GRAND SEMINAIRE SAINT AUGUSTIN DE MAROUA
B. P 323 MAROUA - CAMEROUN
Mémoire de fin de cycle de Théologie
Le sacerdoce du Christ comme sacrement de la miséricorde
divine
Etudiant : TEMGA Joseph
Prof: P. ZOCCARATO Sylvano, Pime
Année académique
2005-2006
DEDICACE
A son Excellence Mgr Antoine NTALOU
Remerciements
Toute ma reconnaissance à tous ceux qui ont
contribué à l'élaboration de ce modeste travailINTRODUCTION GENERALE
De nos jours, la vitesse des mutations concurrence celle de la
lumière. Ce qui était jadis évident ne l'est plus. Un
pareil phénomène n'est point sans incidence sur la vie de
l'Église. La notion de sacerdoce que l'Église cathodique d'alors
employait tranquillement sans besoin d'explication, s'est heurtée
soudain de divers côtés à de fortes objections. Les uns
pensent que parler du sacerdoce dans ce monde aussi sécularisé,
n'a aucun sens. D'autres estiment qu'en parlant de sacerdoce, on
s'écarte de l'Évangile pour s'enfermer dans l'aspect ritualiste
de l'Ancien Testament.
Et, depuis Vatican II, la doctrine du sacerdoce commun de tous
les fidèles a ébranlé la conception courante qui
n'attribuait qu'au clergé le monopole du sacerdoce. Si tous les
fidèles sont prêtres en vertu de leur baptême, à quoi
ça sert l'ordination sacerdotale ? En raison des changements
profonds et rapides des approches théologiques qui affectent la
situation humaine et pastorale des prêtres, leur rôle devient de
plus en plus difficile à définir. De multiples questions au sujet
des prêtres voient le jour et deviennent de jour en jour plus
épineuses. Quel est le contenu du concept de sacerdoce ? Comment
doit-on l'entendre aujourd'hui ? Quelle identité propre faut-il
attribuer au prêtre ? A-t-il encore un rôle social à
jouer ? Autant d'inquiétudes dont la matière la plus
adéquate pour le traiter, pensons-nous, ne se trouvent pas dans
l'actualité, ni même dans la théologie systématique
même si elles sont d'incontournables apports. Nous voulons surtout les
scruter sous l'angle exégétique des Saintes Écritures.
Le contact avec le Nouveau Testament nous révèle
que seule l'épître aux Hébreux aborde de manière
explicite la question du sacerdoce du Christ. Ni Paul, ni les évangiles
et les autres écrits du Nouveau Testament, ne parlent pas du sacerdoce
du Christ et ne trouvent même pas en Jésus, un rapport avec le
prêtre. Ainsi loin d'embrasser toute l'épître si riche et
intéressante, nous nous contenterons de quelques versets cibles qui nous
aideront à mieux cerner la question du sacerdoce du Christ, qui, pour
nous, est la source, le principe ou mieux la clé de compréhension
du ministère sacerdotal dans l'Église.
« Le sacerdoce du Christ comme sacrement de la
miséricorde divine : esquisse d'exégèse de
Hébreux 5,1-10 », tel est le thèse qui meublera
notre réflexion. L'approche globale de l'épître aux
Hébreux constitue la première tentative de déblaiement du
travail. Laquelle tentative passera en revue l'identité de l'auteur, les
destinataires, le message de l'épître et la structure du texte. Le
chapitre deuxième aborde de l'idée même du sacerdoce dans
le Dessein de Dieu. Ici, nous analyserons de manière linéaire ce
que l'auteur nous propose dans les versets1-4 sur les
caractéristiques de tout prêtre et de manière
singulière le sacerdoce d'Aaron. Et ainsi, par Aaron, l'auteur nous
conduit à la figure du Christ comme le seul grand prêtre
miséricordieux : objet du troisième chapitre. Le processus
de sacerdotalisation du Fils régnant éternellement auprès
du Père, s'effectue à partir de sa passion et de sa mort,
assumées dans la prière et la piété, qui
constituent le véritable sacrifice. Sacrifice nouveau où
lui-même est à la fois victime et prêtre, le Christ par sa
résurrection fut prêtre à jamais selon l'ordre du roi
Melchisédech. Désormais, il nous fait participer tous à sa
transformation et ouvre pour nous grandement, et par grâce, la porte du
salut par l'adhésion à lui dans la foi. Il est ainsi non
seulement le Rédempteur mais le seul Médiateur entre Dieu et
l'Homme.
L'Église, sacrement du Christ, communauté de
ceux qui sont adhérés au Christ devient en lui, un peuple
sacerdotal. Sa sacerdotalité est participative et se soumet à un
double aspect : celui de l'offrande personnelle, propre à tout
chrétien et celui de la médiation que revêt le
ministère pastoral. Ce ministère n'est pas à comprendre en
terme de grade mais de service. Le ministre pastoral représente de
manière sacramentelle le Christ dans son rôle médiateur, de
« présence active » du Christ au sein de la
communion. Ainsi la Province Ecclésiastique de Garoua a besoin des
ministres pastoraux qui révèlent le Christ dans tous les domaines
de la vie de tous ceux qui y vivent.
Ce travail se veut une initiation à la recherche
exégétique. Il est certes limité car, on n'a jamais
épuisé ou totalement compris le message
révélé. Ainsi notre travail est loin d'être
exhaustif, il ne dépasse guère les limites de l'initiation.
Néanmoins, ce travail invite tous les hommes à fixer les yeux sur
le Christ, notre unique Prêtre-Médiateur par excellence.
CHAPITRE I :
CONSIDERATIONS PRELIMINAIRES
I.1. L'homme dans
l'aventure religieuse
Dès les temps les plus reculés, l'être
humain s'est toujours rendu compte que sa pleine réalisation
dépendait d'une autre force extérieure et supérieure
à lui. Il a en lui, comme un primat du non-être qui limite le
déploiement plénier de son être, de son intelligence. Il
s'est employé à concilier les forces qui le dépassaient et
intervenaient efficacement dans son existence. Il a découvert qu'en lui,
il y a une force centrifuge qui le porte vers l'autre. Et, c'est dans la
rencontre avec l'autre que sa personne humaine s'éveille et
grandit1(*). Parmi toutes
ses relations interpersonnelles, une est fondamentale. En elle, prend source
toutes les autres : la relation avec Dieu. En effet, créé
à l'image de Dieu, l'être humain est appelé à entrer
en relation avec Dieu et rien n'est plus important pour lui que la
réponse qu'il donne à cette vocation. C'est pourquoi les anciens
sont arrivés à se faire des divinités. Car, " il y a
en l'homme un instinct spirituel qui porte le coeur de l'homme et incline son
intelligence vers Dieu qui seul peut le garder, le défendre
"2(*). Et c'est ainsi
que St Augustin est arrivé à dire : " Tu nous as faits pour
toi Seigneur et notre coeur est sans repos tant qu'il ne repose en toi
"3(*).
Toutefois, l'être humain a été
créé libre et capable de poser des choix responsables. On peut
ainsi enregistrer trois attitudes possibles dans la réponse de l'homme
face à son appel à entrer en relation avec Dieu.
La première complètement négative
consiste au refus de la dimension religieuse de l'existence. Un refus qui
parfois va jusqu'à nier l'existence de Dieu. L'homme vivant cette
situation est comme un errant vagabond qui ne sait où il va et
d'où il vient. Il s'est laissé accaparer et séduire par
les biens sensibles, par les désirs de gloire et de puissance. Ainsi, au
lieu de s'ordonner vers Dieu, il se replie sur lui-même en cherchant
à satisfaire ses intérêts égoïstes. C'est le
cas d'Adam et Ève, trompés au Jardin par le Serpent (cf. Gn 3,
6). La conséquence de ce repliement sont l'éloignement, la peur
de Dieu et la recherche d'un refuge. « Quand ils entendirent les
pas de Yahvé qui se promenait dans le jardin à la brise du jour,
l'homme et sa femme se cachèrent devant Yahvé parmi les arbres du
jardin » (Gn 3, 8). Ils se sentent diminués, "
nus ". Ils ont perdu leur noblesse et la vraie image de Dieu : Dieu
devient terrifiant, vengeur, jaloux et prêt à les châtier
(cf. Gn 3, 8).
La deuxième attitude apparemment positive mais qui en
réalité est un autre genre de refus. Il s'agit de
l'individualisme religieux : on s'ouvre théoriquement à la
relation avec Dieu, mais on prétend la confiner dans les limites de la
vie psychologique individuelle et lui interdire de déborder sur les
autres secteurs de l'existence. La religion devient dès lors une affaire
privée, secrète intimité entre l'âme et Dieu. Comme
la Samaritaine au bord du puits, Dieu est maintenu à l'écart des
autres relations (cf. Jn 4, 20). Il s'agit ici d'un Dieu personnel,
apprivoisé, enfermé dans un carcan. Ce qui trahit
complètement l'authenticité du rapport avec Dieu.
La troisième est la solution qui corresponde
pleinement à la vocation humaine en ouvrant l'existence entière
des hommes à la relation vivifiante avec Dieu. Il s'agit d'une attitude
d'accueil, d'une oblation de soi dans la relation transparente de Dieu. En
elle, se greffe toutes les autres relations interpersonnelles. Et pour garder
la relation authentique avec Dieu, qui est saint, l'homme a besoin d'une
transformation radicale. D'où l'exigence d'une institution sacerdotale
dont le prêtre sera chargé des relations avec Dieu pour le
bénéfice du peuple.
I.1.1. L'idée du
sacerdoce dans l'Ancien Testament
L'Ancien Testament nous révèle que Dieu sans
cesse cherche l'homme afin que celui-ci reconnaisse en Lui, l'unique et ultime
bien pour se réaliser. Cette quête de l'homme doit être
accueillie dans un acte d'adoration, un acte volontaire et libre par lequel la
créature reconnaît totalement, librement et effectivement tous les
droits de Dieu Créateur sur elle4(*). C'est par l'adoration que l'homme éprouve un
vif désir de rencontrer Dieu, de nouer avec lui une relation
personnelle. Elle creuse en lui le désir de connaître Dieu
profondément et le pousse à poser des actes concrets
d'intimité avec Dieu.
Dans l'Ancien Testament, les gestes d'intimité
à Dieu, acte de reconnaissance officielle des droits divins, sont
nombreux. Ève après la naissance de Caïn reconnaît la
suprématie de Dieu : " J'ai acquis un homme par Yahvé
"(Gn4,1). Ainsi de manière graduelle, la Bible nous montre divers actes
d'adoration. Caïn et Abel offrent en sacrifice les fruits de leur travail
(Gn4,1-4) pour connaître les droits absolus de Dieu sur les biens.
Noé, après la sortie de l'arche, construit un autel et offre en
holocauste à Dieu les meilleurs des animaux et des oiseaux de l'arche,
ceux qui sont " purs "(cf. Gn8,20) et " Yahvé respira
l'agréable odeur "(Gn8,21) de ce sacrifice . C'est dire que ces
gestes sont des lieux par excellence de rencontre avec Dieu. Les patriarches
vont perpétuer ces gestes par des constructions d'autels (cf. Gn12, 7s ;
13,9 ; 26, 25...) l'offrande des sacrifices (Gn 22 ; 31,54 ; 46,1...) pour
exprimer à Dieu leur reconnaissance, leurs actions de grâce et
leurs supplications. Et Dieu n'est pas resté insensible à ces
actes concrets d'adoration. Ainsi, les sacrifices sont des moyens efficaces
pour entrer en relation avec Dieu.
Avec Moïse, le sacrifice de la pâque est une
très grande preuve d'intervention de Dieu dans l'histoire humaine. Et
Israël a mieux conscience d'être un peuple élu du milieu des
nations et donc doit vivre de la parole de Dieu. Telle fut l'Alliance conclue
sur le mont Sinaï. Israël a conscience de la sainteté de Dieu
et de sa responsabilité personnelle pour s'approcher de lui. Il sait que
sans Dieu, son avenir devient obscur et jonché ça et là
d'épreuves et de soumission par l'ennemi. C'est ainsi qu'il fut
nécessaire pour Israël de garder la proximité de Dieu. Et
pour cela, la tribu de Lévi, à cause de son zèle
intransigeant pour les affaires religieuses, a été établie
pour les fonctions sacerdotales ( cf. Ex 32,26-29 ) Les lévites
étaient donc séparés du peuple et consacrés pour le
service de Dieu et à garder la proximité de Dieu pour le
bénéfice du peuple. Tel fut dès le départ,
l'objectif du choix d'Aaron pour exercer le sacerdoce même de Dieu (Ex
28,1)
I.1.2. Définition de la
notion de sacerdoce
Le sacerdoce est un terme très discuté dans son
étymologie. Il dérive de deux mots latins " sacer " : "
sacré " et de " do " : " placer,
établir ". Le « sacerdos » a
charge d'accomplir ce qui est sacré en lui donnant des justes bases.
Dans la Septante le terme est traduit par
« ?ßåñåõò »
qui veut dire " sacré ". Il a rapport avec ce qui relève
de Dieu et non des hommes. Le hiereus est celui dont la fonction est
d'accomplir les cérémonies religieuses et particulièrement
le sacrifice considéré comme un service public. La Bible
hébraïque quant à elle, emploie
« koumer » pour designer péjorativement les
prêtres d'idoles (cf.2R23,5). Elle réserve
« kohen » aux prêtres lévites. Dans
ce terme, il y a la racine « khôn » qui
véhicule une idée de solidité et de fermeté
utilisé seulement dans le cas de l'établissement d'un sanctuaire.
Le Kohen désigne celui qui s'incline devant Dieu, qui l'adore, qui se
tient en présence de Dieu ( cf. Dt 10,8). Il peut être
présenté comme « l'homme du sanctuaire, celui qui a le
droit de toucher les objets sacrés et est admis dans la proximité
de Dieu ou comme l'homme chargé d'offrir le sacrifice ou encore comme
celui dont on n'attend des oracles, celui qui donne des
bénédictions, celui qui décide les questions de
pureté rituelle. »5(*) Le Kohen est donc celui qui est chargé de tout
ce qui relève du domaine sacerdotal.
I.2. L'épître
aux Hébreux
I.2.1. Auteur
Après hésitations et doutes, l'auteur de
l'épître aux Hébreux reste toujours inconnu. Il n'est
certes pas Paul même si l'on pense qu'il aurait
bénéficié de la prédication paulinienne. Son style
est beaucoup plus éloquent, soigné et tranquille que celui de
Paul On a souvent pensé à Apollos, qui était un
prédicateur talentueux et cultivé, mais rien dans le texte ne
donne du poids à cet argument.
I.2.2. Destinataires
L'épître ne commence pas par une adresse à
des correspondants comme les lettres de Paul. Elle serait plutôt une
prédication ou mieux un sermon fait de vive voix à des
chrétiens désorientés et menacés de
découragement. Elle ne contient aucune désignation précise
de ses destinataires. L'auteur n'indique ni la région où ils
vivent ni leur appartenance ethnique. Son recours fréquent à
l'Ancien Testament, pour asseoir ses arguments par rapport à la vocation
chrétienne, serait peut-être le mobile du choix du
titre : « épître aux
Hébreux ». Titre qui malheureusement ne trouve aucun fondement
dans le texte comme le remarque
VANHOYE : « l'expression `épître aux
Hébreux' ne devrait plus être comprise comme un titre
significatif, mais comme un nom propre dépourvu de
signification »6(*) .
I.2.3. Contenu
L'originalité de l'épître aux
Hébreux dans tout le Nouveau Testament est l'affirmation du sacerdoce du
Christ comme thème central. L'auteur n'hésite pas à nommer
Jésus grand prêtre et fait même de son sacerdoce le point
capital de tout son enseignement. En effet, partant de l'inefficacité du
sacerdoce aaronique à réaliser véritablement le projet
fondamental du sacerdoce : union parfaite de l'homme à Dieu,
l'auteur interprète le ministère et la mort du Christ comme un
sacrifice pour la nouvelle Alliance. Un sacrifice où le Christ est
lui-même le prêtre et la victime et dont le résultat est le
salut de tout le genre humain. Désormais, il n'y a plus besoin de
sacrifices d'animaux car le sacrifice du Christ est fait une fois pour toutes.
Par sa résurrection, il est devenu le prêtre éternel selon
l'ordre de Melchisédech et fait participer tous les hommes à son
unique sacerdoce à travers l'offrande de leur personne dans la foi,
l'espérance et la charité.
I.2.4. Structure de
l'épître7(*)
-Exorde : interventions de Dieu dans l'histoire (1,
1-4)
1 - La situation du Christ (1,5- 2,8)
2 - Grand prêtre digne de foi et miséricordieux
(3,1- 5,10)
3 - Valeur sans égale du sacerdoce et du sacrifice du
Christ (5,11- 10,39)
4 - Foi et endurance (11,1- 12,13)
5 - Des pistes droites ! (12,14 - 13,19)
- Conclusion et mot d'envoi (13,20-25)
I.3. Situation contextuelle
de He 5, 1-10
I.3.1.Contexte
antécédent
I.3.1.1. Contexte
lointain
Situer contextuellement He 5,1-10 par rapport à
l'ensemble de l'épître a été au coeur des
discussions entre exégètes. C'est ainsi que pour les uns,
l'épître est divisée en deux grandes parties quant
à ce qui concerne l'exposé doctrinal. La première ( 1,1-
4,16) est entièrement consacrée à la parole de Dieu ou
à la Révélation. La seconde (5,1-10,18) parle du
sacerdoce. La péricope He 5,1-10 est une introduction à la
seconde partie, séparée du reste de l'exposé sur le
sacerdoce, elle fait figure d'un « texte-programme ». Pour
ces exégètes, la conception de base de l'épître est
limitée car il donne une définition insuffisante du sacerdoce.
DIBELIUS et après lui, SPICQ observent que cette définition du
prêtre dans la péricope laisse entrevoir quelques anomalies et des
omissions. Il y n'a aucun rapport avec l'entrée du grand prêtre
dans le Saint des saints, et on omet complètement la fonction oraculaire
du prêtre. Alors que l'Ancien Testament donne au prêtre le service
du sanctuaire et le rôle d'enseignement du peuple.
Les autres trouvent dans cette première
présentation beaucoup des failles. Elle " fausse les perspectives
définies par l'auteur et n'est obtenue que grâce à une
sorte de censure exercée contre l'auteur, une censure qui supprime
arbitrairement les premières mentions du sacerdoce "8(*). Pour ceux-ci, c'est
déjà dès le début de son exposé (He 2,
17-18) que l'auteur introduit déjà le thème du
sacerdoce.
En effet, F. Thien (1902) et L. Vaganay (1940) trouvaient
déjà en 5,1-10 une conclusion au premier exposé sur le
sacerdoce. Ils divisent la partie doctrinale de l'épître en trois
parties : la première est un exposé général de
christologie (He 1, 5-2, 18), la seconde est un exposé sur le sacerdoce
du Christ qui s'effectue en deux étapes dont l'une (He 3,1-5,10) et
l'autre en (He 5,11-10,39) qui est la troisième partie et la principale.
C'est dire que He 5,1-10 se trouve à la fin du premier exposé sur
le sacerdoce du Christ. Une telle place peut déjà expliquer les
limites par rapport à la définition du sacerdoce. " On ne
peut, observe Vanhoye, comme on le fait trop souvent, isoler ce texte
et lui donner une valeur de définition complète du
sacerdoce. "9(*) Pour
lui, la péricope est une description partielle qui vient
compléter l'exposé commencé auparavant. Au lieu de
soupçonner l'auteur d'être imprécis, il faudrait
plutôt considérer l'exposé dans son ensemble.
Se rangeant dans le deuxième groupe
d'exégètes, Albert Vanhoye voit que le verset He 2,17, qui
présente le Christ " digne de foi ", est déjà un
aspect fondamental pour définir le sacerdoce du Christ. Pour lui, la
comparaison de He3,1-6 et Nb12,1-8 par l'auteur de l'épître montre
déjà l'étroite union entre l'autorité de la Parole
et la position de la maison. Le Christ plus que Moïse transmet la parole
définitive de Dieu qui a droit à une adhésion
immédiate. Son autorité est incomparablement supérieure
que sa parole mérite attention et adhésion sans réserve.
Le Christ glorieux, maître de maison est le médiateur par qui le
croyant entre en relation personnelle avec Dieu et entre dans la
communauté animée par la foi.
Étant digne de foi, le Christ est pleinement le grand
prêtre qui parle au croyant en tant que prêtre céleste. "
Il serait faux, souligne encore VANHOYE, de penser que l'auteur a
séparé la Parole de Dieu et sacerdoce et qu'il a oublié,
dans le sacerdoce du Christ, la fonction sacerdotale d'enseignement
"10(*). Ainsi, l'auteur,
dans l'organisation de sa prédication, a d'abord voulu
présenté le christ comme " apôtre et grand prêtre
" dont la fonction première est celle de l'autorité de la
Parole (3,1-4,14), pour ensuite présenter l'aspect cultuel (5,1-10), qui
en fait, est subordonné à la fonction d'enseignement. Pour
obtenir le salut, il faut écouter docilement le Christ (He 5,9) qui,
glorifié, parle maintenant encore aux croyants.
Le développement de la figure de Moïse en 3,1-6
est d'une importance capitale pour l'interprétation de notre texte qui
ne parle que d'Aaron. En effet, Moïse est présenté dans
l'Ancien Testament comme le prestigieux médiateur de la Parole de Dieu.
Il est celui qui a reçu de Dieu la révélation
complète des " voies du Seigneur " qui règle la
totalité du culte divin et de l'existence du peuple d'Israël. C'est
par lui que fut confié à Aaron, aux autres prêtres et
anciens la loi divine, qui lui permettait d'officier le culte et de la faire
connaître (cf Dt 31,9-13). Ce qui suppose que Moïse était
supérieur à Aaron et à tous les prêtres. Dire que le
Christ est supérieur à Moïse, en tant que Fils (3,5-6a),
c'est affirmer aussi la suprématie de la fonction d'enseignement du
Christ sur Moïse et par-là, la supériorité du
sacerdoce du Christ par rapport à celui conféré à
Aaron.
En parlant de la fonction d'enseignement du Christ en 3,1-6,
il ne lui restait que la fonction cultuelle qu'il développe dans notre
péricope (5,1-10).
I.3.1.2. Contexte
immédiat.
Après le premier exposé sur le rôle
d'enseignement du sacerdoce du Christ en He 3,1-6, suit une longue exhortation
(3,7-4,16) qui sépare la suite de l'exposé sur la fonction
cultuelle du sacerdoce (5,1-10). L'auteur invite ses auditeurs à
écouter la voix du Christ glorieux qui indique l'itinéraire
à suivre pour entrer définitivement dans l'intimité de
Dieu, dans son " repos ". Et pour rentrer dans l'exposé, il
introduit le sujet en 4,15-16. Le Christ, bien que glorieux, n'est pas
indifférent aux épreuves humaines. C'est par le chemin de la
Passion et de la croix, et donc des épreuves, qu'il est arrivé
à la gloire. Il a été éprouvé, mais n'a pas
péché. Et comme le péché n'a aucune vertu
d'unité, de communion ; sans péché, le Christ est
resté solidaire avec les hommes. Il est capable de compatir puisque
éprouvé dans son existence terrestre. Accrédité
auprès de Dieu, il est le véritable grand prêtre qu'il nous
faut : sans tâche, miséricordieux. Ainsi, «loin de
creuser un fossé entre le Christ et nous, nos épreuves et nos
faiblesses sont devenues le lieu privilégié de notre rencontre
avec lui, et non seulement avec lui, mais avec même, grâce à
lui »11(*).
Le trône divin est devenu pour nous le trône de la grâce
(4,16) et nous sommes invités à nous approcher avec pleine
assurance. Ces deux versets (4,15-16) préparent et introduisent
directement la seconde partie de l'exposé qui est l'objet de notre
travail.
I.3.2. Contexte
subséquent
I.3.2.1. Contexte
immédiat
Après avoir montré que le Christ est digne de
foi et miséricordieux, il reste à l'auteur de
l'épître de dire en quoi le sacerdoce du Christ est
l'accomplissement du sacerdoce ancien. Sans courir le risque de confondre le
Christ à un simple successeur d'Aaron comme d'autres grands
prêtres, l'auteur prend tout le temps et les arguments adéquats
pour signifier la radicale nouveauté du sacerdoce du Christ. Dès
5,9-10, il annonce déjà son exposé musclé qu'il ne
développera qu'en 7,1-10,18. Toutefois pour la mise en route, il
prépare ses auditeurs à être plus attentifs que
précédemment, car ce qu'il va dire est le propre des adultes, des
" parfaits, eux (qui) ont la nourriture solide, ceux qui, par l'habitude,
ont le sens moral exercé au discernement du bien et du mal " (5,
14). Il ne s'agit pas d'un discours pour enfants, encore moins d'un "
enseignement élémentaire sur le Christ "(6,1), mais d'un
enseignement parfait pour les illuminés, les éclairés,
ceux qui vivent de l'Esprit Saint. C'est un message pour relever les
déchus afin de les amener à la pénitence. C'est un message
d'espérance destiné à ceux qui, comme Abraham, attendent
la réalisation de la promesse. Promesse qui, en fait, est
réalisée en Jésus, notre Précurseur par excellence
qui a " pénétré par-delà du voile " (6,9)
pour être pour toujours dans le monde, le véritable grand
prêtre selon l'ordre de Melchisédech. Loin d'être
nonchalants, nous devions être zélés dans
l'espérance et imiter " ceux qui, par la foi et la
persévérance, héritent des promesses " (6, 12).
I.3.2.2. Contexte lointain
A la fin de cette pause pédagogique et exhortative,
l'auteur reprend majestueusement l'explication des trois idées
énoncées en 5,9-10. Avec une expertise élégante
dans l'oration et la connaissance des traditions juives, il ne suit plus
l'ordre de l'énoncé, mais suit le sens contraire. En suivant le
développement logique du texte, nous serions portés à
joindre immédiatement à notre péricope le grand
exposé du 7,1-10,18. Toutefois, restant sauves les considérations
sur le génie prédicateur de l'auteur. He 5,9-10 reste un texte
fondamental, un texte cible pour la suite de l'exposé
doctrinal.
En effet, la première section (7,1-28) décrit
la position personnelle du Christ comme grand prêtre. En se fondant sur
l'Ancien Testament, l'auteur situe le sacerdoce du Christ incomparablement
supérieur au sacerdoce ancien. Le parallélisme avec notre
péricope saute rapidement aux yeux. Néanmoins, dans cette section
l'auteur ne se contente plus de décrire la participation du Christ
à la faiblesse humaine et sa douloureuse offrande comme voie de
consécration sacerdotale, mais il montre la grandeur du nouveau
prêtre, l'éternité de son sacerdoce. Il montre la
caducité du sacerdoce aaronique pour fixer les yeux de ses auditeurs sur
le Christ qui est en mesure de sauver complètement ceux qui, par lui,
s'approchent de Dieu, puisqu'il est toujours vivant pour intercéder en
leur faveur (Cf. He 7,25).
La seconde section ensuite (8,1-9,28) présente
l'activité sacrificielle du Christ Grand Prêtre. Ici, l'auteur
développe 5,7.9b en insistant sur l'unité indissociable de la
passion et de la glorification comme la pâque du Christ. Il montre que le
véritable sacrifice est celui de l'offrande du Christ sur la croix. Car
en elle, non seulement l'obstacle du péché est vaincu, mais un
culte est rendu à Dieu qui établit une alliance permettant au
peuple entier, la possibilité de l'épanouissement dans la
communion avec Dieu. Pour l'auteur, les institutions sacerdotales de L'Ancien
Testament ne sont qu'une préfiguration du l'unique sacrifice du Christ
qui les accomplit et met en relation filiale avec Dieu.
La troisième section enfin (10,1-18) développe
largement les fruits de l'activité sacerdotale du christ pour les
hommes. En effet, le Christ, ayant appris l'obéissance (cf. 5,8) par
l'oblation de son corps, est resté totalement uni à Dieu et
à ses frères. Par la foi, nous participons nous aussi au
sacerdoce du Christ. Nous avons, grâce à lui la possibilité
d'entrer dans le sanctuaire et de présenter à Dieu nos offrandes.
Ceci n'est possible que si nous restons greffer sur lui
car : « aucun homme ne peut se passer du Christ pour
arriver jusqu'à Dieu ; à plus forte raison, aucun ne peut
prétendre se substituer au Christ pour conduire jusqu'à Dieu
d'autres hommes »12(*) Le Christ reste le seul médiateur, le
seul prêtre pour les siècles et des siècles.
Par ailleurs, ces trois sections sont d'une très
grande importance pour notre thème. C'est pourquoi nous nous y
référons très souvent pour y puiser certains
éclaircissements ou arguments pour mieux comprendre l'auteur. Pour
entrer dans l'exégèse proprement dite de notre péricope,
il serait d'une grande importance de dire quelques mots sur le genre
littéraire de l'épître et de manière
particulière sur He 5,1-10.
I.4. Genre
littéraire
Le contact fréquent avec
l'Epître aux Hébreux laisse entrevoir nettement un type
particulier de genre littéraire. En effet, étant différent
des écrits de saint Paul, et de ceux du Nouveau Testament,
l'Epître se rapproche par la langue et le style à l'Apocalypse de
saint Jean. Toutefois, il faut reconnaître en cette épître,
un écrit de haute qualité littéraire,
d'une finesse excellente et d'une pureté élégante.
L'auteur serait un juif de forte culture hellénistique, familier
à l'art oratoire et très attentif à
l'interprétation ponctuelle des passages
vétérotestamentaires qu'il utilise harmonieusement pour appuyer
ses arguments.
Est-ce une lettre, un discours, un sermon ou un traité
sous forme épistolaire ? A cette question, le P. vanhoye tranche,
sans prétention d'épuiser le contenu
que : « `Aux Hébreux' n'est pas une lettre, mais
un sermon, à la fin duquel, a été transcrit un billet
d'accompagnement, rédigé lorsque le texte de ce sermon a
été envoyé à une communauté
éloignée »13(*). L'épître est d'un genre nouveau certes,
marquée ça et là par l'alternance des exposés
doctrinaux et des exhortations : c'est ce caractère exhortatif qui
fait penser à un sermon. Néanmoins, beaucoup
d'exégètes sont d'accord avec Vanhoye mais d'autres estiment que
l'épître est une compilation de deux discours distincts (l'un
exhortatif et l'autre doctrinal) rassemblés par un auteur. Cette
dernière position, compte tenu de l'harmonie du texte et des
idées, est loin d'être adoptée.
En outre, l'auteur serait un maître écrivain. En
effet, se servant des procédés que lui fournissait son
éducation judéo-héllénistique, il a composé
une oeuvre excellemment gigantesque avec un talent hors pair. Il fait
obéir son texte à des principes littéraires et
stylistiques propres à son temps. Ces principes sont six. Ils nous
permettent de mieux comprendre l'évolution de sa pensée14(*) :
1) Annonce du sujet à traiter.
2) Inclusions qui marquent les limites de
développement.
3) Variation de genre littéraire : exposé
ou exhortation.
4) Mots qui caractérisent un développement.
5) Utilisation de mots-crochet.
6) Disposition systématique.
Ainsi, par rapport aux annonces, on peut distinguer 5 parties
dans l'épître :
- Première partie (1,5-2,18) annonce (1,4) :
le Nom du Christ.
- Deuxième partie (3,1-5,10) annonce (2,17-18) :
le grand prêtre digne de foi et miséricordieux.
- Troisième partie (5,11-10,39) annonce (5,9-10) :
valeur sans égale du sacerdoce et du sacrifice du Christ.
- Quatrième partie (11,1-12,13) annonce
(10,36-39) : foi et endurance.
- Cinquième partie (12, 14-13, 21) annonce
(12,13) : des pistes droites.
S'agissant de la symétrie, la première et la
cinquième partie sont symétriques ainsi que la deuxième
et la quatrième. La troisième qui constitue la charte de
l'épître, avec un grand exposé, a en elle des
symétries dans les sections que nous nous retenons de développer
ici.
Nous tenons par ailleurs, à signaler que la
péricope de 5, 1-10 est dans la deuxième partie de
l'épître. Elle se situe dans la conclusion du deuxième
exposé doctrinal et obéit entièrement aux genres
littéraires d'un traité. Sa symétrie est la
péricope 12,1-13 qui montre que le Christ grand prêtre a
été éprouvé comme nous. Vainqueur, il nous invite
à supporter les épreuves qui nous éduquent aussi à
l'obéissance.
Ayant ainsi situé notre texte, nous pouvons dès
lors commencer son approche exégétique. La méthode que
nous utiliserons est analytique et thématique. En effet, en analysant la
pensée de l'auteur, à la lumière des autres écrits
et de la Tradition, nous regrouperons sous un même thème les
idées convergentes. Les développements des exposés
antérieurs et postérieurs au texte nous aideront aussi à
mieux comprendre l'auteur. Ainsi, nous pouvons aborder la question du sacerdoce
dans le dessein même de Dieu en cherchant à nous limiter
prioritairement dans la périscope de He 5,1-4.
CHAPITRE II
LE SACERDOCE DANS LE DESSEIN DE DIEU (5,1-4)
Pour garder la proximité de Dieu, des hommes
étaient choisis, mis à part et consacrés pour s'approcher
de la sainteté de Dieu. Le grand prêtre, appartenant à la
race humaine avec des faiblesses et des péchés, est par
grâce, celui qui, pouvait intervenir en faveur du peuple en ce qui
concerne leurs rapports avec Dieu. Telle fut l'expérience d'Israël
lors des fêtes annuelles du Jour d'Expiation. L'accès au sacerdoce
n'est pas le prix d'une volonté personnelle ou d'un mérite
quelconque, mais une pure grâce de Dieu que l'élu accueille en
toute humilité, tout en restant uni aux autres hommes. L'institution du
sacerdoce vise en principe une communication parfaite et une communion
réelle entre le peuple et Dieu. L'Ancien Testament montre à
travers les insurrections des prophètes contre les comportements des
prêtres aaroniques, que le sacerdoce ancien est inapte à
établir une telle communion. L'exercice du sacerdoce de Yahwé est
devenu un simple formalisme sans vraie docilité envers Dieu dans
l'existence concrète. Ce qui, au lieu de diaboliser le sacerdoce, creuse
plutôt dans la conscience juive, une espérance en un
véritable sacerdoce accompli avec dignité et honneur par un
Messie prêtre-roi à la fin des temps.
II.1. Institution du
sacerdoce (vv. 1a.4)
Le grand prêtre est défini par LEON-DUFOUR, comme
« le pontife suprême juif, issu de l'aristocratie
sacerdotale. Il jouit d'une grande autorité civile et
religieuse »15(*). Il est consacré par une onction
spéciale et investi d'une sainteté unique qui font de lui le
« pont » entre le peuple et Dieu. Il assure ainsi la
présidence des grandes cérémonies culturelles et reste
seul à pénétrer dans le Saint des saints pour la
fête du Yom Kippour. Pris du milieu des hommes, il exerce pour eux le
« sacerdoce même de Yahwé ».
II.1.1. Le grand prêtre,
un homme pris du milieu des hommes (He5,1a)
« Tout grand prêtre, en effet, est pris
parmi les hommes » (He 5,1a). Cette précision de l'auteur
de l'épître aux Hébreux sur l'identité du grand
prêtre est d'une grande importance pour la compréhension du
sacerdoce dans de plan de Dieu. En effet, la condition principale pour
être grand prêtre est avant tout que celui-ci soit homme de par son
origine et sa souche. « Le prêtre serait mal venu de
plaider la cause, de payer les dettes, d'acquitter les devoirs des gens qu'il
ne représente d'aucune manière, qu'il ne porte à aucun
titre en sa personne »16(*) observe Chanoine GESLIN. Et ceci, n'est
pas seulement valable pour les juifs, mais pour toutes les religions. L'auteur
mentionne cette universalité par l'emploi du
« tout » englobant. Le grand prêtre ne peut
l'être que s'il est humain au sens plein du terme. C'est pourquoi la Loi
mosaïque ordonnait de prendre les lévites « du
milieu d'Israélites » (Nb 8,6). Le prêtre doit ipso
facto appartenir au groupe humain qu'il représente tout en leur restant
étroitement uni.
Néanmoins, « être pris parmi les
hommes », c'est être mis à part,
séparé du reste des hommes. Le prêtre bien qu'il soit
homme, uni en tout aux hommes, est un homme séparé. Il ne vit
plus de la même manière que les autres hommes. Il a de par sa mise
à l'écart, une situation exceptionnelle, un statut particulier
qui le spécifie. Il n'est plus du monde selon la prière
sacerdotale du Christ (cf. Jn 17,16). Il vit dans le monde mais il appartient
entièrement à celui qui l'a distingué, qui l'a mis
à son service (cf. Jn17,6). Il n'est plus préoccupé par
les affaires de ce monde : « tu n'auras point
d'héritage dans leur pays, il n'y aura pas de part pour toi au milieu
d'eux. C'est moi qui serai ta part et ton héritage au milieu des
israélites » dit Yahwé à Aaron (Nb 18,20).
Le grand prêtre vit au milieu des hommes comme une part de Dieu, il est
le signe de Dieu « Emmanuel »,
« Dieu parmi nous ».
II.1.2. Le grand prêtre,
un ambassadeur des hommes auprès de Dieu (5,1b)
Participant de la nature humaine et mis à part, le
grand prêtre est « établi au bénéfice
des hommes pour ce qui concerne Dieu » (He5,1b). Le verbe
« ÷áèéóôáôù »
utilisé par l'auteur, appelle une activité rituelle. Être
établi, c'est faire un rite officiel qui confère à la
personne « établie » une mission
particulière. Le grand prêtre, autrement dit, est
constitué, consacré officiellement pour une charge, par une
institution authentique . C'est cette institution qui lui confère
son statut particulier, son identité propre. Par elle, il participe au
sacerdoce de Yahwé. C'est ainsi que la deuxième condition pour
être grand prêtre selon l'auteur, est la consécration. Aaron
après sa mise à part, fut consacré par Moïse à
Dieu (Ex29). Il vit dans un cadre social différent, ayant des objectifs
propres et de privilèges particuliers.
Pour devenir grand prêtre, en effet, Aaron était
soumis à de rites de consécration17(*) afin de passer du monde profane à celui du
sacré. Et c'est par ce qu'il est « saint » qu'il
peut s'approcher de la sainteté de Dieu représenté par le
Saint des saints. Il etait soumis à un bain rituel en signe de
séparation, de purification et de dépouillement. Ensuite il
était revêtu de nouveaux vêtements et des ornements
sacerdotaux qui témoignent de sa transformation et de son
élévation vers Dieu. L'onction d'huile enfin l'imprégnait
dans la sainteté même de Yahwé et sa
prééminence sur tous ses
frères : « Quant au prêtre qui a la
prééminence sur ses frères, lui sur la tête duquel
est versée l'onction d'huile et qui reçoit l'investiture en
revêtant les habits sacrés, il ne déliera pas ses cheveux,
il ne déchirera pas ses vêtements » (Lv 21,10).
Tous ces rites faisaient du prêtre un homme séparé du reste
et soumis à des règles de conduite plus rigoureuses. C'est ainsi
qu'observe VANHOYE : « toutes ces cérémonies
mettaient une distance infranchissable entre l'élu de Dieu et le commun
des hommes, et cette distance devait ensuite être scrupuleusement
maintenue, grâce à l'observation des règles
strictes »18(*).
Cette distance, loin de gommer la solidarité avec ses
frères, était nécessaire pour garder la proximité
de Dieu qui est trois fois saint. Étant considérés comme
des premiers-nés offerts à Dieu, les prêtres sont les
représentants de l'ensemble du peuple auprès de Dieu (cf.
Nb3,12). Le signe le plus palpable est le port par le grand prêtre du
pectoral contenant les pierres taillées au nom des douze tribus
d'Israël (Ex 39, 14). Ainsi, « on n'est pas prêtre
pour soi, tout de même qu'on n'est médiateur pour
soi » observe DILLENSCHNEIDER19(*). Pour être un
véritable médiateur ou mieux un intermédiaire, le grand
prêtre doit être « accrédité
auprès de Dieu » (3,2). Il est comme le pont qui relie
les hommes à Dieu pour qu'ils bénéficient des grâces
divines. Le grand prêtre doit par conséquent être un homme
du peuple, c'est à dire rempli de compassion pour ses semblables et un
homme de Dieu, accepté dans l'intimité de Dieu.
« Seul est prêtre celui qui est à la fois lié
intimement aux hommes par toutes les fibres de la nature humaine et pleinement
accrédité auprès de Dieu » 20(*). Cette situation
intermédiaire du prêtre est loin d'être son mérite,
elle lui est conférée par Dieu.
II.1.3. Le grand prêtre
un homme choisi par Dieu (v.4)
Le sacerdoce exercé par le grand prêtre est celui
de Yahwé même. C'est Dieu qui appelle, met à part,
établit l'homme pour l'exercice de son sacerdoce. « Et, on
ne peut s'approprier cette dignité à moins d'être
appelé par Dieu comme Aaron lui-même » (5,4).
L'auteur prend ici la peine de rappeler l'origine divine du sacerdoce. En
effet, Aaron fut consacré grand prêtre pour exercer le sacerdoce
de Yahwé (cf. Ex 28,3.4 ;29,1.44 ;30,30 ;40,13). Ce qui
rend manifeste la dépendance de son sacerdoce par rapport à sa
consécration et son lien exclusif au Seigneur. La consécration
établit le grand prêtre dans un état de sainteté qui
le rende apte à approcher Dieu dans ses fonctions. Ce ne sont pas les
fruits de ses efforts, encore moins de ses mérites qui lui ont valu
cette consécration : c'est Dieu qui choisi l'homme pour le faire
participer à sa sainteté. Blessé par le
péché, l'homme ne pourra jamais au prix des efforts personnels se
rendre digne d'être appelé, de mériter l'approche de Dieu.
Toutefois, il doit collaborer à l'action gratuite de
Dieu en s'efforçant au maximum de se garder pur pour s'approcher de la
Sainteté de Dieu . C'est pourquoi, il ne peut s'approcher de
l'autel avec négligence et irrévérence sans courir le
risque de la mort comme ce fut le cas des fils d'Aaron (cf. Lv 16). Cela montre
que « si on entrait à toute heure dans le Sanctuaire sans
se préparer, sans revêtir les habits pontificaux, sans
apprêter les victimes prescrites, ni rendre Dieu propice, on
mourait »21(*)commente Origène. Le prêtre ne doit
donc jamais oublier qu'il est le fruit de la gratuité, de la
miséricorde de Dieu qu'il doit préserver honorablement en toute
humilité.
Malgré les déchéances du grand
prêtre, nul ne peut s'arroger l'honneur d'être grand prêtre.
La porte est ainsi fermée aux ambitieux qui d'une part veulent contester
et remettre en question les actions du prêtre consacré et d'autre
part ceux qui prétendent disposer eux-mêmes du sacerdoce.
« Le sacerdoce n'est pas une position où un homme peut se
hisser lui-même pour s'élever au-dessus de ses semblables. C'est
un don de Dieu qui met le prêtre au service de ses
frères »22(*). Celui qui se hisserait lui-même,
attirerait sur lui la colère de Dieu comme se fut le cas de Coré
et de ses partisans qui ont péri (Cf. Nb16,3 ; 16-35 ;
17,1-5.16-26).
L'auteur de la lettre aux Hébreux insiste sur
l'élection divine du grand prêtre ici pour attirer l'attention de
ses auditeurs sur la fidélité de Dieu du don même de son
sacerdoce et sur l'attitude d'humilité de celui qui est élu. Il
est conscient des infidélités des prêtres dans l'exercice
de leur charge, ils ont « prostitué » au cours du
temps l'autel du seigneur et leur état même de
« consacrés », de
« médiateurs ». Les critiques ont
été nombreuses à l'égard de prêtres. Des
prophètes jusqu'à Jésus, de vives dénonciations ont
été portées sur la superficialité de l'exercice du
sacerdoce qui n'est devenu que rituel et légal. Le grand prêtre
était devenu plus un chef politique que religieux. Désigné
et déposé par les Romains au temps de Jésus,
« la charge du grand prêtre, était devenue un jouet
entre les mains d'Hérode »23(*). Cependant, l'image du grand prêtre comme
une personne élue, consacrée et établie pour exercer le
sacerdoce de Yahwé n'avait pas à être affecté aux
yeux des auteurs juifs tels Josèphe Flavius et les auteurs du Nouveau
Testament.
Pour Flavius, au-delà des changements fréquents
des grands prêtres par l'autorité romaine, tous sont choisis dans
la famille aaronique. Restant ainsi sauve la loi des Pères qui
« exige que personne ne reçoive le grand pontificat s'il
n'est du sang d'Aaron, et il n'est permis à personne d'une autre
famille, fût-il roi, d'accéder à cette
dignité »24(*).
Saint Jean reconnaît pour sa part dans la
déclaration machiavélique de Caïphe une valeur
prophétique : « il ne dit pas cela de lui-même,
mais étant grand prêtre de cette année-là, il
prophétisa »( Jean 11,51). Au-delà du calcul
criminel humain, signe de la faiblesse humaine, de sa nature blessée par
le péché, il faut voir dans la phrase, un fondement de la
dignité sacerdotale de celui qui est consacré. C'est ainsi
que « la médiation d'un sacerdoce consacré reste
une clé essentielle du système religieux juif, mais les carences
constatées creusent l'attente d'un sacerdoce plus crédible et
plus proche des hommes »25(*). Le sacerdoce n'est donc pas contesté
mais l'exercice de celui-ci est défectible.
En somme, le grand prêtre est un homme de par son
origine et sa nature est blessée par la marque du péché.
Ayant lui aussi des faiblesses, il reste solidaire en tout avec les hommes. En
même temps, il est mis à part et consacré par Dieu pour le
service des hommes. Ne s'appartenant plus, le prêtre agit au nom de Dieu
et la grâce de Dieu englobe ses faiblesses. Fort de cette
expérience de la miséricorde de Dieu, Saint Paul dira :
« La où le péché s'est multiplié la
grâce a surabondé » (Rm6,20). C'est en Dieu qu'on
peut assumer ses fonctions sacerdotales.
II.2. Les fonctions du
grand prêtre (vv.1c-3)
Tout grand prêtre est appelé par Dieu. Et tout
appel vise un envoi en mission. Le grand prêtre est mis à part et
établi « afin d'offrir dons et sacrifices pour les
péchés » (He 5,1c). Etant solidaire en tout avec
les hommes de par sa nature, « il peut ressentir de la
commisération pour les ignorants et les égarés, puisqu'il
est lui-même également enveloppé de faiblesse, et
qu'à cause d'elle, il doit offrir pour lui-même des sacrifices
pour le péché, comme il le fait pour le peuple »
(He5,2-3). En abordant les fonctions sacerdotales ici, l'auteur choisi
librement d'insister uniquement sur celle qui correspond à la plus grave
nécessité humaine : l'expiation des péchés.
Cette fonction cultuelle suppose qu'au préalable le prêtre ait
instruit le peuple sur les voies du Seigneur. C'est seulement en reconnaissant
la transgression à une loi ou à une volonté qu'on se
reconnaît pêcheur et coupable pour ensuite demander pardon. Nous
voudrions ici signaler succinctement les fonctions sacerdotales qui
préparent ou se rattachent à cet acte cultuel qui est le
sacrifice d'expiation.
II.2.1. La fonction
d'enseignement
L'être humain a besoin des orientations pour se
réaliser . L'orientation parfaite est la connaissance de la
volonté de Dieu. Israël était très convaincu de la
nécessité de connaître les voies de Seigneur. Le
prêtre après Moïse et à côté des
prophètes, était, en tant qu'homme de Dieu, mieux placé
pour transmettre au peuple les instructions de Dieu. L'auteur, conscient de la
nécessité de la parole de Dieu dans la vie du peuple, commence
son exposé doctrinal par cette fonction. En 3,1-6, où il
soulignait que Jésus, est le grand prêtre digne de foi en
comparaison à Moïse, il attirait notre attention sur la
primauté de la fonction d'enseignement sur toutes les autres. Le grand
prêtre n'est pas d'abord celui qui fait des sacrifices, mais il est avant
tout celui qui parle de Dieu et en son nom, celui qui instruit et fait
connaître Dieu et ses voies. Il a reçu après Moïse la
mission de proclamer et d'interpréter la loi aux oreilles de tout
Israël : « Assemble le peuple, hommes, femmes,
enfants, l'étranger qui est dans tes portes, pour qu'ils entendent,
qu'ils apprennent à craindre Yahwé votre Dieu et qu'ils gardent,
pour les mettre en pratique, toutes les paroles de cette loi »
(Dt31,12). Enseigner, instruire était la charge quotidienne et
primordiale du prêtre car « c'est aux lèvres du
prêtre de garder le savoir et c'est de sa bouche qu'on recherche
l'instruction, il est le messager de Yahwé Sabaot » (Mal
2,7). Connaissant la volonté de Dieu par son contact à la loi, le
grand prêtre pouvait jouer un très grand rôle social.
II.2.2. Les fonctions
sociales
Tout grand prêtre est capable de commisération
pour les ignorants et les égarés du fait qu'il est lui aussi
faible et pécheur. Cette phrase de l'auteur souligne bien la relation de
solidarité qui doit exister entre le grand prêtre et les
pécheurs.
Néanmoins, le verbe
ìåôñéïðáèåéõ
est pour BONSIRVEN, emprunté au vocabulaire
philosophique et désigne la modération dans les sentiments, la
clémence. Chez Philon, il désigne la maîtrise de soi, la
résistance aux passions . Dans notre contexte, il
désignerait une attitude de compréhension, de modération
indulgente envers les coupables. Le prêtre doit par
conséquent accueillir avec ménagement et équité
les ignorants (ceux qui pèchent par ignorance ou inadvertance) et les
égarés (ceux qui se sont laissés séduire plus ou
moins volontairement par les tromperies du péché ou qui ont
succombé à leurs infirmités). Cet office d'accueil des
pécheurs, ignorants ou errants, fait du grand prêtre, une figure
« miséricordieuse ». Un pêcheur bien
accueilli est un pécheur guéri psychologiquement. Le prêtre
partage avec lui le poids de son péché et sa modération
donne au coupable le sentiment d'être encore utile, d'être
régénéré et aimé de Dieu. Le pécheur
peut ainsi se reconsidérer devant Dieu et devant ses frères. Le
prêtre a donc une fonction sociale de renouer les relations
interpersonnelles.
En tant qu'il est mieux placé pour discerner la
volonté de Dieu, il joue aussi un rôle judiciaire et politique. Le
prêtre ancien usait des objets sacrés pour trancher des cas
difficiles. L'usage des Ourim et des Toummin qui servaient par tirage au sort
de connaître la volonté de Dieu. Cette méthode étant
archaïque, le prêtre grâce à sa maîtrise de la
loi pouvait trancher des litiges et d'autres cas difficiles sans témoin
(cf. Dt 21,1-9 ; Nb5 ,11-31). Il était du devoir du grand
prêtre de faire taire les murmures d'Israël contre eux-mêmes
et contre Yahwé pour éviter le pire (cf. Nb17,25b). C'est ainsi
qu'investi de son pouvoir juridique et politique, le grand prêtre
Caïphe décide irrévocablement de la mort de Jésus. Il
éclairci la situation jusque-là demeurée confuse par son
interrogatoire dont le verdict final fut la condamnation à mort de
Jésus. Verdict que Pilate ne peut plus rien changer. C'est donc à
côté de toutes ces fonctions sociales que le prêtre doit
offrir des sacrifice pour les péchés.
II.2.3. La fonction
cultuelle
Le grand prêtre est le représentant des hommes,
ses frères pour tout ce qui concerne leurs rapports avec Dieu. Il est
leur « médiateur » établi par appel de Dieu.
Sa médiation consiste principalement à accueillir avec
ménagement et équité les pécheurs et à
offrir dons et sacrifices pour les péchés. Le péché
en fait, est ce qui sépare l'homme de Dieu. Et, comme l'homme ne peut se
réaliser sans Dieu ou mieux loin de lui, il doit faire un culte digne
pour rétablir la relation rompue. Pour ce faire, il doit se
« rendre sacré » par l'offrande d'une
victime sans défaut. C'est grâce à cette victime que
l'offrant peut passer du monde profane au monde divin. Agrée de Dieu, le
prêtre peut faire bénéficier au peuple à nouveau des
faveurs divines. C'est ainsi que pour mieux comprendre l'activité
cultuelle du grand prêtre, nous partirons de la conception juive du
sacrifice :
II.2.3.1. Le sacrifice
Étymologiquement le terme sacrifice vient du latin
« sacer facere » : « rendre
sacré ». Le sacrifice est un effort de rendre sacré ce
qui ne l'est pas. Alfred Loisy le définit comme « une
action rituelle-la destruction d'un objet sensible, doué de vie ou qui
est sensé contenir de la vie - moyennant laquelle on a pensé
influencer les forces invisibles, soit pour se dérober à leur
atteinte (...) soit afin de (...) leur procurer satisfaction et hommage,
d'entrer en communication et même en communion avec
elles »26(*). C'est un acte qui consiste à se priver
d'une chose, d'un animal qui nous est cher, pour le consacrer à Dieu
selon des rites propres afin de bénéficier des grâces et de
la faveur de Dieu. Tout sacrifice vise ainsi une fin propre : le pardon
des péchés, l'action de grâce, la fin des calamités
bref la communion avec Dieu.
En Israël, rien n'est plus expressif comme cette
abdication de toute propriété pour reconnaître les droits
souverains du Créateur. Le sacrifice est dès lors un acte
extérieur de culte par lequel l'homme reconnaît le souverain
domaine de Dieu, et lui offre son hommage d'adoration, de gratitude ou
d'impétration27(*).
Offert par le prêtre, il est un don naturel de l'homme à Dieu et
devient l'expression de la communion spirituelle entre Yahwé et son
peuple. Le peuple d'Israël distinguait plusieurs types de sacrifices dont
trois méritent notre attention : l'holocauste, le sacrifice de
communion et le sacrifice d'expiation.
II.2.3.2. L'holocauste
A la base de tous les sacrifices juifs, il y a l'holocauste.
Il consiste comme son nom
l'indique « ïëïêáõóôùõáôá »
à brûler tout entier l'offrande pour faire monter la fumée
vers Dieu, comme un « parfum d'agréable
odeur » (Nb 28,8). Il exprime « le don total de
l'individu ou de la communauté qui l'offre à Dieu ainsi que la
reconnaissance de sa souveraineté absolue »28(*). L'holocauste
est ainsi un don fait à Dieu, un sacrifice de reconnaissance, de
remerciement pour les bienfaits reçus de lui, un acte d'amitié.
C'est une façon de reconnaître Dieu présent à
coté de nous comme celui qui nous donne tout ce dont nous avons
besoin.
II.2.3.3. Le sacrifice de
communion
Le sacrifice de communion consiste à immoler sur
l'autel de Yahwé un animal destiné à être
mangé au devant de Yahwé . En effet, il signifie une
véritable communion avec Dieu et entre les convives. Les parties grasses
sont offertes à Yahwé en holocauste et le reste est
partagé entre les convives dans le temple. La manducation de la chair
par les convives est une occasion de joie et de paix comme il est
dit : « tu immoleras des sacrifices de communion, tu
les mangeras là et tu te réjouiras en présence du Seigneur
ton Dieu » (Dt 27,7). Les sacrifices de communion sont les plus
souvent ceux qui accompagnent les sacrifices de réparation, d'expiation.
Ils sont le signe visible de la communion rétablie et de la
réconciliation d'Israël avec Dieu.
II.2.3.4. Les sacrifices
pour les péchés
Le rôle du grand prêtre est d'offrir des
« sacrifices pour les péchés »
(He5,1). Le péché est ce qui perturbe la relation de l'homme avec
Dieu et avec ses semblables. En effet, le péché atteint l'homme
dans ses entrailles, dans ses profondeurs. Il l'avilie et le sépare de
Dieu. Le péché rend l'homme petit et faible ; l'âme
basse et petite selon les mots d'Origène29(*). Le péché nous prive de la gloire de
Dieu (cf. Rm3,23) et nous entraîne dans la mort (Rm5,12), dans les affres
du Hadès (Ac2,24). Il rend l'homme malheureux, frustré comme
s'exclame St Paul en découvrant en lui la loi du péché qui
lui fait faire ce qu'il hait (Rm7,15-17) « Malheureux homme que
je suis ! qui me délivrera de ce corps qui appartient à la
mort ? » (Rm7,24). Être
délivré du péché est le désir éternel
de tout homme. Il revient au grand prêtre, établi en faveur des
hommes pour les rapports avec Dieu, d'y trouver remède et des voies de
réconciliation, de communion avec Dieu. Le sacrifice est ainsi l'un des
moyens pour expier les péchés.
Les sacrifices pour les péchés sont de trois
ordres dans l'Ancienne alliance et ne concernent que les péchés
commis par ignorance ou par inadvertance. Le sacrifice de réparation
consistait en une purification rituelle. L'impureté n'est pas
automatiquement un péché. Le sacrifice pour le
péché individuel ou communautaire vise à rétablir
une relation avec Dieu compromise par les péchés involontaires(Lv
4,2) ou par un état d'impureté (lèpre par exemple). Tous
ces deux sacrifices se soldent dans celui du Yom Kippour.
Le jour du Grand Pardon est un jour de la redevance et de
l'épiphanie de la miséricorde de Dieu. Il est l'unique occasion
où « le culte sacerdotal pouvait aboutir, d'une certaine
manière, à un contact direct avec Dieu »30(*). C'est une solennité
annuelle, qui primitivement, était une grande expiation d'Israël de
toutes les impuretés contractées du fait des
nécessités de la vie ou par ignorance. Elle est devenue une
liturgie du pardon des péchés proprement dit dans laquelle
Israël exprime sa vive conscience d'être pécheur et sa foi en
un Dieu qui pardonne.31(*)
La liturgie de ce Grand Jour met tout spécialement en
exergue le rôle primordial du grand prêtre. Plus que dans les
sacrifices quotidiens, le grand prêtre doit s'y préparer d'une
manière exceptionnelle. Il est d'abord soumis à un rite de
purification consistant à un bain du corps, des pieds et des mains, le
revêtement des habits sacerdotaux et l'accueil des offrandes pour le
sacrifice. Puisqu' « il est lui aussi atteint de tous les
côtés par la faiblesse, et à cause d'elle, il doit offrir,
pour lui-même aussi bien que pour le peuple les sacrifices pour les
péchés » (He5,2b-3).
L'auteur souligne ainsi la nécessité pour le
grand prêtre de se rendre propice, de s'accréditer auprès
de Dieu pour pouvoir intercéder pour les autres. Dés lors, il
doit d'abord faire des sacrifices pour ses propres péchés et ceux
de sa famille car son péché rend coupable tout le peuple (cf. Lv
4,3). Lui et sa maison portent le poids des fautes commises envers le
sanctuaire (Nb18,1a). Et comme le sacerdoce aaronique a un rôle
expiatoire, son service au sanctuaire pourra ainsi adoucir la colère de
Yahwé contre son peuple (cf. Nb 18,1.5). Le grand prêtre doit
ainsi faire trois confessions semblables : d'abord pour ses
péchés et ceux de sa famille ; ensuite pour l'ensemble des
prêtres et enfin pour tout le peuple. Pour lui et pour sa maison, il
dit : « De grâce, YHWH, j'ai commis
l'iniquité. Je me suis révolté, j'ai péché
devant toi, moi et ma maison. De grâce, YHWH, pardonne les
iniquités, les révoltes et les péchés par lequel je
me suis rendu inique, révolté, pécheur devant toi, moi et
ma maison comme il est écrit dans la loi de Moïse ton
serviteur : « car en ce jour, il fera l'expiation sur vous
et tous vos péchés, vous serez purifiés, en
présence de YHWH » (Lv16,30) »32(*). Le rite d'expiation pour ses
péchés achevé, le grand prêtre peut, après
avoir tiré au sort le bouc « pour le Seigneur » et
l'autre bouc pour « Azazel », entrer dans le Saint des
saints, lieu rempli de la présence de Dieu. Il y accomplit les rites
prescrits : encensement, aspersion du propitiatoire et du voile de la
tente avec le sang du taureau et du bouc. Il peut faire la confession pour tous
le péché du peuple. Après l'holocauste de bouc
« pour Dieu », il envoie dans le désert le bouc
émissaire « azazel » qui porte les
péchés du peuple. Le peuple peut ainsi légalement
bénéficier du pardon de Dieu et des faveurs divines. Il est
toutefois à remarquer que ce pardon est un acte gratuit de Dieu. Il est
accueilli de manière légaliste, formaliste et ritualiste. Ce qui
montre que la réconciliation reste seulement verticale sans être
horizontale.
Le peuple extérieurement purifié et
pardonné pourrait recevoir les bénédictions de Dieu
à travers le grand prêtre. Mais l'aspect ritualiste et formaliste
des cérémonies religieuses, les comportements indignes du corps
sacerdotal a suscité de l'intérieur du judaïsme des
réactions critiques. Les prophètes ont stimulé certaines
personnes à prendre conscience de la superficialité de l'exercice
du sacerdoce pour s'orienter vers un Messie prêtre qui accomplirait avec
fidélité et honneur le dessein de Dieu.
II.3. L'espérance
eschatologique d'un messianisme sacerdotal
Les critiques contre l'exercice du sacerdoce ont
été virulentes et nombreuses de sorte la promesse du sacerdoce de
Yahwé restait aux yeux d'Israël inachevée, inaccomplie. Ce
qui a donné lieu à l'espérance d'un Messie avenir. Des
prophètes à Jésus, il y avait dans les consciences une
vive attente d'un messie-prêtre-roi qui accomplirait en toute
dignité le dessein sacerdotal de Dieu. Ces critiques ont même
donné lieu à de restructurations au sein du Judaïsme et ont
suscité une flambée d'écrits apocalyptiques juifs.
II.3.1. Les
prophètes
Les prophètes dans leurs ministères n'ont
cessé de dénoncer les comportements indignes des prêtres.
Osée à la suite d'Amos s'attaque à la corruption du culte
de Yahwé. Il dénonce la contamination du culte sacerdotal par des
usages païens (Os 4,4-11 ;5,1-7). Il y a comme un syncrétisme
païen qui s'est intégré dans la caste sacerdotale violant
ainsi les prescriptions de la Torah (Jr2,26ss). Le culte de Yahwé est
devenu une course aux intérêts personnels
(Mi3,11 ;2R12 ,5-9 ;So3,4 ;1S2,12-17). Il n'y a plus de
zèle pour Yahwé (Mal2,1-9). C'est pourquoi Isaïe annonce un
renouvellement du sacerdoce (Is 2,1-5). Un renouvellement
précédé de la destruction du temple et des lieux du culte.
Dieu lui-même bâtira un temple (cf. Ez 40,40 ; Jr 7,12-14). Il
y aura une restructuration du sacerdoce (Mal 3,3-4). Dieu lui-même
inspirera un prêtre idéal de la famille d'Aaron (Si 45,7.14) qui
sera digne et fidèle.
Les abus, les exagérations causées par les
conduites des grands prêtres n'ont en rien conduit à
l'endormissement du peuple et encore moins à la négation du
sacerdoce mais ont suscité par contre l'attente d'un Messie sacerdotal.
Israël est convaincu que Dieu ne peut se tromper et ne peut leur tromper.
Ce qu'il a promis, il l'accomplira. Vanhoye conclut
que « les déceptions provoquées par la
conduite politique des grands prêtres ne pouvaient monopoliser
l'attention, ni conduire à des verdicts sans appels »33(*). Elles ont
contribué à creuser le désir d'un véritable
exercice sacerdotal.
II.3.2. La communauté de
Qumran
Des critiques des prophètes, le besoin de reforme
sacerdotale animait maintes personnes. C'est ainsi qu'au temps de Jésus,
on voyait naître des communautés dont celle de Qumran, ayant pour
souci principal de vivre l'idéal sacerdotal. Ainsi, la communauté
de Qumran respectait à la lettre toutes les prescriptions de la loi de
Moïse. Toutefois, cet effort de vivre en Dieu, n'a en rien gommer leur
espérance en un Messie qui viendrait accomplir les promesses du
Yahwé. C'est ainsi que les Manuscrits de Qumran, évoquent la
venue de trois messies prophète, roi, et prêtre dont
l'autorité du peuple serait remis au messie prêtre.34(*)
II.3.3. Testaments des Douze
patriarches
Ce sont des documents apocalyptiques qui
révèlent l'espérance eschatologique d'Israël. Ils
soulignent l'imperfection du sacerdoce lévitique dont la cause serait la
faiblesse humaine qui empêche les prêtres d'être digne et
fidèle devant Yahwé. Ils annoncent la venue d'un prêtre
oint qui mènera à l'accomplissement le sacerdoce
aaronique35(*).
Toutefois, c'est Dieu lui-même qui suscitera ce
prêtre roi qui sera homme-Dieu qui instaurera un sacerdoce nouveau pour
le salut d'Israël et de toutes les nations36(*). Et le sacerdoce lévitique n'existera plus,
car le Seigneur Dieu révélera toutes ses paroles et
exécutera le jugement de vérité sur la terre37(*).
En somme, le grand prêtre ne trouve sa raison
d'être que branché en Dieu et à ses frères. Restant
solidaire aux hommes, nous dit l'auteur de l'Épître aux
Hébreux, il offre des sacrifices pour les péchés. Il est
au milieu du peuple comme celui qui sert le peuple et Dieu. D'où
l'exigence du choix, de l'élection divine. L'accès au
sacerdoce demande donc une attitude d'humilité devant Dieu et la
capacité de se faire petit au milieu des hommes en les accueillant avec
équité et compréhension. De telles exigences n'ont
trouvé dans la ligne d'Aaron, des personnes dignes pour accomplir avec
fidélité et honneur le dessein de Yahwé. Ce qui a
donné libre court à des multiples espérances
fondées sur la venue d'un messie. Ce messie, l'auteur de
l'épître aux hébreux l'applique au Christ Jésus. Lui
qui a su rester solidaire aux hommes jusqu'à la mort de la croix. Par
son humilité, son abaissement et son obéissance en tant que Fils,
il a accepté la condition humaine pour mener à la perfection le
sacerdoce Lévitique. Il instaure ainsi par sa mort, un sacerdoce nouveau
en détruisant la racine même du péché. L'homme est
ainsi éternellement par lui réconcilié avec Dieu.
CHAP III
LE CHRIST, GRAND PRÊTRE MISERICORDIEUX (He 5,
5-10)
Parvenu à la fin de la description de «
tout grand prêtre », l'auteur transite sans
difficulté grâce à la mention d'Aaron. En effet, Aaron est
grand prêtre par appel de Dieu. « De même, ce
n'est pas le Christ qui s'est attribué à soi-même la gloire
de devenir grand prêtre, mais il l'a reçu de celui qui lui a
dit : « tu es mon Fils, moi, aujourd'hui, je t'ai
engendré » ; comme il dit encore ailleurs :
« tu es prêtre pour le monde éternel, selon l'ordre de
Melchisédech ».C'est lui qui, aux jours de sa chair, ayant
présenté avec une violente clameur et des larmes, des
implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la
mort, et ayant été exaucé en raison de sa
piété, tout Fils qu'il était, apprit, de ce qu'il
souffrit, l'obéissance ; après avoir été rendu
parfait, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe du
salut éternel, puisqu'il est salué par Dieu du titre de grand
prêtre selon Melchisédech. »(5,5-10). Ce texte
complexe de deux phrases a même structure de He 5,1-4. Nous y trouvons
trois éléments successifs qui constitueront la structure de notre
chapitre. Dans le premier élément (5,5-6), l'auteur souligne la
sacerdotalisation du Christ, dans le deuxième(5,7-8) l'auteur
évoque le sacrifice du Christ, et le troisième
élément (5,9-10) souligne le caractère salvifique et
rédempteur de l'acte sacrificiel du Christ.
III.1. La
sacerdotalisation du Christ (He5,5-6)
Nous voulons entendre dans cette partie, la manière de
devenir prêtre du Christ. Le souci de l'auteur, pensons-nous, est de
montrer la continuité et la ressemblance du sacerdoce aaronique à
celui du Christ. Le sacerdoce du Christ comme celui d'Aaron n'est pas
fondé sur une prétention personnelle, mais sur un vouloir de
Dieu. Toutefois, l'auteur en citant les oracles du Ps 2,7 et du Ps 110,4
souligne successivement trois points dans la sacerdotalisation du Christ. Le
premier point est l'abaissement du Christ qui fait de lui un prêtre
unique, le deuxième est la particularité de son sacerdoce en tant
que Fils et le troisième point est l'éternité du sacerdoce
à la manière de Melchisédech.
III.1.1. L'humilité du
Christ
Tout d'abord il faut souligner le parallélisme que
l'auteur fait entre le v.4 et le v.5. En effet, ces rapprochements peuvent
être déjà une esquisse de ce que l'auteur veut mettre en
évidence. Le v.4 étant la conclusion du développement
5,1-4, le v.5 apparaît à la fois comme une introduction à
une autre idée qui surpasse le développement
précédent. De ce point de vue, le parallélisme entre
conclusion et introduction peut signifier pour l'auteur les limites et la
vétusté du sacerdoce aaronique qui préparait ou mieux
préfigurait l'authentique sacerdoce, celui du Christ.
La considération de style et des vocabulaires sont
ensuite d'une importance remarquable. En fait, pour souligner la
différence essentielle entre le sacerdoce d'Aaron et celui du Christ,
l'auteur utilise deux termes : honneur et gloire. Pour Aaron, il utilise
« ôßìå» :
« honneur » qui est, d'après le dictionnaire
universel, « une disposition morale incitant à agir de
manière à obtenir l'estime des autres en conservant le respect de
soi-même ». L'honneur, à proprement dire, est une
qualité humaine. Pour le Christ, l'auteur utilise
plutôt « äùîá »
« gloire » qui n'est attribué qu'à l'homme
dans un sens figuré. La gloire est une propriété divine.
L'auteur par ces vocabulaires veut signifier la nature
même du sacerdoce d'Aaron et celui du Christ. En fait, bien que de
condition divine le Christ n'a pas voulu se glorifier lui-même. Il a
choisi la voie de l'humilité, de l'abaissement d'être
glorifié par le Père comme le souligne St Jean :
« Père, l'heure est venue, glorifie-moi auprès de
toi de cette gloire que j'avais auprès de toi avant que le monde ne
fut »(Jn17,5).
L'auteur pour mieux signifier la différence avec le
sacerdoce aaronique emploie le
nom « ×ñéóôïò »,
nom reçu après la glorification. Conscient de l'importance des
« noms » dans la tradition juive et biblique, l'auteur veut
situer ici le sacerdoce du Christ dans son être glorifié. Par tous
ces vocabulaires l'auteur veut, pensons-nous, fixer notre attention sur
Jésus, fils de Marie qui, à travers la mort, est consacré
prêtre de par sa résurrection. Greffé sur la situation
divine du christ glorifié, son sacerdoce est aussi unique.
III.1.2. Le sacerdoce unique du
Christ, Fils de Dieu
D'emblée Jésus est appelé
« Fils » dans le Nouveau Testament d'une manière
unique et spéciale. Sa relation avec Dieu est privée et intime
aussi bien dans son être et dans sa mission publique. C'est à lui
comme Fils que l'autorité est donnée ; tout lui est
donnée pour qu'il le révèle aux autres (cf. Mt 11,27). En
tant que Fils, en un sens unique et incommunicable, il est en même temps
le Fils avec les autres. Son être et sa mission sont indissolublement
liés. Ce titre de Fils, souligne en filigrane sa double nature de Fils
de Dieu (condition divine ) et fils avec les autres fils (condition humaine).
Cette double appartenance totalement assumée autorise
ainsi une authentique médiation. Jésus Christ n'est pas seulement
un ambassadeur, un intercesseur comme les prêtres aaroniques, mais un
véritable Médiateur. C'est dans ce cadre que s'inscrit l'oracle
du Ps 2,7 « Tu es mon Fils, aujourd'hui moi, je t'ai
engendré »(He 5,5). L'auteur veut par cette citation
signifier le caractère unique de la relation du Christ avec Dieu. En
tant que Fils , le Christ est accrédité auprès de son
Père et donc digne de foi. Il a une relation étroite et intime
avec Dieu et l'appelle « Abba » (Ga, 4,6). C'est le Fils
par qui « tout a été fait et rien de ce qui est
fait ne s'est fait sans lui »(Jn1,3). Il a été
toujours auprès du Père.
Dès lors, la référence à la
filiation divine du Christ, est pour l'auteur une preuve d'un sacerdoce unique
et spécifique. Car le Christ, en tant que Fils préexistant avec
Dieu, a déjà une relation intime avec Dieu son Père,
première condition pour être prêtre. C'est dans ce sens que
Vanhoye dit que « la filiation divine apporte au sacerdoce du
Christ une détermination spécifique qui en fait un sacerdoce sans
égal »38(*). Puisqu'en effet, Jésus étant Fils a un
lien plus étroit avec Dieu plus que tout autre. Ainsi en tant que Fils,
le Christ est mieux placé pour remplir le rôle de médiateur
que requiert le sacerdoce. C'est dans ce sens que son sacerdoce a un
caractère unique, de valeur inégalable ; c'est pourquoi
l'auteur à travers le Ps110,4 exalte en quelque sorte le
caractère extraordinaire du sacerdoce du Christ.
III.1.3. Le Christ,
prêtre éternel à la manière de
Melchisédech
La définition du sacerdoce du Christ, en plus de son
unicité est proclamé de valeur éternelle à la
manière de Melchisédech, roi de Salem. En effet, comme si la
mention de la filialité du Christ ne suffisait pas, l'auteur recourt au
Ps 110,4 pour proclamer Christ prêtre tout comme l'appel
d'Aaron : « tu es prêtre pour
l'éternité à la manière de
Melchisédech »(5,6). Cette périphrase prouve que
le Christ est prêtre d'une manière très différente
de celle d'Aaron. l'auteur annonce d'abord la rupture de la lignée
aaronique qui était sélective, répétitive,
temporelle et rituelle pour fixer les yeux de ses auditeurs sur la
perpétuité, la spécificité, la grandeur et le
radical changement de référence.
Pour mieux asseoir ses arguments, l'auteur fit recours
à la figure mystérieuse de Melchisédech de Gn 14,18-20. En
effet, ce personnage mythique est présenté comme prêtre
sans mentionner « ni père, ni mère, ni
généalogie » avec l'importance qu'accorde l'Ancien
Testament à l'origine familiale pour le sacerdoce (cf. Esd 2,62). Le
texte de Gn 14 ne parle pas non plus de la naissance de Melchisédech ni
de sa mort et ne lui donne donc pas de limites dans le temps. Il se contente
d'évoquer la figure d'un prêtre qui participerait à
l'éternité divine et serait prêtre pour toujours39(*).
Absence de généalogie, perpétuité
de sacerdoce sont là, des éléments qui permettent à
l'auteur de rapprocher la figure du Christ à celle de
Melchisédech. Être prêtre à la manière de
Melchisédech, c'est être prêtre-roi. Un roi chargé
de rétablir la justice et la paix dans la Nouvelle Jérusalem et
d'exécuter le jugement de Dieu. « Aller dire à Jean
Baptiste, dira-t-il, ce que vous avez vu et entendu : les
aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés,
les sourds entendent, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est
annoncée aux pauvres » (Lc 7,22). Jésus
annonce ainsi l'effectivité du Royaume de Dieu, un royaume où il
n'y a plus des exclus, des marginalisés, des pauvres.
Toutefois, dire du Christ qu'il est prêtre
éternel à la manière de Melchisédech laisse lieu
à des zones d'ombres. S'agit-il du Fils de Dieu préexistant
auprès du Père ou de Jésus fils de Marie et de Joseph ou
encore du Christ glorifié ? Cette interrogation a suscité
autant de discussions entre les exégètes. Nous nous laissons
captiver par la position d'Albert VANHOYE qui trouve que l'auteur parle du
Christ glorifié. En effet, pour lui, le Fils préexistant n'a rien
de commun avec l'homme et a un père : Dieu, le Père ;
le Fils incarné a une mère et est de la tribu de Juda. Seul le
Christ glorifié se révèle comme un homme nouveau et Fils
de Dieu Éternel. « sans père, sans mère,
sans généalogie » car sa résurrection a
été un nouvel engendrement de sa nature humaine, dans le quel ne
sont intervenus ni père humain, ni mère humaine et qui a fait de
lui un « premier-né »(He1,6) sans
généalogie »40(*). Et il conclut en
disant : « le prêtre que préfigure
Melchisédech n'est ni le Fils de Dieu dans sa préexistence, ni
Jésus dans sa vie terrestre, mais c'est le Christ, Fils de Dieu,
glorifié à l'issue de sa passion »41(*). Ainsi, pour l'auteur, le
Christ est le véritable prêtre parfait et définitif que
préfigurait la figure mystérieuse de Melchisédech.
Proclamé par serment selon l'oracle du Ps 110,4 le sacerdoce du Christ
est l'accomplissement du sacerdoce aaronique et donc une alliance nouvelle
établie par son sang.
III.2. Le sacrifice du
Christ : accomplissement du sacerdoce (vv. 7-8)
L'auteur a défini plus haut que la
caractéristique de l'office sacerdotal consiste à offrir des dons
et des sacrifices pour le péché (He5,1). Dire que Jésus
est grand prêtre suppose qu'il doit offrir lui aussi de sacrifice. Dans
cette partie, nous nous pencherons d'abord sur l'activité sacrificielle
de Jésus comme accomplissement du dessein de Dieu sur le sacerdoce.
C'est ainsi qu'à la lumière de He 8-9, nous examinerons la vie
terrestre de Jésus de Nazareth comme une révélation de la
miséricorde divine, ensuite l'offrande dramatique et suppliante, enfin
la souffrance du Christ comme une éducation à
l'obéissance.
III.2.1. Jésus,
révélateur de la miséricorde divine.
Avant de présenter le sacrifice du Christ, l'auteur le
situe « aux jours de sa
chair » c'est-à-dire au temps de la vie mortelle du
Christ. Il évoque ainsi l'existence humaine de Jésus,
marquée par la fragilité, les incompréhensions, les
conflits et les doutes. Une existence qui ne connaît qu'un temps
limité. Toutefois, les évangélistes nous présente
Jésus dès sa naissance comme le salut que Dieu a
préparé pour tous les peuples (cf. Lc2,30-32). L'enfant de la
crèche, extrêmement pauvre sera présenté par son
précurseur comme « l'agneau de Dieu qui enlève le
péché du monde »(Jn 2,29). Verbe de Dieu, il s'est
fait faible, fragile, objet de contradictions pour confondre les forts, ceux
qui sont quelques choses (1cor1,27-28). Jésus a placé tout son
ministère sous la venue du Royaume de Dieu, une révélation
de la miséricorde et l'amour de Dieu pour les pécheurs. La
nouveauté inattendue du message de Jésus apparaît surtout
dans son comportement. Ses relations avec les pécheurs et les gens
impurs selon les règles du culte (cf. Mc 2,16ss), la violation du
commandement juif du sabbat (Mc2,23ss) et des prescriptions sur la
pureté (Mc7,1ss) sont autant d'éléments qui ont
suscité l'étonnement et voire le scandale. Une telle attitude a
de toute évidence provoqué d'une part admiration, fascination et
enthousiasme, et d'autre part scepticisme, scandale et haine (cf. Mc2,7ss).
Il y a un renversement des valeurs. Son message d'un Dieu dont
l'amour s'adresse même aux pécheurs, remet en question la
représentation juive de la justice et de la sainteté de Dieu. En
plus, sa conception d'un Dieu d'amour qui brise la barrière entre le
juste et l'impie ne cadre pas avec les catégories juives. La
solidarité du Christ avec les pécheurs (publicains et
prostituées), son invitation au pardon mutuel, à l'amour de
l'ennemi comme temps du Royaume de Dieu est autant plus revoltant
qu' aimer Dieu et aimer le prochain comme soi-même vaut mieux que
toutes les prescriptions de la loi (cf. Mc 12,32-33). Le salut du Royaume de
Dieu pour lui consiste en premier lieu dans le pardon des péchés
et dans la joie de rencontrer la miséricorde illimitée et
imméritée de Dieu. Car éprouver l'amour de Dieu veut dire
expérimenter que l'on est accepté absolument, accueilli et
infiniment aimé, que l'on a la possibilité et le pouvoir de
s'accepter soi-même et d'accepter les autres. Le salut est la joie en
Dieu, qui a pour conséquence la joie auprès du prochain et avec
lui. De telles conceptions n'ont attiré sur Jésus que haine et
jalousie dont le prix sont la passion et la croix.42(*)
III.2.2. Une offrande
dramatique et suppliante
« C'est lui qui, aux jours de sa chair, ayant
présenté avec une violente clameur et des larmes, des
implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la
mort » (5,7a). Par le rappel de la condition existentielle du
Christ, l'auteur cristallise notre attention sur ses épreuves, ses
souffrances. Jésus prie et supplie celui qui peut le sauver de la
mort ; il crie et pleure. L'auteur nous invite à contempler
l'angoisse de Jésus devant le mystère de la souffrance et de la
mort. Il nous rappelle les évènements de Gethsémani que
les synoptiques présentent comme un moment par excellence de la
tristesse et de l'angoisse de Jésus (Mt
26,36-56 ;Lc22,39-53 ;M14,32-42). « mon âme est triste
à en mourir » (Mc14,334).
Le P. Grelot interprète la présence des trois
disciples comme le vouloir de Jésus de les associer à sa
prière où il est appelé à opérer un choix
libre décisif devant la volonté de Dieu. Toutefois, il ne peut
véritablement bénéficier de l'appui affectif de ceux-ci
qui ne tardent pas à s'endormir (Mc14,37.40) ;
Mt26,40.43 ;Lc22,45). La confiance en Dieu, à travers
prières et supplications reste son seul soutien :
« Abba, Père ! tout t'est possible : emporte
loin de moi cette coupe. Mais, non pas ce que je veux mais ce que tu
veux » (Mc 14, 36). Autant est grande la tentation
d'échapper à la mort et à l'angoisse ambiante,
Jésus opte pour la décision héroïque d'accomplir la
volonté de Dieu. « Une telle remise de soi entre les mains
de Dieu, à un moment où sa volonté peut sembler la plus
incompréhensible, traduit tout ensemble une foi nue et un amour
totalement détaché de soi »43(*).
Par ailleurs, les cris et larmes dont parle l'auteur font
penser à l'agonie de Jésus en Croix. Ici le témoignage des
évangélistes différe. L'orientation johannique tend
à superposer la mort de Jésus à son entrée dans la
gloire. Ainsi, pour Jean, Jésus domine l'angoisse. Les paroles sont en
rapport avec l'acte de sa mort. Dans sa prière sacerdotale (Jn 17), les
paroles de Jésus sont imprégnées de certitudes de foi en
sorte que sa dernière parole est une conclusion à tout son
ministère : « Tout est
accompli » (Jn19,30).
Pour Luc, l'interprétation du cri d'angoisse de
Jésus est une remise confiante de soi entre les mains de Dieu. La parole
de Jésus se situe au plus profond de la
foi : « Père entre tes mains je remets mon
esprit » (Lc 23, 46 cf. Ps31,6). L'évangéliste va
au-delà de l'expérience douloureuse du Christ. Fidèle
à montrer Jésus comme le révélateur de la
miséricorde divine, il voit d'une part l'ouverture de Jésus
à son Père auquel il remet son esprit et d'autre part il pense
aux hommes à qui il désire assurer le pardon de Dieu :
« Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils
font » (Lc 23,34a).
Matthieu et Marc mettent la prière du Ps22,2 sur les
lèvres de Jésus : « Mon Dieu, mon Dieu
pourquoi m'as-tu abandonné ? » comme expression de
la prière et des sentiments de Jésus en croix ; Marc et
Matthieu présentent mieux, l'expérience intérieure de
Jésus, en tant qu'expression globale d'une foi qui inclut toujours
l'espérance par motif de confiance en Dieu. Dans ce sens, la
prière s'inscrit à l'intérieur d'un dialogue. Un dialogue
fait dans le plus grand respect envers Dieu qui lui valut l'exaucement de sa
prière.
L'exaucement de la prière de Jésus dont
mentionne ici l'auteur, est difficile à comprendre . Jésus a-t-il
demandé dans sa prière d'être exempté de la mort ou
de l'angoisse, de la peur de la mort ? Quel est le contenu
de : « Il fut exaucé en raison de sa
crainte » ? Harnack trouvant dans l'objet de la
prière le fait d'être préservé de la mort, suppose
qu'un copiste aurait supprimé, la négation. Pour lui, l'auteur
aurait écrit : le Christ « n'a pas été
exaucé, bien qu'il fût Fils ». Cette
interprétation ne trouvant aucun fondement dans la critique textuelle ne
peut être acceptée, remarque VANHOYE. Pour ce dernier, l'auteur ne
dit pas que Jésus ait demandé de ne pas mourir, il ne donne
aucune précision sur le contenu de la prière et donc il ne faut
forcer le texte. Il rejette aussi le point de vue de Jérémias
pour qui Jésus a demandé la résurrection. Argument
cohérent, mais aplatit le texte.
Pour HARING, le terme
«åýëáâåßá»
désigne la peur de la mort. Ainsi Jésus a demandé
d'être libéré de la peur. Il a été
exaucé parce qu'il reçut la force de surmonter son angoisse et
d'affronter avec courage la mort. Marc présente Jésus
réconforté à l'approche du traître (cf. Mc14,42).
Cette position force encore le sens du mot
« eulabeia ».
En fait,
« åýëÞâåßí»
étymologiquement signifie : « bonne
compréhension », « attention
précautionneuse » avec un sens religieux de
« crainte ». Suivi de la préposition
« Üðü » : « en
raison », on peut ainsi traduire : « il a
été exaucé en raison de son profond
respect ».
Ce qui permet l'exaucement de la prière est avant tout
l'attitude de respect profond de Jésus envers Dieu. Au-delà des
douleurs et de l'angoisse que cause la mort menaçante, l'auteur veut
souligner que Jésus n'a pas cherché à s'imposer à
Dieu, il s'est au contraire, dans sa prière, ouvert à l'action de
Dieu, privilégiant ainsi sa relation à Dieu. L'objet de la
prière, fruit de l'instinct de vie, se trouve dès lors
relégué au second plan : « Cependant, non pas
ce que je veux, mais ce que tu veux, toi » (Mt 26,39). La
prière transforme ainsi le désir instinctif, pour conformer toute
la volonté à celle du Père. Cette prière de
Jésus devient une offrande à Dieu. C'est pourquoi Vanhoye
souligne que : « Jésus ne renonce pas à
demander la victoire sur la mort ; mais il s'en remet complètement
à Dieu pour le choix de la route à suivre »44(*). C'est ainsi que
présentée avec un profond respect, la prière de
Jésus fut exaucée par la victoire complète sur la mort,
mais par les biais de la souffrance et de la mort mêmes.
III.2. 3. La souffrance du
Christ : éducation à l'obéissance
L'obéissance est la caractéristique de
l'esclave. « Le Christ, lui, qui était dans la condition
de Dieu, n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être
traité à l'égal de Dieu ; mais au contraire, il se
dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur
(äïõëïò). Devenu semblable aux hommes et
reconnu comme homme à son comportement, il s'est abaissé
lui-même en devant obéissant jusqu'à mourir, et à
mourir sur une croix » (Ph 2,6-8). Cette hymne paulinienne
résume en mieux la pensée de l'auteur sur l'obéissance
héroïque du Christ. La souffrance est ce qui anéanti
l'homme. Job et Jérémie en savent quelque chose. Avec
Jésus, la souffrance devient un apprentissage, une transformation
profonde de l'être, une valeur, une occasion de rencontre personnelle
avec Dieu. « Par la souffrance, Dieu purifie l'homme et le
transforme, il le pénètre de sa sainteté (He 12,10) de
façon à pouvoir l'introduire dans son intimité. Il met en
lui la docilité, la disponibilité véritable, condition de
l'union parfaite dans l'amour »45(*). Telle est l'expérience humaine : en
souffrant, on apprend ; pas de science sans l'expérience de la
souffrance, cette souffrance qui ne peut être bannie d'une vie humaine
puisqu'elle la consacre et la parfait : qui n'a pas souffert n'est pas
pleinement homme.46(*)
Dire que tel fut le chemin du Christ néanmoins, n'est
ce pas stupéfiant ? Lui qui est « Fils de
Dieu » ( 4,17), « expression parfaite de
l'être du père »(1,2-3), avait-il besoin
d'apprendre l'obéissance ? En effet, « cette
éducation ne lui était pas nécessaire à lui
personnellement »47(*) car, Jésus n'a jamais été
indocile à son Père, lui qui n'a pas péché (4,15).
C'est pour nous, et pour le salut de tout de genre humain qu'il s'est
dépouillé et dit : « Me voici ! Ô
Dieu, je viens faire ta volonté »(10 ,7). C'est pour
notre nature humaine déformée par la désobéissance
qu'il a accepté de se « faire chair » pour
la redresser. Et la redevance de nature devant Dieu était le prix de la
souffrance pour qu'elle soit totalement refondue afin qu'en résulte un
homme nouveau, qui corresponde parfaitement à l'intention divine :
être obéissant. « Seul le Christ, qui n'a pas besoin
pour lui-même, en a été capable et s'y est effectivement
soumis dans le drame de sa passion »48(*). Ainsi pour l'auteur, cette soumission
douloureuse à son Père de laquelle le Christ apprit
l'obéissance est l'acte sacrificiel par excellence qui fait de lui le
grand prêtre parfait et octroie par lui, aux hommes, le salut.
III.3. Le sacrifice du
Christ comme acte rédempteur (vv. 9-10)
Dans cette dernière phrase de notre péricope
(5,9-10), l'auteur exprime les trois conséquences de la passion du
Christ étroitement liées entre elles. En effet, le Christ qui,
bien qu'il fut Fils apprit, de ce qu'il souffrit,
l'obéissance « et ayant été rendu parfait(1)
il devint pour tous ceux qui lui obéissant cause du salut
éternel, (2) ayant été proclamé par Dieu grand
prêtre à la manière de
Melchisédech(3) »(5,9-10). Pour mieux comprendre cette
phrase, le recours au grand exposé du 5,11-10,39 est absolument
nécessaire, car l'auteur y développe largement sa pensée
sur la valeur sans égale du sacerdoce et du sacrifice du Christ. C'est
ainsi que les trois conséquences constitueront respectivement l'objet de
notre préoccupation en cette sous-partie.
III.3.1. La transformation du
Christ (v. 9a)
Le grand prêtre doit « offrir dons et
sacrifices pour les péchés »(5,2). De même
le Christ devrait comme tous les grands prêtres juifs remplir cette
charge cultuelle pour être prêtre. Son sacrifice a consisté
à offrir des « prières et des
supplications », c'est à dire son être propre. Il
s'est engagé lui-même dans une offrande douloureuse et suppliante
à offrir toute sa personne, à travers la passion et la croix ,
à « celui qui pouvait le sauver de la
mort ». On peut dire qu'il s'est offert lui-même en
sacrifice sanglant sur la croix. Plus que le sacrifice aaronique qui
était rituel, extérieur à celui qui offre ; celui du
Christ est personnel et existentiel (cf. He 9,14). Jésus s'offre
volontairement en victime sacrificielle (cf.1Cor 5,17). Ceci est manifeste
concrètement dans son ministère à travers les paroles de
l'institution de l'Eucharistie : « ceci est mon corps
donné pour vous... ceci est mon sang...» (cf. Mc10,45,
Mt26,26-28, 1Cor11) et son attitude à Gethsémani :
« tout est accompli »(Jn 19, 30).
L'auteur utilise l'expression « s'offrir
soi-même » (7,27) pour caractériser le don de sa
personne dans la passivité. En effet par la façon de supporter
les souffrances et la mort, le Christ a été extrêmement
actif dans sa passion et il a réalisé une oeuvre de
transformation positive qui dépasse en valeur la première
création49(*).
L'auteur traduit cette transformation par « ayant
été rendu parfait ». Le Christ, suivant la logique
de l'auteur est rendu parfait par Dieu du fait qu'il fut douloureusement
éduqué à l'obéissance. L'acte de perfection est
accueilli dans la passivité par le Christ. L'emploi du verbe
« ôåëåéïù »par
l'auteur au passif et dans la forme du participe aoriste retient notre
attention.
L'aoriste est un temps qui marque le caractère ponctuel
d'un évènement, sans idée de durée ni de
continuité ni de répétition ni même le plus souvent
de temps. Il indique ainsi que l'action se situe dans le passé et est
considérée comme terminée. Ainsi l'acte de transformation
du Christ est situé dans le passé. Il fut transformé par
Dieu au moyen de la passion douloureuse. Le Christ se laisse modeler dans les
mains de son père (sens du passif) en lui remettant son esprit.
Dire que le Christ s'est sacrificié lui-même,
c'est aussi affirmer qu'il est à la fois la victime offerte dans la
passivité et le prêtre qui officie activement. Telle est une
réalité nouvelle pour la tradition aaronique car les
prêtres israélites étant pécheurs ne pouvaient et
n'étaient pas dignes de s'offrir eux-mêmes comme
« victime sans tâche » (Ex 29,1 et Lv1,
3.10). Seul le Christ qui est « sans
péché » (4,5) se trouve digne d'être une
victime sacrificielle pouvant être agréable à Dieu. Aucun
prêtre n'était aussi digne de faire monter jusqu'à Dieu
cette offrande sainte. C'est ainsi que « poussé par
l'Esprit éternel, Jésus s'est offert lui-même à Dieu
comme une victime sans tâche » (He 9,14). La mention de
l'Esprit éternel par l'auteur nous rappelle la présence du feu de
Yahwé qui symbolisait la consécration sacerdotale des
prêtres aaroniques (cf. Lv 9, 24 ;1R18,38 ;2Ch7,1).
Pour l'auteur en fait, le vrai sacrifice est une
réalisation qui dépasse les forces humaines, il y faut une
intervention de Dieu qui transforme l'homme en lui communiquant sa
sainteté. La transformation de Jésus est ainsi une oeuvre de
l'Esprit. Pour VANHOYE, le fait que Jésus ait affronté les
circonstances dramatiques dans la prière est un signe de la
manifestation de l'esprit de Dieu. Ainsi, « suscitée et
guidée par l'Esprit, la prière a ouvert la situation humaine
à l'action de Dieu qui, par l'Esprit, a donné la victoire,
à travers l'obéissance douloureuse »50(*). Pour lui, c'est l'esprit
qui a inspiré une adhésion parfaite de Jésus à la
volonté de Dieu et l'a porté à la solidarité
fraternelle avec les hommes jusqu'à la mort. Dès lors,
Jésus, par la force de l'Esprit Saint, est transformé de par son
amour pour Dieu et pour les hommes. Ce qui montre qu'au-delà du
sacrifice sanglant, le sacrifice du Christ est une oeuvre de l'Esprit Saint.
Et, c'est cette dimension spirituelle de l'offrande du Christ
qui assure au sang du Christ le pouvoir d'agir au plus profond de l'homme, en
purifiant les consciences, et en établissant une communion authentique
avec Dieu. L'auteur trouve ainsi dans la transformation de Jésus,
l'accomplissement de la prophétie de Jérémie 33,31-34
qu'il reporte en He8,8-12. Le sang de Jésus, de valeur expiatoire
(cf.Mt26,28 ;He9,15), établit une alliance d'amour entre
l'humanité et Dieu. Le sang du Christ versé sur la croix a aboli
l'obstacle du péché, obstacle à l'existence d'une
véritable alliance. Acte d'obéissance totale envers Dieu et de
solidarité extrême envers les hommes, la mort du Christ introduit
l'humanité dans la communion définitive avec Dieu et devient une
source de « salut pour tous ceux qui lui
obéissent »(5,9).
III.2. Le Christ,
Rédempteur des hommes (v. 9b)
Le Christ est « rendu parfait »
par une offrande personnelle que Dieu a agréée une fois pour
toutes. « Il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent
cause du salut éternel »(5,9). Son unique sacrifice
remplace et surpasse tous les sacrifices anciens parce qu'il est transformation
profonde de tout l'homme et de tout homme, sanctification non pas rituelle mais
réelle. Par cette offrande personnelle, s'effectue un double mouvement
de transformation : assimilation du Christ à l'homme par le biais
d'une éducation douloureuse et une élévation de l'homme
dans le Christ à la perfection. En effet, c'est par la souffrance que le
Christ apprit l'obéissance de laquelle il fut rendu parfait par Dieu.
Etant parfait, il peut offrir le salut. La souffrance du Christ et sa
transformation sont pour tous ceux qui adhèrent à lui, la source
du salut éternel.
En prenant notre condition par son incarnation, le Christ a
pleinement assumé notre humanité dans des demandes et des
supplications avec un cri très fort et des larmes. Il s'est fait l'un de
nous en partageant notre condition, nos joies et nos peines. C'est ainsi
« qu'il a poussé cette solidarité avec nous
à tel point qu'en priant pour lui-même, il priait du même
coup pour nous et qu'exaucé pour lui-même, il obtenait en
même temps notre salut à nous. La transformation effectuée
en lui n'est pas une transformation individuelle d'un homme isolé, elle
est transformation de l'homme, communicable à tout
homme »51(*). C'est dans cet optique que l'auteur présente
le Christ comme celui qui a assuré le mieux la médiation
sacrificielle par l'offrande de son corps une fois pour toutes. Il est ainsi
capable de « rendre parfait » pour toujours ceux qui
reçoivent par lui la sainteté(cf. He10,4). Tous sans exception
peuvent bénéficier de ce salut par l'obéissance de la foi.
« Il s'agit de chaque homme , parce que chacun a
été inclus dans le mystère de la Rédemption et
Jésus Christ s'est uni à chacun, pour toujours, à travers
ce mystère »52(*). Cette Rédemption s'inscrit dans la ligne
d'une nouvelle alliance annoncée par le Prophète
Jérémie. Dieu en Jésus a écrit sa Loi dans le coeur
de tout homme, au moyen de la mort obéissante et transformatrice de
Jésus. En lui, qui est l'Agneau sans tache, nous sommes
récréés et devenus capables par lui de vaincre les
épreuves de la mort en disant : « Me voici,
ô père, je viens faire ta
volonté ! »(He 10,7).
Nous sommes entrés dans la dynamique oblative du don de
nous-mêmes, grâce à lui par qui, un homme nouveau existe,
formé dans l'adhésion parfaite à la volonté de
Dieu. En nous, un coeur nouveau existe, un coeur d'homme transformé,
« rendu parfait » et totalement uni à Dieu
et nos frères53(*).
Tel est le sens de la Rédemption du Christ pour nous. La foi en Christ
nous fait participer sans ambages à la victoire du Christ sur la mort.
Elle nous ouvre un nouveau mode d'existence : une existence en Dieu
à travers nos frères gouvernée, par la dialectique de
l'Amour ; c'est ainsi que la foi nous fait participer au sacerdoce
même du Christ, notre excellent Médiateur.
III.3.Le Christ, Excellent
Médiateur
L'homme pécheur ne peut s'approcher de Dieu très
saint sans une transformation profonde de son être. Il faut au
préalable une consécration sacerdotale. L'auteur ici fait
abstraction du rituel proposé en Lv 8,22-28 pour proclamer le Christ
grand prêtre en citant l'oracle du Ps 110,4 : « Tu es
prêtre à jamais selon l'ordre de
Melchisédech » (He5,6.10). L'auteur cite ce psaume deux
fois en notre péricope en 5,6 et 5,10. Il veut marquer non seulement, en
y insistant, le type particulier du sacerdoce du Christ (unique et
éternel) mais aussi et surtout la supériorité de son
sacerdoce par rapport à celui d'Aaron (proclamé par serment). Le
serment divin assure, en effet, une validité indéfectible au
sacerdoce et à la médiation de
Jésus : «Et dans la mesure où cela ne s'est
pas réalisé sans prestation de serment. - Car, alors que les
autres sont devenus prêtres sans prestation de serment, lui, c'est avec
prestation de serment par Celui qui lui dit : le Seigneur jura et ne se
dédira pas : tu es prêtre pour l'éternité -
dans cette mesure, c'est d'une meilleure alliance que Jésus est devenu
garant »( He 7,20-22).
Le sacerdoce du Christ trouve avant tout son fondement dans la
« téleiosis », la transformation profonde
de son être et avec lui de toute l'humanité. En effet, mu par la
docilité totale envers Dieu et l'amour fraternel pour les hommes, le
Christ a pris sur lui, jusqu'au bout, la condition humaine misérable
pour la mener à sa perfection à travers son assimilation
humiliante. Par la passion et la mort qu'il a accepté librement, il
apprit l'obéissance et fut « rendu
parfait » c'est-à-dire accrédité
auprès de Dieu. Et, tous les hommes qui adhèrent à lui
dans la foi, parviennent grâce à lui, au Salut. Le Christ
glorifié étant éternellement assis à la droite de
Dieu et intervenant efficacement pour le salut des hommes est donc le
médiateur par excellence, « le grand prêtre qui nous
convenait, saint, innocent immaculé, séparé des
pécheurs et plus élevé que les cieux, qui n'a pas chaque
fois besoin, comme les autres grands prêtres, d'offrir des sacrifices
d'abord pour ses propres péchés, ensuite pour ceux du peuple.
Cela, il l'a fait une fois pour toutes, en s'offrant
lui-même » (7,26-27). Il fut consacré prêtre
à travers la voie de la faiblesse de l'humiliation, pour enlever le
poids de la faiblesse humaine et de la mort. Sa téleiosis est pour lui
une consécration sacerdotale.
Son sacerdoce n'est pas comme celui des grands prêtres
aaroniques, qui ne pouvait véritablement assurer la médiation.
Dans le Christ, Fils de Dieu, incarné dans la chair et le sang, rendu
parfait à partir d'une éducation douloureuse, la médiation
est réalisée entre le niveau le plus bas de la misère
humaine et les sommets jusqu'alors inaccessibles de la sainteté divine.
Le Christ est donc un éternel médiateur, assurant un sacerdoce
qui échappe à l'étroitesse des prescriptions
mosaïques mais qui l'accomplit et l'ouvre à une perspective
nouvelle selon le sacerdoce de Melchisédech. Dès lors, l'unique
offrande du Christ suffit à tout : « elle est
à la fois sacrifice de consécration sacerdotale pour
lui-même et le sacrifice d'expiation des péchés pour tous
les hommes, sacrifice qui fonde l'alliance et sacrifice d'action de
grâces. Bref, elle remplace, en les surpassant, tous les sacrifices
anciens, précisément parce qu'elle est transformation profonde de
l'homme, sanctification non pas rituelle mais
réelle »54(*).
En somme, au-delà des parallélismes entre les
deux parties du texte : He 5,1-4 et He5,5-10, l'auteur présente le
Christ comme le grand prêtre par excellence. Étant Fils de Dieu,
il s'est anéanti en se faisant chair. Et au-delà de la faiblesse
humaine, il a souffert jusqu'au scandale de la croix. De toutes ces souffrances
aussi bien sociale, morale que physique, il est resté fidèle
à Dieu, en les offrant dans les cris et les larmes, et fut
exaucé. Il apprit ainsi l'obéissance et fut rendu parfait par sa
résurrection. Bien que pour lui-même, il n'en avait pas besoin,
c'est pour le genre humain qu'il fut transformé. Une téleiosis
dont bénéficie tous ceux croient lui. Ainsi, assis
éternellement à la droite du Père, le Christ est le grand
prêtre, médiateur par excellence entre Dieu et les hommes. Se
faisant un avec les hommes, il est devenu
leur « Go'el », leur Rédempteur.
L'Église par ses ministères, a le devoir de faire connaître
à tous les hommes le salut obtenu en Jésus Christ.
CHAP IV :
LE MINISTERE PASTORAL COMME
UN SERVICE DE LA MISERICORDE DE DIEU
Après ce parcours exégétique de He
5,1-10, il nous reste de voir l'impact du sacerdoce du Christ dans la vie de
l'Église. En effet, par la transformation sacrificielle du Christ, un
nouveau sacerdoce est inauguré. Il n'est pas une rupture totale avec le
sacerdoce d'Aaron mais en est l'accomplissement. Le Christ qui n'est pas venu
abolir, mais accomplir, (cf. Mt 5,17) a mené à sa perfection,
c'est-à-dire selon le dessein de Dieu, le sacerdoce aaronique. En sa
personne, il fut à la fois la victime et le prêtre. Par son
sacrifice unique et éternel, tous les sacrifices de sang d'animaux ne
trouvent plus leur raison d'être. Le Christ est devenu pour tous ceux qui
croient en lui, la cause du salut éternel, et le Médiateur par
excellence. L'Église, assemblée des fidèles du Christ, est
la « maison spirituelle » où tous
participent au sacerdoce du Christ en offrant avec et par lui leur personne
dans la charité, icône de la communion trinitaire. Ainsi, partant
d'abord du sacerdoce du Christ comme fondement de la
ministérialité dans l'Eglise, nous spécifierons ensuite le
ministère pastoral comme un instrument important de l'unique oeuvre du
salut en Jésus Christ. Et c'est enfin alors que nous nous pencherons
brièvement sur la figure du prêtre aujourd'hui dans la province
ecclésiastique de Garoua, comme acteur et signe de la miséricorde
divine en Jésus.
VI.1. De la
sacerdotalité du Christ à la ministérialité de
l'Église55(*)
La plénitude du sacerdoce du Christ se manifeste dans
le changement de situation qu'il apporte aux hommes : « le
droit reconnu d'entrer dans le sanctuaire par le sang de Jésus chemin
nouveau et vivant , qu'il a inauguré à travers le voile,
c'est-à-dire sa chair »(He 10,19-20). La passion
du Christ l'assimile complètement à ses frères et fonde
une nouvelle solidarité plus étroite entre lui et eux. Tous les
peuples sont ainsi associés à son sacerdoce et peuvent offrir en
lui un culte véritable : un culte qui consiste
« à transformer l'existence même au moyen de la
charité divine, vrai feu du ciel »56(*). Ce culte de la
charité, cette transformation de l'existence n'est possible que
grâce à la médiation sacerdotale du Christ, qui communique
aux croyants la force purificatrice et rénovatrice de l'Esprit. C'est
par le Christ et en lui que les croyants forment un peuple nouveau,
une « assemblée des saints » :
l'Église.
L'Église, née de la transformation du Christ et
du don de l'Esprit, prend corps dans l'histoire comme ce à quoi la foi
pascale donne lieu. De ce fait, elle est d'ores et déjà une
réalité locale : elle naît et existe là
où des hommes et des femmes accueillent l'Évangile comme Bonne
Nouvelle de salut pour eux, le célèbrent, le partagent et
l'attestent. Elle se construit dans une expérience de foi en
Christ : seule voie d'accès à la transformation de
l'existence.
Communauté de foi, l'Église prend source dans le
ministère et le sacerdoce du Christ. Elle est le lieu et la
médiation d'une présence nouvelle et sacramentelle du Christ.
« Indissolublement liée à son Seigneur, elle
reçoit constamment la grâce et la vérité, le
gouvernement et le soutien, afin de pouvoir être pour tous et pour
chacun « signe et instrument de l'union intime avec Dieu et de
l'unité de tout les genre humain ». »57(*) C'est dire que la Christ
est l'unique grand prêtre de la nouvelle alliance, le prêtre
toujours vivant qui continue inlassablement d'intercéder pour le genre
humain. Il est le seul auquel le vocabulaire sacerdotal puisse être
appliqué en rigueur de termes. Et cela même si le peuple de Dieu,
l'Église reste le lieu privilégié où s'exerce son
sacerdoce, et, donc, par ce biais, peut être qualifié de
sacerdotal. Et cela aussi, même si les ministères multiples
à l'oeuvre dans la communauté peuvent être qualifiés
de sacerdotaux en tant qu'ils continuent l'oeuvre de Jésus apôtre,
et assistent le peuple de Dieu dans sa grande marche de la terre jusqu'au ciel
par la foi, l'espérance et la charité.
En tant que peuple sacerdotal, l'Église est au service
de Dieu et du monde comme son Seigneur (cf. Mc 10,45 ;Mt
20,28 ;25,44 ; Ph2,7). Ce service du Père et des hommes,
chacun des membres de l'Église est appelé à accomplir sa
part, à la mesure des dons que Dieu lui a fait. St Pierre parlent de la
participation de tous les fidèles « comme des pierres
vivantes apprêtées à l'édification d'un
édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, en vue d'offrir des
sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus
Christ » (1P2,5). La foi est donc la nouvelle condition qui
permet aux hommes, tout imparfaits qu'ils sont, d'exercer des fonctions
sacrées et d'entrer comme prêtres au service de Dieu. Cette
fonction sacrée est située dans l'aspect d'offrande existentielle
qui consiste à ouvrir à l'action transformante de Dieu,
l'existence personnelle et sociale des Chrétiens : Tel est le sens
du sacerdoce commun.
Toutefois, à côté de l'aspect d'offrande,
il y a l'aspect de médiation qui ne revient à proprement parler
qu'au Christ : « Dieu est unique, unique aussi le
médiateur de Dieu et des hommes, le Christ Jésus, homme qui s'est
donné en rançon pour tous » (1Tim2,5). Les textes
du Nouveau Testament expriment les caractéristiques du ministère
apostolique ou pastoral comme des instruments vivants du Christ
Médiateur. Les « dirigeants » de He 13,7.17, les
« presbytres » et les « pasteurs » de
1P 5,1-2 et l'apostolat de St Paul (cf. 2Co5,18 ;Rm15,16)
révèlent que « le ministère apostolique et
pastoral chrétien a pour fonction spécifique de manifester la
présence active du Christ Médiateur, du Christ prêtre, dans
la vie des croyants, afin que ceux-ci puissent accueillir explicitement cette
médiation et transformer grâce à elle toute leur
existence »58(*).C'est ainsi qu'au sein de la
ministérialité de l'Église entière, émerge
un ministère principal et structurant dont les apôtres sont, de
par la volonté de Jésus, le prototype et la source secondaire.
Ils sont donc les continuateurs de l'oeuvre du christ, comme
représentants de toute l'Église, mais encore à un titre
spécial comme ceux qui structurent et dirigent cette Église au
nom de Jésus. Le ministère pastoral est donc la manifestation
tangible de la médiation sacerdotale du Christ dont la tâche
principale est d'établir et de favoriser la communion. Ce
ministère, celui des prêtres en particulier, retiendra notre
attention dans toute la suite de notre réflexion.
IV.2. Le ministère
pastoral, instrument de l'oeuvre du salut en Jésus59(*)
Le ministère des prêtres s'inscrit directement
dans le dynamisme de la sacramentalité de l'Église,
c'est-à-dire dans une communauté de disciples appelée
à être signe et témoin de la présence de Dieu parmi
les hommes. Il est un service de la communion qui fait l'identité et
l'authenticité de la mission de l'Église dans le monde. C'est
ainsi qu'il est un ministère structuré en trois tâches
principales qui forment une unité : le service de la parole, le
service des sacrements et la responsabilité pastorale qui achève
d'assurer l'unité, la cohésion et la communion
ecclésiale.
IV.2.1. Le service de la
parole
« Le peuple de Dieu est rassemblé d'abord
par la parole du Dieu vivant qu'il convient d'attendre tout spécialement
de la bouche des prêtres. Et puisque nul ne peut être sauvé
sans avoir d'abord cru, les prêtres, comme coopérateurs des
évêques, ont pour première fonction d'annoncer
l'Évangile à tous les hommes ».60(*) Ce texte du Vatican II
atteste bien que le ministère principal des prêtres est l'annonce
de la Parole de Dieu. Ceux-ci annoncent une parole qui leur vient du Seigneur
Jésus : « il s'agit pour eux d'enseigner, non
pas leur propre sagesse, mais la parole de Dieu, et d'inviter tous les hommes
avec insistance à la conversion et à la
sainteté »61(*).
Toutefois, être fidèle à la parole ne veut
pas dire être « répétiteur ». Il s'agit
pour les ministres de la parole d'être des témoins officiels
convaincus et convaincants, de véritables propagateurs et messagers de
la foi. Ce qui implique une exigence d'authenticité, de
conformité avec la foi de l'Église, gardienne de la
vérité sur Dieu et sur l'homme. L'annonce de la parole, sans
trahir, nourrit et entretient la foi des chrétiens. Elle doit être
une parole « capable d'atteindre et comme de bouleverser par la
force de l'Évangile les critères de jugement, les valeurs
déterminantes, les points d'intérêts, les lignes
de pensée, les sources inspiratrices et les modèles de vie de
l'humanité, qui sont en contraste avec la parole de Dieu et le dessein
du salut »62(*). Pour que, l'annonce remplisse efficacement cette
tâche, elle exige d'être soutenue par le témoignage de vie.
« Dans tous les domaines, les prêtres ont moins à
enseigner qu'à témoigner de Celui qui les fait
vivre »63(*) observe Michel Mounier, car l'homme moderne est
rassasié de discours, immunisé contre la parole, il a
dépassé « la civilisation du verbe »
et vit aujourd'hui dans « la civilisation de
l'image », de l'exemple64(*)
IV.2.2. Ministère des
sacrements
Le ministère apostolique et pastoral a pour fonction
spécifique de manifester la présence active du Christ
médiateur, du Christ prêtre dans la vie des croyants afin que
ceux-ci puissent accueillir explicitement cette médiation et transformer
grâce à elle toute leur existence. Cette manifestation est d'abord
et avant tout l'oeuvre de l'annonce de la Parole qui suscite la foi. Une foi
qui s'exprime par des signes existentiels efficaces que sont les sacrements.
Les sacrements de l'Église sont dès lors des instruments par
excellence de la médiation du Christ. Leur valeur provient uniquement de
l'offrande existentielle du Christ, dont ils ne font qu'actualiser la
présence. Ils donnent aux fidèles la possibilité
d'adhérer pleinement, de corps et d'âme à cette offrande et
de se laisser transformer par elle.65(*) Présidés par le ministre pastoral,
représentant spécial du Christ en personne, les sacrements sont
l'expression de foi de toute la communauté. Bien qu'agissant in
persona Christi, le prêtre est au service de l'Alliance, il est
chrétien avec les chrétiens, ministres ou serviteurs pour le
peuple des baptisés.
C'est dans cette perspective que le ministre pastoral
s'inscrit au sein et au service d'un peuple tout entier convoqué et
envoyé comme un signe symbolique et efficace de la médiation
sacerdotale du Christ. De ce point de vue, par les sacrements qu'il
préside, le prêtre actualise et réalise « en
la personne du christ tête »66(*) l'oeuvre rédemptrice du Christ et
manifeste ainsi la miséricorde de Dieu pour le genre humain . C'est
ainsi que par le baptême, les prêtres font « entrer
les hommes dans le peuple de Dieu ; par le sacrement de pénitence,
ils réconcilient les pécheurs avec Dieu et avec
l'Église ; par l'onction des malades, ils soulagent ceux qui
souffrent ; et surtout par la célébration de la messe, ils
offrent sacramentellement le sacrifice du Christ »67(*).
Toutefois, l'eucharistie plus que tous les sacrements est le
sommet et la source de toute la vie de l'Église. En tant qu'elle est
mémorial sacramentel de la mort et la résurrection du Christ,
représentation réelle et efficace de l'unique sacrifice
rédempteur, elle est donc le principe, le moyen et la fin du
ministère sacerdotal. Toute la vie du prêtre est sacramentellement
une offrande, une hostie comme signe de l'amour gratuit de Dieu.
« Puisque le ministre prêtre offre au Christ, prêtre
souverain et éternel, son intelligence, sa volonté, sa voix et
ses mains afin qu'à travers son ministère, il puisse offrir au
Père le sacrifice sacramentel de la rédemption, il devra aussi
faire siennes les dispositions du Maître et comme Lui, vivre comme don
pour ses frères »68(*). Il est donc exigeant pour le ministre pastoral
d'être un véritable témoin, un révélateur du
visage miséricordieux du Christ au milieu de ses frères.
IV.2.3. La
responsabilité pastorale
Les évangiles attestent clairement que Jésus a
confié certains pouvoirs aux Douze. En Mt 10,40, Jésus affirme
qu'à travers les disciples, c'est lui qu'on accueille. Ce qui signifie
que leur autorité tire toute sa force du fait qu'ils représentent
le Christ et que celui-ci agit en eux (cf. Mt 16,18-19). Évidement, il
s'agit d'une autorité qui s'exerce comme service
(cf.Mc10,45 ;Mt20,28) voire un esclavage. Cette autorité doit
imiter celle de Jésus qui, tout Maître qu'il était, a
lavé les pieds de ses disciples (cf. Jn 13,12-16), une autorité
qui va à la recherche de la brebis égarée(Jn10,1ss).
Le prêtre est un pasteur, un berger (cf. Jn10,11) dont
le rôle est de veiller à la communion d'amour entre les
fidèles. « Il doit veiller à l'unité
dans la foi et à la communion dans la
charité »69(*). C'est donc une tâche qui demande de la
patience, du renoncement à soi et une réelle maîtrise de
son affectivité et de sa sensibilité. Le prêtre ne
s'appartient pas, il vit et existe pour sa communauté : c'est pour
elle qu'il prie, étudie, travaille et se sacrifie comme l'a fait le
Christ pour son Église.
Le ministère des prêtres doit manifester que la
communion reste toujours un don qui s'enracine dans la communion trinitaire et
s'exprime dans une même foi, une même eucharistie, un même
amour fraternel avec ce que cela suppose comme accueil de la diversité,
de pardon et de la réconciliation. Les prêtres sont au service
d'une communion toujours plus effective avec l'Église Universelle, avec
l'évêque et son presbytérium, auquel ils sont liés
par une « fraternité
sacramentelle »70(*), entre les chrétiens et les différentes
communautés locales. C'est un service total à tous et à
chacun des membres de la communauté, « illuminant leur
conscience avec la lumière de la vérité
révélée, protégeant avec autorité
l'authenticité évangélique de la vie chrétienne,
corrigeant les erreurs, pardonnant, soignants les blessures, consolant les
affligés et promouvant la fraternité »71(*)
IV.3. La figures du
prêtre aujourd'hui dans la Province ecclésiastique de Garoua
IV.3.1. Prêtre, homme de
relations
« Je suis venu pour qu'ils aient la vie et
l'aient en abondance » (Jn 10, 10). Cette phrase de Jésus
montre que tout le ministère de Jésus fut un service de l'homme
pour que celui-ci ait la vie. La présence de Jésus au milieu de
ses disciples témoigne qu'il n'est pas venu pour être servi, mais
pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude (cf. Mt 20,
28). Le prêtre qui agit en la personne et au nom de Jésus doit
être lui aussi au service des hommes. Il s'agit pour lui d'être le
levain qui fait lever la pâte d'amour au sein du peuple de Dieu. Et ceci
se traduit de par son engagement radical pour la charité et la communion
et par des contacts relationnels concrets. Il doit être prêt
à se sacrifier comme le Christ pour le bien du peuple à lui
confié et dire comme saint Paul : « ma vie
aujourd'hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu,
qui m'a aimé et s'est livré pour moi » (Ga 2, 20).
Doux et humble de coeur, il doit savoir gérer les conflits sociaux.
De ce point de vue, il se veut un homme digne de confiance et
prêt à dire comme son
Seigneur : « Pardonne leur. Ils ne savent pas ce qu'ils
font » (Lc23, 34). Le prêtre peut être ainsi
comparer au « Jidim » du proverbe Tupuri :
« Je kluu din jidim, a la jaare ne hen ti » ce qui
veut dire « le chef de famille ou l'ancien est une poubelle, on
lui jette dessus les saletés ».Le commentaire que donne
le P. Silvano ZOCCARATO de ce proverbe révèle un sens sacerdotal
à l'oeuvre de l'ancien ou du chef de famille. En effet, le Jidim est le
lieu des ordures de l'enclos du chef de la famille et aussi en même
temps, il est le lieu d'offrandes sacrificielles aux esprits. Comme ce lieu, le
prêtre ou mieux l'ancien « doit tout accepter et donc
être patient, sage, garder les secrets et rester toujours plein de
préoccupations »72(*). En tant qu'homme de relation, le prêtre doit
accueillir avec simplicité et douceur toutes les critiques et paroles
proférées à son encontre et avoir pour seul souci la bonne
marche de la communauté dont il a la charge de mener à bien. Il
doit être aussi miséricordieux comme le père du fils
prodigue c'est-à-dire accueillir avec bienveillance et amour tout membre
de la communauté qui se montre rebelle ou récalcitrant. Le
prêtre est donc celui qui se donne, qui cherche d'abord le bien de
l'autre même au prix de sa propre vie : « Il n'y
a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses
amis »(Jn 15, 13). Le prêtre peut être, dans cette
condition et essentiellement dans le domaine religieux, rappeler l'image du
Go'el juif pour sa communauté.
La présence du prêtre, au milieu d'un peuple
aussi hétérogène qu'est la population de la province
ecclésiastique de Garoua, devient interpellante, questionnante, appelant
ainsi à un sens du dialogue, de relation de confiance. Son image doit
faire penser à quelqu'un qui est digne de foi et de confiance, de
quelqu'un qui comme Jésus « eut pitié des
foules » (Mt 9,36) et fit miséricorde. Le prêtre
est celui qui doit inspirer confiance et espoir non seulement des
délaissés, des laissés-pour-compte, des
marginalisés mais de tous ceux qui de prêt ou de loin
l'approchent, ceux qui partagent avec lui ou non la même foi en Christ.
De cette manière, le prêtre sera au milieu des différents
peuples du Grand Nord du Cameroun comme un signe véritable du don de
l'amour et de la miséricorde divine manifestés en Jésus
dont le prêtre fait référence et rend témoignage.
IV.3.2. Le prêtre , un
représentant sacramentel du Christ
« Moi , je suis la vigne, et vous les sarments.
Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup
de fruits, car en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » (Jn
15, 5). Le prêtre en tant qu'il est signe de la médiation
sacerdotale du Christ doit rester
« branché » sur le Christ, seule source de
sa sève. Il doit être « identifié » au
Christ vivant sacramentellement dans le monde. Il doit
« représenter de manière spéciale le
Christ en personne»73(*) pour reprendre les mots des pères du concile
Vatican II. Agissant in persona Christi capitis74(*), toutes ses paroles, ses
actions et sa vie doivent renvoyer au Christ. La détermination de ses
convictions, la cohérence de sa pensée et surtout
l'adéquation entre ses paroles et sa vie sont autant
d'éléments nécessaires à sa personne et à
son ministère. Notre temps, rappelons-le, a besoin des témoins
actifs, des hommes de foi, des « évangiles
vivants », des documents venant du Christ, écrits avec
l'Esprit du Dieu vivant, que tous les hommes peuvent lire et connaître,
pour reprendre les mots de saint Paul (cf. 2Cor3,2-3). Et toutes ces
qualités ne sont obtenues que dans la foi, par grâce, en Celui qui
nous invite à ne pas nous
inquiéter : « ne vous tourmentez pas pour savoir
ce que vous direz ni comment vous le direz : ce que vous aurez à
dire vous sera donné à cette heure-là car ce n'est pas
vous qui parlerez, c'est l'Esprit de votre Père qui parlera en
vous »(Mt10,19-20).
Le prêtre est celui qui indique Jésus. Par lui,
Jésus entre en dialogue avec tout homme, toute femme, tout enfant, tout
vieillard. Il est l'instrument, le signe, le « sacrement »
du Christ. C'est par son ministère dans l'Église, elle-même
« Sacrement du salut », que le Christ exerce son
sacerdoce éternel en prenant sur soi le fardeau de l'humanité
pécheresse.. Le prêtre, représentant du Christ, doit dire
comme saint Paul : « Je vis mais ce n'est pas moi,
c'est le Christ qui vit en moi »(Ga 2, 20).
Demeurer en Jésus, c'est aussi être sa voix au
milieu du monde. «Et tout ce que vous dites , tout ce que vous
faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus Christ, en
offrant par lui votre action de grâce à Dieu le
Père » (Col 3,17) nous dit l'apôtre des Nations. Le
prêtre est l'apôtre, le prophète et le libérateur de
notre temps. Il sert de courroie de transmission entre le Christ,
véritable et unique Médiateur et Libérateur du genre
humain. Ce rôle d'instrument peut être assimilé à la
figure du Wan Sirri dans la culture Tupuri. En effet, le Wan Sirri (Chef du
village ou de terre) assure le lien entre la vie, la religion et la tradition
sans en être détenteur. Il est en quelque sorte l'instrument de
la prospérité de la tribu parce qu'il veille, grâce aux
sacrifices, sur « les principes de la vie et de la
fécondité »75(*) sans prétendre avoir le pouvoir ou la
possession. Le prêtre, au risque des limites de comparaison, peut de
manière analogue être l'instrument de la paix, de la justice et
voire du changement social. Il doit être une source d'espérance
dans un Cameroun en proie à la corruption, à l'exploitation, aux
inégalités qui gangrènent les différentes couches
sociales
La force du prêtre loin d'être le recours aux
sacrifices sanglants, est la configuration au Christ dans la prière.
C'est par la prière douloureuse et suppliante que Jésus fut
exaucé en raison de sa piété et fut rendu parfait.
Accomplissant une fois pour toutes le sacrifice parfait qui unit l'homme
à Dieu. Une perfection qui opère la transformation même de
l'homme selon le dessein de Dieu. Représenter le Christ, c'est pour le
prêtre participer avec lui dans la prière, au même
baptême et boire à la même coupe (cf. Mc10,38-39).
IV.3.3. Le prêtre,
l'homme de communion
L'origine de la communion ecclésiale réside dans
la vie trinitaire. « Tous ceux qui sont au Christ et
possèdent son esprit constituent une seule Église et se tiennent
mutuellement comme un tout dans le Christ »76(*). C'est dans ce cadre que se
comprend la prière de Jésus : « que tous
soient un, en nous, afin que le monde croit que tu m'as
envoyé »(Jn 17, 21). L'ecclésiologie de communion
de Vatican II montre que tout est service dans l'Église. En elle, la
communion se comprend comme don. Don du Père au Fils par le Saint
Esprit, et don du Fils au Père dans l'Amour. Et de manière
analogue, le Christ se donne à l'Église son Corps dans l'Esprit,
et l'Église se constitue parce qu'elle se reçoit de
manière sacramentelle du Christ, sa Tête.
De même le prêtre est au service de cette relation
trinitaire à l'intérieur de l'Église. Il doit oeuvrer dans
le Christ pour l'unité de l'Église : « je
leur ai donné la gloire que tu m'as donnée pour qu'ils soient un
comme nous sommes »(Jn 17, 22). Faire du peuple de Dieu, un
peuple uni à son Seigneur d'une part et assurer les cohésion de
tous les fils et filles de Dieu dans une communauté de frères
d'autre part, telle est la tâche du ministère pastoral. Le
prêtre de la province ecclésiastique de Garoua doit en raison de
la multiplicité des religions dans cette partie du Cameroun incarner le
sens de la communion. Tous, musulmans, chrétiens catholiques, orthodoxes
ou protestants, ceux des religions traditionnelles, nous sommes tous les fils
d'un même Père. Partir de cela comme base de son ministère,
c'est être le signe de la miséricorde apportée par le
sacrement de l'humanité même du Christ. Être l'homme de la
communion, c'est être capable de « re-lier » les
individualités par la loi de l'amour et être le
révélateur, « l'homme de Dieu », le
représentant sacramentel du Christ Pasteur de tout le genre
humain77(*). Le
prêtre doit pour cela être le rassembleur, le conciliateur, le
miséricordieux et le prophète.
CONCLUSION GENERALE
Au terme de cette analyse, il est judicieux d'éprouver
un sentiment d'émerveillement devant l'excellence dont l'auteur de
l'épître aux Hébreux éclaire le problème du
sacerdoce du Christ. Loin d'être un terme galvaudé à
reléguer aux oubliettes, le sacerdoce revêt aujourd'hui pour nous,
comme à ces chrétiens désorientés et menacés
de découragement à qui s'adresse l'épître, un
contenu nouveau qui est la contemplation profonde du mystère du christ,
unique prêtre. Il n'est qu'à comprendre que par rapport au
ministère et au sacrifice du Christ.
Au coeur d'un monde qui se veut planétaire il est aussi
urgent de faire du sacerdoce un terme planétaire. De multiples idoles
sociales ou des pseudo-divinités auxquelles des cultes sont
rendus ( culte de sang d'animaux ou d'hommes, culte au matériel,
culte au pouvoir) pour un mieux-être, un mieux-vivre. La
méditation de l'épître aux Hébreux est plus que
jamais nécessaire pour notre monde. Le sacrifice du Christ, qui au moyen
de la souffrance et de la mort fut rendu parfait, doit pour nous être
l'unique référence pour être de véritables humains.
Par ce sacrifice, nous sommes invités à assumer en lui notre
condition d'être limités, fragiles et donc voués à
la souffrance et à la mort. Chercher à fuir la souffrance, c'est
refuser d'être créature et se hisser au panthéon de la
divinité : Erreur ! Le Christ qui « aux jours de
sa chair, ayant offert, demandes et supplications, à celui qui pouvait
le sauver de la mort, avec un cri puissant et des larmes, ayant offert et ayant
été exaucé du fait de son profond respect, bien qu'il
fût fils, apprit, de ce qu'il souffrit, l'obéissance et ayant
été rendu parfait, il devint pour tous ceux qui lui
obéissent cause du salut éternel » (He5,7-9). La
destinée commune à tous les hommes est la mort qui ne peut
être séparée de la souffrance. Chercher à
éviter la souffrance, c'est refuser d'être homme. Et l'homme
parfait est celui qu participe au sacrifice du Christ en faisant de la
souffrance une voie du salut. Tel est le sens du sacerdoce du Christ et donc du
sacerdoce chrétien. Faire de sa vie une offrande, une hostie à
Dieu par le Christ, c'est croire que la vie vaut la peine d'être
vécue. C'est accepter la vie comme un don. Un don à recevoir et
à donner avec amour au milieu de
« frères » eux- aussi participants de
l'unique don en Dieu.
Les multiples interrogations sur la question du sacerdoce et
son importance témoignent d'une crise identitaire, d'un égarement
ou mieux d'une perte du sens même de la vie. « D'où
viens-je ? Pourquoi suis-je ?Où vais- je ? comment y
aller ? » telles sont des inquiétudes que nous
devons nous poser. L'Épîtres aux Hébreux est une excellente
réponse à ces questions sur l'Être. Nous sommes faits pour
Dieu et nous allons à lui. Dans une marche commune, nous y allons mains
dans la mains avec le Christ qui nous y conduit, Médiateur par
excellence entre nous et Dieu. Sur la route certes, il y a des épreuves
que nous devons surmonter en Jésus vainqueur qui nous fait participer
à sa victoire.
Dans cette marche qui se veut commune, tous les hommes sont
concernés. C'est pourquoi tout prêtre doit être le signe de
Dieu au milieu du monde désorienté, déboussolé. Le
prêtre n'est pas à comprendre comme un homme du sacré,
séparé du reste des hommes, un homme fait uniquement pour le
sacrifice, mais un homme qui représentent le Christ, qui agit
sacramentalement in persona christi. Un homme, choisi
spécialement pour servir à la communion, à la
cohésion entre les fils et filles de Dieu.
Parvenu à la fin de cette recherche scientifique,
signalons que la tentative d'inculturation du ministère sacerdotal dont
nous avons fait mention au chapitre IV n'a pas été l'objet de
notre travail, mais elle reste tout au moins un terrain à
déblayer et à exploiter.
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
A - Encyclopédies et Dictionnaires
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Paris, Letouzey et Ané, 1990
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Cerf , 2001
2. Bible TOB, Version intégrale,
Paris, cerf, 1994
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« Bible français courant » par Maurice Carrez,
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C - Ouvrages cités
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2. BORSIRVEN J, St Paul, Épître aux
Hébreux, coll. Verbum salutis t. XII, 2e ,
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nous ses prêtres : les fondements dogmatiques de notre
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12. ZOCCARATO S., L'univers culturel toupouri, Guidiguis,
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gentium », « Presbyterorum Ordinis), Ies seize
documents conciliaires, coll. La pensée chrétienne,
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2- OSTY C et HERIS, Jésus prêtre unique He
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1. AUNNEAU J., Le sacerdoce dans la Bible,
n°70, , 1990
2. GOURGES M., Jésus devant sa passion et sa mort
n°30 1979
3. MASSONNET J et Al, Le sacrifice du Christ et
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4. VANHOYE A, Le message de l'épître aux
Hébreux, n°19 1977
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Chambéry, Collège théologique dominicain, 1938
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Desclée, Paris, 1960
3. CADOR G., « consacrés ...pour le
service... », retraite de préparation au diaconat,
Mokolo, village de l'Amitié, juin 2004
4. CHALENDAR X (de), Le prêtre hier, aujourd'hui et
demain, coll. L'horizon du croyant n°7, Paris,
Desclée, 1988
5. Commission internationale de théologie, Le
ministère sacerdotal, Paris, Cerf, 1971
6. DIDIER R, Le ministère sacerdotal, Lyon,
Profac, 1970
7. DORÉ J, et LUNEAU R et Al, Pâques
africaines d'aujourd'hui, coll. Jésus et Jésus-Christ
n°37, Paris, Desclée, 1989
8. FEUILLET A, Le sacerdoce du Christ et ses
ministres, Paris, éd. de Paris, 1972
9. GRELOT P, Jésus de Nazareth christ et
Seigneur, t II, coll. Lectio Divina, Paris, Cerf, 1988
10. SALET G, Trouver le Christ, Paris, Editions
Xavier Mappus, 1955
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS ii
INTRODUCTION GENERALE
1
CHAPITRE I : CONSIDERATIONS PRELIMINAIRES
3
I.1. L'homme dans l'aventure religieuse
3
I.1.1. L'idée du sacerdoce dans l'Ancien Testament
4
I.1.2. Définition de la notion de sacerdoce
5
I.2. L'épître aux Hébreux
6
I.2.1. Auteur
6
I.2.2. Destinataires
6
I.2.3. Contenu
7
I.2.4. Structure de l'épître
7
I.3. Situation contextuelle de He 5, 1-10
8
I.3.1.Contexte antécédent
8
I.3.1.1. Contexte lointain
8
I.3.1.2. Contexte immédiat.
10
I.3.2. Contexte subséquent
10
I.3.2.1. Contexte immédiat
10
I.3.2.2. Contexte lointain
11
I.4. Genre littéraire
12
CHAPITRE II : LE SACERDOCE DANS LE DESSEIN DE DIEU (5,1-4)
15
II.1. Institution du sacerdoce (vv. 1a.4)
15
II.1.1. Le grand prêtre, un homme pris du milieu des hommes
(He5,1a)
15
II.1.2. Le grand prêtre, un ambassadeur des hommes
auprès de Dieu (5,1b)
16
II.1.3. Le grand prêtre un homme choisi par Dieu (v.4)
18
II.2. Les fonctions du grand prêtre (vv.1c-3)
20
II.2.1. La fonction d'enseignement
20
II.2.2. Les fonctions sociales
21
II.2.3. La fonction cultuelle
22
II.2.3.1. Le sacrifice
22
II.2.3.2. L'holocauste
23
II.2.3.3. Le sacrifice de communion
23
II.2.3.4. Les sacrifices pour les péchés
24
II.3. L'espérance eschatologique d'un messianisme
sacerdotal
26
II.3.1. Les prophètes
26
II.3.2. La communauté de Qumran
27
II.3.3. Testaments des Douze patriarches
27
CHAP III : LE CHRIST, GRAND PRÊTRE MISERICORDIEUX (He
5, 5-10)
29
III.1. La sacerdotalisation du Christ (He5,5-6)
29
III.1.1. L'humilité du Christ
30
III.1.2. Le sacerdoce unique du Christ, Fils de Dieu
30
III.1.3. Le Christ, prêtre éternel à la
manière de Melchisédech
31
III.2. Le sacrifice du Christ : accomplissement du sacerdoce
(vv. 7-8)
33
III.2.1. Jésus, révélateur de la
miséricorde divine.
33
III.2.2. Une offrande dramatique et suppliante
34
III.2.3. La souffrance du Christ : éducation à
l'obéissance
36
III.3. Le sacrifice du Christ comme acte rédempteur (vv.
9-10)
38
III.3.1. La transformation du Christ (v. 9a)
38
III.2. Le Christ, Rédempteur des hommes (v. 9b)
40
III.3.Le Christ, Excellent Médiateur
41
CHAP IV : LE MINISTERE PASTORAL COMME UN SERVICE DE LA
MISERICORDE DE DIEU
44
VI.1. De la sacerdotalité du Christ à la
ministérialité de l'Église
44
IV.2. Le ministère pastoral, instrument de l'oeuvre du
salut en Jésus
46
IV.2.1. Le service de la parole
47
IV.2.2. Ministère des sacrements
48
IV.2.3. La responsabilité pastorale
49
IV.3. La figures du prêtre aujourd'hui dans la Province
ecclésiastique de Garoua
50
IV.3.1. Prêtre, homme de relations
50
IV.3.2. Le prêtre , un représentant sacramentel du
Christ
51
IV.3.3. Le prêtre, l'homme de communion
53
CONCLUSION GENERALE
54
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE
56
TABLE DES MATIERES
58
* 1Cf. PHILIPPE M.- D., Un
seul Dieu, tu adoreras, Coll. je sais et je crois, n°16, Paris,
Librairie Arthème Fayard, 1958, p. 11
* 2 PHILIPPE M.- D., op.
cit., p. 11
* 3 AUGUSTIN,
confessions, Livre I, 1-2, Paris, Libriolle, 1969, P. 3
* 4 Cf. PHILIPPE M.-D., Op.
cit., p. 9
* 5 VANHOYE A., Prêtres
anciens, Prêtre nouveau selon le Nouveau Testament, Paris, Seuil, 1980,
pp. 35-36
* 6 VANHOYE A., Le message
de l'épître aux Hébreux, Coll. Cahiers Évangile
n°19, Paris, Cerf, 1977, p 10
* 7 cette structure est du P.
Albert VANHOYE dans Cahiers Évangile n° 19, Pages
médianes.
* 8 VANHOYE A., Op. cit., p.
111
* 9 Ibid. p. 113
* 10 VANHOYE A, op. Cit, pp.
126-127
* 11VANHOYE A., op.
cit., p.133
* 12 VANHOYE A., Op.
Cit., p. 247
* 13 VANHOYE A., Le
message de l'épître aux Hébreux Coll.
Cahiers Evangile, n°19, Paris, Cerf, 1976, p.7
* 14 Ici, nous nous inspirons
du texte de VANHOYE dans Cahiers Evangile au n°19, p. 20
* 15 LEON-DUFOUR,
Dictionnaire du NT, Paris, seuil, 1975
* 16 GESLIN C.,
Jésus, apôtre de Dieu et prêtre des hommes,
Épîtres aux hébreux, Coll. La demi-heure
d'Écriture Sainte, 5è série, Rouen, 1927, p. 5
* 17 cf. Ex
29,4-9 ;40,12-15
* 18 VANHOYE A, op.
cit., p 90.
* 19 DILLENSCHNEIDER C, Le
christ, l'unique prêtre et nous ses prêtres, t.1, Paris,
Alsatia, 1960, p.38
* 20 VANHOYE A, in Cahiers
Évangile n°19, op. cit., p. 40
* 21 ORIGÈNE,
Homélies sur le Lévitique II, coll. sources
chrétiennes, n°287, Paris, Cerf, 1981, p. 73
* 22 VANHOYE A, op.
cit. P.141
* 23 AUNEAU J, op.
cit., p. 39.
* 24 FLAVIUS,
Antiquités juives XX, 224-227 cité par AUNEAU J.,
op.cit., p.38
* 25 AUNEAU J.,
op.cit., p.41
* 26 LOISY A., Essai
historique sur le sacrifice, Nourrit, Paris, 1920, cité in
Encyclopédie Universalis,tXIII, Paris, 1996
* 27 OSTY C. et HERIS,
Jésus le prêtre unique - Épître aux
Hébreux 4,14-10,25, Coll. Évangile n°53,
Paris, ligue catholique de l'Évangile, 1964, p.16
* 28 MASSONNET J.,
« Le sacrifice dans le Judaïsme » in COLLECTIF, Le
sacrifice du Christ et des Chrétiens,, Coll. Cahiers
Évangile n°118, Paris, cerf, p.5
* 29 Cf. ORIGÈNE,
Op. cit., p.169
* 30 VANHOYE, Op.
cit., P.53
* 31 Bible TOB,
version intégrale, Paris, cerf, 1994, note titre de Lv16
* 32 MASSONNET, op.
cit., p 9
* 33 cf. Mt 21,12-17 ;
Mc11,15-17 ; Lc19,45-46 ; Jn2,13-20
* 34 cf. QSIX, 10-11
(Règle de la communauté de Qumran Grotte I) cité par
VANHOYE A, Op. cit.,p. 61.
* 35 cf. Testament de Ruben
VI,8 in VANHOYE A., Op cit., p. 63.
* 36 cf. Testament de
Siméon VI, 1-2, in VANHOYE , op.cit., p. 64.
* 37 Cf. Testament de
Lévi, XVIII, 1-3 in VANHOYE op. cit., p. 64.
* 38 VANHOYE A, op.
cit., p180
* 39 VANHOYE A, op.
cit., p 46
* 40 VANHOYE A, op.
cit., p179
* 41 Ibidem
* 42 cf. aux notes de cours de
Christologie du P. Luciano BORDIGNON (2003)
* 43 GRELOT,P., Dans les
angoisses l'espérance, coll. Parole de Dieu, Paris, seuil, 1983,
p.208
* 44 VANHOYE A, op.
cit., P.149
* 45 VANHOYE A, op.
cit., P.150
* 46 BONSIRVEN J., op.
Cit., p. 272
* 47 VANHOYE A, op.
cit., P.149
* 48 VANHOYE A, op
cit., p. 151
* 49 VANHOYE A,. op
cit . p. 222
* 50 VANHOYE A., op cit, p
224
* 51 VANHOYE A.,Op cit
p.154
* 52 JEAN PAUL II,
Redemptoris Hominis, n°13
* 53 cf. VANHOYE, Op
cit, p. 246
* 54 VANHOYE A., op.
cit., p 165.
* 55 Nous nous sommes
inspirés des notes de cours sur l'ecclésiologie du P. Luciano
BORDIGNON (2004)
* 56 VANHOYE A. , Op.
cit, p.249
* 57 Congrégation pour
le clergé, Directoire pour le ministère et la vie des
prêtres, Paris, Centurion, 1994, p. 7
* 58 VANHOYE A., Op
cit., p.347
* 59 Nous nous sommes aussi
servis des notes de cours sur la théologie sacramentaire du P. Luciano
BORDIGNON (2005)
* 60 VATICAN II,
Presbyterorum Ordinis, 1965, n°4
* 61 Ibidem
* 62 PAUL VI, Evangelii
nuntiandi, 1975, n°19
* 63 MOUNIER M, et TORDI B,
les prêtres, Paris, les Editions de l'Atelier/Editions
Ouvrières, 1994, p 205
* 64 cf. JEAN PAUL II,
Redemptoris Missio, 1991, n°44
* 65 VANHOYE A., Op.
cit, p.256
* 66 VATICAN II,
Presbyterorum ordinis, n°2
* 67 Ibid, n°5
* 68 Congrégation pour
le clergé, Op. cit., p. 50
* 69 GILSON G., Les
prêtre, vie au quotidien, Paris, Desclée de Brouwer,1990, p.
163
* 70 VATICAN II.,
Presbyterorum ordinis, n° 8
* 71 Congrégation pour
le clergé, Op. cit., p.57
* 72 ZOCCARATO S., Le beau
cheval mange la corde, Editions P.I.M.E, 2005, p. 48
* 73VATICAN II ,
Presbyterorum ordinis, n°13
* 74 Ibid, n°2
* 75 ZOCCARATO S.,
L'univers culturel toupouri, Guidiguis, 1992, p. 24
* 76 VATICAN II, Lumen
gentium, n° 49
* 77 cf. JEAN PAUL II,
Pastores dabo vobis, 1992, n°15
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