UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES
FACULTE DE MEDECINE
ECOLE DE SANTE PUBLIQUE
GESTION RATIONNELLE DES PRODUITS ALIMENTAIRES POUR LA
PRISE EN CHARGE DE LA MALNUTRITION SEVERE
CAS DE L'HÔPITAL PÉDIATRIQUE DE
LWIRO
Jérôme FAZILI SEKELE
Travail présenté en vue de l'obtention du
titre de Licencié en Sciences de la Santé Publique - Gestion des
Institutions des soins.
DIRECTEURS :
Professeur Philippe HENNART
Professeur Michèle DRAMAIX
Docteur Daniel BRASSEUR.
ANNEE ACADEMIQUE : 1996-1997
Je dédie ce travail à ma femme Noëlle Namwangu
et à mes enfants :
Sandra Wabiwa,
Espoir Mubyukya,
Sophie Tabaye,..
en témoignage de ma profonde tendresse.
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier Monsieur le Professeur Philippe
Hennart d'avoir financé mes études et de m'avoir orienté
vers les sciences de la santé publique. Je le remercie aussi, en
même temps que Madame le Professeur Michèle Dramaix et Monsieur le
Docteur Daniel Brasseur pour leurs conseils éclairés dès
le commencement jusqu'à la finition de ce travail
C'est en bénéficiant de l'encadrement
scientifique et du soutien moral des membres de l'équipe CEMUBAC
à Bruxelles que j'ai été réconforté pour
aborder un tel sujet si complexe. Je les remercie pour le soutien
apporté et l'amitié qu'ils m'ont toujours
témoignée. Je pense ici à Alain Wodon, Marc Willeput,
Paluku Bahwere, Philippe Donnen et Nathalie Moreau.
Ma reconnaissance s'adresse également à mon
confrère Wakilongo qui a pris soins de rassembler les données qui
m'ont permis de réaliser ce travail.
Enfin, durant mon séjour en Belgique, j'ai
échappé à la fatale solitude caractéristique des
pays développés grâce à la présence
ininterrompue d'Anne et Alain , Esther et Lambert, Antoinette et
Léonide, Adèle et Franck, Rachel et Abdon,...
TABLE DES MATIERES
CHAPITRE I. LA GESTION DES
MEDICAMENTS ET PRODUITS
3
I.1 LA SÉLECTION DES
MÉDICAMENTS
3
I.2 LA QUANTIFICATION DES BESOINS
4
I.2.1 LA MÉTHODE FONDÉE SUR LA MORBIDITÉ ET
LE TRAITEMENT TYPE
4
I.2.2 LA MÉTHODE DE LA CONSOMMATION CORRIGÉE
5
I.2.3 CHOIX DE LA MÉTHODE
6
I.2.4 ADAPTATION DES QUANTITÉS AU BUDGET DISPONIBLE
6
I.3 L'APPROVISIONNEMENT
8
I.3.1 POLITIQUES D'APPROVISIONNEMENT
8
I.3.2 LE DÉLAI DE RÉAPPROVISIONNEMENT
10
I.3.3 LE STOCK DE SÉCURITÉ
10
I.3.4 LES QUANTITÉS À COMMANDER
11
I.4 LE SUIVI DU STOCK
12
I.5 LA CONSERVATION DES
MÉDICAMENTS
13
I.5.1 CLASSEMENT DES MÉDICAMENTS
13
I.5.2 LE CONTRÔLE QUALITATIF
13
CHAPITRE II. ETUDE DE
SITUATION : LA GESTION DES PRODUITS ALIMENTAIRES A L'HÔPITAL PEDIATRIQUE
DE LWIRO.
14
II.1 PRINCIPE DE PRISE EN CHARGE DE LA
MALNUTRITION SÉVÈRE
14
II.2 L'HÔPITAL PÉDIATRIQUE
DE LWIRO
15
II.3 LA GESTION DES STOCKS ALIMENTAIRES
ET LA PRISE EN CHARGE DE LA MALNUTRITION SÉVÈRE À L'HPL.
16
II.3.1 APPROVISIONNEMENT
16
II.3.2 SUIVI DES STOCKS
17
II.3.3 LA CONSERVATION DES PRODUITS
18
II.3.4 LE CALCUL DES RÉGIMES
18
II.3.5 LA PRÉPARATION DES REPAS
19
II.3.6 SURVEILLANCE DE LA CONSOMMATION
19
II.3.7 EVALUATION DE LA COUVERTURE DES APPORTS NUTRITIONNELS
19
II.4 COMMENTAIRES
19
II.4.1 LA SÉLECTION DES PRODUITS ALIMENTAIRES
19
II.4.2 LA QUANTIFICATION DES BESOINS EN PRODUITS ALIMENTAIRES
20
II.4.3 LES APPROVISIONNEMENTS
20
II.4.4 LA CONSERVATION DES PRODUITS
21
CHAPITRE III. ELEMENTS POUR LA
MISE EN PLACE D'UN SYSTEME DE GESTION RATIONNELLE DES PRODUITS ALIMENTAIRES
22
III.1 LA SELECTION DES PRODUITS
ALIMENTAIRES
23
III.1.1 PRINCIPE
23
III.1.2 CONTRAINTES
23
III.1.3 RÉSULTATS
26
III.2 LA QUANTIFICATION DES BESOINS EN
PRODUITS ALIMENTAIRES
28
III.2.1 PRINCIPE
28
III.2.2 CONTRAINTES
28
III.2.3 RÉSULTAT
29
III.3 APPROVISIONNEMENT
30
III.3.1 PRINCIPE
30
III.3.2 CONTRAINTES
31
III.3.3 RÉSULTATS
32
III.4 ADAPTATION DES BESOINS AU BUDGET
34
III.4.1 PRINCIPE
34
III.4.2 CONTRAINTES
34
III.4.3 RESULTATS
34
III.5 LA CONSERVATION DES PRODUITS
ALIMENTAIRES
37
III.5.1 PRINCIPE
37
III.5.2 CONTRAINTES.
37
III.5.3 RÉSULTATS
37
III.6 SUIVI DES STOCKS
38
III.6.1 PRINCIPE
38
III.6.2 CONTRAINTES
39
III.6.3 RÉSULTAT
39
CHAPITRE IV. DISCUSSION DES
RESULTATS
40
IV.1 DE LA SELECTION DES PRODUITS
40
IV.2 DE LA QUANTIFICATION
41
IV.3 DE L'ADAPTATION DES QUANTITES AU
BUDGET
42
IV.4 DE LA POLITIQUE D'APPROVISIONNEMENT
42
IV.5 DE LA CONSERVATION
43
IV.6 DE LA CAPACITE DE CONSERVATION
43
IV.7 DE L'UTILISATION DE L'INFORMATIQUE
44
IV.8 CRITERES D'EVALUATION DE CETTE
GESTION
44
IV.8.1 LE CONTROLE DES QUANTITES
44
IV.8.2 LE CONTROLE SUR LES COUTS
45
CHAPITRE V. CONCLUSION
46
CHAPITRE VI. BIBLIOGRAPHIE
48
INTRODUCTION
La terminologie de la malnutrition a évolué
parallèlement au progrès des connaissances physiopathologiques
sur cette maladie carentielle. Les premiers auteurs (Normet 1926, Williams
1933) ont considéré que la malnutrition était la
conséquence d'une carence en protéines d'où l'utilisation
du vocable "malnutrition protéique". Plus tard l'importance d'une
carence énergétique a été reconnue (McLaren, 1974;
Waterlow, 1975 etc.). Ce qui a conduit à l'utilisation du vocable
"malnutrition protéino-énergétique". Actuellement, on
considère que la malnutrition est due à des carences multiples,
ce qui fait que l'on parle de plus en plus de la malnutrition pluricarentielle,
ou plus simplement de la malnutrition (Suskind, 1990). C'est cette
dernière terminologie que nous adoptons dans ce travail.
La malnutrition est une manifestation pathologique due au
déficit d'apport énergétique et en divers nutriments
(Briend et al, 1993). Elle est plus fréquente chez les jeunes enfants.
Elle est souvent associée, dans un cercle vicieux, aux infections. On
parle de malnutrition primaire quand elle est directement liée au
déficit du régime alimentaire et de malnutrition secondaire quand
elle survient à la suite d'une infection chronique ou d'une
malabsorption pathologique.
Au niveau physiopathologique, la première manifestation
de la malnutrition est un retard de croissance staturo-pondérale. Si le
déficit se prolonge, l'enfant va passer du simple retard de croissance
à des formes plus sévères : le kwahiorkor et le
marasme.
Les signes cliniques du kwashiorkor sont la présence
d'oedèmes bilatéraux au niveau des pieds ou
généralisés, les altérations de la peau et des
cheveux, l'anorexie et le repli sur soi.
Les signes cliniques du marasme sont une maigreur
extrême, la perte de l'élasticité de la peau, un aspect de
vieillard et un appétit excessif.
Les taux de prévalence de la malnutrition sont plus
élevés dans les régions du monde où la
disponibilité alimentaire est insuffisante. On estime actuellement que
43% des enfants de moins de 5 ans vivant dans les pays en voie de
développement présentent un retard de croissance pondérale
(Onis, 1993). La prévalence de la malnutrition sévère est
généralement plus faible, environ 2 à 3%. Elle peut
atteindre 10 à 20% dans les situations de guerres et de famines.
Les états de marasme sont fréquents entre 6 et
18 mois d'âge lorsque le lait maternel ne couvre plus les besoins
nutritionnels de l'enfant et que les aliments donnés en
complément du lait maternel sont de faible valeur nutritionnelle. Les
états de kwashiorkor surviennent fréquemment après le
sevrage complet lorsque l'apport en protéines d'origine animale devient
faible, c'est-à-dire après l'âge de deux ans (Briend et al,
1993).
Dans la région du Kivu montagneux, à l'Est du
Congo, l'alimentation est constituée de 5 aliments principaux : les
haricots, les patates douces, le manioc, les bananes et le sorgho. L'apport
énergétique est en moyenne de 5 à 15% en dessous des
normes définies par le comité mixte des experts FAO-OMS de 1973.
Cet apport ne connaît que peu de variations saisonnières au cours
de l'année grâce à la consommation régulière
de la farine de manioc, principale source d'énergie. Par contre l'apport
en protéines (50-90% des normes) connaît des fluctuations
saisonnières puisqu'il dépend de la récolte des haricots.
C'est pendant la période située entre deux récoltes de
haricots, appelée période de soudure, que l'apport en
protéines est beaucoup plus bas (Vis, 1969).
Les résultats de ces enquêtes nutritionnelles
indiquent qu'en milieu rural, environ 50% de la population se trouve, en
état de "malnutrition relative". Celle-ci est définie par rapport
à l'état nutritionnel des individus qui ont un apport
nutritionnel et un environnement (hygiène du milieu) estimés
meilleurs. La courbe de croissance des enfants du milieu rural du Kivu montre
qu'il existe un retard de croissance dès la vie foetale par rapport aux
enfants vivant aux Etats-Unis et en Europe. En conséquence, le poids de
naissance de ces enfants est en dessous de celui de leurs homologues
américains ou européens. S'il existe un rattrapage durant les
premières semaines de vie, la courbe des enfants du milieu
défavorisé du Kivu présente une cassure vers l'âge
de 4 à 6 mois (Hennart, 1984).
La malnutrition rencontrée au Kivu est
caractérisée par :
· une prépondérance de la carence en
protéines,
· une prévalence élevée chez des
enfants plus âgés dont un grand nombre entre 2 et 6 ans,
· une prévalence plus élevée au
début de la saison des pluies (octobre, novembre, décembre)
c'est-à-dire lors de la période de soudure protéique,
· des carences en oligo-éléments dont
l'iode, le cuivre, le zinc, le sélénium et des carences en
vitamines, notamment la vitamine A.
Dans les pays en voie de développement la malnutrition
sévère est associée de façon évidente
à un risque élevé de mortalité chez les enfants
(Van der Broeck et al 1993, Dramaix et al, 1993).
Il n'existe pas de consensus sur le lieu de traitement de la
malnutrition sévère. Cependant la majorité d'auteurs
(Waterlow, 1992; Briend, 1994; OMS, 1995) recommandent que le traitement de la
malnutrition sévère soit conduit à l'hôpital afin de
prévenir et de mieux prendre en charge les complications
associées fréquemment à la malnutrition.
Le traitement est essentiellement diététique.
Une alimentation appropriée pour ce traitement est donc indispensable
pour réduire la mortalité dûe à la malnutrition
sévère.
La disponibilité d'une telle alimentation ne peut
être assurée que si un modèle pour assurer une gestion
rationnelle des produits alimentaires existe.
Dans le but de réduire la mortalité due aux
infections et de favoriser l'accessibilité aux soins de santé,
l'O.M.S. a mis au point, dans le cadre de la stratégie des soins de
santé primaires, un modèle de gestion permettant d'assurer une
disponibilité en médicaments dans les pays en voie en
développement (OMS, 1981). La rationalité de ce modèle
s'explique par le fait qu'il tient compte des spécificités
propres aux pays en développement, notamment les ressources
financières limitées et les conditions climatiques
particulières. Ce modèle décrit d'abord une
démarche pour faire une sélection raisonnée des
médicaments afin d'élaborer une liste nationale, régionale
ou locale des médicaments "essentiels". Il décrit ensuite les
méthodes permettant de quantifier les besoins en médicaments,
d'assurer les approvisionnements et de mettre en place des conditions de
conservation des médicaments adéquats. Ce modèle est
aujourd'hui utilisé dans de nombreux districts de santé.
La malnutrition étant un problème de
santé publique grave dans les pays en développement et
l'alimentation en étant le principal remède, l'objectif poursuivi
par ce travail est de proposer un modèle pour une gestion
rationnelle des produits alimentaires en vue d'améliorer la prise en
charge des enfants sévèrement malnourris.
CHAPITRE I. LA GESTION DES MEDICAMENTS ET PRODUITS
Le but de ce chapitre est de décrire un modèle
théorique pour la gestion des médicaments. Ce modèle
servira de base aux différentes étapes de la démarche
suivie pour la construction du modèle de gestion des produits
alimentaires. Ces étapes sont : la sélection des
médicaments, la détermination des quantités
nécessaires, l'approvisionnement et la conservation des
médicaments. Le module sur l'organisation des systèmes de
santé en rapport avec les pays en voie de développement qui
décrit amplement ce modèle de gestion des médicaments
(Vandenbuscche, 1997) a servi de référence principale pour ce
chapitre.
I.1 LA
SÉLECTION DES MÉDICAMENTS
Ce travail est effectué par les médecins afin
d'établir une liste des médicaments essentiels pour un niveau de
soins donné. L'établissement de cette liste nécessite deux
décisions fondamentales :
* déterminer quels sont les problèmes de
santé à traiter,
* déterminer quels sont les médicaments
essentiels appropriés pour traiter ou prévenir ces
problèmes.
La liste des problèmes de santé à
traiter peut être dressée à partir soit des statistiques de
morbidité si celles-ci existent ou en partant de la Classification
Internationale des Maladies (CIM).
Les critères de choix des médicaments
essentiels pour le traitement de chaque problème de santé sont
basés sur la notion d'efficience en tenant compte des effets secondaires
(OMS, 1981). La sélection des médicaments essentiels conduit donc
à l'élaboration d'une liste limitative dont les avantages sont
notamment :
· de réduire le nombre de produits
pharmaceutiques à acquérir, stocker, et distribuer,
· d'améliorer la qualité de la
consommation, l'information pharmaceutique et la pharmacovigilance,
· d'optimiser la gestion.
I.2 LA QUANTIFICATION
DES BESOINS
La sélection des médicaments étant
établie, la seconde étape consiste à quantifier les
besoins en médicaments pour assurer la prise en charge de la population
cible. Deux méthodes sont habituellement utilisées à cet
effet :
La méthode fondée sur la morbidité et
le traitement type ;
La méthode de la consommation corrigée.
Ces deux méthodes s'appuient sur les données
relatives à l'utilisation des services de santé.
I.2.1 LA MÉTHODE FONDÉE SUR LA MORBIDITÉ
ET LE TRAITEMENT TYPE
Cette méthode repose sur deux types de données :
les données de morbidité, permettant de quantifier le nombre
d'épisodes des maladies à traiter, et la définition d'un
schéma type de traitement pour chacune de ces maladies.
Les composantes du schéma moyen de traitement sont :
1. Le nom du problème de santé et le
numéro de la CIM
2. Le nom générique, la forme galénique
et le dosage du médicament
3. La dose moyenne
4. Le nombre moyen de doses par jour
5. le nombre moyen de jours de traitement
6. La quantité moyenne totale pour chaque
médicament utilisé (obtenue par le produit des 3, 4 et 5).
L'application de ce schéma type doit également
tenir compte d'autres critères tels que la capacité du personnel
à poser le diagnostic et à appliquer un traitement, la
faisabilité pratique du traitement moyen dans le contexte où il
s'applique, l'acceptabilité d'ordre culturel par la population cible,
...
La seconde composante de la méthode consiste à
recueillir les informations sur la morbidité diagnostiquée et
traitée par les services de santé. Soit plus
précisément, le nombre d'épisodes de traitement parmi les
malades consultants.
Pour déterminer les quantités nécessaires
en médicaments pour traiter un problème de santé
donné, pour chaque médicament i entrant dans le traitement du
problème de santé, il faut multiplier les éléments
recueillis selon la formule suivante :
QTi = Qi * N où
QTi = Quantité totale du médicament i
pour traiter le problème de santé
Qi = Quantité du médicament i pour
le traitement type d'un épisode
N = Nombre d'épisodes du problème de
santé à traiter
Si un médicament sert à traiter plusieurs
problèmes, on additionne les totaux de ces problèmes pour obtenir
la quantité totale nécessaire.
I.2.2 LA MÉTHODE DE LA CONSOMMATION CORRIGÉE
Cette méthode permet d'estimer les besoins en
médicaments à partir de la mesure des consommations
antérieures pour un échantillon d'établissements.
On sélectionne un nombre d'établissements types
se caractérisant par une charge de travail raisonnablement
représentative, un approvisionnement acceptable et des prescriptions et
une consommation rationnelles. On y analyse la consommation de chaque
médicament et chaque fois qu'elle paraît anormale, on la corrige
en procédant à un ajustement jusqu'à atteindre le niveau
qui paraît adéquat. L'ajustement tiendra compte des ruptures de
stock et des pertes par péremption.
Les quantités consommées sont exprimées
en quantités types par nombre de patients traités ou
d'épisodes de traitement. Ces quantités sont alors
utilisées comme norme pour l'estimation des quantités des autres
services. On postule donc que la consommation corrigée des
établissements types représente de manière satisfaisante
les besoins des autres établissements de même type. Il faut pour
cela que les schémas de traitements dans les établissements types
soient jugés suffisamment rationnels et que les profils de
morbidités traitées soient représentatifs de ceux des
autres établissements.
Le choix des établissements types constitue
l'élément le plus crucial de la méthode. Les
établissements types doivent répondre aux six critères
suivants :
Un profil de morbidité et un nombre de consultations
représentatifs
Des pratiques de prescriptions suffisamment rationnelles
Un approvisionnement adéquat et régulier
Des données complètes et précises sur
les stocks, sorties et utilisations
Un faible niveau de pertes
Des statistiques complètes et exactes sur les
consultations et hospitalisations.
Après avoir fait le choix des établissements
types, la deuxième étape consiste à recueillir des
statistiques sur le nombre total de contacts dans chaque établissement
type. Il est conseillé de calculer les contacts, tout comme la
consommation sur une période de 12 mois si l'on veut tenir compte des
variations saisonnières.
On calcule ensuite la consommation de chaque médicament
soit :
· en additionnant toutes les sorties de stock
· en calculant (stock initial + médicaments
achetés - stock final).
La troisième étape consiste à corriger
les quantités afin de tenir compte des pertes évitables et des
ruptures des stocks éventuelles. Afin de ne pas enregistrer les pertes
évitables comme une consommation, il faut les déduire des sorties
du stock. Pour les ruptures des stocks, on risque de sous-estimer la
consommation si une partie des produits n'a pas été
délivrée car le produit manquait pendant quelque temps. Il
s'agira donc de corriger les quantités enregistrées en les
calculant pour une période complète, c'est-à-dire sans
rupture de stocks.
Enfin, la dernière étape consiste à
déterminer la consommation moyenne pour 1000 contacts avec les patients
en divisant la consommation corrigée de chaque médicament par le
nombre de consultations. Pour obtenir une estimation globale, chaque
quantité de médicaments doit être multipliée par le
nombre probable de contacts avec les patients.
I.2.3 CHOIX DE LA MÉTHODE
On peut constater que la méthode basée sur la
morbidité et le traitement type convient dans une situation vierge sans
référence tandis que la méthode de la consommation
corrigée sera utilisée lorsqu'il existe des établissements
de référence.
Quelle que soit la méthode utilisée, les
quantités déterminées correspondent uniquement au
traitement des patients. Il convient d'y ajouter un supplément afin de
pouvoir faire face aux imprévus, aux pertes, ... Cet aspect sera
ébauché au point 1.3.3.
La quantité totale ainsi obtenue sera arrondie si le
conditionnement des médicaments le justifie.
I.2.4 ADAPTATION DES QUANTITÉS AU BUDGET DISPONIBLE
La quantité totale nécessaire pour chaque
médicament étant connue, son coût sera calculé
suivant la formule :
CT = Nc * Pc
CT = Coût total, Nc = Nombre de conditionnements, Pc =
Prix par conditionnement
La somme des coûts de chaque médicament
détermine le budget total nécessaire.
Dans les pays en développement, le coût des
médicaments jugés nécessaires sera souvent
supérieur au budget dont disposent les services de santé. Il
convient donc dans ce cas de procéder à une révision
quantitative et de réduire la commande totale dans les limites du
budget.
Cette révision peut se faire sur base de la valeur
thérapeutique (système V.E.N.) ou sur base de la valeur
monétaire ( méthode ABC), des médicaments.
Le système V.E.N. consiste à classer les
médicaments se trouvant sur la liste dans l'une de trois
catégories suivantes, définies par rapport à leur valeur
thérapeutique :
* V : médicaments vitaux,
c'est-à-dire susceptibles de sauver la vie et dont on ne peut pas se
passer (ex : insuline pour le traitement du diabète)
* E : médicaments essentiels.
Entrent dans cette catégorie les médicaments efficaces pour les
maladies sans danger mortel mais ayant des incidences sérieuses sur la
santé.
* N : médicaments non essentiels. On
regroupe dans cette catégorie les médicaments à utiliser
dans les maladies bénignes ou qui tendent à guérir
d'elles-mêmes et les médicaments de prix élevés
pour une faible efficacité.
L'adaptation de la demande au budget sera basée sur un
jugement plus critique sur l'utilité de certains médicaments
(médicaments de la catégorie N, par exemple).
La méthode ABC classe les produits selon leur valeur
monétaire.
L'expérience montre qu'un nombre relativement peu
élevé de médicaments comptent généralement
pour une part importante du coût total. Selon cette méthode, les
médicaments sont classés en fonction de leur part de ce
coût total.
A : Médicaments représentant un
pourcentage élevé du coût
B : Médicaments représentant un
pourcentage moyen du coût
C : Médicaments représentant un
faible pourcentage du coût
L'adaptation de la demande au budget sera basée ici sur
un jugement sur le coût de certains médicaments
(médicaments des catégories A et B).
I.3
L'APPROVISIONNEMENT
L'objectif de ce paragraphe est de décrire la
démarche à suivre pour assurer un approvisionnement continu en
médicaments.
Une bonne gestion des stocks doit établir un juste
équilibre entre la nécessité d'avoir des stocks pour
subvenir aux besoins de la population et leur coût.
Les objectifs des gestionnaires de stocks doivent être
les suivants :
· augmenter la disponibilité des
médicaments et diminuer leur temps d'attente,
· protéger contre les incertitudes en absorbant
les variations de l'offre et surtout de la demande,
· prévoir les variations saisonnières en
étant organisé pour s'adapter à ces fluctuations.
·
Le coût de stockage englobe :
· les frais généraux : maintenance des
locaux, location ou construction, chauffage, électricité...
· les dégâts et
détériorations,
· la péremption,
· le vol,
· le coût lié aux commandes.
Bien que les stocks aient une fonction vitale, les coûts
de fonctionnement sont tels qu'il est très important que ces stocks
soient maintenus à des niveaux appropriés pendant toute
l'année grâce à des système de contrôle bien
adaptés.
Le stock comporte deux éléments : le stock actif
et le stock de sécurité. Le stock actif est utilisé pour
satisfaire la demande normale entre deux approvisionnements. Le stock de
sécurité est là pour faire face à une augmentation
imprévue de la demande.
Pour réduire le stock disponible moyen et donc
réduire les coûts de tenue de stock, on peut soit diminuer le
stock actif et l'on doit alors augmenter la fréquences des commandes,
soit diminuer le stock de sécurité mais on augmente alors le
risque de rupture de stock.
I.3.1 POLITIQUES D'APPROVISIONNEMENT
Il existe différentes politiques d'approvisionnement :
le flux tendu, l'approvisionnement à point de commande et
l'approvisionnement à date fixe.
I.3.1.1 Flux tendu
La politique d'approvisionnement à "flux tendu" ou
"juste à temps" ou encore "stock zéro" consiste à ne se
réapprovisionner que lorsque le stock est à zéro. La
quantité à commander est, pour chaque produit,
déterminée en fonction de la consommation de la période
précédente.
I.3.1.2 L'approvisionnement au point de
commande
Dans ce système, le niveau du stock est
vérifié continuellement. Lorsque le niveau tombe en dessous d'un
niveau déterminé à l'avance appelé le point de
commande, on déclenche le processus de commande. La quantité
commandée est chaque fois la même. Elle est estimée en
fonction de la consommation prévue et de la fréquence de commande
que l'on espère.
Le point de commande se calcule comme suit :
PC = (DA * Cons) + S
où DA = délai d'approvisionnement Cons =
consommation moyenne par unité de temps S = stock de
sécurité
I.3.1.3 L'approvisionnement à date
fixe
Le niveau des stocks est vérifié à
échéances fixes. La commande est égale à la
différence entre le niveau de stock existant et un niveau de stock
maximum déterminé à l'avance. Le stock maximum se
calcule suivant la formule :
MAX = (IC * Cons) + (DA * Cons) + S
où IC = intervalle de commande Cons = consommation
moyenne par unité de temps DA = délai
d'approvisionnement S = stock de sécurité
I.3.2 LE DÉLAI DE RÉAPPROVISIONNEMENT
Le délai de réapprovisionnement doit être
estimé en prenant en compte les éléments suivants :
· Temps d'élaboration de la commande
· Temps de transmission de la commande au fournisseur
· Délai de livraison du fournisseur
· Temps de transport, réception et emmagasinage
I.3.3 LE STOCK DE
SÉCURITÉ
Le stock de sécurité sert à pallier les
augmentations de la demande par rapport aux prévisions de consommation.
Il s'ajoute au stock actif (quantité prévue pour répondre
aux besoins pendant une période donnée).
Le stock de sécurité peut être
déterminé arbitrairement ou scientifiquement. Une des
méthodes arbitraires consiste à calculer le stock de
sécurité à partir des coefficients arbitraires
correspondant à 1/4 ou 1/3 du stock total.
Il existe plusieurs méthodes pour déterminer
scientifiquement le stock de sécurité. Elles sont basées
sur la distribution des données des consommations antérieures. Si
l'on suppose que la demande réelle suit une distribution normale dont la
moyenne est égale à la demande prévue, la courbe de
distribution normale sera déterminée si on connaît sa
moyenne et son écart type. On utilisera 1, 2 ou 3 écarts-type
selon que l'on souhaite satisfaire la demande respectivement à 84%;
97.5% ou 99.9%. Le niveau de stock de sécurité sera alors
calculé sur base de l'écart type en utilisant la formule suivante
:
Ecart type * Facteur de sécurité
Le facteur de sécurité correspond aux choix
entre 1, 2 ou 3 écarts-type.
A titre d'exemple, si l'on souhaite couvrir la demande d'un
médicament "v" à 100%, le facteur de sécurité sera
de 3. Pour une demande de 100 Kg et un écart-type de 25 Kg, le stock de
sécurité sera de 3*25 Kg soit 75 Kg !
Remarquons que dans le cas d'un approvisionnement au point de
commande, le stock de sécurité doit être calculé
pour une période correspondant au délai d'approvisionnement alors
que dans le cas d'un approvisionnement à date fixe, ce même stock
doit être estimé sur la période située entre deux
commandes.
I.3.4 LES QUANTITÉS À
COMMANDER
La quantification des besoins en médicaments est
estimée sur une période d'un an afin de tenir compte des
variations saisonnières. Ces quantités ne doivent
néanmoins pas être systématiquement achetées en une
seule fois. Elles sont souvent fractionnées pour couvrir les besoins de
périodes plus courtes (mois, trimestre ou semestre).
Les quantités optimales à commander sont
estimées par un équilibre entre deux coûts antagonistes :
le coût d'entretien et le coût de passation de la commande.
Le coût d'entretien est lié à la gestion
du stock, à la maintenance des locaux et à la location ou
à la construction des locaux de stockage. Il est donc important
d'estimer les surfaces qu'occupe le conditionnement d'un produit et de
déterminer le volume global des conditionnements pendant une
période donnée. Une autre contrainte à la limitation des
quantités à stocker est la conservation des médicaments en
particulier dans les pays en développement où la chaleur est
élevée et l'humidité importante.
Le coût de passation des commandes est lié
à la fréquence des commandes (papiers et envois) et aux frais de
transport.
Afin de mesurer l'équilibre entre les deux types des
coûts, il faut intégrer et pondérer les différents
éléments constitutifs de ces coûts et parfois user de bon
sens. Certains auteurs ont suggéré que des stocks correspondant
à 3 mois présentent un bon équilibre pour le niveau
intermédiaire.
I.4 LE SUIVI DU
STOCK
Trois systèmes sont suggérés pour
enregistrer les mouvements des stocks :
utilisation d'un cahier des stocks avec une page
séparée par produit
utilisation d'une fiche individuelle par produit si l'on
utilise un classeur
utilisation d'une fiche individuelle par produit,
placée à l'endroit où les produits sont stockés.
Quelle que soit le système adopté, les
informations minimales suivantes doivent être contenues dans les
documents :
· la description du produit
· la description de la transaction
· la date de la transaction
· les quantités reçues ou sorties
· la quantité disponible
· le point ou niveau de déclenchement de
commande.
Dans le contexte des pays en voie de développement,
l'utilisation des fiches de stock pré-imprimées, d'usage
aisé, paraît être la solution la plus adéquate.
I.5 LA CONSERVATION
DES MÉDICAMENTS
Le but de l'amélioration des conditions de stockage est
de limiter les pertes. Pour une meilleure conservation des médicaments
les éléments suivants doivent être pris en compte :
propreté des locaux, désinsectisation et dératisation
régulières, toiture imperméable, pas d'entrée d'eau
ni de rayons solaires sur les produits, bonne ventilation et un bon
éclairage, clef accessible à tout moment, isolation des produits
du sol d'au moins 10 cm, éloignement des produits des murs d'au moins 30
cm, hauteur maximale des colis égale à 2,4 m, dates de
péremption écrites lisiblement sur les emballages, identification
du produit sur emballages, température idéale du local entre
20°C et 25°C et humidité relative de l'air inférieure
à 90%, bonne séparation entre les médicaments et les
autres matériels non médicamenteux, utilisation de la
méthode FIFO (first in - first out) pour la gestion des stocks afin de
les utiliser dans l'ordre de péremption.
I.5.1 CLASSEMENT DES
MÉDICAMENTS
En plus du classement par la méthode FIFO, les
classements des médicaments selon l'ordre alphabétique ou selon
les groupes thérapeutiques sont également jugés
nécessaires. Ce dernier classement facilite le remplacement d'un produit
manquant par un autre de la même classe thérapeutique et donc la
rédaction des commandes.
I.5.2 LE CONTRÔLE QUALITATIF
Les stocks doivent être examinés au moins une fois
par mois pour surveiller des altérations éventuelles et
l'intégrité des emballages. Les produits périmés ou
endommagés doivent être séparés des autres pour
être éliminés ou renvoyés au fournisseur.
CHAPITRE II. ETUDE
DE SITUATION : LA GESTION DES PRODUITS ALIMENTAIRES A L'HÔPITAL
PEDIATRIQUE DE LWIRO.
II.1 PRINCIPE DE PRISE EN CHARGE DE LA MALNUTRITION
SÉVÈRE
Le traitement de la malnutrition sévère comprend
deux phases : la phase de réalimentation et la phase de
récupération nutritionnelle.
L'alimentation pendant la première phase doit
être donnée à intervalle régulier, en petite
quantité et poursuivie même pendant la nuit pour éviter
l'hypoglycémie. Le planning du traitement de la malnutrition
sévère est résumé dans le tableau I ci-dessous.
Tableau I: Planning de prise en
charge de la malnutrition sévère
|
PREMIERE PHASE
|
DEUXIEME PHASE
|
Durée
|
1-2 jours
|
3-7 jours
|
2-6 semaines
|
Prévention des complications
|
|
|
|
Hypoglycémie
|
|
|
|
Hypothermie
|
|
|
|
Déshydratation
|
|
|
|
Infections
|
|
|
|
|
|
|
|
Prise en charge diététique
|
|
|
|
Réalimentation
|
|
|
|
Compléments minéraux
|
|
|
|
Compléments vitaminiques
|
|
|
|
Récupération croissance
|
|
|
|
|
|
|
|
(OMS, 1995 : Management of the Child with Severe Malnutrition p.
1)
Les apports nutritionnels recommandés sont repris en
annexe 1
II.2
L'HÔPITAL PÉDIATRIQUE DE LWIRO
L'Hôpital Pédiatrique de Lwiro (HPL) est
situé dans la Région du Sud-Kivu, à l'Est de la
République Démocratique du Congo, à près de 50 Km
au Nord de la ville de Bukavu. La ville de Bukavu se trouve à la
frontière orientale entre le Congo et le Rwanda.
L'HPL est rattaché au Département de Nutrition
du Centre de Recherche en Sciences Naturelles (C.R.S.N.), une institution
publique sous la tutelle du Ministère de l'Enseignement
Supérieur, Universitaire et Recherche Scientifique. Le
Département de Nutrition du C.R.S.N. travaille en coopération
avec la section Soins de Santé Primaires et Nutrition du CEMUBAC (Centre
Scientifique et Médical de l'Université Libre de Bruxelles pour
ses Activités de Coopération) dans le cadre des soins de
santé et de la recherche sur la malnutrition rencontrée dans la
région du Kivu.
Le Département de Nutrition comprend en plus de
l'hôpital pédiatrique, un laboratoire d'analyses médicales
et une unité agronomique. L'hôpital pédiatrique a une
capacité de 70 lits. Environ 3/4 des enfants hospitalisés
souffrent d'une malnutrition (Rapports annuels du CEMUBAC de 1992-1996). Leur
prise en charge diététique constitue une des activités
importantes des soins. Le tableau II présente la distribution du
diagnostic nutritionnel des enfants admis à l'HPL en 1996.
Tableau II: Diagnostic
nutritionnel des enfants admis en 1996 à l'HPL
DIAGNOSTIC NUTRITIONNEL A L'ADMISSION
|
Effectif
|
%
|
% cumulé
|
Kwashiorkor
|
450
|
57%
|
57%
|
Kwashiorkor-marasmique
|
126
|
16%
|
73%
|
Marasme
|
39
|
5%
|
78%
|
Bon état nutritionnel
|
174
|
22%
|
100%
|
TOTAL
|
789
|
100%
|
|
(Rapport annuel du CEMUBAC, 1996 p.10)
L'équipe soignante est composée du personnel
médical et infirmier, des diététiciens et du personnel
auxiliaire.
II.3 LA GESTION DES STOCKS ALIMENTAIRES ET LA PRISE EN CHARGE
DE LA MALNUTRITION SÉVÈRE À L'HPL.
Les activités réalisées pour la gestion
des produits alimentaires et la réhabilitation nutritionnelle des
enfants sévèrement malnourris à l'HPL sont :
1. L'approvisionnement des produits alimentaires
2. Le suivi des stocks
3. La conservation des aliments
4. Le calcul des régimes
5. La préparation des repas
6. La surveillance de la consommation alimentaire
7. L'évaluation des apports nutritionnels
II.3.1
APPROVISIONNEMENT
L'approvisionnement se fait soit par des achats ou par des
apports en nature. Les achats se font à date fixe sur les marchés
locaux, au moment où les différents budgets sont alloués
aux différents services de l'hôpital. Les apports en nature
proviennent essentiellement des récoltes du potager de l'Hôpital
(Projet BIKA) mais aussi de façon aléatoire sous forme de dons
des organismes caritatifs.
La figure 3 présente la répartition de la valeur
monétaire des approvisionnements en produits alimentaires au cours de
l'année 1996.
Figure 3: Distribution en % de la valeur monétaire
des produits alimentaires consommés en 1996 selon les trois sources de
financement
Les quantités à acheter sont calculées pour
une période d'un mois. Elles sont souvent limitées par le budget
disponible.
II.3.2 SUIVI DES
STOCKS
II.3.2.1 La fiche de stock
Le suivi des stocks s'effectue par l'utilisation des fiches de
stock. Il existe une fiche de stock par produit. Les renseignements inscrits
sur chacune de ces fiches sont : le nom et le numéro d'identification du
produit, la date de transaction, la quantité entrée ou sortie, le
solde en stock, le stock d'alerte.
II.3.2.2 Le programme informatique
Un programme informatique est utilisé pour enregistrer
une fois par mois, les informations suivantes : la quantité totale des
approvisionnements par source de financement, le prix d'achat moyen des
produits alimentaires, la quantité consommée, et le nombre de
jours d'hospitalisation des enfants réalimentés.
L'analyse de ces données par le programme permet de
calculer, pour une période déterminée, les coûts
totaux des approvisionnements et de la consommation ainsi que le coût
moyen de la consommation par enfant et par jour. Il permet également de
calculer les apports nutritionnels moyens par enfant et par jour à
partir d'une table de composition alimentaire et de déterminer le niveau
de stock.
II.3.3 LA
CONSERVATION DES PRODUITS
Les techniques de conservation ne sont pas très
développées à l'HPL. Les produits frais (poissons,
viandes) sont conservés dans un congélateur dont la
température peut atteindre -20°C. Cependant l'inconstance de la
fourniture du courant électrique qui alimente l'HPL rend cette
conservation difficile et oblige souvent d'écouler plus rapidement que
prévu tous les produits (consommation accélérée,
dons ...). Les farines sont conservées dans leurs emballages d'achat
(sacs ou plastiques). de même que les huiles (bidons), le sucre et le sel
(sacs ou plastiques). La patate douce, la pomme de terre et la banane sont
laissées par terre à la température ambiante. Les haricots
sont enduits d'une mince couche d'huile de palme avant d'être mis en sac.
Cette technique protège le haricot contre les attaques des
charançons et permet sa conservation pendant plus d'un an.
A part les produits conservés au congélateur et
les produits rangés par terre, tous les autres produits sont
rangés sur des étagères en béton.
II.3.4 LE CALCUL
DES RÉGIMES
Le calcul des régimes se fait, depuis 1989, par
l'utilisation d'un programme informatique. Ce programme utilise comme base de
données une table de composition alimentaire qui permet de calculer les
apports nutritionnels par Kg d'enfant et par jour. Il permet également de rechercher les
repas les plus économiques à partir du prix d'achat des produits
alimentaires. Ce prix est régulièrement mis à jour en
fonction de son évolution sur le marché. Le programme de calcul
des régimes peut évaluer également les besoins en produits
alimentaires pour un nombre d'enfants et une période bien
définis. Et inversement, il peut déterminer la période
pouvant être couverte par le potentiel des produits alimentaires
stockés en fonction du nombre d'enfants à nourrir.
II.3.5 LA
PRÉPARATION DES REPAS
Après le calcul des régimes, les
quantités d'aliments nécessaires sont sorties des stocks pour
être préparées. La composition de différents menus
préparés à l'HPL est présentée en annexe
2.
II.3.6 SURVEILLANCE
DE LA CONSOMMATION
Après la préparation, les repas sont
distribués selon des horaires préétablis en fonction de la
phase de traitement des enfants (Annexe 3). La prise de repas est
surveillée par des auxiliaires de santé afin d'aider les enfants
affaiblis à manger, de noter les quantités d'aliments
consommées (phase I du traitement) et les remarques concernant
l'état d'appétit de chaque enfant.
II.3.7 EVALUATION
DE LA COUVERTURE DES APPORTS NUTRITIONNELS
L'évaluation de la couverture des apports nutritionnels
est faite par le diététicien soit sur base de la consommation
mesurée à chaque prise de repas (phase 1 du traitement) ou par
l'analyse informatique des données sur la consommation mensuelle (point
2.3.2.2.)
II.4 COMMENTAIRES
Les différents moyens mis en oeuvre jusqu'à
présent ont permis de mettre l'accent sur le suivi de la qualité
diététique, c'est-à-dire la couverture des besoins
nutritionnels des enfants malnourris (Fazili et al, 1990). Par contre peu
d'efforts avaient été faits pour évaluer le système
de gestion des produits utilisés.
L'analyse des données enregistrées au cours de
l'année 1996 et l'utilisation des programmes informatiques permettent de
faire les commentaires suivants concernant la gestion des produits alimentaires
:
II.4.1 LA
SÉLECTION DES PRODUITS ALIMENTAIRES
Jusqu'ici, les critères de sélection des
produits alimentaires étaient uniquement basés sur la
disponibilité. Tous les produits disponibles étaient
utilisés dans le programme de réalimentation à condition
d'être acceptés par les enfants.
Par ailleurs, même si le programme informatique de
calcul des régimes en évaluant le prix des repas permet
d'identifier les régimes les moins chers, il ne tient pas compte de la
partie non comestible des aliments... Or certains produits alimentaires comme
la patate douce, la pomme de terre, la banane, le poisson (tilapia
séché salé) contiennent une proportion importante des
déchets au moment de l'achat (Tableau III ). Ce prix n'est donc pas
égal au prix de la partie comestible entrant réellement dans la
préparation. Il serait plus rationnel de tenir compte du prix unitaire
de chaque produit rapporté à ses parties comestibles si l'on veut
identifier le produit le moins cher. En plus si l'on veut déterminer
l'efficience d'un produit, le coût du produit doit être
exprimé par unité de sa valeur nutritive et non plus de ses
parties comestibles ni encore moins du produit brut.
II.4.2 LA
QUANTIFICATION DES BESOINS EN PRODUITS ALIMENTAIRES
Les besoins annuels en produits alimentaires sont
calculés en multipliant, pour chaque produit , la quantité
journalière prescrite dans le régime type par le nombre moyen
d'enfants présents à l'hôpital par jour et par 365.
L'utilisation de cette formule exige :
l'enregistrement quotidien des enfants présents
à l'hôpital
la connaissance des proportions moyennes des enfants dans
chaque phase de traitement afin d'élaborer le régime type
moyen.
La détermination de ces deux éléments
implique un travail rigoureux et parfois difficile à obtenir mais qui,
s'il est bien fait peut s'avérer très utile.
L'estimation des besoins en produits alimentaires par la
méthode basée sur la morbidité et le traitement type
décrite pour la gestion de médicaments (Chapitre I) est plus
simple d'utilisation.
II.4.3 LES
APPROVISIONNEMENTS
Les données analysées ne nous ont pas permis
d'évaluer l'importance des ruptures de stock éventuelles ni celle
de la détérioration de certains produits dépassant en
stock leur période maximale de conservation. Ceci parce que l'encodage
des données est fait sur la situation mensuelle. Il est possible, comme
c'est souvent le cas que les produits qui manquaient à certains moments
aient été remplacés par ceux qui étaient
disponibles. L'idéal serait de tenir compte du délai
d'approvisionnement, du délai de commande et du stock de
sécurité pour assurer un approvisionnement de façon
correcte.
II.4.4 LA
CONSERVATION DES PRODUITS
Il faut insister sur le problème posé par
l'inconstance du courant électrique pour la conservation des viandes,
poissons, lait caillé et oeufs car ces produits sont facilement
périssables. Si la fourniture du courant ne peut être garantie, il
faut remplacer ces produits par des produits équivalents secs se
conservant bien dans les conditions normales. Par ailleurs tous les produits
devraient être reconditionnés en unités plus
réduites pour faciliter le contrôle de qualité,
l'inventaire physique et pour limiter les pertes dues aux manutentions
répétées. La technique de conservation des haricots par de
l'huile de palme peut être poursuivie si elle s'avère
satisfaisante et efficiente.
CHAPITRE III. ELEMENTS POUR LA MISE EN PLACE D'UN SYSTEME DE
GESTION RATIONNELLE DES PRODUITS ALIMENTAIRES
Ce système sera basé sur le modèle
proposé pour la gestion des médicaments décrit au premier
chapitre. Son cadre d'application sera l'hôpital pédiatrique de
Lwiro, situé à l'est de la République Démocratique
du Congo et spécialisé dans la prise en charge de la malnutrition
sévère.
Certains auteurs (Ville de Goyet et al, 1978) ont
déjà décrit quelques aspects de la gestion des aliments
appliqués à la problématique des camps de
réfugiés. Nous tiendrons compte de certains de ces aspects dans
les étapes où ils peuvent être imités.
Les produits alimentaires présentent des
particularités différentes de celles des médicaments. Ce
travail tient compte de ces particularités à chaque niveau de la
démarche proposée dans le modèle de
référence.
Les données utilisées pour la construction de ce
modèle proviennent essentiellement de l'Hôpital de Lwiro. La
plupart des données provenant de Lwiro ont été
collectées par l'auteur pendant environ six années de
carrière dans cet hôpital en qualité de nutritionniste et
responsable des programmes d'alimentation des enfants pris en charge pour la
malnutrition sévère. Une autre partie a été
tirée de la littérature spécialisée sur le
traitement de la malnutrition.
Pour chacun de quatre points développés pour la
gestion des médicaments, nous adaptons le principe théorique
à la problématique des aliments, présentons les
contraintes et enfin nous mettons en pratique le principe théorique.
III.1 LA SELECTION DES PRODUITS
ALIMENTAIRES
III.1.1 PRINCIPE
Le principe de sélection est basé sur la notion
d'efficience comme pour les médicaments. C'est-à-dire
l'efficacité de chaque produit rapporté au coût. Nous avons
pris la valeur nutritionnelle des produits alimentaires comme mesure
d'efficacité. Pour ce faire, les produits sont classés en
différentes catégories de valeur nutritionnelle en fonction de
leur composition et comparés sur le critère "coût unitaire
du principe nutritif de base". Nous nous sommes limités aux deux
principes nutritifs afin d'éviter la complexité dans la
classification des aliments. Il s'agit des protéines et de
l'énergie. Dans chaque catégorie, les produits moins chers sur le
critère de comparaison sont retenus dans la liste des produits
alimentaires dits "essentiels" à la réhabilitation
nutritionnelle. Les autres produits non sélectionnés sont dits
"non essentiels".
Les unités de comparaison sont donc : le coût d'1
Kg de protéines pour les produits protéiques et le coût de
1000 Kcal pour les produits énergétiques.
Le coût d'un kilogramme de protéines pour un
produit est obtenu de la manière suivante : soit P le prix par
Kg du produit, c (compris entre 0 et 1) sa proportion comestible et
p sa teneur en protéines pour 100 g des parties comestibles. Le
coût d'1 Kg de protéines Kp sera :
Le coût de 1000 Kcal est obtenu par la formule suivante
: soit P le prix par Kg du produit, c (compris entre 0 et 1)
sa proportion comestible et e sa teneur en énergie pour 100 g
des parties comestibles. Le coût de 1000 Kcal Kc sera :
III.1.2 CONTRAINTES
Actuellement, l'OMS (OMS, 1995) recommande l'utilisation du
lait thérapeutique comme aliment capable de couvrir les besoins
nutritionnels recommandés (Annexe 4) essentiellement au cours de la
première phase du traitement. Ces formules peuvent être
préparées soit avec du lait Nutriset ou du LHE-CMV1(*). Nous comparerons le coût
par litre de ces deux formules lactés.
2. Au cours de la deuxième phase, l'utilisation des
aliments solides est conseillée afin de préparer les enfants
à leur alimentation traditionnelle une fois sortis de l'hôpital,
à condition que les repas donnés apportent les quantités
d'éléments nutritifs dont ils ont besoin. La liste des produits
alimentaires disponibles et utilisés à l'HPL au cours de
l'année 1996 est reprise dans le tableau III. Sont
présentés dans ce tableau les éléments permettant
de calculer le coût unitaire des protéines ou de l'énergie
de chaque produit alimentaire.
Les données sur la composition nutritionnelle sont
extraites des Tables de Degroote (1970).
Les proportions des parties comestibles et les prix des
différents produits alimentaires proviennent de données
enregistrées à l'HPL. Le prix représente la moyenne des
prix sur l'année.
Tableau III: Composition
nutritionnelle pour 100 g de parties comestibles et prix unitaire des produits
alimentaires utilisés à l'HPL au cours de l'année
1996.
ALIMENT
|
PARTIES COMESTIBLES (%)
|
ENERGIE (Kcal)
|
PROTÉINES (g)
|
LIPIDES (g)
|
GLUCIDES (g)
|
PRIX (BEF)
|
Produits énergétiques
|
|
|
|
|
|
|
1. Les Huiles
|
|
|
|
|
|
|
Huile de palme
|
100%
|
900,00
|
|
100,00
|
-
|
26,70
|
Huile de colza
|
100%
|
900,00
|
|
100,00
|
|
66,70
|
2.Céréales &Tubercules
|
|
|
|
|
|
|
Maïs (farine)
|
100%
|
317,30
|
9,00
|
3,70
|
62,00
|
10,70
|
Riz
|
100%
|
353,70
|
7,60
|
1,70
|
77,00
|
38,30
|
Sorgho (farine)
|
100%
|
368,00
|
10,70
|
3,20
|
74,10
|
12,80
|
Bananes
|
60%
|
135,90
|
1,20
|
0,30
|
32,10
|
7,10
|
Manioc (farine)
|
100%
|
329,50
|
1,40
|
0,30
|
80,30
|
7,10
|
Patate douce
|
75%
|
122,20
|
1,60
|
0,20
|
28,50
|
2,80
|
Pomme de terre
|
75%
|
76,00
|
2,00
|
-
|
17,00
|
8,60
|
3. Sucre
|
100%
|
400,00
|
|
-
|
100,00
|
47,70
|
Produits protidiques
|
|
|
|
|
|
|
1. Protéines
végétales
|
|
|
|
|
|
|
Haricot
|
100%
|
348,60
|
22,80
|
1,00
|
62,10
|
13,40
|
Soya (farine)
|
100%
|
436,00
|
38,00
|
20,00
|
26,00
|
16,60
|
2. Protéines animales
|
|
|
|
|
|
|
Produits laitiers
|
|
|
|
|
|
|
Lait caillé
|
100%
|
36,60
|
3,30
|
1,60
|
2,25
|
23,20
|
Oeufs-Poissons-Viandes
|
|
|
|
|
|
|
Oeuf
|
80%
|
162,40
|
13,00
|
12,00
|
0,60
|
134,00
|
Fretins frais
|
100%
|
107,00
|
20,00
|
3,00
|
|
76,60
|
Viande de boeuf
|
100%
|
107,00
|
20,00
|
3,00
|
|
111,00
|
Condiments
|
|
|
|
|
|
|
Sel
|
100%
|
|
|
-
|
|
15,60
|
III.1.3 RÉSULTATS
Les résultats sont présentés dans le tableau
IV. Les aliments y sont classés par groupe de valeurs nutritionnelles.
Le coût de chaque principe nutritif est donné ainsi qu'un
coût relatif par rapport à l'aliment le moins cher.
Tableau IV: Comparaison
des produits alimentaires par coût unitaire et par coût relatif
UNITÉ DE COMPARAISON
|
ALIMENT
|
COÛT UNITAIRE [FB]
|
COÛT RELATIF
|
1 litre de lait
|
LHE-CMV
|
20,3
|
1
|
|
LAIT NUTRISET
|
44,8
|
2,2
|
Kg de protéines animales
|
POISSONS FRAIS
|
383
|
1
|
|
VIANDE
|
555
|
1,4
|
|
OEUF
|
1.289
|
3,4
|
Kg de protéines
végétales
|
SOJA farine
|
43,7
|
1
|
|
HARICOT
|
58,8
|
1,3
|
1000 Kcal des huiles
|
HUILE DE PALME
|
3,0
|
1
|
|
HUILE DE COLZA
|
7,4
|
2,5
|
1000 Kcal des sucres complexes
|
MANIOC farine
|
2,1
|
1
|
|
PATATE DOUCE
|
3,0
|
1,4
|
|
MAIS farine
|
3,4
|
1,6
|
|
SORGHO farine
|
3,5
|
1,7
|
|
BANANE
|
8,7
|
4,1
|
|
RIZ
|
10,8
|
5,1
|
|
POMME DE TERRE
|
15,1
|
7,2
|
1000 Kcal des sucres simples
|
SUCRE DE CANNE
|
11,9
|
-
|
A l'issue de cette comparaison, nous avons retenu comme
produits essentiels le(s) produit(s) dont le coût relatif n'atteint pas
la valeur 2, soit le double du coût du produit le moins cher de la
catégorie. Le tableau V présente dans chaque catégorie les
produits essentiels et les produits non essentiels.
Tableau V: Produits alimentaires
essentiels et non essentiels à la réhabilitation
nutritionnelle.
PRODUITS ESSENTIELS
|
PRODUITS NON ESSENTIELS
|
1. Préparations lactées
|
|
1.1. LHE-CMV (composition)
|
Lait Nutriset
|
Lait caillé
|
|
Huile de colza2(*)
|
|
Sucre
|
|
CMV
|
|
2. Produits énergétiques
|
|
2.1. Les Huiles
|
|
Huile de palme
|
Huile de colza
|
2.2. Les sucres complexes
|
|
Manioc (farine)
|
Banane
|
Patate douce
|
Riz
|
Maïs (farine)
|
Pomme de terre
|
Sorgho
|
|
2.3. Le sucre simple
|
|
Sucre de canne
|
|
3. Protéines
végétales
|
|
Haricot
|
|
Soya (farine)
|
|
4. Protéines animales
|
|
Poissons frais
|
Oeuf
|
Viande
|
|
5. Condiments
|
|
Sel
|
|
Le sucre étant seul dans la catégorie
des sucres simples, il est directement considéré comme produit
essentiel. De même le sel, bien qu'il ne réponde pas aux
critères de classification et de comparaison est considéré
comme produit essentiel. Pour ces deux produits, il n'existe pas
d'alternatives.
III.2 LA QUANTIFICATION DES BESOINS EN
PRODUITS ALIMENTAIRES
III.2.1 PRINCIPE
Dans le chapitre précédent, nous avons
décrit deux techniques utilisées en gestion des
médicaments permettant de quantifier les besoins. Il s'agit de la
méthode basée sur la morbidité et le traitement type et la
méthode de la consommation corrigée.
Pour quantifier les besoins en produits alimentaires, il ne
nous était pas possible de d'utiliser la méthode de la
consommation corrigée par manque de données sur des
établissements prenant en charge les enfants malnourris. C'est pourquoi,
nous avons opté pour la méthode basée sur la
morbidité et le traitement type.
III.2.2 CONTRAINTES
III.2.2.1 La morbidité
La morbidité a été estimée
à partir de la proportion des enfants malnourris parmi les enfants admis
à l'HPL en 1996 (Tableau III). Elle représente 78% des enfants
hospitalisés soit 615 enfants malnourris sévères.
III.2.2.2 Le régime type
Les éléments nécessaires au calcul d'un
régime type sont le poids moyen des patients et la durée moyenne
de traitement. D'après nos analyses, le poids moyen des enfants
malnourris sévères était de 10 Kg et la durée
moyenne du séjour à l'hôpital de 27 jours (7 jours pour la
première et 20 jours pour la deuxième phase).
Pour quantifier les besoins, il existe une énorme
différence entre les médicaments et les produits alimentaires.
Pour les médicaments, l'unité prescrite est égale à
l'unité du traitement. Par contre pour les aliments, l'unité
prescrite (nutriment) doit être convertie en terme d'aliments. Les
critères de choix des aliments basés sur le coût de
l'unité du nutriment ont permis de sélectionner les produits
alimentaires essentiels.
Une autre contrainte qui s'ajoute est, la capacité
d'absorption des aliments par l'enfant. Celui doit être en mesure
d'absorber les quantités prescrites pour couvrir ses besoins. Ceci exige
que la densité nutritive des repas soit élevée.
III.2.3 RÉSULTAT
III.2.3.1 Besoin en nutriments
Tableau VI : Besoins journaliers
et totaux en protéines et énergie
NUTRIMENTS
|
PHASE 1
Durée : 7 jours
|
PHASE 2
Durée : 20 jours
|
TOTAL/Enfant
Durée : 27 jours
|
TOTAUX/An
|
PROTEINES
|
par jour
|
total
|
par jour
|
total
|
total
|
|
Animales
|
20 g
|
140 g
|
20 g
|
400 g
|
540 g
|
332,1 Kg
|
Végétales
|
|
|
20 g
|
400 g
|
400 g
|
246,0 Kg
|
ENERGIE (Kcal)
|
1.000
|
7.000
|
2.000
|
40.000
|
47.000
|
28.905.000
|
III.2.3.2 Besoins en produits
alimentaires
Pour couvrir les besoins en nutriments présentés
dans le tableau ci-dessus, plusieurs combinaisons avec les produits
alimentaires essentiels sont possibles. Le tableau VII présente l'un
des scénarios possibles en tenant compte des menus habituellement
proposés à l'HPL (annexe 2) et de la capacité d'absorption
des enfants (annexe 6).
Tableau VII : Besoins annuels en
produits alimentaires
PRODUIT ALIMENTAIRE
|
QUANTITÉS/AN
|
1. CMV
|
47 Kg
|
2. Fretins frais
|
530 Kg
|
3. Haricots secs
|
746 Kg
|
4. Huile de colza
|
881 Kg
|
5. Huile de palme
|
725 Kg
|
6. Lait caillé
|
7.340 litres
|
7. Maïs farine
|
242 Kg
|
8. Manioc farine
|
483 Kg
|
9. Patates douces
|
2.664 Kg
|
10. Sel
|
50 Kg
|
11. Soja farine
|
171 Kg
|
12. Sorgho farine
|
348 Kg
|
13. Sucre
|
855 Kg
|
14. Viande
|
180 Kg
|
|
Ces quantités sont majorées de 10%
représentant des pertes inévitables. La quantité de
patates douces est en plus majorée de 25% représentant la
proportion des parties non comestibles (épluchures)
.
III.3 APPROVISIONNEMENT
III.3.1 PRINCIPE
Afin d'assurer les approvisionnements de manière
satisfaisante sans rupture de stocks, nous avons défini au premier
chapitre les notions du délai de réapprovisionnement, du niveau
de déclenchement de la commande et les méthodes pour
déterminer le stock de sécurité.
Le délai de réapprovisionnement des stocks sera
estimé pour chaque produit en fonction du temps qui s'écoule
entre le moment où l'on décide de faire un achat et celui
où le produit sera effectivement disponible dans le magasin.
Ce délai détermine, en fonction des chiffres de
consommation le stock d'alerte ou le niveau de déclenchement de
commande.
Le stock de sécurité sera calculé
arbitrairement à défaut des données sur les consommations
antérieures. Ce stock sera estimé différemment en fonction
de la méthode d'approvisionnement (point 1.3.3)
La fréquence de renouvellement des stocks sera
déterminée par la période que l'on veut couvrir avec une
commande. Cette période devra, pour chaque produit être
inférieure à la durée de conservation afin de limiter les
pertes en stock des produits périssables.
III.3.2 CONTRAINTES
III.3.2.1 Contraintes liées
à la conservation et au délai de livraison du produit
Le tableau VIII présente, la classification de nos
produits essentiels en fonction de leur durée maximale de conservation
et de leur délai de réapprovisionnement d'après les
observations faites à l'HPL (Kilcher, 1995).
Tableau VIII: Durée de
conservation et délai de réapprovisionnement des produits
alimentaires
Délai de
réapprovisionnement
|
Durée de conservation
|
1 jour
|
1 semaine
|
1 mois
|
1 semaine
|
Poissons frais
|
Lait caillé
Patates douces
Viande
|
|
3 mois
|
|
Farines
Sucre
|
|
6 mois
|
|
Huile de colza
Sel
|
CMV
Huile de palme
Haricot
|
III.3.2.2 Contraintes liées
à l'approvisionnement
Le prix des haricots sur le
marché fluctue en fonction des périodes de récoltes.
L'huile de palme coûte moins cher dans une
région située à environ 100 km de Lwiro. Le délai
d'approvisionnement est donc supérieur à celui des autres
produits.
L'approvisionnement en lait caillé ne peut se faire
qu'à jour fixe dans la semaine conformément aux exigences du
fournisseur.
L'approvisionnement en patates douces et viande ne peut se
faire que le jour du marché (un jour par semaine) donc à jour
fixe.
Le prix du poisson frais fluctue au cours du mois. Il est
plus élevé en période de pleine lune.
III.3.3 RÉSULTATS
III.3.3.1 Politique
d'approvisionnement
En tenant compte de ces différentes contraintes, on
peut définir différentes politiques d'approvisionnement pour
chacun des groupes d'aliments présentés dans le tableau VIII.
Le flux tendu :
Cette politique conviendra pour le poisson frais. La
quantité à commander sera calculée pour la consommation
d'une semaine. Pendant la période de pleine lune, il faudra
s'approvisionner en viande si le prix d'un kg de poisson dépasse celui
de viande.
Approvisionnement à point de
commande :
Ce mode d'approvisionnement sera adopté pour les
farines, le sucre, l'huile de colza et le sel.
Une commande sera déclenchée dès que le
stock atteindra la valeur du stock d'alerte. Ce stock d'alerte sera
calculé en fonction de la consommation pendant le délai
d'approvisionnement multiplié par un facteur 1.5 pour y ajouter un stock
de sécurité de 50 %.
La quantité à commander sera calculée en
fonction de la période que l'on espère couvrir. Elle sera
égale au besoin annuel divisé par le nombre d'approvisionnements
prévus au cours de l'année.
Tableau IX: Quantité
annuelle nécessaire, nombre de commande, quantité à
commander stock d'alerte des produits à approvisionnement au point de
commande.
Produits
|
Quantité/an
|
Nombre
d'approvisionnement/an
|
Quantité à commander
|
délai d'approv.
|
Besoin pour délai approvisionnement
|
Stock d'alerte
|
Maïs
|
242
|
6
|
40
|
1 sem
|
5
|
8
|
Sorgho
|
348
|
6
|
58
|
1 sem
|
7
|
10
|
Soja
|
171
|
6
|
29
|
1 sem
|
3
|
5
|
Manioc
|
483
|
6
|
81
|
1 sem
|
9
|
14
|
Sucre
|
855
|
6
|
143
|
1 sem
|
16
|
25
|
Sel
|
50
|
2
|
25
|
1 sem
|
1
|
1.5
|
Huile colza
|
881
|
2
|
441
|
1 sem
|
17
|
25
|
Pour réduire le coût d'approvisionnement, on
procédera au regroupement des commandes pour les produits dont le nombre
de commandes par an est le même. La commande sera passée pour
tous ces produits lorsque au moins un d'eux aura atteint le niveau du stock
d'alerte.
3. Approvisionnement à date fixe
:
Ce mode d'approvisionnement est d'une part imposé par
le marché pour la viande, les patates douces et le lait caillé.
D'autre part, il sera aussi appliqué aux produits pour lesquels des
variations saisonnières de prix sont rencontrées, à savoir
les haricots et l'huile de palme.
Pour la viande, patates douces et lait caillé
(produits à rotation rapide), la quantité à commander sera
estimée en fonction de la consommation de la semaine
précédente. En cas de rupture de stock, on aura recours aux
produits non essentiels dont la durée de conservation est plus longue. A
titre d'exemple, le lait caillé sera remplacé par le lait en
poudre, la viande par des poissons secs disponibles sur le marché local
et la patate douce par du riz.
Pour le CMV, l'huile de palme et les haricots (produits
à rotation lente), étant donné que la durée de
conservation de ces trois produits est supérieure à la
période de renouvellement des stocks, le stock maximum sera égal
à la somme du stock actif , de la consommation pendant le délai
de réapprovisionnement et du stock de sécurité.
Tableau X: Quantité
annuelle nécessaire, stock actif, stock de sécurité et
stock maximum des produits à approvisionnement à date
fixe.
Produits
|
Kg/an
|
Stock actif
|
Consommation délai de
réapprovisionnement
|
Stock de sécurité
|
Stock maximum
|
CMV
|
47
|
25
|
4
|
6
|
35
|
HARICOTS
|
746
|
375
|
65
|
95
|
535
|
HUILE DE PALME
|
725
|
360
|
60
|
90
|
510
|
La quantité à commander sera calculée
à la date d'approvisionnement comme suit :
Stock maximum - Quantité en stock.
III.4 ADAPTATION DES BESOINS AU
BUDGET
III.4.1 PRINCIPE
Pour adapter les besoins au budget, on peut recourir à
l'une de deux méthodes décrites dans le chapitre sur la gestion
des médicaments : la méthode VEN ou la méthode ABC. La
méthode VEN est utilisée lorsque dans la gamme de produits, on
peut distinguer les produits vitaux et non vitaux, c'est-à-dire en
fonction de la valeur thérapeutique.
La méthode ABC par contre classe les produits en
fonction de l'importance de leur coût dans le budget d'approvisionnement.
D'après cette méthode, les produits du groupe A ou des
approvisionnements "standards" représentent 60 à 70% des
consommations pour 5 à 10% des produits. Les produits du groupe B
représentent 25 à 30% des consommations pour 25 à 30% des
produits. Pour le groupe C, plus de 60% des produits représentent moins
de 10% des consommations.
III.4.2 CONTRAINTES
Tous les produits sélectionnés sont dits
"essentiels" sur base du critère fixé. On ne peut donc pas
appliquer le système VEN. La méthode de choix sera donc ABC
basée sur la répartition du budget.
III.4.3 RESULTATS
Dans le tableau XI , nous avons classé les produits par
ordre décroissant de leur coût total et nous avons calculé
les pourcentages cumulés du nombre des produits et des coûts
correspondants.
Tableau XI: Coût des
produits alimentaires, cumuls des produits et des coûts exprimés
en %
|
PRODUIT
|
Coûts
(en BEF)
|
Cumul des coûts
(en BEF)
|
Cumul des produits (en %)
|
Cumul des coûts
(en %)
|
1
|
Lait
|
170.288
|
170.288
|
7%
|
41%
|
2
|
Huile de colza
|
58.763
|
229.051
|
14%
|
55%
|
3
|
Sucre
|
40.784
|
269.834
|
21%
|
65%
|
4
|
Fretins
|
40.598
|
310.432
|
29%
|
74%
|
5
|
CMV
|
35.485
|
345.917
|
36%
|
83%
|
6
|
Viande
|
19.980
|
365.897
|
43%
|
88%
|
7
|
Huile de palme
|
19.358
|
385.255
|
50%
|
92%
|
8
|
Haricots
|
9.996
|
395.251
|
57%
|
95%
|
9
|
Patates douces
|
7.459
|
402.710
|
64%
|
97%
|
10
|
Sorgho
|
4.454
|
407.165
|
71%
|
98%
|
11
|
Manioc
|
3.429
|
410.594
|
79%
|
99%
|
12
|
Soja
|
2.839
|
413.433
|
86%
|
99%
|
13
|
Maïs
|
2.589
|
416.022
|
93%
|
100%
|
14
|
Sel
|
780
|
416.802
|
100%
|
100%
|
Les résultats montrent que le lait caillé et
l'huile de colza (55% du coût pour 14% des produits) appartiendraient au
groupe A. Ces produits feront l'objet d'une gestion très rigoureuse
visant à minimiser les coûts de stockage, de commande , de
rupture de stock et surtout de perte par péremption.
La figure 4 ci-dessous présente la courbe des
concentrations des produits et les 3 groupes A, B et C. (Gouget et al.,
1997).
A
B
C
Fig. 4: Courbe de concentration des produits alimentaires.
III.5 LA CONSERVATION DES PRODUITS
ALIMENTAIRES
De bonnes conditions de conservation peuvent réduire le
niveau des pertes des produits alimentaires stockés.
III.5.1 PRINCIPE
C. De Ville de Goyet et al (1978) ont formulé des
recommandations sur les conditions générales des tenues de stocks
des produits alimentaires secs dans les camps de réfugiés. Ces
recommandations sont reprises en annexe 5.
Pour les produits frais tels que le lait et le poisson et la
viande, la conservation à froid convient le mieux mais l'état de
fraîcheur et la qualité du produit avant la conservation et le
maintien d'une hygiène rigoureuse sont les conditions préalables
nécessaires à une meilleure conservation de ces produits. Nous
reprenons en annexe 7 l'essentiel de la notion d'hygiène pour la
meilleure conservation du lait, de viande, du poisson frais et produits
assimilés
III.5.2 CONTRAINTES.
L'HPL dispose d'un congélateur pour la conservation des
produits animaux frais : viande, poisson. Le lait frais est caillé. Le
lait caillé est un produit qu se conserve mieux que le lait frais. Tous
les autres produits secs sont conservés à la température
ambiante dans des fûts métalliques ou dans des sacs ou encore sous
plastique (farines de maïs, de sorgho, de soja)
III.5.3 RÉSULTATS
Les produits seront conservés par des moyens
disponibles ou susceptibles d'être réalisables à Lwiro. Ils
seront reconditionnés en unités plus réduites. Le tableau
XII présente les moyens de conservation et les unités secondaires
de conditionnement des produits.
Tableau XII: Lieu de conservation
et unités secondaires de reconditionnement des produits alimentaires
PRODUIT
|
LIEU DE CONSERVATION
|
CONDITIONNEMENT
|
|
|
Matériel
|
Unité
|
Lait caillé
|
Réfrigérateur
|
Bouteille
|
1 litre
|
Patate douce
|
Etagère
|
En vrac
|
-
|
Poisson frais
|
Congélateur
|
Plastique
|
1 kg
|
Faine de maïs
|
Etagère
|
Plastique
|
1 kg
|
Farine de sorgho
|
Etagère
|
Plastique
|
1 kg
|
Farine de soja
|
Etagère
|
Plastique
|
1 kg
|
Farine de manioc
|
Etagère
|
Plastique
|
1 kg
|
Sucre
|
Etagère
|
Plastique
|
1 kg
|
Huile de palme
|
Etagère
|
Bouteille
|
1 litre
|
Huile de colza
|
Etagère
|
Bouteille
|
1 litre
|
Viande
|
Congélateur
|
Plastique
|
1 kg
|
Sel
|
Etagère
|
Plastique
|
1 kg
|
CMV
|
Etagère
|
Voir fabricant
|
Voir fabricant
|
Le reconditionnement en unités secondaires facilitera
l'inventaire physique et le contrôle de qualité des produits. Il
permettra aussi de minimiser les pertes dues aux manutentions
répétées au niveau du stock.
Les produits une fois reconditionnés seront
rangés de sorte que les premiers produits entrées soient aussi
les premiers à être consommés. C'est la méthode FIFO
de gestion des stocks.
III.6 SUIVI DES STOCKS
III.6.1 PRINCIPE
Le suivi de l'évolution du stock sur une fiche
individuelle par produit est la méthode classique de gestion des stocks.
Elle demeure efficace. Une fiche de stock comprend au minimum quatre rubrique
en colonne. Ces rubriques sont la date, les entrées, les sorties et le
solde. L'enregistrement des « entrées » et
« sorties » se fait à chaque transaction. Un
calendrier de contrôle de qualité et d'inventaire physique permet
d'améliorer le suivi de stocks.
III.6.2 CONTRAINTES
L'HPL utilise déjà les fiches des stocks
classiques. Il dispose également d'un matériel informatique pour
l'enregistrement des données sur la consommation alimentaire des enfants
hospitalisés.
III.6.3 RÉSULTAT
Le suivi de stock sera amélioré par la
création des fiches de stock dans un logiciel informatique de type
tableur . Ceci permettra de faire des opérations mathématiques
avec plus de rapidité. La fiche de stock informatique n'exclura pas la
fiche papier mais on pourra y limiter le nombre d'informations à
enregistrer et réaliser les opérations mathématiques avec
le tableur. Ainsi dans la rubrique "entrée" seul le prix unitaire sera
enregistré, le prix total sera obtenu par la le produit du prix unitaire
par la quantité commandée. La rubrique "solde" sera
supprimée sur la fiche papier car cette valeur peut être
calculée par le tableur à chaque transaction. Il sera
indispensable que les deux fiches existent en prévision d'une
éventuelle disparition de l'une ou de l'autre.
CHAPITRE IV.
DISCUSSION DES RESULTATS
IV.1 DE LA SELECTION DES PRODUITS
La recherche de solutions aux problèmes sanitaires
impose la notion d'efficience. Le planificateur de santé cherchera
toujours entre les différentes solutions aux problèmes
posés l'alternative permettant de donner un meilleur résultat au
moindre coût.
Dans le cadre de la gestion des produits alimentaires comme
solution thérapeutique au problème de la malnutrition, nous avons
suivi, la démarche du planificateur sanitaire sans procéder
à une analyse micro-économique proprement dite utilisée en
recherche opérationnelle (Thilly, 1997)
La sélection des produits alimentaires essentiels a
été faite, néanmoins sur un critère
économique : le coût d'une unité de la valeur nutritive. Ce
critère peut intéresser un planificateur de la santé dans
le cadre de budgets limités comme c'est souvent le cas dans des pays en
développement. Cependant, ce critère n'est peut être pas le
seul qui peut orienter la décision. Les produits alimentaires choisis
doivent faire l'objet de preuves thérapeutiques en recherche clinique.
En effet, un produit moins cher peut s'avérer plus cher s'il ne permet
pas une réhabilitation nutritionnelle en temps normal.
En outre les produits sélectionnés doivent
être culturellement acceptables par la population cible.
Un autre élément qui se rattache à
l'efficacité thérapeutique des produits alimentaires, est la
densité énergétique des repas. En effet un repas à
forte densité nutritionnelle a beaucoup plus de chance de subvenir aux
besoins de l'enfant qu'un repas volumineux et peu nutritif. Tous ces
éléments devraient entrer en ligne de compte pour la
sélection des produits alimentaires. Seuls des essais cliniques
randomisés permettent de juger de l'efficacité
thérapeutique des produits.
Signalons que notre démarche répond à
quelques unes des conditions :
1. Acceptabilité d'ordre culturel : Tous les
produits ayant fait l'objet de la sélection l'ont été sur
base d'une liste des produits utilisés à l'HPL au cours de
l'année 1996 et font partie des habitudes alimentaires de la population
cible.
2. Efficacité thérapeutique : Les
régimes basés sur les produits alimentaires de base, permettent
d'obtenir un gain pondéral moyen de 10g/Kg/j (Cemubac, Données
non publiées). Il faut encore démontrer qu'avec les produits
alimentaires sélectionnés comme "essentiels" ces résultats
cliniques restent au moins équivalents. Il faut aussi remarquer que le
critère de sélection des aliments utilisé dans ce travail
à savoir le coût des protéines et de l'énergie est
limitatif. En effet il faudrait aussi tenir compte des autres nutriments. En
plus, il faut tenir compte de la manière dont les ingrédients
sont assortis dans la composition d'un repas . En effet, certaines combinaisons
peuvent limiter la bio-disponibilité de certains nutriments et d'autres
peuvent l'améliorer. Par exemple, l'absorption du fer est meilleure en
présence de vitamine C. Tandis que la biodisponibité du calcium
est limitée en présence de phytates.
IV.2 DE LA QUANTIFICATION
La méthode basée sur la morbidité et le
traitement type proposé dans ce modèle de gestion peut
s'avérer inadéquate si certains éléments ne sont
pas maîtrisés par le planificateur gestionnaire, notamment :
1. Le calcul des prévisions de morbidité. La
courbe du nombre de patients admis dans un hôpital pendant une
période donnée (généralement 1 an), peut prendre
une certaine tendance avec les variations saisonnières. La connaissance
des calculs des prévisions sur ces types de données sera un
élément essentiel à la détermination du nombre de
patients attendus (avec une certaine marge d'erreur) .
2. Le régime type défini par les cliniciens ne
doit pas être sujet à révision à chaque instant.
Dans le cas contraire, tous les calculs d'estimation des besoins seront chaque
fois remis en cause. Une concertation des spécialistes est donc
nécessaire avant de définir le régime type.
3. Dans ce modèle, la durée moyenne de
traitement peut entraîner des estimations erronées des besoins si
la distribution des durées autour de la moyenne n'est pas
symétrique.
IV.3 DE L'ADAPTATION DES QUANTITES AU BUDGET
L'adaptation des besoins au budget est une tâche
difficile car tous les produits sélectionnés et donc
commandés sont jugés essentiels par rapport à leur
coût et à leur efficacité thérapeutique. Cette
adaptation devra préférentiellement ne pas être
basée sur la réduction des quantités mais devra
plutôt porter sur une amélioration de la gestion des stocks afin
de réduire les coûts liés à l'approvisionnement des
produits.
Plusieurs pistes devront être étudiées :
· recherche de produits équivalents moins chers par
une révision des critères de sélection,
· optimisation du roulement des stocks afin de
réduire au maximum les coûts combinés du stockage et des
commandes.
La méthode ABC qui classe les produits en fonction de leur
participation au budget, permet d'identifier les produits à
étudier en priorité.
IV.4 DE LA POLITIQUE D'APPROVISIONNEMENT
On peut constater que si les critères de
sélection et de quantification des besoins des produits alimentaires ont
pu s'inspirer largement de ceux développés pour la gestion des
médicaments, il n'en est pas de même concernant la politique
d'approvisionnement. La principale raison en est que la plupart des produits
alimentaires ont une durée de conservation très courte
contrairement aux médicaments. Ce qui exige une rotation rapide et par
conséquent augmente le frais de passation des commandes. Cette
contrainte associée à une obligation d'approvisionnement à
jour fixe imposée par le fournisseur nécessite le calcul au plus
juste d'un stock de sécurité. Toute erreur de prévision
à la hausse ou à la baisse entraîne des
conséquences. Pour la première, l'élévation du
coût de stock (le surplux des produits à la date d'une nouvelle
livraison sera périmée). Dans le second cas, il y aura un
coût de rupture des stocks. Une des solutions proposées en cas de
rupture de stock est de prévoir un stock de produits nons essentiels
(chers) ayant une durée de conservation plus longue. Cependant, il
convient d'étudier les deux types de coût liés à
l'approvisionnement. Une autre solution peut être de négocier avec
les fournisseurs pour avoir des durées de livraison plus courtes que la
durée de péremption des produits.
IV.5 DE LA CONSERVATION
En raison des difficultés d'approvisionnement
liées à la conservation, le développement des techniques
permettant d'allonger la durée de conservation des produits
périssables s'avère une nécessité. Les produits
tels que le poisson ou la viande doivent être conservés à
-20°C et être reconditionnés en unités correspondant
à la demande journalière. La mise en pratique des règles
d'hygiène et le choix de produits frais au moment de l'achat est un
élément essentiel à la conservation des produits
périssables. Il faut signaler l'inconstance de la fourniture du courant
électrique dans les pays en développement. Ceci peut
entraîner des pertes de stocks énormes. Si une telle situation est
fréquente, il faut limiter l'approvisionnement en ces produits et avoir
recours aux produits secs, qui se conservent à température
ambiante. Au Kivu on trouve, à titre d'exemple un poisson (tilapia)
conservé par salaison qui supporte les températures ambiantes
élevées pendant plus d'un an. Même si le prix par Kg du
principe nutritif d'un produit est élevé, on fera globalement une
économie par une réduction des pertes dues à la
détérioration.
En ce qui concerne le lait frais et caillé, celui doit
être conservé entre 4 et 6°C. En absence de moyen de
conservation adéquate, il convient d'avoir recours au lait en poudre,
plus cher, mais qui se conserve bien.
Pour les autres produits frais tels que la patate douce, il
semble que certaines variétés se conservent mieux que d'autres.
Les observations faites à l'HPL par Kilcher (1995) montrent que les
pertes dues à la pourriture et à la déshydration des
tubercules des patates douces est de l'ordre de 10%, deux semaines après
la récolte.
La conservations des farines sous emballage plastique à
volume réduit s'avère plus efficace que dans un sac contenant de
grandes quantités. Une attention sera apportée au coût de
réconditionnement et à la gestion des plastiques (modes de
destruction après usage). La conservation des haricots avec une mince
couche d'huile de palme s'est avéré efficace à l'HPL.
IV.6 DE LA CAPACITE DE CONSERVATION
Les quantités en stock, doivent correspondre à
l'espace disponible. Nous avons parlé de reconditionnement des produits
en unités secondaires. Par exemple, le lait sera conservé au
réfrigérateur dans des bouteilles d'une capacité d'un
litre. Dans ce cas, il faut évaluer si la quantité livrée
puis reconditionnée peut être contenue dans le
réfrigérateur. La quantité à commander sera alors
fonction de l'espace disponible. Il en sera de même pour les autres
produits.
IV.7 DE L'UTILISATION DE L'INFORMATIQUE
L'importance de la gestion informatisée des stocks a
été démontrée et il existe plusieurs ouvrages
édités sur ce sujet (Bénassy et Ploix de Rotrou, 1981).
L'utilisation de logiciels de type tableur ou de programmes plus
sophistiqués peut rendre le travail de calcul plus facile, rapide et
avec moins d'erreur. L'informatique interviendrait dans la sélection des
produits en utilisant les formules présentées au chapitre 3 ainsi
que dans la quantification des produits, l'adaptation des quantités au
budget ou la gestion des stocks.
IV.8 CRITERES D'EVALUATION DE CETTE GESTION
Il convient maintenant de définir les critères qui
permettront de juger de la qualité de cette gestion. Il existe plusieurs
critères pour évaluer la gestion des stocks (Bénassy et
Ploix de Rotru, 1981 ; Zermati, 1996). Nous nous limiterons à
présenter quelques éléments essentiels de contrôle
budgétaire des approvisionnements. Ce contrôle doit porter
à la fois sur les quantités et sur les coûts (Gouget et
al., 1997).
IV.8.1 LE CONTROLE
DES QUANTITES
Le contrôle des quantités sera fait par l'analyse
des écarts et le calcul des quelques ratios significatifs.
IV.8.1.1 L'analyse des écarts
Cette analyse portera sur :
Les écarts observés entre les consommations
prévues et les consommations réalisées. Les plus fortes
variations doivent faire l'objet de remise en cause des calculs de
prévision des consommations.
Les écarts observés entre les
quantités prévues et livrées, les délais de
livraison prévus et réalisés voire la qualité du
produit livré. L'examen des résultats doit conduire à des
décisions sur le choix des fournisseurs.
IV.8.1.2 Le calcul de ratios
On peut également procéder au calcul de certains
ratios significatifs tels que :
· La fréquence des ruptures de stock
:
Quantités manquantes
|
Quantités consommées
|
|
· La vitesse de rotation des stocks :
Coût d'achat des produits consommés
|
Stock moyen
|
|
· La fiabilité du fournisseur :
Nombre de livraisons réalisées dans les
délais annoncés
|
Nombre total de livraisons
|
IV.8.2 LE CONTROLE
SUR LES COUTS
Une attention doit être portée sur des
écarts favorables sur le coût unitaires d'achat car on a souvent
tendance de faire des approvisionnements en volume important lorsque le prix
d'achat est inférieur aux prévisions. Rappelons que ceci peut
avoir une incidence fâcheuse sur le coût de stockage, en
particulier avec les produits alimentaires périssables. Certains
fournisseurs diminuent le prix lorsque les produits sont de moindres
qualité.
CHAPITRE V. CONCLUSION
L'objectif du travail était de proposer un
modèle rationnel de gestion des produits alimentaires pour la prise en
charge de la malnutrition sévère. Le modèle proposé
par l'OMS pour la gestion des médicaments a servi de cadre de
référence en partant du principe que face à la
malnutrition sévère, les produits alimentaires constituent
l'équivalent thérapeutique des médicament face aux
maladies infectieuses.
L'adaptation du modèle de gestion des
médicaments à celui de gestion des produits alimentaires reste
partielle. Elle ne peut être faite à toutes les étapes. Le
principe de sélection et de quantification des produits alimentaires
peut être emprunté à la gestion des médicaments.
Cependant, les politiques d'approvisionnement des produits alimentaires sont
tributaires de la contrainte de durée de vie très courte. Cela
exige le recours à plusieurs politiques d'approvisionnement en fonction
de la durée de conservation des produits, précisément le
flux tendu, le point de commande et l'approvisionnement à date fixe. Aux
contraintes liées aux produits s'ajoutent les contraintes du
marché obligeant d'avoir recours aux produits de substitution, non
sélectionnés au départ.
La méthode ABC permet d'identifier les produits
représentant une part importante du budget et donc de porter une
attention sur leur gestion.
Si les moyens de conservation de produits frais tels que la
viande, le poisson et le lait ne sont pas disponibles, de tels produits doivent
être abandonnés au profit des produits équivalents qui ne
nécessitent pas d'importants moyens de conservation. A ceci s'ajoute le
problème causé par le reconditionnement des produits en
unités réduites. Une étude de la gestion des emballages
plastiques utilisés à cette fin doit être envisagée.
Enfin, l'utilisation de l'outil informatique s'adapte bien
à la gestion de stock. Si les moyens le permettent, il faudra saisir
cette opportunité. Cependant un minimum d'information sur papier reste
indispensable.
Ce travail n'avait pas la prétention de
développer les formules mathématiques décrites dans la
littérature concernant la gestion des stocks. Nous avons voulu
être pratique pour que le gestionnaire des produits alimentaires dans le
contexte d'un pays en développement ne se sente pas
dépassé.
La malnutrition sévère demeurant un
problème de santé publique dans les pays en développement,
nous espérons que ce travail peut apporter une contribution à une
meilleure gestion de ce problème.
CHAPITRE VI. BIBLIOGRAPHIE
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25. Zermati P. (1996). Pratique de la gestion des stocks. 5
éd. Dunod. Paris.
* 1 LHE-CMV : Lait Haute Energie
enrichi en Complexe Minéraux et Vitaminés.
* 2 L'huile de colza qui est un
produit non essentiel dans la catégorie des huiles, devient essentiel
parce qu'elle rentre dans la composition du LHE-CMV.
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