INTRODUCTION GENERALE
1. PROBLÉMATIQUE
Le débat sur le choix des objectifs
intermédiaires de la politique monétaire fait l'objet d'une
controverse entre monétaristes et keynésiens (Benassy, Boone,
Coeuré et Mahfouz, 2006).
Le Keynésianisme préconise la maîtrise des
taux d'intérêts considérés comme des meilleurs
indicateurs que la masse monétaire, et conseille aussi une politique
discrétionnaire suivant la situation économique. Les
monétaristes préconisent le contrôle de la masse
monétaire considérée comme liée à la
conjoncture et plaide pour une politique automatique de normes axée sur
une croissance monétaire stable (Cabannes, 1994).
Cette divergence d'opinion entre ces deux écoles de
pensées en matière du choix des objectifs monétaires
intermédiaires n'est que le prolongement de l'opposition, entre elles,
sur la détermination de l'objectif final le plus important de la
politique monétaire : croissance du revenu national ou
maîtrise de l'inflation.
Même si dans la pratique la maîtrise de
l'inflation est devenu l'objectif principal assigné à la
politique monétaire, la question du choix de la cible monétaire
reste d'actualité.
Pour les monétaristes, la seule manière de
lutter efficacement contre l'inflation et les cycles économiques est de
contrôler l'augmentation de la masse monétaire. Il faut la
soustraire au pouvoir discrétionnaire des politiciens et des dirigeants
des banques centrales en fixant dans la constitution un taux d'augmentation
monétaire annuel égal à l'augmentation moyenne de la
production nationale, quelque part entre 3% et 5%. Telle est la règle
monétaire que Friedman propose en 1960 (Dostaller, 2004).
Pour les keynésiens, le seul remède en termes
de politique conjoncturelle est alors de limiter la demande, de freiner sa
progression : c'est bien le type de politique de lutte contre l'inflation
qui s'est le plus manifesté dans les années cinquante et soixante
(Mosé, 1980). Si le niveau probable de la demande était trop
faible, l'État augmentait ses dépenses, diminuait les
impôts ou les taux d'intérêt. S'il semblait trop
élevé, l'État faisant exactement l'inverse (Encarta,
2005).
Ce débat ne prête attention à aucune
discussion doctrinale lorsque les objectifs de la politique monétaire
sont fixés de manière déterministe. De ce point de vue,
Benassy, Boone, Coeuré et Coudert (2003) arguent que,
théoriquement, il est équivalent de contrôler la
quantité de monnaie ou le taux d'intérêt, dès lors
que la demande de monnaie est sensible au taux. C'est le cas dans le
modèle IS-LM où il revient au même de fixer la
quantité de monnaie et de laisser le taux d'intérêt
s'ajuster, ou bien de déterminer le taux d'intérêt et de
laisser la masse monétaire s'ajuster.
Il est cependant évident que l'indifférence
des autorités monétaires quant au choix de la cible à
retenir n'est pas admise dans la pratique. Le choix de l'objectif
intermédiaire est largement une question empirique (Varoudakis, 1991).
Dans cette optique, Poole (1970) fait valoir qu'en
règle générale l'économie subie des chocs
aléatoires aussi bien dans le secteur réel que dans le secteur
monétaire. Il propose deux règles en matière du choix de
l'objectif intermédiaire de la politique monétaire en affirmant
que lorsque la perturbation provient du marché de la monnaie, la
politique monétaire doit contrôler le taux d'intérêt
et lorsqu'elle a pour origine le marché des biens, on doit se fixer un
objectif de croissance de la masse monétaire.
L'évolution monétaire depuis les années
70 fait ressortir trois phases caractéristiques de la montée
inflationniste en RD Congo. Jusqu'à la fin de l'année 73 les prix
étaient presque stables, avec un taux d'inflation le plus faible jamais
observé jusqu'alors : 1,61%. La tendance à la hausse de
l'inflation est amorcée depuis les années 74. Entre 1974 et 1990,
on enregistre un taux d'inflation moyen de 52,23% par an, avec des pointes de
111,1% et 84,3% respectivement en 1979 et 1987. Au cours de cette
période, le taux de croissance de la masse monétaire est de
30,60% par an alors que le taux d'intérêt moyen est de 24,3% par
an. L'année [1991] marque le début d'une phase de chocs
monétaire avec la manifestation de l'hyperinflation ouverte (Kasongo,
2002) : 3.219% en moyenne par an entre 1991 et 1996 avec des pointes de
1.141,32%, 2.729,79%, 4.583,08% et 9.796,9% respectivement en 1991, 1992, 1993
et 1994. Le taux de croissance de la masse monétaire est de 55.630,1% en
moyenne par an. On enregistre au cours de cette période un taux
d'intérêt moyen de 118,8% par an. Les années qui suivent,
la tendance est à la baisse. Entre 1997 et 2000 le taux d'inflation
moyen est de 285,2%, le taux de croissance monétaire est de 268,7% en
moyenne par an, le taux d'intérêt quant à lui est de 68,75%
en moyenne par an.
Si la maîtrise de la stabilité des prix est
l'objectif final poursuivi par la banque centrale du Congo, les voies
s'élèvent en faveur du contrôle de la masse
monétaire comme objectif intermédiaire. Kuediasala (2006)
souligne que le contrôle de la masse monétaire paraît donc
comme un outil puissant qui permet d'influencer le comportement
général de l'économie. Reste est de savoir si cet objectif
est optimal ou pas.
Ainsi, à l'instar du modèle de Poole (1970),
il y a lieu de se poser la question fondamentale ci-après :
à travers quel objectif intermédiaire faudra-t-il conduire la
politique monétaire en RD Congo ? Autrement dit, la banque centrale
du Congo doit-elle contrôler le volume de la monnaie ou son
prix ?
|