses joies et ses peines. Il y
avait une certaine complicité entre eux avant que le fils ne lui
présente sa conjointe. Et l'arrivée d'une bru dans la vie de son
fils est perçue avec méfiance et arrières pensés;
d'autant plus que la société a évolué, le choix du
conjoint ne se fait plus de la même manière c'est-à-dire
qu'autrefois, ce choix se faisait par le canal des parents. Ce qui faisaient en
sorte que la bru était mieux accueillie puisqu'on connaissait
déjà la renommée » de la famille et la
mentalité de cette bru.
Or, aujourd'hui avec l'évolution de la
société gabonaise, ce choix se fait en majeure partie par des
conjoints eux-mêmes qui se sont rencontres soit en pleine ballade, soit
à l'école et relève du sentiment personnel. Ainsi,
l'arrivée de cette instruise dont on ignore sa vie, la renommée
de sa famille ne pourra pas être de facto acceptée facilement. Il
est vrai que la belle-mère et la bru peuvent développer des
affinités mais dans la plupart des cas, il n'est pas toujours
évident que bru et bellemère découvrent en chacune d'elle
une femme formidable vis-à-vis de l'autre ; et s'accusent mutuellement
de discourtoisie, ce qui amène des tensions. Cela se manifeste par des
injures et actes tels: « ce n'est pas le fait de coucher avec mon
fils, il n'y a pas encore d'enfants, ce n'est pas la peine d'être
là, tu ne sais pas entretenir la maison, les marmites sont mal
lavées et tu t'occupes mal de mon fils »305 ;
« mon fils participe seul aux besoins du ménage. Par ailleurs,
l'éducation des enfants n'est pas bien faite. »306
Ou encore, « qu'on ne souffre pas avec les mères des maris. Nos
mères ne vivent plus. Des fois, elles se mettaient à parler
seules : je ne veux pas voir la mère de mon mari, je ne veux pas que mon
mari donne de l'argent à sa mère seule moi. Elles m'insultent
ouvertement "idoungui" c'està-dire "maboule, les yeux rouges".
»307 Autre injure de la bru envers la belle-mère :
« tu n'es pas la mère de mon mari~ dis nous sa vraie
mère ; il ne peut pas avoir une mère infirme, tu fais
exprès de ne pas marcher. »308 Ou encore, «
sorcière, c'est toi qui a mangé mon fils dans mon ventre.
»309
Les rapports conflictuels entre bru et belle-mère
peuvent provenir soit de la belle-fille, soit de la belle-mère. La
plupart du temps on pose souvent un doigt accusateur sur la belle-mère
mais il survient aussi que les belles filles déclenchent le
305 Entretien avec madame B.O.M une bru, sans enfants,
âgée de 28 ans, étudiante, Fang et vit en concubinage
depuis 7 ans.
306 Entretien avec une belle-fille, madame Y.H, âgée
de 40 ans, psychologue, Myènè, vit en concubinage depuis 9 ans,
avec 2 enfants.
307 Entretien avec madame M.D, né vers 1930,
belle-mère, sans profession, veuve avec 8 enfants, elle a trois
belles-filles.
308 Entretien avec madame M.J, belle-mère, 42 ans,
Mitsogho, sans profession avec 5 enfants, elle vit en concubinage.
309 Entretien avec madame B.M.G, belle-mère,
âgée de 52 ans, Punu, commerçante, elle a 6 enfants. Elle
est divorcée.
conflit pour que son conjoint aille habiter loin de la
famille, sous leur propre toit ; en fait c'est un problème entre deux
femmes.
La bru devrait comprendre l'agir de sa belle-mère car
elle ignore la douleur de la mère, ce qu'elle vit ou a vécu,
toutes les difficultés qu'elle á enduré pour son enfant et
c'est une personne inconnue qui n'a pas participé a
l'épanouissement de son enfant qui jouit de ses douleurs,
économiquement et socialement ; alors elles peuvent être
agressives sans le savoir. De plus l'enfant au Gabon, est perçu comme
une garantie et une sécurité sociale. Il s'agit de voir que si
les parents se sont investis longtemps sur leur fils ; c'est parce qu'il savent
qu'il leur sera redevable le moment venu ; c'est-à-dire, lors leur
vieillesse.
Mais ces belles-mères oublient qu'elles ont
été aussi des belles-filles. De mêmes, Ces brus oublient
que demain elles seront aussi des belles-mères et qu'elles agiront aussi
de la même manière. Le véritable problème c'est une
maman qui tient a contrôler son fils qui lui échappe et qui
revendique aussi ses droits. Ce qui est évident de nos jours, c'est
qu'il n'y a plus de respect entre bru et belle-mère, les brus affrontent
les belles-mères et cela conduit a la désacralisation de cette
relation. Dans cette guerre des femmes, l'homme est pris entre deux feux, il
est l'objet « précieux » discuté et devient l'enjeu de
ce conflit.
Il est l'arbitre donc est le seul a trancher ce conflit parce
qu'étant a l'origine du problème. Il apparaît clair que
l'homme, dans ce conflit, est réifie par ces deux femmes. D'ailleurs les
deux femmes sont habitées et animées par un égoïsme
réciproque. A cela, s'ajoute certainement la cohabitation excessive due
aux moyens financiers et au manque de logement, qui parait plus important. De
même, l'éloignement du fils, c'est-à-dire, la
décision d'aller vivre seul avec sa femme dans l'optique de
l'expérience du couple, sont autant d'éléments
déclencheurs du conflit entre ces deux femmes. Par conséquent
pour lire les rapports conflictuels entre bru et belle-mère nous avons
pris pour cadre théorique le matérialisme historique de Karl MARX
pour faire ressortir la logique de lutte entre ces deux femmes.
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Maîtrise en Sociologie, Libreville, UOB/FLSH, 2006-2007, 102
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Université Paul VALERY de MONTPELLIER III, 2004, 457 p.
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diplômée : permanence et paradoxe, Mémoire de
Maîtrise en Sociologie, Libreville, UOB/FLSH, Juin 2008, 99p.
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sociale de la femme esclave sous la royautéNkomi
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www.yahooencyclopedie.fr
61.
ian.eschstruth@laposte.net
62.
www.musow.com.
63. http: //
fr.wikipedia.org/wiki/sociologie
de la famille
Table des matières
Dédicace
Remerciements
Sigles et abréviations
Liste des illustrations Liste des
tableaux
Sommaire
Introduction générale
|
|
1
|
Les préalables épistémologiques
|
|
3
|
Section 1 : Objet et champ de l'étude
|
|
3
|
1-Les rapports mère-fils
à travers la bru comme objet d'étude
|
|
..3
|
2- La sociologie de la famille comme cadre de
référence
|
|
..6
|
Section 2 : Construction du modèle
d'analyse
|
|
..9
|
1-La question des relations familiales
posée en occident
|
|
..9
|
2- Du point de vue des africanistes
|
|
14
|
3- Du point de vue des chercheurs et universitaires gabonais
|
|
22
|
4- Comment entendons-nous poser le problème dans notre
recherche
|
?
|
29
|
5- Enonciation de nos hypothèses de recherche
|
|
32
|
|
5-1-Définition et construction des
concepts
|
|
33
|
5-.2-Définition des concepts de
belle-mère, de bru, rapports conflictuels et fils/époux
comme concepts fondamentaux pour notre étude 33
5.3- Construction de notre concept fondamental
36
Tableau de la Construction du concept du
«conflit » . 36
Section 3 : Démarche
méthodologique ..36
1-Cadre empirique de la recherche 37
2- Population d'enquête 38
3-Technique de collecte et de traitement des
données 38
3.1. L'entretien comme technique de collecte des
données 38
3.2. L'analyse de contenu comme technique
d'analyse des données 39
3.3. Limites de l'étude 40
Première partie : La question du mariage au
Gabon en période précoloniale 42
Chapitre I : Aperçu historique sur la
question du mariage
|
44
|
Section 1 : Le mariage dans la
société traditionnelle
|
44
|
1-La conception du mariage dans la commune
ancienne
|
44
|
2-Les contextes du mariage dans la
société gabonaise précoloniale
|
48
|
Section 2 : Echanges relationnels entre la bru
et la belle-famille
|
53
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1- Les devoirs de la bru vis-à-vis de la belle-famille
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53
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2- Rapports de force existants .
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56
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Chapitre II : L'impact de la période
coloniale sur la société gabonaise
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60
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Section 1 : Instrumentalisation des valeurs
occidentales.
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.60
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1-L'école, le travail salarié et
l'Eglise
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60
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2-Institution du mariage à
l'état-civil et à l'Eglise, évolution du mariage coutumier
et
persistance du concubinage ..62
Section 2 : Le choix ou la rencontre du conjoint
..64
1-La place de la famille dans le choix du
conjoint 64
2-Le choix du conjoint : affaire individuelle
..66
Conclusion de la première partie
..69
Deuxième partie : Les rapports entre bru et
belle-mère dans la famille gabonaise actuelle 70
Introduction de la deuxième partie
.71
Chapitre III : Les rapports mère-fils
à travers la bru ..73
Section 1 : La relation «
mère-fils >> 73
1-La relation « mère-fils
>> avant l'arrivée de la bru 74
2-La relation « mère-fils
>> après l'arrivée de la bru 75
Section 2 : Domination symbolique et relation
belle-mère et bru 77
1-Domination symbolique : codification verbales
des comportements et de respect
dans le mariage et importance des proverbes ..78
2- La relation conflictuelle entre bru et
belle-mère ..81
> L'origine du conflit .91
Chapitre IV : La réfraction des rapports
sociaux au sein du couple 95
1- L'homme comme enjeu du conflit. 97
2- La prise de position du mari/fils dans le conflit 99
Section 2 : Affirmation de la bru 101
1- Appropriation du foyer par la bru 101
2- Prise de distance avec la belle famille 102
Conclusion de la deuxième partie
105
Conclusion générale
107
Références Bibliographiques
110
Table des matières 117
Annexes
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