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Le banquier et la modernisation des systèmes de paiement, le cas de la carte bancaire.

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par Gnienlnaha Modeste OUATTARA
Université Catholique d'Afrique de L'Ouest/Unité Universitaire d'abidjan (UCAO/UUA) - MASTER 1 Droit des affaires 2010
  

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PARTIE II :

LA RESPONSABILITE DU BANQUIER EN CAS DES DYSFONCTIONNEMENTS DU SYSTEME DE PAIEMENT PAR CARTE

Multiples sont les dysfonctionnements constatés dans le système de paiement par carte bancaire, comme nous l'avons vu dans la première partie. Ceux-ci peuvent résulter d'un événement positif dû à la conduite du banquier. FAUCONNET écrivait : « La responsabilité est la qualité de ceux qui doivent, l'irresponsabilité la qualité de ceux qui ne doivent pas, en vertu d'une règle, être choisis comme sujets passifs d'une sanction »64(*). L'auteur essaie de nous définir dans cette assertion la notion de responsabilité et d'irresponsabilité. Quelle est donc l'étendue de sa responsabilité pour ces cas de dysfonctionnements ? Cette deuxième partie nous conduira à étudier la nature de la responsabilité du banquier (chapitre I) et la mise en oeuvre de celle-ci (chapitre II).

CHAPITRE I : LA NATURE DE LA RESPONSABILTE DU BANQUIER

Parler de la nature de quelque chose revient à montrer l'ensemble des caractères, des propriétés qui définissent cette chose65(*). Quels sont donc les différents caractères qui définissent la responsabilité du banquier ? Autrement dit, quelle est l'étendue de sa responsabilité ?

Il peut s'agir d'une responsabilité pénale dans la mesure où la banque ou ses préposés peuvent commettre des fautes réprimées par le droit pénal ; le plus souvent, il s'agit d'une responsabilité civile selon les principes classiques de la responsabilité. La première section sera donc consacrée à la responsabilité civile du banquier et la seconde section quant à elle abordera la question de sa responsabilité pénale. L'étude de cette dernière sera toutefois rapprochée des garde-fous administratifs et disciplinaires mis en place pour limiter les risques pesant sur la clientèle.

SECTION I : LA RESPONSABILITE CIVILE DU BANQUIER

La responsabilité civile est l'obligation de réparer le dommage causé à autrui par un acte contraire à l'ordre juridique. Son auteur doit répondre66(*). A première vue, le code civil contient deux réglementations distinctes de la responsabilité : la responsabilité résultant d'un délit ou quasi délit (art. 1382 à 1386) et la responsabilité découlant de l'inexécution des obligations nées d'un contrat (art. 1146 à 1155). Il y aura donc deux ordres de responsabilité civile, chacun ayant pour objet la réparation d'un dommage causé par une faute67(*). La responsabilité du banquier relève du droit commun. Elle est généralement contractuelle dans les rapports du banquier avec ses clients si elle résulte de l'inexécution d'une obligation née d'un contrat ; elle peut être délictuelle en cas de fautes commises à l'égard des tiers au sens des articles 1382 et 1383 du code civil. La responsabilité, qu'elle soit contractuelle ou délictuelle, revêt un caractère professionnel en ce sens qu'elle s'apprécie en raison de l'activité exercée par le banquier, de sa compétence, de sa technique et des moyens dont il dispose. Cette responsabilité a tendance à devenir plus sévère dans la mesure où les services que la banque propose à sa clientèle s'étendent et se diversifient68(*). Le cas par exemple de la modernisation des systèmes de paiement et plus particulièrement le système de la carte bancaire.

Deux catégories de responsabilités apparaissent ici, la responsabilité contractuelle (PARAGRAPHE I) et les responsabilités délictuelle et quasi-délictuelle (PARAGRAPHE II).

PARAGRAPHE I : LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE

Le texte de base des effets du contrat entre les parties est l'art. 1134 C. Civ. Cet article dispose que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites... ». Il en résulte que chaque contractant est lié par le contrat comme si son obligation lui avait été imposée par la loi. C'est ce qui explique la force obligatoire du contrat. Le contrat ayant force obligatoire, son inexécution est un fait contraire au droit, qui appelle normalement une sanction, à moins que l'exécution n'ait été rendue impossible par la force majeure69(*). Le créancier peut réclamer des dommages dans tous les cas où l'obligation n'est pas exécutée complètement par le débiteur, lorsque ce dernier ne peut justifier légalement l'inexécution70(*). Le système de la carte bancaire a un caractère contractuel fondamental. Comme nous l'avons vu précédemment le mécanisme de la carte bancaire comprend deux contrats essentiels, le contrat porteur et le contrat fournisseur, qui font naître des obligations pour le banquier comme pour toutes les autres parties intervenant dans les contrats. Le banquier pourrait dans l'exécution du contrat manquer à ses obligations. Les obligations, nous le rappelons sont : l'engagement pour la banque de fournir à son client un service de caisse, à ouvrir un crédit au titulaire de la carte, à garantir le paiement des facturettes, dans la limite définie par les conditions contractuelles, indépendamment de la provision figurant au compte du porteur, à verser au fournisseur agréé, à certaines conditions, le montant facturé par celui-ci au porteur de la carte, montant qui est porté au crédit du compte du fournisseur de façon quasi-immédiate. Le banquier peut manquer à son obligation par exemple, lorsque le client qui se présentant devant un Distributeur Automatique de Billet afin d'y effectuer une opération de retrait se voit obstrué par un dysfonctionnement soit de la carte, soit du DAB pour des raisons que nous avons évoqué plus haut et qui peuvent être dépendantes ou indépendantes de sa volonté. Mais comme Richard Routier l'affirme, la responsabilité du banquier ne résulte plus d'un événement positif dû à sa conduite71(*). Même si dans le cas où le dysfonctionnement est indépendant de la volonté du banquier (de la méthode humpich et du collet marseillais) la responsabilité contractuelle du banquier pourrait être soulevée, dans la mesure où mise à part les obligations qui incombent au banquier émetteur dans le cas de la carte bancaire, tous les banquiers ont un devoir de sécurité. Il est vrai que c'est dans l'opération dite de coffres-forts, que le devoir de sécurité du banquier est la plus caractéristique. On comprend qu'en ce domaine la surveillance de la salle des coffres puissent être une obligation à la charge du banquier dont il ne saurait se soustraire72(*) 73(*). Parallèlement, les banques doivent mettre au point un service sécurisé afin d'observer tout fait suspect qui pourrait porter préjudice au mécanisme de la carte bancaire. Ce manquement à cette obligation pourrait encore mettre en oeuvre la responsabilité du banquier. Quelles sont donc les conditions requises pour mettre en oeuvre cette responsabilité ?

L'existence de la responsabilité du banquier dépend de deux conditions : les conditions positives (A), les conditions négatives(B).

A- LES CONDITIONS POSITIVES : Les éléments de la responsabilité contractuelle du banquier.

Le premier élément nécessaire pour qu'il y ait responsabilité contractuelle est un fait imputable au banquier qui n'a pas exécuté ou qui a mal exécuté son obligation contractuelle. Cependant, parce qu'il s'agit de responsabilité civile et, par conséquent, de la réparation d'un dommage éprouvé par le client ou par le fournisseur du fait de l'inexécution ou de la mauvaise exécution, il faut qu'il s'agisse d'un dommage qui trouve son origine dans le fait imputable au banquier. Par conséquent, il ne peut avoir de responsabilité que s'il ya un dommage et un lien de causalité, c'est-à-dire de cause à effet, entre le fait du banquier et le dommage. Trois éléments sont donc nécessaires. Ils sont inhérents à la notion de responsabilité civile74(*). On retrouve ici les trois conditions de toute responsabilité civile : un fait générateur, un dommage, un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage.

1) le fait générateur

Le fait générateur ou faute contractuelle est l'inexécution de l'obligation ou son exécution tardive, incomplète ou défectueuse. Il faut, en effet, déterminer ce que l'on doit entendre par inexécution de l'obligation. La réponse à cette question suppose précisés, au préalable, le contenu et l'étendue de l'obligation contractuelle. On sait que la division la plus importante relative au contenu de l'obligation et à son étendue est celle qui distingue les obligations de résultat des obligations de moyens75(*).

S'agissant de l'obligation de résultat, le débiteur doit procurer en tout état de cause le résultat recherché. Quant à l'obligation de moyens, le débiteur doit mettre tout en oeuvre pour procurer le résultat recherché. Toutes les fois que l'obligation inexécutée peut être regardée comme une obligation de résultat, la faute contractuelle est impliquée dans le seul fait matériel de l'inexécution. Le porteur ou le fournisseur n'a pas à prouver distinctement : il lui suffit d'établir que le contrat contenait tel engagement à son profit, et que cet engagement n'a pas été exécuté. On ne saurait parler d'obligation de moyen dans les rapports existants dans le mécanisme de la carte bancaire.

2) Le dommage

Le dommage, encore appelé préjudice, est un élément de la responsabilité civile. Si l'inexécution ou la mauvaise exécution d'une obligation créée par un contrat n'entraîne pas de dommage pour le porteur de la carte ou pour le fournisseur agréé, il n'y aura pas de responsabilité du banquier. Pour évaluer le dommage subi par le porteur de la carte ou le fournisseur d'une obligation contractuelle inexécutée ou mal exécutée, il faut faire entrer en ligne de compte tout ce qui vient atteindre ceux-ci, soit dans leur patrimoine, soit dans ses intérêts d'ordre affectif ou moral. Dans le premier cas on parle de dommage économique que l'on qualifie quelquefois de dommage matériel, alors que dans le second cas on parle de dommage moral. En matière contractuelle, le plus souvent, le dommage dont on demande réparation est un dommage économique. Le dommage économique est constitué par deux éléments, le « damnum emergens » ou perte éprouvée et le « lucrum cessans » ou gain manqué76(*). En application de l'art. 1149 C. Civ, on répare non seulement la perte éprouvée et le gain manqué. Par exemple, dans la situation où, du fait du dysfonctionnement d'un DAB, la carte est frauduleusement soustraite par un tiers, qui vide par la suite le compte bancaire du porteur, la perte éprouvée est claire, à savoir le débit frauduleux du compte du client. Il peut arriver que le créancier, indépendamment du dommage matériel, le créancier subisse un préjudice moral. Il ya préjudice moral lorsqu'il y a atteinte aux sentiments, et plus généralement, à la personnalité.

Pour qu'il y ait dommage, il faudrait que ce dommage soit certain et prévisible. On dit qu'un dommage est certain lorsqu'il a été d'ores et déjà réalisé ou qu'il se réalisera à coup sûr. On l'oppose au dommage purement éventuel dont la réalisation est hypothétique. On ne saurait réparer le dommage éventuel, puisque s'il arrivait qu'il ne se réalisât point, le créancier serait enrichi77(*). On dit d'un dommage qu'il est prévisible lorsque le dommage résultant de l'inexécution ou de la mauvaise exécution de l'obligation imputable au banquier ait pu être prévu au moment de la conclusion du contrat.

3) Le lien de causalité

La nécessité d'un lien de causalité, c'est-à-dire du lien de cause à effet entre l'inexécution par le banquier de son obligation et le dommage dont le porteur de la carte et le fournisseur réclame réparation, s'impose quelque soit la nature de la responsabilité (contractuelle ou délictuelle). L'art. 1151 C. Civ. confirme ces affirmations. Il dispose que les dommages ne doivent comprendre que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention. Cet article affirme la nécessité d'une relation causale directe entre le dommage et l'inexécution du contrat78(*).

Quid des conditions négatives, qui concernent l'absence de causes exonératoires ?

B- LES CONDITIONS NEGATIVES : l'absence de causes exonératoires

Aux termes de l'article 1147 C. Civ «  le débiteur est condamné, s'il ya lieu, au payement de dommages et intérêt, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. ». Cet article montre que le débiteur qui est le banquier dans notre cas peut être libéré quand il justifie d'une cause étrangère qui ne lui est pas imputable. Il faudrait donc absence d'une cause exonératoire pour engager la responsabilité contractuelle du banquier. Ces causes découlent soit de la loi soit de la jurisprudence.

1) La cause législative

L'article 1147 C. Civ. dispose qu' « il y a lieu à aucun dommage et intérêt lorsque, par la suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ».

Cet article fait référence à une seule cause de libération du banquier, la force majeure ou cas fortuit, c'est-à-dire un événement normalement imprévisible, inévitable et d'origine externe79(*). Il ya imprévisibilité qu'autant que l'obstacle échappait, lors de la conclusion du contrat, à toutes les prévisions humaines. Car s'il était prévisible, le banquier avait le devoir de prendre le surcroît de précautions qui auraient pu l'éviter ; à la limite, il devait s'abstenir de contracter plutôt que de braver le risque. Il ya inévitabilité ou irrésistibilité de l'événement, lorsqu'il doit empêcher toute exécution du contrat. L'impossibilité d'exécution doit être appréciée in abstracto et la jurisprudence se montre assez sévère80(*). Il y a extériorité, lorsque l'événement se produit en dehors de la sphère dont le débiteur doit répondre. Si ces trois conditions cumulatives sont réunies, il ya force majeure.

2) Les causes jurisprudentielles

Le banquier peut être exonéré si l'inexécution du contrat est un fait du porteur ou fournisseur ou un fait d'un tiers. Dans le premier cas, La demande en réparation est rejetée si le dommage est exclusivement dû au fait du créancier de l'obligation inexécutée ou du moins du banquier81(*). On tient compte, à cet égard, en particulier, des connaissances professionnelles que le banquier était censé posséder dans le domaine du contrat. Dans le second cas, ce fait ne libère le débiteur qu'à condition d'avoir été pour lui irrésistible et imprévisible, comme la force majeure. Il faut en outre que ce tiers ne soit pas un représentant, ni un préposé de la banque, car alors il n'y aurait pas l'élément d'extériorité indispensable à la condition de la force majeure82(*). Le fait du tiers a un effet exonératoire total.

* 64 P. FAUCONNET, la responsabilité, Alcan, 1920, p.11.

* 65 Le petit Larousse, éd. Larousse, Paris 1997, p.688

* 66 P. le Tourneau, Loïc Cadiet, Droit de la responsabilité, éd. D. Paris 1996, p.1

* 67 P. le Tourneau, Loïc Cadiet, Droit de la responsabilité, éd. D. Paris 1996, p.70

* 68 M. de Juglart et B. Ippolito, Traité de droit commercial Tome 7 Banques et Bourses 3ème édition, Paris, Montchrestien, 1991 p 35

* 69 F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, Droit Civil les obligations 6e éd. D. Paris 1996, p. 436

* 70 A. Larouche, Les obligations T1, éd. de l'université d'Ottawa, Ottawa 1982, p. 331

* 71 R. Routier, La responsabilité du banquier, L.G.D.J, Paris 1997, p.13

* 72 Paris, 9 octobre 1986, Rev. trim. dr. civ. 1987, 568 obs. REMY ; D. 1987, som. com. 304, obs. M. VASSEUR.

* 73 R. Routier, op. cit. , L.G.D.J, Paris 1997, p.47

* 74 C. Larroumet, Droit Civil t.3, 3ième éd. ECONOMICA, Paris 1996, p.603

* 75 B. Starck, H. Roland, L. Boyer, Obligations, 5ième éd. Litec, Paris 1995, p.600

* 76 Ch. Larroumet, Droit Civil t.3, 3ième éd. ECONOMICA, Paris 1996, p.680

* 77 Civ. 3e, 25 mars 1987, J.C.P. 1987. IV 192 : qui casse une décision d'une cour d'appel qui avait accordé l'indemnisation d'un préjudice éventuel, en attribuant à une personne des dommages- intérêts en réparation de préjudices que celle-ci pourrait éprouver dans le futur en raison de l'usage abusif d'une servitude de passage.

* 78 B. Starck, H. Roland, L. Boyer, Obligations, 5ième éd. Litec, Paris 1995, p.611

* 79 B. Starck, H. Roland, L. Boyer, Obligations, 5ième éd. Litec, Paris 1995, p.604

* 80 Com., 5 janv. 1988 : JCP 88, IV, 95 : le cas du chauffeur agressé par un groupe d'hommes armés au cours d'un arrêt, victime du vol de la marchandise transportée. Les juges du fond, approuvés par la cour de cassation relèvent que la circulation était dangereuse dans ce pays étranger et qu'il était périlleux de s'arrêter de nuit dans un endroit isolé ; ils en déduisent que l'agression, certes insurmontable dans ses effets, était née de circonstances qu'il était possible d'éviter.

* 81 Civ. 1er , 6 oct. 1964, 2 arrêts : Bull. civ. I n. 423 et 424; D. 1965, 21, note Esmein.

* 82 Paris, 3 fév. 1982 : D. 1982, inf. rap. 186, note E. WAGNER.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe