2. ENONCE DU PROBLEME
Le Burkina Faso est un pays en développement
caractérisé par un niveau socioéconomique bas et une
situation sanitaire marquée par l'insuffisance des infrastructures et
des ressources humaines.
Les taux de morbidité et de mortalité restent
élevés dans le pays. En particulier, les taux de mortalité
maternelle et infantile estimés respectivement à 484 pour 100 000
naissances vivantes et à 81 pour 1000 [65] constituent un défi
aux objectifs du millénaire pour le développement.
Au regard de cette situation, le personnel paramédical
(sages-femmes, infirmier, etc.) bénéficie dans le cadre de la
prise en charge des patients d'une dérogation aux dispositions du code
de la Santé Publique portant sur les compétences de prescription
de médicaments [6].
L'extension des prérogatives de prescription au
personnel non médecin a contribué à une utilisation non
rationnelle du médicament avec des prescriptions médicamenteuses
désordonnées, comme l'ont rapporté Millogo en 1989
à Ouagadougou [59] et Zongo en 1993 à Bobo Dioulasso [99]. Ces
prescriptions irrationnelles, sources potentielles de risques sanitaires pour
les populations n'épargnent pas la femme enceinte. Zoungrana a
rapporté en 1993 que sur 700 ordonnances médicales
destinées à des femmes enceintes, 172 d'entre elles soit 24,6 %
comportaient au moins un médicament contre-indiqué [100]. Krause
et collaborateurs (1999) ont également rapporté à
l'occasion d'une étude sur les prescriptions en milieu rural au Burkina
Faso incluant 21 femmes enceintes, des prescriptions contreindiquées
concernant 7 d'entre elles [50].
Les prescriptions irrationnelles chez la femme enceinte sont
d'autant plus préoccupantes que les risques portent non seulement sur la
mère mais aussi et surtout sur le futur nouveau-né à
différents stades de son développement in utero. En
effet, la femme enceinte et son enfant sont solidaires sur les plans
métabolique et physiologique par le biais du placenta, si bien
qu'à l'exception des grosses molécules comme l'héparine et
l'insuline, tout médicament administré à la mère
peut avoir des répercussions immédiates ou lointaines sur
l'embryon, le foetus ou le nouveau-né [73]. Historiquement, on se
souvient encore des dommages occasionnés par la thalidomide avec
près de 10 000 enfants sévèrement malformés
à la naissance [15 ; 27].
Au delà des risques toxiques, les prescriptions
irrationnelles posent des problèmes économiques aux patients et
à l'Etat par leurs caractères onéreux.
Au Burkina Faso, il n'existe pas de pharmacovigilance
organisée, ni de centre de renseignements sur les agents
tératogènes. Les investigations sur l'utilisation des
médicaments chez la femme enceinte sont peu fournies. L'étude la
plus récente remonte à celle de Zoungrana (1993). Dans un
contexte marqué par l'évolution des connaissances et
des structures de prise en charge des femmes enceintes, nous
nous proposons une évaluation de la situation une dizaine
d'années plus tard. Ainsi, une étude sur les prescriptions de
médicaments chez les femmes enceintes dans la Commune Urbaine de
Ouagadougou (CUO) devrait permettre d'explorer les risques potentiels y
relatifs, et de proposer des solutions pour une utilisation plus rationnelle et
plus sécurisée du médicament chez la femme enceinte au
Burkina Faso.
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