WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Peut-on respecter l'identité communautaire de tous les résidents d'EHPAD (Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes ) sans verser dans le communautarisme?

( Télécharger le fichier original )
par Thierry Lacombe
Université Pierre et Marie Curie - Diplôme universitaire de gérontologie 2011
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Thierry LACOMBE

Mémoire pour l'obtention du Diplôme

Universitaire de Gérontologie

Année universitaire 2010-2011
Soutenu le 24 novembre 2011

Peut-on respecter l'identité communautaire

de tous les résidents d'EHPAD

sans dérive communautariste ?

Directrice

Geneviève Laroque

Présidente de la Fondation Nationale de Gérontologie

Remerciements

« L'identité sera convulsive ou ne sera pas »

Max Ernst, Ecritures

Cette exploration d'idées, parfois un brin impertinentes, fut un long voyage d'exploration dans des contrées taboues, pourtant si riches, variées et dépaysantes. Un récit de voyage que j'aurais voulu pouvoir retranscrire sans donner prise aux extrémismes parfois très insidieux. Mais ce n'est pas prendre un grand risque lorsque l'on a, à ses côtés, pour guide, quelqu'un comme Madame Geneviève Laroque, Présidente de la Fondation Nationale de Gérontologie, en tant que Directeur fort disponible et passionnante. Je l'en remercie infiniment.

Ma reconnaissance va aussi à tous ceux qui m'ont prêté main forte comme les centres de documentation du Conseil général de Seine-Saint-Denis, de la Fondation Nationale de Gérontologie et même les collègues et amis qui ont accepté de relire et de réagir à certaines parties. Et des réactions, il y en eu...

Il fallu un certain courage aux experts et acteurs de terrain pour oser laisser leurs propos se figer dans l'écrit, et sans eux ce mémoire serait dépourvu de toute substance, sertis de lieux communs comme j'en ai tant entendus dans des propos tenus entre deux portes. J'adresse donc toute ma gratitude au Dr Serge Reingewirtz, Mme Thérèse Clerc, Monsieur Gérard Zribi, Mme Samira Dubreuil, Monsieur Max Lefrère et à ma source d'inspiration et d'humanisme : Hélène Lemery (LW) philosophe et poète.

Et bien sûr, mes remerciements au Conseil général de Seine-Saint-Denis pour avoir contribué au financement de ma formation.

Liste des sigles utilisés

AAH

Allocation aux Adultes Handicapés

AD-PA

Association des Directeurs au service des Personnes Agées

AGGIR

Autonomie Gérontologique Groupes iso-Ressources

AMP

Aide Médico-Psychologique

APA

Aide Personnalisée à l'Autonomie

ARS

Agence Régionale de Santé

ASPA

Allocation de Solidarité aux Personnes Agées

BDSP

Banque de Données en santé Publique

CAFDES

Certificat d'Aptitude aux Fonctions de Directeur d'Etablissement Social

CASF

Code de l'Action Sociale et des Familles

CIF

Classification Internationale des Fonctionnements

CIH

Classification Internationale des Handicaps

CNSA

Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie

CRAMIF

Caisse Régionale d'Assurance maladie

EHESP

Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique

EHPAD

Etablissement d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes

ESAT

Etablissements et Services d'Aide par le Travail (ESAT), ex-Centres d'Aide par le Travail (CAT)

ESMS

Etablissements et Services Médico-Sociaux

ETP

Equivalent Temps Plein

FAM

Foyer d'Accueil Médicalisé

FNADEPA

Fédération Nationale des Associations de Directeurs d'Etablissements et services pour Personnes Agées

FNG

Fondation Nationale de Gérontologie

GIR

Groupe Iso-Ressources

GMP

GIR Moyen Pondéré

HALDE

Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité

LGBT

lesbiennes-gay-bi-ou-transsexuelles

MAS

Maison d'Accueil Spécialisée

MDPH

Maison Départementale des Personnes Handicapées (remplace les Cotorep)

OMS

Organisation Mondiale de la Santé

PCH

Prestation de Compensation du Handicap

PHV

Personne Handicapée Vieillissante

PMP

Pathos Moyen Pondéré

RDAS

Règlement Départemental d'Aide Sociale

USLD

Unité de Soins de Longue Durée (USLD) communément appelés Longs Séjours

Sommaire

Introduction 6

Situation clinique 9

Comptes-rendus d'entretiens avec des experts 14

Dr Serge Reingewirtz 15

Mme Thérèse Clerc 18

M. Gérard Zribi 21

Compte-rendu d'entretiens avec deux acteurs de terrain 22

Mme Samira Dubreuil 23

M. Max Lefrère 25

Interrogation d'une banque de données bibliographiques 27

Résumé et analyse d'un article 29

Recherche et description d'un site pertinent sur ce thème 33

Synthèse, conclusions et perspectives 37

Références bibliographiques 41

Annexes 43

Repères et définitions 43

Grille d'entretien 45

Requêtes et résultats sur la Banque de Données en Santé Publique 47

Nombre d'occurrences par requêtes dans la Banque de Données en Santé Publique 48

Article du « Junge Welt » traduit et publié dans Courrier international 49

Charte diffusée auprès des établissements Québécois (Août 2011) 51

Charte des droits et libertés de la personne accueillie 52

Tableau des réactions défensives face aux menaces identitaires 55

Résumé et mots clés 56

Introduction

« Dans l'équation sociale,

l'individu figure à la fois le zéro et l'infini. »

Arthur Koestler, Le yogi et le commissaire

1. La problématique

Au cours de ma carrière de médecin, tant au service des personnes handicapées du Conseil général de la Seine-Saint-Denis, que des équipes d'évaluation des ex-Cotorep (COmmission Technique d'Orientation et de Reclassement Professionnel) ou de l'éphémère Prestation Spécifique Dépendance (PSD), j'ai été plusieurs fois interpellé par la tension qui semble opposer le besoin de reconnaissance de l'identité communautaire des résidents des établissements médico-sociaux et l'idéal d'un universalisme républicain fondé sur une stricte application des principes d'égalité et de laïcité.

Il n'en demeure pas moins que ce sujet semble soit trop évident pour certains, soit suffisamment tabou et périlleux pour d'autres, au point de me déconseiller fortement de m'y aventurer. N'est-il pas possible d'aborder cette problématique sans remettre en cause les principes républicains, ni flirter dangereusement avec des notions xénophobes, antisémites, anticléricales... ?

Il est vrai que l'on pourrait légitimement s'attendre à ce que la charte des droits et des libertés de la personne accueillie (Article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles, annexe 7) viennent balayer tous les écueils puisqu'elle constitue depuis 2002, une règle du jeu incontournable dans la relation entre les résidents et l'institution médico-sociale. Il suffit pour s'en convaincre de passer en revue certains titres de ses articles :

· Article 1er - Principe de non-discrimination

· Article 2 - Droit à une prise en charge ou à un accompagnement adapté (et individualisé)

· Article 4 - Principe du libre choix, du consentement éclairé et de la participation de la personne

· Article 6 - Droit au respect des liens familiaux

· Article 11 - Droit à la pratique religieuse

· Article 12 - Respect de la dignité de la personne et de son intimité

Dès lors, la question ne semble-t-elle pas résolue ? Si c'est le cas, comment expliquer la création d'établissements entièrement dédiés à un seul public (par exemple confessionnels) ?

La loi n'autorisant pas de versement de fonds publics dans les établissements qui ne seraient pas ouverts à tous (subvention d'investissement, aide sociale à l'hébergement), les financeurs publics exigent de ces structures d'ouvrir leur recrutement à d'autres publics. Mais que penser du quotidien d'une personne âgée, ayant sans doute perdu une partie de son entourage proche et qui se retrouve minoritaire dans une communauté de culture qui n'est pas la sienne ? Peut-on identifier les principes éthiques qui peuvent justifier le financement public d'un accompagnement dans un établissement ou une unité spécifique ?

Les débats sont vifs autour des craintes de repli communautariste à propos de la reconversion des anciens foyers pour travailleurs migrants alors même que ces personnes sont sous-représentées dans la population des Etablissements pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD). Et cela concerne aussi, par exemple, un projet de structure réservée aux femmes à Montreuil (Les Babayagas) ou les réactions parfois outrancières qui ont suivi l'article de Courrier International au sujet de l'ouverture d'un établissement réservé aux personnes dites LGBT (lesbiennes-gay-bi-ou-transsexuelles) en Allemagne.

Si tous les Etablissements et Services Médico-Sociaux (ESMS) destinés aux personnes âgées* sont
obligatoirement soumis à une autorisation (du Président du Conseil général et du Délégué territorial de

* Est un établissement (ou un service) médico-social pour personnes âgées au sens de l'article L. 312.1 du Code de l'Action Sociale et des Familles, « Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale » L'établissement est une personne de droit moral public ou privé sans minimum de personnes accueillies.

l'ARS pour les EHPAD) seul l'âge y est un motif d'inclusion ou d'exclusion. Donc toutes les personnes dites âgées (actuellement 60 ans, sauf dérogation), en principe, quel que soit leur état, handicapées ou non peuvent y être admises. Il n'y a pas de conditions légales autres que l'âge...

Rien n'interdit l'ouverture d'une structure destinée à une communauté à l'exclusion de toute autre citoyen, dès lors qu'aucun financement public n'est sollicité, si ce n'est ceux dont la personne aurait pu bénéficier à son domicile (Aide Personnalisée à l'autonomie à domicile, remboursement des prestations de soins...). A titre d'exemple, le Président du Conseil général et le Directeur départemental des Affaires Sanitaires et Sociales du Loir et Cher ont autorisé, par arrêté conjoint, la création d'une petite Unité de Vie de 12 places « Réservées au clergé, prêtres, religieux, religieuses et personnes consacrées »1.

2. Définitions

Dans la suite de ce travail, sera désignée par « communautaire» l'identification en tant que membre d'un groupe de personnes - la communauté (religieuse, culturelle, sociale...) - partageant un ensemble d'affinités, de pratiques ou de codes culturels à respecter.

Quant au terme de communautarisme, il convient d'en déterminer le sens qui sera utilisé par la suite puisque les principaux dictionnaires de la langue française divergent encore totalement sur ce concept en 2011 :

· pour le Littré ce terme n'appartient toujours pas à la langue française,

· pour le Petit Robert : « Système qui développe la formation de communautés... pouvant diviser la nation au détriment de l'intégration. Antonymes : individualisme, universalisme »,

· pour le Larousse 2011 : « Tendance du multiculturalisme américain qui met l'accent sur la fonction sociale des organisations (ethniques, religieuses, sexuelles, etc.) »

Le terme communautarisme est en effet apparu aux Etats-Unis en 1980 pour désigner la philosophie dite « communautarienne » qui tente de s'opposer à l'individualisme de la société américaine accusée de laisser se dissoudre les liens sociaux et de se perdre l'identité. L'homme serait toujours le produit d'une culture et d'un milieu, il n'existerait pas indépendamment de ses appartenances culturelles, ethniques, religieuses, sociales... Aussi prône-elle la reconstruction des « Community » comme groupes d'appartenance et de reconnaissance. En anglais le terme « Community », recouvre un sens plus large que le terme français communauté, et désigne toute forme de regroupement familiaux, amicaux, locaux qui existent dans la société moderne.

Le terme est employé en France de façon plus péjorative depuis une quinzaine d'années pour qualifier l'attitude ou le mode de vie d'une communauté minoritaire devant lesquels les idéaux républicains, égalitaires et laïcs devraient s'effacer, au non d'un droit à la différence revendiqué par ces minorités. Le terme apparaîtrait dans le discours politique, comme propre à disqualifier et illégitimer les revendications de certains groupes.

La conception dominante en France, repose principalement sur la notion d'universalisme républicain, un des principes corollaires de l'idéologie républicaine française selon lequel la République est une valeur universelle puisqu'elle prône des valeurs universelles, notamment les principes de liberté, égalité, fraternité. Elles ont donc vocation à être adoptées par tous les humains et appliquées uniformément.

Toutefois, cette notion d'égalité des citoyens a subi au cours du temps des aménagements législatifs successifs, entre autres avec la notion de discrimination positive : financement d'établissements scolaires privés religieux, quotas de travailleurs handicapés dans les entreprises de plus de 20 salariés et recrutement possible directement sans concours, loi sur la parité homme-femme, aumôneries financées sur le budget hospitalier, statut particulier de certains départements comme le Haut-Rhin où le concordat est toujours en vigueur...

De quels communautarismes parle-t-on ? De ceux fondés sur la religion (le plus sensible en France depuis 1789), la culture, la nationalité, le rapport aux lieux (quartier, ville...), la langue (dont les dialectes régionaux), l'organisation et le mode de vie, le sexe, l'orientation sexuelle, la sphère

professionnelle (artistes, travaux publics...) mais aussi les revenus du patrimoine28. Ce dernier aspect étant certainement le plus ancien (cercles privés, clubs, rallye, réseaux sociaux, écoles réservées, résidences sécurisées et même « gentrification* »29 des grands centres urbains)

Chacun peut tour à tour être minoritaire ou majoritaire, d'autant plus que le nombre de référents identitaires, ce par rapport à quoi un sujet se définit, peut être considérable.

Puisque ce terme est généralement pris dans son acception négative dans le langage courant, nous retiendrons ici pour « communautarisme », le fait pour une communauté d'être plus ou moins hostile ou ségrégant par rapport aux autres, et notamment au groupe que l'on pourrait qualifier de « dominant », « principal » ou « majoritaire ».

3. La méthodologie

La méthodologie retenue respecte les directives données dans le cadre du Diplôme Universitaire de Gérontologie et sera l'occasion de visiter divers aspects communautaires non exhaustifs :

· Etude d'une situation clinique : bien que ne concernant pas à proprement parler une communauté, mais une identité collective subie, l'accueil des personnes handicapées vieillissantes sera un support pour tenter d'assoir des critères de financements publics sur des notions moins subjectives que celles de communauté/communautarisme ou de notion de besoins

· Entretiens avec les experts : une communauté de culture israélite (Fondation Rothschild), une communauté d'affinité de féministes (Les Babayagas), la formation et l'éthique des professionnels (AFASER),

· Entretiens avec des acteurs de terrain : deux directeurs d'EHPAD accueillant des personnes issues de l'immigration, mais aussi des personnes sans domicile fixe.

· Interrogation d'une banque de données bibliographiques : la Banque de Données en Santé Publique (BDSP)

· Résumé et analyse d'un article : de Courrier international sur l'ouverture d'un établissement pour personnes âgées dites « LGBT » (lesbiennes-gays-bi-transsexuelles) en Allemagne

· Recherche et description d'un site pertinent sur ce thème : les opposants à toute forme suspectée de communautarisme (Observatoire du communautarisme)

· Synthèse, conclusion et perspectives

L'objectif de ce travail, n'est pas de passer en revue toutes les spécificités de telle ou telle communauté. On pourra sur ce thème se référer à divers ouvrages généraux. Par exemple : sur les personnes handicapées vieillissantes 2-3-4, sur les migrants 5-6-7, et sur les spécificités des principales religions 8-9-10.

Il s'agit d'envisager les raisons actuelles qui font qu'un EHPAD ne serait pas forcément à même de répondre à tous les besoins des usagers en matière de codes culturels, religieux ou de prescriptions alimentaires... Et de recueillir le point de vue des acteurs sur les limites qui peuvent se présenter, sur les évolutions législatives ou les solutions innovantes qui leur sembleraient importantes...

En bref, le dispositif et les moyens actuels offrent-ils la possibilité aux EHPAD de préserver l'identité collective, les liens et les pratiques communautaires ?

*

Gentrification : terme de sociologie, issu de l'anglais gentry (petite noblesse), qui désigne le processus par lequel le profil économique et social des habitants d'un quartier se transforme au profit exclusif d'une couche sociale supérieure («embourgeoisement des centres urbains »).

Situation clinique

« Tout groupe humain prend sa richesse dans la communication, l'entraide et la solidarité visant à un but commun : l'épanouissement de chacun dans le respect des différences. »

Françoise Dolto

Les établissements recevant des personnes handicapées vieillissantes, sont les seules structures financées par des fonds publics pour une population âgée dépendante spécifique, si l'on exclue les services dédiés à la prise en charge d'une pathologie spécifique (exemple : maladie d'Alzheimer). Pourrait-il s'agir d'un paradigme qui permettrait une déclinaison d'établissements dédiés à des communautés ou peut-on en déduire des règles de financement public ?

SITUATION

Nicole est une femme de 47 ans qui présente une trisomie 21 avec une déficience mentale moyenne. Elle a eu un parcours institutionnel (IM-Pro puis CAT jusqu'en 2005). Elle est actuellement en foyer de vie. Depuis peu, son état se dégrade rapidement avec un syndrome démentiel et une grabatisation. Aucun établissement spécialisé pour personnes handicapées ne répond favorablement aux demandes en invoquant le manque de places et son état médical (elle relèverait d'une Maison d'Accueil Spécialisée du fait de la lourdeur des soins médicaux). Le public des établissements spécialisés pour personnes handicapées vieillissantes est plutôt représenté par des personnes déficientes mentales ou ayant un handicap psychique, pour une moyenne d'âge inférieure à 70 ans. Les personnes conservent une certaine autonomie à l'entrée permettant le maintien d'activités.

Bien que le foyer de vie, où elle est accueillie, ne soit pas médicalisé, celui-ci fait intervenir une auxiliaire de vie matin, midi et soir, a loué un lève-malade et un lit médicalisé. Ce qui ne suffit pas à empêcher la survenue d'escarres.

Finalement, une Unité de Soins de Longue Durée (USLD) accepte de la prendre dans une section qui accueille principalement des personnes handicapées vieillissantes. L'établissement d'origine met en place un transport et un accompagnement pour permettre aux résidents qui le souhaitent de lui rendre visite.

Les personnes handicapées vieillissantes : une identité collective subie qui ne constitue pas pour autant une communauté

Il est possible de distinguer schématiquement divers types d'identités.

L'identité individuelle (ou psychologique) peut-être définie comme « la conscience qui résulte de l'expérience propre à un sujet, lui permettant de se sentir exister en tant qu'être singulier, différent des autres », alors que l'identité sociale est constituée « par l'ensemble des caractéristiques personnelles ou comportementales, par lesquelles un individu révèle son appartenance à un groupe »11. Quant à l'identité culturelle ou politique d'un groupe opprimé, elle relèverait d'un partage social, d'un mouvement de résistance permettant de se construire une identité collective et individuelle positive. « Mettre en commun nos expériences nous rend plus fort ».

A. Memmi4 rappelle que l'identité est une construction de l'imaginaire, ce qui ne veut pas dire dérisoire et fallacieuse, il s'agit bien d'une réalité psychique dans le vécu de la personne. L'appartenance ellemême à une tradition n'induit pas un mode de vie standard dans la mesure où le sujet a une adhésion relative et limitée à ce qu'il en connait et ce qu'il souhaite en respecter. I. Levy9, rapporte que faute d'aborder la question des croyances et de ses modes d'observance, des menus cashers ou halals sont commandés systématiquement sur la seule consonance du nom ou sur l'origine réelle ou supposée de la personne.

C'est que l'identité collective peut-être libre mais aussi subie ou imposée. Dans le cas des personnes handicapées, celle-ci n'est aucunement libre, mais imposée du fait de l'inadéquation des structures de droit commun. Il n'y a donc pas là une véritable communauté, au sens où on l'entend habituellement. Le sentiment d'appartenance ne sera pas tant celui qui lie à l'ensemble des personnes handicapées qu'à la communauté de lieu de vie. Dans le cas clinique présenté, l'enjeu n'était pas celui du maintien d'une identité communautaire « personne handicapée » mais du maintien des liens sociaux dans un environnement adapté.

Cette remarque vaut totalement pour les personnes accueillies en EHPAD, et atteintes de la maladie Alzheimer. On ne peut pas dire, non plus qu'elle revendiquent leur appartenance à un groupe.

Mais il est important de noter que le sentiment d'identité persiste tant que le sujet « peut donner un sens de continuité à la rupture et au changement »12. Ce qui n'est pas le cas, par exemple, pour une personne âgée entrant en EHPAD de manière non préparée et trop brutale13. Par la préparation, le maintien de l'identité sociale, du sentiment d'appartenance peut contribuer à atténuer l'effet de rupture en constituant un élément de continuité. Pour les personnes handicapées mentales, ce changement d'identité collective et concomitant de celui d'identité individuelle (de personnes handicapées à personnes âgées) nécessite une transition douce du fait de difficultés de compréhension et d'adaptation chez un sujet qui ne s'est jamais préalablement identifié comme âgé.

Le concept de Personnes Handicapées Vieillissantes ne suffit pas, à lui seul, à définir des besoins spécifiques

Sous la pression démographique, les autorités administratives ont multiplié les réflexions sur les solutions à apporter à une nouvelle catégorie administrative : les Personnes Handicapées Vieillissantes (PHV)

En effet, la courbe d'espérance de vie des personnes handicapées dessine des profils de mortalité tendant à se rapprocher des courbes d'espérance de vie de la population générale, ainsi, l'espérance de vie d'une personne Trisomique 21 était de 9 ans en 1929, alors que de nos jours, 70 % vivront au-delà de 55 ans. Le débat a fini par retomber sur un consensus : il faut une palette de réponses diversifiées pour s'adapter aux différentes situations individuelles dont des Foyer d'Accueil Médicalisé (FAM) pour personnes handicapées vieillissantes et des Petites Unités de Vie (PUV) 14.

Mais peut-on seulement définir une « personne handicapée », sachant que ce terme recouvre « un mille-feuilles » de situations différentes, en fonction du type de handicap (mental, moteur, sensoriel...), de la sévérité de celui-ci (déficience mentale légère ou sévère..), de son origine (de naissance, acquis à l'âge adulte...)

Il est donc impossible de dresser un tableau cohérent et précis, y compris sur les besoins, ce qui n'empêche pas la multiplication d'études dressant le tableau précis de la personne handicapée vieillissante.

Le handicap est avant tout conditionné en France par une reconnaissance réglementaire (Maison Départementale des Personnes Handicapées ou CRAMIF). Ne peut se prévaloir de ce statut pour accéder à un dispositif spécifique, une personne qui n'en aurait pas préalablement réclamé la reconnaissance administrative avant l'âge de 60 ans. C'est à la personne qu'il incombe d'en faire la demande, qui lui permettra une fois admise en EHPAD (au titre d'une dérogation d'âge) de bénéficier des avantages liés à ce statut [pas d'obligation alimentaire, conserve un « reste à vivre » de 30% de l'AAH (218 €) contre 10% de l'Allocation de Solidarité aux Personnes Agées (77 €), recours en succession uniquement et à condition que l'ayant droit ne soit ni l'un des parents, le conjoint ou la (ou les) personnes (s) ayant assuré la charge effective et constante de la personne].

Il n'existe pas non plus de modèle de vieillissement qui serait spécifique de celui d'une catégorie de
handicap, même si l'on peut noter des caractéristiques retrouvées dans certains cas. Par exemple : il
n'existerait de vieillissement précoce que pour les personnes trisomiques, polyhandicapées ou

épileptiques avec état de mal. Les personnes handicapées moteurs seraient plutôt confrontées à une usure articulaire. Tandis que dans la plupart des autres cas où les effets du vieillissement ne sembleraient pas suivre une évolution normale, il s'agirait de « régression », de « désadaptation », de « rupture d'équilibre précaire ».

En réalité, la majorité des foyers pour personnes handicapées accueillent des personnes présentant un handicap mental et/ou psychique. Et c'est bien de cette catégorie de personnes dont il est question dans l'immense majorité des débats. En effet, les EHPAD savent prendre en charge le handicap physique ou sensoriel, mais sont mis en difficulté, principalement, par certains troubles du comportement.

Ce n'est qu'en octobre 2010, dans son dossier technique, que la CNSA fait le constat qu'il n'existe pas de définition de la personne handicapée vieillissante et en propose une qui tente de tracer les contours d'une figure polygonale sans doute trop complexe pour espérer la voir se diffuser largement auprès des professionnels :

« Une personne handicapée vieillissante est une personne qui a entamé ou connu sa situation de handicap, quelle qu'en soit la nature ou la cause, avant de connaître par surcroît les effets du vieillissement. Ces effets consistent plus ou moins tardivement en fonction des personnes en l'apparition simultanée:

· d'une baisse des capacités fonctionnelles ;

· d'une augmentation du taux de survenue des maladies liées à l'âge, maladies dégénératives et maladies métaboliques ;

· mais aussi d'une évolution de leurs attentes dans le cadre d'une nouvelle étape de vie.

Cette définition impose une prise en compte du vieillissement en tant que phénomène individuel, influencé par l'histoire et l'environnement de la personne, se traduisant en termes de perte d'autonomie. Un consensus se forme autour de l'âge de 40 ans, à partir duquel la vigilance s'impose. »

L'accueil des personnes handicapées mentales vieillissantes en EHPAD se heurte à des difficultés liées aux besoins suivants :

a. Les troubles du comportement nécessitent notamment des ratios d'encadrement importants (1,08 ETP en FAM* et 1,21 en MAS contre 0,59 en EHPAD)

b. Des formations adaptées aux différents types de handicaps, des suivis et des prises en charge, spécifiques de certains handicaps (trisomie 21 par exemple) ; des difficultés à faire la part de ce qui relève du handicap de celui du vieillissement normal ou pathologique. La méconnaissance des professionnels ainsi qu'une certaine peur vis-à-vis d'un tel public

c. Une transition douce du fait de difficultés d'adaptation qui peut-être facilitée par « l'effet de filière » (passer progressivement d'une structure à une autre, gérées par la même association),

d. Un besoin d'animations et d'activités occupationnelles plus importants, lié aux différences d'âges (les personnes handicapées rentrent avant 60 ans alors que la moyenne d'âge dépasse les 85 ans en EHPAD) et à la différence d'autonomie (GMP‡ en EHPAD souvent supérieur à 600 sur 1000 alors que les personnes handicapées mentales accueillies ont tendance à relever d'un GIR 5-615). De plus, les EHPAD offrent rarement un accompagnement à la vie sociale suffisant dans leurs prestations.

* Les foyers d'accueil médicalisés (FAM) sont des établissements financés par le Conseil général pour la partie hébergement et par l'assurance maladie pour la partie soin. Ils peuvent correspondre aux missions de l'EHPAD. † Les Maisons d'Accueil Spécialisées (MAS) sont des établissements médico-sociaux financés par l'assurance maladie exclusivement, destinées aux personnes nécessitant des soins constants. Elles sont l'équivalent des Unité de Soins de Longue Durée (USLD) hospitalières sauf en ce qui concerne le financement.

‡ Le GIR moyen pondéré correspond au niveau moyen de dépendance des résidents. Un GMP supérieur à 300 correspond à un établissement médicalisé.

e. Les différences de parcours entre les deux publics (les personnes handicapées mentales ont souvent un parcours institutionnel), de liens familiaux (pas de descendance mais une fratrie qui a « hérité » d'une gestion de mesure de protection pour les uns et descendance pour les personnes âgées)

f. Une confrontation à la fin de vie en EHPAD qui peut s'avérer difficile à vivre pour une personne qui aura une durée de séjour beaucoup plus longue16.

g. Le rejet de la part des personnes âgées du fait des comportements parfois trop démonstratifs par la recherche de signes d'affection, ou de l'image dépréciative que leur renvoi le handicap. De la part des familles aussi : « je ne mettrais pas mes parents avec des fous » 17

Pour les résumer, les personnes handicapées cumulent ainsi des freins à l'admission de 3 types :

· Des contraintes matérielles : une prise en charge nécessitant des compétences techniques spécifiques (des formations adaptées à chaque catégorie de handicap), des moyens humains et financiers adaptés.

· Une représentation sociale encore péjorative générant une ségrégation de la part des publics accueillis et de leur famille, ainsi que des craintes des professionnels.

· La nécessité d'une transition douce dans l'environnement humain notamment par rapport au public et aux modes de prises en charge auxquels la personne a été astreinte toute sa vie

Ces besoins sont difficilement conciliables avec les moyens qui sont ceux des EHPAD pour pouvoir prétendre accueillir dans de bonnes conditions toutes les personnes handicapées mentales et/ou psychique (ou polyhandicapées).

Les surcoûts éventuels qu'entraine la prise en charge des personnes handicapées mentales vieillissantes, ne sont pas liés à un choix de vie mais bien à un désavantage social du fait de l'inadaptation de l'environnement.

Cela n'empêche pas de plus en plus d'EHPAD de pratiquer l'accueil des personnes de moins de 60 ans. Cette cohabitation étant présentée comme ayant l'avantage pour les personnes âgées d'un milieu plus stimulant, d'une aide pour l'autonomie, voire d'un soutien pour le personnel grâce aux petits services rendus. Les personnes handicapées mentales y trouvent parfois une relation de tendresse et de substitut du lien perdu avec les parents qui étaient eux-mêmes âgés (l'admission se faisant assez fréquemment au décès des parents).

Mais dans l'ensemble, le secteur gériatrique semble insuffisamment adapté à la prise en charge des personnes handicapées mentales et psychiques et celui des personnes handicapées insuffisamment formé à la gériatrie.

La non-adaptation du dispositif de droit commun aux personnes handicapées mentales vieillissantes relève d'un désavantage social et non d'un choix ou d'une option.

Les personnes handicapées ont longtemps pâti du modèle médical bâti sur les déficiences (classification de Wood), obligeant les « patients » à adopter un récit négatif, attirant la sympathie des professionnels, une sorte d'auto-apitoiement orchestré par la société. Depuis l'adoption de la classification internationale des fonctionnement (CIF) adoptée par l'OMS en 2001, a permis l'émergence d'un modèle social qui définit le handicap comme la résultante de conditions environnementales pouvant être compensées politiquement ou socialement, sans nier pour autant les caractéristiques personnelles déficitaires. Dès lors, il n'existerait pas de véritable différence intrinsèque entre les individus, et il appartient donc à la société de réduire le niveau d'incapacité par des aménagements techniques, sociaux ou politiques11.

De fait, cela implique que toute personne handicapée peut revendiquer l'accès aux dispositifs de droit commun, et c'est déjà le cas avec la scolarisation par défaut, des enfants handicapés dans l'établissement scolaire dont dépend le domicile des parents. Il faut donc en conclure qu'une personne handicapée ne peut se voir refuser l'accès à un EHPAD, du seul fait de son handicap.

Il en découle que le principe mis en oeuvre par les établissements recevant spécifiquement des personnes handicapées vieillissantes, est celui de la compensation d'un désavantage social, mais aussi celui de constituer un terrain d'innovations exportables pour favoriser l'intégration, faire évoluer la connaissance et les méthodes d'accompagnement.

On peut dès lors s'interroger sur la pertinence qu'il y aurait à maintenir un cloisonnement entre ce que la CNSA reconnait être « deux cultures d'accompagnement des personnes vulnérables : l'une s'attachant au modèle biomédical via l'influence de la gériatrie et l'autre privilégiant un modèle fonctionnel et une dimension environnementale du handicap » Autrement dit, entre un modèle qui serait valorisant pour tous (usagers et professionnels), et un autre qui dans l'imaginaire collectif se limiterait à un accompagnement de la dépendance et des mourants. Le fait que les établissements pour personnes handicapées vieillissantes soient majoritairement gérés par des associations de parents*, laisse imaginer la conception qu'elles ont elles-mêmes des EHPAD.

La création d'unité de vie spécialisées au sein des EHPAD est certainement une voie qui permet une moins grande dichotomie entre les deux types accompagnements, tout en permettant des rapprochements entre les personnes handicapées elles-mêmes voire entre celles ayant fréquenté les mêmes structures antérieurement.

Dans tous les cas, il est indispensable de mettre en place un projet d'accueil spécifique et que la personne handicapée puisse choisir son lieu de vie.

Première tentative de critères de financement public

Les critères de financement public des établissements médico-sociaux dédiés à une population spécifique pourraient se résumer ainsi (indépendamment des notions de communauté, de communautarisme ou de besoins) :

1. Le projet est conforme aux valeurs républicaines de liberté, d'égalité et de fraternités et respecte les droits fondamentaux. Le projet d'établissement vise à maintenir la richesse et la diversité des liens sociaux, ainsi que l'intégration dans la cité

2. S'il déroge au principe d'égalité d'accès à tout citoyen, c'est pour :

a. Répondre à un droit de compensation, un souci de discrimination positive du fait d'un désavantage social avéré sur des éléments objectivables et objectifs

b. Une contrainte technique à laquelle il est difficile de répondre dans le cadre du fonctionnement habituel d'un EHPAD, ou du fait d'un surcoût trop important.

* Les associations de parents gèrent en France, 90 % des établissements pour personnes handicapées contre 30 % de ceux pour personnes âgées

Comptes-rendus d'entretiens avec des experts *

« Le fardeau supporté en groupe est une plume »

Proverbe maure

Dr Serge Reingewirtz
Président de la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie d'Île-de-France
Médecin Chef de la Maison de Retraite et de Gériatrie de la Fondation Rothschild (AP-HP, Paris)

Les personnes âgées de la communauté Israélite

Il existe 8 établissements en France proposant un accueil spécifique pour les personnes de la communauté israélite. La population des personnes israélites de plus de 75 ans, était estimée en 2008 à 11 000 personnes dont un tiers relèverait d'EHPAD. Les spécificités de l'offre mise en avant concernent : le respect des fêtes religieuses, le lieu de culte, le respect des règles alimentaires et des accompagnements spécifiques pour les victimes de la Shoah. Suivant le site du Fonds Social Juif Unifié : « La question de la vie juive en EHPAD prend alors tout son sens dans une approche même thérapeutique de la personne. »

Concernant les règles alimentaires, elles sont multiples et complexes : espèces animales illicites (porc, lapin...), règles liées à l'abattage, à l'extraction de parties interdites, à l'accommodage, aux mélanges, aux jours saints, à la préparation par des personnes de confession juive...9

Présentation de la Maison de Retraite et de Gériatrie :

L'EHPAD a été fondé il y a 150 ans par la famille Rothschild pour venir en aide aux personnes les plus
démunies, dont celles issues de la communauté juive. Cette création s'inscrivait dans un contexte deux communautés étaient déjà fortement implantées pour secourir « leurs pauvres » (protestante et

catholique, notamment avec Les Petites soeurs des pauvres) Depuis la fondation a été cédée pour un franc symbolique à l'Assistance Publique Hôpitaux de Paris (APHP) afin de devenir un établissement public au conseil d'administration plus ouvert. L'établissement comprend 510 lits.

Signataire d'une convention tripartite depuis 2003 et habilité à l'aide sociale, certains usages perdurent toutefois, comme en témoigne cette présentation sur le site internet de l'établissement : « L'établissement est ouvert à toute personne, sans discrimination quelle que soit sa race ou sa religion. Mais il respecte la tradition juive avec la célébration du Shabbat et des fêtes religieuses. Une synagogue, ouverte sur l'extérieur, permet la célébration des offices au quotidien. La restauration respecte les règles de la cacherout et il est interdit d'apporter et de consommer des denrées non cachères dans les espaces communs »

De nos jours, environs 70 à 80 % des personnes accueillies sont d'origine juive.

Entretien

Pour le Dr Reingewirtz, il n'est certainement pas facile d'aborder un tel sujet, et pour sa part, c'est la première fois qu'il est amené à s'exprimer sur ce point, bien que les questions posées lui semblent particulièrement pertinentes.

La persistance d'une communauté majoritairement israélite, est attribuable aux missions qui étaient celles à l'origine de la fondation, mais aussi à l'image positive dans la communauté dont jouissent les établissements hospitaliers créés par la famille Rothschild (de la maternité à l'EHPAD), et à la croyance fortement enracinée dans les esprits des professionnels qu'il s'agit d'un établissement réservé aux personnes de confession israélite.

L'une des particularités architecturales demeure la présence d'une synagogue en fonctionnement et ouverte sur l'extérieur. Mais malgré la possibilité d'un lien intergénérationnel, on remarque que peu de résidents la fréquentent véritablement.

Quant à l'alimentation cachère (notamment sans porc, ni lapin), cela peut s'avérer un véritable frein
culturel à l'ouverture sur d'autres publics, même s'il est possible de consommer d'autres aliments dans

* La grille d'entretien figure en annexe 2 † Source : www.prevenance.org

les espaces privés. Toutefois, la mise en garde lors d'une visite médicale d'admission, est parfois perçue, y compris par des travailleurs sociaux, comme une façon insidieuse d'écarter d'autres publics. Aussi, de tels établissements préfèrent ne pas trop mettre l'accent sur les règles alimentaires. Tout au plus, préciset-on lors de l'admission qu'il existe une forte communauté israélite pour limiter les réactions antisémites. Certains l'acceptent dans un premier temps, pour le contester une fois admis, plongeant la direction dans l'embarras.

Bien sûr, il est possible pour tout EHPAD de commander des repas cachères, ce qui inclus les couverts pour les plus orthodoxes. Mais dans l'état actuel des contraintes qui pèsent sur ceux-ci, lesquels seraient véritablement prêts à s'engager dans une telle démarche ? D'autant que cela a un coût, et l'on peut toujours s'interroger sur le financement de ce surcoût. Est-ce à la collectivité de prendre en charge ces dépenses supplémentaires (ce surcoût est négligeable lorsque le type d'alimentation est le même pour tous les résidents) ?

D'autres sujets peuvent s'avérer délicats comme la célébration des fêtes, même si le fait de toutes les célébrer quelque soit la religion ou la culture, pourrait être l'occasion d'animations festives et variées tout au long de l'année. C'est une opportunité pour renforcer les liens par une meilleure connaissance réciproque. Ainsi, la question d'un sapin de Noël s'est avérée délicate, alors même que la fête de Noël s'est largement déchristianisée. Un tel établissement à pu trouver une parade, en remplaçant le controversé sapin par un « marché de Noël » plus consensuel, et sans doute plus conforme à l'esprit du citoyen consommateur. Mais le débat est rarement le fait d'un échange, d'un partage avec l'ensemble du personnel, des résidents ou de leur famille. Cet arbitrage est trop souvent laissé à la seule appréciation du directeur qui examinera d'abord la situation au regard de ses propres convictions, puis de celles de l'institution, de l'usager et enfin des réactions possibles des familles.

La tendance actuelle, dans le médico-social, est de mettre plutôt l'accent sur les prestations, et sur les valeurs individuelles. Les lois de 2002 et 2005, dont la Charte des droits de la personne accueillie, ont consacré l'usager en tant que consommateur ayant des droits. Cet aspect est à mettre en lien avec une tendance sociétale à la victimisation où chacun peut se sentir spolié et exploité par « l'Etat ». Dès lors, la minimisation des risques judiciaires est un objectif impératif pour l'institution, ce qui ne veut pourtant pas forcément dire « zéro risque » pour la personne âgée. On observe un calibrage des interventions et de la gestion des établissements.

La tentation est donc grande d'écarter toutes aspérités, de gommer les différences, les signes distinctifs. Pourtant, lutter contre le communautarisme, c'est d'abord accueillir la différence. Le Dr Reingewirtz a visité en Israël, un établissement privé lucratif recevant des financements publics qui accueillent des personnes juives, chrétiennes et musulmanes. La structure fonctionne plutôt bien depuis des années, sans problèmes particuliers. Toutefois, la prévention de tout risque de confrontation entre ces publics, en reléguant une partie de la vie et de la personnalité de ses résidents à leurs espaces privatifs, fait perdre un peu de ce qui constitue la vie et la dynamique d'un groupe à travers sa diversité.

Mais que veut la personne âgée ? Et que cherchent les personnes qui font le choix d'entrer dans un établissement ayant une forte orientation communautaire ? C'est avant tout une culture plus qu'une religion. Pour certains, il s'agit de « Venir chez les miens ». Certaines familles annoncent à leur parent : «Tu verras, tu seras bien. Ici, il y a des gens du quartier » : une façon de chercher à atténuer le sentiment de culpabilité.

Mais qu'est-ce que « les miens » quand sont présents, comme à la Fondation, près de 30 nationalités parlant une vingtaine de langues ? Qu'est-ce qui est commun ? Ce serait, pour le Dr Reingewirtz, cette tradition juive qui respecte l'autre et porte en elle une valorisation de l'échange et du partage.

Une tradition qui serait donc loin de menacer les règles inhérentes à la laïcité, aux valeurs républicaines puisque dans le judaïsme, « la loi est avant tout celle du pays» dès lors qu'elle ne s'attaque pas aux croyances des individus. On pourrait même y voir une voie d'intégration.

Mais on vient y chercher aussi, comme dans tout EHPAD, la sécurité, la réassurance, une présence
tendre, chaleureuse et familière. Ceux qui ont une famille la réclament, ceux qui n'en ont pas la
recherche dans le personnel. Ce qui n'est pas simple à gérer si l'on veut respecter la nécessaire distance

que les professionnels sont tenus de maintenir dans leurs rapports avec les usagers. Quant aux familles, leur demande serait plutôt : « Occupez-vous en bien mais ne prenez pas ma place !»

Certes, il peut arriver que la personne vienne avec son intolérance, mais elle va surtout tester le degré de confiance qu'elle pourra avoir. Et ce test prend la forme d'un questionnement sous-jacent : « Est-ce que tu sais quelque chose de moi ? » Le Dr Reingewirtz se souvient d'une résidente qui avait gommé toute trace de judéité jusque dans son nom et qui refusait d'être considérée comme telle. Au bout de quelques temps, à la faveur d'un reportage sur les victimes de la Shoa, elle choisit spontanément de témoigner, à la grande surprise de tous. Pendant toute sa vie, le traumatisme était resté aussi vif que pendant les années d'occupation, et c'est dans ce cadre sécurisant qu'elle avait pu reprendre confiance, car de tels traumatismes sont certainement l'une des caractéristiques de cette communauté.

Dans une optique plus large, on peut dire que c'est un sens de la vie qui est recherché, car « quand les gens ne trouvent plus de sens à leur vie, ils finissent par s'en aller. »

Pour qu'un établissement fonctionne harmonieusement, plusieurs points sont importants : définir le public que l'on reçoit, avoir « un croire », savoir rappeler constamment les limites.

Les missions et les limites des EHPAD n'ont jamais étaient fixées précisément, peut-être parce que cela impliquait de mettre en face les moyens nécessaires. A qui s'adressent les EHPAD et jusqu'où accueillir quand 90% des établissements n'ont pas d'infirmière de nuit ? Pourtant il n'est pas possible de construire un projet d'établissement sans définir le public que l'on accueille. La gestion du multiculturalisme à un coût, et même un surcoût, comme on le voit dans les pays qui reconnaissent les communautés et acceptent de prendre ces besoins en compte.

« Le croire », c'est affirmer ses valeurs, avant tout dans la République et dans le service public. Ce qui constitue en soi une véritable religion. Quant on a peu de moyens et que l'on fait un métier peu lucratif, il est essentiel pour l'équipe d'être sur d'autres valeurs. L'affirmation des valeurs républicaines est souvent négligée dans les établissements publics.

Toutefois, il incombe au Directeur de percevoir rapidement les débordements et de continuellement rappeler les limites. Il existe des juifs racistes anti-noirs, comme il existe des professionnels antisémites, et il est même arrivé de retrouver des croix gammées sur les murs intérieurs de l'établissement.

Il ne semble pas y avoir eu d'évolution dans les demandes communautaires. La plupart des personnes accueillies sont nées dans les années 30 et 40, donc avec des schémas mentaux sans doute différents des générations suivantes. Les EHPAD communautaires ne sont pas non plus une nouveauté : il y en a eu pour les artistes, les ouvriers du bâtiment, les Russes... sans parler des catholiques et des protestants. Au départ, ce sont sans doute les promoteurs qui projettent leurs besoins.

La question qui se pose de plus en plus souvent pour les gestionnaires de telles structures, est sans doute: « Est-ce que ça a toujours un sens de maintenir un établissement communautaire aujourd'hui ? » Mais le débat n'est pas aisé parce que l'affichage est susceptible de remettre en cause les financements publics. La HALDE*, elle-même, reconnaît qu'il s'agit d'un sujet « particulièrement sensible et délicat » avec un risque de judiciarisations important.

Le Dr Reingewirtz pense que « la force d'un tel sujet, c'est la question et ce qu'elle renvoie », et conclut :

« La vie, c'est la cohabitation de la diversité. La monotonie, c'est la mort »

* HALDE : Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité

« Les conceptions divisent ;
L'expérience rassemble. »
Rassemblement Inter-traditions, Savoie 1997

Mme Thérèse Clerc
Initiatrice de la Maison des Babayagas (Montreuil)

Thérèse Clerc est militante féministe, fondatrice de la Maison des femmes de Montreuil (Seine Saint-Denis), initiatrice de la Maison des Babayagas*, un projet fondé sur 4 piliers : autogestion, solidarité, citoyenneté, écologie et réservé exclusivement aux femmes18.

Les Babayagas, militantes actives de la cause féministe depuis de nombreuses années, revendiquent ouvertement la parenté de leur projet avec le mouvement chrétien des Béguines fondé au 12ième siècle qui se répandit dans le nord de la France, la Belgique, les Pays Bas et l'Allemagne et qui a compté jusqu'à 1 million de femmes.

Ces femmes qui avaient choisi de vivre ensemble dans un habitat individuel regroupé autour d'une salle commue et d'un jardin intérieur, revendiquaient leur statut de laïques, affranchies de toute tutelle masculine : paroissiale aussi bien que des ordres religieux. Malgré la condamnation pour hérésie dès 1311, la dernière béguine s'est éteinte en 1930 19.

Le projet reprend le concept d'habitats individuels, d'autogestion (pas celui d'autosuffisance financière puisque des financements publics sont sollicités, bien que les futures résidentes pourront faire valoir leurs droits aux aides versées à domicile), cooptation, fort engagement dans la vie de la communauté: chaque personne doit désigner, dès son arrivée, sa personne de confiance parmi les résidentes, et cet acte sera cosigné par la Présidente de l'association.

L'immeuble doit comprendre 25 logements de 28 à 44 m2 répartis sur 6 étages et équipés pour être « accessibles et adaptés à des personnes âgées » (4 seront réservés à de « jeunes femmes »). Bien que le bâtiment appartienne à l'OPH de Montreuil qui en est le bailleur, l'association gérera la vie de cette structure, qualifiée par le promoteur lui-même, d'innovante. La solidarité entre occupantes se manifestera soit sous la forme d'un devoir d'aide dans l'accomplissement des gestes de la vie quotidienne en direction des moins autonomes, soit sous forme financière en cas de difficultés grâce à la mise en place d'une tontine à laquelle contribueront mensuellement celles qui en auront la possibilité.

Pour Mme Clerc « la construction d'une institution ad hoc, genre MAPAD, non loin du projet des Babayagas serait fort bien venu. » (Le Monde, 2003)

Simone Veil, séduite par le projet de la Maison des Babayagas, a salué cette "idée portée par des femmes qui ont envie de vieillir ensemble, de se soutenir les unes et les autres" et qualifié cette initiative "d'importante pour la cité".

Imaginé en 1995 et initié en 1999, ce projet a connu de nombreux déboires notamment du fait de la difficulté de trouver des financeurs et, pour le Conseil général, compétent en matière d'autorisation d'établissements médico-sociaux pour personnes âgées, de qualifier un tel projet (logement social ? Foyer logement ? EHPAD ?)

La crise sanitaire liée à la canicule de 2003, a remis ce projet sous les feux de la rampe médiatique et la Maison des Babayagas a reçu l'appui des Maires successifs de la commune (Jean Pierre Brard, Dominique Voynet), de 2 Vices présidentes (respectivement du Conseil Régional et du Conseil général), du Directeur de l'OPH de Montreuil, de Marie George Buffet, Edgar Morin, Michel Rocard... C'est le 15 octobre 2011 qu'à été posée la première pierre en présence des élus de la Ville, du Conseil général et de la Région.

* http://lamaisondesbabayagas.fr/

† La personne de confiance accompagne et aide la personne dans ses démarches médicales, et doit être consultée (sauf opposition préalable du patient) en cas d'empêchement de la personne avant toute décision médicale (art. L. 1111-6 du code de Santé Publique)

Madame Clerc, refuse le qualificatif d'EHPAD, de maison de retraite et de foyer logement, il s'agit de logements regroupés ou selon ses termes : « d'un habitat solidaire entre femmes de différentes générations qui ont choisit librement de vivre entre elles, en dehors de toute présence masculine ». L'EHPAD reproduirait un schéma de représentation masculin du rôle des femmes malgré la présence d'un public majoritairement féminin, la féminisation du personnel y compris de direction : activités occupationnelles peu gratifiantes (goûters, jeux de société...)

C'est aussi la société elle-même qui est mise en cause par « sa vision compassionnelle des vieux », sa « marchandisation des personnes âgées », « soumises », réduites à leurs dépendances et leurs déficiences qu'il conviendrait de prendre en «charge ». C'est cette attitude qui générerait la dépendance qu'il serait possible d'éviter, ou plutôt de refuser comme inéluctable.

L'avancée en âge serait une façon de continuer à « restreindre insidieusement la surface sociale des femmes », pas seulement en institution mais en cantonnant celles-ci à s'occuper de leurs parents âgés au détriment de leur propre vie (« Ce sont rarement les fils qui s'occupent de leur mère dépendante »), mais aussi à des emplois sous qualifiés et précaires.

Mme Clerc se revendique comme une utopiste souhaitant promouvoir une vision à long terme pour un public qui doit être ambitieux et peut se faire entendre puisqu'il représente un poids électoral qui va croissant avec le vieillissement démographique.

Parce que « ces vieux ne vivent plus du capitalisme sauvage, ont du temps et un peu d'argent, ce qui les placent à l'avant-garde »

Le discours de Mme Clerc est très fortement militant et repose sur des constats ou des ressentis qui sont largement recevables, et ont séduit à ce titre de nombreuses personnalités principalement politiques.

De fait, le principe de liberté autorise légitimement des femmes qui le souhaitent à se regrouper, dès lors qu'elles ne constituent pas un établissement médico-social (établissement regroupant des personnes âgées et liant le logement à la fourniture de services).

L'utopie sociale revêt un caractère sympathique, et l'on ne peut qu'abonder à la volonté de créer un espace respectueux de l'environnement, et fonctionnant sur le principe de solidarité. D'autant que Mme Clerc souhaitait un espace ouvert sur la ville grâce à l'organisation d'une université intra muros à laquelle auraient pu participer des hommes.

Mais c'était sans compter sur l'extrémisme des Babayagas qui contestent cette ouverture et sur la dissension qui allait naitre en 2011. Mme Clerc dépassée, soutient toujours le projet, tout en ne faisant plus partie de l'association, et l'habitat sera donc la reproduction du modèle originel, celui des béguinages. Ce qui faisait dire à la journaliste Hannelore Cayre, sur France Info, le 1er mai 2011 que le projet serait finalement « Un serein béguinage plutôt qu'une utopie déchainée »

Preuve que, si l'expérience rassemble, les conceptions finissent par diviser. Tout projet même utopiste, demande à être construit sur des besoins pour permettre aux projets individuels, même informels, la plus large déclinaison possible des souhaits des futurs résidents.

C'est principalement dans l'entraide pour l'exécution des gestes de la vie quotidienne que s'exercerait la solidarité. On peut toutefois s'interroger sur le niveau de participation qui sera demandé aux 4 jeunes femmes qui partageront le quotidien des 21 dames âgées : à terme, ces personnes pourraient bien avoir pour seul revenu que le reversement de l'APA à domicile, et constituer le personnel d'un établissement de fait.

Toutefois, on peut noter que le discours cherche à légitimer le projet quitte à engendrer quelques contradictions. Ainsi, le projet s'adresse à des femmes, uniquement veuves, divorcées ou célibataires, « car ce sont les personnes ayant souvent le moins de ressources », mais aucune condition de ressources n'est prévue dans les statuts. Dans sa biographie officielle, le discours de Mme Clerc est parfois plus radical : la présence d'hommes ou de couples serait comme « un kyste dans un milieu homogène »20 La notion même d'innovation est surprenante pour promouvoir un modèle qui a fonctionné pendant 900 ans, la dimension chrétienne en plus ...

Pour autant, les 2 millions de budget ont été trouvés, en partie grâce aux financements publics. En 2009,
par exemple, le Conseil régional a voté 275 000 € au titre d'une subvention pour structure innovante en

direction des personnes âgées* et 74 144 € pour la promotion d'un bâtiment à basse consommation. De même le Département à versé une subvention de 88 000 €. Quant au bailleur et aux organismes compétents pour l'attribution de logements sociaux, ils abandonneraient tout droit de regard sur les attributions. Malgré les déclarations, l'OPH de Montreuil n'affiche pas ce projet sur la cartographie des réalisations prévues sur son site Internet.

Communautariste la Maison des Babayagas ? A cette question Mme Clerc oppose que 80 % des femmes qui se présentent à la Maison des femmes de Montreuil arrivent dans la douleur, voilées, excisées... Le refus de la mixité serait une façon de les protéger de leurs familles.

S'il est du respect du droit de tous les citoyens, quelque soit leur âge, d'organiser leur vie comme ils l'entendent, il semble que les garants des valeurs républicaines, hommes politiques en l'occurrence, soient saisis d'un état de sidération médiatique. On ne trouve aucune critique officielle du projet, même si certains professionnels pensent malgré tout qu'il ne se fera pas. Tout au plus, l'Observatoire du communautarisme notait-il dans ses brèves, le 31 mars 2005, que le Maire de l'époque (Jean Pierre Brard) venait de soutenir le projet après avoir interdit un défilé de mode musulman réservé aux femmes.

Même si le concept de foyer non mixte n'est pas nouveau, aucun habitat individuel aussi radical dans son concept n'avait jusqu'alors été financé. Le risque est que cette ouverture soit perçue comme un nouveau paradigme social qui autoriserait toute communauté à mettre en place un habitat communautariste avec des fonds publics, c'est-à-dire excluant une partie de la population, refusant une partie des valeurs républicaines, et remettant en cause le fonctionnement de la société elle-même.

Pour autant, le projet ne peut se prévaloir de discrimination positive ou de compensation en faveur d'un public défavorisé pour lequel les solutions existantes seraient inappropriées, comme c'est le cas pour justifier les lois sur la parité hommes-femmes ou la lutte contre la violence faite aux femmes. Pas plus que cette expérimentation sociale ne permet d'envisager, à terme, une évolution dans le domaine de l'accompagnement des personnes âgées dans la mesure où il ne s'avère pas transposable à d'autres publics.

La pression médiatique, les enjeux électoralistes, la tentation de la facilité des prises de positions extrêmes, faute de vigilance citoyenne, semblent pouvoir avoir raison des débats éthiques. Mais il serait dommage que le concept de logements regroupés et d'habitat solidaire puissent faire les frais d'une utopie plus revancharde que constructive.

* Délibération CP 09 - 893

† Délibération CP 09 - 1222

« Il avait du bon sens,
Le reste vient ensuite. »
Jean de La Fontaine, Le berger et le roi

Monsieur Gérard ZribiDirecteur général de l'AFASER

Monsieur Zribi est directeur général de l'AFASER, une association gestionnaire d'établissements et services pour personnes handicapées en Région parisienne. Président de l'Association Nationale des Directeurs et Cadres d'ESAT (ANDICAT), il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur les handicaps, notamment sur le vieillissement des personnes handicapées14 parus aux Presses de l'EHESP. Docteur en psychologie, ayant débuté sa carrière comme éducateur, il a été chargé d'enseignement dans le cadre du CAFDES, et siège dans plusieurs instances nationales représentatives.

Son analyse porte ici, plus sur le rôle du directeur comme garant de la diversité culturelle, mais pose aussi un constat sur la réflexion éthique qui pourrait sans doute être élargi aux positionnements politiques et à celui des financeurs si l'on se réfère au projet cité précédemment.

Pour Monsieur Zribi, il existe des « thèmes d'intimidation », des sujets de blocages, des questions qui n'appellent généralement qu'une réponse extrême de la part de l'interlocuteur : la tentation de la facilité qui consiste à liquider le sujet. Il en va du communautarisme comme de la question de la réanimation néonatale des grands prématurés et de ses conséquences en matière de handicap.

Aux questions sur le communautarisme ou la laïcité, certains proposent une réponse si égalitaire qu'elle en gomme toutes les différences, alors que d'autres renvoient à des solutions aussi spécifiques que ségrégatives. Dans les deux cas, il s'agit bien, par le refus des spécificités de chaque être humain, de nier la singularité de l'individu, là où, dans un vrai collectif, la singularité devrait trouver toute sa place, et même s'y trouver protégée. Car spontanément, nous avons tendance à fabriquer de l'exclusion. Un psychiatre faisait un jour ce commentaire plutôt cynique : « Finalement, ils sont mieux entre eux ! »

Les formations, pourtant utiles, recréent facilement leur propre exclusion en donnant l'illusion que désormais, la personne formée sait ce qu'est « un juif », « un catholique » ou « un musulman » : une nouvelle catégorisation, une généralisation. Une formation ne dispense pas d'une approche empathique. Car la réalité de chacun est différente. Monsieur Zribi cite le cas d'un père maghrébin qui ne reconnaissait pas, devant sa famille et les professionnels, les troubles du comportement de son fils handicapé psychique ainsi que la nécessité d'un suivi et d'un traitement. En discutant, seul à seul avec cet homme, il s'effondra en larmes, en avouant qu'avec sa femme, ils étaient battus tous les jours : culturellement, il ne lui était pas possible d'en parler en groupe, mais humainement, il était possible de décoder quelques signaux. A la suite de cela, la famille donna son accord et un suivi psychiatrique pu être mis en place.

Pourtant, les questions communautaires constituent bien un sujet de réflexion d'éthique et mérite de repenser les pratiques professionnelles. Chaque directeur d'EHPAD (ou de toute structure médicosociale) devrait être formé à ce type de réflexions et aborder un minimum de sciences humaines. Malheureusement, cette dimension n'existe pas dans la formation du CAFDES qui prépare essentiellement des gestionnaires, plus que des créatifs, en donnant la primauté aux questions de comptabilité.

Plus valorisé par un discours de gestion financière que par celui des sciences humaines, le directeur est désarmé, par exemple, pour affronter les questions de sexualité en établissement. Plutôt que de former à des techniques ou à des recettes, il s'agit d'acquérir un minimum de méthodologie pour construire ses propres références éthiques, se les approprier et savoir les remettre régulièrement en question. Car il n'y a jamais de solution définitive. Et là, existe un vrai problème : une pénurie de bons candidats pour prendre la direction des établissements.

Plus largement, c'est le secteur médico-social tout entier qui est entré dans la culture des référentiels, des normes-iso, des bonnes pratiques, qui incite à cocher des items pour s'exonérer d'une démarche personnelle et individualisée, forcément plus complexe.

Le droit de vivre ensemble ne devrait pas se voir opposer des conditions préalables à un accueil, comme : avoir un projet d'établissement spécifique, avoir travaillé le sujet et formé ses équipes. L'occasion d'un nouvel accueil fournit au contraire une opportunité de travailler un accompagnement individualisé en temps réel, en situation, de manière concrète, pratique et personnalisée.

Pour Monsieur Zribi, il n'est pas non plus indispensable de se relier préalablement pour pouvoir vivre ensemble.

Le projet d'établissement doit définir les valeurs qui fondent toute intervention et permettre la déclinaison de projets individualisés et singuliers, tout en excluant les manifestations de racisme et de rejet de l'autre. Car il y a le « vivre ensemble », mais aussi l'interdit, et il est de la responsabilité du directeur d'être particulièrement vigilant et d'arrêter immédiatement tout franchissement des limites, tout écart verbal, ou plaisanterie douteuse.

Bien sûr, la diversité, et pas seulement religieuse, peut être une occasion d'animations. Même la différence des couleurs de peau peut-être une opportunité de festivités

Il existe des limites, mais qui viennent le plus souvent des résistances du personnel que des résidents eux-mêmes. Dans de rares cas, ce sont des signes religieux ostentatoires. Mais inversement, une conception trop étroite de la laïcité conduit certains professionnels à refuser d'accompagner une personne non autonome dans sa pratique religieuse.

Monsieur Zribi cite le cas d'un éducateur qui après avoir accepté d'accompagner une personne handicapée psychique à la messe, se trouvait extrêmement gêné de ce que le résident ait pu interrompre l'office en levant le doigt pour poser une question sur la masturbation. Finalement, une discussion entre la personne handicapée, l'usager et le prêtre suffisamment compréhensif, aboutit à un modus vivendi : après chaque office, la personne handicapée avait droit à quelques minutes pour poser, en a parte, toute les questions souhaitées.

Il convient de distinguer ce qui relève de l'accompagnement à la pratique religieuse (travail de l'accompagnant), de ce qui est du domaine de l'éducation religieuse.

Pour mettre en oeuvre un projet qui permette à chacun de trouver sa place, il n'y a pas de solution toute faite, mais la démarche repose sur plusieurs points :

1. Définir ses valeurs

2. Etablir des garde-fous, des limites

3. Se donner les moyens

4. Travailler les formations

5. Rappeler les questions d'éthique et rester vigilant face aux dérives possibles

Mais cela sous-entend aussi une volonté et une détermination de la part du directeur ou du porteur de projet. A titre d'exemple, le prix des repas plus élevé, demandé par les prestataires, dans le cas d'une alimentation cachère ou halal, serait un faux problème. Il y a toujours moyen de négocier, surtout avec quelqu'un qui n'a pas intérêt à laisser passer un marché de 100 ou 200 couverts quotidiens. Là, tout devient possible. C'est la détermination de celui qui conduit le projet qui fait la différence.

Quant à ceux qui ont une observance si stricte et orthodoxe qu'elle en devient impossible à respecter, elle n'est souvent que la manifestation extérieure de la volonté de la personne de s'exclure elle-même. Dans ce cas, on ne peut rien faire, et il n'y a pas à intervenir. C'est du domaine privé, mais pas du champ des financements publics.

Au final, ce qui doit prévaloir, c'est le bon sens, le simple bon sens, dans le respect des choix de la personne.

Compte-rendu d'entretiens avec deux acteurs de terrain

« Je suis nécessairement homme et ... je ne suis français que par hasardi

Montesquieu, Pensées, no 350

Il semblait intéressant de confronter les points de vue de deux acteurs de terrain, oeuvrant sur le même territoire (la Seine-Saint-Denis), dans des EHPAD accueillants des personnes migrantes.

En effet, bien que les deux projets aient été portés initialement par des associations ayant une expérience dans les foyers pour migrants (AFTAM d'une part, et Sonacotra devenue Adoma d'autre part), dans le premier cas il s'agit d'un établissement non spécifique, alors que dans le second cas, le projet d'établissement s'adressait aux travailleurs migrants résidants en foyer.

La France est le plus ancien pays d'immigration d'Europe et connaît les populations les plus importantes d'origine maghrébine (Algérie principalement) ou de la communauté musulmane21. Ce qui explique que la plupart des ouvrages consacrés aux migrants vieillissants finissent par réduire les problématiques à une seule catégorie, celle des Algériens musulmans, dans laquelle, il n'est pas sûr que se reconnaisse un asiatique notamment.

En 2003, le Conseil de l'Europe formulait les recommandations* suivantes en faveur du droit des migrants : faire évoluer les structures pour personnes âgées pour qu'elles soient « culturellement adaptées » aux besoins des migrants âgés, notamment par des formations des professionnels ; favoriser le recrutement de personnels qualifiés d'origine immigrée ; encourager les migrants âgés à entretenir des liens avec leur pays d'origine.

En Seine-Saint-Denis, la problématique des travailleurs migrants vieillissants revêt un caractère particulièrement important puisqu'un habitant sur 5 est issu de l'immigration.

Mme Samira Dubreuil
Directrice de l'EHPAD Résidence du Parc à Aulnay-sous-Bois (93)

La résidence du Parc, à Aulnay-Sous-Bois, est un EHPAD de 75 lits, géré par l'AFTAM et ouvert en 1995. La résidence accueille des personnes relativement âgées (85 ans en moyenne) et fortement dépendantes (GMP 788) L'association gère sur la même ville, un foyer pour personnes en difficulté de 360 places, un foyer d'hébergement pour personnes handicapées de 38 places ainsi qu'un foyer d'accueil médicalisé pour personnes handicapées vieillissantes de 39 places. De ce fait l'établissement n'est que très rarement sollicité pour accueillir des personnes handicapées vieillissantes. La seule personne qui devait être admise a refusé du fait de l'âge élevé des autres résidents.

Selon Mme Dubreuil, l'accueil de personnes appartenant à des communautés culturelles étrangères reste relativement marginal. En tout est pour tout, la résidence n'a accueilli qu'un africain, une asiatique, un maghrébin, un tamoul et plusieurs polonais. Contrairement à ce que l'on observe dans les foyers pour migrants, quasiment tous ont une famille présente. Seule une personne tamoule est venue d'un foyer de l'AFTAM. Mais dans la quasi-totalité, c'est la nécessité et non la volonté de la personne qui a motivé l'accueil. C'est aussi le choix des familles. Dès lors, on peut s'attendre à ce que ce type d'accueil augmente du fait de l'acquisition de nouveaux standards de représentation par la seconde génération, celle des enfants.

Il n'en demeure pas moins qu'il faut un minimum de bonne volonté pour que cela se passe bien. L'établissement n'a pas mis en place de projet spécifique, ni de formation sur les codes culturels ou religieux..., mais fait appel aux compétences et à la diversité culturelle du personnel, qui elle, est bien à l'image de celle de la population du département. Faute de bénévoles, ce sont des professionnels de la

* Recommandation 1619 (2003)

structure qui vont servir tantôt d'interprète, tantôt de médiateur avec le reste de l'équipe, les résidents et leurs familles. La présence d'un membre du personnel de la même origine culturelle rassurerait et atténuerait la culpabilité de la famille.

Là comme ailleurs, les fêtes religieuses sont une occasion d'animations et d'échanges : les familles participant à la confection de gâteaux par exemple. Des soirées à thème avec des échanges et la projection d'un film favorisent la reconnaissance mutuelle.

Dans l'ensemble, aucune difficulté majeure ni aucune demande particulière ne sont notée, même si parfois, les familles qui apportent des plats cuisinés à leur parent, peuvent avoir tendance à dépasser les quantités acceptables compte-tenu des règles d'hygiène.

L'établissement ne dispose pas d'accès internet ni aux chaînes de télévisions étrangères.

Des arrangements sont trouvés au cas par cas : un aide soignant de nuit peut s'occuper de la toilette d'hommes maghrébins ou africains.

Toutefois, les personnes d'origine étrangère, sont souvent confrontées à des réactions de racisme de la part des autres usagers, notamment s'ils ont des difficultés à s'exprimer en français, ce qui survient d'autant plus facilement qu'avec le vieillissement peut apparaître une régression des langages acquis.

Parfois, cela peut venir du personnel lui-même, ou d'une projection de ses propres standards : ainsi, le personnel musulman peut avoir des réticences à donner du vin à un résident de la même confession qui le réclame, ou une femme maghrébine à faire la toilette d'un homme de même origine. Le rôle du directeur est de replacer les limites. Mais pour Mme Dubreuil, il n'y a rien là de différent de ce qui se passe tout autour dans la cité, du quotidien qui a été le leur, et qui continue d'être leur réalité de tous les jours.

Ici aussi, les personnes ont tendance à s'agréger en fonction des affinités et des opportunités comme les joueurs de cartes, par exemple. Mais les grands perdants sont toujours les personnes présentant des troubles cognitifs qui sont systématiquement mises à l'écart par les autres résidents.

Finalement, même s'il y a des éléments facilitateurs, c'est la tolérance et l'ouverture d'esprit qui doivent guider l'action.

De la diversité naît une richesse des relations aussi bien pour les résidents que pour le personnel.

« Il n'y a pas pire épreuve à subir que celle du déracinement identitaire,
et celui-ci en est un parce qu'il a été souvent exigé des immigrés
comme gage de leur bonne volonté et parfaite intégration à leur pays d'accueil »
Omar Samaoli21

Monsieur Max Lefrère
Directeur de l'EHPAD Hector Berlioz à Bobigny (93)

L'EHPAD Hector Berlioz fait partie des deux projets innovants d'Ile-de-France, ciblant prioritairement un public de migrants vieillissants, portés par les principaux gestionnaires de foyers.

Alors que l'EHPAD de Colombes (association AFTAM) qui doit ouvrir prochainement, vise à introduire des lits médicalisés au sein d'un foyer, l'EHPAD Hector Berlioz ouvert en juin 2011 par l'association SOS Habitat et soins, (qui a repris le projet initial d'Adoma, ex-Sonacotra) comprend un bâtiment neuf clairement distinct mais à proximité immédiate du foyer.

Bien qu'ayant reçu un avis favorable du Comité Régional d'Organisation Sociale et Médico-Sociale (CROSMS) pour ne recevoir que des anciens travailleurs migrants, la gestion du projet a été reprise depuis par l'association SOS habitat et soins qui n'a pas souhaité conserver cette orientation jugée restreinte et stigmatisante.

L'EHPAD comprend donc 85 places à destination de « personnes âgées dépendantes démunies, avec une priorité pour les travailleurs migrants » dont 5 d'hébergement temporaire, 10 d'accueil de jour, et 24 lits pour patients Alzheimer

Dans le cadre d'une montée en charge progressive jusqu'en décembre 2011, 40 places sont actuellement ouvertes dont seulement 3 sont occupées par d'anciens résidents de foyers pour travailleurs migrants.

Le bilan s'avère d'autant plus décevant qu'en dehors d'une personne présentant des troubles cognitifs beaucoup trop évolués pour recueillir son avis, les deux autres personnes ne peuvent se résoudre à accepter la réduction de leurs ressources qui ne leur permettent plus de virements à leur famille restée dans leur pays d'origine : « On casse ce pourquoi ils ont migré ». Eux dont le travail était aussi une « légitimation » de leur présence en France, sont devenus doublement étrangers, prenant des habitudes en France et voyant se relâcher les liens familiaux avec les personnes restées au pays.

Pour la plupart, le contexte social, économique et politique dans leur pays d'origine, leur laisse peu d'espoir pour un retour qui consacrerait, de toute façon, l'échec du projet de réussite sociale ayant motivé leur départ. De plus, seules les retraites « contributives » sont « exportables », pas les ressources d'aide sociale non contributives or, ces travailleurs ont souvent des retraites contributives faibles, inférieures au minimum.

Selon Monsieur Lefrère, l'écart entre les représentations de la vieillesse, les ressources laissées par le prix de journée et les soins du corps par un personnel majoritairement féminin expliquent la quasi absence de demandes d'admissions.

En pratique, dans les foyers pour travailleurs migrants, ils deviennent les « fauteurs de troubles ». En cause, des troubles du comportement qui génèrent des conflits avec les autres résidents, les accidents et décompensations qui entrainent un passage aux urgences, d'autant que si la personne est marginalisée, le gestionnaire ne le voit que rarement. Sans compter les conflits entre générations, les personnes âgées étant demandeuses de calme. Dans tous les cas, la personne préfère continuer dans ce qui est une véritable situation de maltraitance institutionnelle que de renoncer à son statut de « travailleur » même sans emploi.

Par ailleurs, les gestionnaires de foyers sont actuellement évalués uniquement sur le taux de présences et celui d'impayés, ce qui les encourage à mener une « politique de l'autruche » plus qu'à consacrer une partie de leur temps au développement des partenariats. Un travail reste à faire pour rassurer les Services de Soins Infirmiers à Domicile (SSIAD) et les services d'aide à domicile qui continuent à avoir une

vision très craintive des interventions en milieu exclusivement masculin, même si officiellement ils prétendent tous intervenir*.

Au total ce sont des personnes « ingérables » car ne demandant rien mais au centre de perturbations dans la vie du foyer, parfois même souffre-douleur de la part des plus jeunes.

Malgré cela, il est possible pour l'EHPAD de travailler la sortie des services hospitaliers grâce,
notamment, à l'accueil temporaire. Car le besoin est réel. Le nombre de personnes pouvant relever
d'EHPAD en foyer est sans doute encore assez limité en France pour expliquer en partie une sous

représentation dans les EHPAD, mais pas dans le contexte qui est celui de la Seine-Saint-Denis, Adoma a identifié environ 100 personnes sur ses foyers qui pourraient légitimement en relever.

L'EHPAD Hector Berlioz revendique donc son caractère innovant et à ce titre, a souhaité, avec l'accord des financeurs, différer la finalisation de l'écriture de son projet d'établissement pour tenir compte de l'expérience.

Quand aux adaptations de l'EHPAD aux spécificités culturelles des futurs résidents, elles consistent principalement en un recrutement du personnel habitant à proximité et reflétant la diversité culturelle, une salle de cultes quasiment jamais utilisée, du thé à la menthe et des pâtisseries orientales qui agrémentent les goûters, une cuisine de type méditerranéen.

Mais, selon Monsieur Lefrère, les gestionnaires de l'établissement risquent de se trouver dans une
situation délicate en cas de demande de plats halals, ce qui n'est pas encore le cas. En effet, le passage à

une cuisine entièrement halal entrainerait un surcoût de 1 € par repas, et jusqu'à 3 € dans le cas seulement une partie des repas serait concernée. C'est du moins l'estimation du prestataire extérieur

actuel. De plus, dans le cas d'une alimentation exclusivement halal, il y aurait éventuellement lieu de revoir la composition du personnel dédié à la cuisine en fonction des compétences spécifiques qui pourraient s'avérer nécessaires.

Pour l'instant, une salle informatique et des chaines câblées étrangères sont encore au stade de projet, et un animateur a été embauché, avec pour consignes de mettre en place des animations « atypiques », et de faire rentrer l'art dans l'établissement. Il est vrai qu'ici la population est relativement plus jeune (70 ans en moyenne) et plus autonome (GMP 700). Il s'agit là d'un frein supplémentaire à une admission en EHPAD quand des résidents de foyer, tout juste à la retraite, se retrouvent confrontés à une population essentiellement féminine et catholique dont la moyenne d'âge est de 80 ans.

Les fêtes religieuses sont, ici aussi, une occasion d'animations. Quant aux pratiques religieuses, elles ne posent aucun problème « dès lors qu'elles ne nuisent pas au bien collectif ». Toute la difficulté pouvant éventuellement être de convaincre le personnel d'accompagner la personne dépendante dans sa pratique.

Contrairement à Mme Dubreuil, Monsieur Lefrère pose une limite d'intervention pour le personnel : un résident ne peut pas choisir le sexe du soignant ; un membre du personnel de la même ethnie n'a pas vocation à être le référent systématiquement attribué à la personne âgée. C'est aussi une façon de protéger l'intervenant d'un « phagocytage par la famille », et de lui permettre de raisonner plus dans l'intérêt de la personne que « dans l'effervescence de la situation et sous la pression des familles ».

Mais en élargissant son public aux personnes démunies, c'est une autre communauté qui a fait son entrée et s'avère plus nombreuse puisqu'elle regroupe déjà 10 résidents : les personnes en errance depuis de nombreuses années, parfois 30 ou 40 ans.

Pour la plupart, ces personnes se sont déjà rencontrées au hasard d'un accueil d'urgence et se connaissent souvent. Le mode relationnel est de l'ordre de la proximité (tutoiement, familiarité) et nécessite d'assouplir l'application du règlement (addictions notamment) et des standards d'hygiène. De plus, « On ne materne pas quelqu'un qui vient d'une halte santé si on ne veut pas le voir péter les plombs ! »

* Comment aussi « masculiniser » les services d'aides et de soins ? (note de Mme Laroque)

Si pour l'accueil des migrants, le personnel peut bénéficier de l'expérience de l'association ou d'Adoma, aucune formation n'est prévue pour les personnes en errance depuis de nombreuses années. Le personnel est informé et sensibilisé au moment de l'embauche, et de nombreux rappels sont nécessaires pour que le personnel n'impose pas de façon trop autoritaire les normes de sa culture professionnelle. Car il s'agirait bien là d'une communauté de culture avec ses propres codes sociaux et son langage.

Quant à l'évolution dans le temps, et au communautarisme, c'est plutôt le personnel qui confronte l'établissement à cette problématique, notamment par le port du voile par certaines candidates à l'embauche. Il est pourtant demandé au personnel d'éviter tout signe religieux ostentatoire.

Monsieur Lefrère considère par ailleurs que la demande pour les anciens travailleurs migrants devrait augmenter sur 15 à 20 ans, avec la génération des enfants ayant acquis des représentations plus proches des standards occidentaux, pour redescendre ensuite, du fait du tarissement des grands flux migratoires.

Envers de la communication auprès des travailleurs sociaux : 3 mois après son ouverture, l'établissement est identifié, voire involontairement stigmatisé, comme celui « des pauvres », qui répond préférentiellement à la misère sociale. La rançon est qu'il devient extrêmement délicat de préserver, même ici, une certaine mixité sociale.

Pour Monsieur Lefrère, « accueillir la diversité communautaire ou non, oblige à retraduire et conjuguer le mot tolérance, et si l'on y parvient, il y a lieu d'en être satisfait ».

Pour se faire, le Directeur encourage les Aides Médico-Psychologiques et les Aides Soignants à utiliser le principal outil de pilotage au quotidien, à savoir le « GBS : le Gros Bon Sens ». Car ce sont ces professionnels qui sont en première ligne et doivent gérer tout ses aspects qui donnent quotidiennement lieu à des frictions.

En conclusion de ces deux entretiens, l'impression qui prévaut reste encore celle d'un « bricolage », d'une approche plus pragmatique et empirique que d'une réflexion partagée sur la façon d'approcher les questions éthiques.

L'absence d'expression de besoins, de la part des usagers, peut facilement servir à s'exonérer d'une remise en cause de son propre mode de fonctionnement. La responsabilité n'en revient pas tant aux responsables d'établissements, qui gèrent le quotidien de résidents très singuliers, mais au manque d'espaces d'expression et de formation pour ces professionnels.

Pour Bartkowiak3, l'altérité n'est prise en compte que si elle pose un problème : et l'immigré est justement celui qui n'est reconnu comme tel que s'il en pose un.

Chacun, de son côté, est pourtant intimement convaincu de la nécessité de préserver l'expression des singularités qui fait la richesse de la vie en EHPAD, et qu'il convient que cette communauté de vie, trouve elle-même sa place dans la diversité de la cité.

Interrogation d'une banque de données bibliographiques

La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité,
mais la protection de la minorité.
Albert Camus

La Banque de Données en Santé Publique (BDSP)

La Banque de Données en Santé Publique (BDSP), a été créée en 1993 à l'initiative de la Direction Générale de la Santé (DGS) et constitue une source d'informations en ligne dans le domaine de la santé publique à destination des professionnels des secteurs sanitaire, social et médico-social. La BDSP est en fait un réseau de coopération d'une soixantaine d'organismes (FNG, CRISP, HP-HP IFSI, CNAMTS, HAS, INVs...) qui alimentent quotidiennement cette base de référence nationale. La coordination, les développements informatiques et l'administration du site sont assurés à l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHSP).

Le site de la BDSP est en accès libre* et dispose d'une interface de maniement aisé et intuitif. L'interrogation par concepts se fait par défaut sur les champs Titre, Texte, Mots clés et Auteurs grâce aux opérateurs booléens aussi bien français (ET, OU, SAUF) qu'anglais (AND, OR, NOT) mais aussi avec les signes de troncature ( ? pour remplacer un caractère, * pour une chaine de caractères...)

Le site propose une base documentaire dont certains documents en texte intégral, des bibliographies, un annuaire critique des sites, une base de colloques, un thésaurus, un glossaire multilingue ainsi qu'une base d'offres d'emplois.

Les documents disponibles (ouvrages, revues, thèses et mémoires...) couvrent la période de 1983 à nos jours, sont en français ou en anglais mais un résumé est toujours disponible.

La consultation de la base s'est faite, durant la première quinzaine de juillet 2011.

Interrogation de la base

Le thésaurus comprend 12825 termes, regroupés en 7 144 descripteurs ou mots-clés. Le domaine établissement social comprend un sous-domaine « EHPAD » qui est aussi le mot-clé (associé à 697 notices), et un sous domaine « Maison de retraite » qui constitue un mot-clé renvoyant à 2869 notices. Il sera donc nécessaire d'utiliser les deux descripteurs pour interroger la base. Le descripteur « Personne âgée » (33 543 notices) est associé à des termes qui s'avèrent peu contributifs pour la recherche en cours: accès équipement collectif, âgisme, alarme médicosociale, autonomie, centre jour, CLEIRPA, dépendance, logement adapté, politique vieillesse, réseau ville handicap.

L'index a permis de mettre en évidence que la racine « communaut* » renvoi à pas moins de 22 mots clés associés dans des domaines très différents dont : santé communautaire, appartement communautaire, communauté européenne, communauté religieuse, communauté d'établissements... On est donc ici dans des domaines qui peuvent être sujet à quiproquo. Par exemple, le concept de médecine communautaire conçoit le soignant-le sujet et sa communauté qui peut être la population d'une institution, d'une ville ou un groupe culturel..., n'est pas une notion tout à fait étrangère au sujet étudié. Certains y voient d'ailleurs un risque de dérive communautariste ou de stigmatisation d'une population, bien que le terme anglais face plus référence à une médecine de proximité.

Autre point intéressant, le site permet de consulter le « nuage de tags » qui correspond à la liste des mots clés trouvés dans les références et qui apparaissent dans une taille de caractères proportionnelles au nombre d'occurrences. Comme le montre le tableau récapitulatif des requêtes et de leurs résultats qui figure en annexes 3 et 4, l'expression « Maison de retraite » s'avère plus fructueuse. En effet, le terme EHPAD n'est apparu qu'en 1998 et ne permets donc aucune référence avant cette année là. Mais il est à noter qu'un glissement sémantique tend aujourd'hui à utiliser le terme maison de retraite, dans le langage courant pour y inclure des établissements de type foyers logements.

* http://www.bdsp.ehesp.fr/

Les descripteurs retenus sont donc les mots clés du thésaurus (personne âgée, EHPAD, Maison retraite, migrant, femme, laïcité, religion, islam, judaïsme, personne handicapée, homosexualité) complétés de termes ou expressions recherchées sur tous les champs pour optimiser la recherche compte-tenu du peu de littérature spécifique (communautarisme, confession*, congrég*, casher*, kasher*, cacherout)

L'interrogation s'est donc faite en associant successivement les mots clés EHPAD, Maison retraite et Personne âgée à chacun des autres descripteurs.

Les résultats sont obtenus en quelques millisecondes, même si le comptage ne donne dans un premier temps qu'un nombre approximatif des références pour réduire le délai de réponses.

Le premier constat a été que la littérature est relativement restreinte sur le seul aspect institutionnel, sauf en ce qui concerne les termes femmes (70) et handicap (94)

Certains sujets ont la faveur des publications : les femmes (1893), le handicap et les personnes handicapées vieillissantes (1187 références pour handicap*), la religion (266)

Toutefois ces résultats doivent être tempérés :

· Le terme handicap est fréquemment utilisé pour désigner la perte d'autonomie de la personne âgée, et non un statut social acquis avant l'âge de 60 ans. Mais il est intéressant de noter que seul le handicap mental apparaît comme type de handicap dans le nuage de tags, ce qui confirme bien que c'est pour les personnes présentant ce type de handicap qu'il existe une véritable problématique spécifique.

· Pour les femmes, le nuage de tags renvoi en établissement à une vision pour le moins restrictive et négative sure la vie d'une femme âgée : Alzheimer, alcoolisme, incontinence urinaire et statistiques.

· La proportion de texte en français varie largement, et renseigne sur les préoccupations hexagonales, avec par ordre décroissant : communautarisme (100%), Laïcité (100 %), Personne Handicapée (94%), Islam (83 %), Migrants (81%), homosexualité (59%), Religion (57 %), judaïsme (53%) et... Femme pour seulement 47 %.

· Les termes « casher », « kasher » « cacherout », saisis seuls, ne ramènent aucune référence, et 3 références non pertinentes pour « halal » dont 2 en anglais. Les nuages de tags sont aussi surprenants puisqu'il semble que cet aspect chez la personne âgée soit essentiellement du domaine de la psychopathologie :

o pour religion et personne âgée : fugue, refus de soins, hospitalisation d'office, réglementation antitabac, maltraitance,

o pour judaïsme : génocide, survie, traumatisme, victime, psychopathologie, guerre

La recherche documentaire a permis en elle-même de faire émerger un aspect qui n'avait pas été envisagé dans le travail préliminaire sur l'utilisation d'internet au service de la communauté ou du communautarisme 22

En conclusion, les publications sont peu nombreuses sur un sujet qui semble d'un domaine tabou en France beaucoup plus que dans les pays anglo-saxons, notamment par rapport aux questions relatives aux pratiques et convictions religieuses.

Tous les documents qui semblaient pertinents ont pu être récupérés (39) : par téléchargement en texte intégral (9), par le prêt du centre de documentation du Conseil général de Seine-Saint-Denis (5), par consultation à la Fondation Nationale de Gérontologie (16), téléchargement ou commande de l'article sur le site des revues (4), ou sur les sites d'achats en ligne (Amazon.fr et Priceminister.com) pour les ouvrages neufs (1) ou d'occasion (5). Au total, trois documents ne se sont pas avérés contributifs.

Résumé et analyse d'un article

Un homme séparé d'un seul homme est exclu de toute la communauté

Marc Aurèle, Pensées XI, 8

« Difficile de vieillir homosexuel »

Le quotidien allemand « Junge Welt » a publié le 18 février 2011 sous la plume de Markus Bernhardt, un article consacré à l'ouverture, début 2012, du « premier projet européen destiné aux gays et lesbiennes âgés »annexe 5.

Situé dans le quartier de Charlottenburg à Berlin, le bâtiment comprendra 24 chambres simples ou doubles de 33 à 100 m2 pouvant accueillir des couples, une bibliothèque un café, et 5 appartements destinés à de jeunes homosexuels afin de favoriser les liens intergénérationnels. L'objectif peut paraître ambitieux : casser le phénomène d'exclusion qui frappe surtout les retraités dans un milieu où, selon une étude menée par les chercheurs Martin Dannecker et Reimut Reiche, le cap de la vieillesse serait franchi à 35 ans.

Ce ne sont donc pas les seules difficultés légales ou la discrimination sociale qui ont convaincu 180 personnes à s'être inscrites sur liste d'attente. La marginalisation au sein même de leur communauté semble constituer une autre motivation.

Déjà en 2006, 8 lits sur 28 avaient été réservés dans la maison de retraite berlinoise (Asta-Nielsen) assurant des soins liés à la dépendance grâce à un personnel qualifié « d'homo » ou « gay-friendly ».

Il est vrai que l'Allemagne a connu une longue période de persécution pour les gays et lesbiennes, fondée sur le paragraphe 175 du code pénal datant de 1871 et renforcée par le régime nazi jusqu'à la déportation. Dans cette forme, le paragraphe est resté en vigueur jusqu'en 1969 en RFA, supprimé en RDA en 1988 et définitivement abrogé en 1994 sous l'Allemagne réunifiée. C'est dire que le traumatisme est encore présent dans cette génération. Pour mémoire en France, l'homosexualité a été dépénalisée en 1982 sur proposition de Robert Badinter. De fait, une partie de la communauté redoute de devoir céder à la pression sociale pour renoncer à une identité homosexuelle chèrement acquise.

Alors que la pyramide des âges montre un vieillissement important des allemands et que 10 % se déclareraient ouvertement gays ou lesbiennes, ceux-ci craignent en entrant en institution, d'être rejetés par les autres résidents ou les pensionnaires en cas d'affichage de leurs préférences sexuelles.

Et l'auteur de l'article de conclure : « Espérons en tout cas que dans cette pension berlinoise, le maximum de gays et lesbiennes parviendront à échapper aux discriminations sociales, sexuelles ou liées à la maladie et vivront sous le même toit, toutes générations confondues. Cette forme de vie en collectivité réduit au moins le risque de passer une soirée dans la solitude, le dénuement et l'exclusion. »

Paru originellement dans un quotidien, situé à l'extrême gauche qui fut l'un des plus importants de l'exRDA mais qui actuellement ne tire plus qu'à 50 000 exemplaires, l'article a été traduit et diffusé dans Courrier International le 15 mai 2011 à 250 000 exemplaires en France (mais aussi en Belgique et au Portugal), pour finalement être reproduit dans le quotidien gratuit Direct Matin tiré à 1 millions d'exemplaires dans les grandes métropoles de France*.

C'est dire que le sujet recouvre tout à la fois un tabou sur lequel existe peu de littérature mais qui est « porteur » pour la presse grand public, sans doute en jouant tout à la fois sur les craintes vis-à-vis du communautarisme et sur le voyeurisme d'un public pour les questions touchant à la sexualité. De fait, ce sujet ne manque pas de déchainer les passions puisque le 4 janvier 2011, le site du quotidien 20 minutes avait dû fermer le blog consacré à un article intitulé : « Les gays français à la recherche d'une première maison de retraite amie », suite à un « trop grand nombre de commentaires homophobes »

* Source : www.wikipédia.org

Le sociologue D. Martucelli23 écrit, à propos de toutes les revendications de reconnaissance qui concernent selon lui des personnes blessées depuis longtemps et qui sortent de leur « sagesse résignée » dans laquelle « on s'était habitués à les voir » : « Bien des revendications de reconnaissance sont ainsi tortueuses subjectivement, maladroite socialement, excessive politiquement. A terme souvent incompréhensibles et agaçantes. Ce qui en retour, augmente et l'incompréhension et l'agacement mutuel. Combien de fois alors, la surprise se transforme-t-elle en gêne, avant de donner lieu à une hostilité plus ou moins larvée... C'est que cet appel à la reconnaissance est d'autant plus amer que l'individu a subi pendant des années, non pas un rejet manifeste et ouvert, mais la malveillance hypocrite du non-regard, ce seuil si parfaitement exact d'indifférence, où, tout en déniant l'autre très pratiquement, on peut toujours, en cas de récrimination, en rejeter toute intentionnalité, voire toute réalité... »

Il n'en reste pas moins que cette ouverture présentée comme une innovation en Europe ne l'est pas vraiment puisque de tels établissements existent déjà officiellement aux Pays-Bas, en Belgique, en Suisse et en Espagne.

Mais ce qui surprend dans ce cas, c'est que la pression revendicative ne viendrait pas tant « de la communauté » elle-même que d'une « réaction au rejet de la communauté elle-même», moins tenue par les modèles familiaux, plus encline à se tourner vers des valeurs de consumérisme, de jeunisme, de mode et qui repousserait à l'extrême marginalité tout ce qui contrarierait cette vision d'un monde aussi idyllique qu'éphémère.

D'après André Saindon, promoteur du concept de « Maisons urbaines » à Montréal qui s'adresse aux seniors homosexuels, « Lorsqu'on est gay, on ne décide pas de s'en aller dans une résidence sur un coup de tête. C'est souvent parce que le conjoint ou le colocataire est décédé ou parti... Il y a de l'insécurité à rester seul... les homosexuels séniors peuvent ne pas avoir envie d'être confrontés à leur solitude »

Il est vrai que, fréquemment sans enfant, moins souvent en couple et parfois en rupture avec leur famille, la notion de communauté qui rassemble des personnes aux parcours de vies aussi disparates socialement, repose en grande partie sur l'isolement et le rejet. Comme le déclare un autre promoteur, américain (RainbowVision), sur son site pour vanter des villages dédiés aux gays séniors les plus fortunés: « We are a place where your neighbors are your family and everyone belongs » (« Nous sommes un lieu où vos voisins sont votre famille et où chacun en fait partie ») Ce qui rappelle une attente déjà exprimée par l'un des experts au sujet des personnes âgées n'ayant pas de famille.

Dans une communauté où l'on serait qualifié d'âgé dès 35 ans, les solutions à mettre en place pour maintenir les liens sociaux, ne relèvent pas spécifiquement des dispositifs liés au grand âge ou à la perte d'autonomie.

Pour autant, il n'est pas certain que les changements induits par le développement du PACS sur la stabilité des couples ne réduisent pas cette composante à long terme.

« La génération qui arrive à la retraite est la première qui a pu vivre, durant sa vie active, son homosexualité de façon ouverte et elle n'entend pas changer d'attitude en arrêtant de travailler », déclare Philippe Coupé, Président de l'association l'Autre Cercle qui regroupe des cadres gays. Difficile d'évoquer certains de ses souvenirs devant les autres résidents. D'autant que la population actuelle des EHPAD correspond essentiellement aux générations antérieures aux années 40.

De plus, ayant connu les débuts de l'épidémie de SIDA, cette génération a pu être témoin du retour des familles au moment ou à l'approche du décès d'un ami et de l'exclusion de son entourage, des spoliations et de la réécriture de l'histoire d'une vie. De ce fait, les aspects liés au respect de la fin de vie et à la continuité d'une identité génèrent sans aucun doute des appréhensions.

Pour autant, est-ce à dire que les gays souhaiteraient majoritairement entrer dans ce type d'institutions ? On pourrait le penser au premier abord en voyant les résultats d'un sondage mené par le site GayClic.com le 25 janvier 2008 : sur 3592 votants, 52,6 % répondent vouloir « une maison de retraite gay pour leurs vieux jours », contre 35,4 % qui y sont opposés et 12 % qui ne se prononcent pas.

Il convient de tempérer les résultats d'un tel sondage : les usagers de ce site sont jeunes et ont sans doute des représentations de la vieillesse assez floues et lointaines. Ils ont par ailleurs intériorisé, comme allant de soi, un mode de vie excluant les plus âgés. Il en irait tout autrement si l'on en croit l'Association des Gays Retraités qui affirmait en septembre 2010 sur le site yagg.com que la majorité de ses adhérents étaient opposée à rentrer dans un tel établissement, même si ceux-ci craignent « la violence des vieux entre eux » qualifiée de sujet tabou.

Le besoin d'une mixité homme-femmes était mis en avant par l'association, alors que l'expérience canadienne montre qu'hommes et femmes souhaitent rester séparés24. Mais l'association reconnaissait n'avoir aucun adhérent en maison de retraite. Cassidy24 note ainsi que beaucoup d'homosexuels trouvant l'entrée en EHPAD trop inadmissible préféreraient vivre seul à domicile. Il cite un auteur dont les propos sonnent comme un constat cynique : « Les homosexuels sont mieux préparés à leur vieillissement... vous ne vous êtes jamais attendu à ce qu'une personne prenne soin de vous, vous vous êtes éloigné de votre père, de votre mère, et vous n'avez pas d'enfants à vous occuper, alors vous avez intérêt à prendre soin de vous-même. »

Dès lors on peut s'interroger sur la capacité d'un individu isolé à exprimer une différence stigmatisante, ou tout au moins une identité dépréciée, lorsque celui-ci est déjà tiraillé entre une identité sociale virtuelle (ce qu'il est supposé être) et une identité sociale réelle, dans la mesure où il est « largement illégitime d'avouer ouvertement le rejet du stigmate ».23

En réalité, cette demande ne relève pas d'un nombre si important de personnes du fait de la stigmatisation qu'elle sous-entend et du caractère extrêmement réducteur du point de vue de l'identité à celle d'une orientation sexuelle peu compatible avec la représentation asexuée de la personne âgée qui prédomine dans l'inconscient collectif. De fait, s'identifier à sa sexualité est un phénomène récent qui n'est apparu progressivement qu'après la révolution française et s'officialise en 1869 avec l'apparition du terme même d'homosexualité. Le terme « hétérosexuel » ne fut créer que quelques années plus tard par commodité de langage car rares sont les sujets qui ont besoin de se construire une identité hétérosexuelle.

Ces résultats ne représentent pas plus la position des associations dites LGBT (Lesbiennes, gays, bi et transsexuelles), notamment l'Autre cercle, même si elles n'y sont pas opposées. Celles-ci ont démarché les deux principales associations de directeurs d'EHPAD (AD-PA et FNADEPA), en vain, pour connaître leur position mais aussi en revendiquant la formation et la sensibilisation des personnels pour aboutir à la création d'établissements auto-déclarés « gay-friendly » comme on le voit déjà pour certains hôtels notamment.

Dans le cadre d'un programme national « Pour que vieillir soit gai », porté par la Fondation Emergence*, une charte de bientraitance en faveur des personnes aînées homosexuelles et transsexuelles financée par le Québec vient d'être publiée en août 2011. La charte, à laquelle l'adhésion est volontaire, doit permettre aux intervenants d'être sensibilisés aux réalités de cette clientèle spécifique. Elle comprend des « valeurs et principes susceptibles de favoriser l'inclusion des personnes homosexuelles dans les milieux de vie des aînés » annexe 6.

Cette solution permet de prévenir l'homophobie d'anticipation décrite par Brotman25 qui correspondrait non pas à des faits extérieurs mais à une lecture orientée des comportements des intervenants du fait de la confrontation antérieure à de réelles manifestations d'homophobie. Ce point peut se retrouver aussi bien pour les personnes d'origine juive, qu'issue de l'immigration, et pose tout l'intérêt d'une approche fondée sur la notion d'accueil, bien avant l'accueil physique.

De plus, il y aurait sans doute un avantage à éviter de formaliser par écrit dans le projet de vie des notions aussi sensibles que l'orientation sexuelle ou d'avoir à poser la question si la personne ne souhaite pas faire part de données aussi personnelles.

Cet affichage élargi à d'autres domaines, permettrait de rassurer certains types de populations, sans les stigmatiser, tout en valorisant les démarches de formation, de sensibilisation et les compétences du personnel. Ainsi, l'hôpital Avicenne a été désigné en 2003 hôpital-pilote pour représenter la France dans un programme européen d'amélioration de la prise en charge des migrants ("Migrant Friendly Hospital")

5.

* http://www.fondationemergence.org/

Une remarque s'impose toutefois pour interpréter les propos des différents protagonistes, le terme « maison de retraite » est devenu totalement ambigu dans son utilisation et génère une confusion: certains l'utilisant pour désigner un EHPAD et d'autre pour ce qui s'apparenterait plus à un foyer logement ou à des résidences services. Ce qui rajoute à la confusion, c'est que l'EHPAD ne se définit pas par son public et sa dépendance (GMP), mais par la signature d'une convention tripartite.

Il semble bien, à l'instar de ce qui se passe aux Etats-Unis où existent des foyers logements, des résidences et même des villages entiers (Palms of Manassotta en Floride), que ce marché apparaisse comme une niche juteuse pour les promoteurs privés lucratifs qui mettent en avant la sécurité, les installations sportives et le luxe. De fait, avec un coût d'acquisition d'un appartement entre 100 000 et 300 000 dollars auxquels s'ajoutent 5 500 dollars par mois pour l'aide à la vie quotidienne qui ne bénéficient d'aucune prise en charge par les systèmes d'assurances (Médicare, Medicaid...), le tri par l'argent devient manifeste.

Enfin, le souhait qui pourrait être exprimé par certains en faveur d'établissements pour personnes âgées homosexuelles, présentent les spécificités de relever d'un sentiment de double exclusion : par la société mais aussi par leur propre groupe qui ne se comporte pas comme une communauté de culture ou d'affinités. Les craintes de stigmatisation sous-jacentes, le caractère extrêmement réducteur d'une identité limitée à sa seule orientation sexuelle, sont certainement des freins à de tels projets dont aucun n'a abouti en France, et sont principalement motivés par un enjeu commercial. Mais la crainte de la solitude et de l'isolement social, du rejet par les autres résidents et par le personnel, restent très prégnants pour générer un sentiment ambivalent chez la plupart des personnes.

Les mentalités doivent évoluer pour prendre en compte, par la communauté gay elle-même, la nécessaire solidarité envers les personnes âgées comme se fut le cas pour les malades dans les « années Sida » avant la généralisation des antirétroviraux (1981- 2000). Dans une étude sur l'accès aux soins, menée en 2003 au Canada, Brotman26 montre que l'accompagnement par un autre gay (même bénévole) s'avère une médiation efficace dans les relations soignant-soigné.

L'enjeu est important puisque, d'après une estimation de l'Inter-LGBT (regroupement de 60 associations), avec un taux estimé entre 5 et 10 % de la population, il y aurait 1,5 millions d'homosexuels retraités d'ici 2021.

Recherche et description d'un site pertinent sur ce thème

La culture... ce qui a fait de l'homme autre chose
qu'un accident de l'univers
André Malraux

Observatoire du communautarisme*

Fondé par 3 anciens chevènementistes (Julien Landfried, Fréderic Beck et François Devoucoux du Buysson) peu après l'élection présidentielle de 2002, en juillet 2003, ce site de presse se présente comme : « un observatoire indépendant (notamment des groupes politiques) d'information et de réflexion sur le communautarisme, la laïcité, les discriminations et le racisme » L'ambition étant de « mettre à disposition de citoyens les faits portant atteinte à l'universalisme républicain »

De part les moyens dont il dispose (10 animateurs du site), la qualité des travaux d'une soixantaine de chercheurs mis en ligne, le référencement qui le fait apparaître en tête de liste dans les moteurs de recherches, ainsi sans doute que de son goût prononcé pour la polémique, l'Observatoire connait un franc succès avec une moyenne de 40 000 connections par mois. Certaines anecdotes peuvent prêter à sourire mais illustre la méconnaissance du fait religieux et la tyrannie de la crainte de la confrontation. Ainsi, un établissement scolaire anglais avait-il décidé de remplacer les 3 petits cochons dans un spectacle par 3 petits chiens pour ne pas heurter les parents musulmans, à la grande stupéfaction de ceux-ci puisque l'interdit est uniquement alimentaire.

La position radicale de son fondateur-directeur, Julien Landfried, est pourtant loin d'être consensuelle et moins encore de favoriser les échanges dans un climat d'échanges serein même si le site ménage une place pour la contradiction. Pour lui, toutes les communautés seraient des systèmes de croyances à l'appartenance non-choisie. Pourtant balayées par la Révolution française, elles auraient été réactivées par « la nouvelle droite et la gauche multi culturaliste », pour entrer finalement dans un processus de généralisation menaçant les valeurs républicaines.

Quant au communautarisme, les critères en sont larges et reprennent ceux du sociologue Pierre-André Targuieff :

· auto-organisation d'un groupe social fondé sur une «parenté ethnique» plus ou moins fictive,

· vision essentialiste des groupes humains,

· politique en faveur des identités de groupe,

· usage politique d'un mythe identitaire fondé sur l'absolutisation d'une identité collective. Ces critères de choix permettent d'inclure largement toutes les formes de revendications sociales de groupes, à une forme de communautarisme. Et de fait, les articles dénoncent avec virulence, tour à tour tous les « extrémismes » : religieux (musulmans, juifs, catholiques), ethniques (noirs), sionistes, féministes, régionalistes (Bretons, Basques, Corses), homosexuels...

Dans ce contexte, il était inévitable que des dérapages viennent grever le crédit de l'observatoire. Ainsi en 2005, une brève intitulée : « Les violences conjugales : une priorité gouvernementale ? », donnait l'occasion aux rédacteurs de qualifier de marginal le phénomène des violences conjugales, estimé à 0,00026 % des femmes et résultat d'un lobbying féministe qui n'aurait pour seule finalité que de détourner l'attention des problèmes économiques.

Son Directeur écrit dans une tribune le 3 février 2011 : « on assiste ainsi, dans les vieilles démocraties libérales, à un rétrécissement stupéfiant de la liberté d'expression, pourchassée jusque devant les tribunaux par des associations groupusculaires. L' «envie du pénal »... est la passion dominante de la nouvelle ploutocratie du monde associatif et militant, intégrée à la société du spectacle dans ce qu'elle a de plus méprisable et médiocre, usant de la « reductio ad hitlerum » comme d'autres en leur temps, de l'accusation de « fascisme » »

* http://www.communautarisme.net/

Seules les personnes handicapées, ou âgées ne sont pas concernées par le sujet, même si l'on aurait pu s'interroger sur les quotas de travailleurs handicapés dans les entreprises de plus de 20 salariés. Tout au plus, trouve-t-on une critique de la discrimination positive qui n'est évoquée que pour les femmes.

Charles Conte réagissait en mars 2006 dans le mensuel de la Ligue d'enseignement en écrivant : « le communautarisme ne commence que lorsque le libre choix d'appartenir ou de ne pas appartenir à une communauté disparaît. Il n'y a communautarisme que lorsqu'il y a contrainte. »

L'analyse de ce site confirme les propos de Monsieur Zribi, sur les « thèmes bloquants », les réactions extrêmes. Il existe donc un véritable écueil à vouloir traiter le sujet des identités communautaires sous l'angle du communautarisme. Dès lors, il existe un risque de voir les éléments pertinents discrédités par des propos trop virulents, exacerbant encore plus les susceptibilités.

En soi, l'anti communautarisme est lui-même une forme de communautarisme puisqu'il a son système de règles et de valeurs qu'il prétend imposer, et qu'une élite bien pensante en agrée ses membres ou les exclut. Même si certains revendiquent une liberté de parole et un ton volontairement provocateur, il semble que les personnes âgées ou handicapées soient exclues d'un tel débat, alors même que certains partis extrêmes ont compris l'intérêt politique de courtiser la population âgée.

Faute de prendre en compte l'identité culturelle, celle-ci peut se transformer en culte de l'identité avec ce que suppose de malsain le culte des origines27.

Mais quels sont les risquent mis en avant pour justifier une menace communautariste ?

Les revendications communautaires, qualifiées ici de communautaristes, constitueraient une menace pour les valeurs universelles sur lesquelles est fondée la République (Liberté, Egalité, Fraternité), et envers la cohésion nationale par la remise en cause d'une langue commune (le français). En effet, les droits des individus peuvent évoluer différemment (par exemple dans la discrimination positive, en faveur des femmes ou par la reconnaissance d'un délit spécifique d'homophobie par exemples...) et, au final, remettre en cause le principe d'égalité des citoyens au regard de la loi.

D'autre part, toute identification à un groupe s'avérerait stigmatisante et susceptible de renforcer les réactions de rejet, de racisme ou tout autre forme de haine. Cette notion de communauté enfermerait l'individu dans un espace restreint, limitant la diversité des contacts sociaux, qualifiés ici de richesse.

L'adhésion à une communauté est susceptible d'entrainer une limitation de la réversibilité des choix, et donc la liberté de l'individu, sans nécessairement s'accompagner d'un sentiment d'appartenance. A titre d'exemple, le site rappelle l'orientation toujours valide du Conseil Français du Culte Musulman qui dénie à tout pratiquant le droit de renier l'Islam, et évite d'aborder cet aspect dans sa charte nationale pour un Islam de France, afin de ne pas heurter les susceptibilités.

Plus généralement, la sur-institutionnalisation des différences contribuerait à réifier les différences entre les groupes, et par là-même à étouffer l'individu.

Pour les partisans d'une plus large prise en compte des communautés et de leurs spécificités, l'anticommunautarisme, en niant les différences, contribuerait à développer des réponses standards, uniformisées, ne répondant pas à des personnes mais à un modèle théorique mais économiquement viable.

Cette négation autoritaire de la diversité culturelle contribuerait aussi à renforcer l'exclusion de certaines catégories de personnes en refusant le principe de discrimination positive (« Donner plus à ceux qui ont moins »17).

Le citoyen dans l'histoire de la société française

La vision empruntée ici à quelques auteurs est sans doute contestable mais offre une perspective séduisante pour situer les notions d'individualisme et d'identité collective dans la culture française.

Pour T. Collin30, nous sommes passés d'une société des anciens, basée sur un contrat social que décrit Rousseau : l'homme répond avant tout spontanément aux forces naturelles pour assouvir son amour personnel. Il appartient au « législateur » de dompter ces forces, en s'appuyant sur la qualité de perfectibilité, pour le seul bien commun. (« Il faut en un mot qu'il ôte à l'homme ses forces propres pour

lui en donner qui lui soient étrangères, et dont il ne puisse faire usage sans le recours d'autrui. Plus ses forces naturelles sont mortes et anéantis, plus les acquises sont grandes et durables, plus aussi l'institution est solide et parfaite », le Contrat social) Dès lors l'individu peut s'identifier dans de nouveaux symboles collectifs comme l'armée, le drapeau, l'école...

Chaque système culturel est à l'image d'une langue : il doit être appris, possède ses propres règles, sa propre sémantique qui propose un découpage et une compréhension de l'univers. Sa perception du monde se trame avec des éléments aussi divers que sa cuisine, son rapport au temps, ses rites de passages, ses modes de pensées, sa vision politique et religieuse...

Un sentiment d'appartenance caractérisait les sociétés primitives et serait le stigmate de la relation symbiotique entre la mère et l'enfant. Mais ce sentiment d'appartenance correspond aussi à des sentiments d'identité, d'unité, de cohérence, de valeur, d'autonomie et de confiance, organisés autour d'une volonté d'existence et de permamence12.

Si la Révolution française de 1789, est venue apporter son idéal de liberté, d'égalité et de fraternité, elle n'en générera pas moins une crainte persistante de voir ce rêve menacé par le retour des privilèges et n'aura de cesse de combattre les particularismes notamment régionaux.

La promotion des droits de l'homme, alliée au principe d'égalité, portaient déjà en eux, à la fois une contestation de l'autorité (contestation Nietzschéenne), et une victimisation du citoyen face à la puissance publique. C'est certainement Mai 68 qui réalise la prédiction du philosophe Tocqueville, en extériorisant bruyamment la contestation de l'autorité gouvernant/gouverné (« la grandeur gaullienne »), enseignant/enseigné (et plus généralement la « discipline napoléonienne »). Mais aussi, le rapport homme/femme (féminisme)... Face à la machine étatique, on verra dès lors apparaitre des phénomènes de judiciarisations et de repentances.

Paradoxalement, le système libéral, loin de rejeter cette philosophie libertaire, saura l'intégrer en le mettant au service de l'entreprise : désormais l'individu devient un potentiel, qui au travers d'un parcours personnel peut espérer un accomplissement autonome. L'esprit de compétition va désormais remplacer progressivement l'esprit de coopération : l'autre n'est plus la source de mon accomplissement, comme l'affirmait le christianisme qui avait eu le tort de justifier une organisation sociale jugée désormais injuste.

Ce passage d'une société de citoyens à celle d'individus consommateurs-porteurs-de-droits, n'a bénéficié que tardivement aux personnes vulnérables avec les lois rénovant l'action sociale de 2002, et celles de 2005*, notamment avec la publication de la charte des droits de la personne accueillie. Martucelli 23 note que la nouvelle législation a entrainé un changement dans les relations entre professionnels et usagers, mais que persiste une double demande : à la fois de prestations individualisées, mais aussi standardisées donc impersonnelles. Désormais, la plainte des usagers des dispositifs sociaux et médico-sociaux, n'est plus tant d'être victime d'une injustice, puisque ses droits sont garantis, mais d'une humiliation.

L'individualisme, occupe désormais la place du sentiment d'appartenance qui permettait à l'individu de se constituer sans avoir à se situer ni à se choisir.

Mais les mécanismes qui permettent de se situer par rapport à l'autre, et par là même de se situer soimême, n'ont pas été bouleversés. L'identification d'autrui se fait d'abord sur deux critères (connu/inconnu, bon-mauvais) Dès lors, le groupe offre au sujet un répertoire de catégories culturellement signifiantes et de représentations qui lui permet de construire son identité et de réguler ses rapports aux autres.

L'identité est donc une dynamique sociale et culturelle. « Il n'y a rien de plus collectif que l'identité »31.

Cette identité que le sujet construit est donc porteuse de deux valeurs : celle que le sujet s'attribue (valeur ontologique), et les valeurs qu'il projette sur son monde (valeurs pragmatiques)

* Loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale, loi no 2005-102 du 11 février 2005 « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées»

Toute menace envers l'une de ses valeurs devient une menace identitaire et se traduit par un jeu de réactions variées possibles annexe 8.

C'est ce qui fait dire à Beji27, que l'appartenance étant une machine de survie qui utilise le passé et le futur pour conforter le présent, le dialogue des cultures serait en soi un leurre puisqu'il ne pourrait aboutir qu'à la sensation de menace identitaire, avec pour conséquence la confrontation. Pour preuve : l'inassimilable est toujours le dernier arrivé (immigré maghrébin plus qu'italien par exemple) et celui qui fait peur, pas forcément le plus structuré mais celui qui sait s'inviter dans le débat public (la communauté asiatique est la mieux structurée et la moins bien assimilée, alors que nombre de maghrébins ont adopté des aspects du mode de vie occidental ce qui ne les empêchent pas d'être régulièrement la cible des propos populistes) 29

De nos jours, l'appartenance est choisie, l'individualisme pousse le sujet à se singulariser. Il faut bien constater simplement que si la vision du monde telle qu'elle existait auparavant, sans en faire ni la critique ni l'éloge, s'est désacralisée, on ne resacralisera pas ce qui a été désacralisé. Individualisme et communautarisme renvoient à un même mal : « la crise du lien humain »30.

C'est pourquoi on voit apparaître un éloge de la diversité. Désormais s'affirme une conception de la société qui n'est plus conçue sur le modèle du « melting-pot » mais sur celui du « salad-bowl », où les différences se combinent sans pour autant s'effacer.

Il n'y aurait donc pas une montée du communautarisme, d'une « fièvre identitaire », mais une recherche de ce sentiment d'appartenance. Cette recherche se manifeste par des aspects moins stigmatisés et plus consensuels : la revalorisation, voire la réinvention des traditions locales, des fêtes et patrimoines locaux32... Il est possible d'y voir aussi, un niveau de confiance, et une faculté d'appartenance des français plus élevés pour l'échelon local et la proximité, plus que pour l'Etat et plus encore l'Europe32. Dans cette perspective, « vieillir au pays », c'est-à-dire en intégrant plutôt une structure locale, pourrait sembler la meilleure solution. Pourtant, S. Olivier33, montre dans une étude auprès de professionnels et d'usagers d'EHPAD ruraux, qu'il n'en est rien. Bien au contraire, du fait d'une part d'une attente trop importante des résidents, et d'autre part de la sous-estimation de la rupture par les professionnels. Les usagers ne se sentent pas plus en sécurité, pas moins isolés et même sensiblement moins bien. De leur côté, les professionnels se montrent plus en difficulté en ce qui concerne les soins au corps de personnes connues antérieurement, et sans nécessairement avoir un effet apaisant sur les personnes agitées. D'autres facteurs peuvent certes être identifiables comme des niveaux de formations moins élevés dans les petites structures locales.

Les propos d'A. Memmi27 situent la sagesse dans une appartenance multiple et relativement détachée:

« La sagesse réside vraisemblablement dans un attachement et un détachement modérés, à une certaine distance un peu ironique envers le groupe et ses valeurs, envers la culture dans ce qu'elle comporte de fictionnel... l'imaginaire est un indispensable recours pour respirer, lorsque l'air se fait rare... quelque soit les avantages du resserrement des membres d'un groupe qui les réchauffent l'un par l'autre, il vaut mieux compléter cette solidarité organique et psychique par des dépendances à d'autres groupes et à d'autres systèmes, qui permettent à chacun de sauvegarder une déjà trop difficile liberté »

Synthèse, conclusions et perspectives

« L'individu s'oppose à la société, mais il s'en
nourrit. Et l'important est bien moins de savoir
à quoi il s'oppose que ce dont il se nourrit »
André Malraux, Le temps du mépris

Le respect du sentiment d'appartenance communautaire contribue à une impression de continuité identitaire lors de la rupture brutale que constitue l'entrée en établissement. Cette continuité peut jouer un rôle important dans la survie d'un individu âgé ayant perdu de ses facultés d'adaptation.

Le respect de cette identité communautaire revêt un caractère d'autant plus essentiel que l'avancée en âge peut s'accompagner dans certains cas et à des degrés différents 34:

· De la régression lexicale et syntaxique des langages acquis (langues, dialectes régionaux), mais aussi des difficultés d'adapter son mode de pensée et ses représentations

· De la perte de la capacité d'acquérir ou de s'adapter à de nouveaux standards gustatifs ou olfactifs (cuisine)

· Du besoin accentué de repères dans le temps (horaires des repas, respect des tolérances culturelles aux retards lors des rendez-vous, structuration de la journée par des rituels notamment religieux...) et dans l'espace (moins bonne représentation spatiale et tendance à réduire son environnement à l'institution)

· De la difficulté pour de nouveaux apprentissages (nouveaux codes culturels, relations de pouvoir...)

· D'une tendance au repli passéiste en fonction des personnalités

· De la confrontation à la fin de vie et au respect des rites de passage

Le sujet s'avère complexe puisqu'il est aux confluents de la psychologie, de la sociologie, de l'ethnologie, de la philosophie, du médical dont l'ethno-gériatrie, du social et du politique...

L'une des manières de traiter ce thème aurait pu être de proclamer systématiquement et de façon incantatoire les valeurs républicaines face à chaque demande communautaire, la reléguant à la sphère strictement privée, tout au moins pour ce qui est du domaine des institutions médico-sociales publiques. Même si cette position s'avère intenable et contreproductive. Il n'en demeure pas moins que cette question semble particulièrement tabou en France au regard des publications hexagonales, comparées à celles des pays anglophones. Alors même que les grandes réflexions éthiques sur des sujets aussi bloquants, que la religion ou la sexualité, font particulièrement défaut dans une culture professionnelle qui tend chaque jour un peu plus vers l'application de « normes iso » et de référentiels.

A l'opposée, l'approche frontale, utilisant la notion de communautarisme, s'avère peu propice au dialogue et certainement moins constructive par les réactions extrêmes qu'elle suscite.

La démarche choisie a donc privilégié l'écoute des revendications communautaires, les réticences spécifiques, pour comprendre leurs motivations et qu'elles seraient les difficultés des EHPAD pour y répondre.

L'essentiel n'étant pas ici d'affirmer une vérité mais de trouver une approche constructive et appropriée au sujet qui puisse constituer une base de réflexion, même si elle repose sur des concepts et une modélisation de l'évolution des mentalités du citoyen, certainement trop simplistes et arbitraires.

Les établissements recevant un public âgé et dépendant spécifique à l'exclusion de tout autre population, officiellement financés avec des fonds publics pour les soins, la dépendance ou l'hébergement, ne le sont pas pour des communautés (d'affinités, culturelles...) mais pour :


· des personnes présentant une pathologie spécifique (de type Alzheimer...)

· des personnes handicapées (essentiellement mentales ou psychiques même s'il existe quelques établissements pour personnes déficientes visuelles, polyhandicapées ou porteuses d'une myopathie).

Il semblait donc intéressant, dans un premier temps, de savoir si ces exceptions au caractère universaliste de l'EHPAD, constituaient un paradigme sur lequel pouvait s'appuyer des revendications à caractère communautaire.

De fait, tout citoyen, y compris handicapé peut prétendre à être accueilli dans le dispositif de droit commun que constitue un EHPAD en fonction du seul critère d'âge. Les personnes handicapées cumulent pourtant des freins à l'admission de 3 types :

· Des contraintes matérielles ; une prise en charge nécessitant des compétences techniques spécifiques, des moyens humains et financiers adaptés.

· Une représentation sociale encore péjorative générant une ségrégation de la part des publics accueillis et de leur famille, ainsi que des craintes des professionnels.

· Le souhait possible de garder un lien avec une communauté de vie à laquelle la personne a été contrainte toute sa vie du fait de l'absence d'alternative à l'institutionnalisation.

Dans le cas des personnes handicapées mentales, psychiques ou polyhandicapées, ces besoins sont difficilement conciliables avec les moyens qui sont ceux des EHPAD pour pouvoir prétendre les accueillir dans de bonnes conditions. Le principe mis en oeuvre par ce type d'établissement spécialisé, est donc essentiellement celui de la compensation d'un désavantage social. Il s'agit de constituer un terrain d'innovations exportables pour favoriser l'intégration, faire évoluer la connaissance et les méthodes d'accompagnement.

Les surcoûts éventuels qu'entraine la prise en charge des personnes handicapées mentales vieillissantes, ne sont pas liés à un choix de vie mais bien à ce désavantage social objectif et objectivable. Ce n'est pas le cas pour les communautés d'affinités ou de culture, avec une nuance tout de même, pour le respect de certaines règles alimentaires (Cachère par exemple) qui s'avère très délicat pour des situations ponctuelles dans les conditions habituelles de fonctionnement d'un EHPAD.

La dichotomie entre les deux cultures professionnelles que sont celle du handicap et celle de la gériatrie, rend judicieux la création d'unités de vie au sein des EHPAD. Toutefois, les caractères stigmatisant, ségrégatif et le risque accru de repli communautaire qu'entraine la création d'unités de vie pour d'autres publics que les personnes handicapées, n'incite pas à privilégier ce mode de réponse.

Des critères de financements publics proposés, ne reposant pas sur des notions trop subjectives de besoins ou de communautarisme, pourraient se résumer ainsi :

1. Le projet est conforme aux valeurs républicaines de liberté, d'égalité et de fraternités et respectent les droits fondamentaux de la personne

2. Le projet d'établissement vise à maintenir la richesse et la diversité des liens sociaux, ainsi que l'intégration dans la cité

3. S'il déroge au principe d'égalité d'accès à tout citoyen en fonction du seul critère d`âge, c'est pour :

a. Répondre à un droit de compensation, un souci de discrimination positive du fait d'un désavantage social avéré sur des éléments objectivables et objectifs

b. Une contrainte technique à laquelle il est difficile de répondre dans le cadre du fonctionnement habituel d'un EHPAD, ou du fait d'un surcoût important non négociable

En ce qui concerne la demande des usagers, elle pourrait être déclinée de deux façons :

· Retrouver sa maison et une famille : même si les réflexions en ce sens demeurent intéressantes, il n'en reste pas moins qu'une institution ne sera jamais un véritable « chez-soi » de par le nécessaire « vivre ensemble » et le respect des règles de sécurités de plus en plus draconiennes. De plus, la distanciation imposée aux professionnels, n'autorise pas un lien de type familial même s'il se doit d'être chaleureux et empathique.

· Se sentir attendu, connu et reconnu dans tous les aspects de son identité, conserver ses repères qui lui permettent une lecture du monde qui l'entoure, avec ses mots et son mode de pensée, et autant que possible une richesse de ses liens sociaux. A minima cela sous-entend : 1) que ses choix soient respectés et pouvoir continuer à les mettre en application tout en conservant ses liens avec sa (ou ses) communauté(s), 2) conserver la richesse de ses relations sociales (y compris en dehors de sa communauté)

Pour autant, il serait illusoire de croire qu'un EHPAD puisse répondre à l'infinité des approches communautaires et à leurs déclinaisons (la communauté comme groupe homogène est elle-même une utopie), d'autant que l'appartenance déclarée ne présage en rien du mode de vie du sujet (il n'en respecte que ce qu'il en connait, ce qu'il a choisi d'en respecter...)

C'est pourquoi, l'approche communautaire ne dispense en rien d'un projet de vie totalement individualisé et d'une approche empathique.

Une attention particulière devrait-être portée sur l'accueil qui ne débute pas au moment de la première visite mais peut-être anticipé par un affichage et une valorisation des ressources de la structure. Le véritable enjeu se trouve bien en amont, lorsque l'on est confronté à des publics réticents. L'entrée en EHPAD ne constitue pas un objectif, mais lorsqu'elle est inévitable, mieux vaudrait qu'elle soit vécue à la lumière de représentations plus positives, et non comme le renoncement à toute identité.

Les chartes, les labels (même auto-délivrés) peuvent s'avérer utiles pour manifester l'ouverture d'esprit des professionnels par rapport à un public qui éprouve des réticences, témoigner des compétences (sensibilisation, formations), de la possible présence d'autres personnes partageant les mêmes centres d'intérêts ou d'affinité, des liens possibles avec les communautés (animateurs extérieurs, possibilité de tiers médiateur, regroupements pour des sorties...), du mode de fonctionnement (cuisine adaptée aux prescriptions religieuses ou simplement aux choix de vie de la personne comme le végétarisme, fonctionnement ou non en unités de vie...), des moyens matériels (accès Internet, chaines câblées...)

Il s'agit là d'une démarche qui permet à un public habitué au manifestations de rejets, de dépasser les craintes, qui les poussent par anticipation à faire une lecture orientée, interprétative et partiale des comportements des professionnels.

De plus, cette option permet aussi de respecter le choix du sujet qui ne souhaiterait pas voir aborder cet aspect de son intimité, ce que ne permet pas la check-list intrusive. L'espace peut même devenir un lieu thérapeutique, par exemple dans le cas de personnes ayant souffert de la Shoa.

Pour l'EHPAD, la démarche préalable passe par la définition précise des valeurs qui sous-tendent l'action, voire des publics que l'on accueille même si toute personne doit pouvoir avoir accès à l'institution en fonction du seul critère d'âge.

Les missions du Directeur, pour prendre soin de cette écologie sociale, sont multiples mais il se doit avant tout d'être le garant :

· du multiculturalisme et favoriser la multi appartenance pour éviter la ghettoïsation ou le sentiment d'isolement de sujets se retrouvant minoritaires au sein d'une culture dominante, de diluer les tensions et favoriser des appartenances relativement distanciées

· du rappel rigoureux des limites du « vivre ensemble », du respect dû à l'Autre


· du respect des valeurs républicaines de liberté, d'égalité et de fraternité. La reconnaissance de la différence ne signifie pas adhésion aux valeurs d'autrui ni acceptation de moeurs inégalitaires, notamment d'infériorisation des femmes.

· du partage des réflexions avec les usagers, les familles et les professionnels,

· de la réversibilité des choix de vie de la personne qui témoigne d'un aspect de sa liberté,

· de la richesse et de la diversité des liens sociaux autant que faire se peut,

· de l'expression de la diversité dans le respect du bien commun plutôt que de la réduction au petit dénominateur commun.

· de l'accompagnement de la personne dans l'expression de ses souhaits. Une non-demande, dans un contexte de sentiment de perte de contrôle de son existence ou d'interdits culturels, n'implique pas l'absence de désirs personnels mais peut témoigner d'une autocensure plus ou moins consciente et préjudiciable.

· et surtout, de bon sens et de détermination pour mettre en oeuvre ce projet commun

La dominance d'un groupe n'est pas chose illicite, mais la notion de mixité (diversification par une ouverture à toutes les catégories de la population) ne doit pas être confondue avec celle de mixage qui consisterait à forcer le recrutement de certaines catégories de personnes, y compris de personnes n'appartenant pas à la communauté majoritaire dans le seul but d'obtenir des financements publics.

Encourager la multi-appartenance à des groupes d'affinités, peut s'avérer plus aisé dans un établissement de taille moyenne (20 à 50 personnes)

La diversité est l'occasion d'une diversité d'animations et d'entretenir la curiosité, de rompre la monotonie, sans pour cela s'attacher à réformer des modes de pensées enracinés depuis des décennies chez un sujet fragilisé.

La personne âgée a un avenir, aussi limité puisse-t-il être, et la population des EHPAD aussi : il n'est pas certain que l'évolution des publics accueillis ne se fasse pas vers une demande en apparence contradictoire, déchirée entre individualisme et besoin d'appartenance communautaire, témoin de la crise du lien social.

Dans tous les cas, la parole du résident prime autant que faire se peut pour qu'il soit acteur de sa vie jusqu'au bout. Et la somme des singularités n'implique ni la division, ni la remise en cause des valeurs universelles, mais peuvent être un facteur d'unité dans la diversité pour peu que chacun se sente reconnu dans ce à quoi il s'identifie et puisse offrir sa propre continuité aux autres comme une rupture de la monotonie.

L'humanité consiste dans le fait
qu'aucun homme n'est sacrifié à un objectif

Albert Schweitzer

Références bibliographiques

1. Guinamard, T., Transformer un EHPAD en articulant projet d'établissement et projet de vie : intégrer des religieux vivant en communauté. Mémoire de Directeur d'Établissement Social et Médico Social Public. EHESP.2008. p. 73.

2. Laroque, G., Rapport du groupe de travail sur le vieillissement des personnes handicapées. Ministère du Travail et des Affaires sociales. Paris, 1997. 38 pages

3. Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie. Aide à l'adaptation et à la planification de l'offre médico-sociale en faveur des personnes handicapées vieillissantes. Dossier technique. Paris: CNSA. 66 pages.

4. Verien, I., D. Menichon, Caisse Régionale d'Assurance Maladie Rhône Alpes. . Service médical. Lyon, Personnes handicapées vieillissantes et établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes. 2005, Lyon: CRAM Rhônes-Alpes. 65 pages.

5. Bartkowiak, N., L'accueil en institution des personnes âgées immigrées. SOINS GERONTOLOGIE, (82): p. 18-21.

6. Berrat, B., Vieillir dans l'immigration : une vieillesse à part ? VIE SOCIALE, 2005(3): p. 107.

7. Charbit, T., Agence Pour le Développement et la coordination des Relations Internationales. Le vieillissement des travailleurs immigrés logés en foyer. DIRECTION DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS. Paris, 1998. 78 pages.

8. Lecas, V., et coll., Les pratiques religieuses en institution. DOC'ANIMATION EN GERONTO, 2005(8): p. 45-57.

9. Levy, I., Croyances & Laïcité. Guide pratique des cultures et des religions : leurs impacts sur la société française, ses institutions sociales et hospitalières. 2002, Paris: EDITIONS ESTEM. 495 pages.

10. Levy, I., Respecter la religion en institution. GERIATRIES, 2002(31): p. 17-32.

11. Mercier, M., H.-J. Stiker, et A.-S. Kertudo, L'identité handicapée. 2004, PRESSES UNIVERSITAIRES DE NAMUR: p. 267-308.

12. Mucchielli, A., L'identité. Que sais-je ? ; 2288. 1999, Paris: PUF. 127 pages.

13. Coutadeur, C., Impulser une logique de domicile en EHPAD pour préserver la continuité identitaire de la personne âgée. Mémoire de Directeur d'Établissement Social et Médico Social Public. EHESP. 2006. p. 84+37 pages.

14. Zribi, G. et J. Sarfaty, le vieillissement des personnes handicapées mentales. EHESP, 2003. 2008 pages.

15. Cholat, A. Proposer un cadre de vie adapté à l'accueil des personnes handicapées mentales vieillissantes en EHPAD. Mémoire de Directeur d'Établissement Social et Médico Social Public. EHESP. 2004. p. 89 pages.

16. Bruggeman, D., Rennes, La convention tripartite levier de changement pour les personnes handicapées âgées. L'exemple de la Résidence Départementale d'Accueil et de Soins de Mâcon. Mémoire de Directeur d'Établissement Social et Médico Social Public 2008. EHESP. p. 63.

17. Marmion, J.-F., et coll., Les défis du handicap. Dossier. SCIENCES HUMAINES, (212): p36- 51.

18. Clerc, T., La maison des Babayagas : une vieillesse solidaire. POUR, n° 177, 2003/03, pages 33-34

19. Taleb, Mohamed. La révolution des Béguines. LE MONDE DES RELIGIONS, mars-avril 2011, p. 7-11

20. Michel-Chich, Danielle, Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs. DES FEMMESANTOINETTE FOUQUE, 2007. 133 pages

21. Samaoli, Omar, Retraite et vieillesse immigrée en France. L'HARMATTAN, 2007, 252 pages

22. Diminescu, D., et coll., Migrants. com. HOMMES ET MIGRATIONS, 2002(1240): p. 5-79.

23. Martuccelli, D., L'identité et les demandes quotidiennes de respect. RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS, 2004(77): p. 5-8.

24. Cassidy, F.D., L'intimité chez les hommes et les femmes homosexuels âgés. INTIMITÉ., 2007(122): p. 233-245.

25. Brotman, S., et coll., Coming out to care : caregivers of gay and lesbian seniors in Canada. THE GERONTOLOGIST, 2007. 47(4): p. 490-503.

26. Brotman, S., B. Ryan, et R. Cormier, The health and social services needs of gay and lesbian elders and their families in Canada. THE GERONTOLOGIST, 2003. 43(2): p. 192-202.

27. Beji, H., et coll., La fièvre identitaire : Equivalence des cultures et tyrannie des identités. ESPRIT, 1997(228): p. 94-147.

28. Ville, I. et F. Guerin-Pace, Interroger les identités : l'élaboration d'une enquête en France. POPULATION, 2005. 60(3): p. 277-306.

29. Martinache, I., Le communautarisme menace-t-il le lien social ? ALTERNATIVES ECONOMIQUES, (291): p. 68-71.

30. Collin, T., Individu et communauté, une crise sans issue ? 2007, Paris: EDIFA-MAME. 187 pages.

31. Ruano-Borbalan, J.-C., L'identité, le groupe, la société. 1998, Paris: EDITIONS SCIENCES HUMAINES. 394 pages.

32. Mandon, D., Le piège identitaire et le découpage du territoire, ECONOMIE ET HUMANISME, 2001 (No 356), p. 64-70

33. Olivier, S., EHPAD en milieu rural : éléments de réflexion. REPERES EN GERIATRIE, 2009. 11(93): p. 239-247.

34. Bonventi, K., Habiter en maison de retraite : maintien de l'identité et vie urbaine. HABITAT ET IDENTITÉ SOCIALE, 2003(12): p. 16-19.

35. Etzioni, A., The spirit of community: rights, responsabilities and the communautarian agenda. CROWN PUB. 1993. 323 pages

Annexe 1

Repères et définitions

Personne handicapée : depuis la loi du 11 février 2005, constitue légalement un handicap, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. En pratique, pour ce qui concerne l'admission potentielle en établissement, la réalité est un peu différente :

· Pour un foyer d'accueil médicalisé destiné aux personnes handicapées vieillissantes, deux conditions sont ajoutées pour se prévaloir du statut de personne handicapée vieillissante : avoir été légalement et officiellement reconnu « handicapé » avant l'âge de 60 ans (soit un taux de 80 % d'invalidité attribué par la Commission des Droits et de l'Autonomie (CDA), soit une invalidité sécurité sociale deuxième catégorie) et être orienté par la CDA vers ce type d'établissement.

· Pour un EHPAD : seule la condition d'invalidité reconnue avant 60 ans est retenue, mais de nombreux Département exigent l'avis de leur médecin conseil ou d'un médecin de l'équipe pluridisciplinaire de la Maison Départementale des Personnes Handicapées pour « déroger » à la condition d'âge. Les CDA sont incompétentes pour statuer sur les demandes d'orientations vers les établissements pour personnes âgées.

Personne handicapée vieilissante (PHV): Il est possible de retenir la définition proposée par la Caisse Nationale e Solidarité pour l'Autonomie, dans son dossier technique d'octobre 2010 sur l'aide à l'adaptation et à la planification de l'offre médico-sociale en faveur des personnes handicapées vieillissantes (11). « Une personne handicapée vieillissante est une personne qui a entamé ou connu sa situation de handicap, quelle qu'en soit la nature ou la cause, avant de connaître par surcroît les effets du vieillissement. Ces effets consistent plus ou moins tardivement en fonction des personnes en l'apparition simultanée :

· d'une baisse des capacités fonctionnelles ;

· d'une augmentation du taux de survenue des maladies liées à l'âge, maladies dégénératives et maladies métaboliques ;

· mais aussi d'une évolution de leurs attentes dans le cadre d'une nouvelle étape de vie.

Cette définition impose une prise en compte du vieillissement en tant que phénomène individuel, influencé par l'histoire et l'environnement de la personne, se traduisant en termes de perte d'autonomie. Un consensus se forme autour de l'âge de 40 ans, à partir duquel la vigilance s'impose. »

Personne âgée : il n'existe pas de définition d'une personne âgée. Une personne de 30 ans peut paraître âgée à un enfant de 10 ans et au cours des siècles, l'âge auquel un adulte devient âgé, a sensiblement évolué. Les études utilisent les tranches d'âges supérieures à 75 ans, et même désormais 80 ou 85 ans. Toutefois ici, on considérera l'âge de 65 ans puisque c'est celui auquel une personne peut prétendre être prise en charge au titre de l'aide sociale dans un établissement pour personnes âgées.

La communauté : est un état de ce qui est commun à plusieurs personnes ; similitudes ; groupe constituant une société ; mise en commun de biens entre époux, les biens de cette communauté. Au sens étymologique : « cum » groupe de personne qui partage quelque chose « munus ». L'utilisation de ce terme sous-entend pour les groupes humains, le partage de valeurs contrairement au terme de minorité qui insiste sur la notion de nombre.

Un groupe humain est une communauté et non une équipe si :

· Les membres ont rejoint le groupe parce qu'ils partagent des points d'intérêts communs (ils peuvent se connaître ou non, et l'adhésion peut-être ouverte ou fermée)

· La durée de la communauté est indéterminée et non visant à porter un projet à terme,

· Les membres en sont considérés comme égaux même si un groupe doit créer la communauté

· Les membres ont une attente de ce groupe et décident comment, quand et en quoi ils contribueront.

On distingue des communautés particulières :

· Communauté sociologique

· Intentionnelle

· De connaissance

· Emmaüs

· Historique

· Linguistique

· Religieuse

· Internationale

· Administrative

· Scientifique

· Virtuelle

· Ecologique

Le concept de communauté s'oppose à plusieurs autres formes d'associations : société, association, clientèle, Etat et le terme communauté possède un sens positif (notion de bien commun).

Communautarisme présente une connotation négative souvent utilisée pour critiquer la communauté, censée représenter un danger pour l'ordre officiel.

Communautarisme : est un terme créé aux Etats-Unis dans les années 1980 pour désigner une philosophie dite « communautariennne » qui affirme que « l'individu n'existe pas indépendamment de ses appartenances, soient-elles culturelles, ethniques, religieuses ou sociales. »35

Le terme est utilisé de façon polémique en France depuis une quinzaine d`années pour qualifier l'attitude ou le mode de vie d'une communauté minoritaire devant lesquels les idéaux républicains, égalitaires et laïcs devraient s'effacer au non d'un droit à la différence revendiqué par ces minorités. Le terme agirait comme « un moteur d'illégitimation » des revendications.

L'universalisme républicain est un des principes corollaires de l'idéologie républicaine française selon lequel la République est une valeur universelle puisqu'elle prône des valeurs universelles, dont les principes de liberté, égalité, fraternité. Elles ont donc vocation à être adoptées par tous les humains et appliquées uniformément.

Toutefois, cette notion d'égalité des citoyens a subit au cours du temps des aménagements :

· Financement d'établissements scolaires privés religieux

· Quotas de travailleurs handicapés dans les entreprises de plus de 20 salariés, et modes de recrutement dans la fonction publique

· Loi sur la parité homme-femme

· Aumôneries financées sur le budget de l'hôpital

Et sans doute faut-il considéré un facteur non pris en compte qui est celui des ressources qui ne permettent pas à tous les citoyens d'accéder égalitairement à tous les dispositifs...

Annexe 2

Grille d'entretien

Certaines personnes s'identifient ou sont identifiés comme membre d'une communauté (religieuse, sociale, culturelle...), avec parfois un ensemble de pratiques ou de codes culturels à respecter. Le présent questionnaire concerne la prise en compte de cette dimension dans l'accompagnement des personnes âgées admises dans un établissement pour personnes âgées dépendantes / (ou en foyer d'accueil médicalisé pour personne handicapées vieillissantes)

On entend ici par communauté un groupe d'affinités et par communautarisme un groupe d'affinités se percevant comme plus ou moins hostile ou ségrégant par rapport aux autres et notamment au groupe que l'on pourrait qualifier de « dominant », « principal » ou « majoritaire ».

Selon vous et d'après votre expérience dans le domaine qui est le vôtre :

1. Pensez-vous que ce soit un sujet qui peut-être facilement et librement abordé, et qui a déjà fait l'objet d'un débat suffisant ?

2. Dans votre domaine, qu'est-ce qui relève ou non de la notion de communauté ou de communautarisme ? Vous sentez-vous concerné par ce sujet ? Y avez-vous été confronté ? Pensez-vous qu'il y ait eu une évolution des demandes des résidents ou de leur famille au cours des dernières années ?

3. Est-ce que les résidents vous semblent plutôt bien exprimer leurs besoins spécifiques liés à leur appartenance à une communauté (sous réserve de capacités suffisantes sur le plan intellectuel ou de l'expression notamment pour les personnes aphasiques) ? Et comment vous situez-vous par rapport aux demandes des familles non exprimées par la personne âgée ?

4. Comment définir idéalement mais aussi concrètement, les missions d'un EHPAD : doit-il préserver cette identité et à quel prix ? Doit-il chercher à réduire l'expression d'un repli communautaire (cultures, croyances) ou communautariste (plus ou moins hostile) déjà installé ? Dans quelle mesure cet aspect intime de la personne relève-t-il du projet d'établissement ?

5. Quels intérêts y-a-t-il pour la personne âgée à préserver les éléments de cette identité ou à favoriser son adaptation à un groupe de résidents multiculturel ?

Dans quelles mesures les deux vous semblent conciliables ?

6. Concrètement, est-il possible pour un EHPAD de préserver l'intégralité des liens communautaires des résidents et de respecter l'ensemble des codes culturels qui y sont liés ? Les EHPAD vous semblent-ils aujourd'hui offrir dans l'ensemble une réponse plutôt bien adaptée aux particularismes religieux, culturels, philosophiques, linguistiques ou de choix de vie des résidents ? Quelle place et quels moyens doivent être consacrés à la « culture de l'autre » et de ses différences ?

7. Qu'est-ce qui peut justifier un projet d'accompagnement spécifique différent de ce qui est proposé aux autres résidents, une adaptation du fonctionnement de l'EHPAD, ou un projet d'établissement totalement ou partiellement dédié à une population particulière ?

Pouvez-vous préciser quels projets particuliers (nourriture, rythmes de vie, rites funéraires avant et après décès etc....)

8. Quels sont les principes qui peuvent guider l'action et quelles solutions vous semblent possibles ou à explorer ?

9. Quels sont les limites que vous envisagez par rapport : aux valeurs actuelles de la société, à la réglementation et aux financements publics ou privés, aux résidents eux-mêmes et notamment par rapport aux autres usagers (majoritaires ou non par rapport au groupe communautaire) ?

10. Quel serait votre mot de conclusion ?

Annexe 3

Requêtes et résultats sur la Banque de Données en Santé Publique (en gras les mots clés lorsqu'ils existent dans le thésaurus de la base)

Mot-clé ou expression*

Occurrences

Pertinents

Tags notables

Communautarisme

14

4

Discrimination, intégration sociale, communauté, culture, philosophie, migrants, sociétés, relations sociales

Migrant

EHPAD

7

2

 

M.R.

13

3

 

P.A.

407

 
 

Femme

EHPAD

6

 

Alzheimer, alcoolisme, incontinence urinaire, statistiques

M.R.

64

2

 

P.A.

1823

 
 

Laïcité

EHPAD

1

1

 

M.R.

2

1 (idem)

 

P.A.

5 (en institutions)

 
 

Religion

EHPAD

3

2

 

M.R.

18

5

 

P.A.

245

Dont 139 en français

 

Fugue, refus de soins, hospitalisation d'office, réglementation antitabac, maltraitance

Confession*

EHPAD

1

 
 

M.R.

1 (idem)

 
 

P.A.

4

 
 

Congrég*

EHPAD

3

2

 

M.R.

3 (idem)

2 (idem)

 

P.A.

4

2 (idem)

 

Islam

EHPAD

 
 
 

M.R.

1

 
 

P.A.

12

3

 

Judaïsme

EHPAD

 
 
 

M.R.

 
 
 

P.A.

17

3

Génocide, survie, traumatisme, victime, psychopathologie, guerre

Casher* Kasher* Cacherout

EHPAD

 
 
 

M.R.

 
 
 

P.A.

 
 
 

Personne handicapée

EHPAD

34

 

Parmi les tags non spécifiques, un seul handicap apparaît, c'est le handicap mental.

M.R.

60

 
 

P.A.

1093

 
 

Homosexualité

EHPAD

 
 
 

M.R.

1

 
 

P.A.

34

3

 

* M.R. : « Maison retraite » ; P.A. : « Personne âgée »

0 10 20 30 400

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

EHPAD

M. de R.

P.A.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Communautarisme
Migrant
Femme
Laïcité
Religion
Confession*
Congrég*
Islam
Judaisme
Casher*
Personne handicapée
Homosexualité

500 1000 1500

Annexe 4 Nombre d'occurrences par requêtes dans la Banque de Données en Santé Publique (juillet 2011)

Annexe 5

ALLEMAGNE
· Un abri pour les homosexuels âgés (article)

Passé un certain âge, les gays et lesbiennes se trouvent de plus en plus marginalisés. Berlin veut casser ce phénomène d'exclusion qui frappe surtout les retraités.

18.02.2011 | Markus Bernhardt | Junge Welt

(c) Dessin d'Emilie Seron, La Libre Belgique, Bruxelles

A l'instar d'autres pays industrialisés, la pyramide des âges a changé en Allemagne au point que la classe des seniors y est désormais la mieux représentée. D'après les chiffres officiels, près de 10 % des Allemands se déclarent gay ou lesbienne, pourtant les offres de service manquent pour ces populations qui vieillissent aussi.

Début 2012, Berlin devrait accueillir le premier projet européen destiné aux gays et lesbiennes âgés. Les travaux actuellement en cours dans une maison de la Niebuhrstrasse,

dans le quartier de Charlottenburg, permettront de leur offrir 24 chambres, simples ou doubles, allant de 33 à 100 m2, ainsi qu'une bibliothèque et un café - le Wilde Oscar [jeu de mots se référant à l'écrivain britannique et au mot allemand wild, «sauvage"] - comme lieu de rencontre au rez-de-chaussée. D'autre part, cinq appartements devraient être loués à de jeunes homosexuels afin de rapprocher différentes générations. Ce projet uniquesuscite un énorme intérêt et plus de 180 personnes sont déjà sur liste d'attente pour y participer. En raison des nombreux problèmes de discrimination liés à leur orientation sexuelle, le débat public a rarement porté sur les soins réservés à ces catégories sociales ces dernières années.

Outre les difficultés légales et la discrimination sociale, qui influent sur la façon dont sont traités les

homosexuels âgés, ces personnes se voient également marginalisées au sein même de leur communauté, l'on préfère nettement la jeunesse, la consommation et la mode. Dans leur étude sur «l'homosexuel moyen»,

les chercheurs Martin Dannecker et Reimut Reiche se sont demandé jusqu'à quel âge «les homosexuels [pouvaient] se dire jeunes». D'après les normes en vigueur dans la communauté, on peut se dire jeune jusqu'à 30 ans. S'ensuit alors une courte période transitoire avant la «vieillesse», un cap franchi en général à 35 ans.

Ce sont surtout les vrais vieux homosexuels, ceux qui sont âgés, qui en font les frais. Les bars et les lieux de rencontre comme les parcs, les cinémas pornos et les aires d'autoroute leur assurent l'anonymat. Alors que les hétérosexuels peuvent trouver des partenaires dans presque toutes les circonstances, il n'en va pas de même pour les homosexuels. En dépit d'une plus grande tolérance de la société, ils ne peuvent considérer leur interlocuteur comme un partenaire potentiel ou partageant les mêmes idées qu'eux. «Les homos ont autant de mal à éviter cette tendance que les hétéros le mariage. Ils peuvent à peine survivre sans un soutien et une protection», explique le sociologue Michael Bochow dans son livre Ich bin doch schwul und will das immer bleiben [Je suis gay et je veux toujours le rester, inédit en français], paru en 2005.

Dès lors, on comprend mieux pourquoi les gays et les lesbiennes âgés voudraient passer leurs soirées avec des gens partageant leurs conceptions. Michael Bochow souligne également la peur que ressentent ces personnes lorsqu'elles doivent être placées dans des institutions où elles craignent souvent d'être rejetées par les autres pensionnaires ou le personnel soignant si elles affichent leurs préférences sexuelles. Elles redoutent de céder à la pression sociale et de devoir renoncer à une identité homosexuelle chèrement acquise. Espérons en tout cas que, dans cette pension berlinoise, le maximum de gays et de lesbiennes parviendront à échapper aux discriminations sociales, sexuelles ou liées à la maladie et vivront sous le même toit, toutes générations confondues. Cette forme de vie en collectivité réduit au moins le risque de passer une soirée dans la solitude, le dénuement et l'exclusion.

 

DROIT L'homosexualité en Allemagne

La persécution des gays et lesbiennes en Allemagne s'est fondée sur le paragraphe 175 du Code pénal, instauré en 1871 en Prusse, qui criminalise les rapports homosexuels. Le régime nazi a durci les peines encourues et les personnes homosexuelles ont été arrêtées et déportées dans des camps de concentration. Le paragraphe 175 est demeuré jusqu'en 1969 en RFA sous sa forme adoptée par l'Allemagne nazie. Après 1945 en RFA, comme dans beaucoup d'autres pays, les gays et lesbiennes ont été exposés à la persécution, l'oppression et la discrimination. Près de 140 000 personnes ont été victimes de ce paragraphe, qui fut supprimé en RDA en 1988 et définitivement abrogé en 1994 sous l'Allemagne réunifiée.

Annexe 6 Charte diffusée auprès des établissements Québécois (Août 2011)

Annexe 7

Charte des droits et libertés de la personne accueillie

Article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles

(Loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 art. 4 I, II, art. 8 Journal Officiel du 3 janvier 2002)

Afin de garantir l'exercice effectif des droits mentionnés à l'article L. 311-3 et notamment de prévenir tout risque de maltraitance, lors de son accueil dans un établissement ou dans un service social ou médico-social, il est remis à la personne ou à son représentant légal un livret d'accueil auquel sont annexés :

a) Une charte des droits et libertés de la personne accueillie, arrêtée par les ministres compétents après consultation de la section sociale du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale mentionné à l'article L. 6121-9 du code de la santé publique ;

b) Le règlement de fonctionnement défini à l'article L. 311-7.

Un contrat de séjour est conclu ou un document individuel de prise en charge est élaboré avec la participation de la personne accueillie ou de son représentant légal. Ce contrat ou document définit les objectifs et la nature de la prise en charge ou de l'accompagnement dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et du projet d'établissement. Il détaille la liste et la nature des prestations offertes ainsi que leur coût prévisionnel.

Le contenu minimal du contrat de séjour ou du document individuel de prise en charge est fixé par voie réglementaire selon les catégories d'établissements et de personnes accueillies.

Article 1er - Principe de non-discrimination

Dans le respect des conditions particulières de prise en charge et d'accompagnement, prévues par la loi, nul ne peut faire l'objet d'une discrimination à raison de son origine, notamment ethnique ou sociale, de son apparence physique, de ses caractéristiques génétiques, de son orientation sexuelle, de son handicap, de son âge, de ses opinions et convictions, notamment politiques ou religieuses, lors d'une prise en charge ou d'un accompagnement, social ou médico-social.

Article 2 - Droit à une prise en charge ou à un accompagnement adapté

La personne doit se voir proposer une prise en charge ou un accompagnement, individualisé et le plus adapté possible à ses besoins, dans la continuité des interventions.

Article 3 - Droit à l'information

La personne bénéficiaire de prestations ou de services a droit à une information claire, compréhensible et adaptée sur la prise en charge et l'accompagnement demandés ou dont elle bénéficie ainsi que sur ses droits et sur l'organisation et le fonctionnement de l'établissement, du service ou de la forme de prise en charge ou d'accompagnement.

La personne doit également être informée sur les associations d'usagers oeuvrant dans le même domaine.

La personne a accès aux informations la concernant dans les conditions prévues par la loi ou la réglementation.

La communication de ces informations ou documents par les personnes habilitées à les communiquer en vertu de la loi s'effectue avec un accompagnement adapté de nature psychologique, médicale, thérapeutique ou socio-éducative.

Article 4 - Principe du libre choix, du consentement éclairé et de la participation de la personne

Dans le respect des dispositions légales, des décisions de justice ou des mesures de protection judiciaire ainsi que des décisions d'orientation :

1. La personne dispose du libre choix entre les prestations adaptées qui lui sont offertes soit dans le cadre d'un service à son domicile, soit dans le cadre de son admission dans un établissement ou service, soit dans le cadre de tout mode d'accompagnement ou de prise en charge ;

2. Le consentement éclairé de la personne doit être recherché en l'informant, par tous les moyens adaptés à sa situation, des conditions et conséquences de la prise en charge et de l'accompagnement et en veillant à sa compréhension.

3. Le droit à la participation directe, ou avec l'aide de son représentant légal, à la conception et à la mise en oeuvre du projet d'accueil et d'accompagnement qui la concerne lui est garanti. Lorsque l'expression par la personne d'un choix ou d'un consentement éclairé n'est pas possible en raison de son jeune âge, ce choix ou ce consentement est exercé par la famille ou le représentant légal auprès de l'établissement, du service ou dans le cadre des autres formes de prise en charge et d'accompagnement. Ce choix ou ce consentement est également effectué par le représentant légal lorsque l'état de la personne ne lui permet pas de l'exercer directement. Pour ce qui concerne les prestations de soins délivrées par les établissements ou services médico-sociaux, la personne bénéficie des conditions d'expression et de représentation qui figurent au code de la santé publique.

La personne peut être accompagnée de la personne de son choix lors des démarches nécessitées par la prise en charge ou l'accompagnement.

Article 5 - Droit à la renonciation

La personne peut à tout moment renoncer par écrit aux prestations dont elle bénéficie ou en demander le changement dans les conditions de capacités, d'écoute et d'expression ainsi que de communication prévues par la présente charte, dans le respect des décisions de justice ou mesures de protection judiciaire, des décisions d'orientation et des procédures de révision existantes en ces domaines.

Article 6 - Droit au respect des liens familiaux

La prise en charge ou l'accompagnement doit favoriser le maintien des liens familiaux et tendre à éviter la séparation des familles ou des fratries prises en charge, dans le respect des souhaits de la personne, de la nature de la prestation dont elle bénéficie et des décisions de justice. En particulier, les établissements et les services assurant l'accueil et la prise en charge ou l'accompagnement des mineurs, des jeunes majeurs ou des personnes et familles en difficultés ou en situation de détresse prennent, en relation avec les autorités publiques compétentes et les autres intervenants, toute mesure utile à cette fin.

Dans le respect du projet d'accueil et d'accompagnement individualisé et du souhait de la personne, la participation de la famille aux activités de la vie quotidienne est favorisée.

Article 7 - Droit à la protection

Il est garanti à la personne comme à ses représentants légaux et à sa famille, par l'ensemble des personnels ou personnes réalisant une prise en charge ou un accompagnement, le respect de la confidentialité des informations la concernant dans le cadre des lois existantes.

Il lui est également garanti le droit à la protection, le droit à la sécurité, y compris sanitaire et alimentaire, le droit à la santé et aux soins, le droit à un suivi médical adapté.

Article 8 - Droit à l'autonomie

Dans les limites définies dans le cadre de la réalisation de sa prise en charge ou de son accompagnement et sous réserve des décisions de justice, des obligations contractuelles ou liées à la prestation dont elle bénéficie et des mesures de tutelle ou de curatelle renforcée, il est garanti à la personne la possibilité de circuler librement. A cet égard, les relations avec la société, les visites dans l'institution, à l'extérieur de celle-ci, sont favorisées. Dans les mêmes limites et sous les mêmes réserves, la personne résidente peut, pendant la durée de son séjour, conserver des biens, effets et objets personnels et, lorsqu'elle est majeure, disposer de son patrimoine et de ses revenus.

Article 9 - Principe de prévention et de soutien

Les conséquences affectives et sociales qui peuvent résulter de la prise en charge ou de l'accompagnement doivent être prises en considération. Il doit en être tenu compte dans les objectifs individuels de prise en charge et d'accompagnement.

Le rôle des familles, des représentants légaux ou des proches qui entourent de leurs soins la personne accueillie doit être facilité avec son accord par l'institution, dans le respect du projet d'accueil et d'accompagnement individualisé et des décisions de justice.

Les moments de fin de vie doivent faire l'objet de soins, d'assistance et de soutien adaptés dans le respect des pratiques religieuses ou confessionnelles et convictions tant de la personne que de ses proches ou représentants.

Article 10 - Droit à l'exercice des droits civiques attribués à la personne accueillie

L'exercice effectif de la totalité des droits civiques attribués aux personnes accueillies et des libertés individuelles est facilité par l'institution, qui prend à cet effet toutes mesures utiles dans le respect, si nécessaire, des décisions de justice.

Article 11 - Droit à la pratique religieuse

Les conditions de la pratique religieuse, y compris la visite de représentants des différentes confessions, doivent être facilitées, sans que celles-ci puissent faire obstacle aux missions des établissements ou services. Les personnels et les bénéficiaires s'obligent à un respect mutuel des croyances, convictions et opinions. Ce droit à la pratique religieuse s'exerce dans le respect de la liberté d'autrui et sous réserve que son exercice ne trouble pas le fonctionnement normal des établissements et services.

Article 12 - Respect de la dignité de la personne et de son intimité

Le respect de la dignité et de l'intégrité de la personne est garanti. Hors la nécessité exclusive et objective de la réalisation de la prise en charge ou de l'accompagnement, le droit à l'intimité doit être préservé.

Annexe 8

Résumé

Le respect du sentiment d'appartenance communautaire est un fil rouge entre le domicile et l'EHPAD, parfois essentiel pour la survie d'une personne âgée qui a perdu une partie de ses facultés d'adaptation. Il s'agit d'un sujet tabou en France qui entraine des réponses extrêmes : entre le radicalisme d'un universalisme républicain et les revendications communautaristes. L'EHPAD a un caractère universaliste (condition d'âge uniquement), toutefois, un EHPAD ne peut anticiper l'ensemble des identités communautaires. Celles-ci ne présageant pas de ce qu'en connait ou respecte la personne, l'élaboration des projets de vie doit être individualisé, construit en situation, dans une démarche empathique reposant sur le bon sens.

L'utilisation de chartes peut-être un moyen d'anticiper l'accueil de certains publics réticents sans avoir le caractère intrusif d'une check-list : chacun aspirant à se sentir connu et reconnu dans tous les aspects de sa vie sans nécessairement voir sa personnalité réduite à cet aspect.

Les financements publics ne devraient concerner que les établissements dont le projet respecte les valeurs républicaines de liberté, d'égalité et de fraternité, tout en maintenant la richesse et la diversité des liens sociaux ainsi que l'intégration dans la cité. Si la structure est réservée à un public spécifique, les financements publics ne devraient intervenir que pour ceux qui répondent à un désavantage social avéré sur des éléments objectifs et objectivables, ou à une contrainte technique entrainant notamment un surcoût qui revient à la charge de la Société.

Mots clés

Personnes âgées, Etablissements d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes, EHPAD, maison de retraite, communauté, communautaire, communautarisme, identité sociale, laïcité, immigration, femmes, personnes handicapées, religion, judaïsme, islam, minorités, congrégations, confessionnel, homosexuel ,






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus