II.6.2. Concept de causalité
Si pour les maladies infectieuses, une cause unique est
l'agent infectieux, il n'est pas la même chose pour les maladies
cardio-vasculaires qui sont multifactorielles. Il est difficile donc de parler
d'une association causale dans les maladies cardio-vasculaires. La notion de
facteur de risque (FR) a remplacé le concept de causalité. La
causalité d'un facteur de risque se réfère à
l'association entre l'individu et la maladie dans une population. Les essais
cliniques peuvent expérimenter cela. Pour déterminer si une
association est causale. Sr Bradford Hill(6) a proposé les
critères suivants :
o La temporalité: la relation temporelle exige
que l'exposition aux facteurs de risque précède la survenue de la
maladie.
o L'effet-dose dépendant signifie que le risque
augmente avec l'augmentation de l'exposition ou de la dose par un gradient
biologique.
o La plausibilité biologique se
réfère au degré de connaissance scientifique actuelle.
o La force et la consistance de l'association
sont éprouvées par la signification statistique retrouvable dans
d'autres circonstances.
o La spécificité et
l'indépendance de l'association montrent qu'un facteur de
risque est plus spécifique pour une maladie donnée et plus
indépendante vis-à-vis d'autres facteurs plus vraisemblables de
l'association causale.
o La cohérence met en évidence la
congruence des études observationnelles (descriptives) et
expérimentales en vue d'une inférence causale.
o L'effet d'une intervention empêche la survenue
de la maladie ou atténue la gravité de la maladie.
o L'analogie permet de confirmer les données
obtenues ailleurs.
II.6.3. Facteurs de risque cardio-vasculaire
Des études épidémiologiques menées
dans les pays développés (17,29) et en Afrique (36, 46, 34) ont
identifié des éléments de comportements de la vie courante
déclenchant, entretenant ou aggravant le risque cardio-vasculaire d'un
sujet ou d'une communauté. Certains facteurs de risque cardio-vasculaire
sont dits classiques (traditionnels ou majeurs) et d'autres reconnus nouveaux
ou mineurs.
Trois facteurs de risque dominent
l'hypercholestérolémie, l'hypertension artérielle et le
tabac (9,45). A côté de ces trois facteurs, il ne faut pas
négliger d'autres facteurs de risque indiscutables que sont: le
diabète sucré, l'obésité abdominale(38), les
facteurs nutritionnels, l'inactivité physique, le stress, les facteurs
de thrombose et de coagulation et certaines anomalies de
l'électrocardiogramme (hypertrophie du ventricule gauche (H.V.G),
trouble de conduction intra ventriculaire et des anomalies
de la repolarisation). Il ne faut pas oublier non plus le sexe
(l'homme et la femme après ménopause) et l'âge qui sont des
facteurs non modifiables.
a. Cholestérol sanguin et dyslipidémie
Des nombreuses études ont montré le rôle
indiscutable du cholestérol plasmatique et des ses fractions dans les
maladies cardio-vasculaires par athérosclérose (50,55).
Le rôle péjoratif de ses différentes
fractions s'exprime selon qu'on a une augmentation du LDL-cholestérol,
une diminution de HDL-cholestérol et un rapport cholestérol
total/HDL-cholestérol > 4,5 (51,53). Le risque lié aux
triglycérides reste discutable (19) sauf dans certains groupes de
population: diabétique et féminine avant la ménopause et
dans certaines conditions telles que l'association à un taux bas de
cholestérol et une anomalie de coagulation.
Le taux bas de HDL-cholestérol constitue en soi un
facteur de risque indépendant de maladie coronaire(51). Certaines
études ont montré cependant un gradient direct entre le taux de
cholestérol et la classe sociale(51). Les valeurs idéales
recommandées sont triglycérides < 200 mg/dl;
cholestérol total < 200 mg/dl; HDL-cholestérol > 35 mg/dl;
cholestérol-LDL < 150 mg/dl (10).
b. Le diabète sucré
La fréquence des maladies cardio-vasculaires
paraît en plus nette augmentation depuis des siècles chez les
diabétiques que dans la population générale. On sait
cependant que c'est par le biais d'hyperinsulinisme et de
l'insulinorésistance qu'apparaissent les maladies cardio-vasculaires
(coronaropathie, HTA, cardiopathie diabétique) (10).
Chez les coronariens africains, le diabète est souvent
associé à d'autres facteurs de risque athérogène
tels que l'hypertension artérielle,
l'hypercholestérolémie, le tabagisme, l'hyperglycémie et
la sédentarité (38, 19 et 33).
c. Tabagisme
Qu'il soit actif ou passif, le tabagisme à la
cigarette, intervient comme facteur de risque majeur et indépendant des
artériopathies de membres et des maladies cardiovasculaires(44,48).
Des études épidémiologiques ont
montré une forte relation entre le tabac et les accidents myocardiques
aigus (infarctus, mort subite) (53,47), l'existence d'une réduction
efficace des récidives d'accidents coronaires en cas d'arrêt de
tabac (pratiquement de moitié) (48) et son gradient social important aux
dépens des ouvriers (52,15).
En Afrique noire, dans une étude faite en
Algérie, le tabagisme à la cigarette apparaît comme le
premier facteur de risque (70%) de l'infarctus du myocarde avec une
consommation de plus de 20 cigarettes/jour exclusivement par les hommes
(18).
d. L'hypertension artérielle
Considérée comme facteur de risque majeur (15),
elle occupe la première place parmi les autres facteurs de risque
cardio-vasculaire en Afrique (10,3) et est citée comme étiologie
principale de la déviation axiale gauche au Congo oü sa
fréquence augmenterait avec l'âge, sans différence de sexe
(25).
Des études ont démontré que le type de
l'atteinte vasculaire était corrélé au degré de
l'hypertension artérielle: les types d'hypertension artérielle
légère et modérée prédisposent aux accidents
ischémiques (coronaires et AVC) tandis que la forme sévère
aux accidents hémorragiques (43,16 ,2).
e. Obésité
L'augmentation de la masse grasse (obésité et
surcharge pondérale oü l'index de masse corporelle 25
kg/m2) constitue un problème de santé publique aux
États-Unis et en Europe (14,52).Des études ont montré
cependant que la répartition de tissu graisseux fournissait un meilleur
reflet de risque de complications que le poids corporel (38).
Ainsi l'obésité centrale (androïde ou
abdominale) donnait une valeur prédictive importante du risque
d'infarctus du myocarde, d'affection coronarienne et de mort subite (28, 53,24)
chez l'homme et indépendamment du poids corporel. Cette association
agirait par le biais de l'hyperinsulinisme et de l'insulinorésistance.
Tandis que pour l'obésité de type périphérique ou
gynoïde, le risque est celui de l'intolérance au glucose, du
diabète sucré, de goutte et d'athérosclérose
(11).
f. Alcoolisme
Plusieurs études rétrospectives et prospectives
dans le monde, ont fait état du rôle protecteur de l'alcoolisme
modéré (1 à 3 verres de vin) dans les maladies
cardiovasculaires ainsi que dans les autres maladies comme le cancer
(23,22).
En Afrique, Kacou et Monken supposent que les coronariens
consomment plus d'alcool que les groupes témoins (50).
g. Inactivité physique
Il parait difficile de lui attribuer un rôle
indépendant dans les maladies cardiovasculaires sans tenir compte des
autres facteurs de risque qui lui sont souvent associés.
Des études épidémiologiques montrent la
place de l'activité physique dans l'effet préventif
vis-à-vis de la survenue des accidents coronariens en Afrique (50,44) et
dans le monde (44). Il s'avère que les coronariens africains marchent
moins (50).
h. Ethnicité
Dans certains regroupements humains, de structures
familiales, économiques et sociales homogènes, de langues et de
cultures communes, existent des facteurs de risque diabétique et
cardio-vasculaire prédominants (50).
Ainsi dans l'HTA du noir africain, on note quelques
particularités: elle se complique plus de cardiopathies, de
rétinopathies, de néphropathies et d'AVC; et se retrouve chez les
sujets en âge d'activité et l'insuffisance coronarienne est
exceptionnelle, à l'inverse de ce qui est décrit en Occident
(37).
i. Facteurs nutritionnels
· . Consommation excessive de graisse
Des études épidémiologiques ont
démontré une relation nette et positive entre la mortalité
par cardiopathie ischémique et le pourcentage moyen d'énergie
apportée par les lipides saturés et une relation négative
par les lipides polyinsaturés de l'alimentation (28,48).Le rapport acide
gras monoinsaturé/acide gras saturé constitue les meilleurs
prédicteurs de la rentabilité des maladies ischémiques
(47).
Dans une étude africaine, les coronariens consommaient
peu ou pas des lipides d'origine animale (saturés) mais plus des lipides
d'origine végétale (insaturés: monoinsaturé (huile
d'arachide) et polyinsaturé (huile de soja, olive) (50).
· . Consommation excessive de sel
Certaines populations primitives ne présentent pas de
risque d'hypertension artérielle à cause de leur faible
consommation en Na+ (8).
Par contre d'autres études africaines démontrent
la grande différence de pression artérielle liée à
des différences de consommation de sel(47).
Les résultats de l'étude multicentrique Intersalt
ont renforcé le rôle on ne peut plus important du Na+
dans la genèse de l'hypertension artérielle (52).
· . Niveau socio-économique
Il apparaît que les sujets aisés sont plus
souvent atteints par les maladies cardiovasculaires et le diabète que
les sujets de niveau modeste en pays en voie de développement, ce qui
est inversé dans les pays développés (40). En Afrique
noire, c'est la classe moyenne qui est la plus touchée.
· · Age et sexe
L'âge a été retenu comme facteur de risque
non modifiable dans les maladies cardiovasculaires, le diabète, et
particulièrement dans l'HTA (15).
Des études contradictoires suggèrent que la
pression artérielle (P.A) ainsi que la prévalence de l'HTA
accroissent avec l'âge dans les sociétés
industrialisées (3). Mais d'autres par contre ne montrent que peu ou pas
de variation avec l'âge (41).
Les populations primitives africaines et celles de la
société rurale sont caractérisées par un mode de
vie traditionnel sans acculturation où la pression artérielle
augmente peu ou pas avec l'âge et qu'il n'existe peu ou pas
d'hypertension artérielle (17,37).Des études antérieures
réalisées en Afrique de l'Est, du Sud, de l'Ouest et du centre
notent l'augmentation de la P.A et de l'HTA avec l'âge (40,8).
Dans les pays développés, le risque de
décès par AVC et maladies coronaires est multiplié par
trois à quatre fois dans chaque décade de sujets
âgés de 45-74 ans (14). Le sexe masculin au-delà de 55 ans
et le sexe féminin au-delà de 65 ans ont aussi été
cités comme facteur de risque cardio-vasculaire. Mais
l'obésité est beaucoup plus prévalent chez la femme dans
plusieurs études (13, 36).
· · Migration
La migration un des phénomènes courants de la
société en voie de développement a été
incriminé indirectement dans la genèse des maladies
cardio-vasculaires comme facteur de risque environnemental (40). En effet, la
population rurale qui rue vers le milieu urbain, se voit obliger de changer son
comportement et ses habitudes alimentaires par le biais du tabagisme,
alcoolisme, sédentarité, alimentation riche en graisse animale et
sel qui sont des facteurs directs dans la genèse des maladies
cardiovasculaires et du diabète sucré.
· · Association des facteurs de risque
Des études prospectives et rétrospectives ont
souligné le caractère multifactoriel du diabète et des
maladies cardio-vasculaires et la dépendance d'un certain nombre de
paramètres biocliniques dans leur apparition.
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