INTRODUCTION GENERALE
CONTEXTE
Le systeme bancaire camerounais, tout comme celui des pays
membres de la Communaute Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEMAC) a
eta caracterise durant les annees 80 jusqu'au debut des annees 90 par le non
respect de la reglementation prudentielle. Cette situation a eu de facheuses
consequences, dont la plus importante est la faillite de plusieurs banques a
l'instar de Cameroon Bank S.A, International Bank of Africa-Cameroon (IBAC),
Societe Camerounaise des Banques (SBC), Banque Internationale pour l'Afrique
Occidentale (BIAO), Banque Camerounaise de Developpement (BCD), etc. Il decoule
de l'analyse faite de cette crise bancaire, qu'elle est le resultat de
decisions peu judicieuses en matiere de credit et d'une gestion inappropriee de
son risque. A la suite de cette crise bancaire, des reformes ont ete mises en
oeuvre sur deux axes, l'une sur la restructuration des etablissements bancaires
et l'autre sur la refonte du dispositif de surveillance bancaire avec
l'avenement de la Commission Bancaire pour Afrique Centrale (COBAC).
L'operation de restructuration visait essentiellement deux objectifs a savoir,
d'une part, liquider les banques irremediablement compromises et d'autre part,
restaurer durablement la solvabilite, la rentabilite et la liquidite des
banques viables. Sur le plan financier, la restructuration du systeme bancaire
s'est elevee a 490,4 milliards hors charges financieres, dont 185,1 milliards
de F CFA pour les banques a liquider et 305,3 milliards de F CFA pour celles
devant etre restaureesl. Notons au passage que les procedures de
liquidation de plusieurs banques ne sont actuellement pas achevees.
La crise des « subprimes » qui s'est
&clench& au deuxieme semestre 2006 avec le « lcrach » des
prets hypothecaires a risque aux Etats-Unis est revel& au monde en fevrier
2007, notamment par l'annonce d'importantes provisions passees par la banque
Hong Kong & Shanghai Banking Corporation (HSBC) ; elle s'est veritablement
transform& en crise financiere mondiale partir de Pete 2007. La crise des
credits « subprimes » a conduit a une defiance au niveau mondial
envers les systemes bancaires et financiers susceptibles de detenir les credits
immobiliers
1
TANGAKOU SOH R., Le systeme bancaire et financier du Cameroun,
Douala, collection ROTAS, octobre 2007.
hypothecaires et les derives de credits immobiliers. Cette
crise de confiance generale a entraine a son tour la chute des marches
financiers et une crise de liquidite bancaire. Par crainte que la crise ne
touche la sphere de Peconomie reelle, les Banques Centrales ont ate amenees a
injecter des liquidites dans le marche interbancaire et a assouplir leur
politique monetaire a l'exemple de la Federal Reserve (FED) aux Etats-Unis en
septembre 2007.
A partir de Pete 2007, les banques du monde entier ont dil
passer chaque trimestre dans leurs comptes, des depreciations de la valeur de
leurs actifs liees aux « subprimes » ; de fete 2007 a Pete 2008, les
banques du monde entier ont ainsi passé pour 500 milliards de dollars US
de depreciations d'actifs, reduisant a due concurrence leurs capitaux propres.
Ceci d'autant que le systeme de reassurance de ces produits s'est revele
inefficient devant l'ampleur des risques a couvrir. Afin de pouvoir respecter
les ratios de solvabilite du métier et poursuivre leur activite, elles
ont du parallelement reconstituer leurs capitaux propres par augmentation de
capital, pour un montant de 300 milliards US de dollars de la mi-2007 a la
mi-2008. Plusieurs fonds souverains, notamment de pays asiatiques ont ainsi
pris des participations significatives au capital des grandes banques
americaines. En 2008, plusieurs grandes banques ont connu des destins varies
:
· certaines ont dii etre rachetees afin de sauver leur
activite (Bear Stearns et Merrill Lynch aux Etats-Unis),
· d'autres ont ete nationalisees (Northern Rock en
Grande-Bretagne, Fannie Mac et Freddie Mac aux Etats-Unis, et egalement
l'assureur AIG),
· enfin d'autres encore ont fait faillite (Lehman Brothers
aux Etats-Unis).
La difficulte des banques a entraine un ralentissement des
octrois de credits a travers le monde et donc a renforce le ralentissement
economique en cours a travers le monde. Le secteur de l'assurance a egalement
ete touché par la crise, dans une mesure moindre que le secteur bancaire
a la mi-20082.
Selon plusieurs analystes financiers, la recente crise
bancaire est la consequence d'une conduite imprudente des banques, poussees par
la recherche effrenee de profits dans un environnement caracterise par une
concurrence intense, exacerbee par la globalisation. Cette
2 Groupe les Echos, Les Echos N°21125, Paris,
News letters, Decembre 2009.
nouvelle crise, comme les precedentes, a pour denominateur
commun la defaillance des contreparties. L' activite traditionnelle de la
banque fait peser sur cette derniere une probabilite de defaillance de
contrepartie. En effet, l'intermediation bancaire qui consiste a garantir aux
deposants la securite du depot et sa restitution, et a l'emprunteur qui
beneficie momentanement du depot sous forme de pret jusqu'a &Mance
convenue, quoi qu'il arrive a l'un ou a l'autre, fait courir a la banque un
risque de credit en cas de defaillance de l'emprunteur. Malgre les crises que
le risque de credit a engendrees et la menace qu'il represente pour la
stabilite des systemes bancaires, ce n'est qu'au debut des annees quatre-vingt
dix que la gestion des risques est devenue effective en zone CEMAC. A cette
periode, les banques, en plus de leur tendance a renforcer leurs fonds propres
conformement aux exigences edictees par l'accord de Bale de 1988, se sont
lancees dans le developpement de nouvelles techniques de gestion des risques de
credit afin de reduire, ou au mieux d'eviter les defauts de contrepartie que
l'activite bancaire genere.
Quelques annees plus tard, le Comite de Bale, conscient des
limites de son premier accord (Bale I), a exprime sa volonte de le remanier et
d'instaurer un nouveau dispositif (Bale II) dont le principe fondateur est de
recommander les meilleures pratiques en matiere de mesure et de gestion du
risque de credit, et de permettre aux banques ayant fait un long parcours dans
ce domaine d'utiliser leur propre savoir-faire et leur technologie pour evaluer
leur risque. La notation interne etant l'une des mesures principales prises par
le Comite de Bale dans son nouvel accord, a contribue significativement a la
diffusion des innovations manageriales utilisant cette approche. Parmi ces
innovations, on trouve la methode RAROC ou « Risk Adjusted Return On
Capital », adoptee par de nombreuses banques a Pechelle
internationale. Cette methode fondee sur les principes de la finance moderne
visant l'optimisation du couple risque-rentabilite, a trouve une application
non seulement en matiere de gestion du risque de credit, mais aussi comme outil
de mesure de la performance.
Aujourd'hui, l'enjeu pour les banques, n'est plus d'evaluer
les revenus des operations de prets a la clientele, mais de confronter les
revenus aux risques inherents a ces transactions. Cela facilite la facturation
du client au regard du risque encouru. Par ailleurs, detenir un engagement
jusqu'a maturite n'est plus a l'ordre du jour, car dans la nouvelle vision de
la finance, les banques peuvent se fixer des objectifs de maximisation comme
sur les marches financiers notamment avec le developpement du marche des
derives. En outre, la gestion dynamique du risque donne une bonne lisibilite
des risques encourus et evalue les fonds propres economiques a mobiliser, afin
de reduire les coins d'opportunite. Les differentes pratiques evoquees
ci-dessus, ne sont pas encore developpees en Afrique, encore moins au Cameroun,
mais elles seront amenees a Pete avec
l'internationalisation de la sphere bancaire et le
developpement des places financieres. Notre ambition est que ce document
contribue a la reflexion sur le developpement harmonieux des etablissements
financiers au Cameroun voire sur le continent, notamment grace a une bonne
maitrise des risques de credit.
PROBLEMATIQUE
Dans la zone CEMAC, le Cameroun est le pays dont le systeme
bancaire est le plus etoffe en termes d'etablissements bancaires. La
concurrence est rude sur certains segments d'activite tels que les credits aux
entreprises. Les entreprises n'ont d'autres options de financement externe que
le credit bancaire pour leurs activites, compte tenu de l' etat embryonnaire de
la bourse de valeurs nationale et regionale. De ce fait, la marge
d'intermediation constitue une composante non negligeable de la rentabilite des
banques. Dans ces conditions, le determinant de la stabilite du systeme
bancaire se ramane en derniere analyse a optimiser l'octroi de credit ; cette
activite pourvoyeuse de ressources est par excellence source de risque. En
effet, faire du credit genere des risques de contrepartie que les
etablissements de credit doivent evaluer a leur juste valeur et les gerer afin
d'atteindre leur objectif de rentabilite et d'assurer leur perennite. Les
evolutions recentes en matiere de gestion du risque de contrepartie ont permis
une nouvelle approche basee sur la tarification economique des credits, dont la
methode RAROC, sa diffusion rapide et son application au sein de l'univers
bancaire occidental sont deux elements parmi tant d'autres qui ont mis ce
concept au cceur d'un long debat sur son utilite, son efficacite et ses
limites. L'on peut ainsi s'interroger sur la pertinence de la methode RAROC
dans la gestion du risque de contrepartie dans une institution de credit comme
Eco-Bank-Cameroun ?
PROPOSITION
Dans le cadre de la gestion du risque de contrepartie, une
methode de gestion axee sur le couple rentabilite-risque de type RAROC pourrait
aboutir a une gestion plus fine du risque de credit.
OBJECTIF
L'objectif de ce travail consiste a proposer a un
etablissement de credit, une methode de gestion du risque de credit objective
basee sur l'optimisation du couple risque-rentabilite, en l'occurrence la
methode RAROC. De maniere specifique, ce travail presentera la methode RAROC de
fawn theorique et procedera a une application pratique sur des donnees reelles
d'une banque.
INTERET
L'interet majeur de cette modeste contribution est
d'experimenter la methode RAROC dans une banque de grande notoriete en Afrique
et particulierement au Cameroun, comme outil de gestion du risque de credit
alliant la rentabilite des operations de credit bancaire.
Outre ce qui precede, ce travail peut etre decline en un ensemble
de visees sur divers plans :
Ø sur le plan scientifique, ce travail pourra
permettre, en partant de l'exemple d'une des plus importantes banques du
Cameroun et du continent, de faire une analyse de la gestion du risque de
credit. Il pourrait, dans une certaine mesure, s'averer d'une utilite certaine
pour les institutions de credit, particulierement pour celles qui voudront
repenser leur approche de la gestion des risques de contrepartie,
Ø sur le plan academique, cet exercice intellectuel a
ete l'occasion d'entreprendre des travaux de recherche au moyen d'une
experience dans le milieu professionnel, couple d'une importante synthese de la
revue de la litterature. Les etudiants et les chercheurs pourront y trouver
notre modeste contribution,
> la structure qui a servi de cadre a cette analyse, en
l'occurrence Eco-Bank, pourra sur cette base apprecier sa gestion de risque de
credit, et eventuellement envisager des ajustements,
> enfin, d'un point de vue plus general que l'on
qualifiera de culturel, les differents acteurs ou observateurs de la sphere
bancaire pourront trouver dans ce travail des elements de documentation et
d'information.
METHODOLOGIE
La posture retenue est de type constructiviste, it s'agira
d'une appreciation qualitative appuyee sur une etude de cas. Une revue de la
litterature, ainsi qu'une exploitation des publications et de la reglementation
en matiere de risque de credit seront employees. A ceci s'ajouteront des
discussions et explications aupres des acteurs de la gestion du risque, ainsi
qu'une exploitation des documents internes de travail de la structure
d'accueil.
PLAN DU TRAVAIL
L'orientation adopt& se decline autour d'une part, d'une
approche theorique de la gestion du risque de credit, et d'autre part, d'une
approche pratique de ce risque par la methode RAROC.
De ce fait, la premiere partie se proposera d'exposer les
concepts du risque de credit et les differentes methodes de sa gestion.
La deuxieme partie quant a elle, tentera d'appliquer la
methode RAROC de gestion du risque de credit sur des donnees d'Eco-Bank
Cameroun S.A. Elle permettra egalement de presenter cette methode ainsi que la
structure qui nous a accueilli. In fine, nous mettrons en application les
contours de la methode RAROC a l'effet d'en tirer un meilleur parti comme outil
de gestion du risque de credit et de rentabilite.
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