Chapitre IV : Analyse de l'influence des
caractéristiques de l'enfant et du ménage sur la propension de
travail de l'enfant
L'objet de ce chapitre est de déterminer les facteurs
explicatifs du travail des enfants. Les estimations
économétriques permettront de rechercher les déterminants
du travail « non léger », mais aussi les probabilités
de choix de participation des enfants aux différentes activités.
Par ailleurs, les facteurs explicatifs des pires formes de travail des enfants
seront identifiés. Une hypothèse de travail sera, en outre,
retenue afin de se conformer aux objectifs tels que définis par
l'étude : «seront considérés comme enfants
travailleurs, les enfants ayant effectivement été actifs, en
moyenne, pendant au moins quatorze (14) heures par
semaine»42.
IV.1 Les déterminants de la participation des
enfants au travail
Il est à noter que si les analyses faites
précédemment visaient à faire l'état des lieux du
phénomène du travail des enfants en n'occultant aucun aspect,
cette partie de l'étude vise surtout à trouver les facteurs
explicatifs du phénomène du travail non léger, beaucoup
plus sujet à débats43.
L'objectif est d'apprécier le poids des indicateurs du
travail des enfants, notamment le rôle joué par la pauvreté
des ménages où le niveau d'instruction des parents. Aussi, il
s'agira de savoir si la pauvreté des ménages, mesurée en
termes de privations (pauvreté multidimensionnelle) est, comme le
sous-tendent Basu et Van, la principale variable discriminante dans la mise au
travail des enfants.
Le raisonnement ceteris permettra non seulement d'observer
l'effet simultané d'un ensemble de variables explicatives du travail des
enfants, mais aussi de hiérarchiser les influences propres de chacune
d'elles.
IV.1.1 Choix et spécification des modèles
Les modèles explicatifs du travail des enfants de la
présente étude seront inspirés des travaux de Diallo
& Koné (2001) et Dumas (2005)44. Les facteurs expliquant
le travail des enfants seront de ce fait, estimés suivant un
modèle explicatif de régression, à variable
dépendante
42 Le critère des quatorze (14)
heures hebdomadaire (Cf. convention 138, OIT) se devait d'être
généralisé aux trois (03) secteurs afin de ne prendre en
compte que le travail dit "non léger".
43 Ce type de travail, quelle que soit
son intensité ou sa conformité, peut influer négativement
sur la scolarisation de l'enfant.
44 Avec quelques nouveaux
éléments dont les plus importants sont le statut de scolarisation
de l'enfant, la perception de sa scolarisation par l'enfant du point de vue des
gains futurs escomptés, le statut de présence des parents et le
mode de décision sur les finances du ménage.
dichotomique (construite à cet effet) et indiquant si
l'enfant a été actif ou pas lors des douze (12) mois ayant
précédé l'enquête.
La participation des enfants au marché du travail
sera, a priori, supposée soumise à une série de variables
exogènes : les caractéristiques propres à l'enfant, celles
du chef de ménage et enfin, le contexte familial. L'idée
première est qu'un enfant est amené à travailler compte
tenue de certaines réalités sociologiques et économiques
que son environnement sociofamilial lui fait subir. La présente
étude privilégiera, par ailleurs, les critères de pouvoir
explicatif dans la construction des modèles. Le modèle qui sera
retenu pour chaque pays sera donc optimal en termes d'explication du
phénomène dans ledit pays. Les variables pouvant être
retenues sont rassemblées en quatre (04) groupes :
· Groupe (1) : Il comprend la classe
d'ages45, le sexe, la nationalité, le lieu de naissance, le
statut de scolarisation de l'enfant et sa perception de l'école (du
point de vue des gains futurs escomptés par le fait qu'il soit
scolarisé : externalités futures).
· Groupe (2) : Il se compose des variables
décrivant l'environnement familial de l'enfant. Il regroupe le nombre
d'enfants en bas age dans le ménage (enfants âgés de 5 ans
ou moins), le nombre d'enfants de 6 à 14 ans (enfants d'ages scolaires),
le nombre d'enfants âgés entre 15 et 17 ans, le nombre d'individus
dont l'age est compris entre 18 à 54 ans (personnes en âges de
travailler) et le nombre de personnes âgées d'au moins 55
ans46. Il intègre également le niveau de
pauvreté du ménage (indice normalisé compris entre 0 et 1
et indiquant le degré de privation) de même que le statut de
présence des parents et le mode de prise de décision dans le
ménage concernant les questions financières (celui, celle ou ceux
qui prennent les décisions financières au sein du
ménage).
· Groupe (3) : Il rassemble un ensemble de
variables relatives aux caractéristiques du chef de ménage. Il
s'agit du sexe du chef de ménage, de son niveau
d'instruction47 et de son statut d'occupation.
45 Le carré de l'âge divisé par 100 a
été écarté du fait des problèmes de
colinéarité qu'il introduit dans les trois (03) modèle
respectifs. Par ailleurs, les classes d'âge ont été
préféré à l'âge afin de faire ressortir
d'éventuelles spécificités telles qu'apparues dans les
chapitres descriptifs.
46Les variables relatives au nombre
d'enfants dans le ménage sont fondées sur les implications des
modèles stratégiques, notamment sur l'effet d'entraînement
("trickle down effect").par lequel les comportements d'une personne sont
fortement influencés par la composition de sa cellule familiale. La
variable taille du ménage (nombre de personnes vivant dans le foyer) a
été délaissée du fait de multi
colinéarité.
47 Les variables liées au capital
humain ont un potentiel explicatif a priori considérable dans la mise au
travail des enfants (Koné & Diallo, 2001).
· Groupe (4) : Il fait
référence à une variable de type géographique et
repose ainsi sur les strates formées. Ces dernières ont
été constituées sur la base de l'intensité du
phénomène d'émigration vers le Ghana et la Côte
d'Ivoire (cas du Burkina Faso et du Mali), et sur l'intensité de la
production cacaoyère (en Côte d'Ivoire).
Il faut noter que certaines variables catégorielles
ont été recodées afin de réduire le nombre de
modalités et surtout d'aider à appréhender l'impact des
caractéristiques individuelles. C'est le cas notamment des variables
reflétant le niveau d'instruction du chef de ménage de
méme que son statut d'occupation.
Par ailleurs, d'autres variables catégorielles ont
été désagrégées : chacune de leur
modalité a été transformée en variables
indicatrices. Ce faisant, pour chacune de ces variables, une modalité
(dite de référence) sera mise de côté et n'entrera
donc pas dans l'estimation du modèle. Aussi, les interprétations
qui suivront seront généralement faites par rapport à
cette modalité non prise en compte.
S'agissant de la formalisation, le travail des enfants sera
expliqué par une modèle de choix discret où les enfants
(ou leurs parents) choisissent de travailler (de les faire travailler) ou pas.
En considérant Y la variable endogène indiquant si l'enfant
travaille ou non, la représentation pour chacun des trois (03) pays aura
la forme suivante :
( ) Y~ v ;
L'objet est d'expliquer [Y ] par un ensemble de variables ou
facteurs relatifs à l'enfant et à son environnement. Pour ce
faire, l'approche par la méthode des variables latentes sera
privilégiée (Rakotomalala, 2009).
Aussi, chaque variable d'intérêt Y (observable)
dépend d'une variable Y non observable (variable latente), directement
liées a priori, aux variables précitées. La nouvelle
spécification obtenue est :
(S ) Y { s Y avec Y
où est un vecteur dont les paramètres, inconnus,
seront estimés par la suite.
est le terme d'erreur englobant d'éventuelles erreurs de
mesure, d'échantillonnages et de spécification.
Ces erreurs sont supposées respectivement identiquement
distribuées, suivant une loi logistique (pour les trois
pays)48.
Les sont les vecteurs contenant les variables explicatives du
travail des enfants.
Le lien existant entre Y et est ainsi donné par : (Y~ |
~) ( ~), étant la
fonction de répartition d'une loi logistique.
L'estimation se fera suivant la procédure MLE de maximisation de la
fonction de vraisemblance.
IV.1.2 Interprétation et discussion des résultats
de l'estimation du modèle
Dans les trois (03) pays faisant l'objet de l'étude,
le travail des enfants ne dépend pas de la nationalité de
ceux-ci, ni de leur lieu de naissance49 ou même du lien de
parenté de ceux-ci avec le chef de ménage. Ceci peut se
comprendre dans la mesure où dans ces trois (03) pays, c'est plus de 90%
des enfants enquêtés qui sont issus de (en terme de
nationalité) (ou nés dans) leur pays respectifs. L'absence de
significativité du lien de parenté montre que l'argument selon
lequel la participation aux activités socioéconomiques des
ménages constitue l'une des principaux motifs de la mobilité des
enfants ne tient pas dans le contexte des ménages étudiés.
En effet, le fait d'être un enfant biologique du chef de ménage,
ou alors, d'être un enfant "confié" ou apparenté à
ce dernier ne modifie en rien la propension de l'enfant à participer
à la main d'oeuvre. De plus, la perception que les enfants ont de
l'utilité de l'école ne semble pas agir significativement sur
leur propension à travailler ou non. Ceci peut s'expliquer par le fait
que la décision de travailler et / ou d'aller à l'école ne
leur revient pas, en général, mais appartient à leurs
parents qui peuvent avoir d'autres préoccupations (comme des gains
financiers à court terme). En plus, la concurrence ne semble pas de mise
entre les décisions de travail et de scolarisation puisque les enfants
associent souvent sans grande difficulté, ces deux occupations. Par
ailleurs, la taille des ménages est peu significative (même
à 10%) dans l'explication du phénomène, contrairement
à la structure de ceux-ci qui parait plus indiquée pour
comprendre ce qui peut emmener un enfant dans une famille ou dans un
ménage, à s'adonner à une activité. Cela confirme
l'effet d'entraînement ("trickle down effect") postulé par les
modèles stratégiques, et qui sont ainsi le fait de la composition
des ménages. D'autre part, le mode de décision financière
au sein des ménages étudiés ne joue
48 Le choix de la forme de
distribution adaptée aux données disponibles a été
édicté par le test de Hausman au seuil de 5%. Pour le Burkina
Faso et le Mali, la différence entre le logit et le probit n'est pas
significative. Le choix s'est donc porté sur le logit du fait de ses
facilités d'interprétation. Quant au cas de la Côte
d'Ivoire, le test révèle une différence significative
entre les deux (02) modèles. Une analyse comparative du point de vue des
critères d'information a permis de choisir, a posteriori, le
modèle logit.
49 Ces deux variables font
décroitre le pouvoir explicatif des modèles construits
(résultats Tableau 23).
aucun rôle sur la propension des enfants à
travailler. Cela peut s'expliquer par le fait que, quand bien même la
personne prenant ces types de décisions peut différer d'un
ménage à l'autre, la motivation qui l'anime est souvent la
même : maximiser le revenu du ménage. De plus, il apparait que le
sexe du chef de ménage de même que son niveau d'instruction ne
sont pas déterminants dans l'explication du phénomène du
travail des enfants. Cela peut se comprendre en se référant aux
chapitres descriptifs50 qui ont montré que le lien entre
niveau d'instruction des parents et la prévalence du travail des enfants
était loin d'être manifeste. Par ailleurs, la forte
représentation des hommes dans la sous population des chefs de
ménage permet de comprendre pourquoi le sexe du chef de ménage ne
joue pas un rôle majeur.
Les variables retenues a postériori dans le
modèle explicatif du travail des enfants ont été celles
remplissant certaines conditions : elles sont significatives au seuil
général de 95%51, mais en plus, elles permettent
d'améliorer la significativité globale du modèle et
concourent, dans le même temps, à optimiser la qualité du
modèle52. Dans les trois (03) pays étudiés, ces
variables sont relatives à l'age de l'enfant, à son sexe et
à son statut de scolarisation, à la structure et au niveau de
pauvreté de son ménage d'appartenance de même qu'au statut
de présence de ses parents53, au statut d'occupation du chef
de ménage et à sa localisation géographique
(Tableau 23). Même si ces variables permettent
d'expliquer de façon générale le phénomène
du travail des enfants dans les trois (03) pays, il faut signaler que des
spécificités demeurent d'un pays à l'autre. Au Burkina
Faso, la structure du ménage, le statut de présence des parents,
le statut d'occupation du chef de ménage et les caractéristiques
d'ordres géographiques influencent la probabilité de travail des
enfants. Au Mali, le sexe de l'enfant serait un facteur déterminant. De
plus, la structure des ménages, le statut de présence des
parents, mais aussi, et à la différence du Burkina Faso, le
statut de scolarisation. S'agissant du cas de la Côte d'Ivoire, il se
remarque que les facteurs influents sont bien plus nombreux. En effet, hormis
l'ensemble des facteurs précités pour le Burkina Faso et le Mali,
il faudrait ajouter le facteur âge et le niveau de pauvreté.
Dans une perspective plus généralisée,
il faut noter que les enfants burkinabés sont ceux qui ont plus de
chance de travailler ou d'être actifs (probabilité marginale
prédite égale à 0,57). Ils sont suivis des enfants maliens
(0,52), les enfants ivoiriens étant ceux qui ont relativement moins de
chance de travailler, avec tout de même une probabilité de
0,43.
50 Notamment le Chapitre II.
51 Ou encore, à 90% pour les cas
les plus extrêmes.
52 Du point de vue des critères
d'adéquation du modèle aux données, du test de Hosmer
& Lemeshow et du linktest de Prégibon.
53 Cette variable traduit la
présence du père et / ou de la mère.
Tableau 23 : Estimations
logistiques des modèles explicatifs du travail des enfants au Burkina
Faso, en Côte d'Ivoire et au Mali
Variable dépendante :
Probabilité pour un enfant d'être
actif
|
|
Coefficients
|
|
Effets Marginaux
|
|
|
Côte d'Ivoire
|
Mali
|
Burkina
|
Côte d'Ivoire
|
Mali
|
Caractéristiques de l'enfant
|
|
|
|
|
Classe d'âges - 10-14 ans1
|
-0,18824397
|
-0,35340517**
|
-0,25542939
|
-0,0460312
|
-0,0868629
|
-0,0634526
|
Sexe - Garçon1
|
-0,13509387
|
-0,95624001***
|
-0,79903657***
|
-0,0331306
|
-0,2315907
|
-0,195634
|
Scolarisation récente - Non scolarisé
|
-0,12565074
|
0,70421997***
|
0,30890262*
|
-0,0308923
|
0,1719858
|
0,0769266
|
Environnement familial
|
|
|
|
|
Effectif 0 - 5 ans
|
-0,02273907
|
0,14831973***
|
-0,07387148
|
-0,0055843
|
0,0362531
|
-0,0184245
|
Effectif 6 - 14 ans
|
0,02581281
|
-0,14636611***
|
0,10327786*
|
0,0063391
|
-0,0357756
|
0,0257588
|
Effectif 15 - 17 ans
|
-0,40011104***
|
-0,051044
|
0,40413464***
|
-0,0982597
|
-0,0124764
|
0,1007962
|
Effectif 18 - 54 ans
|
-0,04018604
|
-0,03932978
|
-0,01619053
|
-0,0098689
|
-0,0096132
|
-0,0040381
|
Effectif 55 ans et plus
|
-0,01043661
|
-0,11265297
|
-0,24638496**
|
-0,002563
|
-0,0275352
|
-0,0614515
|
Enfants vivant seulement avec son père1
|
-0,25108067
|
-0,10196381
|
0,95441021**
|
-0,0623125
|
-0,0247432
|
0,218497
|
Enfants vivant seulement avec sa mère1
|
-0,08057885
|
-0,17297256
|
-0,36643886
|
-0,0198636
|
-0,0418179
|
-0,0912262
|
Enfants ne vivant ni avec le père ni avec la
mère1
|
-0,576598**
|
-0,08768108
|
0,20637306
|
-0,1430802
|
-0,0213456
|
0,0511483
|
Niveau de pauvreté (privation)
|
-0,14616304
|
0,33316953**
|
-0,28700239
|
-0,0358949
|
0,081435
|
-0,071582
|
Caractéristiques du chef de
ménage
|
|
|
|
|
Agriculture1
|
-0,81762104**
|
0,12261946
|
-1,1022522**
|
-0,1841683
|
0,0297162
|
-0,2470048
|
Salarié1
|
|
-1,1428165***
|
-0,85535977
|
|
-0,239483
|
-0,2056146
|
Profession libérale1
|
-0,45229023**
|
-0,3139835**
|
-0,18669654
|
-0,1118646
|
-0,0754177
|
-0,0466287
|
Autres emplois 1
|
-0,11756887
|
0,07709319
|
-0,02755786
|
-0,029045
|
0,0189317
|
-0,0068766
|
Chômeur/Inactifs1
|
-0,55563929**
|
0,03204253
|
0,22936953
|
-0,1378341
|
0,0078439
|
0,0568759
|
Caractéristiques
géographiques
|
|
|
|
|
|
Strate (1) 1
|
0,66893935***
|
0,02056403
|
0,15812312
|
0,1629442
|
0,0050307
|
0,0394201
|
Strate (2) 1
|
0,57005308**
|
-0,78341276***
|
0,43107317*
|
0,1370612
|
-0,1833238
|
0,1065558
|
Constante
|
1,2664058**
|
1,2961146***
|
0,78485283
|
|
|
|
Eléments de qualité du
modèle
|
Significativité2
|
LR Chi2 Nombre
d'obs.
|
AIC BIC % de bon
classement
|
Sensitivité
Spécificité
|
Aire sous la courbe ROC
|
Burkina Faso
|
49,19 (0,000)
|
50,85 (0,000) 692
|
935,245 1021,497 63%
|
71% 52%
|
0,65
|
Côte d'Ivoire
|
168,43 (0,000)
|
215,565 (0,000) 1378
|
1712,719 1817,286 69%
|
56% 79%
|
0,73
|
Mali
|
63,50 (0,000)
|
71,685 (0,000) 702
|
940,3766 1031,455 63%
|
66% 60%
|
0,68
|
|
Indications : *** Significatif à 1% ; ** Significatif
à 5% ; * Significatif à 10%. (1) : variables binaires ; (2) : au
sens de Wald. Source : TULANE-ENSEA, 2009, Enquêtes sur les
conditions de vie et de migration des enfants, estimation sous Stata
Influence des caractéristiques de
l'enfant
L'effet de l'âge : au Burkina Faso et au Mali,
la classe d'ages d'appartenance n'est pas un facteur déterminant de la
probabilité de participation à la force du travail chez les
enfants. Toutefois, elle l'est dans le cas de la Côte d'Ivoire. Dans ce
dernier pays, la propension des enfants à faire partie de la
main-d'oeuvre croît avec l'age, toute chose étant égale par
ailleurs. Ceci peut être expliqué par la nature bien souvent
physique du travail, notamment dans le secteur agricole, qui implique que
l'enfant, au fur et à mesure qu'il prend de l'age, soit d'avantage
sollicité. Ainsi, il apparait que dans ce dernier pays que les enfants
âgés de 10 à 14 ans ont moins de chance de travailler que
ceux appartenant à la classe des 15-17 ans. En effet, la
probabilité qu'un enfant de 10 à 14 ans effectue un travail est
de 8,7% inférieure à celle des enfants de plus de 14 ans.
L'effet du sexe : Contrairement au Burkina Faso
où il n'est pas significatif, le sexe semble jouer un rôle
important dans la détermination de la probabilité pour un enfant
d'être actif en Côte d'Ivoire et au Mali. Dans ces deux pays, la
propension de participation des garçons à la force de travail est
significativement moins importante que celle des filles. Ceci peut être
expliqué par la préférence des parents pour une
scolarisation des garçons, les filles se retrouvant majoritairement dans
les activités agricoles et surtout domestiques. Aussi, un garçon
a 23,2% (respectivement 19,6%) de chance de moins qu'une fille de travailler,
toute chose étant égale par ailleurs, dans ces deux pays
respectifs (Côte d'Ivoire et Mali).
L'effet du statut de scolarisation : le fait que
l'enfant ait été récemment scolarisé ou pas n'est
pas déterminant au Burkina Faso, mais l'est au Mali et surtout en
Côte d'Ivoire. Dans ce dernier pays, un enfant non scolarisé a
17,2% de chance de plus d'effectuer une activité qu'un enfant
scolarisé. Au Mali, ce différentiel de chance se réduit
à 7,7%. L'école peut ainsi jouer un rôle dans la lutte
contre certaines formes de travail des enfants.
Influence des caractéristiques des
ménages et du chef de ménage
L'effet de la structure du ménage : la
structure ou la composition du ménage influence la propension à
travailler dans les trois (03) pays faisant l'objet de l'étude, mais
à des niveaux différents. L'attitude des parents en
matière d'implication des enfants dans la force de travail est donc
corrélée à la structure par âge du ménage.
Ainsi, le nombre d'enfants en bas âge (de 0 à 5 ans) évolue
positivement avec la propension de travail des enfants en Côte d'Ivoire
alors qu'il n'est pas significatif dans les deux (02) autres pays. De plus, en
Côte d'Ivoire et au Mali, l'augmentation du nombre d'enfants d'ages
scolarisables (de 6 à 14 ans) se répercute de façon
contradictoire sur la propension des enfants à travailler alors qu'elle
est sans influence
significative au Burkina Faso. En fait, cette augmentation
(d'une unité) entraine une baisse de 3,6% (respectivement une hausse de
2,6%) de la propension à travailler d'un enfant en Côte d'Ivoire
(respectivement au Mali). Quant au nombre d'enfants âgés entre 15
et 17 ans, il est significatif au Burkina Faso et au Mali et sa variation d'une
unité entraine également des effets inverses : une diminution de
9,8% de la propension à travailler au Burkina Faso alors qu'au Mali,
c'est une augmentation de 10,1% de cette même propension qui en
résulte. Par ailleurs, le nombre de personnes en age de travailler
n'influence pas significativement la propension à travailler des
enfants. Ceci peut être expliqué par une attitude non altruiste
des parents qui privilégieraient la maximisation de l'utilité
à court terme qu'ils peuvent tirer des enfants en les faisant
travailler. Enfin, le nombre de personnes en âges avancés peut
également influer sur la propension des enfants à travailler. En
effet, c'est le cas au Mali où une augmentation unitaire de ce nombre
diminue la propension des enfants à travailler de 6,1 points. Une
explication possible serait que les personnes âgées, du fait de
leur expérience, inciteraient les parents directs de l'enfant à
orienter ce dernier vers l'école plutôt que vers une occupation
immédiate qui lui serait, à long terme préjudiciable,
puisque revenant à le condamner l'enfant à un travail dont les
gains seraient à termes, insuffisants pour le bien être de toute
la famille.
L'effet du statut de présence des parents :
Au Mali, un enfant vivant seulement avec son père a plus de chance
(21,8% de plus) de travailler qu'un enfant vivant avec ses deux (02) parents.
Au Burkina Faso, un enfant qui ne vit ni avec son père, ni avec sa
mère, a 14,3% de chance de moins, de travailler comparativement à
un enfant vivant avec ses deux (02) parents. Le fait de vivre avec un des deux
parents (ou méme avec les deux) n'épargne donc en rien, l'enfant,
quant à ses chances de travailler. Ce résultat renforce le
constat fait à propos de la non significativité de la variable
"lien de parenté de l'enfant". Il montre aussi que le fait de lier
travail des enfants et migration ou mobilité de ceux-ci, serait
extrêmement réducteur de ce phénomène qui parait
bien plus généralisé dans les sociétés
étudiées.
L'effet du niveau de pauvreté du
ménage : le lien entre pauvreté et prévalence du
travail des enfants semble contredit dans les cas du Burkina Faso et du Mali.
Dans ces deux (02) pays, il existe une relation négative entre le niveau
de privation et la propension de l'enfant à travailler. Toutefois, les
coefficients relatifs à cette variable ne sont pas significatifs pour
ces deux pays. En revanche, le lien est significatif pour le cas de la
Côte d'Ivoire et va dans le sens de l'axiome de luxe puisque la
probabilité de travail des enfants augmente à mesure que le
niveau de privation de leur ménage d'appartenance s'élève.
En effet, l'augmentation de l'indice multidimensionnel de pauvreté d'un
(1) point de pourcentage, se traduit par la hausse
de la propension des enfants à travailler de 8,1%. Ce
résultat semble confirmer en Côte d'Ivoire, l'hypothèse
traditionnelle selon laquelle la pauvreté des ménages serait une
cause majeure du travail des enfants (Basu & Van, 1998).
L'influence de la source principale de revenu du chef de
ménage : Au Burkina Faso et au Mali, le fait pour un enfant
d'être dans un ménage dont le chef tire la principale source de
revenus de l'agriculture diminue ses chances de travailler de 18,4% (Burkina)
et de 24,7% (Mali). Ce résultat pourrait montrer que contrairement
à certaines idées reçues, le secteur agricole n'est pas le
seul "domaine réservé" du travail des enfants. En Côte
d'Ivoire, le fait pour un enfant de vivre dans un ménage dont le chef
tire le revenu principal d'un travail salarié, diminue ses chances de
travailler de 23,9%. Cette diminution relative de la propension à
travailler des enfants prévaut également pour ceux dont le chef
de ménage exerce une profession libérale, au Burkina Faso et en
Côte d'Ivoire. Enfin, pour le seul cas du Burkina Faso, il faut souligner
que le fait pour un enfant, d'être dans un ménage dont le chef est
inactif diminue ses chances de travailler de 13,8%. Ce résultat qui
semble étonnant, à première vue, pourrait aisément
s'expliquer : il se pourrait, en effet, que le parent qui se retrouve au
chômage, et donc qui ne travaille pas, aura moralement du mal, à
imposer à son enfant de travailler alors que ce devait être
l'inverse (c'est lui qui devrait travailler).
Influence des caractéristiques
géographiques
Le facteur géographique est saisi à travers les
strates constituées pour les besoins de l'enquête. Ces strates
n'ont pas été constituées sur des critères
analogues 54 , mais leur prise en considération permet de
mieux expliquer le phénomène du travail des enfants. Ceci est
dû au fait que les critères de discrimination (intensité
d'émigration des enfants et de culture cacaoyère) retenus pour la
construction de ces strates, permettent de procéder à une
classification qui est intimement liée au degré de
prévalence du travail des enfants. Contrairement au Mali où ce
facteur géo localisateur n'est pas très déterminant, le
Burkina enregistre une hausse relative de la propension à travailler des
enfants des zones de faible (16,3% de chance de plus) et de moyenne (13,7% de
chance de plus) intensité d'émigration vers la Côte
d'Ivoire et le Ghana, relativement aux enfants habitant des zones de forte
émigration. Cela pourrait être expliqué par le faible exode
des enfants, ce qui rendrait ainsi beaucoup plus disponible leur force de
travail. Par ailleurs, le fait que les enfants vivent habituellement dans leur
ménage d'origine augmente les charges du ménage et augmente, par
conséquent, leur propension à travailler afin de contribuer aux
besoins grandissants du
54 Se référer à la
spécification du modèle (quatrième groupe de variables
explicatives).
ménage. En Côte d'Ivoire, l'analyse fait
ressortir que les enfants habitant les zones de faible ou moyenne production
cacaoyère, ont moins de chance de travailler (18,3% de chance de moins)
que les enfants issus des zones de forte production cacaoyère. Aussi, le
protocole Harkin & Engel trouve tout son sens puisque l'on voit, de ce
fait, que le fait pour un enfant issu d'un ménage agricole, d'être
implanté dans une zone de production cacaoyère, augmente
relativement sa probabilité d'exposition au travail non léger.
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