- Greve et salaire
Pendant la grève, le contrat étant suspendu, les
parties sont dispensées d'exécuter leurs obligations
contractuelles principales. Du côté de l'employeur, et comme effet
du caractère synallagmatique du contrat de travail, l'arrêt de
travail entraine suspension corrélative de l'obligation de payer le
salaire. Cette conséquence n'est pas une sanction qui serait
irrégulière mais un effet de la suspension. La retenue doit
être strictement proportionnelle à la durée de
l'interruption de travail.
Si la grève est irrégulière, les tribunaux
estimaient que la retenue pouvait être égale à la perte
occasionnée, donc être plus que proportionnelle a la durée
de l'interruption du travail. A un travail exécuté de
façon normale correspondait une amputation de la
rémunération. La cour de cassation a du se rendre a
l'évidence : il s'agit d'une sanction, soumise a la
procédure disciplinaire, et d'une sanction pécuniaire
prohibé. Cette pratique n'est plus tolérée dans le secteur
privé. En revanche en matière de service public, le conseil
d'Etat a jugé légale une note de service prévoyant la
rémunération partielle des agents qui, dans le cadre d'un
mouvement de grève, s'écarteraient du programme fixé par
leur hiérarchie. Dans la mesure où elle permet le recours
à des formes de grève n'impliquant pas une interruption totale du
service, cette jurisprudence répond à la recherche par le juge
administratif d'une conciliation du droit de grève avec les exigences de
la continuité et de sécurité du service public. Mais la
contradiction avec la jurisprudence judiciaire est ici manifeste.
La règle est différente pour le non-gréviste
qui a été empêché de travailler. Si l'employeur n'a
pas fait tout ce qui était possible pour lui procurer le travail promis,
le salaire reste dû. C'est la force majeure seule qui libère
l'employeur de son obligation de payer. Sans qu'il y ait véritablement
force majeure l'employeur est dispensé de verser les salaires lorsque le
fonctionnement d'ateliers, sans devenir absolument impossible, devient
difficile et onéreux. La perte du salaire est proportionnelle à
l'interruption de travail et concerne même le salarié payé
au mois (la mensualisation est ici sans effet). Elle s'étend aux
accessoires de salaire, tel un supplément familial ou une prime
d'intéressement. La grève entraine réduction a due
concurrence de la rémunération mensuelle minimale. Mais la
suppression d'un avantage financier décidée dans le but de faire
échec à l'exercice du droit de grève, est illicite et
frappée de nullité.
Cependant dans deux circonstances particulières, le
salaire est intégralement conservé : si un accord de fin de
grève porte que les journées de grève seront
payées, si la grève a été provoquée par un
manquement grave et délibéré de l'employeur a ses
obligations qui lèse directement les droits essentiels des travailleurs,
par exemple leur droit au salaire ou a la sécurité. La
grève apparait elle-même comme l'application de l'exception
d'inexécution et le salaire des journées de grève est
dû au titre de réparation. Il en va de même si un service
minimum a été effectué dans le secteur public.
Si la grève prive le salarié de sa
rémunération, elle ne le prive pas de ses droits d'assuré
social. Il perçoit notamment les allocations familiales. Mais les
périodes de grève ne sont pas assimilées à des
périodes de travail au point de vue de l'ouverture des droits a
prestations. Par ailleurs, le gréviste ne peut percevoir d'allocations
de chômage partiel.
La perte de la rémunération du fait de la
suspension du travail est parfois compensée par l'attribution de secours
aux grévistes, émanant soit de collectes, soit de fonds
syndicaux. L'exigüité des ressources syndicales n'a pas permis de
constituer en France d'importants fonds de grève comme a
l'étranger.
La reprise du travail en violation de la discipline syndicale
entraine-t-elle la restitution des secours verses ? La cour de cassation,
considérant que ces secours impliquaient l'acceptation des directives
syndicales, s'est prononcée pour la restitution, sans tenir compte du
caractère alimentaire de ces subsides. De leur côté, les
comités d'entreprise ne sont autorisés à venir en aide aux
grévistes que sur le fondement d'un secours, dû a l'état de
besoin, non sur celui de la grève elle-même. Les
collectivités locales ne peuvent soutenir une des parties à un
conflit du travail. Mais elles peuvent en revanche prendre des mesures a
l'attention des personnes que le conflit a placé dans le besoin des lors
que l'aide ainsi consentie répond exclusivement a des
préoccupations sociales.
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