CONCLUSION GENERALE
Au terme de cette investigation, nous retenons que la
pensée politique de Machiavel est de toute évidence une
nouveauté par rapport à la pensée politique de son temps.
C'est cette nouveauté que nous avons tenté de cerner tout au long
de notre analyse. Au moins, pour la première fois, un penseur refuse de
suivre les conceptions politiques traditionnelles qui étaient
jugées incontournables à cette époque. Machiavel ne
construit pas une république idéale. Il ne cherche pas non plus
à proposer les conditions du bonheur. Il ne se pose même pas des
questions sur le rapport entre la cité de Dieu et la cité
terrestre, mais il décrit lucidement les mécanismes par lesquels
le pouvoir s'acquiert et se conserve. C'est dans ce sens qu'il est
considéré comme le fondateur de la science politique. Le
réalisme politique dont parle Machiavel dans Le Prince,
nous a conduit à apprécier l'agir politique des hommes politiques
en Afrique, plus particulièrement ceux de notre pays.
Dans le premier chapitre, Machiavel nous montre qu'il est
nécessaire qu'un Etat soit fort, c'est à dire capable de
défendre son peuple contre toute autre puissance qui peut l'assujettir.
C'est ainsi que notre auteur oriente sa théorie politique, d'un point de
vue concret (réaliste), contrairement à Platon et Aristote qui
l'ont traité d'un point de vue idéal (imaginaire). Pour notre
auteur, la politique est un art par lequel le maintien et la perte du pouvoir
dépend de celui qui gouverne. C'est pourquoi il est nécessaire
que le prince se dote des moyens appropriés s'il ne veut sa perte et
celle de son Etat.
Dans cette analyse des moyens, Machiavel pousse sa
réflexion très loin. Il faut par exemple faire usage de la force
en cas de nécessité ; paraitre devant le peuple sous la
forme d'une autorité incontestable capable d'imposer la force, et
être craint, sans pour autant être détesté. La
virtù est une des manières de manifester cette force.
Une virtù qui doit devenir violence pour organiser l'Etat.
C'est pourquoi Machiavel pose la force armée (l'armée nationale)
comme la meilleure force militaire sur laquelle le prince devrait s'appuyer
pour un bon gouvernement d'un Etat. Etant donné que toutes les autres
forces sont dangereuses, le prince qui veut bien gouverner devrait compter sur
l'armée nationale seule.
En rapport avec la loi d'une Etat, nous avons traité du
rapport entre la force et la loi. Cette loi est édictée par le
prince pour bien asseoir son pouvoir. Mais, une loi sans la force de l'ordre
n'est-elle pas sans valeur ? Dès la loi doit être
accompagnée par la force de l'ordre qui lui sert d'auxiliaire, vue que
c'est grâce à elle que son application est rendue effective.
Aussi, certaines considérations sur la question du mal
politique, mieux de la dialectique entre le mal et le bien ont fait l'objet de
notre réflexion dans le second chapitre de notre travail. En effet, nous
retenons que pour Machiavel, le mal est mal. Et, il sait ce que signifient la
cruauté et l'avarice. Ce sont des vices, même s'ils peuvent
faciliter la conquête et le maintien au pouvoir. Dans cette optique,
Machiavel ne nous enseigne pas le mal pour le mal, il nous montre simplement
comment utiliser le mal tout en s'opposant à une cruauté
féroce, aveugle qui d'ailleurs cause la ruine du prince.
Par ailleurs, dans le troisième chapitre, nous avons
essayé de concilier la politique et l'éthique. L'analyse nous a
montré que le jugement politique ne s'oppose pas au jugement moral.
Contrairement, à la conception de Machiavel qui pose une nette
séparation entre la politique et l'éthique. Pour nous, la
politique doit tenir compte de la morale pour être légitime. En ce
sens, nous pensons qu'il n'est pas permis d'utiliser tous les moyens en vue du
bien commun. C'est ainsi, tout en nous situant dans la perspective de
Machiavel, à savoir la quête de l'unité de l'Italie, nous
ne pouvons pas souscrire à une telle théorie politique. La
conquête et le maintien du pouvoir peuvent emprunter d'autres voies
respectueuses de l'homme et de la quête de sa perfection.
En outre, s'il est vrai que la pensée politique de
Machiavel inspire encore de nombreux hommes politiques, surtout en Afrique,
elle est cependant une pensée dangereuse. En tant que telle, elle doit
être critiquée. L'intérêt d'une telle pensée,
c'est de nous avoir révélé la dure réalité
de la pratique politique qui appelle notre engagement et notre prudence dans
tout commerce avec les hommes politiques. Toutefois, au-delà de toute
considération, la politique n'est pas à diaboliser parce qu'elle
est essentielle à la vie des hommes, mais elle n'est pas à
regarder avec naïveté. Pour l'aborder, nous devons avoir
réalisme et lucidité.
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