3.3.3. Le désenclavement comme soubassement du
développement des zones rurales enclavées d'Afrique
subsaharienne
Le désenclavement est un processus d'aménagement
du territoire par lequel on rend une localité accessible. Prenant
très souvent l'image de la construction des infrastructures de
communication, il peut aussi devenir la mise en place des structures en vue de
permettre l'intégration de la localité au sein d'un réseau
de télécommunication. Dans un cas comme dans l'autre, le
désenclavement règle le problème de la
discontinuité dans les réseaux, permet l'insertion spatiale des
sociétés et crée un dynamisme socio-économique
nouveau. Dans le cas de Lotogou par exemple, Yatombo T. (1994) remarque que la
construction d'une route en 1988 a fait passé le nombre de planteurs de
911 à 1713 soit une progression de 88%, le taux de scolarisation de 26%
en 1984 à 54% en 1991. Par ailleurs, à Kpawa dans la
préfecture de Blitta, la construction d'un pont sur la rivière
Anié ainsi que des ouvrages de franchissement pour relier cette
localité à Blitta-gare a été le moteur du dynamisme
agricole. Tchendié P. (1998) rapporte que les superficies moyennes y
sont passées de 2,25 ha à 3,75 ha soit une augmentation de 88%
avec l'introduction de la culture du coton. Ce dynamisme selon Segbor P. (1990)
est tributaire du fait que les localités selon qu'elles soient loin ou
proche d'un réseau de transport, leur permet d'échanger ou non
les innovations avec les autres localités. C'est aussi de ce dynamisme
que parlait Lombard J. (1999) lorsqu'il évoquait dans le cas du
Sénégal que « les transports (dé)lient
villes et campagnes », page 141.
En somme, le désenclavement est le seul moyen par
lequel une société rurale précédemment
enclavée retrouve sa place dans le concert des réseaux
fonctionnels qui l'avoisinent. A partir de ce moment, nul doute que cette
insertion dans les circuits économiques servirait à enclencher un
processus de développement basé sur la rentabilisation des
activités agricoles. D'ailleurs, comment pouvait-il en être
autrement quand on sait que toute production massive pour être rentable
doit pouvoir se vendre pour créer des revenus financiers ? Au terme
de cette approche bibliographique sur l'analyse de la question de
développement des zones rurales enclavées en Afrique
subsaharienne, une conclusion ne s'impose-t-elle pas ?
A travers la thématique ci-dessus
présentée, c'est avant tout le problème du
développement de l'Afrique qui est soulevé. Il ressort des
écrits que nous avons consultés que l'Afrique est en marge du
bien-être. Ses populations vivent la précarité sous toutes
ses formes et le milieu rural, celui là qui se distingue de la ville
(Balima M. 2005, Kola E. 2005, Grawitz M. 1999) est par excellence le
réceptacle des pires formes de pauvreté en Afrique (PNUD, 1990).
Et pourtant, ce ne sont pas les tentatives qui ont manqué en vue
d'améliorer le vécu quotidien des femmes et des hommes sur ce
continent. C'est que l'on a appelé les projets de développement.
Malheureusement, il ne s'agissait que de remèdes très souvent en
parfaite inadéquation avec le mal africain. Aussi, les
bénéficiaires de ces projets dits de développement ont-ils
été convertis en de simples exécutants n'ayant à
terme de mots que pour exprimer leur nostalgie quand les
« assisteurs » disparaissent sans avoir rien
changé (Harrisson P., 1991). Les causes de ces
« échecs ou mieux de ces semi
réussites » pour emprunter à Belloncle G. (1985)
ses termes sont nombreuses et s'expriment en terme de non association des
bénéficiaires à la conception des projets,
l'inadéquation physique et humaine entre projets et lieux
d'exécution, détournement de buts, ... Cependant, en plus de ces
causes d'ordre extérieur, il faut ajouter celles inhérentes
à la prédisposition des masses paysannes à intégrer
les innovations à leur vie. C'est ce qu'ont pu, entre autres auteurs,
montré Ela J-M. (1990) et Merlin P. (1991) lorsqu'ils évoquent
tour à tour le faible taux de scolarisation puis la mauvaise
organisation sociale en milieu rural comme frein au développement.
Toutefois, avions-nous dit, certaines sociétés, mues d'une
certaine technicité peuvent s'affranchir des difficultés pour
créer une croissance pouvant leur permettre de faire face à des
mutations internes. C'est ce que Boserup E. (1970) appelle adaptation des
peuples à la pression démographique par l'intensification
agricole. Dans cette veine, Abotchi T. (1997) montre qu'en dépit de la
faiblesse des usages des nouvelles techniques agricoles, les populations comme
celles de l'est de la région des Plateaux produisent suffisamment au
point de déverser des suppléments sur les marchés. C'est
justement ce besoin d'accessibilité des points de vente qui ne sont rien
d'autre que des pôles de consommation pourvoyeurs de revenus pour le
monde rural qui se révèle être un facteur limitant dans la
volonté des paysans d'Afrique au sud du Sahara et
précisément du Plateaux Est togolais à réaliser le
développement de leur milieu. Lorsque les infrastructures requises pour
permettre cette mobilité manquent, sont insuffisantes ou sont d'une
praticabilité sélective selon les saisons, les produits agricoles
ne peuvent pas être facilement commercialisés. Il en
résulte une stagnation de l'économie dans ces contrées qui
elle-même agit sur les données culturelles, sociales et morales.
Cette situation que nous avons désignée par le vocable
d'enclavement a donc des effets multiplicateurs qu'il convient
d'apprécier en rapport étroit avec ses causes. Celles-ci en effet
s'expriment en terme d'obstacles naturels et de possibilités humaines
à surmonter ces contraintes. Voilà pourquoi nous sommes
amené à penser que l'enclavement dont font l'objet les
contrées rurales du Plateaux Est peut avoir des répercussions de
différentes sortes sur le développement de cette zone. Quel
schéma présentent les zones rurales de l'est de la région
des Plateaux au Togo ?
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