Crimes de guerre et crimes contre l'humanité:quels enjeux pour le droit international humanitaire?( Télécharger le fichier original )par Eric KAMBALE BWAHASA Université Cadi Ayyad: Faculté de droit Marrakech - Licence Droit public 2009 |
Section II : Le TPIR : compétences et limitesA la suite du génocide dont le Rwanda a été le théâtre en 1994, le Conseil de Sécurité des Nations unies a crée le Tribunal Criminel International pour le Rwanda (le Tribunal) dans le but de poursuivre devant la justice les principaux responsables du génocide et d'autres crimes contre l'humanité. Prés d'une année s'est passée avant que le Tribunal ne puisse prendre possession de son siège à Arusha, en Tanzanie, en novembre 1995. On doit attendre d'un tribunal crée par les Nations unies qu'il respecte strictement toutes les normes les plus élevées établies par les Nations unies elles-mêmes. Dans toutes ses facettes, le travail du Tribunal créera des précédents qui seront examinés de près par les autorités nationales et par le futur tribunal criminel international permanent. Le travail du Tribunal consistera donc à renforcer à moins qu'il ne les affaiblisse, le caractère juste et équitable du processus judiciaire dans le monde entier37(*). Le Tribunal pénal international pour le Rwanda est régi par son Statut qui est joint en annexe à la résolution 955 du Conseil de sécurité. Le Règlement de procédure et de preuve que les juges ont adopté conformément à l'article 14 du Statut, définit le cadre nécessaire au fonctionnement du système judiciaire. Le Tribunal est composé de trois organes: les Chambres de première instance et la Chambre d'appel, le Bureau du Procureur, chargé des enquêtes et des poursuites et le Greffe responsable de fournir un appui général judiciaire et administratif aux Chambres et au Procureur. Siege du tribunal Par sa résolution 977 (1995) du 22 février1995, le Conseil de sécurité a décidé que le siège du Tribunal serait à Arusha en République-Unie de Tanzanie. La compétence de cette cours porte sur les éléments suivant : COMPÉTENCE RATIONE MATERIAE: le génocide, les crimes contre l'humanité, les violations de l'article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II sont poursuivis; COMPÉTENCE RATIONE TEMPORIS: les crimes commis entre le 1 er janvier et le 31 décembre 1994; COMPÉTENCE RATIONE PERSONAE ET RATIONE LOCI: les crimes commis par des rwandais sur le territoire du Rwanda et sur le territoire d'États voisins ainsi que les citoyens non-rwandais pour les crimes commis au Rwanda A l'actif du TPIR, il faut compter la reconnaissance incontestable du génocide rwandais et la neutralisation politique internationale de l'agenda éradicateur des Tutsi du « Hutu Power ». Cependant, sept ans plus tard, le travail du Tribunal n'a pas réussi à davantage faire la lumière sur le plan, le mécanisme, la chronologie, l'organisation et le financement du génocide, ni à en identifier les vrais auteurs. Par comparaison avec le Tribunal pour l'ex-Yougoslavie, le TPIR a souffert d'un désintérêt international et d'un abandon médiatique choquant. Cela est en partie du au fait que la compétence du TPIR est de juger exclusivement les crimes commis en 1994, à la différence du TPIY dont la compétence est indéfinie dans le temps. L'existence symbolique du tribunal n'a pas non plus découragé la persistance de protections dont bénéficie dans certaines capitales (Kinshasa, Brazzaville, Nairobi, entre autres) plus d'une douzaine de puissantes personnalités hutues rwandaises figurant parmi les principaux suspects du génocide. Enfin, il ne semble pas avoir eu d'effet dissuasif sur les acteurs du génocide de 1994 et de la guerre au Rwanda entre l'ancien gouvernement d'Habyarimana et le Front Patriotique Rwandais. Les perpétrateurs du génocide se sont réarmés en toute impunité dans les camps de réfugiés de l'est du Congo, menant à la reprise de la guerre par le FPR en 1996 puis en 1998 sur le territoire de la RDC, où des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ont continué d'être commis par tous les acteurs38(*). Quelques critiques très nourri ont été adressé a l'égard du TPIR, nous retiendrons plus d'attention sur celle lui adressé par Amnesty International. · Certains des accusés sont détenus depuis plus de 30 mois et quelques-uns risquent de passer plusieurs années en détention avant que leur procès ne soit terminé, ce qui mettrait en péril leur droit, en termes de droit international, à être juges dans des délais raisonnables. Certains des retards incombent au Tribunal - retards dans l'inculpation des suspects, dans l'audition des requêtés (c'est-à-dire les demandes faites au Tribunal par l'accusation ou par la défense pour qu'il prenne une ordonnance), et du fait que le Tribunal n'a siège que huit mois sur une période de douze en 1997-98. · Le système de protection des témoins présente bien des carences et ne dispose pas de l'expérience requise, ce qui met les témoins en danger, les dissuade de témoigner et met la justice en péril. · Les témoins pourraient être en danger du fait qu'aucun des Etats africains - ou autres - n'a accepté de permettre à des témoins qui ne peuvent rentrer en toute sécurité au Rwanda de venir séjourner chez eux et d'y être protégés. La politique du gouvernement rwandais en matière d'assistance aux témoins qui doivent quitter le pays pour aller à Arusha ne protège pas leur identité et leur avenir comme il le faudrait. · Les retards pris dans l'audition des requêtes ou des demandes d'ordonnance sont inacceptables. Dans un des cas, une requêté urgente demandant une protection pour des témoins a subi un retard tel qu'elle devenue caduque lorsque le camp de réfugiés où séjournaient les témoins a été attaqué et que les témoins ont été dispersés. Dans un autre cas, une demande urgente d'habeas corpus n'a tout simplement jamais été examinée. · Dans quelques cas, on n'a pas suffisamment tenu compte des normes internationales et des Règles de procédure du Tribunal, négligence qui a gravement compromis les droits des détenus et établi de dangereux précédents. Dans un autre, un accusé a été incarcéré dans un lieu de détention non reconnu. Dans un autre enfin, un détenu qui avait été arrêté par erreur à Nairobi a été placé illégalement en détention pendant presque deux mois à Arusha. Il n'a pas pu entrer en communication avec un avocat, n'a pas été présenté a un juge et a finalement été renvoyé à Nairobi ou il a été rapidement arrêté par la police locale. · Troublante et parfois dangereuse est l'absence d'une stratégie adaptée ou cohérente de diffusion des informations destinées au public. Les documents relatifs aux procès qui devaient être a la disposition du public ne le sont pas. Plus grave : dans un cas en particulier, le bureau du greffe du Tribunal a diffusé un document où figuraient des noms de témoins que le Tribunal avait ordonne de tenir secrets; dans un autre, un acte d'accusation a été diffuse publiquement, alors qu'il contenait certains chefs d'inculpation que le Tribunal avait ordonne de rayer de la liste39(*). * 37 Amnesty International, IOR 40/03/98 * 38 Rapport Afrique Numéro 30, TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA : L'URGENCE DE JUGER, 7 juin 2001 * 39 Amnesty International, IOR 40/03/98 |
|