I.2.4 Débats autour d'une définition
opérationnelle de l'"enfant travailleur"
Toute étude portant sur le travail des enfants ne peut
se faire sans une prise de position préalable sur une définition
de la notion de l'"enfant travailleur". Cet impératif de choix de
définition est souvent lié d'une part, à la
multiplicité de méme qu'à la complexité des normes
nationales et internationales régissant le travail des enfants, et
d'autre part, à la disponibilité ou à la qualité
des données d'étude.
a. Des contraintes d'ordres normatifs
Les 138e20 et 182e21 conventions de
l'OIT fixent les limites des formes de travail qui sont inacceptables. Cette
étude distinguera dans le méme ordre d'idées, le travail
acceptable du travail inacceptable.
Le Travail acceptable (conforme aux
normes de l'OIT) est désigné par l'Unicef par le concept du
"Child Work". Sera considéré comme travail acceptable, tout
travail qui respecte les limites légales, qui ne perturbe pas la
santé ou le développement de l'enfant, qui ne nuit pas à
sa scolarité ou ne l'empêche pas de bénéficier d'une
formation. Ce type de travail peut constituer une expérience positive et
est autorisé à partir de l'âge de 12 ans en vertu de la
Convention n°138 de l'OIT.
Le Travail inacceptable (non-conforme
aux normes de l'OIT) est quant à lui, désigné par
la notion de "Child Labour" par l'Unicef. Il regroupe les types de travail
non-conformes aux
20 Sur l'âge minimum au travail :
1973.
21 Sur les pires formes de travail des
enfants : en ratifiant cette convention signée en 1999, les Etats
s'engagent à prendre des mesures immédiates pour interdire et
éliminer les pires formes de travail des enfants. Cette convention sert
de cadre d'application au protocole Harkin & Engel.
normes de l'OIT. Il fait référence à tous
les enfants de moins de 12 ans travaillant dans l'une quelconque des branches
de l'économie. De plus, il intègre les enfants âgés
de 12 à 14 ans et travaillant plus de 14 heures par semaine. Enfin, il
compte les enfants se livrant à des activités dangereuses et tous
les enfants confrontés aux pires formes de travail.
L'étude s'intéressera, en outre, aux travaux
dangereux et aux pires formes de travail des enfants. Les critères
essentiels concernant les travaux dangereux seront relatifs à
l'âge minimum et à la pénibilité, mais plus
généralement, aux normes de sécurité telles que
définies par la convention n°190 sur les travaux dangereux. En
général, l'étude se référera à la
liste de ces formes de travail telle que définie par l'OIT de
méme que par les législations nationales des pays
considérés. S'agissant des « pires formes de travail des
enfants », la convention n°182 de l'OIT tiendra lieu de document de
référence.
b. Des contraintes sur la disponibilité des
données
D'abord, les données de l'étude sont relatives
aux enfants dont l'âge est compris entre 10 et 17 ans. Les moins de 10
ans seront donc exclus. Ensuite, s'agissant des travaux dangereux, les
informations disponibles ne se réfèrent pas à des
métiers précis, mais plutôt à l'historique de
l'enfant dans son exposition à certains dangers. A priori, ceci peut
avoir pour effet de surestimer le nombre d'enfants s'adonnant à des
travaux dangereux. De plus, les données recueillies relativement
à ces formes d'activités ne concernent que les enfants ayant
travaillé (ou travaillant encore) dans le secteur agricole. L'analyse de
ces formes dangereuses de travail sera donc inévitablement partielle.
Par ailleurs, concernant les pires formes de travail des enfants, les
données disponibles sont relatives aux seuls travaux forcés et
obligatoires. En effet, il demeure difficile dans le cadre d'une enquête
généraliste22, de trouver des données fiables
sur certaines de ces pires formes de travail, notamment sur la servitude pour
dettes ou l'exploitation sexuelle. Enfin, à toutes ces contraintes,
s'ajoute les limites d'une définition du travail domestique qui, au sens
de l'OIT, ne permet pas de saisir l'ampleur réelle du
phénomène dans le contexte socioéconomique des pays
faisant l'objet de la présente étude.
c. La mesure du travail domestique : une nouvelle approche
L'OIT définit le travail domestique (de l'enfant) comme
étant celui effectué par un enfant pour le compte d'un employeur.
Cette définition parait assez restrictive, car elle ne tient pas compte
des enfants qui s'adonnent aux travaux domestiques dans leur propre
ménage dans des conditions parfois proches de celles d'un vrai
métier. Pour pallier cette insuffisance, il sera appliqué une des
dispositions de la convention n°138 qui fixe un seuil horaire
22 Comme celle qui sous-tend cette
étude (à la différence d'une enquête
spécialisée).
hebdomadaire légal de 14 h23, au-delà
duquel la notion de travail léger ne doit plus prévaloir. Aussi,
tout enfant qui effectue des activités domestiques chez ses propres
parents, au-delà d'un seuil hebdomadaire de 14 heures sera
considéré comme travailleur. La prise en compte de cette forme de
travail ménager se justifie par des formes déguisées
d'emploi qu'elle cache quelquefois, et qui conduit à une sous-estimation
de l'ampleur réelle du phénomène du travail des
enfants.
En définitive...
Dans cette étude, sera considéré comme
"enfant travailleur", tout enfant de 10 à 17 ans, économiquement
occupé, travaillant aussi bien dans les secteurs formels qu'informels,
ou comme travailleur domestique (si les critères tels que définis
ci-dessus sont vérifiés), qui a eu à effectuer durant au
moins une heure, une activité rémunérée ou non au
cours des 12 derniers mois.
Le choix de la période de référence se
justifie par le fait qu'un enfant, bien que n'ayant pas travaillé la
semaine ayant précédé l'enquête, ou méme
plusieurs semaines d'avant, peut toutefois avoir été travailleur
dans le passé et être juste dans une phase de chômage
conjoncturel, attendant l'occasion de "reprendre du service". Aussi,
l'étude s'intéresse non pas seulement aux enfants qui travaillent
actuellement, mais aussi à ceux qui ont déjà
travaillé dans un passé plus ou moins récent24.
Par ailleurs, une autre variante de cette définition excluant le travail
léger sera pris en compte dans la recherche des déterminants du
phénomène afin d'aboutir à des recommandations
ciblées et opérationnelles25.
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