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Etude comparative des conditions de travail des enfants issus des ménages agricoles au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire et au Mali

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par Kodzovi Senu ABALO
Ecole nationale supérieure de statistiques et d'économie d' Abidjan - Ingénieur statisticien 2011
  

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Chapitre IV : Analyse de l'influence des caractéristiques de l'enfant et du ménage sur la propension de travail de l'enfant

L'objet de ce chapitre est de déterminer les facteurs explicatifs du travail des enfants. Les estimations économétriques permettront de rechercher les déterminants du travail « non léger », mais aussi les probabilités de choix de participation des enfants aux différentes activités. Par ailleurs, les facteurs explicatifs des pires formes de travail des enfants seront identifiés. Une hypothèse de travail sera, en outre, retenue afin de se conformer aux objectifs tels que définis par l'étude : «seront considérés comme enfants travailleurs, les enfants ayant effectivement été actifs, en moyenne, pendant au moins quatorze (14) heures par semaine»42.

IV.1 Les déterminants de la participation des enfants au travail

Il est à noter que si les analyses faites précédemment visaient à faire l'état des lieux du phénomène du travail des enfants en n'occultant aucun aspect, cette partie de l'étude vise surtout à trouver les facteurs explicatifs du phénomène du travail non léger, beaucoup plus sujet à débats43.

L'objectif est d'apprécier le poids des indicateurs du travail des enfants, notamment le rôle joué par la pauvreté des ménages où le niveau d'instruction des parents. Aussi, il s'agira de savoir si la pauvreté des ménages, mesurée en termes de privations (pauvreté multidimensionnelle) est, comme le sous-tendent Basu et Van, la principale variable discriminante dans la mise au travail des enfants.

Le raisonnement ceteris permettra non seulement d'observer l'effet simultané d'un ensemble de variables explicatives du travail des enfants, mais aussi de hiérarchiser les influences propres de chacune d'elles.

IV.1.1 Choix et spécification des modèles

Les modèles explicatifs du travail des enfants de la présente étude seront inspirés des travaux
de Diallo & Koné (2001) et Dumas (2005)44. Les facteurs expliquant le travail des enfants
seront de ce fait, estimés suivant un modèle explicatif de régression, à variable dépendante

42 Le critère des quatorze (14) heures hebdomadaire (Cf. convention 138, OIT) se devait d'être généralisé aux trois (03) secteurs afin de ne prendre en compte que le travail dit "non léger".

43 Ce type de travail, quelle que soit son intensité ou sa conformité, peut influer négativement sur la scolarisation de l'enfant.

44 Avec quelques nouveaux éléments dont les plus importants sont le statut de scolarisation de l'enfant, la perception de sa scolarisation par l'enfant du point de vue des gains futurs escomptés, le statut de présence des parents et le mode de décision sur les finances du ménage.

dichotomique (construite à cet effet) et indiquant si l'enfant a été actif ou pas lors des douze (12) mois ayant précédé l'enquête.

La participation des enfants au marché du travail sera, a priori, supposée soumise à une série de variables exogènes : les caractéristiques propres à l'enfant, celles du chef de ménage et enfin, le contexte familial. L'idée première est qu'un enfant est amené à travailler compte tenue de certaines réalités sociologiques et économiques que son environnement sociofamilial lui fait subir. La présente étude privilégiera, par ailleurs, les critères de pouvoir explicatif dans la construction des modèles. Le modèle qui sera retenu pour chaque pays sera donc optimal en termes d'explication du phénomène dans ledit pays. Les variables pouvant être retenues sont rassemblées en quatre (04) groupes :

· Groupe (1) : Il comprend la classe d'ages45, le sexe, la nationalité, le lieu de naissance, le statut de scolarisation de l'enfant et sa perception de l'école (du point de vue des gains futurs escomptés par le fait qu'il soit scolarisé : externalités futures).

· Groupe (2) : Il se compose des variables décrivant l'environnement familial de l'enfant. Il regroupe le nombre d'enfants en bas age dans le ménage (enfants âgés de 5 ans ou moins), le nombre d'enfants de 6 à 14 ans (enfants d'ages scolaires), le nombre d'enfants âgés entre 15 et 17 ans, le nombre d'individus dont l'age est compris entre 18 à 54 ans (personnes en âges de travailler) et le nombre de personnes âgées d'au moins 55 ans46. Il intègre également le niveau de pauvreté du ménage (indice normalisé compris entre 0 et 1 et indiquant le degré de privation) de même que le statut de présence des parents et le mode de prise de décision dans le ménage concernant les questions financières (celui, celle ou ceux qui prennent les décisions financières au sein du ménage).

· Groupe (3) : Il rassemble un ensemble de variables relatives aux caractéristiques du chef de ménage. Il s'agit du sexe du chef de ménage, de son niveau d'instruction47 et de son statut d'occupation.

45 Le carré de l'âge divisé par 100 a été écarté du fait des problèmes de colinéarité qu'il introduit dans les trois (03) modèle respectifs. Par ailleurs, les classes d'âge ont été préféré à l'âge afin de faire ressortir d'éventuelles spécificités telles qu'apparues dans les chapitres descriptifs.

46Les variables relatives au nombre d'enfants dans le ménage sont fondées sur les implications des modèles stratégiques, notamment sur l'effet d'entraînement ("trickle down effect").par lequel les comportements d'une personne sont fortement influencés par la composition de sa cellule familiale. La variable taille du ménage (nombre de personnes vivant dans le foyer) a été délaissée du fait de multi colinéarité.

47 Les variables liées au capital humain ont un potentiel explicatif a priori considérable dans la mise au travail des enfants (Koné & Diallo, 2001).


· Groupe (4) : Il fait référence à une variable de type géographique et repose ainsi sur les strates formées. Ces dernières ont été constituées sur la base de l'intensité du phénomène d'émigration vers le Ghana et la Côte d'Ivoire (cas du Burkina Faso et du Mali), et sur l'intensité de la production cacaoyère (en Côte d'Ivoire).

Il faut noter que certaines variables catégorielles ont été recodées afin de réduire le nombre de modalités et surtout d'aider à appréhender l'impact des caractéristiques individuelles. C'est le cas notamment des variables reflétant le niveau d'instruction du chef de ménage de méme que son statut d'occupation.

Par ailleurs, d'autres variables catégorielles ont été désagrégées : chacune de leur modalité a été transformée en variables indicatrices. Ce faisant, pour chacune de ces variables, une modalité (dite de référence) sera mise de côté et n'entrera donc pas dans l'estimation du modèle. Aussi, les interprétations qui suivront seront généralement faites par rapport à cette modalité non prise en compte.

S'agissant de la formalisation, le travail des enfants sera expliqué par une modèle de choix discret où les enfants (ou leurs parents) choisissent de travailler (de les faire travailler) ou pas. En considérant Y la variable endogène indiquant si l'enfant travaille ou non, la représentation pour chacun des trois (03) pays aura la forme suivante :

( ) Y~ v ;

L'objet est d'expliquer [Y ] par un ensemble de variables ou facteurs relatifs à l'enfant et à son environnement. Pour ce faire, l'approche par la méthode des variables latentes sera privilégiée (Rakotomalala, 2009).

Aussi, chaque variable d'intérêt Y (observable) dépend d'une variable Y non observable (variable latente), directement liées a priori, aux variables précitées. La nouvelle spécification obtenue est :

(S ) Y { s Y avec Y

où est un vecteur dont les paramètres, inconnus, seront estimés par la suite.

est le terme d'erreur englobant d'éventuelles erreurs de mesure, d'échantillonnages et de spécification.

Ces erreurs sont supposées respectivement identiquement distribuées, suivant une loi logistique (pour les trois pays)48.

Les sont les vecteurs contenant les variables explicatives du travail des enfants.

Le lien existant entre Y et est ainsi donné par : (Y~ | ~) ( ~), étant la

fonction de répartition d'une loi logistique. L'estimation se fera suivant la procédure MLE de maximisation de la fonction de vraisemblance.

IV.1.2 Interprétation et discussion des résultats de l'estimation du modèle

Dans les trois (03) pays faisant l'objet de l'étude, le travail des enfants ne dépend pas de la nationalité de ceux-ci, ni de leur lieu de naissance49 ou même du lien de parenté de ceux-ci avec le chef de ménage. Ceci peut se comprendre dans la mesure où dans ces trois (03) pays, c'est plus de 90% des enfants enquêtés qui sont issus de (en terme de nationalité) (ou nés dans) leur pays respectifs. L'absence de significativité du lien de parenté montre que l'argument selon lequel la participation aux activités socioéconomiques des ménages constitue l'une des principaux motifs de la mobilité des enfants ne tient pas dans le contexte des ménages étudiés. En effet, le fait d'être un enfant biologique du chef de ménage, ou alors, d'être un enfant "confié" ou apparenté à ce dernier ne modifie en rien la propension de l'enfant à participer à la main d'oeuvre. De plus, la perception que les enfants ont de l'utilité de l'école ne semble pas agir significativement sur leur propension à travailler ou non. Ceci peut s'expliquer par le fait que la décision de travailler et / ou d'aller à l'école ne leur revient pas, en général, mais appartient à leurs parents qui peuvent avoir d'autres préoccupations (comme des gains financiers à court terme). En plus, la concurrence ne semble pas de mise entre les décisions de travail et de scolarisation puisque les enfants associent souvent sans grande difficulté, ces deux occupations. Par ailleurs, la taille des ménages est peu significative (même à 10%) dans l'explication du phénomène, contrairement à la structure de ceux-ci qui parait plus indiquée pour comprendre ce qui peut emmener un enfant dans une famille ou dans un ménage, à s'adonner à une activité. Cela confirme l'effet d'entraînement ("trickle down effect") postulé par les modèles stratégiques, et qui sont ainsi le fait de la composition des ménages. D'autre part, le mode de décision financière au sein des ménages étudiés ne joue

48 Le choix de la forme de distribution adaptée aux données disponibles a été édicté par le test de Hausman au seuil de 5%. Pour le Burkina Faso et le Mali, la différence entre le logit et le probit n'est pas significative. Le choix s'est donc porté sur le logit du fait de ses facilités d'interprétation. Quant au cas de la Côte d'Ivoire, le test révèle une différence significative entre les deux (02) modèles. Une analyse comparative du point de vue des critères d'information a permis de choisir, a posteriori, le modèle logit.

49 Ces deux variables font décroitre le pouvoir explicatif des modèles construits (résultats Tableau 23).

aucun rôle sur la propension des enfants à travailler. Cela peut s'expliquer par le fait que, quand bien même la personne prenant ces types de décisions peut différer d'un ménage à l'autre, la motivation qui l'anime est souvent la même : maximiser le revenu du ménage. De plus, il apparait que le sexe du chef de ménage de même que son niveau d'instruction ne sont pas déterminants dans l'explication du phénomène du travail des enfants. Cela peut se comprendre en se référant aux chapitres descriptifs50 qui ont montré que le lien entre niveau d'instruction des parents et la prévalence du travail des enfants était loin d'être manifeste. Par ailleurs, la forte représentation des hommes dans la sous population des chefs de ménage permet de comprendre pourquoi le sexe du chef de ménage ne joue pas un rôle majeur.

Les variables retenues a postériori dans le modèle explicatif du travail des enfants ont été celles remplissant certaines conditions : elles sont significatives au seuil général de 95%51, mais en plus, elles permettent d'améliorer la significativité globale du modèle et concourent, dans le même temps, à optimiser la qualité du modèle52. Dans les trois (03) pays étudiés, ces variables sont relatives à l'age de l'enfant, à son sexe et à son statut de scolarisation, à la structure et au niveau de pauvreté de son ménage d'appartenance de même qu'au statut de présence de ses parents53, au statut d'occupation du chef de ménage et à sa localisation géographique (Tableau 23). Même si ces variables permettent d'expliquer de façon générale le phénomène du travail des enfants dans les trois (03) pays, il faut signaler que des spécificités demeurent d'un pays à l'autre. Au Burkina Faso, la structure du ménage, le statut de présence des parents, le statut d'occupation du chef de ménage et les caractéristiques d'ordres géographiques influencent la probabilité de travail des enfants. Au Mali, le sexe de l'enfant serait un facteur déterminant. De plus, la structure des ménages, le statut de présence des parents, mais aussi, et à la différence du Burkina Faso, le statut de scolarisation. S'agissant du cas de la Côte d'Ivoire, il se remarque que les facteurs influents sont bien plus nombreux. En effet, hormis l'ensemble des facteurs précités pour le Burkina Faso et le Mali, il faudrait ajouter le facteur âge et le niveau de pauvreté.

Dans une perspective plus généralisée, il faut noter que les enfants burkinabés sont ceux qui ont plus de chance de travailler ou d'être actifs (probabilité marginale prédite égale à 0,57). Ils sont suivis des enfants maliens (0,52), les enfants ivoiriens étant ceux qui ont relativement moins de chance de travailler, avec tout de même une probabilité de 0,43.

50 Notamment le Chapitre II.

51 Ou encore, à 90% pour les cas les plus extrêmes.

52 Du point de vue des critères d'adéquation du modèle aux données, du test de Hosmer & Lemeshow et du linktest de Prégibon.

53 Cette variable traduit la présence du père et / ou de la mère.

Tableau 23 : Estimations logistiques des modèles explicatifs du travail des enfants au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire et au Mali

Variable dépendante :

Probabilité pour un enfant d'être actif

 

Coefficients

 

Effets Marginaux

 
 

Côte d'Ivoire

Mali

Burkina

Côte d'Ivoire

Mali

Caractéristiques de l'enfant

 
 
 
 

Classe d'âges - 10-14 ans1

-0,18824397

-0,35340517**

-0,25542939

-0,0460312

-0,0868629

-0,0634526

Sexe - Garçon1

-0,13509387

-0,95624001***

-0,79903657***

-0,0331306

-0,2315907

-0,195634

Scolarisation récente - Non scolarisé

-0,12565074

0,70421997***

0,30890262*

-0,0308923

0,1719858

0,0769266

Environnement familial

 
 
 
 

Effectif 0 - 5 ans

-0,02273907

0,14831973***

-0,07387148

-0,0055843

0,0362531

-0,0184245

Effectif 6 - 14 ans

0,02581281

-0,14636611***

0,10327786*

0,0063391

-0,0357756

0,0257588

Effectif 15 - 17 ans

-0,40011104***

-0,051044

0,40413464***

-0,0982597

-0,0124764

0,1007962

Effectif 18 - 54 ans

-0,04018604

-0,03932978

-0,01619053

-0,0098689

-0,0096132

-0,0040381

Effectif 55 ans et plus

-0,01043661

-0,11265297

-0,24638496**

-0,002563

-0,0275352

-0,0614515

Enfants vivant seulement avec son père1

-0,25108067

-0,10196381

0,95441021**

-0,0623125

-0,0247432

0,218497

Enfants vivant seulement avec sa mère1

-0,08057885

-0,17297256

-0,36643886

-0,0198636

-0,0418179

-0,0912262

Enfants ne vivant ni avec le père ni avec la mère1

-0,576598**

-0,08768108

0,20637306

-0,1430802

-0,0213456

0,0511483

Niveau de pauvreté (privation)

-0,14616304

0,33316953**

-0,28700239

-0,0358949

0,081435

-0,071582

Caractéristiques du chef de ménage

 
 
 
 

Agriculture1

-0,81762104**

0,12261946

-1,1022522**

-0,1841683

0,0297162

-0,2470048

Salarié1

 

-1,1428165***

-0,85535977

 

-0,239483

-0,2056146

Profession libérale1

-0,45229023**

-0,3139835**

-0,18669654

-0,1118646

-0,0754177

-0,0466287

Autres emplois 1

-0,11756887

0,07709319

-0,02755786

-0,029045

0,0189317

-0,0068766

Chômeur/Inactifs1

-0,55563929**

0,03204253

0,22936953

-0,1378341

0,0078439

0,0568759

Caractéristiques géographiques

 
 
 
 
 

Strate (1) 1

0,66893935***

0,02056403

0,15812312

0,1629442

0,0050307

0,0394201

Strate (2) 1

0,57005308**

-0,78341276***

0,43107317*

0,1370612

-0,1833238

0,1065558

Constante

1,2664058**

1,2961146***

0,78485283

 
 
 

Eléments de qualité du modèle

Significativité2

LR Chi2 Nombre

d'obs.

AIC BIC % de bon

classement

Sensitivité Spécificité

Aire sous la
courbe ROC

Burkina Faso

49,19 (0,000)

50,85 (0,000) 692

935,245 1021,497 63%

71% 52%

0,65

Côte d'Ivoire

168,43 (0,000)

215,565 (0,000) 1378

1712,719 1817,286 69%

56% 79%

0,73

Mali

63,50 (0,000)

71,685 (0,000) 702

940,3766 1031,455 63%

66% 60%

0,68

 

Indications : *** Significatif à 1% ; ** Significatif à 5% ; * Significatif à 10%. (1) : variables binaires ; (2) : au sens de Wald.
Source : TULANE-ENSEA, 2009, Enquêtes sur les conditions de vie et de migration des enfants, estimation sous Stata

Influence des caractéristiques de l'enfant

L'effet de l'âge : au Burkina Faso et au Mali, la classe d'ages d'appartenance n'est pas un facteur déterminant de la probabilité de participation à la force du travail chez les enfants. Toutefois, elle l'est dans le cas de la Côte d'Ivoire. Dans ce dernier pays, la propension des enfants à faire partie de la main-d'oeuvre croît avec l'age, toute chose étant égale par ailleurs. Ceci peut être expliqué par la nature bien souvent physique du travail, notamment dans le secteur agricole, qui implique que l'enfant, au fur et à mesure qu'il prend de l'age, soit d'avantage sollicité. Ainsi, il apparait que dans ce dernier pays que les enfants âgés de 10 à 14 ans ont moins de chance de travailler que ceux appartenant à la classe des 15-17 ans. En effet, la probabilité qu'un enfant de 10 à 14 ans effectue un travail est de 8,7% inférieure à celle des enfants de plus de 14 ans.

L'effet du sexe : Contrairement au Burkina Faso où il n'est pas significatif, le sexe semble jouer un rôle important dans la détermination de la probabilité pour un enfant d'être actif en Côte d'Ivoire et au Mali. Dans ces deux pays, la propension de participation des garçons à la force de travail est significativement moins importante que celle des filles. Ceci peut être expliqué par la préférence des parents pour une scolarisation des garçons, les filles se retrouvant majoritairement dans les activités agricoles et surtout domestiques. Aussi, un garçon a 23,2% (respectivement 19,6%) de chance de moins qu'une fille de travailler, toute chose étant égale par ailleurs, dans ces deux pays respectifs (Côte d'Ivoire et Mali).

L'effet du statut de scolarisation : le fait que l'enfant ait été récemment scolarisé ou pas n'est pas déterminant au Burkina Faso, mais l'est au Mali et surtout en Côte d'Ivoire. Dans ce dernier pays, un enfant non scolarisé a 17,2% de chance de plus d'effectuer une activité qu'un enfant scolarisé. Au Mali, ce différentiel de chance se réduit à 7,7%. L'école peut ainsi jouer un rôle dans la lutte contre certaines formes de travail des enfants.

Influence des caractéristiques des ménages et du chef de ménage

L'effet de la structure du ménage : la structure ou la composition du ménage influence la propension à travailler dans les trois (03) pays faisant l'objet de l'étude, mais à des niveaux différents. L'attitude des parents en matière d'implication des enfants dans la force de travail est donc corrélée à la structure par âge du ménage. Ainsi, le nombre d'enfants en bas âge (de 0 à 5 ans) évolue positivement avec la propension de travail des enfants en Côte d'Ivoire alors qu'il n'est pas significatif dans les deux (02) autres pays. De plus, en Côte d'Ivoire et au Mali, l'augmentation du nombre d'enfants d'ages scolarisables (de 6 à 14 ans) se répercute de façon contradictoire sur la propension des enfants à travailler alors qu'elle est sans influence

significative au Burkina Faso. En fait, cette augmentation (d'une unité) entraine une baisse de 3,6% (respectivement une hausse de 2,6%) de la propension à travailler d'un enfant en Côte d'Ivoire (respectivement au Mali). Quant au nombre d'enfants âgés entre 15 et 17 ans, il est significatif au Burkina Faso et au Mali et sa variation d'une unité entraine également des effets inverses : une diminution de 9,8% de la propension à travailler au Burkina Faso alors qu'au Mali, c'est une augmentation de 10,1% de cette même propension qui en résulte. Par ailleurs, le nombre de personnes en age de travailler n'influence pas significativement la propension à travailler des enfants. Ceci peut être expliqué par une attitude non altruiste des parents qui privilégieraient la maximisation de l'utilité à court terme qu'ils peuvent tirer des enfants en les faisant travailler. Enfin, le nombre de personnes en âges avancés peut également influer sur la propension des enfants à travailler. En effet, c'est le cas au Mali où une augmentation unitaire de ce nombre diminue la propension des enfants à travailler de 6,1 points. Une explication possible serait que les personnes âgées, du fait de leur expérience, inciteraient les parents directs de l'enfant à orienter ce dernier vers l'école plutôt que vers une occupation immédiate qui lui serait, à long terme préjudiciable, puisque revenant à le condamner l'enfant à un travail dont les gains seraient à termes, insuffisants pour le bien être de toute la famille.

L'effet du statut de présence des parents : Au Mali, un enfant vivant seulement avec son père a plus de chance (21,8% de plus) de travailler qu'un enfant vivant avec ses deux (02) parents. Au Burkina Faso, un enfant qui ne vit ni avec son père, ni avec sa mère, a 14,3% de chance de moins, de travailler comparativement à un enfant vivant avec ses deux (02) parents. Le fait de vivre avec un des deux parents (ou méme avec les deux) n'épargne donc en rien, l'enfant, quant à ses chances de travailler. Ce résultat renforce le constat fait à propos de la non significativité de la variable "lien de parenté de l'enfant". Il montre aussi que le fait de lier travail des enfants et migration ou mobilité de ceux-ci, serait extrêmement réducteur de ce phénomène qui parait bien plus généralisé dans les sociétés étudiées.

L'effet du niveau de pauvreté du ménage : le lien entre pauvreté et prévalence du travail des enfants semble contredit dans les cas du Burkina Faso et du Mali. Dans ces deux (02) pays, il existe une relation négative entre le niveau de privation et la propension de l'enfant à travailler. Toutefois, les coefficients relatifs à cette variable ne sont pas significatifs pour ces deux pays. En revanche, le lien est significatif pour le cas de la Côte d'Ivoire et va dans le sens de l'axiome de luxe puisque la probabilité de travail des enfants augmente à mesure que le niveau de privation de leur ménage d'appartenance s'élève. En effet, l'augmentation de l'indice multidimensionnel de pauvreté d'un (1) point de pourcentage, se traduit par la hausse

de la propension des enfants à travailler de 8,1%. Ce résultat semble confirmer en Côte d'Ivoire, l'hypothèse traditionnelle selon laquelle la pauvreté des ménages serait une cause majeure du travail des enfants (Basu & Van, 1998).

L'influence de la source principale de revenu du chef de ménage : Au Burkina Faso et au Mali, le fait pour un enfant d'être dans un ménage dont le chef tire la principale source de revenus de l'agriculture diminue ses chances de travailler de 18,4% (Burkina) et de 24,7% (Mali). Ce résultat pourrait montrer que contrairement à certaines idées reçues, le secteur agricole n'est pas le seul "domaine réservé" du travail des enfants. En Côte d'Ivoire, le fait pour un enfant de vivre dans un ménage dont le chef tire le revenu principal d'un travail salarié, diminue ses chances de travailler de 23,9%. Cette diminution relative de la propension à travailler des enfants prévaut également pour ceux dont le chef de ménage exerce une profession libérale, au Burkina Faso et en Côte d'Ivoire. Enfin, pour le seul cas du Burkina Faso, il faut souligner que le fait pour un enfant, d'être dans un ménage dont le chef est inactif diminue ses chances de travailler de 13,8%. Ce résultat qui semble étonnant, à première vue, pourrait aisément s'expliquer : il se pourrait, en effet, que le parent qui se retrouve au chômage, et donc qui ne travaille pas, aura moralement du mal, à imposer à son enfant de travailler alors que ce devait être l'inverse (c'est lui qui devrait travailler).

Influence des caractéristiques géographiques

Le facteur géographique est saisi à travers les strates constituées pour les besoins de l'enquête. Ces strates n'ont pas été constituées sur des critères analogues 54 , mais leur prise en considération permet de mieux expliquer le phénomène du travail des enfants. Ceci est dû au fait que les critères de discrimination (intensité d'émigration des enfants et de culture cacaoyère) retenus pour la construction de ces strates, permettent de procéder à une classification qui est intimement liée au degré de prévalence du travail des enfants. Contrairement au Mali où ce facteur géo localisateur n'est pas très déterminant, le Burkina enregistre une hausse relative de la propension à travailler des enfants des zones de faible (16,3% de chance de plus) et de moyenne (13,7% de chance de plus) intensité d'émigration vers la Côte d'Ivoire et le Ghana, relativement aux enfants habitant des zones de forte émigration. Cela pourrait être expliqué par le faible exode des enfants, ce qui rendrait ainsi beaucoup plus disponible leur force de travail. Par ailleurs, le fait que les enfants vivent habituellement dans leur ménage d'origine augmente les charges du ménage et augmente, par conséquent, leur propension à travailler afin de contribuer aux besoins grandissants du

54 Se référer à la spécification du modèle (quatrième groupe de variables explicatives).

ménage. En Côte d'Ivoire, l'analyse fait ressortir que les enfants habitant les zones de faible ou moyenne production cacaoyère, ont moins de chance de travailler (18,3% de chance de moins) que les enfants issus des zones de forte production cacaoyère. Aussi, le protocole Harkin & Engel trouve tout son sens puisque l'on voit, de ce fait, que le fait pour un enfant issu d'un ménage agricole, d'être implanté dans une zone de production cacaoyère, augmente relativement sa probabilité d'exposition au travail non léger.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard