REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE
MINISTERE DE LA CULTURE ET DE LA FRANCOPHONIE
Union-Discipline-Travail
INSTITUT NATIONAL
SUPERIEUR DES ARTS ET DE
L'ACTION CULTURELLE
(INSAAC)
Année Académique 2003-2004
ECOLE NATIONALE DE THEATRE ET DE
DANSE (ENTD)
DIPLOME D'ETUDES SUPERIEURES ARTISTIQUES (DESA /
THEATRE)
L'ESTHETIQUE ARTAUDIENNE,
CO
DE LA
NCEPTION A LA MISE EN SCENE
L'EXEMPLE DE LA PUISSANCE DE UM DE
.1. ERE.1. ERE-LIKING
MEMOIRE DE FI N DE CYCLE
Session Juillet 2004
Présenté par : KODIA YAO
PIERRE-MARIE Etudiant en 4ème année
ENTD
Sous la direction : M. LIAZERE KOUAHO
ELIE Professeur certifié de lettres modernes
8
SOMMAIRE
Pages
-Dédicaces 3
-Remerciements 4
-Sommaire 5
-INTRODUCTION 7
PARTIE I : DRAMATURGIE ARTAUDIENNE 13
CHAPITRE I : ESSENCE DE L'ESTHETIQUE ARTAUDIENNE 14
I- CONCEPTION THEATRALE D'ARTAUD 14
CHAPITRE II : L'OEUVRE D'ARTAUD : LE THEATRE ET SON
DOUBLE 20
LA NOTION DU DOUBLE : BREF APERÇU DE L'OEUVRE 20
THEATRE DE LA CRUAUTE 22
ROLE DE LA SCENE ET DU SPECTATEUR 31
CHAPITRE III : DIFFERENTES FORMES THEATRALES DERIVEES DU
THEATRE DE LA CRUAUTE 33
LE LIVING THEATRE 33
LE PSYCHODRAME 33
CONCLUSION PARTIELLE 34
PARTIE II : THEATRE-RITUEL : LE CAS DE
LA PUISSANCE DE UM 35
CHAPITRE I : CONTEXTE SOCIO-HISTORIQUE DE L'OEUVRE 36
CONTEXTE SOCIAL 36
CONTEXTE HISTORIQUE 37
APPROCHE DEFINITIONNELLE DE LA NOTION DE RITUEL 38
APPROCHE DEFINITIONNELLE LA NOTION DE
THEATRE-RITUEL 39
TECHNIQUE DU THEATRE-RITUEL 45
CHAPITRE II : LA STRUCTURE EXTERNE DE L'OEUVRE 55
LE TITRE 55
RESUME DECOUPE 56
LES EPIGRAPHES 57
INTRODUCTION 58
PROPOSITION SCENIQUE DE LA PUISSANCE DE UM 59
CHAPITRE III : LA STRUCTURE INTERNE DE L'OEUVRE 61
CADRE SPATIO-TEMPOREL 62
ETUDE DES PERSONNAGES ET DES SYSTEMES
RELATIONNELS 63
SCHEMA ACTANTIEL DE L'OEUVRE 66
CONCLUSION PARTIELLE 69
PARTIE III : LECTURE ARTAUDIENNE DE LA PUISSANCE DE UM70 CHAPITRE
I : IMAGES OBSEDANTES 71
LE FEU 71
LA GUERRE ET LA VIOLENCE 72
LE CERCLE ET LE CHAOS 73
LE SEXE À L'INCESTE 74
L'HUMOUR ET L'ANARCHIE 75
CHAPITRE II : DONNEES MATERIELLES ET SES
CONSEQUENCES 77
L'ESPACE INVESTI 77
LE SOUFFLE ET LE CRI 78
LES MASQUES ET LES MANNEQUINS 78
LES DISSONANCES ET LES CONTRASTES 79
UN SPECTACLE CHIFFRE 80
L'APPEL AUX MYTHES 80
CHAPITRE III : ESQUISSE DE MISE EN SCENE 82
CONCLUSION GENERALE 84
BIBLIOGRAPHIE 86
TABLE DES MATIERES 89
ANNEXES 95
DEDICACES
A mon père KODIA Assoma Alfred A ma
mère FAYI Kousso Rosalie A tous mes frères et
soeurs
Que Dieu Tout-Puissant
Leur donne la santé et une longue vie Eux qui
m'ont tant soutenu
Pour la réussite de ce
travail.
11
REMERCIEMENTS
C'est un devoir moral pour nous d'exprimer notre gratitude
à l'endroit de tous ceux qui, de près ou de loin nous aidé
à mener à bien cette étude.
Ainsi, nos remerciements vont-ils à l'endroit du Seigneur
Jésus-Christ qui nous a donné la force et le souffle de vie
nécessaire pour mener ce travail à terme.
v' A M. Liazéré Kouao Elie qui n'a pas
hésité un seul instant à nous encadrer en nous apportant
son expérience,
v' A M.& Mme. Kouassi Menzan qui oeuvrent tant pour la
promotion du théâtre en Côte D'Ivoire,
v' A tous les enseignants de l'Ecole Nationale de
Théâtre notamment M. Vagba, M. Kacou Parfait,
v' Aux membres de la Compagnie Art Peviel et à tous les
camarades de la promotion (2000-2004) avec lesquels nous avons partagés
des moments inoubliables,
v' A toutes les personnes qui m'ont apporté leur aide
matérielle et financière,
v' Au personnel de la villa KI-YI pour les informations sur la
vie et l'oeuvre de Werewere-Liking, et enfin
v' A tous les K.lam'Art pour leur esprit de solidarité et
de soutien.
INTRODUCTION
Existe-t-il des formes proprement africaines du
théâtre ?
Sans doute serait-il nécessaire, au préalable, de
se demander ce que recouvre la notion de théâtre ?
Le théâtre, étymologiquement
dérivé du grec « théatron », recouvre
une conception et une réalité spécifiquement occidentale
et de ce fait, ne peut inspirer l'africain qui cherche à tout prix sa
forme personnelle de théâtre.
A la question de savoir s'il existe des formes
théâtrales proprement africaines, deux autres questions se posent
à nous :
- Existe-t-il un théâtre africain ?
- L'ensemble des rites et des liturgies de la
société africaine ne sont-elles pas l'apparence d'un certain
théâtre ?
A ces deux questions, nous disons que chaque continent est
caractérisé par sa civilisation, par son univers culturel qui
fait la spécificité de ses habitants.
Ainsi, comme certains occidentaux ont voulu nous le faire
croire, l'Afrique a bel et bien sa civilisation, son univers culturel, sa
spécificité culturelle que les coutumes, les traditions, les
liturgies, en somme les rites se chargent de matérialiser.
Partant de ce fait, nous disons que l'essence de la civilisation
africaine est l'ensemble des éléments rituels qui la
caractérisent.
Autrement dit, l'Afrique est parce qu'elle a des rites qui
constituent un élément vital pour elle. Ces rites ne peuvent
être du théâtre car loin d'être de la vraisemblance
comme le voudraient les représentations théâtrales, ils
sont la réalité vraie de l'africain et, par conséquent,
s'exécutent avec toute l'authenticité qu'ils renferment.
Les tragédies grecques sont fort bien
éloignées d'un Kotéba ou d'un rituel d'Abyssa
à Grand-Bassam.
Le théâtre africain en tant que tel, n'est pas une
réalité. Mais, la transposition des rites africains sur
scène à l'occidentale fait l'objet de théâtre.
C'est donc dans cette perspective que Charles Béart qui
a le plus fait pour susciter en At rique occidentale un théâtre at
ricain de langue t rançaise at t irmait : «Il y aura
théâtre quand des acteurs qui ne croiront plus aux mythes
représenteront ces actions dramatiques pour res-susciter dans l'me du
spectacle, quelque chose du sentiment des croyants ou toute autre
émotion »1.
C'est dire que pour qu'un spectacle de théâtre
soit, il faut qu'il véhicule un certain nombre d'idées
destinées à être comprises et vécues par la
majorité tout en étant préalablement
désacralisé. Il doit être retiré de tout son aspect
magique donc essentiel du rituel at ricain.
Alors, s'inspirer des rites africains pour faire du
théâtre, vise à l'aboutissement
d'un art d'expressions dramatiques. Art où le discours
se doit d'être divulguépar le moyen d'une sorte de pantomime,
où les gestes et les attitudes figurent
dans le sens d'hiéroglyphes vivants concrets et sensibles
sur scène.
Travailler sur l'esthétique artaudienne, du point de vue
conceptuaire à la mise en scène en prenant pour exemple La
puissance de Um de
Werewere-Liking, revient à montrer comment l'on pourrait
s'inspirer des traditions at ricaines pour t aire du théâtre.
Justification du sujet
Notre sujet part d'un constat qui révèle que les
théories des dit t érentes
esthétiques théâtrales selon Aristote,
Brecht, Artaud etc... n'ont jamais étésuivies
immédiatement d'une phase pratique. L'esthétique d'Antonin
Artaud est celle que nous avons choisie pour l'aboutissement de notre
objectit . Car il se démarque et se caractérise par
la dimension sacrée de son théâtre. Son
esthétique est complexe.
1 BEART (Charles).- Recherche des
éléments d'une sociologie des peuples d'Afrique à partir
de leur jeu, (Paris, 1960).
Elle vise à faire travailler l'acteur de manière
subtile dans un langage mathématique avec ou sans parole. Et cela
répond plus à nos rites et traditions. D'où la formulation
du sujet comme suit :
Esthétique artaudienne, de la conception
à la mise en scene : l'exemple de La puissance de Um de
Werewere-Liking.
Mais pourquoi porter une réflexion sur l'application
d'Artaud sur La puissance de Um ?
Nous savons que l'auteur (Werewere-Liking) est un adepte de
l'art pour le langage du corps dans sa totalité, dans son
expressivité, son originalité par rapports aux traditions
africaines. Elle fait preuve d'une grande habileté dans le traitement de
l'acteur, des objets, des symboles qu'elle construit avec une parole
poétique sous forme incantatoire. Et cela crée un spectacle
extraordinaire : le théâtre-rituel.
Aussi, nous envisageons faire de notre étude un exemple
de support théorique et pratique de l'esthétique d'Artaud pour le
service des générations futures. Et cela du point de vue de la
collectivité pour la révolution théorique et pratique de
l'art vivant théâtral dans notre pays.
Problématique
Artaud, à travers son esthétique a
apporté un plus par la connaissance scientifique de tout ce qui a trait
au théâtre par le langage mathématique du corps qui se doit
de satisfaire les sens.
La complexité de son esthétique l'ayant rendu
moins célèbre qu'Aristote ou Brecht, notons qu'il a quand
même marqué l'époque contemporaine au
théâtre.
Cependant, le théâtre de la
cruauté, son esthétique théâtrale
manifestée dans sa principale oeuvre dramatique, Le
théâtre et son double, n'a pas été
exploitée ou réalisée dans son intégralité
selon les dispositions pratiques de la scène du fait de son exigence de
«totalité» et de «poétique».
Par conséquent, plusieurs interrogations restent
posées.
- quelle est l'essence de l'esthétique d'Artaud ?
- comment concevoir cette esthétique ?
- comment l'appliquer et quelles sont les insuffisances qui en
découleront dans la mise en scène d'un
théâtre-rituel ?
- quels sont les points de convergence de l'esthétique
d'Artaud et ceux du théâtre-rituel ?
C'est le lieu de montrer dans notre analyse, comment
l'esthétique d'Artaud qui est une conception européenne peut
être représentée dans une mise en scène
appliquée à La puissance de Um de Werewere-Liking, pour
une meilleure exploitation.
RésuméL'oeuvre
de Liking nous fait pénétrer dans le monde mystérieux d'un
rituel de mort où, comme dans tout rituel, une question d'ordre vitale
est posée : qui a tué Ntep Iliga ?
Dans nos sociétés africaines où la mort
n'est jamais naturelle, il faut nommer un coupable qui restituera au groupe son
harmonie primitive.
Le village rassemblé s'interroge sur la part de
responsabilité de chacun.
L'oeuvre est d'actualité et nous transpose dans la
métaphysique où avec l'esthétique d'Artaud, nous nous
attèlerons à montrer scientifiquement sa richesse artistique.
Corpus
La conception et l'application de l'esthétique d'Artaud
sur La puissance de Um, est le sujet de notre étude.
Pour ce faire, nous nous approfondirons sur tous les ouvrages
traitant de la théorie d'Artaud, particulièrement Le
théâtre et son double. Comme toute théorie,
elle a besoin d'illustration pour son champ d'application.
Et cette illustration reste l'oeuvre de Werewere-Liking: La
puissance de Um.
Etat des connaissances
Nous ne pouvons être exhaustifs en ce qui concerne
l'état des connaissances bibliographiques sur le sujet de notre
étude.
Seulement nous avons connaissance d'une panoplie d'ouvrages
écrits sur Antonin Artaud et Werewere-Liking.
Des mémoires, des exposés sur l'esthétique
d'Artaud ont été réalisés mais sous d'autres
aspects.
Cependant, il faut noter que pour Artaud, son initiative
théâtrale a pris forme suite à l'expérience qu'il a
eue du théâtre Balinais en Orient.
C'est par rapport à ce théâtre, qu'est
né son esthétique de théâtre de la
cruauté. Mais, il n'en demeure pas moins influent dans la mesure
où il a conçu un avenir à certains genres tels que le
psychodrame, le Living théâtre.
Hormis la création de ces genres
théâtraux, il a aussi inspiré certains hommes de
théâtre comme Grotowski, Peter brook, Jean-Louis Barrault, la
portée de la formation corporelle de l'acteur et les nouvelles tendances
de mise en scène aussi bien que la dramaturgie.
Par ailleurs, Artaud ne pouvait pas passer inaperçu
dans la mesure où il a construit l'industrie de loupes pour le corps :
principal moyen, d'expression de l'acteur.
Quant à Werewere-Liking, elle fonde toute sa
réflexion sur la dispensation des techniques initiatiques
traditionnelles africaines pour une meilleure approche de l'esthétique
du théâtre-rituel. En application à ses théories
initiatiques du rituel, elle a, en tant que praticienne de l'art
théâtral, fait plusieurs mises en scène :
à savoir Les mains veulent dire, La
rougeole arc-en-ciel (pièce inédite),
Une nouvelle terre suivie Du sommeil
d'injuste, La puissance de Um, qui sont ses
pièces rituelles.
Cependant, le sujet de notre étude, sans aucune
prétention, n'a pas été traité. Son
intérêt pour nous, nous amène à montrer comment
révolutionner l'art théâtral ivoirien sur la base de nos
rites et traditions, à travers une démarche
méthodologique.
Etude que nous souhaiterons transformer en une ornière
de l'analyse et de l'application des théories et esthétique de
l'art théâtral pour les archives de l'Ecole Nationale de
Théâtre.
Démarche méthodologique
Quelles méthodes de travail allons nous exploiter pour
l'aboutissement de notre étude ?
A cette question, Barthélemy KOTCHY répondait
ceci : « la méthode sociocritique semble Itre à l'heure
actuelle la méthode la plus scientifique, la plus englobante, parce
qu'elle permet de comprendre l'individu dans ses créations face à
la société»2.
Ainsi, cette méthode nous permettra de faire une approche
scientifique de l'application de la théorie d'Antonin Artaud sur La
puissance de Um.
On prendra en compte les motivations socio-culturelles,
socio-historiques, sociologiques et religieuses de l'oeuvre.
Plan
Tel que libellé, nous subdivisions notre étude en
trois parties :
La première partie intitulée : Dramaturgie
artaudienne, la deuxième partie : Théâtre-rituel : le cas
de La puissance de Um, et la troisième partie : Lecture
artaudienne de La puissance de Um.
2 KOTCHY (Barthélemy).- Propos sur la
littérature africaine, (Abidjan, CEDA, 1984, p 180).
PARTIE I
DRAMATURGIE
ARTAUDIENNE
CHAPITRE I : ESSENCE DE L'ESTHETIQUE ARTAUDIENNE
L'esthétique d'Artaud a pour essence la
révolution du théâtre occidental au profit d'un
thé~tre magnétique capable d'ébranler les transes
nouménales du spectateur.
Cette nouvelle vision théâtrale, selon Artaud,
prend comme base fondamentale la mise en scène et l'acteur. Cette base
fondamentale se doit de reléguer à l'arrière plan le texte
qui se doit d'être subordonné à la mise en scène.
Ainsi, le théâtre selon Artaud, revêt-il un
caractère sacré. C'est une sorte de démonstration de
l'identité propre des acteurs, du jeu dans sa globalité, et cela
dans le sens du concret et de l'abstrait.
Toujours dans cette perspective, il affirme que : «
la culture en générale et le thé~tre en particulier se
doit de s'attarder artistiquement sur des formes, au lieu d'tre comme des
suppliciés que l'on brDle et qui font des signes sur leurs bitchers
»3.
Cette allégorie montre combien de fois, Artaud
conçoit de manière pointilleuse la nouvelle vision de l'art
thé~tral.
L'étude de l'esthétique d'Artaud ne peut
être exhaustive sans avoir une vision rétrospective sur sa
conception globale de l'art théâtral.
I- CONCEPTION THEATRALE D'ARTAUD
Artaud condamne le théâtre traditionnel
occidental au profit d'un théâtre neuf. La combinaison
simultanée de cette condamnation du théâtre traditionnel et
de l'appel à un thé~tre neuf constitue le socle de sa conception
thé~trale.
Mais pour éviter une éventuelle confusion, nous
nous attèlerons à énumérer de manière
détaillée et séparée, ces deux aspects pour une
meilleure compréhension de ladite conception.
3 ARTAUD (Antonin).- Le théâtre et son
double, (Paris, Edition Gallimard, 1964, p 20).
I.1- Condamnation du théâtre traditionnel
I.1.1- Répudiation d'une conception inerte et
désintéressée du théâtre comme forme d'art.
Les occidentaux considèrent le théâtre
comme une forme figée de l'art oütout est calculé
d'avance. Or le théâtre fait partie intégrante de la
culture et cette
culture a été ôtée de son souffle
par les occidentaux. Ce qui par ricochet a transformé le
théâtre en un art sculptural figé et limité dans un
langage : paroles écrites, musiques.
I.1.2- Répudiation du théâtre occidental
dans son ensemble
Le théâtre occidental depuis la renaissance est
purement descriptif car le spectacle et le public étaient
dissociés.
Le théâtre a demeuré seulement miroir de la
société. Il est superflu puisqu'il est assujetti à la
parole, et donc trahit les réalités mentales qu'il prétend
révéler.
I.1.3- Répudiation de la psychologie des lieux
scéniques ordinaires conventionnels
La psychologie dont parle Artaud n'est pas cette psychologie
en tant que science qui étudie la vie de l'esprit, qui s'applique
à comprendre un comportement.
Mais de celle qui a pour faculté de comprendre les
sentiments, de prévoir leur réaction pour agir en
conséquence.
Cette psychologie, c'est le caractère verbal des
répliques au théâtre occidental où le verbe dit
tout, prévoit tout, organise tout.
Quant aux lieux et conventions scéniques ordinaires,
Artaud propose leur suppression pour la création d'un lieu unique
incluant la scène et la salle.
Nous nous évertuerons à détailler cela plus
loin.
I.1.4- Répudiation du verbe comme
élément dominant
du langage scénique
Tout est langage au théâtre. La scène dans
son ensemble est intention, parole. Elle parle et donc ajouter à cela le
verbe, c'est la dénaturer.
La parole, ainsi débitée quel que soit son
timbre, se trouve effacée derrière les accessoires, les gestes du
fait que la partie plastique et esthétique du théâtre est
aussi un langage directement communicatif.
I.1.5- Répudiation du hasard
Le hasard, c'est ce qui fait que les choses arrivent sans que
l'on sache pourquoi, sans qu'on ait pu les prévoir. C'est aussi un
évènement que l'on ne prévoit pas.
Le théâtre de la cruauté qui a pour
objectif premier de toucher la sensibilité du spectateur, se doit de
s'en priver, car il (le hasard) dénaturerait le spectacle.
Il ne permettra pas ainsi d'atteindre le statut de la
cruauté, du danger que revêt l'esthétique du thé~tre
d'Artaud.
I.2- Appel à un théâtre neuf
I.2.1- Revendication d'une refonte de la vie par le
théâtre
« La vie, c'est l'ensemble des
phénomènes qui caractérisent les itres qui naissent, se
nourrissent, se développent et meurent C'est aussi l'ensemble des
évènements qui ont lieu au cours d'une
existence»4.
Associer à la vie une touche artistique qu'est le
thé~tre, c'est faire d'elle du thé~tre dans toute sa
diversité. Où tout geste, attitude, langage se doit d'être
réfléchi artistiquement pour sa beauté. Autrement dit, le
théâtre conditionne la vie. C'est dire que selon Antonin Artaud,
nous devons attirer notre attention sur
4 Larousse Dictionnaire Super Major.- ( Paris,
Editions Malesherbes, 1995, p 1085).
l'emploi technique de l'art théâtral au coeur de
notre vie active : sur chaque phénomène, sur chaque fait.
Aussi pour renchérir, le théâtre doit-il
être ancré dans la vie pour une meilleure civilisation.
I.2.2- Revendication du spectacle total et la
primauté
de la mise en scène
Avec l'émergence de la mise en scène et la prise
de conscience de son importance décisive pour la compréhension de
la pièce de théâtre, le spectacle, selon Artaud, devient le
coeur de la représentation théâtrale.
Avec son aspect péjoratif et laudatif, il se doit
d'être alors par son qualificatif de "total" « une
représentation qui vise à utiliser tous les moyens artistiques
disponibles pour produire un spectacle faisant appel à tous les sens et
créant ainsi l'impression d'une totalité et d'une richesse de
signification subjuguant le public »5.
Le théâtre, selon la vision d'Artaud, doit
être une création artistique qui attache une grande importance
à la gestualité puisqu'il considère l'acteur comme
matériau de base.
Ainsi, le caractère total de ce théâtre
vise t-il à faire participer tous les individus. Mais ce
théâtre ne saurait prendre forme sans la mise en scène qui
demeure le point de départ de la matérialisation de ce
spectacle.
La mise en scène doit conditionner le spectacle par son
caractère métaphysique.
I.2.3- Revendication du langage physique appuyé
sur le corps et le souffle
Le langage dans le théâtre de la cruauté est
essentiel, car il est aussi le moyen par lequel on amène le spectateur
en état de transe magique.
5 PAVIS (Patrice).- Dictionnaire du théâtre,
(Paris, Dunod, 1996, p 380).
Le langage, qui se veut physique, est soutenu par le souffle et
le corps qui le conditionnent.
Le souffle accompagne l'effort et le sentiment et peut donc
aider à le produire spontanément, car le souffle rallume la vie.
Par l'utilisation du corps, on localise et on répartit le souffle.
La combinaison de ces deux aspects conditionnent le langage et
lui revêtent d'un caractère sacré dont le point de chute
est dans le noumène du spectateur.
I.2.4- Revendication d'un théâtre magique
et métaphysique inspiré du théâtre oriental et
primitif
Cette partie semble être le résumé de la
conception théâtrale d'Artaud, car tout le caractère de son
théâtre semble être évoqué plus haut.
Le théâtre occidental est à conception
verbale. Artaud, par la découverte du théâtre oriental,
aspire à une nouvelle dimension du théâtre à
conception physique. Ce théâtre qu'il veut magique, prend comme
base matérielle la mise en scène qui se doit de livrer son
message dans un langage sous forme incantatoire, et où le corps et le
souffle jouent un rôle prépondérant pour magnétiser
le spectateur.
Le problème de l'efficacité de ce langage
physique oblige à reconsidérer le problème des
finalités de l'art. Car l'art et le théâtre doivent renouer
avec le spirituel.
La parole elle-même peut prendre une orientation
métaphysique : conception naturellement étrangère au
théâtre occidental où la parole est appliquée
seulement aux conflits psychologiques et à l'actualité
quotidienne ; car le langage physique et spatial du théâtre
atteint certaines réalités spirituelles bien mieux que la parole.
Mais cette parole ne doit pas être supprimée. Sa place doit
être réduite et son statut modifié.
Par le procès du théâtre occidental, une
différence majeure s'en dégage par rapport au
théâtre artaudien: le premier prend possession des formes sur un
seul plan, et le second en prend possession sur tous les plans à la
fois.
Et cette multiplicité lui fait conserver ses relations
magiques.
En somme, c'est cet aspect pluridimensionnel qu'Artaud veut
promouvoir dans le théâtre de la cruauté.
CHAPTRE II :L'OEUVRE D'ARTAUD :LE THEATRE ET SON
DOUBLE
I- LA NOTION DU DOUBLE : BREF APERÇU DE L'OEUVRE
Paru dans la collection "Métamorphoses", Edition
Gallimard le 7 janvier 1938, cet ouvrage réunit les écrits
d'Antonin Artaud sur le théâtre depuis 1932. Ces écrits
sont composés de textes, de conférences, de manifestes et
d'extraits de lettres publiés dans la NFR (Nouvelle Revue
Française).
Son oeuvre porte sur la conception de son esthétique
théâtrale du point de vue pratique. Il fait surtout le
procès du théâtre classique occidental assujetti au texte
au profit d'un nouveau style de l'art théâtral,
caractérisé par le sacré.
Cette assertion est le contenu d'un de ses manifestes
intitulé "En finir avec les chefs-d'oeuvres" où pour
renchérir, il refuse toutes les formes littéraires classiques et
l'analyse psychologique du théâtre occidental au profit du
théâtre de la cruauté.
Artaud, à travers son oeuvre, nourrit l'objectif de
revivifier le théâtre, de le refondre complètement, de
retrouver des sources sacrées ancrées au coeur de l'art ou de
l'acte dramatique.
Aussi, soutient-il « que c'est la réalisation
qui fait la ligne vraie du théktre et la mise en scène est dans
une pièce de théâtre, la partie véritablement et
spécifiquement théâtrale du spectacle
»6.
Par ailleurs, comment se conçoit le titre de son oeuvre
?
C'est le premier élément du paratexte qui permet
d'attirer l'attention du lecteur- spectateur.
Le titre le théâtre et son double joue
un rôle attractif dans le fait qu'il convoque la culture historique du
lecteur-spectateur pour la recherche du "double" du théâtre.
Mais quelle est donc cette notion de "double" ?
6 ARTAUD (Antonin).- Op. Cit., p 166.
- La notion du double
Ce devait etre le thème majeur de son oeuvre. Mais il
n'en est pas tout à fait ainsi, car c'est une trouvaille fortuite faite
après coup une fois en partance pour le Mexique.
Toutefois, il faut noter que le thème du "double" est
frequemment associe au terme de spectre, fantôme ou au terme de
l'écho, reflet, miroir.
Le caractère de son theatre étant sacré,
on peut aussi lier le "double" à l'emploi scenique des masques et des
mannequins.
Le "double" renvoie à un domaine mysterieux, mais
redoutable, comme le confirme l'éloquente définition
proposée dans le « théâtre alchimique » :
« le théâtre doit être considéré comme
double non pas de cette réalité quotidienne et directe dont il
s'est peu à peu réduit à n'rtre que l'inerte copie, aussi
vraie qu'édulcorée, mais d'une autre réalité
dangereuse et typique où les principes, comme les dauphins, quand ils
ont montré leur tte, s'empressent de rentrer dans l'obscurité des
eaux »7.
A travers cette question, on aurait pu être tente de
voir le "double" comme la manifestation d'une vision dualiste de l'univers.
Mais, elle est plutôt incarnée dans l'ouvrage par
la peste, l'alchimie, la metaphysique, la peinture, la cruaute qui ne sont pas
des allegories du theâtre, mais son vrai visage.
En prenant la peste comme procédé
métonymique, notons que c'est le théatre lui-même, dans
toute sa diversite, qui se deroule ainsi par son caractère reel.
Car la peste comme spectacle, offre à la vue une
desagregation du corps social, une proliferation des delices, une absurdite et
une gratuite des conduites. Le pestiféré est donc comparé
à l'acteur de théatre, car le théatre comme la peste est
une epidemie. Et les desordres de la peste peuvent être assimiles aux
desordres de la vie tels qu'ils s'incarnent sur la scène pour se
décharger dans la sensibilité du spectateur.
7 ARTAUD (Antonin).- Op. Cit., p 74
Le théâtre, comme la peste, déclenche au fond
de nous une bataille d'autant plus violente contre l'ordre établi
qu'elle reste virtuelle.
En clair selon Artaud : « le double du
théâtre est le réel inutilisé par les hommes de
maintenant ))8.
C'est dire que la vie elle-même, dans toute sa
diversité, est du théâtre et cela depuis la
genèse.
II- THEATRE DE LA CRUAUTE
C'est l'oeuvre, la théorie fondamentale d'Antonin Artaud
dans la révolution du théâtre contemporain.
II.1-Définition et origine
« Le théâtre de la cruauté est
une expression forgée par Antonin Artaud en 1938 pour un projet de
représentation faisant subir au spectateur un traitement émotif
de choc, de façon à le libérer de l'emprise de la
pensée discursive et logique pour retrouver un vécu
immédiat dans une nouvelle catharsis et une expérience
esthétique et éthique originale ))9.
Le théâtre de la cruauté n'a rien à
voir cependant, chez Artaud, avec une violence directement physique
imposée à l'acteur ou au spectateur.
Le texte, dans ce théâtre, est proféré
dans une sorte d'incantation rituelle au lieu d'être dit sur le mode de
l'interprétation psychologique.
Toute la scène dans ce théâtre est
utilisée comme un rituel. Et en tant que producteur d'images
hiéroglyphiques, il s'adresse à l'inconscient du spectateur. Il a
donc recours aux moyens d'expressions artistiques les plus divers.
Le théâtre de la cruauté est une
esthétique qui vise à faire un spectacle vivant, rempli de
messages divulgués, au moyen d'une sorte de pantomime
8 ARTAUD (Antonin).- « lettre à Paulhan »,
OEuvres complètes, (Paris, Edition Gallimard, Tome V, p 273).
9 PAVIS (Patrice).- Op. Cit., p 368
nouvelle où les gestes et les attitudes figurent dans le
sens d'hiéroglyphes vivants, concrets et sensibles sur scène.
Il permet de constituer un langage physique et non verbal. Car
rendre à la parole un aspect psychologique, c'est ignorer les exigences
physiques de la scène.
Le langage physique et spatial du théâtre atteint
certaines réalités spirituelles bien mieux que la parole.
Toutefois, toutes ces allégations ne visent pas à
supprimer totalement la parole, mais plutôt à réduire sa
place et modifier son statut.
Tout cela pour lui donner une valeur concrète, lui
conférer un pouvoir d'ébranlement physique, à la fois
anarchique et créateur.
Cette vision du théâtre artaudien a
transformé le théâtre comme une certaine poésie dans
l'espace.
En effet, l'idée d'un tel théâtre est le
fruit de plusieurs expériences de collaboration avec des exorcistes et
surtout de la constatation de deux faits :
-La décadence de l'art théâtral et
l'influence du mouvement surréaliste.
La décadence de l'art théâtral est partie du
fait que la foule d'antant préférait le cinéma, les
music-halls ou le cirque au théâtre.
Le théâtre perdait alors son efficacité et
son monde. Et le besoin urgent d'un théâtre de profonde
résonance se fait sentir, d'un théâtre grave,
magnétique et thérapeutique, d'un théâtre d'action
poussé à bout et à l'extrême : le
théâtre de la cruauté.
Par ailleurs, en 1924, Artaud adhère au mouvement
surréaliste qui veut éveiller la conscience humaine à une
vision nouvelle des choses.
Sur cette base, il fonde en 1926, le théâtre
Alfred-Jarry qui a pour objectif de ressusciter totalement avec des
oeuvres surréalistes comme Partage du midi de Paul
Claudel.
Toutefois, son admiration est allé à l'endroit de
Dullin qui, au cours des travaux d'ateliers, a ouvert une brèche
d'expression à son initiative théâtrale.
Cette initiative est caractérisée par
l'autorité du metteur en scène sur le texte, l'improvisation et
même l'univers du spectacle.
Sans oublier la découverte des cultures mexicaines,
irlandaises et surtout le théatre balinais en 1931 à l'exposition
coloniale de Paris.
Ce genre offrait à voir, non seulement, l'image d'un
acteur dépersonnalisé et maître de sa technique.
Il a, cependant, eu la possibilité d'entrevoir une
écriture dans l'espace qui permet de communiquer métaphysiquement
avec le monde.
Vision longtemps poursuivie par Artaud pour matérialiser
ce qu'il a nommé le théâtre de la cruauté
manifesté dans Le théâtre et son
double.
Ceci étant, que revêt la notion de "cruauté"
?
Qu'en est il de l'identité propre de ce théatre
artaudien ?
II.2- Notion de cruauté
Cette notion est le fondement de son oeuvre car elle y est
constamment invoquée qu'on s'étonne de son absence dans le titre
du recueil.
La notion de cruauté est définie sous deux aspects
: sur le plan de la représentation et sur le plan de la philosophie.
II.2.1- Sur le plan de la représentation
La cruauté ne cultive pas l'horreur. Elle doit etre prise
dans un sens large et non dans le sens matériel et rapace qui lui est
prêté habituellement.
C'est pourquoi Artaud le définit ainsi: « Il
ne s'agit pas de cette cruauté que nous pouvons exercer les uns contre
les autres en nous dépeçant mutuellement les corps, en sciant nos
anatomies personnelles [~] en nous adressant par la poste des sacs d'oreilles
humaines, de nez ou de narines, bien découpées, mais
de celle, beaucoup plus terrible et nécessaire, que
les choses peuvent exercer contre nous»10.
II.2.2- Sur le plan philosophique
Sur le plan philosophique, la cruauté signifie rigueur,
application et décision implacable, détermination
irréversible et absolue.
La cruauté est lucide, c'est une sorte de direction
rigide, la soumission à la nécessité.
L'effort est une cruauté. L'existence par l'effort est une
cruauté. La mort est une cruauté, la résurrection est
cruauté.
II.3- Spécificité du théâtre de
la cruauté
Ce théâtre dit dangereux, est un manifeste paru dans
la Nouvelle Revue Française, N°229 du 1er octobre
1932.
Ce théâtre vise à rendre à la
représentation théâtrale l'aspect d'un foyer
dévorant, d'amener au moins une fois au cours d'un spectacle l'action,
les situations, les images, à ce degré d'incandescence implacable
qui, dans le domaine psychologique ou cosmique, s'identifie à la
cruauté.
D'où l'idée de théâtre qui ne vaut que
par la liaison magique atroce avec la réalité et le danger.
Mais comment Artaud s'y prend-il pour mettre à la
disposition de l'art théâtral les moyens d'expressions de cette
réflexion ?
II.3.1- Les thèmes
La manifestation de ce théâtre sur la
scène n'est rien d'autre que le principe de l'existence même des
spectateurs, acteurs et, par ricochet celle de la société.
10 ARTAUD (Antonin).- Op. Cit., p 123.
C'est pourquoi Artaud choisira des sujets et des thèmes
qui répondent à l'agitation et à l'inquiétude
caractérisée de l'époque (XXème
siècle).
En outre, les grands bouleversements sociaux, les conflits de
peuple à peuple et de race à race les forces naturelles,
l'intervention du hasard, le magnétique de la fatalité s'y
manifesteront soit indirectement sous l'agitation et les gestes, de personnages
à la taille de dieux, de héros ou de monstres aux dimensions
mythiques.
Soit directement sous la forme de manifestations
matérielles obtenues par des moyens scientifiques nouveaux : le
théâtre spectacle pur dans une mise en scène
créatrice. Digne héritage qu'Artaud a reçu de l'art
oriental ; le théâtre balinais.
II.3.2-Technique d'exploitation de l'esthétique
d'Artaud
C'est l'exposé des principes permettant de faire du
théâtre une fonction précise et efficace, un moyen
d'illusion vraie, un exutoire des tares, obsessions et chimères.
Il veut faire du théâtre un art vivant de remise
en cause du monde et de l'homme, un retour permanent à l'idée de
la métaphysique. C'est une manière en somme de transgresser les
limites ordinaires de l'art et de la parole pour réaliser magiquement
une sorte de création totale.
Les principes de sa technique reposent sur tout ce qui concourt
à la réalisation d'une représentation
théâtrale.
- le caractère du spectacle
Artaud exige un spectacle physique, fascinant, magique,
déconcertant.
Un spectacle composé de cris, de plaintes,
d'apparitions surprises, de coups de théâtre de toutes sortes, de
la beauté des costumes prise à certaines modèles rituels
avec un resplendissement de la lumière. Il faut une beauté
incantatoire des voix, une harmonie musicale avec des notes rares, des rythmes
physiques
des mouvements avec le crescendo et le decrescendo. Le spectacle
exige l'apparition d'objets neufs tels les masques, les mannequins de plusieurs
tailles.
- la mise en scène
C'est le point de départ absolu de toute création
théâtrale.
La mise en scène artaudienne exige, le fondu de la
vieille dualité entre l'auteur et le metteur en scène,
remplacée par une sorte de créateur unique
considéré comme un démiurge.
La vraie mise en scène selon Artaud, doit être
métaphysique car il faut dépasser l'aspect matériel des
choses. Elle se doit d'être un langage dans l'espace et en mouvements.
- le langage de la scène
Le théâtre artaudien fait recours à un
langage noté et chiffré comme une musique car il est absolument
prouvé que le langage des mots n'est pas le meilleur possible.
Il faut un langage par signes dont l'objectif est ce qui
frappe immédiatement le mieux. Il faut substituer au langage
articulé un langage différent de nature et dont les
possibilités expressives équivaudront au langage des mots. Car
pour Artaud, « les mots ne veulent pas tout dire et que par nature et
à cause de leur caractère déterminé, fixé
une fois pour toute, arrêtent et paralysent la pensée au lieu d'en
permettre et d'en favoriser le développement
»11.
Le langage doit d'abord satisfaire les sens et être
indépendant de la parole qui n'est pas à être
supprimée.
La parole doit acquérir une nouvelle nature
basée sur son intonation : faculté qu'ont les mots de
créer eux aussi une musique suivant la façon dont ils sont
prononcés.
11 ARTAUD (Antonin).- Op. Cit., p 172
Faire la métaphysique du langage articulé, c'est
amener le langage, dans le théâtre artaudien, à exprimer ce
qu'il n'exprime pas d'habitude.
Le langage doit être poétique car « les
idées claires sont au théâtre comme partout ailleurs des
idées mortes et terminées »12.
- les instruments de musique
Les instruments de musique doivent être composés
d'objets de décor, d'instruments anciens ou d'appareils nouveaux pour
créer des vibrations inaccoutumées ou des bruits lancinants et
insupportables.
- la lumière-les éclairages
La lumière et les éclairages consistent à
rechercher les effets lumineux vibratoires pour produire les qualités de
sons particulières. On doit concevoir la lumière en
élément de ténuité, de densité,
d'opacité en vue de produire le chaud, le froid, la colère, la
peur, la joie, la tristesse etc.
- le costume
Il faut éviter les costumes modernes.
- les objets
Les objets doivent être composés de masques
énormes, d'accessoires, de mannequins aux proportions
singulières.
- le décor
Il est en général inutile. Les costumes, les
objets insolites, les mannequins géants, instruments de musique,
personnages hiéroglyphiques suffisent à le créer.
12 ARTAUD (Antonin).- Op. Cit., p.61
- les oeuvres
Il faut éviter les pièces écrites,
c'est-à-dire basées sur l'écriture et la parole pour le
montage des spectacles.
Et même si cela s'avère nécessaire, la partie
écrite et parlée le sera dans un sens nouveau.
- l'acteur
C'est la pièce maîtresse du théâtre
de la cruauté. C'est le pivot du spectacle car il oeuvre pour le
déterminisme de l'action et sa dynamique.
Le corps de l'acteur est un instrument
privilégié sans doute, mais inopérant à lui seul.
Il est privilégié car il ébranle l'espace matériel
à la fois par le geste, par le son, par la danse et par le cri.
L'acteur dans le théâtre de la
cruauté doit être comparé à un athlète
physique qui se doit d'appuyer son corps sur son souffle pour creuser sa
personnalité. Cette question de souffle est primordiale car elle met
l'acteur en rapport avec le jeu extérieur.
- l'interprétation
Elle est nécessaire pour l'aboutissement d'un
spectacle. Elle conditionne l'allure, le caractère, la dimension du
spectacle par son personnage entièrement typé à
l'extrême ou aucun geste n'est inutile.
- la cruautéElle est
indispensable pour amener directement le spectateur aux idées
métaphysiques.
II.3.3- Lecture matérialiste du
théâtre de la cruautéLe matérialisme
est le fondement de la doctrine de Karl Marx, le
marxisme. C'est une doctrine selon laquelle rien n'existe en
dehors de la matière, y compris l'esprit qui est lui-même
matière. Les matérialistes considèrent la matière
comme la base de toute théorie, à l'opposé de
l'idéalisme qui est lui, un instrument spéculatif au service de
la bourgeoisie.
Ainsi, la lecture matérialiste que nous faisons de
l'esthétique artaudienne tient du fait de son discours, par son objet,
mais aussi de l'intention avouée de rendre impossible la survie de la
culture spirituelle occidentale.
Car selon Artaud, la conscience européenne souffre par
ce théâtre trop psychologique, d'une désunion, par la
surestimation de la raison. C'est pourquoi il faudra réinventer le
théâtre en lui imposant une forme spirituelle de la
matière. Cette métaphysique totale qui célèbre
l'interdépendance de l'esprit et de la matière semble être
pour Artaud à l'origine de toute activité théâtrale
et partant de la vie.
En ce sens que cette démarche de conciliation de
l'esprit et du corps empruntée à l'Orient va bien au-delà
de la conception marxiste du matérialisme qu'il qualifie d'historique,
d'insuffisant et d'étroit.
C'est pourquoi sa vision marxiste se fait dans l'intention
déclarée de fonder un théâtre
matérialiste.
Matérialiste par la conception et par la
réalisation, pour démasquer une tentative d'arrêt de la
pensée et du langage.
II.4- Le fond et la forme du théâtre de la
cruauté
II.4.1- Le fond
Le fond du théâtre de la cruauté est
fonction du sujet et des thèmes à traiter. Ces thèmes et
ces sujets doivent être portés sur l'agitation et
l'inquiétude des moeurs sociales.
Le théâtre de la cruauté se doit de
renoncer à l'homme psychologique, au caractère et aux sentiments
bien définis, mais plutôt renouer avec l'homme social soumis aux
lois et aux principes religieux.
Ce théâtre vise finalement à ébranler
les sens du spectateur.
II.4.2- La forme
La forme du théâtre de la cruauté
est fonction de la mise en scène par l'utilisation totale de l'espace et
du temps pour créer un véritable langage physique inspiré
des hiéroglyphes corporelles.
Le langage caractérise la forme du
théâtre de la cruauté. Il doit donc être
ouvert au silence, à la poésie et même à la parole
explicite sous forme incantatoire et magique.
La forme du théâtre de la cruauté
est circulaire. C'est un spectacle tournant, un spectacle en rond où le
spectateur est au milieu tandis que le spectacle l'entoure. Ainsi, l'action
dénouera sa ronde qui enveloppera le spectateur.
III- ROLE DE LA SCENE ET DU SPECTATEUR
III.1- Rôle de la scène
La scène désigne une subdivision de
découpage interne dans l'action. Les scènes se succèdent,
toujours sans interruption à l'intérieur de l'acte.
Dans le théâtre de la cruauté, la
scène, c'est l'espace matériel du lieu scénique sur lequel
prend forme ce théâtre.
Elle se doit de captiver le spectateur, de retenir son attention
tout en l'incluant de plein-pied dans le spectacle.
Par son inexistence en temps réel, puisque confondue
avec la salle en un lieu unique, elle permet la communication directe entre le
spectateur et le spectacle, entre l'acteur et le spectateur, du fait que le
spectateur est sillonné par l'action.
II.2- Role du spectateur
Le spectateur se doit de se sentir à tout prix
intégré dans le spectacle pour participer à l'action. Il
doit être uni aux acteurs par le corps et par l'esprit.
CHAPITRE III : DIFFERENTES FORMES THEATRALES
DERIVEES
DU THEATRE DE LA CRUAUTE
L'esthétique artaudienne avec son caractère
sacré a quand même inspiré bon nombre d'esthéticiens
de l'art théâtral.
Nous pouvons, à ce propos, nommer Laveli JORBE, Victor
GARCIA, Julian BECK, Judith MALINA, pour ne citer que ceux-là.
Toutes leurs conceptions de l'esthétique
théâtrale ont donné naissance à certains genres
théâtraux tels que le psychodrame, le Living
théâtre.
I- LIVING THEATRE
Fondé en 1951 par Julian BECK et Judith MALINA, le Living
théâtre a pour fonction première de confronter l'acteur et
le spectateur.
C'est un groupe mythique qui a pour but essentiel d'introduire
le théâtre vivant où il ne s'agit plus d'incarner un
personnage, mais de jouer son propre rôle.
Pour que ce théâtre soit, l'acteur doit laisser
libre cours à ses impulsions en libérant son corps et sa voix
sans méconnaître leur forme magique à la transe, à
l'incantation.
Les caractéristiques spectaculaires de ce genre de
théâtre prône la suppression du décor
matériel, du costume. Et l'acteur dans sa «nudité» se
livre à un public ébranlé, un public atteint au
tréfonds de ses entrailles.
II- PSYCHODRAME
Le psychodrame est une science qui explore la
vérité par des méthodes dramatiques. C'est aussi une
technique d'investigations psychologiques et psychanalytiques qui cherche
à analyser les conflits intérieurs en faisant jouer à
quelques protagonistes un scénario improvisé à partir de
quelques consignes.
L'hypothèse est que, c'est dans l'action et dans le jeu
plus que dans la parole, que les conflits refoulés, les
difficultés de rapports interpersonnels et les erreurs de jugement sont
susceptibles de se révéler avec le plus de netteté.
Le psychodrame vise à ne pas chercher à imiter
une action pour l'authenticité des rapports humains sur scène.
CONCLUSION PARTIELLE
Reconnu comme un grand esthéticien de l'art
théâtral occidental, Antonin Artaud a véritablement
commencé sa vie d'homme de théâtre en tant qu'acteur chez
Dullin, auprès de qui il a accumulé plusieurs
expériences.
La rencontre de toutes ces expériences avec celle de
l'art théâtral balinais lui permet de concevoir une nouvelle
vision de l'Esthétique théâtrale à caractère
sacré : le théâtre de la cruauté.
Ainsi, son théâtre, qui se veut
«total», a pour pivot l'acteur; et fait de la mise en scène,
la partie essentiellement créatrice pour la production d'un spectacle
magnétique et hiéroglyphique ; et le noumène du public,
l'objectif à atteindre afin de l'amener à se confondre à
l'acteur.
PARTIE II
THEATRE-RITUEL
LE CAS DE
LA PUISSANCE DE UM
CHAPITRE I : CONTEXTE SOCIO-HISTORIQUE DE L'OEUVRE
I- CONTEXTE SOCIAL DE L'OEUVRE
Le contexte d'une pièce ou d'une scène est
« l'ensemble des circonstances qui entourent l'émission du
texte linguistique et/ou de la production de la représentation,
circonstances qui en facilitent ou permettent la compréhension
»13.
Le contexte social de l'oeuvre nous renvoie à la vie
sociale du peuple traditionnel africain où tout est une série de
rituels. Le rituel qui tient ainsi une place prépondérante et
existentielle dans la vie du peuple traditionnel où tout prend son
fondement dans le sacré, les mythes et les mystères.
L'homme traditionnel constate qu'il peut passer d'un
état de son existence, c'est-à-dire du naturel au surnaturel, que
par le rite. Il demeure ainsi conscient que le rituel fonde et justifie la
réalité actuelle.
Mais le modernisme qui est la représentation par
excellence du monde contemporain se trouve confronter par la tradition.
L'oeuvre met en opposition le monde de la tradition et celui
du modernisme. Le modernisme est représenté par les enfants et la
tradition, les vieillards qui sont incapables de s'adapter au monde
contemporain.
Les enfants, quant à eux, cherchent à imposer le
monde nouveau. C'est donc un conflit de générations, un conflit
de cultures sous-tendu par la lutte des classes, des développés
et des sous-développés, qui se tisse en toile de fond.
13 PAVIS (Patrice).- Op. Cit., p 68
II- CONTEXTE HISTORIQUE DE L'OEUVRE
La nécessité de la création d'un
théâtre négro-africain se faisait sentir à
l'orée des indépendances. L'Afrique en général et
la Côte d'Ivoire en particulier, cherchait à imposer sa propre
culture qui tentait de disparaître, face à celle du
colonisateur.
La perte des vieilles valeurs, la crise de l'identité ont
conduit la nouvelle société africaine à chercher une forme
d'esthétique.
La similitude entre la vie sociale et la pratique
théâtrale, pousse l'africain à établir un lien entre
la création artistique et la trame de la tradition.
Alors, une inquiétude s'impose : celle de savoir
comment renaître et imposer son existence en tant que créateur
capable de construire son propre monde ?
Pour répondre à cette question, l'africain s'est
résolut à partir du rituel qui demeure l'identité propre
de l'africain, pour y aboutir.
C'est en 1979, dans une période d'intense agitation
intellectuelle qu'est née l'esthétique du
théâtre-rituel en Côte d'Ivoire.
C'est ainsi que des troupes théâtrales furent
créées à l'Université d'Abidjan, à l'Ecole
Normale Supérieure, dans les quartiers populaires par le Groupe de
Recherches et de Traditions Orales (G.R.T.O).
Toutes ces troupes organisaient des tables rondes, tant bien que
mal, pour lancer le théâtre.
L'oeuvre de Werewere-Liking est l'exemple palpable. Elle fut
adaptée, à ce propos, aux mécanismes rituels traditionnels
en pays bassa du Cameroun.
Son but est de permettre de créer une nouvelle image de
l'homme africain que l'on croît perdu, mais capable de se retrouver dans
la recherche des solutions.
Cette esthétique du théâtre
négro-africain à partir de laquelle est né le
théâtre-rituel à travers les rites, ne peut être
exhaustive sans la connaissance d'une approche définitionnelle du rituel
et du théâtre-rituel.
III- APPROCHE DEFINITIONNELLE DE LA NOTION DE RITUEL
Le rituel est une série « d'actes traditionnels
efficaces qui portent sur des choses dites sacrées
))14.
C'est donc un ensemble de rites, de règles comme une suite
de gestes de paroles répondant à des besoins essentiels et
exécutés suivant une certaine eurythmie. C'est le rite de passage
ou un passeur fait sortir l'impétrant du passé et des miasmes
maléfiques pour le faire accéder à une vie
d'équilibre et d'harmonie.
Il est cependant caractérisé par le symbole, le
rythme, les sons, les couleurs, les danses.
Aussi, sous l'influence de la théorie de communication et
de linguistique, le rituel est il aujourd'hui envisagé comme fait de
communication.
Cependant, il revêt deux fonctions fondamentales :
- une fonction symbolique : le rituel « dit quelque
chose ))
- une fonction pragmatique : ce que « fait )) le
rituel.
III.1- La fonction symbolique
La fonction symbolique du rituel permet la diffusion sous
forme codée d'une information ou d'un message. Ainsi, comprendre la
signification d'un rituel, revient-il à comprendre celle des
règles grammaticales d'une langue inconnue.
La fonction symbolique du rituel n'est effective que si les
symboles utilisés pour communiquer sont mis en contraste avec d'autres
symboles. Elle est donc fondée sur la logique des contrastes (entre
présence et absence de vêtements, entre saletés et
ablutions, entre cheveux et têtes rasées).
14 MAUSS (Marcel).- OEuvres 1 : Les jonctions sociales du
sacré, (Paris, Editions de minuit, 1968, p 409).
III.2- La fonction pragmatique
Si le rituel par son approche symboliste arrive à faire
passer sa communication linguistique, il ne peut absolument pas être
réduit et focalisé à cela seulement. Car en dehors de sa
fonction symbolique, elle revêt aussi une fonction pragmatique.
La fonction pragmatique du rituel consiste à donner un
aspect matériel, physique, pratique et une forme au langage
codé.
Cette fonction conditionne par son efficacité, la
manière de divulguer son message de sorte à exprimer les
différents états d'âme.
La fonction pragmatique concrétise donc l'action
rituelle dans toutes ses formes. Cependant, nous estimons que les deux
fonctions du rituel sont complémentaires et compatibles.
C'est cette caractéristique qui donne force et vigueur
à l'action rituelle.
IV- APPROCHE DEFINITIONNELLE DE LA NOTION DE
THEATRE-RITUEL
C'est un groupe de mots composés d'une association de mots
contradictoires : "le théâtre" et "le rituel".
Il est contradictoire en ce sens que, d'une part, le
théâtre est un art vivant qui vise à lever les interdits
sur les tares sociaux et existentiels. Il expose, analyse tout ce que la
société tait et refuse.
Il est un art d'agitation de conscience car il divise, conteste
et remet en cause les forces en place.
S'agissant du rituel, il est une séquence de
cérémonie d'actions codifiées
par des rubriques, maintient l'ordre établi, favorise la
réinsertion dans la sociétéde tel membre dissident ou la
guérison d'un tel sort ou envoütement. Le rituel alors unit,
vise à accepter les principes de bases socio-religieux de manière
authentique.
Ceci étant, comment peut-on comprendre le sens et
l'objectif que se fixe l'association de ces deux mots sémantiquement
contraire ?
L'association de ces deux mots : "théâtre-rituel"
est un oxymore. Et c'est cette figure de style qui caractérise son
authenticité au plan ludique après la désacralisation de
sa dimension rituelle. A partir de cet instant, il devient un art vivant qui se
construit à partir d'une synthèse de divers rituels dont on a
extrait les éléments efficients.
C'est une création esthétique mais engagée
qui tire sa matière des rituels africains d'initiation, de
guérison et de mort.
Ainsi le théâtre-rituel, c'est l'art du geste qui
porte, c'est l'art du symbole qui signifie, c'est l'art des rythmes et des
vibrations qui émettent. Ce sont tous ces éléments
réunis qui décident du succès ou de l'échec d'un
spectacle de ce théâtre.
Son efficacité réside dans toutes les techniques
qu'il doit mettre en oeuvre pour conduire le spectateur vers une juste
compréhension de ses problèmes, vers la prise de conscience de
son rôle dans la société.
IV.1- Structure initiatique de La puissance de Um
Le rituel, expression de la conséquence pratique d'un
système de croyance, nécessite toujours un cheminement
initiatique. Il consiste à élever la conscience des participants
de sorte à placer les spectateurs dans une attitude de
réceptivité et de parfaite disponibilité.
Les questions essentielles qui font l'objet d'une initiation
rituelle pivotent autour de la connaissance profonde de l'homme : c'est
« connais toi toi-même »
La structure initiatique de certaines traditions se fonde donc
sur le pentagramme croisé.
C'est le cas de l'oeuvre qui fait l'objet de notre étude :
La puissance de Um.
IV.1.1- Le pentagramme
croiséC'est le symbole de l'Etoile à cinq
branches.
Il consiste à manifester l'état idéal de
l'impétrant pour déceler l'image de sa perfection. Celui-ci doit
donc passer par les cinq pointes de l'Etoile : symbolisant un idéal
à atteindre pour vaincre ses faiblesses et les transformer en formes.
Le pentagramme croisé est le symbole de l'homme à
l'instar de l'image de l'homme de Léonard de Vinci : les deux bras
tendus, jambes écartées.
C'est de cette technique et de la philosophie de cette Etoile
qu'est né le théâtre-rituel.
IV.1.2- Symbole - signification du pentagramme
croisé
(5) la conscience
Coeur (2) (Emotions et sentiments)
|
|
(3) Pensée
|
(4) la force de la volonté (1) le corps de chair
1-La première pointe est la pointe du corps.
L'homme non initié en est esclave. Il mange et boit sans
savoir pourquoi. Il est soumis à la première impulsion et
à la dernière force physique.
2- La deuxième pointe est celle de la pensée
L'homme est esclave de ses fantasmes. Il a peur de tout,
à commencer par lui-même.
3- La troisième pointe est celle de la pensée.
L'homme ne pense pas. Sa tête est comme une
"termitière" où tous les termites du monde
pénètrent et ressortent à leur gré sans qu'il
puisse les dénombrer ou encore moins les contrôler.
4- La quatrième pointe est celle de la volonté.
Seule la volonté organique, la volonté inconsciente du corps
dirige l'homme.
5-La cinquième pointe est celle de la conscience.
L'homme se laisse manipuler. Il regarde sans voir, écoute
sans entendre.
L'Etoile est dessinée d'un seul trait continu à
partir de la pointe du corps sans relever le crayon. Le tracé
initiatique est continu et donc son arrêt signifierait la mort.
L'organisation dans l'espace se fait aussi selon la logique initiatique
traditionnelle.
- le corps et la pensée : domaine de l'objectif, de
tout ce qui est actif, se situe à droite. Le corps reçoit,
assimile et reproduit la matière et la pensée. Il contrôle
et modèle cette même matière en émettant et en
dirigeant un flux d'énergie en dehors du corps
- l'émotion et la volonté sont à gauche :
domaine du passif et du subjectif, de l'intériorité ; les
impulsions émotives stimulent la pensée, l'intellect et
provoquent l'action avec l'aide de la volonté.
Le pouvoir de la volonté est une énergie
dirigée par la pensée
- la conscience est le point culminant que tout homme doit
atteindre et qui doit réunir au cours d'un spectacle de
théâtre rituel tous les spectateurs.
Cette initiation consiste en somme à créer un
corps plus sain, plus fort, des émotions plus stables et plus
raffinés. Elle définit une pensée plus rigoureuse, plus
créative ; une volonté plus ferme et mieux orientée avec
une conscience plus ouverte.
Le théâtre-rituel alors se fixe à
libérer, conscientiser son public pour lui donner son pouvoir de
décision.
IV.2-Les séquences rituelles de l'oeuvre
Elles sont au nombre de cinq et émanent de la structure
initiatique de l'Etoile à cinq branches.
IV.2.1-La séquence introductive
Comme toute pièce rituelle, l'oeuvre s'ouvre sur le
"warming up" qui permet de bien visualiser le but à atteindre.
Dans cette oeuvre, on annonce la mort de Ntep Iliga et on raconte
son histoire : Ngond Libii, sa femme s'accuse de la mort de son mari et
explique ses échecs. Elle convoque, à cet effet, le village pour
les informer. Ce qui suscitera des réactions de tous les membres de la
communauté.
Cette séquence introductive permet la fixation du
problème et correspond à la pointe du corps qui est
l'élément moteur du théâtre-rituel par ses rythmes.
Cela s'illustre par des danses mortuaires, des cris de deuil qui
caractérisent le début
de La puissance de Um : « portons son deuil !
Portons son deuil ! C'est notre épreuve ! Portons son deuil et qu'on en
finisse »15.
La séquence introductive crée l'espace et le temps.
C'est-à-dire que, c'est dans cette séquence que se créent
le lieu scénique et le temps de la représentation. C'est
l'exposition de la fable dramatique dans l'espace et dans le temps.
IV.2.2-La séquence de la recherche
Cette séquence s'étale sur toute la pièce
car elle est la raison d'être du rituel. Elle est faite de mouvements
contradictoires : on s'accuse et on accuse à tord et à travers,
mais en même temps on traque la vérité.
Ainsi Ngond Libii s'accuse et se laisse accuser, puis rejette la
faute sur les villageois.
La séquence de la recherche est la pointe de la
pensée, de l'intellect qui domine cette période où
l'analyse et la réflexion s'imposent.
IV.2.3- La séquence des "pauses poétiques"
C'est la séquence où chacun s'efforce d'affirmer
son identité, de retrouver son idéal. Dans La puissance de
Um, c'est surtout le moment d'expression des enfants et des
vieillards16 qui ont le plus de mal à
s'épanouir dans la société. Cette séquence
correspond à la pointe de la volonté. Elle renforce à
chaque fois l'élan et la volonté d'expression.
IV.2.4- La séquence des "transes-psychodrames"
Cette séquence permet de vivre, au
théâtre-rituel sur le plan émotionnel, le traumatisme. La
pointe émotionnelle touchée ici fait particulièrement
appel au
15 LIKING (Werewere).- La puissance de Um,
(Abidjan, CEDA, 1979, p 15).
16 Idem.- p. 28 -34
corps et au mental. Les personnages s'expriment aussi bien
gestuellement qu'à travers leurs propres commentaires.
Dans La puissance de Um, les psychodrames du mort, de
Netp Ntep, des trois hommes et de Ngond Libii manifestent la position de chacun
face à l'accusation en le mettant à visage découvert sous
l'effet du tam-tam.
IV.2.5- La séquence de la prise de conscience
C'est la séquence qui consiste à donner une
réponse à la fameuse question sur la connaissance de soi. On
prend conscience de l'environnement physique et social mais aussi on fait une
ouverture vers le cosmique.
En tout état de cause, dans une oeuvre de
théâtre-rituel comme celle qui fait l'objet de notre étude,
chaque personnage correspond à une pointe de l'Etoile à cinq
branches (le pentagramme croisé).
Ainsi, la foule correspond t-elle à la pointe du corps
; les trois hommes à la pointe des émotions ; les vieillards,
à la pointe de la pensée ; Ngond Libii, à la pointe de la
volonté et enfin le Hilun, à celle de la conscience.
V- TECHNIQUES DU THEATRE-RITUEL
Les techniques du théâtre-rituel sont nombreuses.
Elles se situent au niveau de la parole, du corps, du
warming-up et de la transepsychodrame. Ce sont donc ces différentes
formes qui constituent la base originale de ce théâtre par leurs
mouvements artistiques contemporains.
V.1- La parole
Une parole au sens large du terme est « la
faculté de prononcer des mots, de s'exprimer par le langage oral. C'est
dire, c'est communiquer quelques choses par oral. C'est aussi un mot une phrase
que l'on prononce »17.
17 Larousse Dictionnaire Super Major.- Op. Cit., p
762
Mais la parole rituelle est une parole vibratoire qui se
repose sur le souffle sous forme incantatoire de sorte à libérer
certaines énergies visant à entraîner un public dans des
transes magiques.
La parole rituelle libère, réconcilie, resocialise,
guérit, découvre et accuse.
Elle se profère sous différentes formes dans le
théâtre-rituel en ayant un lien intime avec le sacré, le
pouvoir, le droit.
Sous quelle forme se manifeste-t-elle donc sur scène ?
V.1.1- La parole du quotidien
C'est la parole claire, simple qui exprime les questions et les
réactions d'une assemblée. Elle est caractérisée
par la violence, le rejet, le refus.
« Assassins ! Vampires ! C'est vous qui l'avez
tué Vous l'avez condamné dans une carcasse qu'il a
traînée toute sa vie pour vous protéger, vous et votre
satanée tribu, vos fichues traditions, vos monstrueuses conventions
»18.
La parole du quotidien fait fi de la bienséance, et des
vaines concessions. Avec le théâtre-rituel, elle est
condensée pour éviter les argumentations lassantes par l'usage
des mots chocs et des proverbes.
V.1.2-La parole thérapeutique
La parole thérapeutique est axée sur la
puissance du verbe. Elle soigne l'ame et le corps. Son efficacité repose
sur la foi à travers les vibrations de la parole. C'est une parole
invocatrice. Et cet aspect invocateur transparaît dans l'oeuvre en ces
termes : « que la paix vienne » ; « que sur nous descende la
puissance de Um »19.
18 La puissance de Um.- Op. Cit., p 25
19 Idem.- p 52
V.1.3- La parole poétique
La parole poétique est la parole-image, la parole-son.
Elle permet à l'art de s'exprimer, de suggérer et
d'impressionner par sa dimension spatiale.
Au théâtre-rituel, on l'utilise pour évaluer
le chemin parcouru afin de passer à un cran supérieur. Elle
permet d'avoir des rebondissements dans la trame du jeu.
La parole poétique est la parole des enfants, des
vieillards, en somme des marginalisés car elle leur permet de
s'extérioriser.
V.1.4- La parole participation
C'est la parole du public. Elle prend forme à partir de
la catharsis. C'est une parole épidermique qui permet au public de
s'impliquer dans l'espace du théâtre-rituel pour communiquer avec
les auteurs.
Ainsi, une simple phrase, ou un simple mot suffit-il pour
créer cette communion acteur-spectateur.
Cependant, il faut savoir que cette parole se présente
sous plusieurs formes.
V.1.4.1- Les onomatopées
C'est la parole participation la plus naturelle et la moins
constructive du public. Elle est impulsive et marque, l'acquiescement, le
refus, la surprise, le dégoüt, l'énervement. Elle permet,
enfin, d'éclairer le spectateur par rapport à certaines nuances
dans les discours proférés.
V.1.4.2- Le criC'est une
parole-participation qui est proférée par le public. Au
théâtre-
rituel, le cri est utilisé pour sa force, sa puissance,
son pouvoir créateur.
C'est une arme virile qui n'évoque jamais la peur, mais
engendre plutôt l'action.
V.1.4.3- Les chants
Ils perfectionnent la parole rituelle du public. Les chants
représentent un élément important pour suivre les phases
difficiles du spectacle.
Au théâtre-rituel, on peut les varier avec ceux du
folklore africain et même les plus modernes en vogue.
Les chants servent à soutenir certains discours en
éclairant davantage leur portée.
Dans les rituels de deuil ou de mort comme ceux de La
puissance de Um, les chants de pleurs ne sont pas des exhibitions de
douleurs, mais ils conduisent plutôt un beau texte vers son paroxysme
émotionnel : « les pleurs, le désespoir, le froid, la
solitude : là-bas, la vie a pris la fuite ; le rouge, la vie ; le noir,
l'épreuve ; le blanc, le deuil ; là-bas, le rire s'est
éteint La sève, le sang, la sueur, les larmes ; là-bas le
tiède s'est coagulé~»20.
Les chants caractérisent donc de nombreux commentaires qui
suivent pas à pas l'action.
V.1.4.4- Le rire
Le rire est un élément important de la dramaturgie
classique.
Le théâtre-rituel l'utilise en tant que
parole-participation pour communiquer un message. Le rire se doit donc
d'être naturel et quelle que soit sa forme, il se doit de respecter sans
modifications les intentions du public.
V.1.4.5- Le silence
C'est la forme de la parole-participation qui
différencie le rituel du théâtre-rituel. Le silence
sous-tend le sacré et préserve le secret des énergies dans
le corps tout en éveillant les cinq pointes du pentagramme
croisé, alors que le théâtre-rituel refuse le silence.
20 La puissance de Um.- Op. Cit., p 30
Il y est donc remplacé par la musique de
préférence jouée par un instrument traditionnel : la
flute, l'arc musical.
Cet instrument favorise la méditation et aide la
pensée à s'élever.
Le silence au théâtre-rituel se veut lourd. Il
est scandé par la gestuelle des comédiens et le son des
instruments de musique de sorte à maintenir le spectacle dans un
registre de mystère et de sacré.
La parole dans le rituel est sacrée. Mais au
théâtre-rituel, elle se métamorphose par les techniques
contemporaines pour donner une efficacité au spectacle. Pour cela, elle
se doit d'être soutenue par un technicien. Celui-là même qui
pose les jalons du caractère "mystique" du spectacle.
V.2-Les techniciens de la parole
Ce sont des créateurs dans l'art de la parole. Ils se
doivent, pour cela, maîtriser les langues vernaculaires et surtout
l'actualité de la fable dramatique de sorte à pouvoir ressortir
les maîtres-mots pour la compréhension de son message.
Les techniciens de la parole sont des acteurs à part
entière, mais libres de tout mouvement dans leur création. La
beauté de leur discours et leur éloquence résident dans
leur savoir-faire. Les techniciens de la parole sont désignés par
plusieurs appellations : griot, porte-parole, Grand-prêtre, Impromptu,
Hilun (représenté ici dans l'oeuvre de Werewere-Liking). Ils ont
en commun la quête de la vérité et la sauvegarde des
intérêts du peuple.
La technicité des maîtres de la parole repose sur
le bon usage des pauses ou de la respiration, des répétitions,
des silences, des points de suspension, des questions, au moment opportun dans
leur discours.
La forme poétique et musicale de leur discours permet
d'enrichir leur art et favorise par la même occasion, une attitude de
plus grande concentration mentale. La force et la puissance qu'ils inoculent
à leur verbe rendent leur discours incantatoire.
V.3- La symbolique au théâtre-rituel
Une symbolique est « ce qui a le caractère d'un
symbole, qui sert de symbole et qui n'a de valeur que pour ce qu'il est
réellement mais qui est important pour ce
qu'il représente »21.
La symbolique est une allégorie qui tire son sens du
symbole.
Le symbole est « une composante de l'oeuvre
thé~trale qui nous fait aussi aborder les formes les plus riches de
l'imaginaire. Et en tant que moyen de communication, il est un facteur
essentiel dans les rapports. Sa plurivalence approfondit, enrichit, dirige ou
détermine l'interprétation »22.
C'est dire que le symbole est un langage, une écriture
qui sous-tend la fable du spectacle du théâtre-rituel pour
créer une idée-force accessible à la
compréhension.
La différence symbolique entre le rituel et le
théâtre-rituel est que le premier donne la connaissance, mais le
second, par sa forme théâtrale, transmet des
vérités, faits des suggestions et propose des résolutions
pour certains problèmes sociaux.
Cependant, la symbolique au théâtre-rituel met en
exergue plusieurs types de symboles. Ces symboles sont regroupés autour
de deux grands types : les lieux, les objets.
V.3.1- La symbolique des lieux
Le lieu scénique du rituel traditionnel est
composé de deux plans : celui du divin et celui de l'humain. Mais le
théâtre-rituel en tant que art vivant dont le piédestal est
le respect des critères artistiques, place la société au
coeur de son espace.
21 Larousse Dictionnaire Super major.- Op. Cit., p
1010
22 HOURANTIER (Marie-Josée).- Du rituel au
théâtre-rituel : contribution à une esthétique
négro-africaine, (Paris, édition l'Harmattan, 1984, p
156-157).
Et cet espace est représenté par le cercle rituel
constitué par les acteurs sur scène en demi-cercle et
prolongé par le public qui en forme un deuxième.
Ce tracé du cercle scène-salle est fait
symboliquement par un acteur au début du spectacle. Ce cercle signifie
que le spectateur doit s'imprégner dans le spectacle, unir corps et
âme avec les acteurs pour mieux faire passer la communication.
La symbolique des lieux peut être
représentée, par ailleurs, par une voie différente de
celle de la tradition chrétienne. C'est plutôt le symbole cosmique
avec quatre directions importantes de l'espace dont le centre traduit
l'unité à atteindre.
Ainsi :
- le nord : symbole de l'obscurité et de l'inconscience
- le sud : lieu de la lumière et de la maturité
- l'est : lieu des soins pour passer au plan de la conscience
supérieure - l'ouest : lieu des psychodrames et de la prise de
conscience
- Au centre : point focal du pouvoir, symbole de
l'unité.
V.3.2- La symbolique des objets
Comme un acteur, l'objet au théâtre-rituel vit et
traduit un langage aussi éloquent que la parole
proférée.
D'une manière générale, l'objet
lui-même importe peu. Mais c'est sa fonctionnalité qui lui donne
de l'importance. Cette fonctionnalité est régie par sa
matérialité, sa forme, ses couleurs.
Ainsi, dans La puissance de Um par exemple, la
calebasse portée par Ngond Libii est la représentation
féminine par excellence (le contenant, la matrice). C'est l'image de la
solitude de N'gond Libii dialoguant avec ellemême23.
23 La puissance de Um.- Op. Cit, p 10
Les objets au théâtre-rituel ne se limitent pas
seulement aux accessoires. Il y a aussi les instruments de musique qui sont des
objets à part entière qui entrent dans la composition du
décor.
Les instruments de musique par la vibration des sons qu'ils
produisent, contribuent à l'élaboration d'un discours entre le
monde ésotérique et le monde des hommes.
Dans La puissance de Um, l'instrument objet est le tambour
qui est un instrument de communication qui aide à fixer l'attention du
spectateur.
La symbolisation des lieux et des objets revêt certaines
vérités derrière les apparences. Vérité qui
n'est accessible au public que par son action significative avec la
complicité gestuelle du comédien.
V.4- La gestuelle du corps
Dans le théâtre-rituel, « le corps est
aussi important que la parole. Il dicte les sons, sert de caisse de
résonance, mais ne prend jamais sa revanche sur le verbe qui autant que
lui est un instrument de libération et de communication
»24.
Le corps par ses gestes mathématiques soutient le
langage articulé. Il donne de l'efficacité, de la puissance au
langage par ses décompositions gestuelles. Les répétitions
des gestes, ses rythmes, les postures et reposent sur le souffle de l'acteur
pour l'aboutissement des différentes vibrations et intonations de la
parole. Signes qui concurrencient le langage articulé et comme le dirait
Artaud, sont une manière d'alphabet.
L'objectif final des différents gestes langagiers se doit
d'avoir pour point de chute les entrailles du spectateur.
24 HOURANTIER (Marie-Josée).- Op. Cit., p 179
V.5- Le warming-up et la transe-psychodrame
V.5-.1- Le warming-up
C'est la phase la plus importante du rituel. Car lorsqu'il ne
fonctionne pas le rituel n'a pas lieu.
Ainsi, Le warming-up est, par extrapolation, la clef de
voûte de tout spectacle au théâtre-rituel car il oriente le
déroulement, met en évidence les forces en place et décide
du dénouement.
Dans La puissance de Um, cela s'illustre par
l'entrée en scène de N'gond Libii avec un chant funèbre
à travers la longue didascalie : « Ngond Libii entre en
PKa1JE1J (~) fu1èEre ».
V.5.2- La transe-psychodrame
La transe-psychodrame comme l'esthétique du
théâtre-rituel, réunit deux concepts venus d'horizons
différents. L'un lié à une technique traditionnelle et
l'autre participe à une thérapie moderne.
C'est la séquence du théâtre-rituel où
le phénomène de la catharsis est développé.
Ainsi, la transe est-elle la partie rituelle du
théâtre-rituel. Elle naît suite à un rythme
créé par le jeu des instruments, des chants afin d'amener
l'acteurrituel à épouser un état second de son existence
par l'inconscience.
Le théâtre-rituel l'utilise donc dans un aspect
plus stylisé de l'art pour mettre en exergue les personnages à
problèmes : puissants ou faibles, favoris de la fortune ou
démunis.
Aspect qui nécessite la prise de conscience de l'acteur
qui devient un simulacre conscient par l'esthétique du psychodrame.
Le psychodrame, par définition, est une technique
d'investigation qui cherche à analyser les conflits intérieurs en
faisant jouer un scénario improvisé à partir de quelques
consignes. C'est dire qu'il permet de compenser dans la transe l'état
inconscient de l'acteur. Il est donc la partie théâtrale de la
transe psychodrame du théâtre-rituel.
La transe et le psychodrame sont complémentaires au
théâtre-rituel. Ils ont une relation symbiotique pour
l'aboutissement des effets escomptés dans un spectacle.
La technique de la transe-psychodrame repose sur un aspect
thérapeutique et de conscientisation.
CHAPITRE II : LA STRUCTURE EXTERNE DE L'OEUVRE
Une structure est « la manière dont les parties
d'une chose sont assemblées et organisés »25.
Parler de la structure externe d'une oeuvre, revient à
analyser son architecture sur le plan de la forme. La structure externe selon
Jacques Scherer s'appelle "structure immanente". Elle se
définit comme étant « les différentes formes que
peuvent prendre par suite des traditions théâtrales ou des
nécessités scéniques, la pièce dans son ensemble,
l'acte, cette subdivision de l'acte qu'est la scène, et enfin certains
aspects privilégiés de l'écriture théktrale
»26.
La structure externe d'une oeuvre est la forme que peut
prendre une oeuvre par son titre, et les différentes subdivisions qui y
figurent. Elle nous permet donc de comprendre l'oeuvre de manière
implicite dans sa globalité.
L'étude de La puissance de Um commence par le
titre
I- TITRE
Selon Patrice PAVIS, il n'y a pas de règle, ni de recette
pour trouver un bon titre à la pièce, ni non plus d'étude
globale sur le choix d'un titre.
Mais il est quand même important que le titre influe sur la
lecture de la pièce.
Il instaure une attente qui sera soit déçue, soit
satisfaite. Ce qui permettra au public de juger si la fable est fidèle
à l'étiquette choisie.
Le titre est une didascalie extra ou para textuel car il est
extérieur au texte dramatique proprement dit. C'est le premier
élément du para texte qui permet d'attirer l'attention du
lecteur-spectateur. Il doit être, à ce titre, concis pour
être retenu facilement.
Il revêt entre autre plusieurs fonctions dont celle de
l'identification, de provocateur, de l'attraction et d'information.
25 Larousse Dictionnaire super major.- Op. Cit., p 997
26 PAVIS (Patrice).- Op. Cit., p 342
Cependant, qu'en est-il du titre de La puissance de Um
?
La puissance de Um est une pièce de
théâtre-rituel. Elle est une tragédie.
La tragédie est un genre théâtral «
représentant une action humaine funeste souvent terminée par la
mort »27.
Concernant le titre de la pièce, il est utilisé
à la page 52 de l'oeuvre. Il revêt un rôle d'identification
en ce sens qu'il fait allusion à une divinité, à un
personnage surnaturel qui est Um.
Celui-ci est censé protéger, envoyer l'esprit
d'union de sagesse et de paix à ses adorateurs qui sont
écartelés entre deux mondes : celui de la tradition et celui du
modernisme.
II- RESUME DECOUPE DE L'OEUVRE
Le découpage d'un texte dramatique, c'est la façon
dont il est divisé concrètement et dont il est construit.
Découper pour Pavis, n'est pas une activité
théorique perverse et inutile qui détruit l'impression
d'ensemble, mais au contraire, une prise de conscience du mode de fabrication
de l'oeuvre et du sens.
Le découpage de La puissance de Um de
Werewere-Liking est un découpage longitudinal parce que par rapport au
temps, nous distinguons diverses séquences selon le déroulement
de la fable dramatique.
C'est une oeuvre assez particulière dans la
bibliographie de l'auteur, car sa structure est complexe. Comparativement
à certaines de ses oeuvres qui sont écrites en plusieurs
tableaux, La puissance de Um est faite en un seul de cinq parties.
Chaque partie est décelée selon les cinq séquences du
rituel précitées dans les pages antérieures.
Ces parties sont enchaînées et son
déroulement simultané forme l'intrigue.
- la partie I qui part de la page 9 à la page 19, c'est le
« warming-up » ou la partie de la séquence introductive.
27 PAVIS (Patrice).- Op. Cit., p 388
Dans cette partie, on annonce la mort de Ntep Iliga et on raconte
ses bienfaits et méfaits.
- la partie II qui part de la page 19 à la page 27 est
celle de la recherche du coupable ou celle de la séquence de la
recherche où chacun s'accuse et accuse son prochain de la mort de Ntep
Iliga
- la partie III allant de la page 27 à la page 34 est
un intermède poétique caractéristique de la
séquence des pauses-poétiques. Dans cette partie, les enfants et
les vieillards qui semblent être marginalisés
s'extériorisent.
- La partie IV part de la page 34 à la page 37. Elle est
celle de la transepsychodrame ou la séquence de la
transe-psychodrame.
Dans cette partie, le mort se réveille et dévoile
le coupable.
- la partie V qui commence à la page 37 jusqu'à
la fin est celle du dénouement ou la séquence de la prise de
conscience : le coupable est désigné et dans l'espoir de ne plus
revenir à cette situation, l'on fait appel à l'esprit de
solidarité, d'union des coeurs afin que règne la paix, par Um.
III- EPIGRAPHES
Une épigraphe est une pensée inscrite en
tête d'un livre ou d'un document et qui donne l'idée de son
contenu. C'est aussi une courte citation qu'un auteur met en tête d'un
ouvrage, d'un chapitre pour en indiquer l'esprit, le ton, l'orientation et
même la signification.
En d'autres termes, l'épigraphe amène une question
ou apporte un éclairage particulier sur la signification du texte.
L'épigraphe de La puissance de Um concerne toute
l'oeuvre et est à trois niveaux :
- le premier niveau est comme une dédicace qui est faite
à des êtres chers, à cause de la préposition
« a »
- la deuxième parle de Margouillats, d'Incendiaires et de
Doubles visages
Le margouillat est un animal reptile qui se caractérise
par le mouvement perpétuel de la tête de haut en bas.
"Margouillat" ici, commençant par une majuscule, est une chosification
qui s'identifie à un certain groupe de personnes qui ne savent pas
discuter les ordres, qui acquiescent et acceptent tout. L'"Incendiaire" est,
par définition, une personne qui provoque un incendie. C'est le propre
ici des séditieux, des pyromanes, des instigateurs de tous ordres qui
enflamment les esprits et poussent à la révolte.
Quant aux "Doubles Visages", c'est le caractère des
versatiles, des hypocrites, des rancuniers. Ces trois qualificatifs nous
décrivent l'atmosphère dans laquelle notre monde règne.
Chacun est l'ennemi de chacun et personne n'a confiance en personne. L'homme
demeure ,ainsi, un danger permanent pour son prochain.
- la troisième commence par une conjonction de
subordination « afin que » qui indique le but dans lequel
une action doit être faite.
"La puissance de Um" est le but à atteindre, mais
cela est conditionné par la "paix".
IV- INTRODUCTION
Une introduction est le début d'un texte ou d'un livre,
d'un document qui présente et explique le sujet dont il est question.
L'introduction de notre corpus est signée de
Marie-Josée HOURANTIER et comporte trois articulations de cinq
paragraphes.
- la première qui part de "Le
théâtre" jusqu'à "la destruction" comprend
deux paragraphes. Celle-ci relate des circonstances dans lesquelles peut
naître un certain théâtre africain.
- la deuxième articulation est le troisième
paragraphe. Elle part de "Avec la puissance de Um" jusqu'à
"à le maîtriser".
Cette partie est le résumé de l'oeuvre qui a pour
idée générale, la recherche du coupable de la mort de Ntep
Iliga.
- La troisième est celle de la présentation d'un
rituel à partir de l'oeuvre et de l'esthétique qui s'en
dégage. Elle commence par "comment~" jusqu'à la fin.
Elle est composée des cinq derniers paragraphes.
Dans cette partie, nous retenons que le rituel est un ensemble de
rites, d'une suite de procédés initiatiques qu'un initié
doit atteindre.
Le rituel est un acte sacré qui a des règles
qu'on se doit de ne pas transgresser. Il prend son fondement et sa
signification à travers les objets et leur couleur, la gestuelle du
corps, la parole.
Son efficacité est tirée des
répétitions. Ce qui le démarque, lorsqu'il est
théâtralisé, du théâtre classique.
Toutefois, il faut noter que tout est langage dans le rituel.
C'est pourquoi la parole débitée est sous forme incantatoire.
V- PROPOSITION SCENIQUE DE L'OEUVRE
Une proposition scénique est l'action de proposer un plan
qui se rapporte à la scène en vue d'une représentation
théâtrale.
La proposition scénique de l'oeuvre de Werewere-Liking
comprend cinq parties : le synopsis, les articulations de la pièce, la
construction du lieu scénique, la physionomie des personnages, le public
et les personnages-relais : le Hilun et le choeur.
V.1- Le synopsis
C'est le résumé de l'oeuvre. Il fait une
démonstration qui y donne une vue d'ensemble.
En effet, la mort de Ntep Iliga met en exergue un conflit de
génération et de cultures entre la jeunesse (les enfants, les 3
hommes) et la vieillesse.
Il décrit le contexte social de l'oeuvre.
V.2-Les articulations de la pièce
Notons dans cette partie que les pages des différentes
phases du jeu dramatique ne concordent pas avec celles du livre.
Les différentes corrections sont dans le tableau suivant
:
TABLEAU N°1
N°
|
Phase de l'action dramatique
|
Page à page de
la proposition scénique
|
Pages réelles
|
1
|
Préambule
|
1 à 4
|
9 à 12
|
2
|
Warmimg-up
|
4 à 10
|
12 à 19
|
3
|
Recherche du coupable
|
10 à 13
|
19 à 27
|
4
|
Intermède-poétique
|
13 à 17
|
27 à 34
|
5
|
Transes-psychodrames
|
17 à 23
|
27 à 37
|
6
|
Dénouement
|
23 à la fin
|
37 à la fin
|
V.3- La Construction du lieu scénique
La construction du lieu scénique est la description de
la mise en scène. Elle est faite de manière minutieuse en
insistant sur la symbolique des lieux, des objets et leur couleur, des
accessoires, de la musique.
Cette construction du lieu scénique nous montre
l'atmosphère dans laquelle va se dérouler le spectacle.
Une atmosphère lourde où le silence et le langage
du corps priment.
V.4- La Physionomie des personnages
Une physionomie est « l'expression
générale d'un visage »28. C'est le
caractère, la plastique des personnages.
Chaque acteur décrit dans cette partie, est le prototype
d'une frange sociale.
V.5- Le public et les personnages relais : le Hilun
et le choeur
Tout rituel vise à garantir l'équilibre, donne
une réponse ou la guérison à qui doit l'attendre. Le Hilun
et le choeur dans la pièce sont censés éclairer le public
et lui permettent de franchir les différentes phases du rituel, par
leurs interventions intempestives.
La conséquence est d'amener le public à se sentir
concerné par le problème posé pour en être
libéré à la fin.
28 Larousse Dictionnaire super major.- Op. Cit., p
89
CHAPITRE III : STRUCTURE INTERNE DE L'OEUVRE
Si la structure externe s'emploie à étudier la
forme de l'oeuvre, l'étude de la structure interne quant à elle,
concerne le fond ; donc le contenu de la pièce.
Jacques Scherer opposait la structure externe à la
structure interne qu'il définissait comme l'étude « des
problèmes de fond qui se posent à l'auteur dramatique quand il
construit sa pièce, avant mrme de l'écriture
»29.
A travers l'étude de la structure interne de l'oeuvre,
nous nous évertuerons à établir le cadre spatio-temporel,
les personnages et leur fonctionnement puis le schéma actantiel.
I- CADRE SPATIO-TEMPOREL
La puissance de Um est une oeuvre composée de
cinq phases selon les séquences du rituel. Nous ne ferons pas une
étude de l'espace et du temps, phase par phase car l'oeuvre est en un
seul tableau.
Nous commencerons par une approche définitionnelle de
l'espace et du temps.
L'espace, c'est l'air de la scène où
évoluent les acteurs, qu'ils se cantonnent dans l'espace proprement dit
de l'aire scénique ou qu'ils évoluent au milieu du public.
L'espace thé~tral comprend les acteurs et le public qui
définissent entre eux un rapport : celui du regard et du regardant.
Il existe plusieurs espaces au théâtre : l'espace
dramatique, scénique, scénographique, ludique, et textuel.
En effet, l'espace dramatique est l'espace que se crée
le lecteur-spectateur au niveau de la lecture. C'est aussi l'espace sur lequel
s'appuient le metteur en scène et le scénographe pour
opérer les choix artistiques.
L'espace scénique est le lieu de la
représentation, c'est-à-dire l'aire de jeu investie ici et
maintenant par le spectacle. Il se différencie de l'espace
scénographique qui est défini comme l'espace à
l'intérieur duquel se situent le
29 PAVIS (Patrice).- Op. Cit., p 342
public et les acteurs au cours de la représentation.
L'espace ludique est l'espace créé par
l'évolution de la gestuelle de l'acteur sur scène. L'espace
textuel est l'espace où sont consignés les didascalies et les
répliques dans un texte dramatique.
Mais, l'espace évoqué ou l'espace virtuel est un
espace immatériel. C'est l'espace que se représente le
lecteur-spectateur pour l'expression des rêves, des fantasmes et des
visions projetées.
Quant aux temps, il fonde même le texte et le jeu
théâtral.
Il est à la fois celui de la représentation en
train de se dérouler et celui du spectateur en train d'y assister. Il se
déroule dans un présent continuel qui ne cesse de
s'évanouir, en se relevant sans cesse.
Aussi, présentant un rituel de mort où
l'enterrement doit avoir lieu, nous situerons le temps dans
l'après-midi, précisément, aux environs de seize heures
(16 h). Heure que toute communauté africaine, si nous osons le dire,
trouve favorable pour de telles cérémonies funèbres.
II- ETUDE DES PERSONNAGES ET DES SYSTEMES RELATIONNELS
Les personnages sont les éléments pivots dans une
pièce théâtrale.
La relation qui existe entre eux les caractérise ; pour
dégager en eux leur physionomie.
Alors, dans cette partie, nous allons étudier les
personnages dans un premier temps et ensuite leur système
relationnel.
II.1- Etude des personnages
Nous ferons une étude des personnages de manière
indicative. Surtout celle des personnages principaux.
Cependant, il existe deux sortes de personnages : les personnages
humains, les personnages surnaturels.
II.1.1-Les personnages humains
Un personnage humain est un personnage vivant ayant les attributs
d'un être humain.
- Ngond Libii est le personnage principal. C'est un personnage
féminin.
C'est l'élément de la dynamique de la
pièce. Elle caractérise la nouvelle vision du monde, les
aspirations nouvelles auxquelles l'on doit parvenir. Mais, tout cela est
parsemé d'embûches.
- Ntep Iliga est le personnage autour duquel gravite l'action
dramatique. Il est considéré par les uns comme l'héritier
exemplaire, un héros mais pour d'autres comme étant la
déchéance humaine, un obstacle à la course au pouvoir avec
ses idées et ses principes surannés.
C'est le prototype des assoiffés de pouvoir qui meurt au
pouvoir même quand ils savent qu'ils ne sont plus utiles au peuple.
- le personnage de Ntep Ntep caractérise la relève.
C'est le défi de la bonne gouvernance par l'apport d'idées
nouvelles du monde moderne.
- les enfants, quant à eux, représentent des
personnages inoffensifs victimes des agissements des parents et de leurs
aînés.
Les enfants sont considérés comme l'avenir de la
nouvelle patrie.
- les trois hommes, par leur discours voilés confus
courent de manière subtile vers la succession de Ntep Iliga. Ce sont des
hypocrites, des personnages à double visage, avides du pouvoir.
- les vieillards (le vieillard et la vieille femme) sont les
garants de la tradition. Ce sont les derniers piliers de la tradition,
incapables de s'adapter au monde
contemporain. A travers leur physionomie, on doit ressentir la
volonté de maintenir encore dignement la culture.
- Et enfin le Hilun qui est le personnage clé du
rituel. C'est le meneur de rites qui doit réconcilier les deux mondes
divisés. Le seul a pouvoir unir la tradition et la modernité.
Il représente la conscience du lecteur-spectateur, son
regard sur les faits qui se déroulent.
II.1.2- Les personnages surnaturels
Les personnages surnaturels sont des personnages
métaphysiques qui dépassent le monde des êtres sensibles.
Ils sont abstraits et dépassent notre entendement humain.
Alors, comme personnage surnaturel, nous avons Um.
Il est évoqué à la fin du rituel. C'est
un personnage divin qui est censé apporter aux villageois après
la paix, l'entente, l'amour retrouvé, sa puissance afin qu'ils aient la
force de continuer à vivre en bonne convivialité.
II.2- Les systèmes relationnels
Parler des systèmes relationnels, c'est mettre en exergue
les différents rapports entre les principaux personnages et les
autres.
Hormis ceux cités plus haut, c'est le personnage de Ngond
Libii et de Ntep Iliga qui nous intéressent.
II.2.1-Ngond Libii : agitatrice de conscience
Ngond Libii est l'agitateur des consciences. C'est elle qui a
provoqué la scission entre les deux mondes désormais
incompatibles. Elle est là pour dénoncer, accuser, interroger.
Ces instincts maternels de femme l'obligent à ne point
rester indifférente face à l'inadéquation de la tradition
que représentait son mari.
II.2.2-Ntep Iliga : focalisateur d'énergies
Le personnage de Ntep Iliga représente le point de
convergence des énergies déployées. Il situe la
responsabilité de chacun face à sa mort.
Ses éloges à titre posthume servent d'exemple aux
villageois, et qui représentaient l'avenir des enfants. Il sert
tantôt de repoussoir, tantôt de support pour satisfaire les
ambitions ou les désirs insatisfaits.
Son réveil dans la phase des transes-psychodrames,
révèle toutes les machinations. Cela met en exergue son
rôle d'oracle que l'on prête à tout défunt qui passe
à un plan supérieur.
III- SCHEMA ACTANTIEL DE L'OEUVRE
Le schéma actantiel fonde le rapport intrinsèque
des forces qui structurent la situation dramatique selon une disposition
invariable de six fonctions qui assument une action syntaxique au sein de
l'action, envisagée comme une phrase. Son succès est dû
à la clarification apportée aux problèmes de la situation
dramatique, de la dynamique des situations et des personnages, de l'apparition
et résolution des conflits.
Le schéma actantiel constitue, par ailleurs, un travail
dramaturgique indispensable à toute mise en scène afin
d'éclairer les rapports physiques et la confirmation des personnages.
Selon Anne Hubesfeld, tout schéma actantiel doit
contenir les éléments suivants : « une force (ou un
être D1), conduit par son action, le sujet (S) qui recherche un objet (O)
dans l'intértt ou à l'intention D2 (concret ou abstrait). Dans
cette recherche, le sujet à des alliés (A) et des opposants (OF)
»30.
30 HUBESFELD (Anne).- Lire le
théâtre, (Paris, Edition sociale, 1982, p 63).
Selon Algirdas Julien Greimas, il y a six actions dont les
relations suffisent pour interpréter la plupart des récits : Un
objet, un sujet, un destinateur, un destinataire, un adjuvant, un opposant.
De manière explicite, nous faisons une synthèse
pour dire que l'objet est la quête du destinateur comme devant être
transmis à un destinataire.
La recherche de l'objet est menée par le sujet, qui
rencontrera dans sa quête des personnages qui lui apporterons de l'aide :
les adjuvants ou alliés et des personnages qui sont des entraves
à son projet : les opposants.
Schématiquement, nous obtenons ceci :
Destinateur (D1) Destinataire (D2)
Sujet (S) (O) Objet
Adjuvant (A) Opposant (Op)
Greimas le conçoit ainsi et le subdivise en trois paires
de fonctions :
* l'axe destinateur-destinataire est celui du contrôle des
valeurs et donc de l'idéologie. C'est l'axe du pouvoir ou du savoir ou
des deux à la fois.
* l'axe sujet-objet trace la trajectoire de l'action et la
quête du héros ou du protagoniste. Il est jonché
d'obstacles que le sujet doit surmonter : c'est l'axe du vouloir
* L'axe adjuvant-opposant facilite ou empêche la
communication. Il produit les circonstances et les modalités de
l'action. C'est l'axe du savoir ou du pouvoir.
Le modèle actanciel étant ainsi définit,
nous l'appliquerons à notre oeuvre : La puissance de Um.
SCHEMA ACTANTIEL DE L'OEUVRE
Le village, la morale (D1)
|
Harmonie du peuple avoir la puissance de Um (D2)
|
|
|
Ngond Libii (S) (O) Vérité coupable de la
mort de Ntep Iliga
Les enfants, Ntep Ntep le (Op) Les 3 hommes le
vieillard et la vieille femme, vieillard, la vieille
la dépouille de Ntep Iliga, femme, Ngond Libii le
Hilun
Commentaire: Qui a tué Ntep Iliga ?
Telle est la question qui brûle les lèvres des
habitants de cette contrée.
Cette question est le destinateur qui, conduit par son action
Ngond Libii à connaître la vérité, afin d'aboutir
à une éventuelle harmonisation du peuple pour l'amorce de
l'avenir.
Elle est aidée dans sa quête par des adjuvants ou
alliés (les enfants, Ntep ntep, les vieillards, la dépouille de
Ntep Iliga, le Hilun). Mais, en face, cette dernière se trouve
confrontée à des opposants ou ennemis (les 3 hommes, les
vieillards, Ngond Libii) qui l'empêchent d'aboutir au but
escompté.
CONCLUSION PARTIELLE
Cette deuxième partie nous ayant permis de faire une
étude de
La puissance de Um de Werewere Liking.
Le contexte socio-politique de l'oeuvre nous transpose dans la
tradition par le rituel. Il met en évidence les maux sociaux qui doivent
d'être endigués par la tradition qui unit, harmonie et
réconforte.
L'aboutissement de cette cohésion suit une
esthétique particulière caractérisée par le
sacré. La manifestation du caractère sacré dans l'oeuvre
de WerewereLiking obéit à l'esthétique artaudienne.
Une lecture de cette esthétique dans La puissance de
Um est la troisième étape de notre étude.
PARTIE III
LECTURE
ARTAUDIENNE DE
LA PUISSANCE
DE UM
CHAPITRE I : IMAGES OBSEDANTES
Le théâtre artaudien, par son esthétique,
est un art particulièrement expressif. Son caractère imagé
lui revêt une beauté à travers laquelle se voient en
filigrane, les différents pans de la vie sociale.
Cependant, quelle lecture d'images pouvons-nous faire sur La
puissance de Um de Werewere-Liking, qui demeure son champ d'application
?
I- LE FEU
C'est la flamme, la lumière qui se dégage de
quelque chose qui brille. C'est l'image reine. Le caractère
obsédant de l'image de feu est confirmé par bien des signes dans
Le théâtre et son double d'Antonin Artaud.
« Et cela (~) se traduit par (~) un crépitement
de vies brûlées et qui s'exposent prématurément
à la flamme »31.
Le feu désigne des valeurs multiples : il est le symbole
de la destruction qui est une perspective d'un dépassement futur
(résurrection, retour à la vie...). C'est un caractère de
la cruauté.
Le feu selon Artaud, ne se borne pas à consumer ce qu'il
touche, mais plutôt, fait surgir le caractère d'un renouveau.
Dans La puissance de Um, le feu transparaît dans
la transe-psychodrame du mort qui revient à la vie et qui se met
à parler. Il dénigre tout le monde, dénonce son coupable
et se remet au lit. Cela s'illustre par sa longue tirage à la page 35 de
l'oeuvre : « bigre~ (~)~Fourbe* (~) 4se décomposer
»32.
Le feu détruit et sur les cendres de sa destruction, se
bâtit le renouveau, une nouvelle perspective d'avenir. Ce double aspect
du feu, à travers l'oeuvre, aboutit à son apothéose vers
la fin ; lorsque les villageois et la dépouille de Ntep Iliga font
ensemble recours à la paix, à l'union, à l'entente dans le
but de faire descendre en eux, la puissance de Um.
31 ARTAUD (Antonin).- « lettres sur le langage
», Le théâtre et son double, (Chapitre 3, p 180).
32 La puissance de Um.- Op. Cit., p 35
C'est ici le lieu d'indiquer que la hache de la guerre, de la
mésentente est enterrée. Un nouveau village se fonde sous la base
de la paix.
Le feu s'illustre en définitive sur deux aspects :
- - l'anéantissement définitif de l'ordre
établi
- - réédification sur les cendres
du passé, un ordre nouveau.
Il répond, de ce fait, à une exigence de rigueur,
de pureté.
II- LA GUERRE ET LA VIOLENCE
Ces deux concepts vont de pairs. Où il y a la guerre, il y
a la violence,et vice-versa.
La guerre selon Artaud, n'est pas cette lutte armée
entre deux Etats ou entre des populations, mais plutôt celle
là-même qui fait office de conflits intérieurs. Il est vrai
que par les disputes, les cries, les tortures, les vengeances, le concept de la
guerre s'installe, mais son sens va au-delà de la réalité.
Elle a un sens philosophique comme la cruauté, définit dans la
partie I de notre étude.
La manifestation de la guerre et de la violence est
intérieurement conflictuelle. Son but est de permettre la reconstruction
d'une nouvelle espérance.
La Puissance de Um présente l'image de cette
guerre et de cette violence. L'oeuvre est une tragédie donc il y a mort
d'hommes. Il y a la mort par assassinat.
Les personnages de Ntep Ntep, Ngond Libii, les 3 hommes et
tout le village entier s'accusent et accusent son prochain de l'assassinat de
Ntep Iliga : « Assassins ; vampires UR9RYV IYW RI f-W
»33.
Cette réplique de Ngond Libii est conflictuelle. Hormis
ces différentes répliques, il y a le conflit que vivent les
enfants écartelés entre les deux mondes : celui de la tradition
et de la modernité. Ce conflit ici caractérise le personnage
33 La puissance de Um.- Op. Cit., p 25
des enfants. Il relève en eux leur personnalité,
leur souffrance, leur amertume face aux agissements des plus
âgés.
Le caractère de la guerre chez Artaud n'est pas
destructif, mais unificateur.
Cette union dans l'oeuvre de Werewere-Liking se justifie vers la
page 52. Oütout le monde après s'être dit des
propos injurieux, accusateurs s'unit main dans la main pour l'amorce d'une
nouvelle espérance.
III- LE CERCLE ET LE CHAOS
La forme du théâtre artaudien est circulaire. Cette
idée de la circularité fait partie de ses caractéristiques
principales.
Comme le feu et la guerre, le cercle aussi a son vocabulaire.
Ainsi, les vocables de globe, courbe gravitation, spirale, rotation,
reflète toujours l'idée de la circularité.
Le cercle se décèle dans un spectacle, selon
Artaud, sur le plan pratique. Mais pour ce qui est de notre étude
scientifique sur l'oeuvre de WerewereLiking, le cercle se désigne par
l'action continue de la fable jusqu'à son terme. L'oeuvre
présente un rituel de mort qui se déroule sans interruption
jusqu'à la fin. L'action dans ses rebondissements se replie sur
elle-même pour nouer l'intrigue afin d'aboutir au chaos.
L'idée de chaos n'est pas tout à fait le
néant, l'irrémédiable, engloutissement. C'est un
abîme d'où l'on peut rejaillir.
C'est la marque de renouveau, de la nouvelle espérance de
vie.
Le sens du chaos n'est pas péjoratif, il doit être
pris dans le sens de cruauté, de la guerre.
L'image circulaire n'a pas toujours la forme d'une
circonférence parfaite ; d'un simple incurvement, d'un mouvement
ondulatoire.
Elle se combine dans l'expression scénique par des angles,
des pointes, des ruptures.
Le cercle est de pair avec le chaos. C'est le signe de la
déchéance. C'est pourquoi, dirait Siegfried Kracauer, que le
cercle est la marque de l'homme en proie au chaos.
Tout le village est bouleversé par la mort de Ntep
Iliga dont on ne se retrouve pas le coupable. Mais après maintes
tractations, tout se remet en ordre pour clamer la paix, l'amour, la
cohésion, la solidarité de manière unanime.
IV-LE SEXE - L'INCESTE
L'inceste n'est pas cette relation sexuelle entre des
personnes qui ont un lien de parenté très proches et qui
constitue un délit. Ce n'est pas la satisfaction de la libido.
Mais, c'est une forme de cruauté. C'est l'image de la
réprobation, de la transgression des tabous. L'inceste, c'est la remise
en question d'un ordre social et religieux établi.
L'acte incestueux finit par appeler le crime et suscite une
horreur qui déroute les lois, la morale.
Le sexe et l'inceste ont un caractère subversif.
Ngond Libii, selon ses propos, a échangé la vie de
son mari contre de l'argent parce celui-ci mène une vie qu'elle jugeait
médiocre :
« Alors, c'est justement pour ça que je donne
sa vie. Lui seul à cause de l'amour que je lui ais voué (~), quoi
de plus normal qu'il me coEte ce que j'aime le plus
»34.
Cet acte a été commis par Ngond Libii a
été fait à cause de l'amour ; dans l'espoir de redorer le
blason de l'image de ce peuple à travers la perspective d'un
renouvellement.
Alors, tuer par amour est un acte subversif, et la
réprobation de Ngond Libii par le peuple démontre le
caractère incestueux de l'oeuvre. Cela bouleverse les limites de la
morale, de la raison.
34 La puissance de Um.- Op. Cit., p 41
Le théâtre artaudien est un thé~tre
d'action poussée à bout. Action qui ébranle les sens du
spectateur. En tant que producteurs d'images obnubilantes, le
théâtre de la cruauté, par ailleurs, a un
caractère humoristique et anarchique.
V- L'HUMOUR ET L'ANARCHIE
L'humour est « la capacité à rire, ou
à faire rire d'évènements même fâcheux. C'est
le caractère cocasse, drôle d'un évènement
».35
L'anarchie, quant à elle « c'est le chaos, le
désordre complet qui résulte d'un manque d'organisation
»36.
Mais Artaud ne conçoit pas ces deux concepts sous cet
angle. C'est plutôt pour lui des concepts liés à la
cruauté.
L'humour, selon Artaud, repose sur un principe actif et
anarchique comme la poésie. Cet humour est chargé de
désorganiser, de remettre en « cause toutes les relations
d'objet à objet et des formes avec leurs significations
»37.
Le caractère humoristique et anarchique de La
Puissance de Um se fait de manière transversale : c'est l'agencement
des différentes images obsédantes, ses extrapolations, et ses
significations à travers ladite oeuvre qui reflètent l'humour et
l'anarchie.
Ainsi, l'humour est-il un agent destructeur de toute
réalité admise. Alors, il est impérativement impossible de
la maintenir sur la marge facile du comique.
Les images obsédantes de l'esthétique d'Artaud que
nous lisons à travers La puissance de Um, ont toutes un point de
convergence : celui d'un perpétuel renouvellement social.
Toutes ces images ne se conçoivent pas selon leur
définition première. Car les considérer ainsi, limiterait
leur champ sémantique. C'est plutôt des formes de la
"cruauté", un sens élargi par extrapolation.
35 Larousse Dictionnaire super major.- Op. Cit., p
544
36 Idem.- p46
37 ARTAUD (Antonin).- Op. Cit., p 64
Aussi, ces images ne peuvent-elles prendre forme que sur une
certaine base de données matérielles.
Comment se présente alors la matérialisation d'une
mise en scène pratique artaudienne de La Puissance de Um ? Et
quelles en sont les limites ?
82 CHAPITRE II : DONNEES MATERIELLES ET SES
CONSEQUENCES
L'esthétique d'Artaud est une science. Et en tant que
science, elle a besoin de prendre forme et de se concrétiser au travers
de certains aspects matériels tels que l'espace, le souffle, le cri, les
masques et les mannequins.
I- L'ESPACE INVESTI
« Je dis que la scène est un lieu physique et
concret qui demande qu'on le remplisse et qu'on lui fasse parler son langage
concret »38.
Telle est la grande donnée, le principe technique
primordial.
On doit remplir le champ scénique, le meubler avec des
gestes pour le faire vivre et de façon magique. La résolution de
ce problème appartient à la mise en scène «
considérée comme un langage dans l'espace et en mouvement
»39. Car le rôle du metteur en scène est
prépondérant.
Quant au public, il n'est pas oublié. Lorsqu'il s'agit
d'investir complètement l'espace scénique, c'est de la salle de
spectacle qu'il est question ; spectateurs compris. D'où l'existence
d'un spectacle tournant.
A ce titre, nous estimons que nous serons trahis par la
scène. Faire tourner le spectacle autour du public met le public mal
à l'aise. On peut donc arriver à toucher sa sensibilité en
limitant l'espace scénique seulement à la scène.
Mettre en scène La Puissance de Um, requiert de
l'imagination créatrice.
C'est pourquoi l'espace scénique dans une mise en
scène de cette oeuvre ne sera pas sous un hangar comme le
préconise Artaud, mais plutôt sur la scène d'une salle de
spectacle adéquate.
Seuls la parole, le souffle et le cri, par l'entremise du
metteur en scène, arriveront à transposer les émotions
fortes dans les entrailles du spectateur : l'objectif principal du
théâtre de la cruauté.
38 ARTAUD Antonin.- Op Cit., p 55
39 Idem.- p 68
II- LE SOUFFLE ET LE CRI
La parole au théâtre d'Artaud voit sa place
réduite et son statut modifié. Elle est, cependant, sous-tendue
par le souffle et le cri pour sa matérialisation. Et pour donner
à ce cri sa pleine efficacité, il faut en revenir aux sources
respiratoires, plastiques, du langage.
Les mots sont des sortes de gestes qui s'inscrivent eux aussi
dans l'espace.
La seule manière convenable d'employer le langage du
théâtre artaudien est l'incantation.
La Puissance de Um est une pièce rituelle.
De ce fait, sa mise en scène se doit de captiver le
public dès le début du spectacle.
La forme incantatoire de son langage ne peut se faire dans le
cri, mais plutôt dans le souffle, dans le soupire. Non pas que le cri
dénature l'incantation. Il sera, cependant, remplacé par la
musique et intervenir lorsque nécessaire.
Le souffle, le cri, les bruits ne sont pas recherchés
pour leur qualité vibratoire mais pour ce qu'ils représentent.
III- LES MASQUES ET LES MANNEQUINS
Les cris et les gestes, selon Artaud, ne suffisent pas à
nourrir et meubler l'espace scénique.
L'acteur est un élément primordial certes, mais il
est cependant, en lui-même un objet parmi tant d'autres.
Les objets dans le projet scénique d'Artaud occupent une
place de choix. Ils sont notamment chargés, presque à eux seuls
de remplacer le traditionnel décor. Parmi ces objets, figurent les
masques et les mannequins.
L'emploi de ces masques ne constitue en rien une
originalité même si leur usage rejoint par là l'idée
de double.
Dans une mise en scène de La Puissance de Um,
les masques et les mannequins ne sont pas indispensables. Car seule la
créativité du metteur en scène les substituera par la
gestuelle corporelle, du mime, du pantomime...
Les masques et les mannequins sont utilisés à titre
figuratif pour étoffer une certaine foule. Sur cet aspect, nous
remarquons qu'ils encombrent la scène.
Leur emploi s'insère dans le but d'un art
théâtral de recherche et une pratique calculée des
dissonances.
IV- LES DISSONANCES ET LES CONTRASTES
Une dissonance est le caractère de ce qui choque l'oreille
et qui semble peu harmonieux.
Le contraste, est une opposition très marquée entre
deux choses.
Artaud emploie les dissonances et les contrastes pour mettre
en exergue un décalage visuel ou sonore, la transposition, voire
l'inversion des données du réel.
La pratique des dissonances et des contrastes pousse à
l'extrême la sensibilité du public.
Par ailleurs, nous remarquons que l'esthétique d'Artaud
revêt une fonction métaphorique.
Or toute métaphore est un procédé qui
consiste à utiliser un mot concret pour exprimer une idée
abstraite. La métaphore recèle donc un écart, un
décalage, une distance entre ces deux termes.
Par conséquent, les dissonances et les contrastes sont une
conséquence inéluctable au théâtre artaudien.
Dans la mise en scène de La Puissance de Um,
l'effet de contraste et de dissonance sera remplacé par la
métaphore.
Cette métaphore prendra une allure poétique pour
l'expression de la beauté de ce spectacle.
V- UN SPECTACLE CHIFFRE
L'emploi du vocable « chiffré » est
contradictoire dans la mesure où Artaud l'a employé, jadis, pour
peindre la décadence du théâtre occidental. Il l'utilise
maintenant pour qualifier le théâtre qu'il prétend
instaurer.
Alors, comment le conçoit-il ?
Le mot « chiffré » est tantôt
synonyme de figé, inerte, impuissant et tantôt
synonyme de rigoureux, maîtrisé,
efficace.
Depuis qu'il a renoncé au culte du hasard, et a
découvert le théâtre balinais, Artaud cherche le salut du
théâtre dans la rigueur et dans la science.
Chiffrer le spectacle dans une éventuelle
mise en scène de La Puissance de Um, revient à travailler
l'acteur, sa voix, et les objets de manière rigoureuse, subtile pour
avoir un spectacle extraordinaire.
La musique, et la gestuelle du corps de l'acteur doivent
s'accorder pour créer un langage mystérieux fourni par l'esprit
créateur de metteur en scène.
VI- L'APPEL AUX MYTHES
Un mythe est « un récit fabuleux qui cherche
à expliquer l'origine de l'homme et du monde. C'est en d'autres
termes « une invention dénuée de toute
réalité »40.
Le théâtre de la cruauté fait appel aux
mythes car ceux-ci contiennent un principe métaphysique. Il s'ensuit que
le rite est étroitement lié au mythe. C'est l'expression
concrète du mythe comme l'affirmerait Claude Lévi-Strauss dans
Anthropologie structurale.
C'est dire que le cérémonial rituel doit être
fixé avec rigueur pour lui insuffler un pouvoir dynamique.
40 Larousse Dictionnaire Super Major.- Op Cit., p
706
La Puissance de Um est une pièce rituelle ; donc
elle regorge de mythes. Ces mythes, dans une éventuelle mise en
scène doivent prendre forme au niveau de la phase des
transes-psychodrames (page 34 à 37) pour créer le
mystère.
La mise en scène de l'oeuvre de Werewere-Liking ne peut
être montée selon le principe d'Artaud dans tout son
caractère. Car la disposition scénique et certaines
méthodes d'Artaud ne seront pas prises en compte.
Cependant, seule l'expressivité du corps, des objets, des
voix dans le sens du beau pourra satisfaire le public dans tous ses sens.
CHAPITRE III : ESQUISE DE MISE EN SCENE DE
LA PUISSANCE DE UM
Ngond Libii sort du milieu de la scène. Une calebasse
à la main. Elle s'arrête au milieu de la scène, malaxe la
calebasse et sous l'effet de la musique, tourne sur elle-même puis
entonne un chant funèbre.
Pendant ce temps, des pleurs se font entendre dans les
coulisses.
Lorsqu'elle arrive au milieu de la scène, les deux
hommes, le vieillard et Ntep Ntep sortent et se disposent en ligne horizontale.
Ils occupent toute l'espace scénique dans une gestuelle de corps pour
l'expression de la douleur que ressent Ngond Libii. Ensuite se mettent à
la gratter en guise de signes accusateurs.
Ngond Libii se retourne, s'avance vers le milieu, lève la
calebasse et sous le rythme de la musique, pousse un cri chanté.
L'assemblée aussi sur l'effet de la musique et du chant,
lève les mains en direction de la calebasse. Cela de manière
synchronisée avec Ngond Libii. Toutes les répliques de Ngond
Libii sont dites en jouant avec cet accessoire.
Le vieillard, à l'aide des cendres, et des poudres en sa
possession dit sa première réplique dans une mystique du corps
vers le côté jardin.
Au côté cour, Homme 1 dans un ton poétique
transpose le public vers un monde étrange. Son élan
poétique est dit sous un ton grave, haletant, gorgé d'amertumes
et d'espoir.
Ngond Libii se déplace vers le vieillard puis dans un
regard circulaire, essaie de clamer son innocence à chaque membre de
l'assemblée, sur un ton alarmé.
Puis elle reprend de plus belle en accusant le vieillard. Tous
les regards alors se fixent, sous l'effet de la musique, vers celui-ci.
Mais il ne se laisse pas intimidé. Il renvoie à son
tour la balle à Ngond Libii en l'accusant.
Une confusion naît dans l'esprit de l'assemblée. Le
suspense grandit avec la musique.
L'homme 1 et le vieillard, touchés dans leur amour
propre face aux agissements de leur semblables sont indignés. Tous deux
font appel, sous un ton poétique, à la vérité qui
viendra tout trancher. Ntep Ntep le fils, par son attitude suspect sort de son
carcan et dénonce sa mère qu'il taxe de véritable
assassin. Il s'agenouille et ordonne à l'assemblée de porter en
la mémoire du défunt père, une minute de silence. Attitude
que désapprouvent les autres.
Au seuil de la succession, l'on se demande qui allait être
heureux successeur. Pour cela, ils avisent l'ancien qui n'hésite pas
à s'imposer de force.
Ntep Ntep, qui sort maintenant de sa léthargie, se
dévoile en sortant une poudre empoisonnée qu'il insuffle au
visage de l'ancien qui meurt sur le regard inoffensif du vieillard.
Tous dans l'étonnement forme une figure immobile pour
finir en beauté. La musique alors monte, monte pour mourir avec la
fermeture du rideau.
CONCLUSION GENERALE
L'esthétique artaudienne, de la conception à la
mise en scène : l'exemple de La puissance de Um de
Werewere-Liking. Tel a été le sujet de notre étude. Pour
son élaboration, nous avons eu recours à la méthode
sociocritique. Le but de cette étude est de permettre de savoir comment
à partir des formes d'esthétiques théâtrales,
pouvons-nous créer un certain théâtre, sous la base de nos
rites et coutumes.
Cependant, il ressort que le théâtre, né
à partir de l'instinct naturel de l'homme pour imitation, s'est
développé en tant qu'art sur la base de rituels.
L'Afrique en générale et la Côte d'Ivoire
en particulier, ne vit et n'existe que par ses rites, ses us et coutumes qui ne
sont pas des cérémonies de divertissement. Car elles
s'exécutent avec la plus grande authenticité.
Notre étude, cependant, a mis en exergue deux
esthétiques :
- celle du théâtre de la cruauté d'Antonin
Artaud qui préconise un langage
corporel calculé sous forme hiéroglyphique. Elle
est caractérisée par le
sacré et diffère de celle de Stanislavsky qui est
purement artistique.
Aussi, à quelques endroits, semble-t-elle contradictoire
par l'usage de certains vocables : "chiffré"
- celle du théâtre-rituel qui est
considérée comme une manifestation cérémonielle,
fait partie intégrante de la civilisation africaine.
Ces deux esthétiques ont des points de convergences sur
le plan pratique et théorique. Mais quelques divergences y figurent.
Surtout sur le plan pratique par rapport à l'espace scénique et
à certains objets (masques et mannequins) qui ne sont pas
nécessaires.
Travailler sur l'esthétique d'Artaud, en prenant pour
illustration La Puissance de Um de Werewere-Liking, nous a permis de
montrer comment l'on pourrait s'appuyer sur nos rites pour faire du
théâtre.
Le caractère d'un spectacle selon l'esthétique
d'Artaud doit prendre son fondement sur la beauté. Cette beauté
doit renfermer le mythe et être gorgée des images
obsédantes de ladite esthétique.
L'esthétique d'Artaud peut s'appliquer à
n'importe quelle oeuvre. Mais celle des pièces-rituelles, telle que
La Puissance de Um, y correspondent mieux. Seule l'imagination
créatrice du metteur en scène pourrait révéler la
beauté d'un éventuel spectacle pour l'atteinte du but
escompté : celui des entrailles du public.
Par ailleurs, les similitudes qui ressortent des deux
esthétiques sur la base du sacré, nous rendent plus ou moins
perplexes.
Dans la mesure où nous nous demandons si Artaud ne se
serait pas, par hasard, inspiré du rituel africain ?
BIBLIOGRAPHIE
I- OEUVRES ETUDIEES
-ARTAUD (Antonin).- Le théâtre
et son double, (Paris, Gallimard, 1964, 251 p). -LIKING (Werewere).- La
puissance de Um, (Abidjan, CEDA, 1979, 64 p.).
II- AUTRES OEUVRES DU MEME AUTEUR
-ARTAUD (Antonin).- OEuvres complètes, (Paris,
Gallimard, 1964, Tome V).
-LIKING (Werewere).- Une nouvelle terre suivi Du
sommeil d'injuste, (Dakar NEA, 1980, 92 pages).
III- OEUVRE CRITIQUE SUR ARTAUD ET SON OUVRAGE
-VIRMAUX (Odette).- Profil d'une oeuvre : Le
théâtre et son double, (Paris, Hatier, 1975, 75 pages).
IV- OUVRAGES METHODOLOGIQUES
-JUCQUOIS (Guy).- Rédiger, présenter, composer :
l'art du Rapport et du Mémoire, (Bruxelles, Editons De Bock et
Larcier, 1996, [2ème Edition]).
-N'DA (Paul).- Méthodologie de la recherche,
(Abidjan, EDUCI, 2002, 141 pages, 2ème Edition [ Revue et
augmenté]).
V- MEMOIRES
-ABONGUIO (Stanislas).- Elément de la distanciation
brechtienne dans les voix dans le vent de Bernard Dadié, (Abidjan,
Ecole Nationale de théâtre, 2002, Mémoire de fin de cycle,
81 pages).
-COULIBALY (Nanguin).- L'esthétique de la
danse-théâtre dans une
danse-rituelle en pays sénoufo : le cas du
Wambéléde Kassirimi, (Abidjan, Ecole Nationale de
théâtre, 2002, Mémoire de fin cycle, 109 pages).
-OSSOHOU (Emile).- L'esthétique brechtienne : le cas de
mère courage et ses enfants, (Abidjan, Ecole Nationale de
Théâtre, 1999 Mémoire de fin de cycle).
VI- OUVRAGES GENERAUX
-AUBIER (Montaigne), HENRI (Gouthier).-
L'essence du théâtre, présence et pensées,
(Paris, Nouvelle Edition, 1968, 236 pages).
-BEART (Charles).- Recherche des éléments d'une
sociologie des peuples d'Afrique à partir de leur jeu, (Paris,
1960).
-ENCYCLOPAEDIA UNIVERSALIS.- Encyclopaedia Universalis,
(Paris,
1992, Corpus 3, 1052 pages).
-ENCYCLOPAEDIA UNIVERSALIS.- Encyclopaedia Universalis,
(Paris,
1992, Corpus 20, 1103 pages).
-HOURANTIER (Marie-Josée).- Du rituel au
théâtre-rituel : contribution à une esthétique
négro-africaine, (Paris, l'Harmattan, 1984, 289 pages).
-INSTITUT CULTUREL AFRICAIN (ICA).- Quel théâtre
pour le
développement en Africain ?,
(Dakar-Abidjan-Lomé, Nouvelles Editions Africaines, 1985, 149 p).
-KOTCHY (Barthélémy).- Propos sur la
littérature africaine, (Abidjan, CEDA, 1984).
-Lettres d'Antonin Artaud à Jean-Louis Barrault,
(Paris, Bordas, 1952 Collection « Documents de la revue
théâtre», 182 pages). .
-MARTIN (David).- Le théâtre, (Paris, Belin,
1995, 362 pages).
-MAUSS (Marcel).- OEuvres 1 : Les fonctions sociales du
sacré, (Paris, Editions de Minuit, 1968).
-STANISLAVSKI (Constantin).- La construction du
personnage,
(Paris, Pygmalion/Gérard Watelet, 332 pages).
VII- DICTIONNAIRES DE THEATRE
-CORVIN (Michel).- Dictionnaire encyclopédique du
théâtre, (Paris, Larousse- Bordas, 1998).
-PAVIS (Patrice).- Dictionnaire de théâtre,
(Paris, Dunod, 1996, 447 pages).
VIII- DICTIONNAIRES PARTICULIERS
-LAROUSSE.- Dictionnaire Super Major de la langue
française, (Paris, Edition Larousse, 1995, 1258 pages).
-LE PETIT LAROUSSE ILLUSTRE.- Dictionnaire de langue
française,
(Paris, Edition Larousse, 2001, 1786 p).
-C. Cousse et ali.- Dictionnaire thématique de la
langue française, (Abidjan, Club africain du livre, 1976, VEC,
Volume 4, 1975 pages).
TABLE DES MATIERES
Pages
-Dédicaces 3
-Remerciements 4
-Sommaire 5
-INTRODUCTION 6
PARTIE I : DRAMATURGIE ARTAUDIENNE 13
CHAPITRE I : ESSENCE DE L'ESTHETIQUE ARTAUDIENNE
14
II- CONCEPTION THEATRALE D'ARTAUD 14
I.1-Condamnation du théâtre traditionnel l5
I.1.1-Répudiation d'une conception du théâtre
comme
forme d'art 15
I.1.2-Répudiation du théâtre occidental dans
son ensemble 15
I.1.3-Répudiation de la psychologie des lieux
scéniques conventionnels ordinaires 15
I.1.4-Répudiation du verbe comme élément
dominant du
langage scénique 16
I.1.5-Répudiation du hasard 16
I.2-Appel à un théâtre neuf 16
I.2.1-Revendication d'une refonte de la vie par le
théâtre 16
I.2.2-Revendication du spectacle total et primauté de
la
mise en scène 17
I.2.3-Revendication du langage physique appuyé sur le
corps
et le souffle 17 I.2.4-Revendication d'un théâtre
magique et métaphysique
inspiré du théâtre oriental et primitif 18
CHAPITRE II : L'OEUVRE D'ARTAUD : LE THEATRE ET SON
DOUBLE 20
IV- LA NOTION DU DOUBLE : BREF APERÇU DE L'OEUVRE
20
V- THEATRE DE LA CRUAUTE 22
II.1-Définition et origine 22
II.2-La notion de cruauté 24
II.2.1-Sur le plan de représentation 24
II.2.2- Sur le plan de la philosophie 25
II.3-Spécificité du théâtre de la
cruauté 25
II.3.1-Les thèmes 25
II.3.2-La technique d'exploitation de l'esthétique
d'Artaud 26
II.3.3-La lecture matérialiste du théâtre de
la cruauté 30
II.4-Le fond et la forme du théâtre de la
cruauté 30
II.4.1-Le fond 30
II.4.2-La forme 31
VI- ROLE DE LA SCENE ET DU SPECTATEUR 31
III.1-Le rôle de la scène 31
III.2- Le rôle du spectateur 32
CHAPITRE III : DIFFERENTES FORMES THEATRALES DERIVEES
DU THEATRE DE LA CRUAUTE 33
III- LE LIVING THEATRE 33
IV- LE PSYCHODRAME 33
CONCLUSION PARTIELLE 34
PARTIE II : THEATRE-RITUEL : LE CAS DE
LA PUISSANCE DE UM 35
CHAPITRE I : CONTEXTE SOCIO-HISTORIQUE DE L'OEUVRE
36
V- CONTEXTE SOCIAL 36
VI- CONTEXTE HISTORIQUE 37
VII- APPROCHE DEFINITIONNELLE DE LA NOTION
DE
RITUEL 38
III.1-La fonction symbolique 38
III.2-La fonction pragmatique 39
VIII- APPROCHE DEFINITIONNELLE LA NOTION DE
THEATRE-RITUEL 39
IV.1-La structure initiatique de l'oeuvre : La puissance de
Um 40
IV.1.1-Le pentagramme croisé 41
IV.1.2-Symbole- Signification- Caractéristique du
pentagramme
croisé 41
IV.2-Les séquences rituelles de l'oeuvre 43
IV.2.1-La séquence introductive 43
IV.2.2-La séquence de la recherche 44
IV.2.3-La séquence des `'pauses-poétiques'' 44
IV.2.4-La séquence des `'transes-psychodrames'' 44
IV.2.5- La séquence de la prise de conscience 45
IX- TECHNIQUES DU THEATRE-RITUEL 45
V.1-La parole 45
V.1.1-La parole du quotidien 46
V.1.2-La parole thérapeutique 46
V.1.3-La parole poétique 47
V.1.4- La parole-participation 47
V.1.4.1-Les onomatopées 47
V.1.4.2-Le cri 47
V.1.4.3-Le rire 48
V.1.4.4-Le silence 48
V.2- Les techniciens de la parole 49
V.3- La symbolique au théâtre-rituel 50
V.3.1-La symbolique des lieux 50
V.3.1-La symbolique des objets 51
V.4- La gestuelle du corps 52
V.5- Le warming-up et la transe-psychodrame 53
V.5.1-Le warming-up 53
V.5.2- La transe-psychodrame 53
CHAPITRE II : LA STRUCTURE EXTERNE DE L'OEUVRE
55
V- LE TITRE 55
VI- RESUME DECOUPE 56
VII- LES EPIGRAPHES 57
VIII- INTRODUCTION 58
IX- PROPOSITION SCENIQUE DE LA PUISSANCE DE UM
59
V.1-Le synopsis 59
V.2-Les articulations de la pièce 60
V.3-La construction du lieu scénique 60
V.4-La physionomie des personnages 61
V.5-Le public et les personnages relais : le Hilun et le choeur
61
CHAPITRE III : LA STRUCTURE INTERNE DE L'OEUVRE
61
IV- CADRE SPATIO-TEMPOREL 62
V- ETUDE DES PERSONNAGES ET DES SYSTEMES
RELATIONNELS 63
II.1-L'étude des personnages 63
II.1.1-Les personnages humains 64
II.1.2-Les personnages surnaturels 65
II.2-Les systèmes relationnels 65
II.2.1-Ngond Libii : agitatrice de conscience 65
II.2.2-Ntep Iliga : focalisateur d'énergies 66
VI- SCHEMA ACTANCIEL DE L'OEUVRE 66
CONCLUSION PARTIELLE 69
PARTIE III : LECTURE ARTAUDIENNE DE LA PUISSANCE DE
UM70 CHAPITRE I : IMAGES
OBSEDANTES 71
VI- LE FEU 71
VII- LA GUERRE ET LA VIOLENCE 72
VIII- LE CERCLE ET LE CHAOS 73
IX- LE SEXE À L'INCESTE 74
X- L'HUMOUR ET L'ANARCHIE 75
CHAPITRE II : DONNEES MATERIELLES ET
SES CONSEQUENCES 77
VII- L'ESPACE INVESTI 77
VIII- LE SOUFFLE ET LE CRI 78
IX- LES MASQUES ET LES MANNEQUINS 78
X- LES DISSONANCES ET LES CONTRASTES 79
XI- UN SPECTACLE CHIFFRE 80
XII- L'APPEL AUX MYTHES 80
CHAPITRE III : ESQUISSE DE MISE EN SCENE 82
CONCLUSION GENERALE 84
BIBLIOGRAPHIE 86
TABLE DES MATIERES 89
ANNEXES 95
ANNEXES
I- VIE ET OEUVRE D'ARTAUD: Antonin Artaud (1896-1948)
De son vrai nom Antoine Marie Joseph Artaud (dit Antonin), il est
né le 4 septembre 1896 à Marseille en France.
Son père Antoine Roi est armateur et sa mère
Euphrasie Nalpas, ménagère.
C'est l'aîné de cinq enfants. A l'âge de
cinq ans, il est atteint d'une méningite et passe, en 1915, son premier
séjour en maison de santé au moment où ce devrait
être son entrée au Collège de Sacré-coeur à
Marseille pour l'étude de la philosophie.
Partant de cette date, Artaud séjourne dans plusieurs
maisons de repos après avoir été réformé.
En 1920, après son arrivée à Paris en tant
que poète, il écrit sa première oeuvre poétique
intitulée Tric-trac du ciel (1923).
Sa vie au théâtre commence en 1921, chez
Lugné-poe, comme comédien.
Son penchant pour cet art lui fait connaître Dullin
auprès de qui ; il a une large vision de la connaissance du
théâtre.
En 1924, ses études au cinéma et sa publication
un peu plus tard dans la NRF (Nouvelle Revue Française) de l'une de ses
oeuvres intitulée La correspondance avec Jacques
Rivière, lui font adhérer au mouvement
surréaliste dirigé par André Breton.
En 1925, Artaud fait paraître
/'RPEOlOI'X[J'lOPE[J dans la NRF et Le
PèseNerfs; puis devient alors directeur de la centrale
surréaliste.
Il fonde le théâtre Alfred-Jarry avec Roger
Vitrac et Robert Aaron en 1926 et rompt à la suite de plusieurs
altercations d'avec les surréalistes.
En 1927 , il tourne avec Germaine Dulac l'unique film
inspiré de lui: "la coquille et le clergyman".
En 1928, c'est la réconciliation de manière
éphémère avec les surréalistes.
Ce qui lui permet de publier son premier manifeste du
théâtre de la cruauté, en 1932 suivi du second en
1933.
Après sa guérison en 1943 des deux aires de
désintoxication subis ; suite aux fiançailles rompues d'avec
Cécile Shrame en 1937, Antonin Artaud recommence à écrire
et fait rééditer à ce propos le
théâtre et son double en 1944 suivi de la parution de
Van Gohg, Le suicidé de la
société, Artaud le mômô,
Ci-git.
Le 25 février 1948, Artaud projette de se consacrer
désormais et exclusivement au théâtre. Projet
écourté par sa mort à Ivry le 4 Mars.
Notons par ailleurs qu'Artaud a vécu en marge de son
époque sa vie durant à cause de sa santé.
Même s'il lui est arrivé de travailler avec
Dullin ou de participer aux activités du groupe surréaliste, il
apparaît comme résolument étranger à son
époque. Et cela de plus en plus au fil des années.
La Guerre, l'Occupation, la Libération ne signifient rien
pour qui n'a vécu cette période que d'asile en asile.
Seule compte la singularité d'une trajectoire humaine.
II- VIE ET OEUVRE DE WEREWERE-LIKING
Werewere-Liking, ivoirienne d'origine Camerounaise, est
née en 1950 à Bondé. De 16 à 18 ans, elle travaille
comme une chanteuse et peintre.
La peinture alors devient sa préoccupation favorite car
elle la considère comme une conscience de l'état de pure
conscience, de profonde méditation et de voyages internes.
A vingt six ans, Liking quitte le Cameroun en tant que peintre,
poète, dramaturge, et scénariste.
C'est une femme d'idée, une femme pluridimensionnelle,
épouse et mère. En 1975 à Abidjan, dans le cadre d'une
série d'exposition internationale, ses oeuvres picturales sont
appréciées.
Arrivée en Côte d'Ivoire en 1978, elle travaille
à l'Université d'Abidjan Cocody en tant que chercheur en
tradition et esthétique négro-africaine à l'Institut de
Littérature d'Esthétique Négro-africaine. Quelques
années plus tard, précisément en 1985, elle fonde le
groupe KI-YI. Le KI-YI M'bock qui signifie "savoir qui dépasse tout
savoir" en bassa du Cameroun et dont l'objectif se doit d'être un art qui
satisfait les sens, qui déclenche et ébranle la soif
essentielle.
Ses recherches l'ont conduite dans plusieurs pays africains,
faisant ainsi d'elle, l'auteur de plusieurs oeuvres des différents
genres littéraires : théâtre, roman, essais, contes et
poèmes.
Au théâtre, nous avons La queue du
diable publié aux Editions Nizet à Paris en 1979,
Une nouvelle terre suivie Du sommeil
d'Injuste, aux Editions NEA, à Dakar en 1980 et
La puissance de Um qui fait l'objet de notre étude, aux
Editions CEDA à Abidjan en 1979.
L'amour cent-vie publié en 1988,
Orphée Dafric à l'Harmattan à Paris en
1981 et Elle sera de jaspe et de corail publié en 1963
et La mémoire amputée, sa dernière
parution aux éditions NEI à Abidjan en 2004, sont ses oeuvres
romanesques.
Quant aux essais, Werewere-Liking écrit en
collaboration avec Jacques Scherer et Marie-Josée Hourantier, Du
rituel à la scène chez les bassa du Cameroun. OEuvres
publiée aux Editions Nizet à Paris en 1979. En 1984, c'est celle
de Vision de Kaydara, aux Editions NEA, à
Abidjan.
En contes, Liboy Li N'kundung et Contes
d'initiation féminine sont publiés aux Editions
Classiques Africaines à Paris, respectivement en 1982 et 1983.
Ces ouvrages sont au-delà de la lecture et de la
critique un nouvel instrument de travail pour ceux qui veulent comprendre les
objectifs de la littérature dans nos sociétés, et pour
ceux qui cherchent à mieux cerner les mécanismes initiatiques
à partir de nos cultures.
Werewere-Liking est un artiste complet, car, hormis ses oeuvres
littéraires, elle a écrit des scénarios pour le
cinéma dont :
- - Regard de fou, téléfilm
réalisé par Werewere-Liking, adapté de "Dieu chose",
1988.
Ce téléfilm a eu le prix du meilleur
téléfilm de "vues d'Afrique", Montréal 1988.
- - Le grotto, de Son Jacob
réalisé en 1988 et
- - Mother-Land, adapté de "un touareg
s'est marié à un pygmée".
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