DEDICACE
A mes parents ;
Vianney KAMBALE BUNDUKI et Maman IDA ; Thierry KASEREKA
BUNDUKI et Maman SIFA ; Maman Helene KAHAMBU MALIMINGI; KAMBALE MACHOZI et
KAHINDO ELIZA;
A mes chers amis ;
Wivine KAVIRA MWASIMUKE;
Karim KAPITENE;
Anifa KAHINDO SIFA;
Aimée KAHINDO;
A toute la famille BUNDUKI.
REMERCIEMENTS
Des qualités de fortune et l'esprit, d'intelligence
et de savoir font de nous un personnage. Chaque seconde, nous traversons et
surmontons les épreuves d'un nonchalant et partout, du pôle Nord
au pôle Sud, de l'Est à l'Ouest, on tremble sur notre passage.
Cette frayeur nous amuse car, en réalité, nous n'inspectons
rien.
Au travers de ce travail qui met un terme à notre
cycle de Licence en Faculté de Droit, Option Droit public, il nous tient
en coeur d'adresser nos sincères remerciements et de présenter
nos hommages à tous ceux qui, de près ou de loin, ont fait de
nous ce que nous sommes par leurs soutiens. Leur amour nous a encouragés
et leur sagesse a nourri notre esprit.
Par-dessus tout, notre profonde reconnaissance s'adresse
à Dieu le Tout Puissant et Miséricordieux, de qui nous obtenons
grâce, vie et force sans ménager aucun effort. Notre
reconnaissance à tout le personnel de l'Université Catholique du
Graben, particulièrement à celui de la Faculté de Droit
qui, de par leurs multiples occupations, ont décidé de nous
accompagner jusqu'au bout de nos études.
Hommage et remerciement particulier au Professeur
Télesphore MUHINDO MALONGA et au chef de travaux Pigeon KAMBALE MAHUKA
qui, en dépit de leur charge horaire, ont fait preuve de leurs
disponibilités et dévouements dans la direction du présent
travail.
Que nos parents, oncles, tentes, frères et soeurs,
neveux et nièces, cousins et cousines : FISTON MUSAFIRI, BONNE ANNEE
NDUNGO ; MARIE BUNDUKI, DORO BUNDUKI, TARSILA BUNDUKI, GABRIEL BUNDUKI, JUNIOR
PALUKU, ELVIS, FREDDY, THIERRY, VIVIE, JONATHAN, ALPHA, JULIEN, BERNARD,
BERNADETTE, MATHIEU, CELINE, GUIDE, DEROZE, SAFI, LUCIE, MERVEILLE, LILI,
MUYISA, INES, FISTON MUSUMBA, FERDINAND, SERGE KAWAYA, HANGI JACKSON, BORA
MUHESI et BLAISE KAMABU trouvent au travers de ces lignes notre profonde
considération pour tous les bienfaits et sacrifices qu'ils ne cessent de
consentir pour nous.
Nos gratitudes plus particulières à mon bon
frère PACIFIQUE et à ma soeur SOLANGE BUNDUKI, à Chantal
KANYERE VAYANA, à qui nous souhaitons vie, longévité,
prospérité et joie.
Nos amis, camarades et connaissances sont parfois
marqués par notre émergence et ne veulent jamais nous voir
échouer dans notre entreprise. Ils nous réconfortent en cas de
détresse, ils nous soutiennent et nous
adressent des compensions en cas de malheurs, ils
n'hésitent à nous apportédes doux sourires et joie en cas
de victoire. Leur collaboration et leur amicale
compagnie nous bercent le coeur. Pensons ici à Me
RICHARD NDEKENINGE, NORBERT NGWINDI, DENISE NDALIKO, MARINOS KASUMA, AIMEE
KOMBI, GERMAINE LUTHONGO, MUNZOMBO NGOLO, MATHE KIZITO, GHISLAIN MANDIKI et
tous les autres que nous portons en coeur.
A la maison « la VICTOIRE » et à l'
»Initiative nouvelle intelligence » nous disons aussi merci. Que la
paix, la justice, le respect de la souveraineté des Etats et des droits
humains soient notre préoccupation de tout le temps.
Pour la Paix
James MUHINDO BUNDUKI
SIGLES ET ABREVIATIONS
A.G : Assemblée Générale des Nations
Unies
AIEA : Agence International de l'Energie Atomique
Art. : A rticle
C.S CICR CIJ
CNT D.U.D.H DIH
Ed
HCR OI
OMS ONG ONU
: Conseil de Sécurité
: Commité International de la Croix-Rouge
: Cour Internationale de Justice
: Conseil National de Transition
: Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme
: Droit International Humanitaire
: Edition
: Haut Commissariat des Nations-Unies pour les
Réfugiés : Organisation Internationale
: Organisation Mondiale de la Santé
: Organisation Non Gouvernementale
: Organisation de Nations-Unies
OTAN : Organisation de Traité de l'Atlanitique
Nord
OUA : Organisation de l'Unité Africaine
PAM : Programme Alimentaire Mondial
Réc : Récueil
SDN : Société des Nations
TPIY : Tribunal Pénal International pour
l'ex-Yougoslavie
U.A : Union Africaine
O. INTRODUCTION
0 .1 ETAT DE LA QUESTION
L'intervention humanitaire armée a toujours
suscité une question controversée en droit international.
Comprise comme l'action d'un Etat ou d'un groupe d'Etats cherchant à
mettre un terme à des violences graves des droits de la personne ou
à les prévenir et usant, pour ce faire, de mesures coercitives
sans obtenir au préalable la permission de l'Etat sur le territoire
duquel ces mesures sont employées1, l'intervention
humanitaire a généralement été
considérée comme contrevenant aux normes internationales.
Tout au long de la « Guerre froide », la
majorité des observateurs, chercheurs et analyses, comme la plupart des
Etats d'ailleurs, semblèrent ainsi s'accorder pour en condamner la
pratique, méme si une minorité associait toujours l'intervention
humanitaire à une doctrine qui aurait joui d'un certain statut au XIXe
siècle, avant que les rédacteurs de la charte des Nations Unies
n'en écartent explicitement la possibilité2.
Couramment considérée comme principe
impératif du droit international qui serait accepté et reconnu en
tant que tel par les Etats et n'autoriserait donc guère d'exceptions,
l'article 2§4 de la charte a restreint en effet les prérogatives
des Etats en matière d'emploi unilatéral de la force. Aux termes
de cet article, « les membres de l'organisation s'abstiennent, dans
leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à
l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies ». Seules
deux circonstances générales furent prévues et encadrent
depuis la légitimité et les modalités d'un emploi licite
de la force d'un côté, l'autorisation d'entreprendre une action
jugée nécessaire pour le « maintien » ou le
« rétablissement » de la paix et de la
sécurité internationales, dont le
1 J.M.SOREL, «Le devoir d'ingérence:
longue histoire et ambigüité constante», Rel. Int. et
strat., 1991,pp. 95
2 Cfr. Richard B.LILLICH, « Humanitarian
intervention : a replyto I am Browulie and plea for constructive alternatives
», in Norton MOORE (dir), Law and civil war in the Moderu world, Johm
Hopkins university press, Baltimore, 1974, p.229
Conseil de sécurité peut se prévaloir en
vertu des articles 24, 39 et 42 et, de l'autre côté, « le
droit naturel de légitime défense [...] en cas d'agression
armée », auquel l'article 51 autorise les Etats dans l'attente
d'une saisine du dossier par le Conseil de sécurité3.
Bien que certaines propositions visant notamment l'insertion d'une clause
additionnelle relative aux cas de « violation manifeste des
libertés essentielles et des droits de l'homme )) aient
été discutées lors de la conférence de San
Francisco en 1945, le recours aux mesures coercitives motivées par de
telles considérations de protection n'a finalement pas été
retenu comme pouvant faire l'objet d'une dérogation
supplémentaire4.
Après de vifs débats, l'article 2§ 7
insistera au contraire sur l'importance du principe de non intervention de
l'organisation internationale « dans les affaires qui relèvent
essentiellement de la compétence nationale d'un Etat )). Ce
principe est dès lors considéré comme un corollaire
fondamental de l'égalité souveraine des Etats
énoncée dans l'article 2§1 et, par conséquent, comme
un élément tout à fait essentiel au maintien de la paix et
de la sécurité internationales que l'article 1§1
présente comme le « but premier )) des Nations Unies.
Soixante ans plus tard, au terme du sommet mondial tenu en
septembre 2005, l'Assemblée générale des Nations Unies
adoptait un document final dans lequel les Etats membres acceptaient, cette
fois, d'inclure un concept de « responsabilité de
protéger )) les populations menacées de génocide,
de nettoyage ethnique, de crimes de guerre ou de crime contre l'humanité
lorsque l'Etat chargé d'assurer leur protection ne pourrait pas ou ne
voudrait pas mettre fin à la menace ou lorsqu'il serait luimême
à l'origine de la menace5.
Elaboré par la commission internationale de
l'intervention et de la souveraineté des Etats (CIICE) dans la
foulée de la crise ouverte par l'intervention humanitaire, l'idée
qu'il pourrait devenir licite de réagir en
3 Il convient de noter l'existence d'une
3e exception, aujourd'hui caduque, concernant la « justice du
vainqueur > et les mesures envisagées dans les articles 53§1 et
101, sans que l'autorisation du conseil de sécurité ne soit
nécessaire, par l'un des membres contre les Etats ex-ennemis (Allemagne,
Japon)
4 Cfr.Thomas M.FRANCK,« Recourse to force.
State Action Against Threats and Armed Attack », Cambridje University
Press, Cambridge,2002,p.18
5 Document final du somment mondial de 2005, Doc.
Off.NUA/BO/L.A,20Sept.2005,§138
usant au besoin de la force armée, face à des
situations où la protection des populations apparait raisonnablement
comme une « impérieuse nécessité
»6.
De nos jours, le droit international connait des
avancées fulgurantes. En effet, nous connaissons aujourd'hui une
révolution des droits de la personne, en vertu de laquelle ces droits
sont désormais « la nouvelle religion laïque de notre
temps». Il s'est passé plus de choses dans le domaine des
droits de la personne que dans les années précédentes,
avec par exemple, la création du tribunal international pour l'ex
Yougoslavie. Or, les massacres et les violations des droits de la personne
continuent, pour ne pas dire qu'ils deviennent plus nombreux. Il existe donc
une contre-révolution qui fait des victimes partout.
Cette révolution et contre-révolution des droits
de la personne se retrouvent dans le contexte et l'intervention humanitaire.
D'un côté, il est clair que les droits de la
personne ne relèvent plus strictement de la juridiction domestique d'un
Etat, comme le souligne l'acte final de « l'accord d'Helsinki
».
Ainsi, les chefs d'Etats ne peuvent plus se réfugier
derrière le principe de la souveraineté territoriale pour violer
les droits des citoyens.
Il est difficile de définir le concept d'intervention
humanitaire sans susciter de controverse. L'idée d'un « devoir
» ou en tout cas d'un « droit d'ingérences »
n'est pas nouvelle. Cette idée est actuellement
présentée comme un facteur destiné à reformer
profondément le droit des gens, et à le mettre en concordance
avec les données nouvelles des relations internationales. Plus
précisément, le « droit d'ingérence »
viserait à assurer un respect effectif et universel des droits les plus
fondamentaux de la personne.
Grotuis y faisait mention dans « le droit de la
guerre et de la paix »7 et Vattel affirmait que «
toute puissance étrangère est en droit de soutenir un peuple
opprimé qui lui demande son assistance8 . C'est sur
de
6 Commission internationale de l'intervention et de la
souveraineté des Etats, « La responsabilité de
protéger », Centre de recherche pour le développement
international, Ottawa, 2001,§4.1
7 GROTUIS, « Le droit de la guerre et de la
paix », Livre 11, chap XXV,VII,2
8 VATTEL, « Le droit des gens ou principes de
la loi naturelle, appliqués à la conduite et aux affaires des
Nations et des souverains », Washington, Carnegie, 1916, vol I, livre
II, Chap IV, §56, p.298
telles bases que s'est développée au
XIXe siècle la doctrine de l'intervention d'humanité,
en vertu de laquelle un droit d'intervention unilatérale existe
lorsqu'un gouvernement viole les droits de l'humanité par excès
de cruauté et d'injustice.
Pour TESON, cette doctrine favorable, dans certaines
circonstances, à un droit d'intervention unilatérale n'a
cessé de trouver des défenseurs, même après la mise
en place du système de la charte des Nations Unies9.
L'expression de « droit » ou de «
devoir d'ingérence », à laquelle on a rapidement
collé le qualificatif « humanitaire », est apparue
pour la première fois à la fin des années 80 sous la plume
de Mario Bettati, Professeur de droit international public à
l'université Paris II, et de Bernand Kouchner, homme politique
français qui fut l'un des fondateurs de « Médecins sans
frontières ». En 1987 s'est tenu à Paris la Première
conférence internationale de droit et de morale humanitaire sous
l'égide de la faculté de Droit de Paris-Sud et des
médecins du monde.
Bernand Kouchner et Mario Bettati en publiaient les travaux la
même année dans un ouvrage intitulé « Le devoir
d'ingérence »10. A partir de cette date,
l'expression allait être fréquemment reprise et
développée.
Les incertitudes qui entourent ce droit ont d'emblée
suscité le questionnement et méme la critique, d'autant qu'on ne
sait pas très bien s'il est seulement d'ordre moral ou destiné
à être incorporé dans l'ordre juridique international
existant. Celui-ci repose, depuis des siècles, sur un axiome, la
souveraineté des Etats. En conséquence, un Etat n'est en principe
lié par une règle de droit, et en particulier par une
règle qui protège les droits de l'homme, que s'il l'a
acceptée en ratifiant un traité ou en adhérant à
une règle coutumière existante11.
9 (F.R) TESON, « Humanitarian intervention:
Au inquiny into law and mortality », Dobbs ferry (Newyork,
transnationale, publishers, 1988, XV-272p.
10 M. BETTATI et B. KOUCHNER, « Le droit
d'ingérence », Paris, Daniël, 1987
11 A ce principe, on a l'exception de « jus
cogeus » Consacrée par l'article 53 convention de vienne sur les
traités mais aussi le § 79 de l'affaire Armes nucléaires.
Au cours de la décennie 1990, l'activité de
l'ONU en matière d'opérations multinationales s'est
accompagnée d'une certaine remise en cause de ce principe. Les
opérations se réclamant d'ingérence humanitaire sont
particulièrement concernées : dépassant la
souveraineté étatique pour servir des objectifs humanitaires,
elles sont les stigmates des évolutions des règles du jeu
international.
Qu'elles soient le fait des Etats ou des organisations
internationales, les interventions extérieures multinationales trouvent
une grande partie de leur fondement juridique dans la charte des Nations Unies.
Dans le cadre que celle-ci pose, il convient cependant de distinguer les
dispositions initiales des développements empiriques qui ont suivi,
qu'il s'agisse des opérations de maintien de la paix ou des
évolutions relatives à la notion de droit d'ingérence.
L'article premier paragraphe premier de la charte des Nations
Unies fait du maintien de la paix et de la sécurité
internationale la mission première de l'organisation des Nations
Unies.
Partant, la charte définit un certain nombre de
principes devant régir les relations internationales. Parmi ceux-ci
figurent « l'égalité souveraine des Etats
» (article 2§1), l'engagement de ne pas « recourir
à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre
l'intégrité territoriale ou l'emploi de la force, soit contre
l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies »
(article 2§4), ou encore, corolaire du principe de
souveraineté, celui de non-ingérence, selon lequel «
aucune disposition de la présente charte n'autorise les Nations
Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent
éventuellement de la compétence nationale d'un Etat »
(art 2§7).
Pour Nathalie Herlemont-Zoritchak, « le principe de
nonintervention, c'est-à-dire de tout Etat souverain à conduire
ses affaires sans ingérence extérieure, est un principe coutumier
universellement applicable. Suivant une contre-interprétation extensive
et non juridique de la notion, la scène internationale apparaît
souvent aujourd'hui comme un monde d'ingérences multiformes. Si la
notion d'ingérence est souvent utilisée bien au-delà de sa
dimension juridique dans le domaine de l'action humanitaire,
elle a en outre donné lieu à une construction
théorique qui s'affirme comme droit, en contradiction avec le principe
de non-intervention ))12
Par ailleurs, Jean TAKOUGANG estime que, « l'action
humanitaire, dont le droit à l'assistance est reconnu et consacré
par le droit international humanitaire, tire ses fondements juridiques des
conventions de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels de
1977. Elle est cette forme de coopération qui fait appel à la
nécessité de venir en aide aux victimes des conflits armés
et des catastrophes naturelles et industrielles ))13.
Le juriste académique quant à lui,
préfère s'attarder aux acteurs de la communauté
internationale, tels les ONG et l'individu14, en voie de donner
naissance à la société civile internationale.
L'intervention militaire en Libye ne s'est-elle pas fondée aux
résolutions 1970 et 1973 du conseil de sécurité sur la
protection de cet individu « civil )) menacé par un pouvoir
détestable, tout comme les Etats européens agissaient
déjà au XIXe siècle contre l'empire Ottoman par
« des intervention d'humanité )).
Le juriste britannique H.Wheaton justifiait dans le même
esprit l'intervention anglaise au Portugal en 1825, jugée conforme
« aux principes de la foi politique et de l'honneur national )). De
même, ajoutait-il, est fondée « l'intervention des puissances
Chrétiennes de l'Europe en faveur des Grecs ». Un siècle
plus tard, en1920, le Doyen Moye de l'université de Montpellier,
affirmait sans réserve qu' « on ne saurait nier les bienfaits
indiscutables que l'immixtion a plusieurs fois amenés (...). Il est
très beau de proclamer le respect de la souveraineté même
barbare que bon lui semble. Il n'est pas moins vrai que le Christianisme et
l'ordre sont des sources de progrès pour l'humanité et que bien
des nations ont bénéficié à voir leurs Chefs,
inaptes ou tyranniques, obligés de changés leurs méthodes
sous la pression des puissances européennes15.
12 N.Herlemont-Zoritchak, « Droit
d'ingérence et droit humanitaire, les faux amis », mis en
ligne le 01 mars 2010, consulté le 18 juin 2012, URL : http.//
humanitaire.revus.org/index594.html.
13 J.TAKOUGANG, Ingérence humanitaire
: coopération ou agression voilée.
14 Etrangement, les juristes académiques
associent dans leurs enseignements ces deux catégories d'acteurs
précités aux firmes transnationales, comme si leur poids
respectif dans la société internationale était
équivalent ! par contre, le silence règne encore sur les
sociétés militaires privées qui prétendent
favoriser la sécurité collective, en Irak par exemple.
15 Doyen Moye, Le droit des gens moderne,
sirey, 1920, p219-220
Pour les juristes contemporains, les Etats occidentaux,
soucieux par nature de bien de l'intérêt général
entendent aujourd'hui comme hier protéger par tous les moyens l'individu
et les populations civiles contre les menaces de leur propre Etat. Or, le
Libyen Kadhafiste est pire que l'arabe d'hier à son encore, la guerre
est « juste ». Rien ne change depuis un auteur du XIXe
siècle comme H.Wheaton, qui affirmait, comme ou le fait aujourd'hui que
« lorsqu'il y atteinte portée aux bases sur lesquelles reposent
l'ordre et le droit de l'humanité » le recours à la force
est fondé. D'ailleurs, l'Institut de droit international au début
du siècle ne partage pas l'utopie de ceux qui veulent la paix à
tout prix. G.Scelle, dans son manuel édité en 1943 à
Paris, y met du sien lorsqu'il affirme que lorsqu'un Etat possède «
un titre authentique et probatoire » à faire valoir, la prohibition
du recours aux armes semble difficile à admettre. Aujourd'hui, peu
importe l'élément nouveau que constitue les principes de la
charte des Nations Unis. La France n'a-t-elle pas souligné pour
justifier son rôle déterminant dans l'opération
anti-tripoli qu'elle possédait tous les titres pour intervenir
c'est-àdire ceux fournis par les Nations Unies, fondés sur les
droits de l'homme et ceux de l'OTAN pour sauver les Libyens d'eux-mêmes
!
Ainsi par contre, les professeurs Carlo Santulli et
P.M.Martin, prennent une position forte contre la violation de la
légalité dans l'affaire libyenne ou la question n'est pas de
défendre le régime dans l'opinion publique, mais simplement de ne
pas transformer l'analyse critique en une propagande monstrueuse. En Libye,
comme en côte d'Ivoire, le monde occidental et l'Etat français en
premier lieu ont fait chorus pour déshumaniser l'ennemi, qu'il s'agisse
de Gbagbo ou de Kadhafi.
Or, la description non critique et complaisante des politiques
étrangères par les juristes s'identifie à leur
légitimation sans réserve. La doctrine dite « savante
», très occidentalo-centriste, est très proche des grands
médias. Le « droit de l'hommisme » et le «
sécuritarisme » dont les puissances occidentales se font les
championnes et qui défont l'ensemble du droit international
édifié depuis 194516 conduisent en fait les juristes
à se
16 P.M.MARTIN, Défaire le droit
international : une politique américaine, Droit écrit, UTI
sciences sociales de Toulouse, N°3, 2002, p.83 et S.
rallier au dédoublement fonctionnel autoproclamé
de l'OTAN et ses membres porteurs de valeurs euraméricaines et
civilisatrices ! on n'est pas au très clair sur le « droit »
ou le « devoir » d'ingérence, mais le principe onusien de la
non-ingérence est balayé, il y a bien quelque flottements sur le
principe de la souveraineté, rappelé pour précaution dans
toutes les résolutions du conseil de sécurité, y compris
celles qui le violent.
La question d'ingérence humanitaire n'a pas
laissé insensible les chercheurs de l'U.C.G. Elle a constitué le
sujet de recherche de Monsieur Charles Kambere Madirisha. Dans son analyse, il
est parti de la question de savoir comment concilier l'ingérence
humanitaire et la souveraineté étatique, qui est deux nations
antimoniques d'une part et d'autre part, il a cherché à savoir
sur quelle base juridique les Etats, par le truchement de la communauté
internationale, peuvent intervenir sur le territoire d'un autre pour des motifs
humanitaires, notamment la violation des droits de l'homme. Prenant compte des
atrocités commises au cours des conflits armés et des
catastrophes naturelles, les arguments d'ordre humanitaire, moral, justifiant
l'ingérence et avancés par certains Etats ne sont-ils pas des
prétextes, mythes pouvant conduire à une action militaire ?
Après les investigations, Monsieur Madirisha aboutit
aux résultats selon lesquels, il réaffirme la
nécessité d'une distinction claire entre l'assistance humanitaire
et les autres activités des Nations-Unies. Il rejette le soi-disant
droit d'intervention humanitaire qui n'a aucun fondement juridique dans la
charte des Nations-Unies et dans les principes généraux du droit
international public.
Il continue en confirmant que l'assistance humanitaire doit
être prise dans le strict respect de la souveraineté, de
l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique
des Etats concernés et qu'elle ne peut être
déclenchée qu'en réponse, à une demande et qu'avec
l'approbation des Etats concernés.
Quand en ce qui nous concerne, nous n'allons pas nous
écarter des idées de nos prédécesseurs ni les
reprendre textuellement. La spécificité de notre travail se fait
remarquer dans notre problématique.
0.2 PROBLEMATIQUE
L'intervention en Libye survenant à quelques mois
d'intervalles de celle de la Côte d'Ivoire, n'a que peu à avoir
avec la politique tardive aux mouvements populaires de Tunisie et
d'Egypte17.
Brutalement, au nom d'une menace visant les opposants au
régime Jamahiriyen dont Rony-Brauman a montré le caractère
improbable, la Libye s'est vue retirée sa qualité de sujet de
droit international à part entière, de (( membre régulier
» de la communauté internationale. Il a suffi d'une manifestation
le 15 février 2011 dans une ville du pays suivi d'une émeute le
17 dans cette méme ville de Benghazi pour qu'un Etat membre de longue
date des Nations Unies, ayant occupé la présidence de l'Union
Africaine et conclu de nombreux accords avec différents Etats, en
particulier la France et l'Italie, soit mis au ban de la société
internationale. Le Conseil de sécurité s'est satisfait de sources
très partielles sur les événements de Benghazi : celles de
l'une des parties en cause (les insurgés) et d'un média
Al-Jazeera18, sans procéder à une investigation
contradictoire et sans rechercher une (( solution par voie de
négociation, enquête, de médiation, de conciliation (...)
ou par d'autres moyens pacifiques » (article 33 de la charte). C'est dans
une extrême précipitation19 que le conseil de
sécurité a adopté la résolution 1970 du 26
février, soit quelques jours seulement après le début des
événements de Benghazi, alors que de nombreux conflits dans le
monde ne suscitent que des réactions très tardives20.
Les observations de l'Inde regrettant le fait (( qu'il n'existait pratiquement
aucune information crédible sur la situation sur place » n'ont
été prises en compte. L'Etat libyen a été
17 Les autorités françaises, comme
les grands médias, ont assimilés les événements de
la Tunisie, de l'Egypte et de la Libye en fabriquant une « morale >>
à la convenance des intérêts français pour fonder
une opération militaire contre le régime de Kadhafi. Le seul
point commun entre ces événements est que les trois
régimes ont été intensément courtisés par
l'Etat français peu de temps avant qu'ils aient été «
condamnés >>.
18 L'évolution d'Al-jazeera qui s'est
imposée en 15 ans dans le monde arabe comme source originel
d'information, s'est soudainement engagée dans une vaste campagne
hostile aux régimes libyens et Syrien. Cette modification
pro-occidentale de la ligne éditoriale de 2011-qui a entrainé la
démission de certains journalistes, consécutive a l'appel a une
intervention armée du conseil de Coopération du Golfe et du
Qatar, n'est pas encore parfaitement claire. La journaliste Marie Benilde (Le
Monde diplomatique, N°117, juin-juillet 2011, sans chercher plus loin,
considère qu'Al-jazeera et le web « ont semé la parole
démocratique au vent de l'histoire >> ! (cf. Quand la
liberté a le parfum de Jasmin, p.49 et S.).
19 C'est la même précipitation que la
France a manifesté en reconnaissant le CNT bien avant que celui-ci ait
une responsabilité quelconque et un contrôle effectif d'une partie
conséquente du territoire libyen.
20 Le cas limite est celui de la question
israélo-palestinienne que le conseil de sécurité,
malgré les multiples résolutions de l'Assemblée
Générale, s'avère incapable de faire progresser depuis
plus d'un demi-siècle.
immédiatement considéré comme coupable et
Kadhafi devrait relever sans examen contradictoire des faits de la Cour
Pénale Internationale.
Pour notre thème, nous sommes parti de la question
principale de savoir si l'intervention de l'OTAN en Libye était licite
au regard du droit international ? A cette question principale, s'ajoute
d'autres subsidiaire de savoir si le traité constitutif de l'OTAN permet
à l'organisation d'intervenir dans les pays non membres de
l'organisation quand bien même ces derniers ne portent aucune menace
à l'un des pays membres de l'OTAN. A cette question s'ajoute celle de
savoir si la mission de l'organisation de l'ONU et particulièrement du
Conseil de Sécurité, du maintien de la paix et de la
sécurité internationale peut être assumée par une
autre organisation internationale ?
De cette interrogation, les hypothèses suivantes peuvent
être
envisagées.
0.3 HYPOTHESE
Toute question, dit-on, à toujours une réponse
que l'on veut confirmer ou infirmer. En effet, l'hypothèse étant
considérée comme des réponses provisoires aux questions de
la recherche ; ainsi pour notre préoccupation, les réponses
suivantes méritent d'être évoquées de manière
provisoire.
Il semblerait que par-delà les motivations politiques
de cette intervention, celle-ci pourrait être justifiée par la
morale internationale et la solidarité des Etats d'une part, et d'autre
part l'état de la pratique internationale actuelle tend plus à
protéger les droits de l'homme au niveau international pour la
légalité et la légitimité des actions des Etats
puissants.
L'objectif essentiel de l'OTAN étant la liberté
et la sécurité de ses membres par des moyens politiques et
militaires conformément aux principes de la charte des Nations Unies
semble aujourd'hui dépasser son cadre d'action en intervenant en dehors
des Etats non parties au traité constitutif. Nous pensons que cela
représente une vraie déviation des buts originaux de l'OTAN
où il n'est aucunement crédible de parler d'opération
militaires de crise qui ne relèvent pas de l'article 5 du traité
constitutif de
l'OTAN (l'article 5 étant l'article qui prévoit
les opérations militaires défensives). L'OTAN n'est plus
reconnaissable aujourd'hui et elle semble devenir un instrument de
domination.
Il nous paraît aujourd'hui qu'à travers ses
résolutions, le Conseil de sécurité commet un abus du
chapitre VII de la charte de l'ONU qui gouverne la sécurité
collective. Nous observons cette tendance depuis la première guerre du
Golfe en 1991. Le conseil de sécurité dans ces résolutions
qui sont censées avoir force légale, car elles relèvent du
chapitre VII, a employé des phrases et des termes complètement
imprécis. Je veux dire par là, la phrase « tous les moyens
nécessaires » qui se trouvait dans la résolution qui a
précédé la guerre en Irak en 1991 et qui
réapparaît dans la résolution 1973 (« toutes mesures
nécessaires »). De ce qui précède, on peut en
déduire que le conseil de sécurité semble recourir
à la force en faisant usage de la technique de la
délégation de l'exercice de son droit à un
exécuteur autoproclamé des ses résolutions qu'est
l'OTAN.
Pour vérifier ces hypothèses, il importe de
recourir à certaines
méthodes.
0.4 METHODOLOGIE
Parler d'un sujet actuel, aussi large et multiple comme
celui-ci implique de faire des choix de structure et de contenu. Il est donc
logique et normal que tout ne soit pas abordé.
Nous préviendrons les lecteurs que nous avons avant
tout privilégié une approche juridique du sujet car l'approche
politique est plus complexe.
Ainsi, pour mener à bien notre étude, nous avons
recouru à deux méthodes et à une technique. « La
méthode est le moyen qui permet d'aboutir à des conclusions
scientifiques à partir de certaines hypothèses, grâce
à une démarche intellectuelle rigoureuse »21.
Les méthodes usitées sont la méthode
exégétique ou interprétative qui nécessite une
certaine dose de description et d'exégèse, ne serait-ce que pour
bien cerner et bien
21 T.Muhindo MALONGA et M.Muyisa Musubao, «
Méthodologie juridique. Le législateur, le juge et le
chercheur », éd.PUG-CRIG, Butembo, 2010, p.202
12 comprendre les faits et les enjeux proprement juridiques.
A celle-ci s'ajoute la méthode sociologique dans son approche
systémique qui « permet ainsid'apprécier les
influences réciproques en même temps que les adaptations
du
système aux réalités nouvelles
»22
Pour un meilleur aboutissement, les méthodes
s'accompagnent de certaines techniques. Nous reconnaissons avec Madeleine
GRAWITZ que « les techniques de sciences sociales tels l'observation,
l'entretien, l'analyse documentaire, (...) ont pour but de recueillir les
informations, les matériaux des données
»23.
De ce fait, notre étude a usé de la technique
documentaire qui procède à l'exploitation des documents
écrits : ouvrages, articles de revues ou de journaux, documents
électriques, articles de presse, etc.
Qui peut se passer de l'intérêt qu'affiche
toujours un travail, fruit de recherche ? Ainsi, notre travail présente
aussi un intérêt.
0.5 CHOIX ET INTERET DU SUJET
L'intérêt que revêt cette étude est
triple : personnel, scientifique et social. Personnel dans le sens que ce
thème nous a beaucoup aidé à enrichir nos connaissances en
matière d'ingérence humanitaire et d'intervention armée en
droit international.
Son intérêt scientifique n'est pas à
négliger en ce sens que ce travail nous aide à présenter
l'évolution et la pratique actuelle du droit internationale face
à la souveraineté des Etats.
Enfin, l'intérêt social que revêt ce
travail est capital dans la mesure où ce travail servira de
documentation de base pour quiconque voudra approfondir cette question.
Notre thème de recherché, qui est vaste et
complexe, aussi, une analyse qui se veut précise, mérite
d'être limitée.
22 T.Muhindo MALONGA et M.Muyisa Musubao, op.cit.
218
23 M. GRAWITZ, « Méthodes des sciences
sociales », 4e éd.Paris, Dalloz, pp.693-694
0.6 DELIMITATION ET SUBDIVISION DU TRAVAIL
Notre thème porte sur la licéité de
l'emploi de la force par une organisation internationale : cas de l'OTAN en
Libye en 2011. Ainsi, cette étude puise son fondement dans le droit
international en général avec comme cadre spécifique la
Libye.
Dans le but de saisir la quintessence de notre travail, nous
comptons l'axer sur deux grandes parties. Le premier chapitre est
l'ingérence humanitaire : une remise en cause du principe du droit
international public. Le deuxième chapitre, pour sa part, traite de
l'analyse critique de l'intervention.
Ainsi, d'après cette grande subdivision, notre travail
comprend deux chapitres et chaque chapitre est subdivisé en plusieurs
sections et paragraphes.
CHAPITRE I : L'INGERENCE HUMANITAIRE : UNE REMISE
EN CAUSE DES PRINCIPES DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC
Dans cette première partie du travail, consacrée
à l'ingérence humanitaire et la remise en cause des principes du
DIP, pose en quelque sorte le décor. Elle fixe les bases
nécessaires pour comprendre le corps de notre étude. De ce fait,
pour comprendre la nécessité d'une adaptation des droits
internationaux publics aux réalités de son temps, il faut tout
d'abord remonter aux principes qui en constituent le fondement.
Pour notre analyse, trois principe nous intéressent :
celui de la souveraineté des Etats(I), le principe de
non-intervention(II) et enfin, le principe de l'interdiction des recours
à la force(III).
SECTION I : INGERENCE HUMANITAIRE ET PRINCIPE DE
SOUVERAINETE DES ETATS
Le principe de souveraineté étatique est le
principe sur le quel reposent les relations entre Etats membres l'ONU depuis la
fin de la deuxième guerre mondiale, est affirmé par la charte des
Nation unis.
La souveraineté signifie en outre que un Etat qui a
violé les droits de la personne ne pourra être traduit en justice
que s'il accepte ou a accepté la compétence d'un juge. A
l'exception de certains mécanismes régionaux (cour
européenne des droits de l'homme, cour intermédiaire de droits de
l'homme, par exemple), il est donc extrémement difficile d'obtenir la
condamnation d'un état violateur des droits humains par une juridiction
internationale. Et méme si on l'obtenait, rien ne garantirait
l'exécution du jugement ; la souveraineté s'avère
incompatible avec l'existence d'une sorte de « police internationale
» à l'échelle mondiale. Mais la souveraineté
étatique (§2) parait aujourd'hui être limitée par
l'ingérence humanitaire (§1).
§1. Ingérence humanitaire
Pour rappel, l'idée d'ingérence humanitaire est
apparue durant la guerre du BIAFRA (1967-1970). Le conflit a entrainé
une épouvantable famine, largement couverte par les medias occidentaux
mais totalement ignoré par les chefs d'Etats et de gouvernement au nom
de la neutralité et de la non-ingérence. Cette situation a
entrainé la création d'ONG comme
Médecins sans frontières qui défendent
l'idée que certaines situations sanitaires exceptionnelles peuvent
justifier à titre extraordinaire la remise cause de la
souveraineté des Etats. Le concept a été
théorisé à la fin des années 1980 ; notamment par
le professeur de droit Mario BETTATI ou l'homme politique Bernard
KOUCHNER24.
Cette notion d'ingérence peut être prêter
à la confusion et porter ainsi atteinte au principe de
l'égalité souveraine des Etats. Ainsi pour bien cerner cette
notion intermédiaire de l'ingérence, il sied d'élucider en
premier lieu sa définition(A) et en deuxième lieu, d'en
préciser le contenu(B).
A. Definition
Les défenseurs de l'ingérence humanitaire la
justifient principalement au non d'une morale d'urgence : « on ne
laisse pas les gens mourir ». Elle puise son fondement dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Pour eux,
« une ingérence n'est donc légitime que lorsqu'elle est
motivée par une violation massive des droits de l'homme et qu'elle est
encadrée par une instance supranationale, typiquement le conseil de
sécurité des Nations Unies »25 .
Mario BETTATI précise le terme ainsi : «
l'ingérence désigne en droit international l'immixtion sans titre
d'un Etat ou d'une organisation internationale dans les affaires qui
révèlent de la compétence exclusive d'un Etat tiers
»26. On ne devrait donc ne retenir dans le champ du droit
d'ingérence humanitaire que les actions transfrontalières des
gouvernements ou des organismes publics internationaux, à l'exclusion
des ONG dans la mesure où, comme leur nom l'indique, elles sont non
gouvernementales.
Soulignons en outre que le droit d'ingérence tel que
défini par ses créateurs est, pour eux, un devoir qui est devenu
un droit international. En revanche les opposants au concept le voient par
contre comme « un devoir qui ne manifeste qu'un néocolonialisme
malvenu, illégal donc ne crédite aucune validité au droit
d'ingérence »27.
24 htpp://
fr.wikipedia.org/Ing/ingerence-humanitaire,
consulté le 23 mai 2012 à 12hoo.
25 htpp://
fr.wikipedia.org/Ing/ingerence-humanitaire,
consulté le 23 mai 2012 à 12h15.
26 Mario BETTATI, Le droit
d'ingérence, Ed. De Noël, Paris, 1987, P12
27 A. DEMANGE BOST, Le droit d'ingérence ou
ía souveraineté des Etats, Mémoire, institut d'Etude
Politique de Lyon, Lyon, 2000-2001, P18
B. Contenu
L'ingérence humanitaire est une notion apparemment
discutée et contestée depuis sa naissance, en 1987, dans la
mouvance du « mouvement sans-frontieriste » (médecins du
monde, médecins sans frontières, reporteurs sans
frontières, etc.). Le droit d'ingérence comporte un contenu
éthique, politique et juridique. Il est à la fois « droit de
», « droit à», et même « devoir », selon
le côté où on se situe, celui de l'homme moral, qui,
doublement, croit devoir agir et se croit à droit d'agir, ou bien du
côté de la victime qui est en droit d'attendre une aide. Le droit
d'ingérence sonne à la fois comme un devoir et un droit. Il est
droit pour l'ingéré ; et il est droit et devoir à la fois
pour l'ingérant.
L'ingérence humanitaire reste une notion
prohibée en droit international car n'étant pas consacré
par une règle de droit ni par la charte de l'ONU. Mais cette notion
semble évoluée aujourd'hui avec les actions des Etats puissants
entreprises moyennant les interprétations larges des résolutions
du conseil de sécurité de l'ONU tout en prétendant
préservés la paix internationale et les droits humains. Ainsi,
par exemple la charte, dans son article 42 dispose : « si le Conseil
de sécurité estime que les mesures prévues à
l'article 41 seraient inadéquates ou qu'elles se sont
révélées telles il peut entreprendre, au moyen de force
aérienne, navale ou terrestre, toute action nécessaire au
maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité
internationale. Cette action peut comprendre des démonstrations, des
mesures de blocus et d'autres opérations exécutées par des
forces aériennes, navales ou terrestres de membres des Nations Unies
». C'est ce qui est couramment appelé «
opération de maintien de la paix des Nations Unies ».
Quand bien même la charte n'autorise les Nations Unies a
intervenir dans les affaires qui révèlent essentiellement de la
compétence nationale d'un Etat, « elle reconnaît pour
celles-ci le droit d'application des mesures de coercition prévues au
chapitre VII. »28.
Soulignons en sus que l'ingérence humanitaire est un
droit politique à ce qui concerne l'appréciation et la
détermination des normes éthiques pouvant justifier
l'ingérence. La politique de l'ingérant détermine
28 Voir article 2§ 7 de la charte de Nations
Unies
aussi bien l'opportunité que la nature, le degré
et la durée de l'ingérence. « Le droit d'ingérence
est ambivalent ou, si l'on veut trivalent, et aux yeux de plusieurs juristes,
fondamentalement ambigu et inapproprié parce que véhiculant une
confusion dangereuse, renchérit NGOMA BINDA. Sa prétention
à la nouveauté est récusée. On le juge
superfétatoire fasse à l'existence de plusieurs instruments
juridiques déjà présents dans le droit international
»29
D'autre part, OLIVIER RUSSBACH pense même que
l'ingérence est une tentative d'escroquerie, un «
détournement de droit humanitaire » créé depuis Henry
Dunant avec la Croix rouge et confirmé par la charte des Nations Unies,
par la convention de la HAYE et les conventions de Genève (1949) et
leurs protocoles additionnels (1977). On le dit être « un droit au
fondement incertain, au contenu imprécis et à la
géométrie variable. » On le pense susceptible de justifier
toute sorte d'intervention, mêmes agressante et secrètement
chargé de désir d'hégémonie, d'intensification de
l'exploitation et de recolonisation des Etats faibles
»30.
C'est au nom de la conscience morale supposée
universelle et, en particulier, au nom de la morale des droits de l'homme que
le droit d'ingérence se trouve affirmé avec
insistance31. Les français Bernard KOUCHNER et Mario BETTATI,
premiers promoteurs de ce « nouveau » droit, le fondent sur une
« morale de l'extrême urgence face à l'inhumanité,
face à la barbarie de la fin du XXème siècle ».
Le droit d'ingérence est donc toujours déjà, selon
BETTATI, un droit humanitaire. Tout autre droit d'ingérence est non
fondé, il est un non-droit, une agression pure et simple. Fondé
sur la « morale de l'extrême urgence ; le droit d'ingérence
se donne comme un droit de réponse aux « malheurs des autres
», un droit d'agir chez les autres, et éventuellement sans leur
consentement. Il se fonde sur l'aspiration dont la légitimité
interdit à la conscience de refuser d'apporter assistance à
quiconque se trouve en danger réel de mort et d'indignité
»32.
29 NGOMA BINDA, « Indépendance, Droit
d'ingérence et Politique Hégémonique », in les
enjeux de la mondialisation pour l'Afrique, Éd. Loyola.
30 O.RUSSBACH, ONU contre ONU, Le droit
international confisqué, éd. La découverte, Paris,
1994, p.56
31 B.KOUCHNER, M.BETTATI, Le devoir
d'ingérence, Peut-on les laisser mourir ? De noël, Paris,
1987, p86
32 B. KOUCHER, Les malheurs des autres, Odile
Jacob, Paris, 1991, p.28
Bien qu'en revanche depuis décembre 1988, la notion
d'assistance humanitaire soit reconnue aux Etats, certains pensent qu'elle
devrait rester dans la sphère des valeurs strictement morales. «
Cette notion est en effet totalement contraire aux fondement du droit
international qui stipule qu'un Etat n'est lié par une règle de
droit que s'il a accepté en ratifiant un traité ou en
adhérant à une règle préexistante. Dans la
pratique, les actions d'ingérence humanitaire sont toujours
réalisées par des contingents nationaux, ce qui peut impliquer
deux situation relativement différente ; le « droit »
d'ingérence et le « devoir » d'ingérence
»33.
Pour Jean-François REVEL, quant à lui, le
droit d'ingérence est la reconnaissance du droit qu'ont une ou plusieurs
nations de violer la souveraineté nationale d'un autre Etat,
accordé par l'autorité supranationale. Dans la pratique, au nom
de l'ingérence humanitaire, il n'est pas rare que le mandat soit fourni
rétroactivement : ainsi l'intervention de la France en Côté
d'Ivoire s'est faite initialement sans mandat de l'ONU »34
Cependant, « le devoir d'ingérence est
l'obligation qui est faite à tous les Etats de fournir assistance ;
à la demande de l'autorité supranationale. Il est évident
que c'est cette notion qui est la plus proche du concept originel
d'ingérence humanitaire. Elle est également largement
rejetée par des Etats membres de l'ONU qui y voient une remise en cause
inacceptable de leurs prérogatives »35
En dépit des idées généreuses du
concept, qui place au premier rang des valeurs comme la démocratie ou le
respect des droits de la personne humaine, il a dès l'origine
suscité questionnement, voire critique.
Dans les faits, une mission d'ingérence est parfois
contraire aux objectifs fondamentaux de l'ONU (maintien de la paix), en tout
cas toujours en contradiction avec l'article 2§7 de la charte des Nations
Unies.
Pour de nombreux juristes, la création de ce concept
n'a pas lieu d'être. En effet, la charte des Nations Unies contient
déjà de nombreuses dispositions allant dans ce sens, en
particulier, dans les chapitres VI et VII. Il ne
33 O.CORTEN et P. KLEIN, Droit d'ingérence
ou obligation de réaction ? Les possibilités d'action visant a
assurer le respect des droits de la personne face au principe de
non-intervention, Bruxelles, Bruylant, 1996, p.697.
34 Idem, Op.cit
35 Ibidem
s'agissait donc pas de la création d'un nouveau droit,
mais simplement de la mise en application du droit déjà
existant.
Plus fondamentale que ce problème de droit,
l'ingérence humanitaire souffre d'un certain nombre de contradictions
qui sont principalement dues à la confusion volontairement entretenue
entre droit et devoir d'ingérence. Il est en effet difficile, dans ces
conditions, de séparer les mobiles humanitaires des mobiles politiques
et d'assurer un total désintéressement des puissances
intervenant.
Bien qu'elle se veulle universelle, la Déclaration des
droits de l'homme est fortement influencée par les travaux des
philosophes occidentaux du siècle des Lumières et plus
généralement par la morale judéo-chrétienne.
L'ingérence a donc toujours été une action dirigée
depuis le nord vers les pays du sud. Il est ainsi peu vraisemblablement que des
contingents rwandais seront un jour chargé de mission de maintien de la
paix en Irlande du Nord ; ou que des Libanais interviendront aux USA.
En réalité, les Etats puissants ont peu de
risque d'être cible d'une action d'ingérence. Par exemple les
populations de la Tchétchénie sont sans doute autant en danger
aujourd'hui que l'ont été les Kosovars il ya quelques
années, mais la Russie étant infiniment plus puissante sur la
scène internationale que la Serbie, il est peu probable qu'une action
internationale se mette en place.
En Occident également, l'ingérence humanitaire a
des opposants. Beaucoup trouvent qu'elle ressemble un peu trop au colonialisme
du XIX ème siècle ; propageant les valeurs de la
démocratie libérale et considérant les autres cultures
comme quantité négligeable. Il lui est reproché son
caractère événementiel : elle a tendance à
s'exprimer dans le chaud de l'action, pour donner bonne conscience aux
téléspectateurs occidentaux, et à négliger les
conflits oubliés par les medias ou les détresser chroniques comme
le prouve la crise ouverte autour de l'intervention américaine en IRAK,
le délicat équilibre entre la répression des bourreaux et
le respect de l'égalité souveraine des nations reste donc
à trouver.
Cependant, il sied de le souligner avec toute
sérénité que le droit international n'autorise pas
à un Etat d'intervenir dans les affaires intérieures d'un autre,
méme sous prétexte d'intervention humanitaire. Cette pratique
devra être rejetée en vertu du principe de souveraineté des
Etats.
S2. Le principe de souveraineté des Etats
Le principe de souveraineté se voit invoqué dans
les rapports entre ceux-ci (A). Cette souveraineté implique aussi bien
l'exclusivité de la compétence sur le territoire national, la
possibilité de délégation à des
collectivités territoriales (B) que l'indépendance totale de
l'Etat vis-à-vis de puissance étrangères ou d'autres
personnes présentant un élément d'extranéité
(C). Toutefois, ce principe présente quelques limites ou exceptions.
(D).
A. L'application du principe.
Les Etats invoquent le principe de souveraineté pour
refuser toute ingérence extérieure et soustraire tel ou tel
problème à l'intervention d'autres Etats. Ce principe est
constamment réaffirmé et le respect des droits qu'il
réserve à l'Etat, jalousement revendiqué par tous, est
notamment consacré dans les actes constitutifs des organisations
internationales.
Ainsi, par exemple, l'article 2, §7 de la Charte des
Nations-Unies consacre la notion de « domaine réservé
» ou de « compétence nationale » de l'Etat
: « Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les
Nations-Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent
essentiellement de la compétence nationale d'un Etat
»36.
Ce texte reconnaît donc le domaine de compétence
d'un Etat dans lequel seul l'Etat peut intervenir et, ce faisant, consacre
à la fois le principe de la souveraineté de l'Etat et celui de la
non-ingérence dans les affaires intérieures.
Le problème qui se pose à ce propos est celui de
savoir à qui il revient de déterminer si une question
relève du domaine réservé de l'Etat, car tout Etat peut,
en invoquant l'article2, §7, empécher toute action
36 Cf. Charte des Nations Unies;
article 2e , §7
internationale visant à résoudre un conflit et
paralyser complètement l'Organisation Internationale, sous
prétexte de refuser l'ingérence dans les affaires
intérieures. C'est ce qui se produit notamment à l'ONU, qui peut
se trouver ainsi réduite à l'impuissance. Car l'usage que font
les Etats du principe de la souveraineté n'est exempt ni d'arbitraire,
ni d'abus37.
Un autre exemple est celui de la Charte de l'Organisation de
l'Unité Africaine (OUA) qui se réfère expressément
au principe de la souveraineté des Etats : son article 3 proclame
« solennellement » le principe du respect de la souveraineté
et de l'intégrité territoriale de chaque Etat » et - ce qui
y est étroitement lié - de « son droit inaliénable
à une existence indépendante ».38 Là
aussi, le principe de la souveraineté des Etats se trouve lié,
dans le même texte, à la « non-ingérence dans les
affaires intérieures ».
B. La souveraineté interne
Selon S. DREYFUS, « au plan interne, l'Etat est
maître chez lui(...) »39. Etre
maître chez soi ne doit pas induire les Etats à exercer un
pouvoir arbitraire. Mais tout dépend des structures
internes de l'Etat, car les limites apportées à son pouvoir et
les freins imposés à l'arbitraire de son action sont liés
au régime politique et ne peuvent être établis que par les
règles du droit public interne.
Par ailleurs, il faut noter que l'Etat possède des
tâches qui ont pour but le maintien de l'ordre à
l'intérieur. Au sens large, il s'agit, bien-sûr, de l'ordre public
qui rentre dans les attributions du gouvernement. Il s'agit aussi de la justice
qui relève de l'ensemble des juridictions instituées dans le
pays. Mais ce sont là les tâches minimales et les objectifs
visés qui appellent, en réalité, d'autres interventions de
l'Etat pour autant qu'il soit facile de leur fixer une limite
précise.
En tout cas, on doit certainement considérer comme
partie intégrante des fonctions de souveraineté celles qui
concernent l'administration, l'édiction des règles de droit, le
monopole de la force publique, de la monnaie et, d'une manière globale,
ce qui correspond aux
37 S. DREYFUS, op.cit. p.85.
38 Cf~ Charte de l'Organisation de l'Unité
Africaine, article 3
39 S. DREYFUS, op. cit p.84.
attributions de ce qu'on appelait au XIXe
Siècle, l'Etat gendarme, c'est-àdire, l'Etat réduit
à ses fonctions incompressibles40.
C. La souveraineté externe
L'existence d'un pouvoir souverain à l'intérieur
de l'Etat implique, à l'extérieur de celui-ci, l'absence de tout
autre pouvoir capable de s'immiscer dans les affaires intérieures, ou de
celui de dicter son comportement dans la conduite des relations
extérieures.
Dans l'exercice de sa souveraineté externe, l'Etat doit
entretenir des relations avec l'extérieur et doit aussi défendre
efficacement son territoire contre l'agression extérieure.
Dans sa politique étrangère, l'Etat est libre de
conduire sa politique extérieure ; il est souverain de se choisir les
partenaires avec qui il va entretenir des relations et des coopérations.
Dans cette optique, l'Etat doit s'efforcer de maintenir de bons rapports avec
l'étranger et organismes internationaux pour le compte de ses
intérêts propres.
En outre, l'objectif majeur de la défense nationale est
le maintien de l'indépendance de l'Etat dans les limites précises
et dans la liberté, en vue de garantir la paix et la
sécurité. Cependant, l'organe chargé de cette tâche,
ce sont les forces armées d'un Etat qui doivent être à
même de repousser une agression extérieure qui viole la
souveraineté d'un Etat.
ii. Les limites ou exceptions au
principe41
Le principe de la souveraineté dont les Etats se
réclament la noblesse connaît parfois certaines limitations dans
son exercice. Ceci rejoint le principe très connu en Droit International
selon lequel « rien n'est absolu en relations internationales
».
Un exemple se rattache à des règles
coutumières très anciennes : c'est celui, emprunté au
droit de la mer, de ce qu'on appelle le droit de « passage inoffensif
» dans les eaux territoriales. Bien que cette zone maritime adjacente
aux côtes soit soumise à l'autorité souveraine de l'Etat
riverain, il ne peut y interdire le passage de certains navires
étrangers tant
40 J.P PALUKU KAKUNDIKA, Le principe de la
souveraineté en droit international : Cas de la RDC, TFC
(inédit), UCG, FAC DROIT, 1997-1998, p.29.
41 S. DREYFUS, op.cit, p.102
que ce passage reste « inoffensif » et donc
ne porte aucune atteinte à sa sécurité.
Un autre exemple est lié à l'accord de l'Etat
concerné : lorsqu'un Etat accepte de se soumettre à la
compétence d'une juridiction internationale, que ce soit la CIJ ou une
juridiction arbitrale ; il s'engage, par avance, à se conformer à
la décision d'une autorité extérieure à
lui-même et sur laquelle il n'exerce aucun contrôle. Il accepte
donc de limiter, pour une affaire donnée, la portée de sa
souveraineté.
L'appartenance d'un Etat à une organisation
internationale implique également une limitation de souveraineté,
expressément acceptée en vertu d'un traité. Il en est de
méme pour les organisations régionales et sous-régionales
(Union Européenne, Communauté Economique des Pays des
Grands-Lacs).
En définitive, le principe de souveraineté,
étant consacré par toutes les constitutions du monde qui
octroient à l'Etat de multiples missions qui se définissent par
sa survie42 c'est-à-dire la capacité de
défense, de développement et d'intervention pour le maintien de
la paix collective, caractérise, en principe, un pouvoir qui n'en admet
aucun autre au-dessus de lui. D'où sa relation avec le principe de
non-intervention ou principe de non-ingérence dans les affaires
intérieures d'un autre Etat.
Nonobstant, il se peut que lorsqu'un gouvernement viole les
droits de l'humanité ou permet ses violations, un droit d'intervention
unilatérale existerait. C'est le devoir ou du moins le droit
d'ingérence humanitaire.
42 G. BURDEAU et alii, Droit constitutionnel,
s.l,, LGDJ, 1991, p.182.
SECTION II. INGERENCE ET PRINCIPE DE NON
INTERVENTION
Pour comprendre le principe de non intervention, il est
d'abord important de le définir (§1), ensuite donner son contenu
(§2) et enfin donner ses limitations (§3).
§1. Definition
La non-intervention se présente, à
première vue, comme l'interdiction faite à tout Etat, comme
corollaire du principe d'égalité souveraine, de s'immiscer dans
les affaires internes ou externes relevant de la compétence exclusive
d'un autre Etat. Dans ce sens, elle est synonyme de «
non-ingérence ».
Ce principe met en jeu le droit de tout Etat de conduire ses
affaires sans ingérence extérieure, bien que les exemples
d'atteintes au principe ne soient pas rares comme la CIJ a eu l'occasion de la
dire : « Entre Etats indépendants, le respect de la
souveraineté territoriale est une base essentielles de rapports
internationaux »43
Le droit international exige aussi le respect de
l'intégrité politique. Il n'est pas difficile de trouver de
nombreuses expressions d'une « opinio Juris » sur
l'existence du principe de non intervention en droit international
coutumier44.
Il convient, en outre, de noter dans ce méme ordre
d'idées que la «notion de l'exclusivité des
compétences de l'Etat a pour conséquence l'interdiction faite aux
autres Etats d'intervenir dans les matières qui relèvent du
domaine réservé de l'Etat. Toutefois, si le principe de
non-intervention ou de non ingérence, les deux expressions sont
synonymes renchérit NGUYEN, est indiscutablement consacré par le
droit positif, ses contours précis n'en sont pas moins incertains
»45
En revanche, dans un sens plus étroit, « la
non-intervention signifie, pour un sujet de droit, le respect du principe
interdisant de méconnaître l'intégrité territoriale
d'un autre Etat ou utilisant la force ou
43 Cfr.CIJ, Affaire du détroit de
Corfou, P.35
44 SALMON, J., op.cit, P.746
45 NGOYENQUOC DINH ; PELLET, A et DAILLER, P.,
Droit international Public, P.424
des « moyens assimilables ))46 Dans ce sens ;
« la non-intervention renvoie à une obligation fondée
non seulement sur le principe de non-ingérence, comme l'a dit NGUYEN
précédemment, mais aussi sur le principe de non-retour à
la force tel que posé par l'article 2§4 de la charte des Nations
Unies »47 Cet élément de contrainte,
constitutif de l'intervention prohibée et formant son essence
méme, est particulièrement évident dans le cas d'une
intervention utilisant la force, soit sous celle indirecte du soutien à
des actions armées subversives ou terroriste à l'intérieur
d'un autre Etat.
Par ailleurs, l'assemblée générale, ainsi
que plusieurs organisations ont accordé une grande importance à
la réaffirmation solennelle et générale du principe de non
intervention dans les affaires relevant de la compétence nationale des
Etats.
Il convient alors, pour une meilleure appréhension de
ce principe, d'en préciser le contenu.
S2. Contenu du principe
Si le principe de non intervention est solidement ancré
dans le droit positif, sa portée demeure incertaine aussi bien en ce qui
concerne l'objet que les modalités de l'intervention prohibée.
S'agissant de l'objet, notons que la tentative est permanente
pour les Etats de faire appel au principe de non-intervention de la
manière systématique au besoin, en lui donnant une portée
très vaste : « la manipulation )) diplomatique de la théorie
du domaine réservé favorise un retour à la conception
initiale du domaine réservé par nature et de sa définition
unilatérale et exclusive par chaque Etat48. Dans son
arrêt relatif aux activités militaires (Nicaragua contre Etats
unis) la CIJ, sans prétendre donner une définition
générale du principe de non-intervention, a cependant fourni
d'importantes précisions sur ses éléments constitutifs.
D'après les formulations générales acceptées, ce
principe interdit à tout Etat ou groupe
46 SALMON,J., op.cit, PMB
47 Cfr.CIJ, Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Arrêt du 17 juin
1986, Rec.1986, P.108,205
48 NGOYENQUOC DINH ; A. PELLET et P. DAILLER,
Op.cit, P.442
d'Etat d'intervenir directement ou indirectement dans les
affaires intérieures ou extérieures d'un autre Etat.
»49.
S'agissant des modalités de l'intervention
prohibée peut se justifier par le passage précité de
l'arrêt de 1986 de la CIJ (Affaire Nicaragua/USA) qui met en
évidence le caractère fondamental de l'intervention
prohibée « elle comporte un élément de
contrainte. Il en résulte en particulier que des simples critiques
verbales ou des offres de négociations n'entrent pas dans cette
catégorie. En revanche, s'il ne fait aucun doute que l'intervention
armée est interdite par le droit international contemporain, le seuil de
la contrainte tolérable, inhérente aux relations entre
entité inégale en fin, demeure indécis »50
Dans la même affaire, la cour a estimé que :
« l'appuis fourni par les USA, jusqu'à la fin septembre 1984,
aux activités militaires et paramilitaires au Nicaragua, sous forme de
soutier financier, d'entrainement, des fournitures d'armes, de renseignement et
de soutien logistique constitue une violation indubitable du principe de non
intervention »51.
La question se pose également de savoir si, méme
lorsque l'on se trouve en présence d'une intervention en principe
prohibe, celle-ci peut se trouver légitimée dans certaines
situations.
S3. Limitations au principe de non-intervention
A la question de savoir si des exceptions aux principes de
noningérence peuvent être envisagés ; la réponse
affirmative ne peut être apporté que de façon
extrêmement restrictive. Il convient d'y insister, étant
donnée la tendance naturelle des Etat à justifier leurs
interventions par différents arguments.
Interrogeant le droit international coutumier, la Cour
Internationale de Justice, dans l'affaire Nicaragua contre Etats-Unis, a
notamment conclu que : « le droit international contemporain ne
prévoit aucun droit général d'intervention de ce genre en
faveur de l'opposition existant dans
49 Idem, P.443
50 Cfr.CIJ, Activité militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
51 Cfr.CIJ, Activité militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci.
un autre Etat »52. Quant aux
interventions motivées par les caractères prétendument
illégitimes parce que non démocratique des autorités de
l'Etat sur le quel l'intervention a lieu, elles ne sont pas d'avantage
justifiable en droit.
En pratique, deux motifs ont été
traditionnellement avancés pour justifier l'intervention et
l'ingérence d'un Etat sur le territoire et dans les affaires
intérieures d'un autre Etat. L'une concerne ce que l'on appelle «
l'intervention sollicitée »53
SECTION III : DU RECOURS A LA FORCE DANS LES RELATIONS
INTERNATIONALES ET L'INGERENCE HUMANITAIRE
Pour la première fois dans l'histoire, le pacte de la
SDN a réduit le droits de Etats, jusque là entièrement
discrétionnaire, de recourir à la guerre pour régler leur
différends. Le jeu combiné des articles 12,13 et 15 du pacte
mettait sur pied un système compliqué dit de « moratoire
de guerre » qui, en cas de violations, pouvait être assorti de
sanctions économique ou militaire( Art 16) »54 Pour
l'essentiel, ce système consistant à rendre illicite les recours
à la guerre en cas des différends ne portait pas sur le «
domaine réservé des Etats » et pendant la durée de
son examen soit par la CPJI, soit par des arbitres soit encore le conseil de la
SDN le recours préalable à l'une de ce trois procédure
étant obligatoire.
Le célèbre pacte Briand-Kellogg du 26 août
1928 allait beaucoup plus loin dans la mesure où il mit la guerre «
hors la loi » internationale. Son article 1 disposait en effet que les
« hautes parties contractantes... (Condamnaient) le recours à
la guerre pour le règlement des différends internationaux, et y
(renonçaient) en tant qu'un instrument de politique nationale dans leurs
relations mutuelles »55. Ce pacte, méme s'il devait
connaître des violations flagrantes et nombreuse que l'on sait, allait
être accepté par tous les Etats et servir de base aux dispositions
de la charte de l'ONU en la matière.
52 REC.1986, P.109,§209
53 P.M. DUPUY, Op.cit, P;110
54 DOMINIQUE CARREAU, Droit international,
4e ed. Pedone, Paris, 1994, P.23
55 Ibidem
C'est dans cette optique que les partisans de la doctrine
« droit d'ingérence humanitaire » s'appuient sur une
interprétation de l'article2§4 de la charte de l'ONU, qui interdit
le recours à l'emploie de la force » soit contre
l'intégrité territoriale ou l'Independence politique de tout
Etat, soit de toute autre manière incompatible avec le but des Nations
Unies, pour soutenir que la règle de l'interdiction du recours à
la force ne pourrait pas concerner les interventions humanitaires.
D'après cette interprétation de l'article
2§4 de la charte, certains recours à la force sont permis. Si on
raisonne de cette façon, les recours qui ne sont pas dirigés
« contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance
politique d'un Etat » ou qui ne s'opèrent pas « de toute autre
manière incompatible avec le but de nation Unies », sont
autorisés56. Par conséquent, les actions armées
destinées à mettre fin à des violations de droits de la
personne seraient légitimes, puisque la protection de ces droits
constitue un des buts des Nations Unies.
Les auteurs favorables aux droits d'ingérence
humanitaire admettent sa mise en oeuvre moyennant le respect de certaines
conditions. En aucun cas ils n'assimilent le droit d'ingérence à
une compétence discrétionnaire d'intervenir militairement
dès qu'ils considèrent que les droits de la personne sont
menacés ou même violés dans un autre Etat.
Parmi les conditions évoquées par les auteurs de
la doctrine du droit d'ingérence humanitaire, figurent le critère
du but de l'action armée. Selon eux c'est le but humanitaire qui
légitime une intervention armée.
Charles Rousseau, dans son manuel de droit international
public, définit généralement l'intervention
d'humanité comme l'action exercée par un Etat contre un
gouvernement étranger « dans le but de faire cesser le traitement
contraires aux lois de l'humanité qu'il applique à ses propres
ressortissants »57.
56 M.BETTATI, « Un droit
d'ingérence ? » R.G.D.I.P, Tome 95, 1991/3, P.649
57 C. ROUSSEAU, Droit international public,
Paris, Sirey, 1980, tome IV, P.49
Dans le même esprit Perez-Vera considère que
« l'intervention humanitaire doit remplir la condition essentielle de
la poursuite exclusive de l'intérêt humanitaire par l'Etat qui
prétend en être le protecteur »58.
Antoine Rougier de son coté, subordonne la
licéité d'une intervention d'humanité à la
circonstance que l'Etat intervenant est relativement
désintéressé. Pour lui l'intervention d'humanité
est par définition désintéressée. Il
considérait que : « l'intervention cesse d'être
désintéressé lorsque l'intervenant a un
intérêt à dépasser les limités où
devraient se tenir son action »59.
Ces critères du but humanitaire de l'action
armée a été mentionné par tous les auteurs
favorables au droit d'ingérence humanitaire mais il est loin
d'être le seul à être mis en exergue.
Les auteurs de cette tendance doctrinale considèrent,
tout d'abord, que les droits de la personne doivent avoir été
gravement violés dans l'Etat visé par l'intervention
armée. Cette condition a déjà été
formulée par Arentz, un des créateurs du concept d'intervention
d'humanité. Arentz légitimait le Droit d'intervention
lorsqu'un gouvernement violait les droits de l'humanité par « des
excès d'injustice et de cruauté qui blessent profondément
nos moeurs et notre civilisation »60.
En 1934, Georges Scelle estimait à propos des
interventions de l'humanité dans l'empire Turc, que la
légitimité de ces actions s'explique par la
nécessité de maintenir l'ordre public international, face
à l'explosion de fanatisme religieux »61
Ainsi, étaient légitimes à cette
époque les interventions contre tout gouvernement qui viole le droit de
l'humanité par des excès d'injustice et de cruauté envers
certaines catégories de sujets au mépris de la loi de la
civilisation. Sur cette base se fonde l'intervention de la France, mandataire
de puissance, en 1860, en Syrie, pour sauver les minorités
massacrées. Georges Scelle va plus loin et n'hésite pas
à reconnaître la légitimité d'intervention
armées entreprises par le gouvernement pour assurer le respect
58 E. PEREZ-VERA, E., « La protection
d'humanité en droit international », R.B.D.I, 1969, p.417
59 A. ROUGIER, « La théorie de
l'intervention d'humanité », R.G.D.I.P., 1910, pp 502-503
60 G. ROLIN-JACQUEMYNS, Note sur la théorie
du droit d'intervention », R.D.I.L.C., 1986, P.675
61 G. SCELLE, Précis du droit des
gens, vol 2, Sirey, Paris, 1934, p50
d'un certains nombres de règles fondamentales du
droit international commun, comme le respect de la personne humaine, de sa vie
de ses libertés, de sa propriété.62.
Cette condition de violation grave des droits de la personne a
été reprise par l'ensemble des tenants du droit
d'ingérence humanitaire. Par exemple, Perez-Vera parle de crime
spécialement révoltant, d'une Cruauté extrême, et
que la complicité gouvernementale laisse impunis, ou encore des
massacres à blaiser la conscience de l'humanité.
D'autres critères ont encore été
mentionnés par la doctrine, ou par certains, voie un seul de ses
représentants. Rougier par exemple, a prétendu que l'Etat auteur
de l'intervention d'humanité ne pouvait agir que conjointement avec
d'autre Etats. Arntz et Rolin-Jacquemyns vont plus loin dans leurs
raisonnements et admettent l'intervention seulement si elle est exercée
par une organisation internationale. A l'opposé, d'autres auteurs
justifient un droit d'ingérence armée humanitaire à tout
Etat, qu'il agisse individuellement ou collectivement. A ce propos, Bernard
Kouchner prend une position contradictoire puis qu'il affirme, d'une part,
de manière générale que l'ingérence ne peut se
mener au nom d'un Etat, mais doit être collective et, d'autre part, il
qualifie de licites63 des opérations militaires
menées de manière unilatérale sans le consentement du
Conseil de sécurité telle l'opération « provide
confort » qui s'est déroule en avril 1991 dans le Kurdistan
Iraquien.
Teson considère qu'une condition essentielle d'une
intervention humanitaire est que les victimes de violations de droits de la
personne demandent et acceptent l'invasion
étrangère64. En fin, Verwey insiste de
manière générale sur les conditions de
nécessité et proportionnalité.
Sur le plan de la définition du droit
d'ingérence humanitaire et sans s'interroger sur le fondement de la
doctrine, on peut émettre certaines réserves. D'une
manière générale on pourrait dire que son contenu reste
imprécis. Le droit humanitaire consiste à légitimer une
intervention armée
62 G. SCELLE, Droit International Public, Ed.
Domat Montchrestien, paris, 1994, p.622
63 B. KOUCHNER, Le malheur des autres, Paris,
Editions Odile Jacob, 1991, p.291
64 F.R.TESON Humanitarian intervention: An inquiry
into low and morality, Dobbs ferry/New York,Transnational Publishers,
1988, pp 119-120
afin d'aider une population qui a besoin d'être secouru,
même si le pays « hôte » devait s'y opposer. Le concept
de droit d'ingérence humanitaire a tenté d'encourager et
justifier le recours à la force internationale prévue dans le
cadre des Nations Unies pour protéger les populations menacées
à l'intérieure de leurs propres frontières. Les Etats ont
depuis de siècle tentés de justifier leurs interventions
armées dans les affaires intérieures des autres Etats par des
motifs tels que la défense de droit de l'homme, la défense de
minorité, celle de leurs ressortissants expatriés ou d'autres
motifs d'humanité.
On voit ainsi, que le contenu de cette tendance doctrinale et
non seulement imprécis mais il laisse surtout, la porte ouverte à
tous les abus. C'est évidement quant à la condition, essentielle
pour cette tendance doctrinale du but humanitaire de l'intervention
effectuée.
On voit mal comment un Eta s'engagerait à une action
militaire avec tous les risques que cette action comporterait (perte
potentielle en homme et en matériel), dans un but
désintéressé. Pour tant certains auteurs comme Perez-Vera
et Rougier parlent de l'exigence de la poursuite exclusive de
l'intérêt strictement humanitaire.
D'autres auteurs prennent conscience que les Etats qui
interviennent en poursuivant parallèlement d'autres objectifs que la
protection des droits de la personne tentent d'élaborer une certaine
hiérarchie et certains critères permettant de dégager un
motif humanitaire prédominant.
Teson a été le premier a élaboré
une hiérarchie afin de dégager un motif humanitaire
prédominant. Pour Teson, une intervention militaire doit être
entreprise dans un but vraiment humanitaire pour être
justifiée. Il reconnaît que le problème est de
formuler certains standards pour mesurer les motifs humanitaires de
l'intervention armée. Premièrement, il estime que l'Etat
intervenant doit limiter son action armée à ce qu'il arrête
la violation des droits de la personne par le gouvernement. En suite, il
souligne que même s'il existe conjointement des motifs non humanitaires,
ceux-ci ne doivent en aucun cas réduire l'objectif principal de
l'intervention qui est d'arrêter la violation des droits de la personne.
En fin, Teson conclue que toute intervention militaire
doit être inspirée par des motifs purement
humanitaires afin de protéger les droits de la
personne65.
Le même auteur se pose aussi une série de
questions afin de déterminé le plus objectivement possible si le
but humanitaire de l'intervention armée en question est vraiment
prépondérant. Il propose de se poser la question de savoir si
l'Etat intervenant a pour but de dominé l'Etat visé ou il agit
pour des raisons vraiment humanitaire.
Il parait, alors, évident que c'est extrêmement
difficile de mettre en oeuvre une « réelle » intervention
humanitaire dans un cas concret. Les questions qui se posent sont multiples. En
particulier, comment peut-on déterminer si l'Etat intervenant cherche
à dominer l'Etat visé ? A quel moment faut-il se placer pour
évaluer la restauration effective des droits de la personne ? Ce n'est
pas vraiment facile de répondre à ces questions et par
conséquent de définir avec précision les critères
du but humanitaire de l'intervention humanitaire.
Le critère de l'importance de violations des droits de
la personne, qui est évoqué unanimement par la doctrine favorable
au droit d'ingérence humanitaire, pose exactement le même genre de
problèmes. En effet, comment peut-on appréhender un crime
spécialement révoltant et qu'est-ce qu'un acte de nature à
violer les lois de l'humanité ? On peut se demander s'il ne s'agit pas
des considérations proches du droit naturel qui peuvent nous amener
à une situation particulièrement dangereuse d'autant plus que
certains auteurs admettent une intervention militaire dés qu'il existe
un danger imminent sans qu'aucune violation n'ait été
constatée.
On a déjà vu que dans la quasi-totalité
des interventions militaires opérées, les considérations
humanitaires étaient loin d'être les seules à les motiver.
Par ailleurs, il faut signaler que les pires violations des droits de la
personne ont laissé ce qui s'en prétendait les défenseurs
sans aucune réaction. D'autre part, il ne faut pas oublier que les
interventions dites « d'humanité » ont souvent causé
plus des victimes qu'ils n'étaient pas censées en
éviter.
65 F.R. TESON, Op.cit., P.15
On comprend alors que ces considérations
démontrent que l'appréciation de l'importance de la violation des
droits de la personne est essentiellement fondée sur des critères
de légitimité qui varie selon les membres de la communauté
internationale.
Si on examine, maintenant les autres facteurs destinés
à démontrer les caractères humanitaires d'une intervention
humanitaire, on va réaliser que ceux-ci donnent lieu à des
controverses. Teson posait comme condition essentielle de la
légitimité d'une intervention armée, la volonté de
la population opprimée de l'Etat visé. Mais, comment et
à partir de quand peuton dire que cette population souhaite l'invasion
étrangère. Ainsi, ce serait à la puissance intervenante
elle-méme d'apprécier et de déterminer la volonté
d'une population.
En réalité, l'établissement des
conditions pour la mise en oeuvre du droit d'ingérence humanitaire,
ainsi que leur appréciation par la doctrine, qui y est favorable, semble
poser un grand dilemme. En effet, on réalise que soit les conditions
sont très souples et on laisse la porte ouverte à des abus, soit
elles sont strictes et aucune situation pratique ne pourra être
recouverte.
D'une part, certains auteurs considèrent qu'il s'agit
de conditions strictes. C'est ainsi que Verwey, après avoir
examiné des cas particuliers le plus divers conclut qu'aucun d'entre eux
ne répond aux conditions de l'intervention humanitaire, et ce
principalement à cause du manque de désintéressement de
l'Etat intervenant66.
D'autre part, d'autres auteurs estiment que les conditions de
légitimité de l'ingérence humanitaire sont très
souples. Teson, par exemple, considère que l'invasion armée
de la Grenade par les Etats Unis en 1983 est justifiée par les
considérations humanitaires. Teson va encore plus loin dans son
raisonnement, et dit que les critères de la violation massive des
droits de la personne serait rempli non seulement en cas de violations
effectives, mais aussi dans l'hypothèse de l'imminence d'une
violation.
Si on prend comme exemple les invasions dites
d'humanité effectuées au cours des dernières
décennies67, on se rend compte que la mise en oeuvre des
conditions évoquées par la doctrine favorable au droit
d'ingérence humanitaire laisse tant de place à des jugements de
valeurs qu'elle suscitera des abus.
En conclusion, on pourrait se référer à
l'article d'Antoine Rougier « la théorie de l'intervention de
l'humanité »68, qui au début du
siècle parle du danger qui pourrait présenter la
génération de l'ingérence humanitaire. Dans son
étude, Rougier parle de l'impossibilité pratique de
séparer les mobiles humains de l'intervention des mobiles politiques. Il
estime qu'à partir du moment où les Etats intervenants sont les
seuls à juger l'opportunité de leur action, ils vont le faire en
fonction de leurs intérêt.
Il continue en disant que tous les jours dans tous les
coins de la planète se commettent des actes de barbarie, mais qu'aucun
Etat ne songe à faire cesser parce que tout simplement aucun Etat n'a
intérêt de les faire cesser. Chaque fois qu'une puissance
intervient dans un Etat au nom de l'humanité, elle le fait pour
l'englober dans sa sphère d'influence politique et en définitive
pour le dominer.
Tout au long de cette section, on a eu l'occasion de voir que
les auteurs favorables au droit d'ingérence humanitaire assortissent sa
mise en oeuvre de certaines conditions. Aucun d'entre eux ne considère
ce droit d'intervention armée humanitaire comme une compétence
discrétionnaire dés qu'il y a des violations des droits de la
personne sur le territoire d'un autre Etat. On a vu aussi que malgré
tout le contenu et la définition de ce droit restent imprécis et
peuvent s'avérer extrémement dangereux.
Mais, les dangers engendrés par la définition
d'une norme n'entraine pas en soit l'absence de validité de cette
dernière. On va essayer alors, dans le deuxième chapitre de faire
une analyse critique de l'intervention de l'OTAN en Libye.
67 On peut évoquer les intervention
armées du Vietnam au Cambodge, de la France en République
Centrafricaine, des Etats-Unis à la Grenade, au Nicaragua ou à
Panama qui ont toutes été motivées officiellement pour des
raisons humanitaires et aujourd'hui le cas de la Libye.
68 A.ROUGIER, La théorie de l'intervention
d'humanité, R.G.D.I.P., 1910, pp 468-526
CHAPITRE II : ANALYSE CRITIQUE DE L'INTERVENTION
DE L'OTAN EN LIBYE
L'action humanitaire, dont le droit à l'assistance est
reconnu et consacré par le droit international humanitaire, tire ses
fondements juridiques des conventions de Genève de 1949 et de leurs
protocoles additionnels de 1977.
Elle est cette forme de coopération qui appel à
la nécessité de venir en aide aux victimes des conflits
armés et des catastrophes naturelles et industrielles. Visant à
soulager partout la misère et la souffrance des hommes, elle met en
avant l'homme en tant que sujet, heurtant ainsi de font le sacro-saint principe
de souveraineté et de non-ingérence qui régit les
relations entre les Etats et que proclament encore le droit international, les
résolutions de l'Assemblée Générale des Nations
Unies et du Conseil de sécurité. Mais que faire pour aider les
hommes qui sont massacrés par leur propre gouvernement ? Voilà la
question qui pousse l'action humanitaire vers l'ingérence
c'est-à-dire vers une nouvelle conception de la souveraineté des
Etats. Celle-ci doit s'assouplir et se remodeler quand la souffrance
humanitaire lance un cri d'appel.
Mais aujourd'hui, force est de constater que ce grand
élan d'amour, de générosité et de
solidarité, issu de la grandeur du coeur des hommes s'est perverti et
transporte désormais avec elle des arrière-pensées, des
non-dits, des égoïsmes, bref des motivations inavouées et
inavouables. Cela s'est traduit par la Kyrielle de mots et de combinaisons
qu'exprime aujourd'hui l'ingérence humanitaire et qui cachent mal ses
motivations profondes. D'une part, nous avons les mots droit, devoir,
obligation et, d'autre part, assistance, intervention, ingérence qui
peuvent se combiner en un florilège d'expressions auxquelles il faut
adjoindre le qualificatif humanitaire ; droit d'assistance, d'intervention ou
d'ingérence humanitaire, devoir d'assistance, d'intervention, ou
d'ingérence humanitaire, etc.
Dans ce chapitre, nous allons analyser les fondements de
l'intervention (SECTION I), mais aussi les exceptions au principe de non
intervention (SECTION II).
SECTION I. ANALYSE DES FONDEMENTS
Dans cette section, il sera question de faire l'analyse du
fondement doctrinal (I), et l'absence d'un fondement juridique incontestable
(II). Mais avant d'en arriver voyons d'abord le fondement doctrinal.
§1. Le fondement doctrinal
Par fondement doctrinal nous entendons la morale
internationale et la solidarité humaine (A) mais aussi
l'idéologie des droits de l'homme (B).
A. La morale internationale et la solidarité
humaine.
Les partisans de la doctrine du droit d'ingérence
basent leur argumentation juridique sur l'examen de la pratique contemporaine
des interventions armées. Depuis la deuxième guerre mondiale, on
assisté à une riche pratique d'interventions armées.
Mais, le fait de constater une telle pratique ne peut
démontrer que le principe de non recours à la force soit
assoupli. En elle-même, cette pratique ne suffit pas pour établir
une coutume. C'est dans ce sens que la CIJ, dans l'affaire des «
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci, considère que pour déduire
l'existence d'une règle coutumière, iiest suffisant
que les Etats y conforment leur conduite de manière
générale.
Pour la Cour alors, la pratique ne peut être prise
en compte que si elle illustre un accord entre les Etats, qui constitueraient
une opinio juris démontrant l'existence d'une règle
coutumière.
Mais, la doctrine favorable au droit d'ingérence
armée unilatérale évoque des cas particuliers
d'interventions armées afin d'appuyer son argumentation. Le
problème qui se pose est d'examiner les précédents
évoqués tout en essayant d'isoler les considérations
politiques des véritables positions juridiques. Ceci est beaucoup moins
évident lorsque les Etats intervenants se réfugient
derrière des motifs d'ordre humanitaire pour justifier une intervention
armée unilatéral.
Un des précédents, évoqués par la
doctrine favorable au droit d'ingérence armée humanitaire et
qu'on va voir, est l'intervention de la
Tanzanie en Ouganda en 1979. En fait, au mois de janvier 1979,
les troupes tanzaniennes pénètrent sur le territoire Ougandais.
Le président Nyerere déclare que le gouvernement d'Amin Dada est
un gouvernement des « voyou » et que le peuple Ougandais dispose bien
du droit de le renverser. Quelques mois plus tard, un nouveau gouvernement est
formé, (après coopération des troupes tanzaniennes avec
les rebelles ougandais), et déclare qu'il va défendre les droits
de la personne.
Pour les auteurs favorables au droit d'ingérence
humanitaire, l'intervention en question vient appuyer la doctrine de
l'intervention d'humanité puisque la motivation des Etats intervenant
était de lutter contre un régime tyrannique qui violait les
droits humains. C'est ainsi, que Teson prétend qu'il s'agit, ici du
précédent le plus claire en faveur du droit d'intervention
armée unilatérale pour des motifs humanitaires69.
Mais, cette intervention dans le cadre de la Tanzanie en Ouganda est loin
d'être justifiée par des considérations humanitaires. D'une
part, le président tanzanien quand les troupes de son pays
pénétraient le territoire ougandais il invoquait
déjà, la légitime défense. Il ne faut pas oublier
quelque semaine avant l'intervention tanzanienne, les troupes ougandaises
avaient pénétré et occupé une partie du territoire
tanzanien. La Tanzanie avait protesté officiellement et avait
déclaré qu'elle ailler riposter (chose qui est faite quelques
semaine plus tard). On voit alors, que le précédent invoque par
la doctrine entre dans la considération humanitaires. C'est ainsi, que
le gouvernement tanzanien a été soutenu de plusieurs Etats.
Un autre précédent, évoqué par la
doctrine, est l'intervention indienne au Bengladesh qui conduit, en 1971, cet
Etat à l'indépendance. Cette action a été
présentée comme une intervention destinée à mettre
fin aux massacres de la population Bengali par les forces pakistanaises.
Là encore, la justification officielle par l'Inde était la
légitime défense, puisque, selon New Delhi, le Pakistan avait
auparavant bombardé des villages sur le territoire indien. Les
considérations humanitaires en l'espèce n'avaient servi
69 (F.R)TESON, Humanitarian intervention : au
inquiry into law and morality, Dobbs ferry (New York), Transnationale
Publishers, 1988, pp.167-168
que pour convaincre politiquement les autres Etats et non
comme fondement juridique.
On pourrait encore évoquer, comme exemple,
l'intervention des Etats-Unis à la Grenade en 1983. En l'espèce,
les représentants américains ont mis l'accent sur les motivations
humanitaires. Cependant, les Etats-Unis ont basé leur défense sur
d'autres arguments sans rapport avec la notion d'intervention humanitaire.
Selon les américains, l'intervention était justifiée par
l'appel du gouverneur général de la Grenade, en donnant une
autorisation à l'organisation régionale des caraïbes et pour
la protection des ressortissants américains établis sur
l'île. Il faut enfin, souligner que cette intervention a fait l'objet
d'une large condamnation internationale et elle a été
condamnée en 1983, par la résolution 38/7 de l'Assemblée
générale.
Par contre, la guerre de Libye a lourdement malmené le
droit humanitaire. La « protection des populations civiles » est
demeurée une notion abstraite au détriment des Libyens
transformés en victimes des bombardements, du racisme et de la
xénophobie, en miliciens armés par l'étranger ou par
l'Etat, en personnes déplacées fuyant les lieux de combat. Un
phénomène de fuite hors du territoire Libyen de centaines de
milliers de travailleurs étrangers, dans les pires conditions de
précarité, s'est ajouté dans une quasi indifférence
des Etats occidentaux et dans l'impuissances des Etats voisins.70
Les opérations de l'OTAN dont la force de frappe a
été constituée par l'armée française, son
aviation et ses services spéciaux, n'ont rien respecté le droit
humanitaire, quelques que soient les réactions de vertu outragé
d'un Juppé lorsqu'on « ose » lui signaler les victimes civiles
libyennes des bombardements de l'OTAN71.
Le rapport Libye : un avenir incertain. Compte rendu de
mission d'évaluation auprès des belligérants libyens
(paris, mai 2011) établi par une
70 R.CHARVIN, L'intervention en Libye et la
violation de la légalité internationale : un retour à la
pseudo « morale internationale » du XIXe siècle,
Décembre, 2011, p.5-6
71 Le professeur Gérand de la pradelle
dénonce le comportement de certains juristes Occidentaux qu'expliquent
aux Etats major des armées et parfois aux officiers engagés sur
le terrain comment contourner les « obstacles » dressés par le
droit humanitaire qui contrarie les pratiques militaires « efficaces
». Cf. « Des faiblesses du droit humanitaire. Etats puissants et
mouvements de résistance, sous la dir.D.Lagot, l'Harmattan, 2010, p33 et
S.
délégation d'experts (dont Y.Bounet), sur lequel
les médias ont fait silence quasi absolu, a constaté que la
révolution libyenne n'est pas une révolte pacifique, que les ((
civils », dès le 17 février, étaient armés et
qu'ils ont attaqué les bâtiments civils et militaires de Benghazi
: il n' y a pas eu en Libye de grandes manifestations populaires pacifiques
réprimées par la force.
En tant que juriste, la première observation qui
s'impose est le silence assourdissant des internationalistes, de la même
nature que celui qui a pour le moins hypothèque la scientificité
de leurs jugements pour l'Irak, le Kosovo72, l'Afghanistan ou la
Côte d'Ivoire, par exmeple. La doctrine dominante chez les
internationalistes demeure (( impassible )) : les manuels les plus
récents ne témoignent d'aucune inquiétude, bien qu'ils
évitent d'illustrer leurs propos académiques d'exemples non
exemplaires.
Pour nombreux d'entre eux, les doctes professeurs de droit
international, se sont fait ultra-cicéroniens : (( Summum jus, summa
injuria )). Pour Cicéron, en effet, un (( excès )) de droit
amène les pires injustices. Alignés derrière le personnel
politique majoritaire en Occident, les juristes considèrent que le droit
international lorsqu'il limite par trop le (( messianisme )), y compris
guerrier, des Etats-Unis, de la France, de la Grande Bretagne, devient
destructeur des valeurs civilisatrices dont il est porteur. L'idéologie,
qu'ils récusent formellement pour eux-mêmes, est
omniprésente dans leurs analyses : (( la légitimité ))
prend le pas sur la (( légalité )), ce qui, pour les juristes,
peut surprenant73.
En réalité, ils admettent implicitement que les
Etats occidentaux s'autorégulent dans l'intérêt du bien
commun. Il ne s'agit pas d'un mépris de la légalité chez
ceux qui se réclament hautement de (( l'Etat de droit )) : pour ces
juristes, les puissances occidentales se situent (( au-dessus » d'un ((
juridisme inadapté )) au nom de la (( mission » supérieure
qu'ils se doivent d'accomplir soins entraves. Etant donné l'inconvenance
qu'il y a à mettre en cause la politique étrangère des
Etats-Unis et leur conception anti-
72 Le professeur Guilhaudis, par exemple, dans son
manuel de relations internationales contemporaines, Litec.2002, ose intituler
un paragraphe « l'interminable éclatement violent de la
Yougoslavie, malgré l'ONU et l'OTAN, p.730
73 R.CHARVIN, op.cit, p.7
multilatéraliste, on ne saurait faire non plus le
procès des autorités françaises lorsqu'elles justifient
(depuis le « Bettato-Kouchnérisme » qui a fait florès)
leurs ingérences au détriment de la souveraineté des
petits et moyens Etats au nom des droits humains.
Le président Sarkozy a poussé très loin
le « Bettatisme », en 2010-2011, lorsqu'il a étendu le champ
de l'ingérence au contentieux électoral : la France s'est
méme faite, aux côtes des Etats Unis et de l'ONU, juge
constitutionnel en lieu et place de l'instance ivoirienne compétente
pour user en définitive de la force armée afin de changer le
régime d'Abidjan, y compris au prit d'une tentative d'assassinat du
président Laurent Gbagbo74.
La crise libyenne est allée encore au-delà :
elle a permis de consacrer la notion de « révolution
démocratique » parmi les causes légitimant la mise à
l'écart de la légalité internationale. Les juristes
rétablissent ainsi la vieille conception qui distinguait jusqu'au milieu
du XXe siècle (voir les démonstrations du professeur
Le Fur, par exemple, dans les années 1930-1940) les sujets relevant du
droit international et ceux inéligibles à ce méme droit,
créant ainsi les conditions d'une nouvelle hégémonie
impériale Occidentale.
Néanmoins, la distance pouvant séparer la
pensée juridique dominante et les positions politico-médiatique
officielles tendant à disparaître, le droit international des
manuels et des revues académiques demeurent un long fleuve tranquille,
à l'image des pages de Wikipédia qui lui sont
consacrées75.
Les éminents auteurs se consacrent aux problèmes
techniques de l'Union Européenne, « planète » plus
politiquement sérieuse, tandis que d'autres, tout aussi éminents,
notent « la résistance des souverainetés devant les
progrès du droit international ».
A l'occasion d'événements récents, et
surtout à partir du moment où les troupes occidentales
interviennent en Afrique, certains
74 Une procédure a d'ailleurs
été ouverte en France contre l'armée Française pour
« tentative de meurtre de L. Gbagbo ~. L'arrestation du président
ivoirien s'est en effet produite par la collaboration des forces
françaises et ivoiriennes, après un intense bombardement par la
force de la Licorne de la résidence de Laurent Gbagbo.
75 Cf. R.CHARVIN, De la prudence doctrinale face aux
nouveaux rapports internationaux, in Mélanges Touscoz, France Europe
Editions, 2007, p.18.
auteurs commencent à parler de la remise en cause de la
prohibition de l'intervention humanitaire. Ainsi, Bernard Kouchner
affirmait que le droit d'ingérence, comme un retour de morale, a
trouvé chez les Kurdes du Nord de l'Irak sa première application
officielle76.
On ne peut en aucun cas prétendre qu'il serait licite
pour un Etat de massacrer sa propre population sous le prétexte que tout
ce qui se passe à l'intérieur des frontières relève
des ses affaires intérieurs.
De nombreux juristes ont fortement critiqué la
conception du droit international traditionnel que véhiculent les
auteurs favorable au droit d'ingérence. La totalité des Etats ont
formellement reconnu qu'ils devaient respecter des droits fondamentaux comme le
droit à la vie, le respect de l'intégrité physique ou
l'interdiction du génocide, à l'égard de leurs propres
ressortissants et donc sur leur propre territoire. C'est « souverainement
» qu'ils ont décidé de s'engager, et c'est dès lors
« souverainement » qu'ils doivent respecter leurs obligations.
En cas de violation massive, on peut mettre en oeuvre des
rétorsions ou des représailles sur les plans politique,
diplomatique, économique ou financier. Par exemple, un embargo est
envisageable, même en dehors d'une intervention de l'ONU, à
l'égard d'un Etat ou d'un groupe contrevenant aux droits les plus
élémentaires de la population.
B. L'Idéologie des droits humains
Il s'agit là d'une préoccupation relativement
ancienne du droit international coutumier. C'est ainsi qu'il était jadis
admis que les interventions dites « d'humanités étaient
justifiées en cas de violation des lois humaines la plus
élémentaire où des catégories d'individus, voire
des populations entières, voyaient leur existence menacée dans un
pays détermine. C'est ainsi par exemple qu'en 1860 la France intervient
militairement au Liban pour protéger les chrétiens maronites.
C'est ainsi encore qu'en 1964 la Belgique devait monter une opération
militaire à Stanley ville quatre ans après l'accession à
l'indépendance de son ex-colonie
76 (B) KOUCHNER, Le malheur des autres,
Paris, Editions Odile Jacob, 1991, pp 229-230.
du Congo afin de protéger la vie gravement
menacée de plusieurs milliers de ses ressortissants ))77.
Devant des situations de ce type, fut avancé par
certains et à notre sens imprudemment qu'il existerait un droit, voire
un devoir d'ingérence légitimant les recours à la force
pour faire cesser ces violations des droits de l'homme.
Toutefois, force est de reconnaître que la pratique
récente des Nations Unies au cours des dernières années
s'oriente dans cette direction, sans peut être en percevoir tous les
dangers. C'est ainsi tout d'abord que le Conseil de sécurité
devrait mettre sur pied une opération militaire quasiuniverselle pour
empêcher la répression dont étaient victimes les
populations Kurdes en Irak (voir la Résolution 688 du 5 avril 1991 dont
la « portée novatrice )) devrait être analysé par le
ministre français des affaires étrangères de
l'époque comme préfigurant « le droit d'intervention
humanitaire en cas de violations massives des droits de l'homme ».
Par la suite, le Conseil de sécurité devait en
effet autoriser tous les Etats membres acceptant de coopérer à
utiliser « tous les moyens nécessaires » pour assurer
les moyens de secours humanitaire, tout abord en Bosine Herzegovine (voir la
Résolution 770 du 13 août 1992) puis en Somalie (voir
Résolution 794 du 3 Décembre 1992).
Ces développements récents laissent ainsi
entrevoir la généralisation de la pratique des interventions
humanitaires multilatérales.
Si on laisse de côté ces types de protection
marginaux et très exceptionnels des droits de l'homme, celle-ci est
maintenant organisée, sans doute inégalement, à deux
niveaux, universel et régional78. Pourtant, le fondement
juridique de l'intervention humanitaire reste incertain.
En conclusion, on peut dire que chaque fois que les Etats
étaient amenés à se prononcer sur le principe de non
recours à la force armée consacré par l'article 2 § 4
de la charte de l'ONU, ils ont affirmé que cette disposition interdit de
manière général l'emploi de la force dans les relations
internationales.
77 D. CARREAU, Droit international,
4e éd. Pedons, Paris, 1994, p.386.
78 J. BALLOVA, Droit, de l'homme et organisations
internationales, Paris, Montchrestien, 1984, p243.
§2. Absence de fondement juridique incontestable
Dans ce paragraphe, nous allons passer en revue, le contenu de
l'article 2 § 4 de la charte des Nations Unies (A) et les
résolutions de l'Assemblée Générale et du Conseil
de sécurité des Nations Unies (B).
A. Analyse de l'Article 2§4
L'article 2§4 de la charte des Nations Unies
prévoit que : « Les membres de l'organisation s'abstiennent
dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou
à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité
territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute
autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies
»79.
C'est incontestable que cette disposition n'interdit pas
explicitement tout recours à la force dans les relations
internationales. Selon l'article 2§4, l'emploi de la force n'est pas
interdit mais seulement lorsqu'il est dirigé contre
l'intégrité territoriale, l'indépendance politique de
l'Etat visé ou lorsqu'il est incompatible avec les buts des Nations
Unies. Ce sont ces trois conditions qu'on va examiner successivement.
Si les critères relatifs à la définition
du droit d'ingérence, qu'on a mentionnés auparavant, sont remplis
on pourrait dire qu'une intervention humanitaire est permise dans la mesure
où elle n'est porte pas atteinte à l'intégrité
territoriale d'un Etat, avec le consentement de ce dernier, ne s'opère
contre son intégrité territoriale. D'un autre côté,
des actions armées transfrontalières sans acquisition de
territoire ont souvent été qualifiées de violations de la
souveraineté territoriale. Tel a été le cas dans l'affaire
des « Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci 80, où la C.I.J a parlé
uniquement des violations des espaces aérien et maritime
nicaraguayens.
Encore moins évident est de savoir si une
ingérence humanitaire est dirigée contre l'indépendance
politique de l'Etat libyen. D'une part, certains auteurs estiment que tel ne
peut pas être le cas puisque l'action n'a pas pour but une forme de
domination.
79 L'ONU, le système institutionnel, documents
d'études, N°3.02, la documentation française, Paris, 2001,
p.3.
80 C.I.J, A.C. 27 juin 1986, affaire des
activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci, Réc. 1986, p.14
D'autre part, on ne peut pas ignorer que le but de
l'intervention est de régler un problème, essentiellement, de
politique interne, de protéger une partie de la population contre une
autre. En effet, l'intervention s'opère contre le gouvernement de l'Etat
visé afin de restreindre ses pouvoirs et si nécessaire de le
renverser. Par conséquent, l'intervention armée vise bien le
pouvoir politique de l'Etat envahi et ce serait difficile de prétendre
que l'indépendance politique de l'Etat visé n'est pas
atteinte.
L'interprétation de la dernière phrase de
l'article 2§4 de la charte, qui interdit tout recours à la force
qui s'opérait, dans les relations internationales, de toute
manière incompatible avec les buts des Nations, pose également de
nombreux problèmes.
L'intervention de l'OTAN en Libye a mis en épreuve les
fondements même du système juridique international. Elle a
soulevé de nombreuses questions juridiques quant à sa
légalité au regard du droit international existant. Il s'agit
d'une opération armée d'une organisation (alliance de
défense), bien sür avec l'autorisation du conseil de
sécurité de l'ONU, mais dans un Etat souverain.
De cette intervention, deux enjeux viennent à l'ordre
du jour, la souveraineté de l'Etat qui est la cible d'une intervention,
et les droits de tiers qui ne participent pas au combat mais qui en sont les
victimes.
En parlant de la légalité de l'intervention,
l'article 4 de la Résolution 1973 autorise aux Etats qui auront
notifié le secrétaire général à «
prendre toutes mesures nécessaires » pour protéger la
population civile en Libye. Cela n'exclut pas des attaques qui auraient comme
but le renversement de Kadhafi si celles-ci étaient aussi
destinées à protéger des civils. Mais le but
supplémentaire de renverser le régime ne devait pas être
poursuivi avec des moyens indépendants. Pourtant, ceci a bien eu lieu en
Libye dès le départ de l'opération. En outre, l'OTAN
à continué à bombarder des villes comme Syrte ou
Bani-Walid même après la chute de Tripoli. L'OTAN a soutenu les
rebelles avec pour conséquence que des milliers des civils ont
trouvé la mort. Ainsi, le but légalisé de protéger
la population civile a été sacrifié, sans ambages, au but
non légalisé de renverser le régime.
Pour témoignage, on peut voir les reportages sur Syrte
après le bombardement. Les journaux britanniques parlent de la ville
natale de Kadhafi bombardée en mille morceaux. Une habitante de la ville
est citée. « Ils nous bombardent, des femmes et des enfants
sont en train de mourrir ».
Le soutien accordé pendant des semaines à des
attaques pareilles a clairement outrepassé l'autorisation du recours
à la force. Ce soutien était donc contraire au droit
international positif. Ce qui nous intéresse davantage est la
possibilité pour le Conseil de sécurité d'autoriser de
telles interventions. La norme qui est souvent évoquée s'appelle
« la responsabilité à protéger »81.
Celle-ci n'est pas une norme obligatoire du droit international mais un
principe éthique en évolution progressive. En tant que telle,
elle établit un devoir positif d'assurer la sécurité et la
protection. De tels devoirs différents de devoirs négatifs, ou
interdictions, dans la mesure où ils ne sont pas définis en
termes de leur contenu. Ces devoirs peuvent être remplis de
différentes façons. Lesquelles de celles-ci seront
appropriées, autorisées ou nécessaires. Cela dépend
des circonstances particulières de chaque cas, des possibilités
factuelles de ceux auxquels incombe le devoir, ainsi que de leurs limites
juridiques.
Par conséquent, le principe d'une responsabilité
à protéger « peut résoudre la question de la
légalité de la guerre seulement par référence aux
circonstances particulières. Seul, il ne peut pas le faire. Ce n'est pas
principalement une question de droit international positif, mais plutôt
une question de principes juridiques fondamentaux.
Voici le point de départ : les solutions violentes et
juridiques à des conflits sont mutuellement exclusives. C'est la raison
pour laquelle tout droit commence avec une interdiction fondamentale du recours
à la force.
Bien évident, il y aura des exceptions à cette
interdiction de principe. Mais ces exceptions doivent être juridiques,
elles aussi. Elles doivent elles-mêmes contribué à garantir
le principe fondamental de tout droit, celui de l'interdiction de la violence.
Ces exceptions ne peuvent donc remplir cette fonction si elles sont des
autorisations illimitées de recours à la
81 P.MICHELETTI, Vingt ans de guerre juste,
éd Presses universitaires de Grenoble, Paris, 2011, p.2
force ; elles ne peuvent le faire que si elles sont
définies avec exactitude afin d'empêcher la force illégale
des tiers.
Pour l'Etat comme garant de l'égalité des droits
de tous, ces mesures coercitives doivent naturellement être
variées. Mais pour les sujets de droit, qui sont, eux, sur le
méme pied d'égalité, elles existent exclusivement comme
des mesures d'urgence.
Le droit international est constitué des traités
et pratiques entre les Etats comme sujet de droit sur un méme pied
d'égalité. Comme cela est le cas entre le sujet de droit à
l'intérieur d'un Etat (les individus) les autorisations de recours
à la force peuvent être fondées seulement comme des droits
exceptionnels. Un droit général à la guerre est
conceptuellement exclu : c'est une contradiction dans les termes.
Ces règles incombent aussi au Conseil de
sécurité des Nations Unies. Ce critère, qui pose des
limites et qui est conceptuellement bien fondé, est valable aussi, et de
façon impérative, quand il s'agit de savoir quelles limites le
Conseil de sécurité obligé de respecter quand il agit
selon l'article 42 de la charte de l'ONU. Il ne s'agit pas de connaître
la pratique du Conseil mais bien la norme : même si le Conseil de
sécurité baissait de façon permanente le niveau requis
pour l'autorisation du recours à la force entre sujets égaux, et
même si les Etats acceptaient une telle pratique au mieux, il existerait
d'après John Rawls, « Un modus vivendi, un équilibre stable
de puissances seulement provisoire ».
Le recours à la force pour les buts humanitaires dans
le cadre de la responsabilité à protéger a besoin de la
légalité dans deux perspectives fondamentales par rapport
à la souveraineté de l'Etat ciblé et par rapport aux
personnes menacées par la violence.
La souveraineté, c'est l'autodétermination.
C'est le droit de se constituer et de se défendre contre des attaques
extérieures. Comme droit d'autodéfense, la souveraineté
constitue l'existence légale d'un Etat. Elle est par conséquent,
une condition de son rapport juridique avec d'autres Etatscelle de leur
égalité comme sujets de droit.
Mais la souveraineté étatique, à la
différence de l'autonomie de l'individu, n'est pas une fin en soi. Elle
dérive de la légitimation de l'Etat par ses citoyens. Seul un
Etat qui est légitime, au moins pour la plupart, peut avec raison
affirmer sa souveraineté y compris contre d'autres Etats.
C'est dans ce contexte qu'il devient possible de
définir plus clairement la base matérielle d'une autorisation
à intervenir : le critère serait celui d'une violation massive du
droit international par un Etat agissant contre ses propres citoyens. Un Etat
qui commettrait de tels crimes contre sa propre population ne remplit plus la
tâche fondamentale qui seule puisse le légitimer comme un ordre
juridique contraignant. Il perd sa légitimité et ainsi sa
souveraineté, y compris vers l'extérieur. Des exemples sont
l'Allemagne nazie ou le Rwanda sous le régime des Hutus. Ces Etats ne
peuvent plus s'affirmer contre une intervention de la part d'autres Etats dont
le but est d'accorder l'aide en urgence. Des tels crimes représentent
bien une menace à la sécurité internationale car ils sont
une violation de la norme universelle qui légitime les Etats.
Ainsi, un Etat qui est illégitime selon le droit
international, les autres Etats n'ont plus aucun devoir de respecter sa
souveraineté. En revanche leurs devoirs juridiques et éthiques
à l'égard de la totalité de la population de cet Etat
restent inchangés, y compris à l'égard de ceux qui
s'opposent à l'intervention. Le recours à la force pour la
protection des uns doit trouver sa limite quelque part dans les coûts en
termes de vie et de souffrance des autres, surtout si ceux-ci ne participent
pas aux combats. Dans le droit de la guerre, d'ailleurs, il y a de nombreux
problèmes non résolus, surtout ceux de la justification des
« victimes collatérales ».
Pour conclure cette section, quelques remarques sur la
situation qui a existé en Libye avant l'intervention sont à
signaler. « La rapport onusien du groupe de personnalités de haut
niveau, intitulé [un monde plus sûr : notre affaire à
tous], et publié en 2004, a conclu que le recours à la force
militaire peut éventuellement être légitime si 1) la
gravité de la menace est réelle, 2) si le motif est
légitime, 3) en dernier ressort, 4) selon le
caractère proportionné des moyens et 5) selon la
mise en balance des conséquences, c'est-à-dire si l'action sera
plus bénéfique que l'inaction »82.
Si nous regardons la situation en Libye avant l'intervention,
il est évident que tout au plus le second critère a
été rempli, celui du motif légitime. Je crois par contre
que les autres critères ont été violés sans
exception. Nous étions bien loin d'un génocide ou de crime contre
l'humanité selon l'article 7 du statut de la cour pénale
internationale. « Il est opportun, en effet, de jeter un regard sur la
mise en balance des conséquences : selon les rebelles, 50.000 personnes
auraient trouvé la mort depuis le début du soulèvement
contre Kadhafi. Le secrétaire général de l'OTAN,
André Fogh Rasmussen, a déclaré que l'opération en
Libye était l'opération la mieux réussie de l'OTAN
»83. Je ne peux pas m'empêcher de croire que cette
affirmation relève du cynisme pur.
Ainsi, le temps est pour nous de voir les exceptions au principe
de non-intervention.
B. Les résolutions de l'Assemblée
Générale et du CSNU et la jurisprudence
Les auteurs favorables au droit de l'ingérence
humanitaire soulignent que l'un des buts des Nations Unies est la protection
des droits de la personne. Ces auteurs évoquent le paragraphe 2 du
préambule de la charte des Nations Unies qui prévoit : «
Nous, peuples des nations Unies, résolus~à proclamer à
nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la
dignité et la valeur de la personne humaine, dans
l'égalité des droits des hommes et des femmes, ainsi que des
nations, grandes et petites »84. C'est dans cet esprit que
Teson rappelle que l'emploi de la force dans un but humanitaire, non seulement
ne contredit pas le but des Nations Unies, mais bien au contraire il soutient
un de ses buts essentiels qui est la protection des droits de la personne. De
ce fait, il serait erroné de dire que l'intervention humanitaire est
prohibée par l'article 2§4 de la charte des Nations Unies.
82 Rapport de l'organisation des Nations Unies de
2004,
http://www.nato.int/docu/pr/2004/p99-040.htm.
83 R.CHARVIN, op.cit, pp 1-2
84 §8 du préambule de la charte des
Nations Unies, documents d'études, N°3.02, La documentation
française, Paris, 2001, p.3.
De l'autre côté, on peut opposer à ce
raisonnement des partisans du droit d'ingérence humanitaire, un autre
but de l'ONU qui est le maintien de la paix et de la sécurité
internationales, prévus dans les chapitres VI et VII de la charte.
Même le premier paragraphe du préambule de la charte va à
l'encontre de l'interprétation faite par la tendance doctrinale d'un
droit d'ingérence humanitaire. Plus précisément, le
premier paragraphe du préambule de la charte des Nations Unies
prévoit : « Nous, peuples des Nations Unis, Résolus
à préserver les générations futures du fléau
de la guerre qui, deux fois en l'espace d'une vie humaine, a infligé
à l'humanité d'indicibles souffrances ».
Enfin, Michel Virally remarque qu'une action militaire
même sielle vise à protéger les droits de la
personne, va incontestablement à l'encontre
de son but. Selon le même auteur toute politique de
force va à l'encontre des objectifs et des buts des Nations
Unies85.
A l'opposé, la doctrine favorable au droit
d'ingérence prétend que le but des Nations Unies de maintenir la
paix peut être soit enfreint, soit satisfait. En d'autres termes, il
existerait une sorte de hiérarchie entre les différents buts des
Nations Unies et par conséquent, une intervention militaire visant
à protéger les droits de la personne ne serait pas contraire au
but de l'ONU de maintenir la paix.
Si on procède, maintenant, à la lecture du
corollaire de l'interdiction du recours à la force, qui est l'obligation
de régler pacifiquement les différends (article 2§3 de la
charte) ; on verra qu'il n'y a rien dans l'article 2§4 qui peut affirmer
qu'une action peut enfreindre un but des Nations Unies. Les partisans de la
doctrine du droit d'ingérence humanitaire se fondent uniquement sur le
texte de l'article 2§4 pour soutenir leur thèse. Or, le texte du
troisième paragraphe du même article dispose : « Les
membres de l'organisation règlent leurs différends internationaux
par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la
sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises
en danger ».
85 (M) VIRALLY, « Panorama du droit
international contemporain », R.C.A.D.I, vol.183, 1983-V, P.102
Ainsi, selon les termes de l'article 2§3 une
réaction d'un Etat membre de l'ONU, méme à des violations
massives des droits de la personne, doit s'effectuer de manière
pacifique sans mettre en danger ni la paix et la sécurité
internationales ni la justice. Par ailleurs, l'article 33 de la charte
énumère les moyens pacifiques de règlement des
différends86 et complète l'article 2§4. Ici
encore, la charte ne prévoit aucune exception relative à une
intervention armée humanitaire. Par conséquence, on peut dire que
la charte interdit expressément tout intervention armée
unilatérale, dans la mesure où elle menace la paix et la
sécurité internationales.
Méme si on acceptait la thèse de la doctrine du
droit d'ingérence humanitaire, selon laquelle il existe une
hiérarchie entre les objectifs de l'ONU, on ne pourrait qu'admettre la
prééminence du maintien de la paix sur la protection des droits
de la personne. Comme, on a déjà vu, le premier paragraphe du
préambule de la charte établit comme but primordial le maintien
de la paix. Dans le même esprit, le chapitre I, intitulé «
Buts et principes », indique dans son article 1§ 1 comme premier but
des Nations Unies de maintenir la paix et la sécurité
internationales.
D'ailleurs, le préambule87 de la charte
précise les moyens utilisés par l'organisation pour atteindre ses
objectifs. En lisant le préambule, on remarque que la charte donne une
propre supériorité aux moyens dirigés en faveur du
maintien de la paix. En outre, aucune référence n'est faite
à des moyens militaires pour imposer le respect des droits de la
personne. Dans le préambule, on voit qu'une seule
référence à un recours aux institutions
internationales.
Dans ce paragraphe, il reste à examiner un dernier
argument de la doctrine du droit d'ingérence humanitaire. D'autres
auteurs, favorables à cette tendance doctrinale, mettent en exergue
l'argument selon lequel une intervention armée humanitaire respecte en
soi l'objectif du maintien de la
86 L'art 33 de la charte des Nations Unies
prévoit comme moyens de règlement des différends « la
voie de négociation, d'enquête, de médiation, de
conciliation, d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux
organismes ou accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de
leur choix ».
87 Nous, peuples des Nations Unies,
Résolus... et a ces fins a pratiquer la tolérance, a vivre en
paix l'un avec l'autre dans un esprit de bon voisinage, a unir nos forces pour
maintenir la paix et la sécurité internationales, a accepter des
principes et instituer des méthodes garantissant qu'il ne sera pas fait
usage de la force des armes, sauf dans l'intérêt commun, a
recourir aux institutions internationales pour favoriser le progrès
économique et social de tous les peuples.
paix. Ils considèrent qu'une intervention armée
humanitaire en mettant fin à des violations massives des droits de la
personne, elle empêche une évolution historique qui
mènerait à une menace ou à une rupture de la paix par le
pays dictatorial visé88.
Cet argument est doublement critiqué sur le plan des
faits, ainsi que sur le plan juridique. D'une part, sur le plan de fait, ce
n'est pas du tout qu'on remarque qu'il y a une interprétation large de
la notion du maintien de la paix en rapport avec les droits humains. En outre,
dans l'histoire on a des nombreux exemples des régimes dictatoriaux qui
n'ont pas provoqué une rupture de la paix dans les relations
internationales89. D'autre part, sur le plan juridique, la charte a
bien pour préoccupation principale le maintien de la paix. On voit mal
comment la charte pourrait légitimer une rupture bien réelle de
la paix en invoquant une rupture hypothétique et éventuelle.
En effet, on constate que le but principal de l'ONU est le
maintien de la paix et l'article 2§4, invoqué par la doctrine
favorable au droit de l'ingérence humanitaire, renvoie bien à ce
but. Les dispositions de l'article 2 § 4 de la charte interdisent bien
tout recours à la force, même motivé par des conditions
humanitaires.
Afin d'évaluer cette volonté des Etats, on verra
dans un premier temps les résolutions de l'Assemblée
Générale des Nations Unies, ainsi que les conventions
régionales de sécurité collective et les traités de
protection des droits de la personne.
Ensuite, on verra certains de cas d'intervention que la
doctrine évoque, afin de rechercher s'il s'agit vraiment des
précédents légitimant des interventions humanitaires.
Parmi les nombreuses résolutions de l'Assemblée
Générale des Nations Unies, relatives au principe de non recours
à la force, trois d'entre elles nous paraissent particulièrement
édifiantes. Il s'agit entre autres de la résolution 2625 (XXV) du
24 octobre 1970 sur les relations amicales et la coopération des Etats,
de la Résolution 3314 (XXIV) du 14 décembre 1974
sur l'agression et de la Résolution 37/10 du 15 nombre
1982 sur le règlement pacifique des différents.
La Résolution 2625(XXV)90énonce dans
ses principes que : « Tout Etat a le devoir de s'abstenir de recourir
à la menace ou à l'emploi de la force pour violer les
frontières existantes d'un autre Etat... ou pour violer les lignes
internationales de démarcation ». Ainsi, la résolution
écarte l'argumentation de la tendance doctrinale, selon laquelle une
intervention armée humanitaire est permise à partir du moment
où elle n'entraîne pas une appropriation territoriale. De cette
manière, la résolution interdit non seulement toute violation de
l'intégrité territoriale, mais aussi toute violation de la
souveraineté territoriale.
D'autre part, le texte de la résolution interdit
tout recours à la force armée ou non armée pour quelque
raison que ce soit. Par conséquent, même le recours à la
force pour des raisons humanitaires est prohibé. Enfin, le
même texte prévoit que les Etats doivent régler leurs
différends en utilisant des moyens pacifiques en excluant tout recours
à la force. On comprend, alors, que même la violation massive
des droits de la personne constitue un différend qui doit être
régler par des moyens pacifiques et en aucun cas par une intervention
militaire.
La résolution 3314 (XXIV)91 du 14
décembre 1974 précise dans son article premier la
définition de l'agression comme étant tout emploi de la force
armée contre la souveraineté, l'intégrité
territoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat.
Ensuite, dans son article 3, la résolution
procède à une énumération exhaustive d'actes
qualifiés d'agression. On remarque, alors que la définition
donnée par la résolution est extrêmement précise
sans faire aucune mention des circonstances propres à une intervention
armée humanitaire.
90 Résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée
générale des Nations Unies : Déclaration relative aux
principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre Etats, conformément à la charte des
Nations Unies, du 24 octobre 1970, in les grands textes du droit public,
2e édition, éd. Dalloz, Paris, 2000, pp32-41
91 Résolution 3314 (XXIV) de l'Assemblée
générale des Nations Unies : Définition de l'agression, du
14 décembre 1974, in les grands textes du droit international public,
2e édition, éd. Dalloz, Paris, 2000, pp.237- 240
En outre, l'article 5 du méme texte énonce
qu'aucune considération, que ce soit politique, économique ou
militaire, ne saurait justifier une agression. On appréhende donc,
qu'aucune considération humanitaire ne pourrait pas justifier une
intervention armée.
La Résolution 37/10 du 15 novembre 198292
réaffirme l'interdiction générale de recourir à la
force en précisant que les Etats ont l'obligation de régler leurs
différends internationaux « exclusivement » par des moyens
pacifiques.
Ces résolutions de l'Assemblée
générale des Nations Unies ne sont pas les seuls instruments qui
interprètent l'article 2§4 de la charte comme interdisant tout
recours à la force armée même pour des raisons humanitaires
on verra par la suite, que des conventions à caractère
régionale en font ainsi.
La charte de l'OEA93 dans son article 21 interdit
le recours à la force, sauf en cas de légitime défense
conformément aux traités en vigueur. A l'exception alors, de
légitime défense, tout recours à l'emploi de la force est
interdit. De méme, la charte de l'OEA, dans son article 27, interdit
expressément tout recours à la force contre
l'intégrité, l'inévitabilité du territoire ou
contre la souveraineté et l'indépendance politique d'un Etat
américain en le qualifiant d'acte d'agression.
De méme, l'acte constitutif de l'UA érige dans
ces objectifs, la défense de la souveraineté, de
l'intégrité territoriale et de l'indépendance des Etats
membres. On voit alors, que les Etats ont, à travers les
différents instruments juridiques protecteurs des droits de la personne,
on verra qu'aucune résolution ni convention ne permet, directement ou
indirectement, le recours à la force pour faire respecter ces droits.
Bien au contraire, les traités relatifs à la protection des
droits de la personne subordonnent toute réaction unilatérale
à une série des conditions. Les traitées en question
prévoient des mécanismes de règlement que les Etats
doivent utiliser. Ces traités ont prévu, aussi toute une
série de contre-
92 Résolution 37/10 de l'Assemblée
générale des Nations Unies : Règlement pacifique des
différends internationaux, du 15 novembre 1982,
http://www.un.Org/documents/ga/res/37/a37ro10.htm
93 Charte de l'OEA (charte de Bogota-Traité
interaméricain pour le règlement pacifique des différends,
dit Patte de Bogota), signée le 30 avril 1948 à Bogota,
http://www.oas.org/juridico/english/charte.html
mesures non armées moyennant le respect des certaines
conditions. On remarque, alors, que ces textes conventionnels non seulement
interdisent le recours à la force armée, mais ils
prévoient en même temps tous les mécanismes
nécessaires afin de mieux assurer protection des droits de la
personne.
En autre, tout recours à la force pour faire respecter
les droits de la personne irait à l'encontre des conventions en
question.
Même dans le cas des représailles, les Etats se
sont prononcés de manière claire pour l'interdiction absolue des
représailles armées. D'une part, l'article 2 § 4 de la
charte des Nations Unies ne prévoit aucune exception en ce qui concerne
le motif humanitaire de l'Etat intervenant. Et d'autre part, la
Résolution 2625 (XXV) énonce le devoir des Etats de s'abstenir
d'actes de représailles impliquant l'emploi de la force. Cette
interdiction des représailles armées est confirmée par la
résolution 36/103 de l'Assemblée
générale94 qui souligne « le devoir d'un Etat
de s'abstenir de recourir à toute intervention armée ou à
tout acte d'ingérence militaire... y compris les actes de
représailles impliquant le recours à la force ».
D'une part, des résolutions telles que la
Résolution 2625 (XXV) et la résolution 33 14 (XXIV) portant
définition de l'agression, rejettent toute possibilité
d'évoquer des motivations humanitaires pour échapper à
l'interdiction de principe de l'article 2§4 de la charte. La pratique
conventionnelle, que ce soit sur le plan régional ou universel, confirme
ce point de vue.
D'autre part, la pratique des relations internationales
démontre que les considérations humanitaires,
évoquées par les Etats intervenants sont loin de constituer une
base juridique. Comme on a vu, les justifications des Etats intervenants ne
démontrent pas une position juridique claire en faveur du droit
d'ingérence humanitaire. Bien au contraire, dans la plupart des cas les
interventions armées s'expliquent par des considérations
politiques.
94 Résolution 36/103 de l'Assemblée
générale des Nations Unies : Déclaration sur
l'inadmissibilité de l'intervention et de l'ingérence dans les
affaires intérieurs des Etats, du 9 Décembre 1981,
A/RES/36/103.
Enfin, il est essentiel de rappeler que la C.I.J., en se
prononçant à propos de l'affaire du « Détroit de
corfou »95, a condamné le Royaume-Uni pour
violation de la règle du non-recours à la force en soulignant
l'importance de celle-ci dans les relations internationales.
De méme, la C.I.J. s'est prononcée de
manière générale sur l'existence éventuelle d'une
pratique favorable à un droit d'intervention d'humanité dans
l'affaire des « Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci »96. En l'espèce, la
Cour estime que les Etats-Unis n'ont pas justifié leur conduite en
prenant argument d'un nouveau droit d'intervention ou d'une exception nouvelle
au principe interdisant le recours à la force. La Cour dans le
même arrêt va plus loin, puisqu'elle examine les motifs
humanitaires évoqués par les Etats-Unis.
La cour estime que la force n'est pas la méthode
appropriée pour vérifier et assurer le respect des droits de
l'homme et conclut que le motif tiré de la préservation des
droits de l'homme au Nicaragua ne peut justifier juridiquement l'intervention
armée des Etats-Unis.
En concluant ce paragraphe, on peut se référer
à la jurisprudence de la CIJ, qui dans son avis consultatif relatif
à certaines dépenses des Nations Unies97
précise qu'il est nécessaire d'accorder une primauté
à la paix et la sécurité internationales puisque les
autres objectifs de l'organisation ne peuvent être atteints que si la
paix et la sécurité internationales sont assurées.
SECTION II. LES EXCEPTIONS AU PRINCIPE DE NON
INTERVENTION
Comme on a pu remarquer tout au long de notre travail, la
règle de l'intervention du recours à la force (l'art 2§4 de
la charte des Nations Unies) exclut toute intervention armée.
Néanmoins, cela ne veut pas dire que tout recours à la force
armée soit interdit dans les relations internationales.
95 C.I.J, Fond, 9 avril 1949, affaire du
détroit de carfou, Rec.1949, P.4
96 C.I.J, A.C., 27 juin 1986, affaire des
activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci, Rec.1986, P.14
97 C.I.J.A.C, 20 juillet 1962, affaire relative
à certaines dépenses des Nations Unies, Rec. 1962, p.151
Certes, le principe général est l'interdiction
du recours à la force, mais on peut envisager des situations où
l'emploi de la force sera exceptionnellement considérée comme
licite.
On peut citer les opérations de maintien de la paix et
sécurité internationales ordonnées par le Conseil de
sécurité des Nations Unies (I), du consentement de l'Etat (II),
de la légitime défense individuelle ou collective (III), dans le
cas d'une intervention strictement humanitaire et non discriminatoire (IV).
§ 1. Les opérations fondées sur les
résolutions du CSNU
L'ONU utilise le chapitre VII en cas de risque de conflit
armé (A) et lors des violations des droits humains
considérées comme menace contre la paix (B).
A. Les risques de conflit armé (CAI/CANI)
Malgré le principe de l'article 2, paragraphe 7,
consacrant la non-intervention par l'ONU dans les affaires intérieures
d'un Etat, le Conseil de sécurité n'hésite plus à
s'immiscer dans les affaires intérieures des Etats, compliquant
singulièrement l'action de l'ONU. Le summum de la complexité d'un
conflit interne, est bel et bien l'ex-Yougoslavie, où une série
des conflits enchevêtrés ont fini par avoir une double dimension :
conflits armés non internationaux (CANI) et conflit armé
interétatique (CAI), au sens des conventions de Genève de 1949 et
les protocoles additionnels de 1977. Il reste que la motivation des
interventions de l'ONU, en cas de menace contre la paix à
l'intérieur d'un Etat, peut être la violation des droits de
l'homme, la violation grave du droit humanitaire ou la violation de la
démocratie.
Le maintien de la paix interne a amené les Nations
Unies à intervenir, à titre humanitaire, dans des contextes
différents tels que la Somalie, le Rwanda, l'ex-Yougoslavie, où
des violations graves du droit humanitaire s'étaient produites.
B. Les violations des droits humains comme menace
contre la paix Le Conseil de sécurité peut par ailleurs qualifier
des violations
massives des droits de la personne de « menace contre
la paix et la sécuritéinternationales », et
autoriser alors une intervention armée (article 42 de la
charte des Nations Unies). Il l'a fait à plusieurs
reprises. La plupart des opérations présentées comme des
réalisations du a droit d'ingérence humanitaire )) ne sont donc,
si on y regarde de plus près, que des applications de mécanismes
juridiques existants. Il est donc totalement erroné de prétendre
que le Droit international traditionnel est incompatible avec une protection
efficace des droits de la personne. En réalité, le
problème est le plus souvent moins juridique que politique, dans la
mesure où ce ne sont pas de nouvelles règles juridiques qui
permettront d'améliorer la situation, mais une meilleure utilisation des
règles existantes.
Les droits de l'homme font l'objet d'une internationalisation
progressive. Le conseil de sécurité a reconnu qu'une violation
massive des droits de l'homme pouvait désormais fonder sa
compétence sur la base de chapitre 7. Dans la résolution 688
(199), le Conseil de sécurité a admis que : a La
répression des populations civiles Irakiennes dans de nombreux parties
de l'Irak, a conduit à un flux massif des réfugiés vers
les frontières internationales et à travers celles-ci des
violations de frontière qui menacent la paix et la
sécurité internationale dans la région )).
Autrement dit, le caractère massif de violation des
droits de l'homme crée le crime contre l'humanité. Dès
lors, la violation des droits de l'homme devient un acte de portée
internationale.
Le comportement d'un Etat envers une partie de sa population
n'est plus une affaire intérieure, bien que la résolution 688 se
réfère à l'article 2, alinéa 7 de la Charte : a
Aucune disposition de la présente charte n'autorise les Nations Unies
à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la
compétence nationale d'un Etat ni n'oblige les membres à
soumettre des affaires de ce genre à une procédure de
règlement aux termes de la présente charte ; toutefois, ce
principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de
coercition prévues au chapitre VII )).
Les multiples violations des droits de l'homme et des peuples
dans l'exYougoslavie ont conduit aussi le Conseil de sécurité
à les condamner. Dans la résolution 770 (1992), il exhorte les
Etats membres à intervenir pour faciliter l'acheminement des secours aux
victimes du conflit en Bosnie-
Herzégovine et exige l'accès des organisations
humanitaires aux camps d'internement créées dans la
région.
Lors du drame de Kosovo, il a visé dans la
résolution 1199 (1998), « les informations faisant état de
la multiplication des violations des droits de l'homme et du droit
international humanitaire, et (...) la nécessité de veiller
à ce que soient respectés les droits de tous les habitants du
Kosovo ».
Partant de ce principe, le Conseil de Sécurité
en a consacré un autre : celui « d'accès aux victimes dans
le respect de la neutralité et de l'impartialité ».
Dès lors, les Nations Unies autorisent les Etats à intervenir
auprès des victimes, en utilisant leurs forces armées si besoins
est, pour leur fournir une assistance directe, protéger les populations
civiles ou rétablir un minimum de sécurité pour qu'elles
retrouvent des conditions de vie normales. Malgré la consécration
textuelle d'un droit d'intervention dans un but humanitaire, le Conseil de
sécurité n'a pas utilisé ses pouvoirs coercitifs dans le
Kurdistan irakien car l'ONU avait conclu un mémorandum d'accord avec
l'Irak le 18 avril 1991, pour obtenir son consentement. Dans l'affaire du
Kosovo, en revanche, l'OTAN est le seul maître à bord au
détriment de l'ONU, quitte à invoquer subtilement le principe
d'accès aux victimes lors des crises caractérisées par des
violations graves du droit humanitaire.
Les mécanismes de sécurité collective,
institués par la charte des Nations Unies, constituent l'exception la
plus remarquable du principe d'interdiction du recours à la force.
Aux termes de l'article 42 de la charte des Nations Unies,
« le Conseil de sécurité a la faculté de Droit
d'entreprendre, au moyen des forces aériennes, navales ou terrestres,
toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou rétablissement
de la paix et de la sécurité internationales »98.
On remarque que la charte laisse au Conseil de sécurité un
large choix en ce qui concerne l'appréciation de l'opportunité et
la mise en oeuvre d'actions armées. Le Conseil de sécurité
dispose d'un pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne
98 Article 42 (chapitre VI) de la charte des
Nations-Unies, documents d'études, N°3.02, La documentation
française, Paris, 2001, p.7
l'appréciation de l'existence ou non d'une menace
à la paix et la sécurité internationales.
Si, selon l'appréciation du Conseil de
sécurité, il existe une menace à la paix et la
sécurité internationales, l'Etat touché par l'action
armée ne pourra pas évoquer le principe de non-intervention
prévu par l'article 2§4 de la charte.
L'action armée décidée par le Conseil de
sécurité sera alors justifiée par l'article 42,
méme si elle concerne des affaires relevant du domaine
réservé d'un Etat membre. Ainsi, de simples troubles internes ou
une guerre civile, dans lesquels n'interviendrait aucune violation du droit
international, pourraient donner l'occasion au Conseil de
sécurité d'engager une action militaire, à condition qu'il
qualifie la situation de menace à la paix ou à la
sécurité internationales. Peu importe alors si la situation
concerne des affaires qui relèvent du domaine réservé d'un
Etat membre, du moment où le conseil dispose de la faculté de la
qualifier ou non de menace contre la paix.
C'est ainsi, que le Conseil, dans le cadre de la crise
Libyenne, qualifie la situation en cause de menace à la paix et à
la sécurité internationales et prend des mesures coercitives,
même si le domaine visé relève des affaires internes
libyennes. Ainsi, le Conseil de sécurité, en l'espèce,
base sa compétence sur les risques de rupture de la paix.
De facto, le Conseil de sécurité, d'un outil de
conciliation et de maintien de la paix, devient un instrument de guerre. La
déclaration commune Sarkozi, Obama, Cameron de 15 avril 2011 est
significative : « il ne s'agit pas d'évincer Kadhafi par la force
», mais « tant que Kadhafi sera au pouvoir, l'OTAN... doit maintenir
ses opérations ».
Le recours à la force armée et aux bombardements
intensifs sur les villes et voies de communication n'ont qu'une seule
finalité : assister le CNT de Benghazi et liquider le régime de
Kadhafi, avec la promesse d'une contre partie pétrolière à
l'issue du Conflit99.
99 C'est ainsi que dans les villes de Tripoli, Syrte
et Shebba aucune opposition ouverte ne s'est manifestée entraînant
une forte répression des civils : ces villes ont néanmoins
été intensément bombardées.
La liberté d'action du Conseil en matière de
sécurité collective est donc presque sans limite. Seule la
théorie de l'abus de droit ou de l'application arbitraire et contraire
à l'esprit de la charte pourrait limiter le Conseil dans son action.
Mais pour le moment, il existe aucun précédent même si le
Conseil a été fortement critiqué pour la manière
dont les résolutions concerna la Libye ont été
conçues.
On peut souligner tout d'abord que ces résolutions sont
d'une nature contradictoire. Elles font référence à la
souveraineté et à la non ingérence tant en «
autorisant » les Etas membres des Nations Unies à prendre le toutes
mesures nécessaires » pour la protection des civils, « tout en
excluant le déploiement d'une force d'occupation étrangère
sous quelque forme que ce soit et sur n'importe quelle partie du territoire
libyen », étant entendu que les seuls vols autorisés
au-dessus du territoire sont d'ordre humanitaire ; alors les avions de l'OTAN
sont-elles aussi humanitaire.
En second lieu, ces résolutions disant tout et leur
contraire (les Nations Unies jamais mis en place le comité d'état
major et la police internationale prévus par la charte, créent
les conditions d'une intervention de l'OTAN dont les déclarations
officielles et les objectifs évoluent très vite de la dimension
« protectrice » à la dimension destructrice du régime
de Tripoli.
Ce pouvoir presque sans limite du Conseil pourrait être
considéré comme un véritable droit d'ingérence. On
pourrait encore qualifier le mécanisme de la sécurité
collective comme un devoir d'ingérence, dans la mesure où le
Conseil a la responsabilité selon l'art 24100 de la charte,
du maintien de la paix.
Plus concrètement, on peut rappeler que les droits de
la personne ne relèvent plus du domaine réservé des Etats
et que, si le Conseil de sécurité le juge opportun, il peut
décider que leur violation massive constitue une menace à la paix
et à la sécurité internationales.
On appréhende alors que les mécanismes de
sécurité collective sont strictement réglementés
par la charte des Nations Unies et instituent le seul Conseil de
sécurité en titulaire d'un droit d'ingérence.
100 L'art 24 prévoit que : « ...les membres
confèrent au conseil la responsabilité principale du maintien de
la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent en
s'acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le conseil
de sécurité agit à leur nom.
Le droit d'ingérence, on pourrait dire, existe
seulement au profit d'un organisme unilatéral et non au profit des Etats
agissant individuellement. En donnant le droit d'intervenir exclusivement au
Conseil, la charte exclut les Etats d'une action individuelle. C'est ainsi que
la défense des valeurs universelles telles les droits fondamentaux de la
personne reste réservée à une organisation à
vocation universelle qui est l'ONU.
Il faut en outre rappeler que les auteurs fondateurs de la
doctrine du droit de l'ingérence humanitaire n'envisageaient qu'une
intervention armée collective. Par ailleurs, d'autres auteurs
considéraient que la défense des droits aussi importants que les
droits de la personne ne pourrait pas être effectuée que par une
collectivité d'Etats.
La charte des Nations Unies offre une solution adéquate
à des violations graves des droits de la personne
réalisées à l'intérieur d'un Etat en permettant au
Conseil de sécurité d'intervenir et d'y mettre fin. Cependant, on
a souvent mis en cause la passivité du Conseil de sécurité
malgré le grand nombre de moyens techniques dont il dispose.
En pratique, cette disproportion entre les moyens techniques
existants et l'absence de leur utilisation par le Conseil, existera quelle que
soit la méthode de sécurité collective envisagée.
En plus, on a déjà montré que les précédents
où les Etats se sont unilatéralement réclamés
d'intérêts humanitaires correspondaient rarement à une
nécessité d'intervenir militairement pour défendre les
droits de la personne.
En effet, l'article 43 de la charte, qui prévoit que
les Etats membres s'engagent à la disposition du Conseil des forces
armées, n'a jamais été appliqué. Aucune
réelle force des Nations Unies n'a pu être mise sur pied pour
mener des actions militaires. Jusqu'à maintenant, chaque fois que le
conseil décide d'intervenir militairement, il procède à
une sorte de délégation de l'exercice de son droit, en autorisant
ses membres d'agir à son nom.
C'est ainsi, que le Conseil de sécurité par sa
résolution 1973 du 17 mars 2011, autorisait les Etats membres «
à prendre toutes mesures nécessaires, pour protéger les
populations et zones civiles menacées d'attaque
en Jamahiriya arabe libyenne (...) »101.
En l'espèce, le Conseil de sécurité a
décidé d'utiliser la force et a recouru à la technique de
la délégation de l'exercice de son droit.
Il convient de préciser que cette technique ne consiste
pas en une délégation du droit d'agir militairement
lui-même. Seul le Conseil peut prendre une décision et l'action
des Etats membres est strictement limitée aux termes de celle-ci. Dans
le cadre des opérations menées en vertu des résolutions,
la responsabilité propre des Etats membres peut être
engagée. Les Etats membres ne sont pas libres d'agir selon leurs
intéréts, mais ils ont l'obligation de mettre à la
disposition du Conseil les moyens nécessaires pour réaliser ses
objectifs prévus par la charte. Le pouvoir discrétionnaire de
mener des mesures militaires n'appartient donc qu'au Conseil de
sécurité.
Par ailleurs, d'autres interventions peuvent avoir lieu avec
le consentement de l'Etat victime.
S2. Les opérations fondées sur le
consentement de l'Etat : intervention sollicitée ou acceptée
En ce qui concerne le consentement de l'Etat victime, on a
déjà remarqué que certaines interventions armées
ont été justifiées par un appel des autorités de
l'Etat sur le territoire duquel l'opération a eu lieu. C'est possible
qu'une intervention armée vise à protéger une partie de la
population victime des violations par des groupes armés qui
échappent au contrôle du gouvernement en place. Mais, cette
intervention armée ne peut être légitime qui si le pouvoir
central de l'Etat, sur le territoire duquel s'effectue l'opération,
demande une aide militaire étrangère.
Une partie de la doctrine considère que ce consentement
rend légitime l'intervention armée, puisque le recours à
la force dans ce cas n'est pas dirigé ni contre l'indépendance
politique ou l'intégrité territoriale d'un Etat ni de toute autre
manière incompatible avec les buts des Nations Unies (art2§4).
101 Résolution 1973 du conseil de sécurité
du 17 mars 2011, paragraphe 4, p.3.
La C.D.I., dans l'article 29 de son projet102,
renvoie à tous les cas où, à défaut de
consentement, il y aurait eu acte illicite. La CDI envisage
généralement l'hypothèse où un Etat consent
à ce qu'un autre Etat commette un fait qui, sans ce consentement,
représenterait la violation d'une obligation internationale à
l'égard du premier Etat.
Tel est le cas d'un recours à la force. D'ailleurs, la
CDI fonde sa codification sur la pratique des consentements à des
interventions militaires. C'est alors l'art 29 du projet qui régit la
portée de tels consentements.
Une autre exception au principe de non intervention est la
légitime défense.
S3. La légitime défense individuelle ou
collective
D'une façon expresse, l'art 51 de la charte de l'ONU
reconnaît, un « droit naturel de légitime défense,
individuelle et collective, dans le cas où un membre des Nations Unies
est l'objet d'une agression armée ». Ce droit est
qualifié de « droit naturel », ce qui écarte les
interprétations restrictives fondées sur la logique de la
sécurité collective. La CIJ a considéré que
l'expression impliquait l'existence d'un droit coutumier de légitime
défense103. Il s'agit d'un droit qui peut être mis en
oeuvre collectivement tout autant qu'individuellement, ce qui est de nature
à rassurer les petits Etats qui ne peuvent compter, pour leur
sécurité dans les conditions traditionnelles, que sur une
alliance classique.
Selon les termes de l'art 51, seule l'agression armée
justifie le recours à la force au titre de la légitime
défense.
En principe, les hypothèses de légitime
défense sont assez écartées de ce qu'on entend par
interventions armées humanitaires. Une ingérence humanitaire est
par définition effectuée au nom de la défense des droits
de la personne et non pour répondre à une agression
interétatique.
102 Projet d'articles sur la responsabilité des Etats de
la commission du droit international,
http://www.un.org/law/ile/reports/1996/chap
03.htm donc 38, consulté le 23 mai 2011 a 14h30'.
103 C.I.J, A.C., 27 juin 1986, Affaire des «
Activités militaires et paramilitaire au Nicaragua et contre celui-ci,
Rec.1986, p.94 et 102
Certains auteurs estiment que l'intervention militaire
effectuée par un Etat pour protéger ses nationaux sur le
territoire d'un Etat étranger, pourrait se justifier par la
légitime défense, dans la mesure où les violations des
droits de la personne seraient assimilées à une agression. C'est
ainsi, que les Etats-Unis ont justifié leurs interventions en
République dominicaine en 1965 ou à la Grenade en 1983.
Ces interventions ont été effectuées
alors, dans le but de protéger les nationaux de l'Etat intervenant,
chose qui ne peut pas être considérée comme une motivation
humanitaire. Le but unique de ces opérations était de
défendre des individus en raison de leurs liens avec un Etat.
Un dernier argument de la tendance doctrinale est que la
référence au « droit naturel » de légitime
défense contenu dans l'article 51 de la charte pourrait permettre de
passer outre la condition d'acte préalable d'agression. Selon ces
auteurs, cette expression renverrait au droit coutumier qui, contrairement
à la charte, légitimerait une réaction armée
à un acte non constitutif d'agression, notamment dans le but d'engager
une opération humanitaire de protection de ses
ressortissants104.
Cet argument de la doctrine favorable au droit de
l'ingérence humanitaire est doublement critique.
D'abord, on voit mal comment on pourrait évoquer une
absence d'interdiction coutumière pour contourner une interdiction
conventionnelle. L'art 2 §4 interdit bien un recours à la force non
justifié par les termes de l'article 51.
En suite, la coutume, prévalant actuellement, ne rend
nullement légitime une défense armée dirigée contre
un recours à la force non constitutif d'agression. C'est ainsi, que la
CIJ, dans son arrét relatif à l' « affaire des
activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
», énonce que ce droit ne peut être exercé que si
l'Etat intéressé a été victime d'une agression
armée.
104 (S.) SCHWEBEL, « Intervention and Self-defense in
modern International Law », R.C.A.D.I, 1972-II, vol.136, pp.463 et
99.
Finalement, l'exception de légitime défense ne
peut pas être retenue dans le cas des interventions humanitaires. La
violation des droits de la personne n'a aucun rapport avec un acte constitutif
d'agression.
Ainsi, une autre exception au principe de non intervention
peut être une intervention strictement humanitaire et non
discriminatoire.
§4. Une intervention strictement humanitaire et non
discriminatoire
Dans certains cas d'interventions humanitaires, l'Etat
intervenant justifie son action en déclarant sa volonté de
secourir une population en détresse. C'est ce que soutien une grande
partie de la doctrine favorable au droit de l'ingérence humanitaire en
parlant de la notion de la morale d'extrême
urgence105.
Ainsi, l'Etat ou groupe d'Etats qui prétendent apporter
secours aux populations d'un Etat tiers devraient le faire dans le cadre du
CICR, donc déterminer s'il y a application du droit international
humanitaire, donc s'il y a conflit armé. N'est donc concernée,
ici, l'ingérence que si elle prend la forme d'une intervention
armée. Quand c'est le cas, il y a indiscutablement une situation
d'application des conventions de Genève et, si les Etats
concernés y sont parties l'un et l'autre, de leur protocole additionnel
I.
Il convient de souligner, en effet, que même sur la base
de résolutions de l'ONU, l'utilisation de la force armée pour
imposer l'acheminement de secours ne saurait trouver son fondement dans le
droit international humanitaire, l'obligation de faire respecter ce droit
excluant, comme nous l'avons révélé ci-dessus, l'usage de
la force. Il ne s'agit pas donc de mettre en oeuvre le droit international
humanitaire mais d'utiliser la force pour faire cesser des violations graves et
massives de ce droit. Certes, comme dans les domaines des droits de l'homme,
cela n'est pas exclu par le système de la charte dans la mesure
où l'on peut voir dans ces telles violations une menace contre la paix
et la sécurité internationales.
Les droits de l'homme font l'objet d'une internationalisation
progressive. Le Conseil de sécurité a reconnu qu'en violation
massive des droits de l'homme pouvaient désormais fonder sa
compétence sur la base de chapitre VII.
Par contre, la CIJ avait estimé, dans l'affaire des
activités militaires e paramilitaires au Nicaragua contre celui-ci
(CIJ 26/11/1984 Nicaragua contre Etats unis), qu'une aide strictement
humanitaire ne pouvait être considérer comme une intervention
illicite dès qu'elle a été exercé sans
discrimination106.Dans le méme sens l'Institut de Droit
International avait affirmé, le 14/09/1989 que l'offre d'une aide de
secours alimentaire ou sanitaire par un Etat, un groupe d'Etat, une
organisation internationale ou un organisme humanitaire telle que le CICR ne
saurait être considéré comme intervention illicite dans les
affaires intérieures d'un Etat ; les Etats ne devraient arbitrairement
refuser pareille offre de secours humanitaire.
Autrement dit, le caractère massif des violations des
droits de l'homme crée le crime contre l'humanité. Dès
lors, la violation des droits de l'homme devient un acte de portée
internationale.
Dans le cadre du cas libyen, nous estimons que les
intervenants n'ont pas respecté le principe de l'aide non
discriminatoire car aidant seulement le CNT à renverser le régime
de Kadhafi et non même pas la population civile. Ainsi, l'aide militaire
apporté à une partie au conflit ne peut être
considérée comme strictement humanitaire. Ne nous y trompons pas
: seuls les yeux vidéo permettent de détruire les armements sans
tuer les hommes.
En conclusion de cette dernière partie de notre
travail, on remarque que la règle d'interdiction du recours à la
force, ainsi que les exceptions à cette méme règle,
n'autorise en aucun cas l'exercice d'une intervention armée
unilatérale méme pour des motifs d'ordre humanitaire. Un seul
pouvoir d'intervention humanitaire existe et celui-ci appartient au conseil de
sécurité et qui malheureusement par manque d'une force
armée permanente la délègue.
106 Cf. CIJ 26/11/1984 Nicaragua contre Etats unis,§242
in
www.icj-cij.org,
consulté le 25 septembre 2012.
CONCLUSION
Tout au long de notre analyse, nous avons examiné la
doctrine d'ingérence humanitaire par rapport aux règles du droit
international actuel. Partant du principe de souveraineté, on a vu les
dispositions de la charte des Nations Unies et l'interprétation
donnée par la tendance doctrinale afin de légitimer une
intervention armée humanitaire. Certes, la charte prévoit des
exceptions, mais qui, en aucun cas, ne donnent droit à un Etat
d'intervenir unilatéralement sur le territoire d'un autre Etat.
La seule exception admise, est le recours à la force
autorisé par le conseil de sécurité des Nations Unies dans
le cadre de la sécurité collective. Seul le conseil de
sécurité peut, selon les dispositions de la charte, qualifier une
violation grave des droits de la personne et autoriser une intervention
armée. En dehors du système onusien aucun recours à la
force n'est autorisé, et par conséquent, légale.
Ainsi, l'intervention de l'OTAN en Libye est légitime
car avec comme motif la protection de la population civile. Cette intervention
a mis en épreuve les fondements du système international.
Celle-ci s'est opérée contre le gouvernement d'un Etat
visé afin de restreintre ses pouvoirs et si nécessaire de le
renverser. Par conséquent, l'intervention armée vise bien le
pouvoir politique de l'Etat libyen n'est pas atteinte.
Nous estimons que l'OTAN en intervenant en Libye est
allé au delà de ces objectifs car l'Etat libyen n'a porter
atteinte à la souveraineté d'aucun pays membre de l'OTAN et qu'il
est clair que la charte de l'ONU n'autorise pas l'organisation a
déléguer son pouvoir de maintien de la paix et de
sécurité internationales et que cette pratique actuelle est un
abus du chapitre VII.
Dans notre étude, on a eu l'occasion de voir que les
auteurs favorables au droit d'ingérence humanitaire assortissent sa mise
en oeuvre de certaines conditions. Aucun d'entre eux ne considère ce
droit d'intervention armée humanitaire comme une compétence
discrétionnaire dès qu'il y a des violations des droits de la
personne sur le territoire d'un autre Etat. On a vu aussi, que malgré
tout le contenu et la définition de ce
droit, celui-ci reste imprécis et peut s'avérer
extrémement dangereux car plusieurs motivations peuvent être
cachées derrière une intervention qu'on qualifié
abusivement humanitaire.
Ainsi, outre l'introduction et la conclusion, deux chapitres
ont constitués l'ossature de la présente étude. Dans le
premier chapitre intitulé l'ingérence humanitaire : une remise en
cause des principes du droit international public, nous avons passé en
revue tour à tour l'ingérence humanitaire et le principe de
souveraineté des Etats, l'ingérence et le principe de
non-intervention et en fin, le recours à la force dans les relations
internationales et l'ingérence humanitaire.
Le deuxième chapitre quant à lui est l'analyse
critique de l'intervention. Dans ce chapitre, nous avons eu à analyser
les fondements de l'intervention, l'absence de fondement juridique
incontestable et en fin, les exceptions au principe de non intervention.
Ainsi, à la fin de ce travail, nous avons
constaté que le but de guerre affiché initialement, qui
découlait du mandat fixé par la Résolution 1973,
était la protection des populations civiles. Dès lors que
l'insurrection avait déjà laissé la place à une
guerre civile, comme nous l'avons constaté, ce but de guerre pouvait
préter à confusion puisque les insurgés n'étaient
plus alors des civils désormais mais des combattants. Ces combattants
ont d'ailleurs fait la preuve de leur héroïsme et de leurs
capacités tactiques à Misrata et dans le djebel Nefoussa. Le but
de guerre, initialement implicite, du départ ou de la mort de Kadhafi
est devenu progressivement explicite. Il constitue désormais la
condition posée par l'OTAN à l'arrêt des bombardements, ce
qui représente une lecture largement extensible de la Résolution
1973, voire une violation du cadre de cette résolution au regard du
droit international.
Pour clore, les bombardements d'objectifs situés dans
des zones habituées de Tripoli, loin de protéger les civils, en
ont déjà tué un certain nombre qui entrent pour l'OTAN
dans la catégorie des « victimes collatérales ». Si la
précision des bombardements, le vocabulaire utilisé pour les
qualifier « frappes ciblées » et l'absence d'image des
destructions et des victimes peuvent le faire oublier, ces victimes sont
là pour rappeler qu'il n'y a pas de guerre ni de bombardement
humanitaire.
BIBLIOGRAPHIE
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quarante-cinq B. Résolution
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sécurité des Nations-Unies du 16 Septembre 2011
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· BETTATI M., (( Droit d'ingérence ou devoir
d'assistance? », Le trimestre du Monde, 1993-2 pp.9-15
TABLE DES MATIERES
DEDICACE i
REMERCIEMENTS ii
SIGLES ET ABREVIATIONS iv
O. INTRODUCTION 5
0 .1 ETAT DE LA QUESTION 5
0.2 PROBLEMATIQUE 9
0.3 HYPOTHESE 10
0.4 METHODOLOGIE 11
0.5 CHOIX ET INTERET DU SUJET 12
0.6 DELIMITATION ET SUBDIVISION DU TRAVAIL 13
CHAPITRE I : L'INGERENCE HUMANITAIRE : UNE REMISE EN CAUSE DES
PRINCIPES DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC 14
SECTION I : INGERENCE HUMANITAIRE ET PRINCIPE DE SOUVERAINETE DES
ETATS 14
§1. Ingérence humanitaire 14
§2. Le principe de souveraineté des Etats
20
SECTION II. INGERENCE ET PRINCIPE DE NON INTERVENTION
24
§1. Définition 24
§2. Contenu du principe 25
§3. Limitations au principe de non-intervention
26
SECTION III : DU RECOURS A LA FORCE DANS LES RELATIONS
INTERNATIONALES ET L'INGERENCE HUMANITAIRE 27
CHAPITRE II : ANALYSE CRITIQUE DE L'INTERVENTION DE 35
L'OTAN EN LIBYE 35
SECTION I. ANALYSE DES FONDEMENTS 36
§1. Le fondement doctrinal 36
§2. Absence de fondement juridique incontestable
43
SECTION II. LES EXCEPTIONS AU PRINCIPE DE NON INTERVENTION
55
§ 1. Les opérations fondées sur les
résolutions du CSNU 56
§2. Les opérations fondées sur le
consentement de l'Etat : intervention sollicitée ou acceptée
62
§3. La légitime défense individuelle ou
collective 63
§4. Une intervention strictement humanitaire et non
discriminatoire 65
CONCLUSION 67
BIBLIOGRAPHIE 69
TABLE DES MATIERES 72
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