5 Retour à nos objectifs de recherche
Au début de notre étude, nous avons posé
comme hypothèse (premier objectif de recherche) que les perceptions de
la gestion du décrochage scolaire et les logiques de solidarité
des acteurs scolaire, communal, judiciaire et issu du milieu associatif sont
influencées par l'organisation à laquelle ils appartiennent.
Si nous prenons en considération notre
échantillonnage152 et les résultats de nos analyses,
nos observations vont dans le sens de notre hypothèse. En effet, les
perceptions des différents acteurs sont influencées par les
objectifs et les limites de leur organisation qui balise leurs actions. Pour
atteindre certains objectifs, les acteurs créent des logiques de
solidarité en collaborant avec d'autres intervenants sociaux.
Aussi, à titre exploratoire nous avons soulevé
comme question de recherche : (1) comment la CAS traite la diversité des
organisations qui y participent et (2) comment influence-t-elle leur logique de
solidarité et leur perception de la gestion du décrochage
scolaire ?
(1) Si nous nous référons aux discours de
l'acteur communal, l'AAS, les acteurs sont traités comme des ressources
locales susceptibles d'infléchir le sentiment d'insécurité
et du décrochage scolaire sur le territoire louvièrois
(«chacun apporte sa pierre à l'édifice contre le DS»)
en élaborant des projets spécifiques (ex : le Pass scolaire, la
création d'un outil
152Cette hypothèse est valide pour notre
échantillonnage. Cependant, nous ne pouvons pas la
généraliser. En effet, pour généraliser notre
travail il aurait fallu étendre notre échantillonnage vers
davantage d'acteurs scolaires, judiciaires, communaux et issus du milieu
associatif.
pédagogique destiné aux écoles) tout en
prenant en considération les intérêts de chacun autour
d'enjeux partagés. Ce constat répond aux objectifs
stratégiques de l'AAS. La CAS ressemble à un petit marché
qui réunit certains acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus
du milieu associatif qui cherchent à s'outiller, à s'informer,
à créer de la complémentarité avec d'autres
partenaires pour, dès lors, s'inscrire dans des actions qui
correspondent au mieux aux intérêts de leur organisation.
(2) Comme nous l'avons vu, la CAS génère des
logiques de solidarité conditionnelle, contractuelle, fusionnelles et
affective. Nous avons relevé que les différentes logiques peuvent
s'imbriquer les unes dans les autres. En effet, la solidarité
conditionnelle constitue le socle commun à tous les acteurs et influe
sur d'autres logiques de solidarité. Les acteurs adhérent non
seulement à ces réunions de concertation mais aussi à un
groupe de professionnels sensibles à l'importance de s'outiller, de
s'informer, de connaître les intervenants sociaux jouant un rôle
dans le processus de réinsertion sociale du jeune et dans le soutien des
familles. Dans les faits, aucun acteur n'est dans l'obligation de s'inscrire
à la Commission Accrochage Scolaire, c'est un acte volontaire qui a pour
objectif de collaborer avec d'autres professionnels (vu la complexité de
la problématique, on ne peut travailler seul, on a besoin des autres)
dont on reconnaît la complémentarité. Nous avons vu
également que les intérêts des membres de la CAS sont
variés et influencent leurs actions, selon leur position et les
objectifs de leur organisation. Dans les faits, les acteurs s'inscrivent dans
des projets et des collaborations proches de leurs missions et de leur
idéologie de travail. Cette dynamique d'action représente une
importante logique de solidarité contractuelle. Les acteurs
interviewés ont conscience de l'orientation de leur action. En effet, le
besoin de collaborer (dicté, pour partie, par les missions et limites
d'intervention inhérentes à chaque opérateur) pour le
bienêtre des usagers (le jeune et sa famille) est une convergence que
l'on retrouve chez tous les acteurs interviewés ; ils s'inscrivent,
dès lors, dans une logique de solidarité fusionnelle (on retrouve
également comme valeurs communes : le bien-être du jeune et des
familles ; la crédibilité ; la complémentarité ; la
collaboration ; une bonne communication ; l'efficacité ;
l'immédiateté, l'orientation, ...).
Dans ce contexte, malgré la présence de
différentes organisations au sein de la CAS, des divergences,
liées à leur position institutionnelle et à leurs
missions, existent entre les opérateurs. Néanmoins, celles-ci ne
débouchent pas sur le conflit ou des tensions entre les institutions
mais sur la complémentarité dans l'action sociale. Comme nous
l'avons soulevé dans notre analyse, en effet, la CAS a permis
d'atténuer les tensions entre l'acteur issu du
milieu associatif et l'acteur communal. La CAS a
également modifié, chez les différents intervenants
sociaux, l'image de la Police locale. Ce lieu de concertation est aussi un lieu
qui génère des habitudes, de la convivialité et des liens
professionnels privilégiés ; on y travaille dans une transparence
encouragée par cette relative familiarité. En outre, la logique
de solidarité affective renforce les liens entre les acteurs de la CAS
et facilite les actions sur le terrain en fonction des réalités
de chacun. De ce constat, nos analyses vont dans le sens où la
Commission Accrochage Scolaire influence les perceptions de la gestion du
décrochage scolaire des acteurs qui y participent.
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