Le contrôle de la conformité dans les établissements de micro-finance au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Eno Castel NJIKE Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en banque et finance 2010 |
Section 2 Les spécificités de l'activité de Microfinance.Dans la pratique, l'activité de Microfinance s'assimile à plusieurs points de vue à une activité bancaire : collecte de l'épargne, distribution du crédit, développement des produits adaptés aux besoins de la clientèle etc. Mais d'essence elle présente plusieurs spécificités tant sur le plan de sa réglementation que sur le plan de la gestion des risques. La réglementation de l'activité courante d'un établissement de crédit traite des multiples aspects de son fonctionnement. Il s'agit notamment des conditions d'exercice, des normes prudentielles applicables et dans une outre mesure des obligations professionnelles.
La commission bancaire chargée de la réglementation bancaire en Afrique Centrale distingue plusieurs domaines d'activités soumis à des dispositions réglementaires en ce qui concerne les conditions d'exercice de la profession. On peut les regrouper en trois sous parties : L'accès à la profession, l'exercice de la profession et les obligations particulières. i. L'accès à la profession de Microfinance. Au sens du règlement COBAC N° 01/02/CEMAC/UMAC/COBAC relatif aux conditions d'exercice et de contrôle de l'activité de Microfinance dans la CEMAC, l'Autorité Monétaire Nationale est le Ministre chargée de la Monnaie et du Crédit de l'Etat et l'instance de tutelle, garant du respect de la réglementation dans toute la zone CEMAC est la Commission Bancaire d'Afrique Centrale en abrégé COBAC. Ces derniers sont les acteurs incontournables de l'accès proprement dit à l'activité de Microfinance ; accès matérialisé par un agrément qui est l'autorisation d'exercer l'activité bancaire. Il est délivré par les autorités de tutelle et est obligatoire. En effet, l'accès à la profession de Microfinance est subordonné à l'obtention d'un agrément délivré par l'autorité monétaire (BEAC), prononcé sur avis conforme de la COBAC. L'obtention de cet agrément est subordonnée à plusieurs conditions : - L'appartenance à une des catégories d'EMF reconnues par le règlement COBAC N° 01/02/CEMAC/UMAC/COBAC relatif aux conditions d'exercice et de contrôle de l'activité de Microfinance dans la CEMAC. Sont ainsi classés en première catégorie les établissements qui procèdent à la collecte de l'épargne de leurs membres52(*) qu'ils emploient en opérations de crédit exclusivement au profit de ceux-ci. On retrouve en deuxième catégorie les établissements qui collectent l'épargne et accordent des crédits aux tiers. Enfin, sont classés en troisième catégorie, les établissements qui accordent des crédits aux tiers, sans exercer l'activité de collecte de l'épargne. - Un capital minimum des établissements est exigé pour les établissements de deuxième et de troisième catégorie. Il n'est pas exigé de capital ou dotation minimum pour les établissements de première catégorie. Toutefois, le capital constitué doit être représenté et permettre de respecter l'ensemble des normes arrêtées par la COBAC. Le capital minimum est fixé à 50 millions de Francs pour les établissements de deuxième catégorie et 25 millions pour ceux de troisième catégorie. - La présentation d'un projet d'activité indiquant la nature des opérations envisagées. Les moyens techniques et financiers mis en oeuvre et la qualité des apporteurs de capitaux et des dirigeants. C'est au vu de ce projet que la COBAC est amenée à prononcer l'agrément. Elle est particulièrement attentive à la qualité des apporteurs de capitaux et l'honorabilité et la compétence des dirigeants. En effet, la première idée qui vient à l'esprit en matière de réglementation bancaire, c'est d'écarter, d'éloigner de la profession les incapables et les individus à la moralité douteuse, d'exclure de la profession des personnes ayant fait l'objet de certaines condamnations. Cet agrément est obligatoire et toute modification significative de ces conditions doit être transmis à la COBAC pour information et autorisation. Comme le dispose l'article 8 du règlement N° 01/02/CEMAC/UMAC/COBAC relatif aux conditions d'exercice et de contrôle de l'activité de Microfinance dans la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale, les opérations effectuées par les EMF en qualité d'intermédiaire sont circonscrites à l'intérieur de l'Etat où ils sont implantés. Pour les opérations avec l'extérieur, les établissements doivent recourir aux services d'une banque ou d'un établissement financier du même Etat. Ces opérations sont nombreuses et concernent généralement la collecte de l'épargne, les opérations de crédit et les autres opérations. i. Les opérations de collecte de l'épargne La nature de l'épargne varie selon qu'il s'agit d'un EMF de première catégorie ou de deuxième catégorie. Pour les EMF de première catégorie, sont considérés comme épargne, les fonds autres que les cotisations et contributions obligatoires recueillis par l'établissement auprès de ses membres avec le droit d'en disposer dans le cadre de son activité, à charge seulement pour lui de les restituer à la demande dudit membre. Dans le cas des EMF de deuxième catégorie, l'épargne est constitué de fonds recueillis par l'établissement auprès du public, sous forme de dépôts, avec le droit d'en disposer dans le cadre de son activité, à charge de les restituer à la demande du déposant. Les établissements de la troisième catégorie ne pouvant pas procéder à la collecte de l'épargne, il n'y sera pas considérés comme épargne les dépôts de garantie, les sommes laissées par la clientèle en vue d'honorer ses engagements, les emprunts, les fonds laissés en compte par les associés ou actionnaires. Par opérations de crédit, on entend tout acte par lequel un établissement met ou promet de mettre des fonds à la disposition d'un membre, d'un tiers ou prend dans l'intérêt de celui-ci un engagement par signature tel un aval, une caution ou une autre garantie. Il faut préciser que les établissements de première catégorie ne peuvent accorder des crédits qu'à leurs membres. Les EMF peuvent recevoir d'autres ressources dans le respect des dispositions de leurs statuts et des normes arrêtées par la COBAC. Ceux de première catégorie, par exemple, sont tenus de constituer dès leur création un fond de solidarité destiné à faire face aux pertes. Ce fonds recevra à chaque adhésion et au début de chaque exercice, des apports effectués par les membres de façon équitable ainsi que l'affectation d'une partie des bénéfices ou excédents d'exercice. A titre accessoire, les EMF peuvent s'approvisionner auprès des établissements bancaires en devises et chèque de voyage pour les besoins de la clientèle, louer le coffre fort, effectuer les opérations de crédit bail, les actions de formation et l'achat de biens pour les besoins de la clientèle. Dans le but de faciliter le déroulement de certaines opérations, les EMF peuvent émettre des moyens de paiement c'est-à-dire tout instrument qui, quel que soit le support ou le procédé technique utilisé, permet de transférer des fonds. Il faut préciser que Les établissements disposant d'un excédent de ressource peuvent effectuer des placements auprès des banques commerciales de l'Etat d'implantation. Ils peuvent également affecter ces ressources à la souscription des bons du trésor, ou de ceux émis par la BEAC. Dans l'exercice de sa profession, l'agent de l'EMF est soumis à un certain nombre d'obligations dont l'inexécution est susceptible d'être gravement sanctionnée. Parmi ces obligations professionnelles, certaines peuvent être considérées aujourd'hui comme étant traditionnelles, alors que d'autres apparaissent plutôt comme étant nouvelles. i. Les obligations traditionnelles. Les obligations que l'on peut ranger dans cette catégorie sont celles qui n'ont pas connu une évolution véritablement fondamentale ces dernières années. C'est le cas de l'obligation au secret, l'obligation d'information et l'obligation de non-ingérence. - Le secret bancaire : L'ordonnance N°85/002, du 31 août 1985, a imposé au banquier l'obligation de respecter le secret professionnel différent du devoir de discrétion qui, lui, peut donner lieu à des sanctions civiles et non pénales comme dans le cas du secret professionnel. A l'heure actuelle, le secret bancaire est réglementé par la loi N° 2003/004 du 21 avril 2003. Cette loi précise, entre autre, les informations qui relèvent du secret bancaire. A ce sujet, il convient de préciser que le secret bancaire porte sur des informations confidentielles53(*) auxquelles le banquier a eu accès dans l'exercice de sa fonction. L'article 4 de la loi de 2003 soumet au secret bancaire toute personne qui participe à la direction, à la gestion, au contrôle ou à la liquidation d'un établissement de crédit, ou est employé par celui-ci. De même, toute personne qui, sans faire partie du personnel, a eu connaissance ou accès de manière induise ou autorisée, au secret d'un établissement de crédit de par sa qualité professionnelle, ses aptitudes techniques et intellectuelles ou sa fonction. Toutefois, il existe plusieurs cas de dérogations au secret bancaire. Il s'agit précisément de l'autorité judiciaire dans le cadre d'une poursuite pénale, les institutions supérieures de contrôle des finances publiques, les agents du fisc assermentés agissant dans le cadre d'une procédure de communication écrite, le fonctionnaire de la douane assermenté agissant en matière de détermination de l'assiette et de recouvrement des taxes sont des droits dans le cadre d'une procédure écrite, les agents assermentés du trésor public, la COBAC, la BEAC, la commission des marchés financiers, les agents de recouvrement de la Caisse nationale de Prévoyance Sociale (CNPS), la Société de recouvrement des créances agissant dans le cadre du recouvrement des créances appartenant aux personnes morales de droit public. Il existe aussi des dérogations consacrées dans un intérêt particulier. Ainsi le secret bancaire n'est pas opposable au mandataire du client (uniquement dans la limite de son mandat), au conjoint du client muni des pouvoirs de représentation légale ou conventionnelle, les représentants légaux d'un mineur incapable, les successeurs universels du client, les créanciers saisissant, les titulaires d'un compte joint, la caution mais uniquement dans la limite prévue dans l'article 14 de l'acte uniforme portant organisation des sûretés. - Le devoir d'information : Il représente une importance grandissante dans la société complexe d'aujourd'hui et particulièrement en matière bancaire dans la mesure où la relation entre le banquier et ses clients constituent une relation déséquilibrée. C'est la raison pour laquelle une, obligation d'informer sa clientèle est mise à la charge du banquier. Il s'agit de porter à la connaissance de la clientèle les conditions bancaires, de mettre à la disposition du client certaines informations précises à l'occasion d'une opération donnée. - Le devoir de non-ingérence : Il interdit au banquier de s'ingérer dans les affaires de son client. Il s'agit donc d'un devoir qui protège le client mais ce devoir protège également l'établissement dans la mesure où si une opération s'avère malencontreuse, le client ne pourra se tourner contre lui. De nouvelles obligations émergent à la charge du banquier mais c'est ainsi qu'une obligation de vigilance renforcée a été mise à sa charge dans le cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux. Par ailleurs, on s'interroge à l'heure actuelle sur le point de savoir si le banquier doit être obligé de contribuer à la protection de l'environnement. - L'obligation de vigilance : la mondialisation des échanges et la libéralisation des mouvements de capitaux se sont accompagnées d'une accélération et d'un accroissement extraordinaire de la vitesse et du volume des capitaux d'origine criminel en circulation. Le blanchiment consiste donc à donner une apparence licite à ces capitaux. Pour le banquier, l'obligation de vigilance va consister à l'identification de la clientèle et à la déclaration du soupçon quant aux clients ou aux opérations suspectes. - La protection de l'environnement : De plus en plus de nos jours, les établissements de crédit sont appelés à contribuer aux développement durable du lieu où ils sont implantés à travers des programmes sociaux ou de protection de l'environnement. Les normes prudentielles renvoient aux règles concernant la liquidité ou la solvabilité. Concernant la solvabilité, l'on peut dire d'une entreprise qu'elle est solvable lorsque la valeur de ses actifs dépasse celle de ses dettes. La solvabilité est déterminée à l'aide de ratios tels que le ratio de division des risques, le ratio de solvabilité ou ratio de couverture de risque. La liquidité quant à elle peut se définir comme l'aptitude d'un établissement de crédit à faire face à ses engagements à court terme. Concrètement il s'agit pour l'établissement de répondre à une demande inopinée de retrait d'une parte des fonds déposés par sa clientèle. La liquidité se mesure grâce à des ratios tels que le coefficient de liquidité, et le coefficient de transformation à long terme. La réglementation prudentielle repose ainsi sur les normes de liquidité et de solvabilité que l'on a récapitulé dans le tableau ci-après. Tableau N°1: Récapitulatif des normes prudentielles applicables aux EMF.
Source : NTAMACK MBOCK Eric Stéphane, Le contrôle de la profession bancaire comme moyen d'assurer la pérennité du système bancaire camerounais : cas du crédit foncier du Cameroun La définition d'un cadre réglementaire propre à l'activité des EMF est nécessaire pour l'amélioration de la gestion des risques dans les établissements.
La plupart des programmes de Microfinance vise à remplir une double mission : offrir des services financiers aux pauvres et atteindre la pérennité financière. Bien qu'il y ait de plus en plus de succès dans l'industrie, la plupart des institutions sont de petite taille, non rentables et n'ont pas souvent de système digne de ce nom pour réduire leur exposition aux risques. Cependant, pour qu'un EMF puisse atteindre sa mission, il doit être en mesure d'identifier et d'atténuer les risques qui menacent sa santé financière et son existence à long terme. Il n'est ni possible ni conseillé, étant donné le coût, d'éliminer tous les risques potentiels dans un EMF. La gestion des risques est le processus par lequel les risques sont évalués en utilisant une approche systématique qui identifie et organise par priorité les risques, et qui ensuite met en place les stratégies pour atténuer les risques. Cette approche comprend à la fois la prévention des problèmes potentiels et la détection au plus tôt des problèmes actuels. C'est un processus itératif qui demande la participation du personnel à tous les niveaux de l'organisation (voir Annexe N°1) Les risques des EMF peuvent être organisés en quatre catégories principales (voir Annexe N°2).
Le contrôle des risques dans les EMF passent par des politiques et procédures claires et exhaustives. Les politiques de crédit, par exemple, comprendront les directives écrites qui indiquent les critères d'éligibilité des clients, la description des produits, etc. Les procédures sont des instructions écrites qui indiquent comment appliquer et suivre les politiques. Pour être efficaces, les politiques et procédures doivent être :
* 52 Au sens du règlement COBAC N° 01/02/CEMAC/UMAC/COBAC relatif aux conditions d'exercice et de contrôle de l'activité de Microfinance dans la CEMAC, on entend par « membre », toute personne qui contribue au capital ou à la dotation d'un EMF de première catégorie, assume les responsabilités qui en découlent, et peut bénéficier des prestations délivrées par l'EMF. * 53 Informations chiffrées telles que le solde d'un client ou montant du crédit octroyé. Ne sont pas concernées les informations d'ordre général que le banquier donnerait à un tiers qui se renseigne sur la solvabilité du client. |
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