1.7 Les matériaux
piézoélectriques
1.7.1 Les principaux matériaux
piézoélectriques
Les matériaux piézoélectriques peuvent se
regrouper en trois classes principales : les cristaux, les céramiques et
les polymères.
1.7.1.1 Les cristaux
piézoélectriques
Le quartz et la tourmaline sont sans doute les cristaux
naturels les mieux connus découverts respectivement par Matthias et
Aurivillus en 1949. Ils ont des caractéristiques stables dans le temps,
mais ils présentent des impédances acoustiques relativement
élevées et des coefficients de couplage très faibles.
Ainsi qu'il faut couper les cristaux le long de certaines directions
cristallographiques, ce qui limite le nombre possible de figures
géométriques. Il existe d'autres monocristaux
synthétisés en laboratoire comme le niobate de lithium (LiNbO3)
ou le tantalate de lithium (LiTaO3) qui affichent des valeurs de coefficient
plus élevées. Le coût élevé et la
fragilité de ces cristaux expliquent qu'on ne les retrouve que
très peu dans les produits actuels [43].
Il est actuellement possible de fabriquer de nombreux
monocristaux de même composition que les céramiques, mais les
techniques mises en jeu sont délicates et coûteuses. Il s'agit de
cristaux « nouveaux » de type (1-x)PMN-xPT et (1-x)PZN-xPT. Ces
derniers présents des propriétés extraordinaires par
rapport aux céramiques piézoélect- riques ou cristaux
naturels. Par rapport aux meilleures céramiques de PZT (les plus
utilisés des matériaux ferroélectriques), le gain en terme
de couplage atteint un facteur 3 en mode latéral, et les coefficients
piézoélectriques dépassent 2000pC/N alors qu'ils sont
limités à 700pC/N pour les céramiques les plus douces. Par
exemple, la composition 0,67PMN0.33PT présente de forts coefficients
??33(2500pC/N) et ??33(>0.9). À présent, ces matériaux
bénéficient d'importants efforts de recherche dans leurs
procédés d'élaborations et de
caractérisations, car ils pourraient remplacer dans des
applications d'actionneurs et de capteurs, les céramiques PZT
[18,44].
1.7.1.2 Les céramiques
piézoélectriques
1.7.1.2.1 Généralités
Le terme céramique évoque souvent des objets
rustiques comme des poteries, des briques et des tuiles, mais le terme de
céramique signifie plus généralement un solide qui n'est
ni un métal ni un polymère. Une céramique est un
matériau solide de synthèse qui nécessite souvent des
traitements thermiques pour son élaboration. La plupart des
céramiques modernes sont préparées à partir de
poudres consolidées (mise en forme) et sont densifiées par un
traitement thermique (frittage). Les procédés de fabrication des
céramiques sont ajustables afin de pouvoir adapter leurs
propriétés diélectriques, mécaniques et
piézoélectriques à la demande. La plupart des
céramiques sont des matériaux polycristallins, c'est à
dire comportant un grand nombre de microcristaux bien ordonnés (grains)
reliés par des zones moins ordonnées (joins de grains) comme
illustré en figure 1.4 [31,21].
Fig. 1.4 - Microstructure typique d'une surface
céramique polie qui illustre les grains monocristallins, joints de
grains et pores [31]
Les céramiques piézoélectriques sont
apparues dans les années quarante. Par leurs coefficients
piézoélectriques bien supérieurs à ceux des
cristaux, elles ont permis un élargissement des applications du
phénomène de piézoélectricité. Les
céramiques piézoélectriques sont incontestablement les
matériaux les mieux adaptés à l'heure actuelle. Ils sont
souvent utilisés tels quels, mais entrent également dans la
fabrication des composites que nous décrivons plus loin.
La famille des céramiques
piézoélectriques comporte de nombreux éléments,
citons entre autres, les titanates de baryum (BaTiO3) qui sont les
ancêtres des céramiques actuelles, les Zircono
Titanates de Plomb, d'où leur
appellation abrégée PZT, qui sont les plus répandus et qui
comptent à eux seuls cinq à six compositions différentes
[29,30].
On distingue ainsi deux familles de céramique : les
céramiques dites douces et celles dites dures, selon la propension que
présente le matériau à se dépolariser [43]:
· Les matériaux doux sont
généralement utilisés dans les applications à bas
niveau d'excitation, notamment détecteurs (hydrophones, sondes
échographiques...). Ils présentent en effet des couplages
électromécaniques et des permittivités
élevées.
· Les applications de puissance (piézomoteurs,
transducteurs pour nettoyage par ultrasons...) nécessitent l'utilisation
de céramiques dures pour leurs faibles pertes mécaniques et
diélectriques.
1.7.1.2.2 Les zircono titanates de plomb (PZT)
1.7.1.2.2.1 Structure et polarisation des PZT 1.7.1.2.2.1.1 Structure des
PZT
Le matériau PZT, de formule générale Pb
(ZrxTi1-x)O3 cristallise dans la structure de type pérovskite
ABO3. Au dessus d'une certaine température appelée
température de Curie " Tc ", c'est dans le
système cubique que les PZT cristallisent (cf. figure 1.5.a). La
polarisation du milieu est nulle, car dans chaque maille, le barycentre des
charges positives correspond à celui des charges négatives.
À des températures inférieures à Tc, une distorsion
de la maille cubique apparaît. Les barycentres des charges positives et
négatives ne sont plus confondus. Ceci a pour conséquence un
dipôle et une structure tétragonale (cf. figure 1.5.b) [35,45].
(a) (b)
Fig. 1.5 - Représentation de la structure
pérovskite de PZT : (a) cubique (T=Tc),
(b) tétragonale (T<Tc) [46]
1.7.1.2.2.1.2 Polarisation des PZT >
Processus de polarisation
Les PZT sont des céramiques polycristallines
ferroélectriques. Ils sont formés de grains et de joints de
grains. Chaque grain est divisé en domaines au sein desquels les
dipôles sont orientés dans la même direction. Chaque domaine
présente une polarisation microscopique spontanée, mais leur
répartition dans le matériau est aléatoire : le
matériau est donc globalement non polaire. La frontière entre les
domaines est appelée mur de domaine (cf.
figure 1.6). Pour que le matériau ferroélectrique
devienne piézoélectrique, on doit le polariser [12,47].
Domaines
Murs de domaines
Fig. 1.6 - Microstructure d'une céramique PZT montant
les domaines ferroélectriques [42,46]
L'orientation des domaines dans une direction donnée
par application d'un champ électrique intense est une étape
importante. Après cette étape et lorsque le champ est
supprimé, une polarisation rémanente et une déformation
rémanente subsistent dans le matériau et le matériau
devient piézoélectrique (cf. figure 1.7).
Champ el ectrique
Pol ari sdi on remanente
Déformation provoquée par le champ
électrique
(a) (b)
Déformation rémanente
(c)
Fig. 1.7 - Représentation du processus de polarisation
dans une céramique ferroélectrique : (a) domaines
aléatoirement distribués avant la polarisation, (b) application
d'un champ électrique, (c) champ électrique supprimé
[20,46]
> Cycle d'hystérésis
Si un champ extérieur suffisamment intense est
appliqué au matériau, il se polarise : les domaines,
orientés dans le sens du champ, grossissent au détriment des
autres. Plus le champ n'est élevé, plus le nombre de
dipôles orientés est grand, ce qui contribue à
l'augmentation progressive de la polarisation. Ce phénomène se
manifeste par un cycle d'hystérésis P=f(E) (cf. figure
1.8). P représente la polarisation moyenne de l'ensemble des
domaines et E est le champ extérieur appliqué au
matériau ferroélectrique. La polarisation est saturée
à #177;Ps pour des valeurs de champ très importantes et
la polarisation rémanente #177;Pr correspond à la valeur
de la polarisation à champ nul. La valeur du champ à polarisation
nulle est le champ coercitif noté Ec qui définit un
nouvel axe de polarisation [12,22,30].
P
E
Ec
-Ec
Ps
Pr
-Pr
Fig. 1.8 - Cycle d'hystérésis d'un
matériau ferroélectrique [48]
> Température de Curie
La polarisation rémanente induite par orientation des
dipôles n'est stable que dans un domaine de température
donné. Au-delà de la température de Curie "
Tc", il se produit une transition de phase. Le
matériau passe de l'état ferroélectrique à
l'état paraélectrique et il ne présente plus alors l'effet
piézoélectrique. Cette température est l'un des
critères de choix de céramiques piézoélectriques ;
en fait, plus le point de Curie est grand, plus la gamme en température
d'utilisation de la céramique est importante [12,49].
1.7.1.2.2.2 Matrice plasto-pipzo-diplectrique des PZ
T
La matrice élasto-piézo-diélectrique
décrit le comportement électromécanique global d'une
céramique piézoélectrique. Pour les PZT qui sont
assimilables aux cristaux de la classe de symétrie 6mm du système
hexagonal, cette matrice s'écrit [50,51]:
d15
0
0 0 0 0
d15
0 0 0
0 0
d13 d13 d33
0 0 0
0
T E11
0
T E11
0 0
0 0
T
E33
0 0 0
T1
T2
T3
T4
. T5
T6
E1
E2
E3
S55
S55
S66
d15
0
0 0
0
d15
0 0 0
E
0
0
0 0 0 0
E
0
0 0 0 0 0
E
(1.5)
??1
S2
S3
S4
S5
S6
D1
D2
D3
|
|
SE
11
E
S12
E
S13
0 0 0
|
E SE
S12 13
E E
S11 S13
E E
S13 S33
0 0
0 0
0 0
|
|
|
1.7.1.2.2.3 Caractéristiques des
céramiques piézoélectriques PZT
Les avantages des céramiques PZT peuvent être
regroupés comme suit [34,52,53]:
· Possibilité d'usinage ou moulage dans une grande
variété de formes et de tailles.
· Coût abordable ; coefficient de couplage
électromécanique très élevé par rapport
à d'autres matériaux piézo-électriques. Cela
nécessite une application d'une énergie électrique moyenne
pour obtenir une énergie mécanique.
· Pertes électriques sont faibles, elles ne
s'échauffent donc presque pas et leur rendement acoustique est
très bon.
· Robustesse mécanique, elles peuvent supporter
des déformations beaucoup plus grandes que la plupart des autres
céramiques, c'est pourquoi on peut obtenir la même puissance, avec
un cristal de plus faible volume.
· Permittivités diélectriques relatives
fortes.
· Constantes de charges piézoélectriques
élevées.
· Température de curie ajustable selon la
composition.
A cause de leurs excellentes propriétés
piézoélectriques (bons coefficients de couplages
électromécaniques), les PZT sont largement utilisés dans
les capteurs et les actionneurs.
Leurs principaux inconvénients sont :
· Impédances acoustiques très
élevées par rapport à d'autres matériaux
piézoélectriques. Elles sont donc plus difficiles à
coupler aux autres matériaux.
· Coefficients pyroélectriques importants.
· Variation thermique des constantes
piézoélectriques et des permittivités
diélectriques.
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