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L'enquête des juridictions pénales internationales.

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par José Tasoki Manzele
Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Docteur en droit 2011
  

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Paragraphe II. Les procédés de saisine de la Chambre préliminaire en vue du contrôle de la décision du Procureur

Le Procureur saisit la Chambre préliminaire par voie de requête.- En cas d'une décision unilatérale du Procureur d'ouvrir une enquête, la partie diligente qui saisit la Chambre préliminaire est le Procureur lui-même611(*). Il présente à la Chambre préliminaire une demande d'autorisation dans ce sens. Le Règlement de procédure et de preuve dispose que la demande du Procureur est faite par écrit612(*). Il s'agit vraisemblablement d'une requête, dans laquelle le Procureur sollicite l'autorisation de la Chambre préliminaire en vue d'ouvrir une enquête613(*). La requête du Procureur reprend la teneur de sa décision, qu'il accompagne de tous éléments justificatifs et annexes disponibles qui lui ont facilité l'opération d'évaluation des renseignements614(*). Ainsi, aux termes de la norme 49 du Règlement de la Cour, la requête du Procureur comprend entre autres une référence aux crimes dont il conclut qu'ils ont été commis ou sont en voie de l'être615(*), ainsi qu'un exposé des faits dont il est allégué qu'ils fournissent une base raisonnable permettant de conclure que lesdits crimes ont été commis ou sont en voie de l'être616(*), une déclaration du Procureur exposant les raisons pour lesquelles les crimes énumérés relèvent de la compétence de la Cour617(*). Dans son exposé des faits, le Procureur indique au moins les lieux où les crimes auraient été commis (le pays, la ville, la localité...)618(*), la période estimée par le Procureur au cours de laquelle ces crimes auraient été commis619(*), l'identité ou la description des personnes ou groupes de personnes qui seraient impliquées dans cette situation criminelle620(*), la chronologie des événements pertinents, la description des cartes indiquant toute information pertinente, notamment le lieu où des crimes auraient été commis, et un glossaire explicatif des noms de personnes, de lieux et d'institutions pertinents621(*).

La saisine par un Etat ou par le Conseil de sécurité. Aucune forme consacrée.- En ce qui concerne par contre la décision du Procureur refusant d'enquêter malgré la saisine de la Cour par un Etat Partie ou le Conseil de sécurité, la Chambre préliminaire est saisie soit par l'Etat Partie en question qui a renvoyé à la Cour pénale internationale une situation criminelle donnée, soit par le Conseil de sécurité des Nations Unies622(*). Le Statut de Rome n'a pas indiqué une forme sacrée dans laquelle doit s'exprimer la volonté d'un Etat Partie qui sollicite de la Chambre préliminaire le réexamen de la décision du Procureur. Il découle en effet de ce silence que la demande de l'Etat peut être formulée dans une simple lettre qu'il adresse à la Chambre préliminaire, pourvu qu'il s'agisse d'un écrit dans lequel l'Etat exprime ou manifeste de manière non équivoque son mécontentement sur la décision du Procureur623(*).

Quant au Conseil de sécurité, la requête qu'il présente à la Chambre préliminaire en vue de réexaminer la décision du Procureur se traduit dans une résolution qu'il adopte conformément à la Charte des Nations Unies. Cette résolution ne s'écartera pas de conditions exigées pour le renvoi d'une situation criminelle à la Cour pénale internationale. Aussi le Conseil de sécurité observera-t-il les prescrits de l'article 27, § 3 de la Charte des Nations Unies qui dispose que les décisions du Conseil de sécurité sur des questions autres que la question de procédure sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents. Comme nous l'avions indiqué dans le point relatif à la saisine de la Cour pénale internationale par le Conseil de sécurité, l'abstention d'un membre du Conseil ne signifie pas opposition à l'approbation de la résolution. La pratique générale des Nations unies, réconfortée par la jurisprudence de la Cour internationale de justice, laisse passer une résolution du Conseil de sécurité même dans l'hypothèse d'abstention d'un de ses membres permanents624(*). C'est cette résolution qui saisit la Chambre préliminaire en vue du réexamen de la décision du Procureur de ne pas ouvrir d'enquête.

Le délai de saisine de la Chambre préliminaire.- En tout état de cause, la demande d'un Etat Partie au Statut de Rome ou celle du Conseil de sécurité doit être présentée à la Chambre préliminaire dans les 90 jours qui suivent la notification du Procureur, le requérant y indiquant les motifs qui fondent sa demande625(*). Rien ne pourrait empêcher la Chambre préliminaire de demander au requérant (l'Etat Partie ou le Conseil de sécurité) d'expliciter amplement sa requête626(*).

L'autosaisine de la Chambre préliminaire.- Par ailleurs et lorsqu'un Etat Partie ou le Conseil de sécurité ne manifestent aucune diligence à saisir la Chambre préliminaire, celle-ci peut prendre l'initiative de se saisir d'office en vue d'examiner la décision du Procureur refusant d'enquêter ou d'engager des poursuites. Cette éventualité n'existe que dans l'hypothèse où le Procureur a mis au devant de la scène les considérations fondées sur les intérêts de la justice pour justifier sa décision627(*). La saisine de la Chambre préliminaire décidée d'office par elle-même est prise dans les 180 jours suivant la notification de la décision du Procureur628(*). La Chambre préliminaire informe le Procureur de sa décision, tout en lui demandant par ailleurs de présenter éventuellement ses observations et autres éléments d'information qu'il juge nécessaires dans un délai qu'elle lui fixe629(*).

* 611 Art. 15, § 3, Statut de Rome.

* 612 Règle 50, § 2, Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale ; Norme 49, Règlement de la Cour.

* 613 C.P.I., Pre-Trial Chamber II, ICC-01/09, Situation in the Republic of Kenya, Request for Authorization of an Investigation pursuant to Article 15, 26 November 2009.

* 614 Art. 15, § 3, Statut de Rome.

* 615 C.P.I., Pre-Trial Chamber II, ICC-01/09, Situation in the Republic of Kenya, Request for Authorization of an Investigation pursuant to Article 15, 26 November 2009, §§ 48-50.

* 616 C.P.I., Pre-Trial Chamber II, ICC-01/09, Situation in the Republic of Kenya, Request for Authorization of an Investigation pursuant to Article 15, 26 November 2009, §§ 62-70.

* 617 C.P.I., Pre-Trial Chamber II, ICC-01/09, Situation in the Republic of Kenya, Request for Authorization of an Investigation pursuant to Article 15, 26 November 2009, § 51.

* 618 C.P.I., Pre-Trial Chamber II, ICC-01/09, Situation in the Republic of Kenya, Request for Authorization of an Investigation pursuant to Article 15, 26 November 2009, § 71.

* 619 C.P.I., Pre-Trial Chamber II, ICC-01/09, Situation in the Republic of Kenya, Request for Authorization of an Investigation pursuant to Article 15, 26 November 2009, § 72.

* 620 C.P.I., Pre-Trial Chamber II, ICC-01/09, Situation in the Republic of Kenya, Request for Authorization of an Investigation pursuant to Article 15, 26 November 2009, §§ 74-75.

* 621 C.P.I., Pre-Trial Chamber II, ICC-01/09, Situation in the Republic of Kenya, Request for Authorization of an Investigation pursuant to Article 15, 26 November 2009, passim.

* 622 Art. 53, § 3 (a), Statut de Rome; C.P.I., Ch. prél. III, ICC-01/05, Situation en République centrafricaine, Décision relative à la demande d'informations sur l'état d'avancement de l'examen préliminaire de la situation en République centrafricaine, 30 novembre 2006. Dans cette affaire, la République centrafricaine a adressé le 27 septembre 2006 une demande à la Chambre préliminaire III, y manifestant son inquiétude sur le silence observé par le Procureur au sujet de sa décision de renvoi. La République centrafricaine y a prié la Chambre préliminaire de s'enquérir auprès du Procureur des motifs de l'inobservation alléguée du délai raisonnable pour l'ouverture ou non d'une enquête, de prendre des mesures de préservation des éléments de preuve conformément à l'article 56-3 du Statut et de prendre des mesures de protection des victimes en vertu de la règle 87 du Règlement de procédure et de preuve.

* 623 C.P.I., Ch. prél. III, ICC-01/05, Situation en République centrafricaine, Décision relative à la demande d'informations sur l'état d'avancement de l'examen préliminaire de la situation en République centrafricaine, 30 novembre 2006.

* 624 C.I.J., Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest Africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, Avis consultatif, 21 juin 1971, § 22.

* 625 Règle 107, § 1, Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale.

* 626 Règle 107, § 4, Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale.

* 627 Art. 53, § 3 (b), Statut de Rome ; LOUNICI David, « La procédure préliminaire mise en oeuvre par les Chambres préliminaires de la Cour pénale internationale », KOLB Robert (dir.), op. cit., p. 274.

* 628 Règle 109, § 1, Règlemnt de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale.

* 629 Règle 109, § 1, Règlement de procédure et de preuve de la Cour pénale internationale.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon