I.8.2. Le choc pétrolier de
1979
Le niveau des prix qui avait été atteint vers la
fin de 1974 à la suite des augmentations des prix du pétrole brut
à partir de 1973, était resté presque stable jusqu'en
1978. Au cours du troisième trimestre de 1978, la Révolution
islamique en Iran a provoqué une baisse de production du pétrole
dans ce pays. Cette diminution des approvisionnements Iraniens a permis
à l'OPEP de préconiser des hausses de prix du pétrole brut
et aux pays consommateurs de prendre des précautions pour réduire
la consommation pétrolière. Le 26 et 27 Mars 1979 à
Genève, l'OPEP décide un relèvement de 9% du prix du
pétrole brut. L'OPEP laisse à chaque membre une liberté
relative de fixer son prix à partir de celui du brut de
référence et ceci entraîne de conséquences
très importantes sur le marché international du pétrole
qui devient pratiquement incontrôlable. C'est ainsi que le prix d'un
baril de pétrole est passé de 12,9dollars en 1978 à
18,6dollars en 1979, et à 30,5dollars en 1980 pour atteindre 34,3dollars
en 1981. Face à ces hausses continuelles de prix, les pays producteurs
du pétrole non membres de l'OPEP et les pays consommateurs n'ont pas
manqué de réagir. Beaucoup de recherches ont été
entreprises et de nouvelles zones productrices telles que la mer du Nord (pour
la Grande Bretagne et la Norvège) le Mexique, l'Oman, l'Angola, la
Côte d'Ivoire, ... ont étés découvertes.
Depuis 1981, les pays non membres de l'OPEP produisent plus
que l'OPEP. Les pays importateurs ont pris des mesures pour diminuer leurs
importations de pétrole notamment en développant les autres
sources d'énergie.
Avec l'augmentation continuelle de la production des pays
n'appartenant pas à l'OPEP et le remplacement du pétrole par
d'autres sources d'énergie, le prix moyen baisse pour se situer à
moins de 34 dollars le baril à la fin de 1981. Les réductions
effectives des prix par certains pays jointes à un marché mondial
du brut engorgé à cause d'une diminution substantielle de la
consommation de pétrole et d'une tendance des compagnies
pétrolières à réduire leurs stocks abondants,
provoquent des réactions dans les pays de l'OPEP qui veulent
préserver leur puissance. Afin de conserver la maîtrise des prix
mondiaux du brut, les onze pays membres de l'OPEP ont décidé, en
Mars 1982, de plafonner leur production. Mais ces pays n'ont pas pu s'entendre
sur les quotas de production par pays car des problèmes
économiques ou politiques de certains membres du cartel les ont
contraints à violer cet accord. Le Nigéria, le Venezuela, la
Lybie qui, se trouvant dans des difficultés financières, n'ont
pas respecté leurs quotas de production.
L'Iran, en désaccord politique avec l'Arabie Saoudite
et en guerre avec l'Irak, a augmenté sa production au-delà de ses
quotas . L'Arabie Saoudite, le Koweït, le Qatar et les Emirats Arabes Unis
ont été les seuls membres de l'OPEP à rester fermes sur
les sacrifices de réduire la production et de stabiliser les prix.
Le 18 Février 1983, le Royaume-Uni annonce une
diminution sensible de prix du pétrole extrait dans la mer du Nord. Le
lendemain, le Nigéria baisse le prix de son brut jusqu'à
30dollars le baril. Après de longues négociations entre les pays
membres de l'OPEP sur la baisse de ces tarifs, un accord faisant passer le prix
du baril de référence de 34 à 29dollars est signé
le14 Mars 1983 à Londres. Pour la première fois depuis 1960,
l'OPEP accepte de réduire officiellement le tarif du brut : il
n'est plus maître absolu du marché mondial du pétrole.
Les causes de ce renversement sont :
« L'affaiblissement de l'OPEP du fait du déplacement de la
production vers de nouvelles zones ; la piètre croissance
économique caractérisant les principaux pays consommateurs
d'énergie, les substitutions opérées au dépens du
pétrole et la rationalisation de son usage » (ANGELIER, J.P.,
1983).
· Quelle est l'attitude des pays importateurs
face à cette baisse des prix du pétrole ?
Les pays importateurs du pétrole essaient de maintenir
leur politique de réduction de la consommation et d'investissement dans
la recherche d'autres sources d'énergie. Ils craignent que la chute
brutale des prix du pétrole, séduisante à court terme pour
les acheteurs, ne découragent les efforts entrepris depuis 1974 de
développer les énergies nouvelles et les exploitations de
gisements pétroliers sous les mers. Si les pays importateurs renoncent
à ces recherches, ça serait peut être la meilleure
façon de préparer un retour en face de l'OPEP sur le
marché mondial car l'OPEP possède toujours l'essentiel des
réserves mondiales de pétrole et dont le coût de production
d'un baril est très bas.
· Son impact macro-économique
Depuis 5 ans, l'impact macro-économique restrictif du
choc pétrolier actuel est probablement faible à l'échelle
mondiale parce que ce choc reflète avant tout une demande mondiale forte
en provenance des pays émergents. Par ailleurs, les pays occidentaux
sont moins vulnérables que dans les années 70,
notamment en raison de la moindre intensité énergétique de
la croissance économique (développement du tertiaire, programmes
d'économie d'énergie,...) et, plus encore, la moindre
intensité pétrolière (développement de la
production nationale d'énergie, diversification des sources,...). C'est
plus exclusivement le cas des pays occidentaux (développement du
tertiaire, programmes d'économie d'énergie, développement
de la production nationale d'énergie,...) que des pays émergents
importateurs nets d'énergie, où elle a au contraire
légèrement progressé.
Le poids des pays exportateurs nets de pétrole dans le
PIB mondial (en parité de pouvoir d'achat) est plus élevé
aujourd'hui (17 %) qu'il y a 10 ans (13 %). Une partie des recettes
pétrolières est aussi réinjectée dans le circuit
économique réel mondial via un surplus d'exportations pour les
pays importateurs nets de pétrole. Ensuite, ce choc, contrairement aux
précédents, n'a pas eu de réelles conséquences
inflationnistes dans les pays occidentaux.
Le choc pétrolier augmente le niveau de
l'épargne mondiale dans la mesure où les pays
exportateurs de pétrole ont une propension structurelle à
épargner. De ce fait, le taux d'intérêt réel mondial
s'ajuste à la baisse.
L'absence d'inflation, sachant que le
marché obligataire regarde plus l'inflation sous-jacente que l'inflation
visible, la dynamique des flux et le changement des anticipations de politique
monétaire aux États-Unis (sachant que la Fed est la seule banque
centrale occidentale ayant prise sur les marchés obligataires mondiaux)
permettent aux taux longs nominaux de rester à un très bas
niveau.
Le recyclage des « pétrodollars » par les
pays exportateurs de pétrole alimente l'expansion des liquidités
mondiales (et les marchés d'actifs). On se souvient que ce sont pour
partie des fonds « d'origine pétrolière » qui ont
permis à certaines banques occidentales (Merrill Lynch, Citigroup etc.)
de se recapitaliser durant la crise financière. Ce choc est relativement
graduel dans le temps par rapport aux chocs pétroliers des années
70 (multiplication par 4 du prix du baril en quelques mois en 1973-74 et par
2,5 en1979-80), même si la hausse récente (depuis le début
2007) est particulièrement marquée.
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