Les implications juridiques du transfert des affaires du Tribunal Pénal International pour le Rwanda devant les juridictions rwandaises( Télécharger le fichier original )par Jean Maurice Mugabonabandi Université nationale du Rwanda - Bachelor's degree 2008 |
§ III. Le droit de se défendre soi -même ou de se faire assister par un avocat
En matière de procès équitable, le droit d'avoir un avocat est un moyen nécessaire de la protection des droits de l'accusé et des suspects. La Constitution de la République du Rwanda stipule que le droit de la défense est absolu à toute étape de la procédure qu'elle soit administrative, judiciaire, ou toute autre instance de prise de décision116(*). La Déclaration universelle des droits de l'Homme du 10 décembre 1948 dispose que toute personne accusée d'un acte délictueux a droit à ce que lui soient assurées toutes les garanties nécessaires à sa défense117(*). Le droit de la défense est également garanti par le Pacte International relatifs aux droits Civils et Politiques ratifié par le Rwanda, en garantissant les divers éléments du droit de la défense. Ainsi, toute personne a droit de se défendre lui même ou par un défenseur légal de son choix118(*). A. Disponibilité des avocats de la défense au Rwanda Selon la défense de Hategekimana et celle de Kanyarukiga, Human Rights Watch et International Criminal Defence Attorneys Association (ICDAA), il serait difficile pour l'accusé de trouver un avocat si les avocats de présumés génocidaires subissent des menaces et ils sont en nombre très réduit compte tenu des affaires du génocide qu'ils doivent plaider et n'ont pas une expérience suffisante119(*). Répliquant contre ces affirmations, le Rwanda affirme que rien n'empêche les avocats provenant de l'étranger de plaider dans les affaires transférées au Rwanda120(*). Ainsi, la législation rwandaise donne aux avocats de la défense des accusés transférés le droit d'entrer et de se déplacer librement au Rwanda dans l'exercice de leurs profession, et leurs garanti les immunités de fouille, de saisie, d'arrestation ou de détention dans l'exercice de leurs fonctions121(*). En plus, ces avocats ont la volonté et l'expérience de plaider dans les procès du génocide. Au début 2008, le barreau de Kigali était composé de 274 avocats122(*) et nombreux d'entre eux se trouvent à Kigali123(*). Malgré le nombre limité des avocats au Rwanda comparé au nombre des génocidaire, les juges des chambres désignées dans les affaires Hategekimana et Kanyarukiga entrevoient que l'accusé transféré au Rwanda ne manquera pas l'avocat pour lui représenter compte tenu de la volonté du barreau de Kigali de plaider les affaires transférées par le TPIR, et ont une expérience à cet effet124(*). La Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, ratifiée par le Rwanda le 15 juillet 1983, parle aussi du droit d'être défendu par l'avocat de son choix125(*). En revanche, elle ne parle pas de l'aide juridique gratuite. Néanmoins, il est admis que pour que le droit à la défense ne reste pas lettre morte, il est du devoir du gouvernement de fournir une représentation par un avocat. À cet égard, il est prévu au Rwanda un programme d'assistance juridique des personnes qui n'ont pas des ressources suffisantes pour payer un avocat. Cette tache est attribuée au Conseil de l'Ordre du barreau de Kigali126(*) qui désigne un avocat pour défendre un indigent. Cet avocat sera rétribué sur le fonds d'aide judiciaire géré par le Conseil de l'Ordre sous le contrôle du Gouvernement127(*). Ce fonds d'aide judiciaire tire ses ressources principalement des subventions de l'État et des contributions diverses128(*).En outre, l'article 13 alinéas 6 de la loi relative au transfert des affaires du TPIR devant les juridictions rwandaises prévoit en faveur de l'accusé transféré la possibilité d'avoir l'assistance gratuite tant qu'il est indigent129(*). Le ministre Rwandais de la justice prouve qu'il est prévu 500.000 US dollars pour faciliter le bon déroulement des affaires transférées au Rwanda130(*). Même si la suffisance du montant n'est pas une condition de transfert, les juges du TPIR se sont montrés satisfaits de la somme et de la disponibilité de l'assistance judiciaire en faveur de l'accusé transféré au Rwanda131(*). Les problèmes des éventuelles contraintes budgétaires et l'indisponibilité des avocats seront résolus par les observateurs nommés par le Procureur132(*). C. Les conditions de travail des avocats de la défense La loi relative au transfert prévoit que les membres de la défense des accusés transférés auront certaines immunités de saisies, d'arrestation ou de détention pendant l'exercice de leurs fonctions133(*). Ces provisions n'ont pas empêchés la défense et HRW de mettre en cause les conditions de travail des avocats au Rwanda. Se basant sur le fait que quelques équipes de la défense ont eu des difficultés à obtenir certaines informations au Rwanda, la défense et l'amicus curiae soumettent que le gouvernement rwandais ne peut pas adéquatement protéger les membres de la défense surtout pour leur faciliter leurs voyages et l'obtention de divers documents de preuve134(*). Partant de ces soumissions, la chambre désignée dans l'affaire Hategekimana trouve que les motifs évoqués par la défense et l'amicus curiae ne sont pas si pertinents qu'ils peuvent compromettre l'équité du procès de l'accusé transféré135(*). Les difficultés que les membres de la défense pourraient rencontrer au cours de leurs travaux seront résolues par la Haute Court de la République ou la Cour Suprême136(*). À cet égard, il a été jugé qu'à défaut de respecter de l'inviolabilité de l'équipe de la défense par la Haute Court de la République ou la Cour Suprême, le problème serait résolu par les observateurs désignés par le procureur ou la chambre137(*).
* 116 Voy. art.18 de la Constitution de la République du Rwanda déjà citée. * 117Voy.art. 11de Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948, le Rwanda en est membre depuis le 18 Septembre 1962 : « Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées ». * 118 Voy.art. 14 al.3 (D), du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques déjà citée: « Toute personne accusée d'une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes: A être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir l'assistance d'un défenseur de son choix; si elle n'a pas de défenseur, à être informée de son droit d'en avoir un, et, chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, à se voir attribuer d'office un défenseur, sans frais, si elle n'a pas les moyens de le rémunérer ». * 119 Procureur c. Gaspard Kanyarukiga, Affaire n° TPIR / 2002/78/11bis, Amicus curiae, Mémoire de Human Rights Watch, pars.64-74., Procureur c. Gaspard Kanyarukiga, Affaire n° TPIR / 2002/78/111bis, Amicus curie, Mémoire de ICDAA, pars.42-46. * 120 Procureur c. Gaspard Kanyarukiga, Affaire n° TPIR / 2002/78/111bis, Amicus curiae, Mémoire de la République du Rwanda, par. 22. * 121 Voy. art. 15 de la loi Organique n° 11/2007 du 16/03/2OO7 déjà citée * 122 Procureur c. Ildefonse Hategekimana, op.cit., note 6, par .54. * 123 Procureur c. Gaspard Kanyarukiga, op.cit., note 6, par.55 * 124 Idem, par. 56 ; Procureur c. Ildelphonse Hategekimana, op.cit., note 6, par .55. * 125 Voy. Article 7 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et du Peuple. * 126 Voy. Article 60 de la loi n° 3/97 du 19/3/1997 portant création du barreau au Rwanda, in J.O.R.R. n° 8 du 15/04/1997 : « Le Conseil de l'Ordre pourvoit à l'assistance des personnes dont les revenus sont insuffisants par l'établissement d'un bureau de consultation et de défense, selon les modalités qu'il détermine ». * 127 Id., art. 6. * 128 Id., art. 62. * 129 Voy. art. 13 (6) de la loi Organique no 11/2007 du 16/03/2007 relative au renvoi d'affaires a la République du Rwanda, du Tribunal Pénal international pour le Rwanda et par d'autres Etats déjà cité : « l'accusé a droit a bénéficier, pour toute interrogatoire, de l'assistance d'un défenseur de son choix et s'il est indigent a se voir attribuer, sans frais, un défenseur indépendant ». * 130 Procureur c. Gaspard Kanyarukiga, op.cit., note 6, paras. 62-63; Procureur c Gaspard Kanyarrukiga, op.cit., note, 120, paras. 75-78. * 131 Prosecutor c. Kanyarrukiga, op.cit., note 6 : «This is a significant amount. It is not for the Chamber to venture into the question whether this amount will be sufficient. It follows from case law that there is no obligation to establish in detail the sufficiency of the funds available as a precondition for referral. Accordingly, the Chamber is satisfied that legal aid will be available if Kanyarukiga is transferred. Should there be future financial constraints, it would be a matter for evaluation by the monitoring mechanism». * 132 Procureur c. Ildelphonse hategekimana, op.cit., note 6, par 60 ; Procureur c. Gaspard kanyarukiga, op.cit., note 6, par.61. * 133 Voy. art. 13 de la loi Organique n°11/2007 du 16/03/2007 relative au renvoi d'affaires à la République du Rwanda, du TPIR, et par d'autres Etats déjà citée : « Sous réserve des dispositions d'autres lois rwandaises, le conseil de la défense et leurs personnel d'appui ont le droit d'entrer librement au Rwanda et de s'y déplacer librement dans le cadre de l'exercice de leurs professions. Ils ne peuvent être soumis à des mesures de fouille, de la saisies, d'arrestation ou de détention du fait de l'exercice régulier de leurs fonctions ». * 134 Procureur c. Ildelphonse Hategekimana, op.cit., note 6, par.57. * 135 Id., pars. 60. * 136 Ibid., §62. * 137Procureur c.Rodovan Stankoviæ, Affaire n° IT-96-23/2-AR11 bis, 17 mai 2005, paras. 50-52 : « Le Procureur peut envoyer des observateurs qui suivront, en son nom, l'action devant les juridictions de l'État concerné ». |
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