2- Inscrire le cirque dans le temps
Un art garde sa légitimité dans le temps, c'est
pourquoi il est nécessaire, au cirque actuel qui est un art composite et
récent de s'inscrire, de laisser traces et d'élaborer un
répertoire, bien que son vocabulaire, sa recherche et ses critiques sont
encore en développement. Des écoles de cirque fleurissent dans
toute la France et une formation professionnelle, l'école de Rosny sous
Bois propose une formation de trois ans délivrant le brevet artistique
des techniques du cirque (BATC), diplôme d'Etat. Ces formations
enseignent les techniques artistiques les plus diverses (danse,
théâtre, sécurité et manutention du
matériel...) afin de préparer au mieux ces artistes à leur
future vie professionnelle ô combien hétéroclite.
a- Quelles évolutions possible pour une
création?
Un spectacle de cirque peut être modifié par ses
auteurs/artistes, ainsi il peut évoluer d'une représentation
à l'autre du moins, c'est qu'en pense la metteur scène de la
Bivouac Compagnie, les élèves de l'école de cirque sont du
même avis : un artiste de cirque doit s'adapter en fonction du lieu de
représentation et des avis des différents artistes
créateurs du spectacle qui peuvent évoluer au fil de la diffusion
de spectacle. Des changements d'artistes peuvent avoir lieu suite à un
imprévu (accidents, mauvaise complémentarité...), il est
donc nécessaire de s'adapter en fonction des capacités et
techniques de chacun des membres de la compagnie. Il faut en effet une
alchimie, une volonté mutuelle entre chacun des individus pour
créer, c'est un travail de groupe c'est pourquoi il est
nécessaire pour chacun d'entre eux de travailler dans un environnement
favorable.
Les élèves de l'école du cirque ont du,
suite au cycle de recherche, continuer et développer leur
création afin de le montrer à un public lors du spectacle
Morceaux choisis #2 (annexe
2). Ils ont pu approfondir leur recherche et se
préparer concrètement à la présentation finale de
leur création au public correspondant à la quatrième phase
du processus de création exposé au début de ce document.
Ils ont pu réadapter certains points car n'étant plus dans une
démarche d'exercice, comme l'a été la première
présentation du cycle de recherche, ils devaient vraiment finaliser en
une semaine leur numéro, la situation était donc similaire
à celle de leur future vie professionnelle.
b- L'oeuvre de cirque peut-elle être
réinterprétée ?
Un auteur, un metteur en scène voir une compagnie sont
les personnes qui composent et écrivent un spectacle, selon leur
état d'âme, leur sensibilité, leur environnement et leur
technique. Mais une oeuvre peut-elle être
réinterprétée dix ans plus tard par d'autres artistes ?
Jean Michel Guy nous montre qu'une interprétation d'une oeuvre
déjà existante nécessite forcément une part de
création de la part des artistes. Une oeuvre de cirque peut exister
même en l'absence ou après la disparition de son auteur. Ce qui
compte en elle c'est la « pensée sensible » dont elle est
vecteur et non le corps qui la créée ou qui la véhicule.
Il est vrai qu'il est rare qu'un artiste reprenne un numéro
déjà existant sans y apporter de modifications, il l'utilise le
plus souvent pour chercher de nouvelles matières et le compléter.
Notons aussi que pour qu'une oeuvre puisse vivre, il faut une trace, un
répertoire, qui, comme l'ayant précédemment abordé,
n'est pas encore rependu dans le milieu du cirque actuel.
3- Où en est la théorie ?
Relier la théorie et la pratique n'est pas chose
facile. Il n'a pas été évident de joindre ce qui a
été dit par les artistes durant les entretiens avec les phases du
processus de création. Il a été néanmoins compris
que le processus de création, bien qu'étant complexe, est propre
à chaque individu. Des moments de doute et d'incertitude sont toujours
présents comme l'ayant observé dans la théorie et durant
les entretiens. Le jeu est lui aussi toujours présent et indispensable
à la création, nous dirons donc que créer ce n'est pas que
jouer mais cela est fortement présent et permet d'enrichir cette aire
culturelle propre à chacun d'entre nous et qui, selon Winnicott, est
essentielle à la vie. De plus, l'artiste créé beaucoup
à partir de sa mémoire.
Anzieu parle de saisissement créateur qui est
une notion tout à fait compréhensible mais difficile à
mettre en lien avec les artistes interrogés qui, créant en
collaboration n'ont pas pu avoir tous ensemble ce même saisissement ou
probablement est il apparu lors des exercices d'improvisation comme une
lumière d'inspiration. Ce qu'il en est de la composition proprement
dite pourrait correspondre aux étapes de résidences pour la
Bivouac compagnie et de mise en forme des mouvements trouvés lors des
différents exercices d'improvisation. Ce ne sont bien sur que quelque
pistes qui seraient utiles à approfondir mais dont le manque de
connaissance en psychanalyse ne permet pas d'analyser en profondeur la
situation.
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