ZÜRCHER HOCHSCHULE DER KÜNSTE
EN COLLABORATION AVEC LA
INTERKANTONALE HOCHSCHULE FÜR
HEILPÄDAGOGIK BERUFSBEGLEITENDE AUSBILDUNG MUSIKTHERAPIE BAM
LA CRÉATIVITÉ EN
MUSICOTHÉRAPIE AUPRÈS DE PERSONNES
SCHIZOPHRÈNES COMME RE-CRÉATION DE SOI
D'UN POINT DE VUE PHÉNOMÉNOLOGIQUE
MÉMOIRE POUR L'OBTENTION DU TITRE :
MASTER OF ADVANCED STUDIES EN MUSICOTHÉRAPIE CLINIQUE
PRÉSENTÉ PAR : AUDE CASSINA
DIRECTEUR DE MÉMOIRE : THIERRY BOTTAÏ
A mes parents, pour leur sens exceptionnel de l'accueil et de
l'entre-aide.
A Jean, Lulu, Ricky et Hikaru.
\u12356centsçÁuácentsÜ
A Henri, mon père spirituel.
TABLE DES MATIERES
Abstract p. 4
Remerciements p. 5
Prologue p. 6
Introduction p. 7
1 Les tableaux cliniques de la schizophrénie
p. 9
1.1 Historique p. 9
1.2 Signes cliniques p.10
1.3 Syndromes p.11
1.3.1 Syndrome dissociatif p.12
1.3.2 Syndrome autistique p.13
1.3.3 Syndrome délirant p.13
1.4 Formes du début p.14
1.4.1 Début brutal avec apparition d'un délire
p.15 en quelques jours ou semaines
1.4.2 Début insidieux p.15
1.5 Symptômes positifs et symptômes négatifs
p.15
1.6 Formes cliniques p.16
1.6.1 Schizophrénie paranoïde p.16
1.6.2 Schizophrénie hébéphrénique
(ou désorganisée) p.17
1.6.3 Schizophrénie catatonique p.17
1.6.4 Schizophrénie « simple » p.18
1.6.5 Schizophrénie dysthymique (ou psychose
aigüe schizo-affective) p.18
1.6.6 Autres formes p.19
1.7 Evolution de la maladie p.20
1.8 Médication p.22
2 Trois processus de la schizophrénie sous l'angle
p.27
de la psychopathologie
phénoménologique
2.1 Définitions p.27
2.1.1. La phénoménologie philosophique
p.27
2.1.2. La phénoménologie psychiatrique
p.29
2.1.3. La psychopathologie phénoménologique
p.30
2.2 Trois processus de la schizophrénie sous l'angle de la
psychopathologie p.30
phénoménologique
2.2.1 L'être-soi, l'être-au-monde et
l'être-avec-autrui p.31
2.2.2 La perte du contact vital avec la réalité
p.33
2.2.3 Les notions de temps et d'espace modifiés
p.34
3 Trois situations cliniques en musicothérapie
p.37
3.1 Monsieur K. p.37
3.2 Monsieur F. p.42
3.3 Monsieur N. p.47
4 Créativité en musicothérapie et
re-création de soi phénoménologique p.52
4.1 Créativité p.52
4.1.1 Définition p.52
4.1.2 Créativité musicale p.53
4.1.3 Créativité et folie p.54
4.1.4 Créativité en musicothérapie
p.55
4.1.5 Méthodologie de la créativité en
musicothérapie p.56
4.2 Analyse des trois situations cliniques au regard des trois
processus p.57 schizophrénique de la schizophrénie
4.2.1 Perception sonore de soi et perception sonore de
l'autre p.57
4.2.2 Délire et improvisation p.60
4.2.3 Espace musical et temps musical p.62
4.2.4 Tableau récapitulatif p.65
4.3 L'Entre comme espace de re-création de soi en
musicothérapie p.67
4.3.1 Noétique et noématique de la musique
p.67
4.4 Réflexion p.68
Conclusion p.73
Epilogue p.74
Bibliographie p.75
Annexe p.78
ABSTRACT
Cet ouvrage se veut une approche et une compréhension
phénoménologique de la créativité en
musicothérapie auprès de personnes schizophrènes. Il
relate et analyse trois situations cliniques en ayant pour
référence, entre autres théories, celle de l'Entre ou
l'Aïda du psychiatre phénoménologue japonais Bin
Kimura. Il s'agit tout d'abord de découvrir les principaux tableaux
cliniques de la schizophrénie ainsi que l'approche de la psychiatrie
phénoménologique. S'ensuivent les différents aspects de la
créativité musicale par l'intermédiaire de la perception
sonore de soi et de l'autre, par la naissance de l'improvisation ainsi que de
l'impact de l'espace et du temps musical sur des personnes souffrant d'une
désorganisation psychique. Une réflexion menée à la
lumière de la phénoménologie permet de retracer sous forme
de tableaux le développement de la créativité en
musicothérapie amenant une forme de prolongement de soi ou de
recréation de soi.
Mots-clés : musicothérapie -
phénoménologie - schizophrénie - créativité
musicale - psychiatrie - philosophie
REMERCIEMENTS
A Thierry Bottaï, directeur de mémoire, pour avoir
accepté le challenge malgré le temps passé et la distance.
Pour ses conseils judicieux et son sens de la pédagogie qui m'ont
amenée à travailler en psychiatrie et à écrire ce
mémoire.
A Astrid Lorz, deuxième lectrice, pour avoir
accepté cette fonction et les tâches ardues qui lui incombent.
A Philippe Besse, directeur de La Miolaine, et
à Luc Faudeil, responsable de l'institution, pour m'avoir tous deux
accordé leur confiance ainsi que l'autorisation et le temps de
rédiger ce mémoire.
A Sara Rossi, infirmière et chère collègue,
pour l'aide apportée à la compréhension de la
médication.
A tous mes collègues de La Miolaine, et aux
MSP en particulier, qui ont suivi de plus ou moins près cette
naissance. A Olivier et Bernard qui ont tenté de me « distraire
» par leur humour !
A Jane Sharman, sans laquelle je ne serais devenue
musicothérapeute.
A Maryse, pour ses encouragements qui m'ont rendu la tâche
plus agréable ! A nos fous-rires !
A Vincent, pour ses messages ensoleillés de Bali et pour
son amitié précieuse !
A mon père, pour avoir trouvé
l'opportunité de poser son regard et ses corrections syntaxiques sur ce
travail. Pour sa bienveillance et pour m'avoir appris qu'un point est bien plus
beau qu'un point virgule !
A ma maman, pour m'avoir enseigné l'essentiel : l'envie,
le sens et le goût des autres !
Aux trois messieurs qui m'ont donné leur accord et leur
confiance et sans lesquels tout ceci n'existerait pas !
PROLOGUE
« Le monde de l'art n'est pas celui de
l'immortalité, c'est celui de la métamorphosei
André Malraux
« Vous allez parler de moi ? Vous êtes gentille...
», dit monsieur K. d'une voix souriante.
« Ecrire sur moi ? Oui ! Comme vous voulez. »,
explique monsieur F., plutôt consensuel.
« Qu'est-ce que tu vas bien pouvoir raconter... je
pourrai lire ? Parce que s'il y a un aspect philosophique, ça
m'intéresse beaucoup », raconte monsieur N., les yeux
pétillants.
Alors, l'appréhension me gagne de ne pouvoir retracer
avec justesse, délicatesse et intelligence la vie et les séances
de musicothérapie effectuées avec ces personnes que je respecte,
que j'accompagne avec plaisir et de manière régulière dans
les moments difficiles comme dans les moments heureux.
L'appréhension me gagne de n'avoir eu l'oreille pour
les entendre, de n'avoir eu le bon ton pour les soutenir, de n'avoir su trouver
la pulsation dynamique et empathique qui redonne vie, de n'avoir trouvé
la bonne nuance ou suffisamment de timbres différents pour faciliter la
re-création de soi.
Le plaisir consiste à croire que ce mémoire puisse
être une transmission, une trace, un objet utile à d'autres...
Le plaisir serait de penser que les personnes concernées
puissent un jour lire ceci et tourner la page...
Le plaisir est grand d'avoir pris le temps de coucher sur papier
les séances, d'avoir eu l'opportunité de créer et de
recréer un espace musicothérapeutique autre !
Ce travail est un hommage à ces gens dont la
réalité ne correspond pas à la nôtre, pour leur
valeureux et constant combat intérieur à nous rejoindre... qu'ils
gardent la force de se battre !
INTRODUCTION
Nous souhaitons initier ce travail de théorie par
l'hypothèse suivante : y a-t-il possibilité d'un espace de
re-création de soi pour les personnes schizophrènes dans
l'approche de la créativité en musicothérapie ? L'harmonie
et le rythme musical peuvent-ils servir d'ancrage à des patients dont
l'harmonie de la vie et le rythme interne s'avèrent chavirés lors
de violentes tempêtes ou servent-ils simplement (ou déjà,
ai-je envie de dire) de soutien pendant des périodes de douces accalmies
? Ces questions nous taraudent dans la pratique quotidienne de notre
métier, aussi désirons-nous les aborder sans compromis, en
approchant le courant de pensée phénoménologique afin
d'atteindre la personne dans son essence même en considérant son
rapport au monde, à autrui, à la temporalité, mais aussi
son rapport au fondement vital (Etre ou Sein) et au principe
d'individualité et d'identité (étant ou
Dasein).
Notre méthodologie s'entend de la manière
suivante. Il nous semble essentiel de traiter premièrement et
succinctement de la clinique psychiatrique et de la classification des
principaux tableaux de la schizophrénie, d'affiner notre vision de la
maladie à la lumière de la psychopathologie
phénoménologique, d'étudier au plus près la
créativité sous ses diverses formes, de développer notre
méthodologie musicothérapeutique afin d'aborder ensuite notre
clinique musicothérapeutique, de l'analyser sous un regard
phénoménologique et de tenter de répondre à notre
hypothèse introductive.
La schizophrénie s'apparente à un orchestre sans
chef (Henry Ey), aussi, arborons-nous suffisamment d'outils adéquats
pour harmoniser et rythmer, aider à la création musicale et par
là-même à la re-création de soi ? Si la musique est
souvent utilisée pour imager la nature même de la
schizophrénie, elle est aussi adoptée en
phénoménologie pour décrire et expliciter certains
paramètres d'approche dans la compréhension du vécu de la
personne schizophrène. Pour exemple, on peut se reporter à
l'Entre du Japonais Bin Kimura et son chapitre consacré au
noétique et au noématique de la musique (Kimura, 2000, p.32-38),
dans lequel il tente de comprendre le rapport entre le fond de la vie et celui
qui se rapporte au monde, soit entre le Sein et le Dasein
(Etre et étant) de Martin Heidegger (1ère
édition 1976).
Dans son application concrète et sonore, cherchons
à comprendre si la musique et ses paramètres rejoignent la
personne schizophrène dans son morcellement et dans sa perte du contact
vital avec la réalité, s'ils l'aident à se
recréer.
Au début du XXème siècle, Hans Prinzhorn,
notamment, a abondamment développé le sujet de l'expression de la
folie par l'intermédiaire de l'art thérapie : du dessin, de la
peinture et de la sculpture. Il aborde les notions de jeux orientés vers
une Gestaltung visuelle et plastique (Prinzhorn, 1922).
Il serait intéressant de définir une
Gestaltung auditive et musicale en musicothérapie comme point
de départ d'une éthique musicothérapeutique en pratique
psychiatrique.
Il serait facile et tentant d'étendre le sujet à
ses ramifications, cependant, nous nous bornerons à chercher une
re-création de soi par la créativité musicale,
peut-être naissante dans « l'Entre » de Kimura.
De même que pour qu'il y ait de la lumière, il
faut qu'il y ait de l'obscurité, faut-il du chaos pour qu'il y ait de
l'harmonie? Et pour que la création advienne, ne faut-il pas se
recréer ?
CHAPITRE 1 LES TABLEAUX CLINIQUES DE LA
SCHIZOPHRENIE
Nous ne pouvions aborder le thème de la
schizophrénie sans en faire d'abord un bref aperçu historique,
suivi de la partie descriptive de la clinique et des différents
syndromes, des symptômes décrits et des formes
répertoriées et classifiées, sans oublier
l'évolution actuelle de cette maladie recensée dans chaque pays
du monde.
1.1. Historique
En 1891, Emil Kraeplin décrit dans son traité
des maladies mentales différentes affections psychiatriques qui touchent
le jeune adulte et qu'il nomme « démence précoce »,
mettant en avant l'aspect progressivement déficitaire de la maladie et
recherchant des causes organiques à l'affaiblissement intellectuel. Le
terme de « schizophrénie » est introduit par Eugen Bleuler en
1911, terme issu des racines grecques « skizein » signifiant fendre,
couper et de « phren » faisant référence au cerveau et
à la pensée. Ne recherchant pas de cause organique au
désordre psychique, il met l'accent sur l'idée que sa conception
n'est plus évolutive mais clinique et psychopathologique pour favoriser
le diagnostic. On pense dès lors davantage à une coupure de
l'esprit que Bleuler nomme « Spaltung », littéralement «
scission-division », traduit en français par différents
termes : une désorganisation, une dissociation (Hesnard), une
discordance (Chaslin), un clivage de la personnalité, une rupture du
lien qui unifie l'individu alliée à une perte de contact avec la
réalité (Minkowski). Bleuler, dans Dementia Praecox ou Groupe
des Schizophrénies (1911), introduit ainsi le concept de
schizophrénie : « nous désignons sous le nom de
démence précoce ou schizophrénie un groupe de psychoses
qui évolue tantôt sur le mode chronique, tantôt par
poussées, qui peut s'arrêter ou même
rétrocéder à n'importe quel stade, mais qui ne permet sans
doute pas de restitution ad integrum complète. Ce groupe est
caractérisé par une altération de la pensée, du
sentiment et des relations avec le monde extérieur d'un type
spécifique et que l'on ne rencontre nulle part ailleurs ». (p.45,
traduction française A. Vaillard - 1993 - de l'ouvrage de Bleuler)
(Haouzir, Bernoussin, 2005, p.18.)
1.2. Signes cliniques
Cette pathologie affecte le sujet jeune, entre 15 et 35 ans,
et s'avère être une maladie universelle que l'on rencontre dans
tous les pays et dans les mêmes proportions. Elle touche autant les
hommes que les femmes à raison d'1 personne sur 1'000 selon
l'OMS1 et la prévalence communément acquise dans la
littérature internationale sur la vie entière est de 1%. Le
diagnostic s'avère difficile à poser étant donné
l'hétérogénéité des symptômes et l'on
considère, selon la classification nord américaine, que
l'évolution du trouble doit être égale ou supérieure
à six mois pour que l'on puisse poser un diagnostic de
schizophrénie, alors que la classification internationale de l'OMS ne
requiert qu'un mois d'évolution. Selon l'Association Américaine
de Psychiatrie (American Psychiatric Association) et le DSM IV-TR2,
les critères de diagnostics suivants doivent être
répertoriés :
A. Symptômes caractéristiques : au minimum deux
des cinq manifestations suivantes doivent être présentes, chacune
pendant une partie significative du temps, soit une période d'un mois
(ou moins si elles répondent favorablement à la
médication)
1) Idées délirantes.
2) Hallucinations.
3) Discours désorganisé (sauter du coq à
l'âne ou incohérence).
4) Comportement grossièrement désorganisé
ou catatonique.
5) Symptômes négatifs, par exemple un
émoussement affectif ou une perte de volonté.
B. Dysfonctionnement social des activités.
C. Des signes permanents de la perturbation persistent pendant
au moins 6 mois. Cette période de 6 mois doit comprendre au moins un
mois de symptômes qui répondent au critère A.
D. Exclusion d'un trouble schizo affectif et d'un trouble de
l'humeur.
E. Exclusion des troubles dus à des substances
ingérées ou à des pathologies organiques.
1 Organisation Mondiale de la Santé.
2 DSM IV-TR: Diagnostic and Statistical Manual -
4ème Révision - American Psychiatric Association.
Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Traduction
française, Paris, Masson, 2000.
F. Relation à un trouble envahissant du
développement, par exemple l'autisme.
1.3. Syndromes
Ainsi qu'énoncé précédemment, un
syndrome dissociatif est observé. La personne atteinte n'éprouve
plus le sentiment d'être un être humain et ressent une impression
de dislocation et de morcellement de sa personnalité. Elle perd alors le
contact avec la réalité. Le syndrome de dissociation
générant beaucoup d'angoisse, deux mécanismes
d'auto-compensation ou de compensation phénoménologique face
à l'expérience indicible de la dislocation de l'unité du
Soi, et donc de l'explosion des relations entre le Soi et le monde
extérieur, entrent en jeu : un syndrome autistique et une
activité délirante paranoïde.
1.3.1 Syndrome dissociatif
L'approche clinique contemporaine organise la dissociation
psychique autour de trois pôles, pensée, affects et comportements,
recouvrant à peu près ceux proposés par Chaslin
(délire, émotions, mimique) (Haouzir, Bernoussi, 2005, p.21).
a) Dissociation de la pensée ou idéique : elle
se traduit par une altération du cours de la pensée. Les
idées se dispersent, deviennent chaotiques. La pensée peut
s'arrêter de manière brutale d'où la conséquence sur
l'arrêt du discours que l'on nomme barrage (Kraepelin). On remarque
également des persévérations, sortes d'idées
répétitives venant gêner le cours de la pensée, une
diminution de l'attention et de la concentration, une lenteur
d'idéation, un appauvrissement des idées. Il peut aussi s'agir de
troubles du langage tel que le mutisme ou semimutisme, des impulsions verbales,
des apartés. On relève également un langage
maniéré, fait de paralogisme (utilisation de mots
détournés de leur sens) ou de néologisme (création
de mot). Parallèlement à ces anomalies grammaticales, il est
possible de noter aussi des anomalies syntaxiques sur la construction et
l'architecture des phrases. Quant au timbre de la voix, on note un fading
mental (amenuisement du son de la voix type decrescendo) ainsi que des
intonations
bizarres. La pensée est déconnectée par
rapport à la réalité, elle semble « tourner à
vide ». Par ailleurs, on souligne l'ambivalence (sensation
d'éprouver psychiquement des valeurs positives et négatives
simultanément) de la personne schizophrène.
b) Dissociation des affects ou thymique : elle consiste en
une absence de participation affective à des événements ou
à des situations dont la charge émotionnelle ne peut laisser
indifférent. On relève une froideur affective dans le contact,
une anhédonie (incapacité à éprouver du plaisir),
un émoussement affectif, des rires inappropriés, des signes de
négativisme, un refus de communication, un appauvrissement de la mimique
voire une inexpressivité du visage, qui peut être associée
au concept d'athymhormie (Guiraud et Guiraud), apparent
désintérêt affectif généré par la
perte de l'élan vital (Bleuler).
c) Dissociation des comportements et dissociation motrice :
elle consiste en un désintérêt et une adaptation
insuffisante à l'environnement. Elle comprend également une forme
de maniérisme et d' « ambitendance » (ambivalence de la
volonté) qui se traduit par une sorte de perpétuelle
hésitation lors de certains gestes initiés et interrompus
invariablement. On relève également divers
phénomènes moteurs, tels que : paramimie discordante (mouvements
non adaptés), gestes auto ou hétéro agressifs, actes
cocasses ou absurdes, mouvements stéréotypés ou gestes
ritualisés. A ceux-ci s'associe au paroxysme des symptômes
catatoniques (comportement moteur plus ou moins permanent qui ne répond
pas de manière adaptée aux stimulations du milieu et qui
s'accompagne souvent d'impulsions et de stéréotypie) une forme de
catalepsie (comportement caractérisé par une rigidité
musculaire particulière dite rigidité plastique).
d) Dissociation entre les sphères idéique,
affective et comportementale : les pensées sont
déconnectées des idées et des comportements, et le sujet
en vient à faire toutes sortes de bizarreries, comme être
soulevé d'un rire immotivé à l'annonce d'un
événement grave. De même les émotions ne sont plus
liées aux raisonnements et deviennent indépendantes des
comportements, engendrant froideur affective, ambivalence, paralogisme, ainsi
ce père de famille, patient de
Binswanger, qui offre un cercueil pour cadeau de Noël
à sa fille cancéreuse (Tatossian, 2002, p.79).
1.3.2 Syndrome autistique
L'être n'arrivant plus à être
soi-même et ayant donc une difficulté majeure à
l'identité, ses rapports avec le monde sont profondément
altérés. Deux phénomènes de compensation face
à l'expérience indicible et effrayante de la dislocation de la
personnalité sont possibles : soit l'attitude de retrait avec tous les
éléments du syndrome autistique tel que précisé ci
dessous soit une attitude de reconstruction coûte que coûte de la
réalité, au prix d'une déformation délirante
détaillée ultérieurement. On observe une attitude
générale de repli sur soi, un appauvrissement de l'insertion
sociale, une perte d'initiative, un appauvrissement de la communication
interrelationnelle, une aboulie (incapacité à exécuter des
actes prémédités) ou un apragmatisme (insuffisance,
diminution voire disparition de la volonté qui empêche le sujet de
mener à bien une action non-préméditée), un repli
sur soi et une rupture plus ou moins complète des communications avec
l'extérieur et avec autrui.
1.3.3 Syndrome délirant
Dans ce domaine, face à la perte d'identité et
la dislocation, le sujet tente de maintenir un contact avec une
réalité sans pouvoir la percevoir de manière
adéquate. La reconstruction s'avère alors délirante mais
permet de tenter de maintenir un contact avec l'extérieur, le monde et
autrui. Le sujet va développer toutes sortes d'idées
erronées, de convictions fausses, d'erreurs de perception ou de
jugement.
a) L'organisation du délire se tisse de manière
paranoïde (mal ou non systématisée, décousue, sans
cohérence interne), faisant opposition aux délires dits
paranoïaques (délires systématisés, organisés,
voire crédibles tel que les délires érotomaniaques ou de
jalousie).
b) Les modalités du délire se comptent au nombre
de quatre et explicitent les processus à partir desquels le
délire se construit :
1. Modalité intuitive (je le sens, vous me voulez du
mal)
2. Modalité interprétative (de faits et de
paroles)
3. Modalité imaginative (adhère à
l'imagination avec conviction)
4. Modalité hallucinatoire (hallucinations auditives,
visuelles, olfactives et cénesthésiques).
On considère que l'automatisme mental
(Clérambault) déclenche encore d'autres types d'hallucinations
psychiques : écho de la voix, vol de la pensée, mots fortuits,
autonomisation des voix - voix qui discutent entre elles.
c) Différents thèmes viennent alimenter les
délires paranoïdes, avec une prédominance pour la
persécution, l'homosexualité, la pédophilie, le vol ou
l'imposition de la pensée.
En conclusion, les délires paranoïdes sont
constitués de la juxtaposition des différentes idées
délirantes et de différentes modalités, sans organisation
interne rigoureuse. La fréquence de la thématique de
persécution a été à l'origine de la
caractéristique paranoïaque mais l'absence d'ordre, de logique, et
de clarté leur donne la caractéristique de paranoïde.
1.4. Formes du début
Les premiers signes cliniques se font remarquer dès la
préadolescence. On parle de personnalité schizoïde, sujet
qui a tendance à l'isolement, qui s'adapte difficilement, qui
rationnalise systématiquement des événements, et porte
intérêt à des thèmes spéculatifs, abstraits
voire ésotériques. On relate différentes formes
d'entrée dans la maladie.
1.4.1. Début brutal avec apparition d'un
délire en quelques jours ou semaines
a) Débuts explosifs avec des bouffées
délirantes aigües, décrits comme « un coup de tonnerre
dans un ciel serein ». Sans prévenir, du jour au lendemain, on
relève des délires aigus générant beaucoup
d'angoisse. Il existe des variabilités de thèmes, de
modalités et d'aspects thymiques caractérisant ce type
d'entrée dans la schizophrénie : 1. Aphorisme de Magnan, une
bouffée délirante aigüe sans lendemain 2. Plusieurs
bouffées puis arrêt total des manifestations 3. Entrée
de
Magnan, quelques bouffées marquent une entrée
définitive dans la maladie 4. Entrée dans la maladie après
une bouffée délirante aigüe.
b) Dépression atypique, dont les éléments
de dissociation peuvent être une entrée dans la
schizophrénie : idées bizarres et ambivalence.
c) Formes monosymptomatiques tels qu'une fugue, une tentative de
suicide, un crime immotivé.
1.4.2. Début insidieux avec une invasion
progressive du délire qui mène à une
dépersonnalisation, à une déréalisation qui donne
l'impression à l'entourage que le jeune « disjoncte », devient
bizarre et inaccessible.
a) Formes pseudo-obsessionnelles se rapportant à des
troubles qui se ritualisent et peuvent passer inaperçus aux yeux de
l'entourage, à une perte de l'évidence (ouvrir une porte).
b) Troubles du comportement : fléchissement scolaire
inexpliqué, retrait social.
c) Apparition de conduites addictives : alcoolisme,
toxicomanie.
d) Sentiment de dépersonnalisation : dysmorphophobie,
angoisse de morcellement, peur de la perte de l'intégrité
personnelle, troubles de l'identité, déréalisation
(impression d'étrangeté et d'hostilité du monde
extérieur).
1.5. Symptômes positifs et symptômes
négatifs
Il me semble essentiel de détailler une subdivision,
établie à la suite d'une publication de Strauss, Carpenter et
Bartko (1974), que l'on exerce entre divers symptômes que l'on relie
à deux groupes distincts de symptômes dits positifs et de
symptômes dits négatifs. On regroupe d'un côté les
symptômes positifs témoins d'une désinhibition
fonctionnelle (Bottéro, 2008, p.188) se caractérisant par
une sémiologie productive, par exemple les délires, les
hallucinations, les illusions, les interprétations et les intuitions et
de l'autre côté les symptômes négatifs accompagnant
à l'inverse une restriction fonctionnelle (Bottéro,
2008, p.188) comprenant un émoussement de l'affectivité, une
alogie (difficulté de converser), une avolition (perte
d'intérêt et d'énergie), une anhédonie, une
asocialité et un déficit d'attention (Aucour, 2009, p.7-8). Parmi
les symptômes négatifs,
on distingue les symptômes dits primaires, directement
liés à la maladie et à ses conséquences
pathologiques, des symptômes dits secondaires, liés à des
conséquences neuro-psycho-sociales de la schizophrénie et de ses
traitements, notamment des effets indésirables des neuroleptiques. Les
symptômes négatifs primaires sont soit transitoires lorsqu'ils
sont liés à une décompensation psychotique, soit
permanents lorsqu'ils témoignent d'un déficit neurocognitif ou
neuro-développemental, parfois prémorbide (antédatant le
début de la maladie). Au départ, cette distinction entre
symptômes positifs, en sus du fonctionnement psychique habituel, et
symptômes négatifs, en manque par rapport au fonctionnement
psychique usuel, a été dictée pour des impératifs
de recherche, notamment pharmacologique.
1.6. Formes cliniques
Les formes de schizophrénie les plus fréquemment
rencontrées en clinique et dans les manuels de psychiatrie comprennent :
la schizophrénie paranoïde, la schizophrénie
hébéphrénique ou désorganisée, la
schizophrénie catatonique, la schizophrénie « simple »,
la schizophrénie dysthymique ou schizo-affective, la
schizophrénie pseudopsychopathique (ou
héboïdophrénique), la schizophrénie
pseudo-névrotique, la schizophrénie indifférenciée
et la schizophrénie résiduelle (Aucour, 2004, p.37).
1.6.1 Schizophrénie paranoïde
Elle est reconnue comme la forme la plus répandue et la
plus productive quant à la symptomatologie. Le délire
paranoïde est à l'avant scène du tableau, et cette forme de
schizophrénie débute de manière plus tardive que les
autres, notamment hébéphrénique et catatonique. La maladie
s'installe souvent suite à une ou plusieurs bouffées
délirantes aigües. L'évolution se fait par poussées
dites processuelles, entrecoupées de rémission plus ou moins
complète du délire. Cependant, elle peut aussi présenter
une évolution continue avec incrustation du délire. Cette forme
répond bien aux neuroleptiques et permet au sujet de maintenir une
certaine qualité de vie psychique, malgré des modalités
hallucinatoires intuitives et imaginatives qui envahissent souvent tout le
champ de
conscience de l'individu. La schizophrénie paranoïde
est répertoriée dans le DSM-IVTR (295.30) et dans la
CIM-103 (F20.0).
1.6.2 Schizophrénie
hébéphrénique (ou désorganisée)
Décrite par Hecker, elle représente 20% des
formes de schizophrénies. Le syndrome autistique prédomine sur
les deux autres. Cette forme débute chez le sujet jeune
(Hébé faisant référence à la
déesse grecque de la jeunesse), et semble correspondre cliniquement
à la démence précoce de Kraeplin. On relève un
aspect déficitaire global de l'individu avec notamment les
symptômes suivants : une attitude générale de repli, une
pensée magique et régressive, de l'aboulie, de l'apathie, de
l'athymhormie (atteinte globale de la vigueur du moi, Dide et Guiraud, 1922) et
une perte d'intérêt. Le délire n'étant pas au
premier plan, le sujet ne l'exprime que difficilement. Cette forme
répond mal aux neuroleptiques et évolue de manière
progressive et insidieuse avec des phases d'exacerbation. Elle est
répertoriée et appelée schizophrénie
désorganisée dans le DSMIV-TR (295.10),
répertoriée et nommée schizophrénie
hébéphrénique dans la CIM-10 (F20.1).
1.6.3 Schizophrénie catatonique
Fréquente au début du siècle
passé, elle n'est actuellement que peu dénombrée et les
cas cités sont historiques. Comme son nom l'indique, un syndrome
dissociatif (moteur) prédomine, avec pour symptômes des troubles
moteurs, des troubles du langage, un maniérisme ou une inertie, ainsi
qu'un syndrome cataleptique. Peuvent survenir des épisodes
d'extrême violence marqués par des épisodes d'agitation
avec agressivité au cours de l'immobilisme catatonique. Il s'agit de
crises majeures du comportement. La schizophrénie catatonique est
répertoriée dans le DSM-IV-TR (295.20) et dans la CIM10
(F20.2).
1.6.4 Schizophrénie « simple »
L'existence de cette forme est discutée, certains
praticiens contestant la réalité clinique de ce type de
schizophrénie. Décrite par Berze en 1929, cette forme se
caractérisait par un affaiblissement intellectuel et affectif, une
diminution des capacités d'attention et de concentration,
d'intérêt et d'autonomie amenant à une
dégénérescence mentale. Actuellement, elle est
décrite de la manière suivante : pas de délire, ou peu
important, dissociation lente et insidieuse, personnalité
schizoïde4, froideur affective, bizarrerie, qui se traduisent
parfois par un vagabondage et une désinsertion professionnelle. La
schizophrénie simple est aussi appelée psychose blanche en raison
du peu de signes symptomatologiques désignés. Elle n'est pas
répertoriée dans le DSM-IV-TR mais dans la CIM-10 (F20.6).
1.6.5 Schizophrénie dysthymique (ou psychose
aiguë schizo-affective)
C'est Kasanin, en 1933, qui propose le terme de psychose
aigüe schizo-affective pour décrire un tableau clinique dans lequel
se mélangent des symptômes schizophréniques tels que le
délire, l'hallucination, la dissociation avec des troubles majeurs de
l'humeur (dépressifs, maniaques ou mixtes) congruent ou non au
délire. La clinique démontre que les troubles schizo-affectifs
durent de trois à quatre mois et sont généralement suivis
de périodes d'accalmie pendant lesquelles ne subsistent qu'une
symptomatologie résiduelle, voire aucun trouble psychique majeur.
Actuellement, en raison des intervalles libres de symptômes
psychiatriques, la clinique moderne inclut les tableaux schizo-affectifs dans
la psychose bipolaire (maniaco-dépressive) ou en constitue une
entité distincte intermédiaire entre les troubles
schizophréniques et les troubles bipolaires maniaco-dépressifs.
Les troubles schizo-affectifs sont répertoriés dans le DSM-IV-TR
(295.70) et dans la CIM-10 (F25.x).
1.6.6 Autres formes
4 Selon Kretschmer, toute personnalité
possède 2 pôles. Le tempérament schizoïde se meut
entre hyperesthésie et anesthésie affective, et le sujet
éprouve les 2 effets de manière simultanée. Il est
à la fois trop sensible et trop froid. (Minkowski, 1997, p.25.)
a) Schizophrénie pseudo-psychopathique (ou
héboïdophrénique)
Kahlbäum, dans une publication de 1889, propose le terme
d'héboïdophrénie pour désigner une forme de
schizophrénie désormais controversée. Elle indique une
affection touchant le sujet jeune qui présente des comportements
d'opposition à son entourage, à sa famille et à la
société. Il développe progressivement des troubles du
cours de la pensée et présente des symptômes
délirants souvent masqués par son asocialité, sa
marginalité et sa violence. L'évolution de cette forme
amène à des troubles du comportement (actes auto et
hétéro agressif, consommation excessive d'alcool et de
stupéfiants) avec un vécu psychopathique agrémentés
d'épisodes dissociatifs. La schizophrénie pseudo-psychopathique
n'est pas répertoriée dans le DSM-IV-TR ni dans la CIM-10 qui
préfèrent privilégier la comorbidité comme trouble
psychotique de la personnalité avec comportement borderline.
b) Schizophrénie pseudo-névrotique
Il s'agit des pseudo-névroses schizophréniques
décrites par Hoch et Polatin à partir de 1949 et nommées
précédemment schizoses par Claude (1939). Elles désignent
la symptomatologie suivante : crises délirantes aiguës, explosives
et fugaces avec désorganisation conceptuelle, dépersonnalisation,
automatisme mental, (crises désignées de schizomanies par Claude)
sur fond de névrose grave marquée par des mécanismes de
fabulation, des thèmes érotiques et mystiques. Cette forme de
schizophrénie n'est pas reconnue de tous les cliniciens et rappelle
certains tableaux de névroses hystériques graves. La
schizophrénie pseudo-névrotique n'est actuellement
répertoriée ni dans le DSM-IV-TR ni dans la CIM-10.
c) Schizophrénie indifférenciée
Cette forme comprend les tableaux cliniques répondant
aux critères A des schizophrénies selon la classification du
DSM-IV5. La schizophrénie indifférenciée est
répertoriée dans le DSM-IV-TR (295.90) et dans la CIM-10 (F20.3)
pour laquelle cette forme correspond aux critères de
schizophrénie mais ne pouvant être classée comme aucune
autre forme clinique précédemment décrite (Haouzir,
Bernoussi, 2005).
d) Schizophrénie résiduelle
5 Cf. 1.2 Signes cliniques, lettre A, p.9.
Cette forme désigne une évolution de
négatifs (aboulie, athymhormie, avolition) comportements ou discours
désorganisés résiduelle est répertoriée dans
le DSM
1.7. Evolution de la maladie
Ainsi qu'énoncé précédemment
l'adolescence. Parfois, une psychose infantile peut
évoluer vers une schizophrénie. La maladie progresse sous forme
de poussées et de rémissions qui deviennent plus ou moins longues
au fil du temps.
schizophrénie demeure la plus persistante et la plus
invalidante.
malades connaissent une rémission complète, un
autre 25% des patients peuvent vivre avec un minimum de soutien,
leur entourage et de groupe de soutien, et parmi
personnes ne répondent pas au traitement et 10% meurent
prématurément (souvent par suicide). (
http://francais.world
Les personnes souffrant de schizophrénie sont
particulièrement vulnérables, la maladie survenant à un
âge pendant lequel elles doivent apprendre à tisser des liens
sociaux, à devenir adulte et, de manière plus philosophique,
en découvrant de quelle manière elles
La qualité de vie et les phases de stabilisation sont
nettement pharmacologie, les traitemen
adéquate. Néanmoins, il ne faut pas négliger
un contexte social favorable vie adapté, des activités
occupationnelles
encadrement de la part de professionnels de la santé
A très long terme, le tableau ci
Entre l'évolution de la maladie
plus grand pourcentage (+1
d'indépendance pour le patient, un
(toujours à 25%) ainsi qu'une baisse de
l'amélioration des symptômes et d'un réseau de soutien
intensif
Voici quelques-uns des facteurs de bon pronostic
déclenchant, une absence de personnalité
antérieure schizoïde, des troubles de l'humeur associés
ainsi que la présence d'une rémission complète à un
moment de l'évolution de la maladie.
Entre l'évolution de la maladie après dix ans et
l'évolution de la maladie après trente ans, on remarque une
diminution des cas d'hospitalisations sans amélioration (-5%) au profit
d'une augmentation de décès, notamment par suicide (+5%).
On relève les complications majeures suivantes : la
dépression, une tentative de suicide, de l'automutilation lors
d'épisodes de grands moments d'angoisse, une désinsertion
familiale et sociale.
On retrouve également des modèles de
vulnérabilité examinant les facteurs de chute, de tendance et de
fréquence avec lesquelles un individu tombera dans la
schizophrénie et la développera par la suite. Il s'agit,
nommés ci-après de manière brève, de facteurs
génétiques (mutation du gène disc1), de facteurs
neurobiologiques (dopaminergiques), de facteurs éducationnels (nom du
Père, entourage), de facteurs situationnels (drames et facteurs
déclenchant la maladie), de facteurs de maintien (stupéfiants,
addictions), et de facteurs de recompensation (médicaments,
sociothérapie, psychothérapie, etc.).
1.8 Médication
Les médicaments prescrits ont une part importante quant
à l'amélioration ou non du mal et à la gestion de la
maladie par le patient. Il convient de tenir compte du fait que chaque
médicament contient des composants qui, s'ils sont susceptibles
d'atténuer ou de faire disparaître certains symptômes
gênants, possèdent également les propriétés
de créer d'autres types de manifestations non désirées. Il
semble important de relever cette donnée lorsque l'on prend en charge
des personnes souffrant d'une « maladie du cerveau ».
Les tableaux ci-dessous répertorient et listent les
principales classes de médicaments, définissent leurs
indications, décrivent leurs actions essentielles ainsi que certains de
leurs effets indésirables. On relève cinq grandes
catégories de médicaments susceptibles de traiter les troubles
d'ordre psychique: les neuroleptiques (antipsychotiques), les anxiolytiques
(tranquillisants mineurs), les antidépresseurs, les stabilisateurs de
l'humeur (thymorégulateurs ou normothymiques) ainsi que les
antiparkinsoniens (et antiépileptiques). (Rossi, 2009 et
Fauchère, 2010).
Liste des médicaments
Catégories
|
Actions en psychiatrie
|
Classes
|
Effets secondaires
|
> Neuroleptiques conventionnels
> Neuroleptiques
atypiques
|
·
·
·
·
·
·
·
·
|
Diminution de l'angoisse
Diminution de l'excitation
Traitement des troubles d'ordre affectif
Traitement de la dépression
Traitement des troubles obsessionnels compulsifs
Traitement des maladies entraînant des altérations
de la capacité de penser, d'éprouver des sensations
et/ou d'agir
Soulagement de l'anxiété causée par
des
hallucinations auditives, des idées délirantes, une
confusion mentale
Diminution des hallucinations, des activités
délirantes, des perturbations de la pensée
|
Phénodiazines (Nozinan, Moditen)
Butyrophénones (Haldol, Dipiperon)
Thioxanthènes (Clopixol, Fluanxol)
Dibenzodiazepines (Leponex)
Thienobenzodiazépines (Zyprexa)
Dibenzothiazépines (Seroquel)
Benzioxazole (Risperdal)
|
·
·
·
·
· · · ·
·
·
·
·
·
|
Sécheresse buccale
Troubles de la vision
Constipation
Troubles gastrointestinaux
Nausées
Sédation Somnolence
Hypotension orthostatique
Effets hormonaux (diminution de la libido ;
aménorrhée ; prise de poids)
Photosensibilité
Dystonie (contractures, spasmes
musculaires)
Akathisie
(incapacité de rester tranquille)
Dyskinésie tardive (mouvements involontaires et
répétitifs)
|
Indications
|
Traitement des troubles psychotiques aigus ou chroniques en
particulier lorsqu'ils sont accompagnés
d'une activité psychomotrice accrue.
|
· · · · ·
·
·
·
|
Diminution de l'anxiété
Diminution de l'agressivité
Diminution de l'irritabilité
Diminution de l'agitation
Traitement de la labilité
émotionnelle
Traitement des troubles du
sommeil
Traitement des épilepsies
Traitement des épisodes
maniaques associés aux troubles bipolaires
|
Benzodiazépines anxiolytiques
(Xanax, Rivotril, Lexotanil, Tranxilium, Temesta, Valium,
etc.)
Benzodiazépines hypno-inductrices
(Dalmadorm,
Noctamid, Dormicum)
Anxiolytiques et sédatifs non benzodiazépines
(Stilnox, Imovane, Buspar Atarax, Equanil)
|
·
·
·
·
·
·
·
|
Somnolence, confusion,
léthargie
Tolérance, dépendance
physique et psychologique
Possibilité d'aggravation des symptômes chez
les personnes déprimées
Troubles auditifs et de la vision
Excitation paradoxale
Assèchement de la bouche ou hypersécrétion
salivaire
Nausées voire vomissements
|
> Anxiolytiques
~ Demi-vie prolongée (plus de 24
heures)
lors d'anxiété généralisée :
prescription en dose unique, préférence pour action
régulière et non
ponctuelle
~ Demi-vie moyenne (de 5h à 24h) lors
de
paroxysme anxieux, d'insomnies à réveil
précoce avec troubles de l'endormissement
~ Demi-vie brève (moins de 5h)
pour lutter
contre les difficultés d'endormissement
|
Indications
|
Traitement des troubles anxieux, des
symptômes de sevrage alcoolique, des troubles convulsifs,
de la crise épileptique et de la sédation
préopératoire.
|
> Antidépresseurs
|
·
·
|
Traitement des
états de tristesse et de mélancolie
Traitement de la dépression
|
Tricycliques et autre produits agissant sur les monoamines
(Anafranil, Surmontil, Tofranil, Trittico, Saroten)
Inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO)
(Nardil, Parnate, Marsilid, Humoryl)
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la
sérotonine (ISRS)
|
·
·
|
Sécheresse
buccale, sédation, nausées
Tricycliques :
vision trouble, constipation, rétention urinaire,
hypotension orthostatique, réduction du seuil convulsif, prise de poids,
tachycardie/ arythmie,
photosensibilité
|
Indications
|
Traitement des troubles dysthymiques, de la dépression
grave accompagnée de mélancolie ou de symptômes
psychotiques, de la
|
dépression associée à des maladies
organiques, de la phase dépressive du trouble bipolaire,
de la dépression
accompagnée d'anxiété et de certains
troubles anxieux.
|
|
|
(Seropram, Zoloft, Prozac, Deroxat, Effexor)
Inhibiteurs des récepteurs de la sérotonine et de
la noradrénaline
(Remeron)
|
·
·
|
IMAO : crise hypertensive
ISRS : insomnie, agitation, maux de tête, perte de poids,
dysfonctions sexuelles
|
|
|
|
Inhibiteur du recaptage de la dopamine
|
|
|
|
|
|
(Zyban)
|
|
|
> Stabilisateurs de
l'humeur
|
·
|
Traitement d'épisodes maniaques
|
Les sels de lithium : carbonate, sulfate, glucomate
|
·
|
Fatigue,
somnolence, confusion
|
Indications
|
·
|
Prévention des rechutes des troubles bipolaires
|
(Lithiofor, neurolithium, teralithe)
Les anticonvulsivants
|
·
|
Nausées et vomissements
|
|
Traitement des psychoses schizo- affectives et des
schizophrénies résistantes.
|
·
|
Abaissement des crises d'épilepsie
|
(Rivotril, Tégrètol, Dépakine)
|
·
·
|
Soif intense, augmentation des urines, oedèmes
Prise de poids
|
> Anti-
Parkinsoniens
|
· Traitement des épilepsies
généralisées secondaires, partielles et mixtes
· Soulage des convulsions, des
|
Anticholinergiques (Akineton, Kemadrin, Artane)
Agonistes dopaminergiques (Parlodel)
|
· Sécheresse
buccale,
constipation, vision double
· Nausées, troubles gastro-intestinaux
|
Indications
|
|
tremblements, de l'hyper salivation, de la
sécheresse
|
|
· Sédation, somnolence
|
|
buccale, des
|
|
· Exacerbation des
|
|
crampes musculaires et de
|
|
psychoses
|
|
toute autre forme
|
|
· Hypotension
|
|
|
de réactions extrapyramidales induites par les
médicaments
|
|
orthostatique
|
CHAPITRE 2
LA PSYCHOPATHOLOGIE PHÉNOMÉNOLOGIQUE DE
LA SCHIZOPHRÉNIE
Afin de bien comprendre le malade, il convient
d'étudier minutieusement ses mécanismes de fonctionnement : son
rapport à lui-même, son rapport au monde et leurs interactions
réciproques. Quoi de mieux que la psychopathologie, selon notre choix,
à la lueur de la phénoménologie, pour s'y atteler ? En
ayant principalement pour soutien les théories de Minkowski, de
Tatossian et de Kimura, tentons d'approcher le vécu
schizophrénique et sa réalité.
2. 1. Définitions
La phénoménologie, au sein de ses recherches
philosophiques, se devait d'approcher la maladie psychique, notamment les
psychoses, et d'évoluer vers la phénoménologie
psychiatrique. La philosophie ne pouvait faire abstraction de ce qui touche la
nature humaine dans ce qu'elle a de plus ontologique, l'étude de
l'être en tant qu'être, et oublier ses différentes
réalités et connexions au reste du monde.
2.1.1. La phénoménologie philosophique
Kant est le premier philosophe à séparer la
chose en soi (noumène) du phénomène,
régi par les notions d'espace, de temps et de causalité (Kant,
1781). Schopenhauer, en précurseur de la pensée
phénoménologique, recherche l'essence même du
phénomène en tant que le monde est ma représentation,
concepts de réalité et de représentation, distinguant
la volonté (essence véritable) de la représentation
(soumise à l'apparence) (Schopenhauer, 1844). En d'autres termes, il
différencie le monde tel qu'il est en soi du monde tel que nous le
connaissons au moyen de nos sens et de notre intelligence (le monde réel
et le monde des apparences) (Gex, 1960). En 1764, la
phénoménologie selon Fichte devient la doctrine de l'apparition,
soit la connaissance du savoir par le savoir : le savoir absolu qui ne
représente pas le savoir de l'objet mais qui fait qu'un savoir est un
savoir. Il faut comprendre que le savoir absolu est
l'apparition et l'extériorisation du principe et du fondement du savoir.
Pour Hegel, en 1807, il s'agit de l'exploration des phénomènes,
c'est-à-dire de ce qui se présente consciemment à nous
afin de comprendre l'esprit métaphysique qui se manifeste dans les
phénomènes.
« La phénoménologie, appelée aussi
science de l'essence ou science eidétique, est
destinée à fournir le moyen de découvrir... des termes
idéaux [de la nature de l'idée] et fixes, juxtaposés,
indépendants du flux de l'expérience, sans se soucier de leur
genèse... ; son principe est de prendre simplement les choses qui
s'offrent originairement à l'intuition telles qu'elles se donnent : or
l'intuition du monde la plus naïve et la plus habituelle nous donne,
mélangés ensemble, un flux d'événements, et des
termes fixes qui tantôt apparaissent, tantôt disparaissent, mais en
restant immuables : le bleu, le rouge, le son, l'acte de juger, etc. ...
»
« ... il ne s'agit ici de rien de semblable à ce
qu'on appelle des idées générales ou abstraites,
formées par combinaison et rapprochement, mais d'essences immuables
à la manière des Idées platoniciennes, qui sont connues
par une intuition particulière, l'intuition des essences (Wesenschau) ;
cette intuition est a priori et indépendante de
l'expérience : mais elle ne peut être dégagée que
par cette analyse phénoménologique, qui tient à peu
près, dans la pensée de Husserl, la place de la dialectique
platonicienne. » (Bréhier, 1928, p.1114)
La phénoménologie de Husserl repose sur
l'intentionnalité et sur la particularité de la conscience qui
est d'avoir toujours conscience de quelque chose. Husserl nous montre comment
les choses telles qu'elles sont en elles-mêmes peuvent être
atteintes par la connaissance et comment et en quel sens ces choses sont. Pour
ce faire, il décrit trois étapes successives : 1.
L'époché qui représente l'acte de retrait et de mise en
suspens permettant une observation désintéressée du monde.
2. La réduction phénoménologique qui permet le passage de
la simple donnée naturelle à son sens comme
phénomène. 3. La constitution qui est la redécouverte du
monde comme horizon de sens, comme unité de sens, mais une unité
que je constitue moi-même en tant que conscience ouverte sur le monde
(article paris-philo, 2010). Actuellement, la phénoménologie
husserlienne ainsi que celle de ses héritiers est
considérée comme la mère de la
phénoménologie contemporaine. « L'être psychique,
l'être en tant que phénomène, n'est pas, par principe, une
unité expérimentée dans une multiplicité de
perceptions distinctes,
quoique appartenant au même sujet. Autrement dit, dans
la sphère psychique, il n'y a pas de différence entre
apparaître et être, ...» (Levinas, 1989, p.52).
2.1.2. La phénoménologie psychiatrique
La psychiatrie phénoménologique actuelle n'est
pas très commune et son influence ne semble pas avoir
profondément marqué le développement de la psychiatrie,
mise à part, peut-être, celle de Minkowski qui a su forcer le
respect de ses pairs. On distingue deux influences : celle en France
d'inspiration sartrienne (Merleau-Ponty/Bergson) dont sont issus notamment
Minkowski et Tatossian, et celle en Allemagne et en Suisse d'inspiration
heideggerienne et husserlienne dont est issu, entre autre, Biswanger. Au Japon,
Bin Kimura développe et adapte à son pays et à sa langue
la phénoménologie psychiatrique d'influence allemande. La
spécificité de la phénoménologie psychiatrique
consiste à ne pas se fixer, par avance, à une théorie
« psycho-phénoménologique » qui n'existerait pas, par
ailleurs. Elle se sert des théories de la philosophie
phénoménologique pour décrire et comprendre l'individu
psychiquement atteint. Pour exemple, elle utilise la réduction
phénoménologique6 qu'elle entend de la manière
suivante : « La réduction phénoménologique est le
résultat d'une attitude sceptique. C'est la distinction, la scission,
dans l'objet même, entre son en soi prétendu, c'est-àdire
la prétendue chose en soi, et son apparaître pur »
(Fineltain, 2005, p.14). Ainsi, la phénoménologie
psychiatrique ne comporte pas de thèse, mais travaille plutôt de
manière à ce que le rapport entre la philosophie et la
psychopathologie se conçoive dans l'implication et non dans
l'application de la théorie. Nous citions auparavant deux types
d'influence phénoménologique. Il convient également de
relever qu'en sont issus deux types de psychiatres
phénoménologues. Le premier type est celui qui fait appel de
manière accessoire à la phénoménologie et qui
n'insiste pas sur les notions techniques de cette spécificité
lors de ses analyses psychiatriques, tels que Minkowski, Straus et von
Gebsattel. Le second type est caractérisé par
l'interprétation et la juxtaposition de théories et de
résultats cliniques, tel Binswanger et sa
Daseinanalyse7 dont la référence est Etre
et Temps de Heidegger. Aussi, la phénoménologie
psychiatrique des années 1920, pure description de l'approche de
cliniciens comme Minkowski a évolué au fil du
6 Cf. p.17, 2ème paragraphe.
7 « La Daseinanalyse est purement une entreprise
scientifique et non thérapeutique », (Tatossian, 2002, p. 33).
temps vers une phénoménologie
génétique, centrée sur la trajectoire de l'individu
plutôt que sur ses traits psychopathologiques (Tatossian, 2002).
2.1.3. La psychopathologie
phénoménologique
La psychopathologie est un mot dérivé des
racines grecques « psukhê » signifiant âme et «
pathos » signifiant maladie. Elle étudie les manifestations
morbides de la vie mentale (Minkowski, 1966). Le terme psychopathologie
désigne l'étude de la psychologie du pathologique (Pedinielli,
1994). Alors que la psychiatrie élabore des tableaux cliniques, nomme,
répertorie, décrit et classifie les maladies psychiques, la
psychopathologie, en se fondant sur des analyses de situations concrètes
avec des patients, permet l'étude et la théorisation
psychologique de la souffrance et de son origine (Hahouzir, Bernoussi, 2005).
La psychopathologie phénoménologique apporte à
l'étude des maladies mentales une meilleure compréhension du
sujet, une tentative d'approche de la conscience du corps, d'autrui et de soi,
particulièrement importante lors du processus de
schizophrénie.
2.2. Trois processus de la schizophrénie sous
l'angle de la psychopathologie phénoménologique
Afin d'étudier au plus près les situations
cliniques qui seront exposées lors du prochain chapitre, il convient de
s'intéresser, de manière méthodologique, à
l'expérience schizophrénique :
1. primo au niveau ce qui modifie la perception humaine de sa
propre réalité et condition d'être
2. secundo quant à ce qui détermine et crée
le délire
3. tertio aux spécificités liées au temps
vécu et à l'espace.
2.2.1. L'être-soi, l'être-au-monde et
l'être-avec-autrui
En 1950, lors du tout premier congrès international de
psychiatrie, Binswanger propose une nouvelle approche de la
compréhension et du suivi des personnes souffrant de maladies mentales.
Il se fonde sur le passé et le vécu de ses patients pour tenter
d'expliquer les troubles de la conscience de leur propre perception
d'individualité et d'identité. Il s'agit de l'être-soi, de
l'être-au-monde et de l'être-avec-autrui qui déterminent :
la qualité et la compréhension de sa propre perception d'Etre, la
qualité et la compréhension de sa participation au monde et la
qualité et la compréhension de ses relations à autrui.
Pour rappel, lors du processus de schizophrénie, la relation à
soi et la relation au monde sont altérées. L'ambivalence dont
fait preuve la personne schizophrène l'amène à une
confusion de l'identité. Ressentir deux émotions contradictoires
de manière simultanée, émettre une opinion et son
contraire à la fois, sont sources de violentes souffrances psychiques.
La personnalité, afin de se protéger, opère alors un repli
sur soi (syndrome autistique) pour tenter de maintenir son unité
égologique. La coupure avec le monde extérieur amène
à se concentrer davantage sur l'expérience intérieure,
laquelle prend par la suite toute la place et se confond avec le monde
réel. La personne schizophrène, vivant dans l'introspection,
s'éloigne de l'extérieur, devenu incompréhensible, et se
sépare affectivement de son entourage, lequel se voit contraint de faire
face à des changements d'attitude.
Lors de l'expérience schizophrénique, la
perception du monde extérieur se modifie et les choses ne revêtent
plus la même valeur qu'auparavant. On remarque alors une labilité
émotionnelle, une ambivalence affective qui tend à
dérouter l'entourage. Une froideur affective rend tout contact encore
plus complexe, et une discordance entre les mots et les mimiques, par exemple,
impressionne et inquiète les autres (l'annonce du décès
d'un proche en affichant un sourire radieux). Ce processus aboutit à des
dissociations des sphères émotionnelle, cognitive et
comportementale. Ces modifications sont généralement
accompagnées d'hallucinations visuelles ou auditives. Les sens sont
exacerbés, et l'agitation motrice et cognitive qui peut en
résulter est impressionnante. Le désordre est tel que l'on ne
peut y retrouver la moindre trace d'une structure.
En art thérapie, on relève que les patients en
état de crise exécutent des griffonnages
désordonnés et non figuratifs et divers symboles en guise
d'écriture ou simplement d'expression (Prinzhorn, 1922).
Il convient aussi de parler des notions de Soi et de
subjectivité. Selon Tatossian, la subjectivité est ce qui permet
le Sujet. Elle intègre les notions de temps, d'espace, du corps et de
l'autre. Elle constitue le temps comme présent vivant, l'espace comme
lieu commun, le corps comme chair et l'autre en tant qu'altérité
mais la subjectivité n'est jamais donnée par avance et se
construit en permanence pour permettre la constitution du Soi et du Sujet. Le
Sujet, quant à lui, intègre les domaines du Moi, de la
conscience, de l'intériorité psychique dans lesquels la
subjectivité s'exprime et s'aliène. Un des paramètres de
la condition humaine consiste à être Soi tout en restant une
subjectivité. La problématique de la personne schizophrène
consiste à être une subjectivité sans Soi car les
disproportions anthropologiques de la temporalité, la spatialité,
la corporéité de la mondanéité et
l'altérité de la subjectivité ne permettent plus la
construction du Soi (Pringuey, 2009).
A la base de l'oeuvre de Jaspers, on trouve la dichotomie
sujet/objet, Psyché/Soma, Moi/Monde. Il est question d'un homme
intérieur placé dans un monde objectif, indépendant de lui
et dont il ignore tout. La dichotomie ainsi décrite par Jaspers fait
appel à la notion d'un psychisme clos sur lui-même et
isolé. Dans cette conception, le Monde se construit en fonction de la
propre perception et des représentations que le sujet se fait de
l'extérieur.
De manière différente, l'être-au-monde
(Dasein) selon Heidegger consiste en la relation que la personne entretient
avec le Monde comme notion non pas de Monde réel (Descartes) mais comme
rencontre avec l'Etre (Sein) en général, et donc l'être en
soimême de l'être-au-monde. Il ne s'agit pas de
révéler la concordance ou non avec la réalité
extérieure, mais de nommer la manière dont l'homme peut
rencontrer ce qu'il rencontre. La vérité et la
réalité d'un monde se confondent : c'est l'incorrigibilité
délirante (Blankenburg cité par Tatossian, 2002, p.178).
Ainsi, le Monde ne se définit pas par le « quoi » mais par le
« comment » de la rencontre.
exemple la pudeur, se transforme en honte sous le regard des
autres, et Autrui devient alors juge ou persécuteur.
Le sujet, en régression narcissique profonde, va mettre
en place des mécanismes de défense. Pour éprouver la
non-familiarité du Monde, il convient que la notion du familier soit
encore un peu préservée. « Quand l'aliénation
augmente, un passage de l'étrangeté à l'hostilité
se produit ; à la place de la dépersonnalisation, s'installe le
délire » (Minkowski, 1966).
2.2.2. La perte du contact vital avec la
réalité ou le délire
Minkowski est le premier à décrire la perte ou
plus exactement la rupture du contact vital avec la réalité,
position qui prive le sujet d'une dynamique adéquate avec le monde et la
réalité et qui le prive du sens du monde.
Tatossian, en reprenant cette approche Minkowskienne,
perçoit 2 pôles distincts lors de l'aliénation
schizophrénique. En ce qui concerne le premier pôle, il s'agit de
la compréhension qui « coupe les ponts » avec le sentiment de
la situation et ainsi privée de ce sentiment, qui est son support
naturel, elle devient compréhension sans sentiment de la situation,
source du rationnalisme morbide. C'est ce qu'il nomme absence de
l'évidence naturelle ainsi que du sens commun, et qui aboutit à
des actes sans sens, en court circuit, inadaptés à la situation.
Quant au second pôle, la compréhension est totalement
absorbée dans le sentiment altéré de la situation, qui
correspond d'un point de vue clinique à l'indifférence
schizophrénique, aliénation non réflexive. Le Soi ne
disposerait plus d'un espace de compréhension avec le monde, et ne
pourrait y installer ne serait-ce qu'un essai d'ordre. L'harmonie entre le
milieu dans lequel il vit (l'ambiance), et dont découlent les
événements et le Moi, est rompue, les vibrations entre eux ne
sont plus à l'unisson et il s'instaure un décalage entre la
marche du monde et sa propre vie. C'est entre ces deux pôles que se
placent les formes délirantes de schizophrénie, entre
déréliction et projet ou entre sentiment de la situation et
compréhension de la situation.
de percevoir ce vécu non-naturel avant même la
constatation de symptômes cliniques, et de poser un diagnostic par
intuition. (Kimura, 2000).
« Un schizophrène peut m'être
sympathique comme personne, mais néanmoins du fond du coeur, je prends
mes distances et ressens toujours l'existence d'une barrière
empêchant un accord intérieur avec lui » (Binswanger
cité par Kimura, 2000, p.139).
Binswanger nomme cette situation de vécu non-naturel
dissolution de la cohérence naturelle du vécu, que
Blankenburg reconnaît comme perte de l'évidence
naturelle.
Lors du processus créatif, il y a transformation du
rapport du Soi au Monde, le Soi habituel étant mis hors-jeu par un appel
à un autre Soi, à un autre projet, à une autre
organisation transcendantale. Or, chez la personne schizophrène, la
transformation du Soi est irréversible et totalement passive. «
Chez le poète, la transformation n'est pas donnée comme un
événement purement subi mais comme une tâche : elle est
aufgegeben, donnée à réaliser et non vorgegeben,
donnée-par-avance. » (Tatossian, 2000, p.171). Le poète
garde les capacités d'élaborer et d'assimiler son vécu et
de le restituer, de le communiquer. Cette spontanéité et cette
dynamique est présente chez l'homme sain, alors que les liens entre la
spontanéité et la réceptivité, l'activité et
la passivité sont rompus chez la personne schizophrène. De
même si l'on sait prendre la part du possible dans le réel, la
personne délirante affranchit cette capacité jusqu'au point
où, pour des raisons qui lui sont intrinsèques, elle
recrée une réalité de ce qui devient pour elle une
nécessaire possibilité.
L'être schizophrène se trouve parasité et
paralysé par le délire, aussi bien dans ses choix et orientations
que dans son mode et projet de vie. Ainsi, ses rapports à l'espace et au
temps en sont abîmés et rendus difficilement accessibles.
2.2.3. Les notions de temps et d'espace modifiés
Janet étudie le temps, non pas celui de la physique,
mesurable et quantifiable, mais faisant référence à ce que
l'on ressent au plus profond de soi et qui caractérise le sentiment que,
du point de vue du langage usuel, « le temps passe vite » ou que
« l'ennui s'installe ». Selon Janet, les conduites temporelles sont
postérieures aux conduites spatiales, l'être vivant ayant appris
tout d'abord à exécuter des mouvements
afin de se mouvoir dans l'espace et en vue d'apprivoiser la
distance. Cet acte primitif ne connaissait aucune hiérarchie temporelle,
il s'agissait d'un acte purement spatial, sans organisation concevant un
commencement, une fin, une durée. Selon Minkowski, (1966), ce type
d'organisation interne se retrouve lors de certaines pathologies telles que
manifestations épileptiques ou raptus (coups de folie)
mélancoliques.
Différents principes sociaux obligent ensuite les
êtres vivants à organiser progressivement leurs conduites dans le
temps. L'espace étant la forme la plus simple à laquelle nous
sommes obligés de nous adapter, par extrapolation, elle se
réfère à des notions plus complexes tel le fait de
vieillir et de mourir, et qui ne peuvent être modifiées par un
simple déplacement. Ces notions exigent des conduites différentes
: les conduites temporelles viendront se superposer aux conduites spatiales et
serviront de régulateurs d'actions.
Dès lors, les conduites temporelles peuvent être
ordonnées de la manière suivante : 1. La durée. 2. La
mémoire élémentaire (devenir soi). 3. L'organisation du
temps.
La durée naît de la persévération
dans le temps d'un acte, par exemple un animal qui fait une découverte.
A l'acte explosif et éphémère de la découverte, il
ajoute l'effort de continuation et exécute ainsi le pas initial à
vaincre les difficultés que le temps véhicule.
L'homme prend conscience de ces conduites temporelles et les
intellectualise, laissant apparaître la notion de durée. Avec elle
naît la compréhension des notions de changements et de
stabilité, introduisant dans l'éternel changement l'idée
de stabilité. Cette idée contribue à former les concepts
d'objet et de sujet, d'intérieur et d'extérieur, et permet la
valorisation de la personne par l'intermédiaire de la reconnaissance
d'un caractère qui lui est propre : la permanence d'un caractère
qui force à chercher une conduite appropriée à chaque
personne particulière. Alors, on peut être amené à
comprendre que l'amoindrissement de l'effort produit par une personne puisse
être lié à son rapport au temps. Là est peut
être l'origine du sentiment de vide dont souffrent les personnes
schizophrènes pour lesquelles le temps n'existe plus. Elles
n'éprouvent aucune sensation d'ennui, le temps n'existant pas. Il leur
devient alors impossible d'harmoniser leur temps interne et externe, et de
faire preuve de persévérance dans la vie quotidienne.
L'altération du temps vécu selon Tatossian
relève, en ce qui concerne les personnes schizophrènes, non pas
du temps éprouvé mais du rythme même du déroulement
vital, l'échéance-du-vivre. La stagnation du temps vécu,
la sensation de vide et l'inhibition forment le « syndrome du temps
figé », qui n'est pas la spécificité de la
schizophrénie mais qui peut apparaître au sein de la
schizophrénie et que l'on retrouve lors de mélancolie, de
délire chronique et de névrose obsessionnelle.
Le Japonais Bin Kimura s'attache également plus au
temps vécu noétique qu'à la conscience du temps
noématique. Le temps conscient n'est jamais que passé ou futur.
Selon Kimura, dès que nous prenons conscience du temps, il
apparaît sous forme spatialisée comme linéaire, allant du
plus lointain passé au futur le plus éloigné, en passant
par le passé et le futur proches. Ce temps spatialisé est un
temps noématique, révélant des images intérieures,
à l'inverse de l'émergence du temps dans le présent qui
est d'ordre noétique. Cette émergence n'est pas nourrie d'images,
elle n'est pas vécue en tant que telle, et pourtant on ne peut concevoir
une idée du temps sans en tenir compte (Kimura, 2000).
« L'homologie entre le noématique de la musique
avec le temps noétique nous permet de comprendre que la musique est un
« art du temps » (Kimura, 2000, p.36).
CHAPITRE 3 TROIS SITUATIONS CLINIQUES EN
MUSICOTHÉRAPIE
Dans ce chapitre, trois situations en musicothérapie
vont être amenées. Elles sont issues d'un travail effectué
auprès de personnes schizophrènes vivant dans un centre de
réhabilitation psychosocial nommé La Miolaine. Un
encadrement infirmier et éducationnel est présent de
manière quotidienne, et forme le soutien indispensable à des
personnes en perte d'autonomie et de reconnaissance. Au point de vue
occupationnel, si certaines d'entre elles bénéficient d'ateliers
semi-productifs, chacune est tenue de choisir d'autres activités lui
permettant de rythmer ses journées, de développer ses
habilités et de maintenir ou de recréer des liens sociaux. Les
personnes nommées ciaprès, à la recherche de
repères et d'un mieux-être, ont toutes trois choisi de participer
à des séances individuelles ou collectives de
musicothérapie.
3.1. Monsieur K.
Monsieur K. est né en 1950. Le diagnostic principal
posé à son sujet est celui de schizophrénie
résiduelle (F20.5) ; autre diagnostic supposé : épilepsie
type grand mal. On relève trois symptômes prioritaires et
récurrents chez monsieur K. : une baisse de la thymie, des idées
suicidaires ainsi que de forts sentiments de persécution. On note
également qu'un cadre serré et ritualisé est
nécessaire à son bien-être et qu'il se montre
dépendant d'un lien très personnalisé avec ses
soignants.
Il est normalement décrit comme étant un patient
calme, collaborant, capable de tenir une hygiène corporelle correcte et
de revêtir une tenue adéquate. Monsieur K. a intégré
l'institution en décembre 2006. Le rapport effectué lors de son
entrée dans l'institution stipule que monsieur K. est triste mais sans
idées noires ni suicidaires et que son discours est pauvre et peu
informatif, mais cohérent.
Au fil du temps, il se plaint, de manière
épisodique, d'entendre des voix et le personnel de l'institution
remarque de grandes difficultés motrices à la marche, des pertes
d'équilibre, des pertes des notions spatio-temporelles ainsi qu'une
détérioration de ses capacités mnésiques. Afin de
pallier à ses difficultés motrices, il dispose d'un
déambulateur dont il ne fait guère usage. Il
préfère se déplacer très lentement, et parfois de
manière incertaine, dans les couloirs. Il trouve que les journées
sont longues, et montre peu d'investissement dans les ateliers
thérapeutiques, malgré un intérêt certain pour
l'activité bois et la musicothérapie. Il peine à rester
concentré au-delà d'un quart d'heure, se montre parasité
par des hallucinations auditives et tend à se sentir
persécuté lorsque d'autres personnes assistent et participent aux
séances d'ateliers. Les horaires sont également difficilement
respectés, monsieur K. oubliant le jour ou l'heure de ses
activités.
Traitement
Afin de maintenir un état stationnaire, il
bénéficie du traitement suivant : 1. Un neuroleptique atypique de
type dibenzothiazépine. 2. Deux stabilisateurs de l'humeur de type
anticonvulsivant. 3. Un Antiparkinsonien de type anticholinergique. 4. Un
neuroleptique conventionnel de type butyrophénone. 5. Un anxiolytique de
type benzodiazépine anxiolytique. 6. Un antihypertenseur. 7. Un
anti-acidité, inhibiteur de la pompe à protons.
Déroulement des séances
Au mois d'août 2009, Monsieur K. se présente
spontanément dans la salle de musicothérapie, un beau matin,
intrigué par le bruit qu'il en perçoit. Il s'intéresse
immédiatement au matériel de sonorisation que l'institution vient
d'acquérir et qui se trouve être momentanément
entreposé dans la salle. Il raconte son attrait pour la mécanique
et l'électronique, tout en faisant un lien avec le piano et sa
manufacture. La musicothérapeute lui propose de prendre rendez-vous afin
de pouvoir goûter au plaisir de découvrir les différentes
fonctions et les différents sons que l'on trouve sur un clavier
électronique. Il accepte volontiers et revient la semaine suivante au
jour et à l'heure proposés, encouragé par un
éducateur. Monsieur K. pianote sur toutes les touches, appuie sur chaque
bouton et s'amuse des différents sons qu'il crée. Il commente les
divers types d'instruments que le clavier reproduit et parle de sa vie,
notamment du décès de ses parents et de la peine qu'il en ressent
encore aujourd'hui. Il dit se sentir triste, fait la moue et rit
simultanément. La musicothérapeute lui propose alors
d'écouter
un peu de musique, et monsieur K. choisit, sans trop
d'hésitation, d'entendre une chanson de Michel Sardou (La maladie
d'amour). Il chante d'une jolie voix grave, un peu fluette et tremblante, avec
une intonation très exacte. Trente minutes se sont
écoulées, patient et musicothérapeute décident
conjointement de mettre fin à la séance. Monsieur K. dit
être content et vouloir revenir la semaine suivante. Il repart en
chantonnant.
Cette première séance donne le ton des
séances suivantes, qui se dérouleront de manière assez
semblable, ritualisée, posant un cadre rassurant. Au vu du sentiment de
persécution dont le résidant peut souffrir, la
musicothérapeute décide de maintenir des séances
individuelles. Celles-ci seront de type actif en utilisant notamment le
clavier, le piano, la voix chantée et de type réceptif en lui
permettant de choisir et d'écouter des chansons, de s'exprimer à
leur sujet et d'évoquer les images mentales et affectives qu'elles lui
inspirent. Des activités musicales différentes se
succédant lui permettent de maintenir un intérêt et de
l'attention tout au long de la séance ; aussi le temps qui lui est
imparti - trente minutes - semble bien indiqué.
Du mois d'août au mois de novembre 2009, un objectif est
posé, celui de permettre au patient de découvrir l'atelier de
musicothérapie et ses divers modes d'expression. Les moyens mis en place
sont les instruments proposés, l'écoute musicale et le chant. Les
critères d'évaluation consistent en une fréquentation
régulière de l'atelier par monsieur K. La synthèse de
cette période révèle que le patient fait preuve de
beaucoup d'intérêt ainsi que de certaines capacités
d'attention et de concentration. Cependant, une attitude fluctuante, une
ambivalence et des idées contradictoires sont parfois
déroutantes. Sans accompagnement et attention constante de la part de la
musicothérapeute, il explore succinctement le clavier et l'éteint
de manière brusque et inattendue. En revanche, il est très
respectueux du matériel utilisé, et dit se sentir en
sécurité. La musicothérapeute note peu d'expression de
sentiment de persécution, hormis lorsque quelqu'un fait irruption dans
la salle. Monsieur K. demande alors pourquoi on lui veut du mal, et se
rétracte après quelques minutes en s'interrogeant sur sa maladie
qui le fait souffrir et lui donne de mauvaises impressions.
Dans ces moments d'agitation, il répète souvent qu'il n'est pas
homosexuel, et il tente de quitter la séance en cours, en
prétextant qu'il doit y aller et en utilisant les mots suivants
: « Bon, ben j'y vais, mademoiselle Maude ». Néanmoins, il
semble toujours content de venir découvrir ou redécouvrir
l'atelier, et passe plusieurs fois par jour pour demander s'il est
autorisé à venir jouer cinq minutes
ou à écouter un peu de musique. Lorsque la
musicothérapeute ne peut l'accueillir, il repart lentement, à son
rythme, sans frustration ni vexation. Si elle le reçoit, il s'assied et
chante des airs qu'il apprécie et qu'il connaît relativement bien.
Les paroles lui font quelquefois défaut, mais à l'écoute
de la musique, lui reviennent souvent. Il semble alors se concentrer sur sa
prestation, demande de temps à autre le texte qu'il lit plus ou moins
bien, un microphone afin que sa voix porte bien, et oublie le monde
environnant. L'instant d'un chant, les voix et les sentiments de
persécution s'estompent. Il arrive que monsieur K. verbalise
spontanément à la suite d'une chanson, soit en reprenant le
thème du chant soit en parlant d'événements ou de
sentiments plus intimes. Il survient fréquemment qu'il pleure, et que
les extraits musicaux, notamment la musique d'orgue d'église, lui
rappellent sa maman auprès de qui il pense ne pas s'être toujours
montré très aimable et au sujet de laquelle il exprime un fort
sentiment de culpabilité. En conclusion de cette synthèse, la
musicothérapeute relève les forces et ressources du
résidant, en citant tout d'abord son plaisir à participer,
ensuite son intérêt pour la musique et finalement ses
capacités à exprimer ses sentiments. Les difficultés
remarquées sont un manque de repères spatiaux et temporels, une
forte ambivalence et des sentiments de persécution
générant beaucoup d'angoisse, avec des thèmes
récurrents tels que l'homosexualité ou la perte d'êtres
proches.
Du mois de novembre 2009 au mois d'août 2010, plusieurs
objectifs sont amenés : il s'agit tout d'abord de tenter d'instaurer
certains repères temporels en respectant le jour et l'heure des
séances. Il s'agit ensuite de permettre à monsieur K. d'explorer
d'autres types d'instruments, par exemple la batterie, l'accordéon ou un
xylophone, et de maintenir certaines fonctions cognitives telle la
mémoire par l'intermédiaire du chant et de solliciter un peu de
vivacité d'esprit lors de la lecture de textes. La synthèse de
cette période indique que monsieur K. se rend à l'atelier de
manière épisodique, pour des raisons d'oubli, de fortes pertes
d'équilibre liées à une grande fatigabilité, de
problème mineur de santé ou encore pour des raisons de
dissociation type ambitendance (il ouvre la porte pour rentrer, puis referme la
porte, renonçant... geste qu'il peut effectuer plusieurs fois en un
quart d'heure). Néanmoins, lorsqu'il le peut, il participe de
manière active et demande à chanter ou à jouer du clavier,
instrument pour lequel il voue une grande passion. Il découvre
l'accordéon, inspiré par le son trouvé au clavier
électronique, qu'il agite avec force et détermination, engendrant
un son de volume sonore très élevé. En
général, il tire et pousse une dizaine de fois le soufflet en
essayant
de déplacer les doigts de ses deux mains sur les
boutons, puis écoute l'accompagnement effectué par la
musicothérapeute qui tente de soutenir ses efforts et
d'agrémenter son exploration sonore dans le même état
d'esprit que lui. Il repose l'instrument au sol et sollicite une autre
activité. Il découvre également la batterie, sur laquelle
il tape avec beaucoup d'énergie pendant un très court laps de
temps. Il joue de la grosse caisse avec son pied et essaye chaque tambour et sa
sonorité particulière, sans oublier les cymbales. Il exprime
alors son manque d'enthousiasme pour cet instrument qui le fatigue
rapidement.
En revanche, son attrait pour le chant va grandissant, et
après avoir entendu certains résidants chanter en karaoké,
réclame à en faire de même. Il apprécie d'entendre
sa voix portée dans les airs par le microphone et son système
électronique. Monsieur K. se met alors en scène, laissant
apparaître un peu de théâtralisme sur un fond de
narcissisme. Selon la chanson dont le texte défile sur l'écran,
il lit rapidement et suit relativement aisément la musique
diffusée. Aussi se montre-t-il apte à effectuer plusieurs actions
cognitives simultanément. Le sourire affiché par la suite
témoigne du plaisir éprouvé à être sur le
devant de la scène quelques instants. Lorsqu'il parle des sentiments
qu'il éprouve en chantant, sa compréhension et son analyse du
texte et de son sens sont pertinents. Par exemple, le lien exprimé par
le patient entre la chanson Je vous ai bien eu de Michel Sardou et le
suicide est assez éloquent. Monsieur K. explique que malgré des
tentations passées, « ça n'est pas quelque chose à
faire ». Il rit et pleure simultanément, signe d'ambivalence des
sentiments. Cependant, il annonce souvent qu'il apprécie ses
séances de musique, et la musicothérapeute en
déduit qu'elles lui permettent de faire passer le temps un peu plus
vite, de se sentir vivre intérieurement, qu'elles l'amènent
à éprouver d'autres sentiments que la tristesse et suscitent
beaucoup de souvenir, parfois de la culpabilité et de la
mélancolie, du plaisir et pas mal d'humour, qu'il peut exprimer de
manière non verbale et avec des mots.
Lorsqu'il regagne son unité de vie en chantant, le
personnel accompagnant apprécie sa bonne humeur. Si le premier objectif
qui consiste à permettre au patient d'obtenir un repère temporel
n'est pas atteint (aux vues de ses fréquentes absences), les autres
objectifs, à savoir la découverte d'instruments et le maintien de
compétences cognitives, sont en bonne voie.
3.2. Monsieur F.
Monsieur F. est né en 1964. Il est l'aîné
d'une fratrie de trois enfants tyrannisée par un père alcoolique.
A cinq ans, il est vu par un service médical psychiatrique qui note des
difficultés scolaires chez un enfant timide et sensible qui a du mal
à supporter l'échec. A l'adolescence, il abandonne ses
études et le bradypsychisme remarqué à l'époque lui
vaut des examens chez un neurologue qui ne relève rien de probant. Il
entreprend ensuite un apprentissage d'électricien qui s'avère
être un échec et devient aide-maçon durant six mois, avant
que le bradypsychisme ne réapparaisse et ne l'oblige à cesser
toutes activités. Les échecs à répétition
essuyés par monsieur F. font l'objet de la colère de son
père, la mère ayant le rôle de tampon.
En 1982, il devient de plus en plus mutique, figé et
souffre d'anorexie. Le médecin soupçonne une
hébéphrénie et le fait hospitaliser en septembre alors que
son état péjore. Il fait une tentative de défenestration,
évitée de justesse, et part en centre de jour où il
effectue une formation de menuisier.
En 1985, il est à nouveau admis à
l'hôpital psychiatrique pour un état dépressif et une
décompensation psychotique qui l'obligent à suspendre sa
formation pendant trois mois. Il reprend ensuite son apprentissage,
présentant néanmoins des troubles du comportement et de la
conduite, avec une tendance à se refermer sur lui et à se
saboter. Par périodes, il se sent persécuté,
dispersé et déprimé. Cependant, il suit de façon
correcte ses cours et après un stage pratique pendant lequel on constate
un manque d'initiative et d'adaptation ainsi que des blocages, il reçoit
son diplôme de menuisier. On lui trouve un poste qu'il doit quitter en
raison de ses nombreuses difficultés. Il doit alors
réintégrer sa famille, situation qui le déstabilise
psychiquement.
En 1987, nouvelle hospitalisation pour décompensation,
à la suite de laquelle il est réorienté vers un centre de
jour où il suit un programme de réadaptation. Le diagnostic
posé à cette période est celui de troubles
schizophréniques chroniques de type désorganisé, avec
exacerbation aiguë qui deviendra, au fil du temps, une
schizophrénie avec séquelles. Actuellement, monsieur F. est en
phase résiduelle (F20.5).
Traitement
Son traitement comprend les médicaments suivants : 1.
Un neuroleptique atypique de type dibenzodiazépine. 2. Un anxiolytique
de type benzodiazépine anxiolytique. 3. Un stabilisateur de l'humeur de
type anticonvulsivant. 4. Un anti-acidité, inhibiteur de la pompe
à protons. 5. Un traitement anti-cholinergique pour traiter une hyper
salivation.
Déroulement des séances
Monsieur F. participe à des séances de
musicothérapie de type actif et réceptif depuis 2005. Etant
donné sa grande timidité et son manque de sens relationnel, la
musicothérapeute le reçoit en individuel durant les six premiers
mois de séances. Pendant ce temps, patient et musicothérapeute
apprennent à faire connaissance et par l'intermédiaire du piano,
ils créent des dialogues musicaux qui deviennent verbaux par la suite.
Ainsi cette séance pendant laquelle, à la suite d'une
improvisation pianistique, monsieur F. annonce que son grand-père
était violoniste, et beaucoup plus gentil que son père qui lui
faisait peur. Enfant, il était effrayé à l'idée de
ne pas réussir à l'école et de devoir en subir les
conséquences dans le cadre familial. Mis en confiance, il se
détend, parle de manière très discrète et polie de
sa vie, et exprime ses émotions passées et présentes. La
musicothérapeute, en accord avec l'éducateur
référant, prend alors la décision de lui proposer
d'intégrer un groupe de musicothérapie active.
Durant cette période de transition d'environ une
année, il poursuit ses séances individuelles et s'initie aux
séances collectives d'improvisation. Le rapport de confiance qui
s'était établi entre monsieur F. et la musicothérapeute
s'étiole de manière momentanée, et le patient tend
à se replier sur lui, perdant ses repères. En séance
collective, il s'isole en jouant une mélodie au clavier et ne tient pas
compte des temps d'arrêt musicaux des autres participants. De la
même manière, il ne prend pas part aux discussions
suscitées par les interactions au sein du groupe. Cependant, la
musicothérapeute note que son excellent sens de la musique et son
oreille particulièrement développée lui permettent de
créer un lien avec la production sonore groupale en reproduisant une
phrase mélodique entendue. Ainsi, il communique parfois et dialogue de
manière non verbale avec les autres participants. Les séances
individuelles d'improvisation au piano permettent à monsieur F.
d'acquérir davantage
de confiance en soi en imitant et en développant une
technique personnelle d'approche du clavier. Monsieur F. s'étant
coupé une partie de la première phalange du majeur de la main
droite, il affine sa dextérité en cherchant des mélodies
ou des intervalles à deux sons, utilisant tous les doigts de ses deux
mains de manière simultanée ou dissociée. Associant
technique et assurance, et avec beaucoup d'encouragement, il peut faire preuve
d'une grande créativité. Il s'initie également au
xylophone sur lequel il cherche, avec une mailloche, à reproduire des
mélodies entendues. A l'aide de deux baguettes, il survient qu'il
crée également sa propre ligne mélodique. Les sons
semblent alors peu organisés, les mailloches « volant » sur
les lames du xylophone.
En 2007, de nombreux changements ponctuent la vie «
musicale » et « sociale » de monsieur F. dans le cadre de
l'atelier. Les séances individuelles sont supprimées au
bénéfice du groupe. L'objectif consiste à lui permettre de
prendre davantage d'assurance et d'accepter de devenir pour quelques instants
le chef d'orchestre de l'ensemble. On relève de cette période
musicothérapeutique qu'il privilégie toujours le clavier et que
grâce à ses capacités d'écoute et de
mémorisation, il rejoint musicalement le groupe, bien que ses
difficultés de motricité fine l'empêchent parfois
d'atteindre le tempo musical de l'ensemble instrumental. Il ne s'impose pas
encore aux autres, et se montre discret derrière son clavier qui le
protège de tout contact. Néanmoins, il participe activement au
groupe en se fondant dans la production sonore de l'ensemble. Le patient ne
recherche plus de petites mélodies connues, mais s'adapte à ses
pairs et tient compte des autres. Il reste dans la « réalité
musicale » éphémère du groupe. Par contre, il
interprète parfois les intentions des personnes qui l'entourent et
s'impose des limites en fonction de ce qu'il croit avoir compris, perçu
ou entendu de l'autre. Cependant, cet état de fait se produit rarement,
et monsieur F. sait expliquer ce qu'il a ressenti lors de
l'événement, par exemple s'il a éprouvé de la
colère ou de la peine. Concernant l'animation du groupe, monsieur F.
accepte de diriger le groupe. Il ne se montre pas trop directif, et permet
à chacun de s'exprimer librement. En pointant du doigt une personne, il
l'invite à se produire musicalement, incitant parfois plusieurs
personnes à jouer ensemble, tel un chef d'orchestre dont la partition
naît de manière naturelle au bout de ses doigts. Il anime, donne
vie à chacun, avec un réel plaisir et davantage de
facilité que l'on ne peut s'y attendre. Les participants, outre les
improvisations libres et les divers jeux musicaux proposés, choisissent
d'apprendre à jouer des standards de la musique rock, tels que smoke
on the water du groupe Deep
Purple ou Highway to Hell du groupe AC/DC.
Après beaucoup de travail et de répétitions, la
mélodie principale devient reconnaissable et il s'agit ensuite pour
l'ensemble de se produire lors de certains événements importants
ponctuant la vie de l'institution, par exemple la kermesse ou le noël des
résidants. Les proches viennent partager un peu de bon temps avec les
patients et assister à leur production musicale. L'ensemble est
composé de résidants s'essayant à la batterie, à la
guitare, aux percussions et de monsieur F. au clavier. Lors des
premières représentations, inquiet du regard que les autres
peuvent porter sur lui, et conscient de la qualité sonore de l'ensemble,
monsieur F. prend un anxiolytique supplémentaire, confronté
à un facteur stressant qu'il ne peut gérer. Inquiète, la
musicothérapeute lui rappelle qu'il n'est pas obligé de
participer, mais monsieur F. y tient et l'ensemble présente publiquement
sa musique. Il dit en fin de journée être heureux que sa famille
ait pu reconnaître ses qualités de musicien et se sentir
soulagé et content d'avoir eu le cran de jouer devant eux. La
musicothérapeute remarque alors une amélioration quant à
ses capacités d'ouverture à l'autre.
De 2008 à 2009, elle relève que monsieur F., mis
en confiance par le clavier qu'il apprécie et qu'il connaît bien
désormais, laisse libre cours à son imagination et à ses
capacités d'écoute et se montre plus apte à suivre
rythmiquement la pulsation musicale de l'ensemble. Il continue de progresser
quant à l'expression de soi et à la gestion de ses
émotions, il sait prendre la parole au sein du groupe et
détailler son ressenti à la suite d'improvisation musicale
collective. De même, il peut prendre spontanément la parole et se
laisser aller à plaisanter amicalement avec ses pairs.
En milieu d'année 2009, monsieur F. subit deux crises
d'épilepsie suivies d'une embolie cérébrale. Malgré
des résultats neurologiques neutres, il s'avère que le patient
est davantage sensible aux remarques qui lui sont faites et interprète
de manière négative les actes et les pensées des autres.
Par mesure préventive et souhaitant se défendre, il se met en
colère et devient verbalement très agressif. Au sein du groupe,
un repli sur soi est déploré. Le stress, normalement sain, qui le
gagne lors de prestations publiques survient à nouveau de manière
négative. Il devient impatient et belliqueux, rebelle et impoli. A la
suite de ce type d'événement, il aime à exprimer ses
difficultés, ses craintes et angoisses qui le maintiennent dans un
état de mal-être général. Affronter les autres et
leur regard intrusif devient une épreuve ardue à surmonter, et il
éprouve le sentiment légitime de devoir se battre pour survivre.
Son comportement se modifie, il
redevient centré sur lui, s'isole, est
interprétatif et souffre de sentiments de persécution. D'un point
de vue instrumental, il s'énerve musicalement, tente de jouer plus fort
que les autres, arguant ne plus s'entendre. Il est fort probable que sa propre
production sonore soit partiellement masquée par des voix et qu'en
augmentant le volume sonore du clavier électronique, il tente de les
couvrir. Néanmoins, dans le cadre de la chorale fraîchement
créée par l'atelier de musicothérapie, il souhaite
participer à des animations musicales au sein de foyers pour personnes
âgées. De tendance solitaire et plutôt replié sur
soi, mais de contact agréable, faisant preuve d'un comportement
adéquat, il apparaît presque à son aise et son taux
d'anxiété ne nécessite par de prise supplémentaire
d'anxiolytique avant, pendant ou après l'activité
susmentionnée. L'attitude de monsieur F. s'améliore au fil des
séances et six à huit mois après son accident neurologique
et jusqu'à ce jour, il s'exprime à nouveau, prend part à
diverses conversations, parle de ce qu'il ressent et éprouve. Sur le
plan cognitif, il paraît intellectuellement plus curieux, explore et
s'approprie de nouveaux instruments, de type percussif tels la batterie et le
djembé, et de type mélodique tel le violon, symbole de son
enfance. Autre fait novateur, il affirme ses choix ainsi que ses goûts
musicaux et instrumentaux. Parfois, il tend encore à penser qu'il joue
mal, qu'il se trompe et que l'ensemble ne souhaite plus sa présence.
Néanmoins, monsieur F. est bien accueilli au sein du groupe et trouve sa
place de façon moins discrète, s'affirme dans les règles
de la bienséance, sans agressivité. Au sein de la chorale, il
chante très discrètement, le nez dans le texte. Semblant joyeux,
il participe à sa manière à rendre l'ambiance
générale plutôt sympathique, bienveillante, conviviale et
décontractée. Cependant, il survient que monsieur F. se plaigne
que la voix de la musicothérapeute se fasse plus sévère,
que ses yeux deviennent schizophrènes, et que son visage se
transforme de manière effrayante. Parfois conscient qu'elle ne lui veut
pas de mal, il tente de distinguer la réalité de ses propres
perceptions et manifestations. En vue d'apaiser sa souffrance, monsieur F.
applique une des deux stratégies suivantes: soit il tente de se
défendre et devient menaçant et verbalement agressif, soit il
reste très calme, presque mutique et foudroie du regard celle qui
s'avère être la source de sa souffrance. La
musicothérapeute lui rappelle qu'elle ne veut pas lui faire de mal, et
le patient peut alors exprimer son mal-être et raconter ses
hallucinations visuelles qui engendrent de fausses interprétations.
Apaisé, il poursuit les séances sans heurts.
3.3. Monsieur N.
Monsieur N. est né en 1976. Son père est peintre
indépendant et il est l'aîné d'une fratrie de deux enfants.
Il suit une scolarité obligatoire normale à la suite de laquelle
il entreprend un apprentissage dans une imprimerie. Entre 18 et 19 ans, il fume
du cannabis avec des amis pendant les week-ends. A 20 ans, il se referme de
plus en plus sur lui-même et ne peut terminer son apprentissage.
En 2002, ses parents, inquiétés par son
comportement étrange le font hospitaliser de force. A la suite d'un
premier séjour en hôpital psychiatrique d'une durée de
trois mois, il retourne vivre auprès de sa famille.
En mai 2005 sa maman décède de métastases
généralisées d'un cancer du sein. En décembre de la
même année, monsieur N., dont l'aspect général
inquiète les proches, est à nouveau hospitalisé et
séjourne pendant six mois dans un service de psychiatrie adulte. On pose
alors un diagnostic de schizophrénie paranoïde continue (F.20.0),
selon trois modes : des hallucinations auditives angoissantes et des
symptômes négatifs avec une tristesse importante
accompagnée d'idées noires. A sa sortie de l'hôpital, il
part vivre chez son père avec lequel il quitte la maison familiale pour
un appartement situé dans le même village et travaille
momentanément dans une ferme à rénover. Suite à un
arrêt de sa médication, subissant une recrudescence des
hallucinations auditives, il est amené à séjourner une
troisième fois dans le même service.
Lors de ses diverses hospitalisations, on relève que le
patient est conscient et collaborant, qu'il fait son âge bien que sa
maigreur et sa pâleur soient frappantes. On note une tenue vestimentaire
et une hygiène corporelle correctes, un visage hypomimique, une
expression verbale sur un ton monocorde ainsi qu'un discours flou. On remarque
des barrages et des attitudes d'écoute. Le patient allègue donc
des hallucinations auditives, mais présente une grande difficulté
à verbaliser son vécu. Il relate cependant des idées
suicidaires et se plaint de souffrir d'angoisse sans objet. La pensée
est ralentie et on relève une très importante perplexité.
Il est triste et nie toute consommation d'alcool, de nicotine ou de cannabis.
Contrairement aux deux précédents séjours, il fait preuve
lors de la troisième hospitalisation de conscience quant à sa
maladie (conscience morbide) et, au vu de sa souffrance, décide de
suivre et de respecter son traitement.
Il intègre l'institution La Miolaine en
décembre 2006.
En 2009, alors qu'il commence à reconnaître ses
difficultés, à accepter son traitement et à se sentir un
peu mieux, son père décède.
Depuis 2010, monsieur N. travaille trois demi-journées par
semaine dans une imprimerie, retournant à ses premières
amours.
Traitement
Afin de maintenir une stabilité psychique
satisfaisante, le traitement de monsieur N. est composé des
médicaments suivants: 1. Un neuroleptique atypique de type
thienobenzodiazépine. 2. Un antidépresseur de type inhibiteur
sélectif de la recapture de la sérotonine. 3. Un anxiolytique de
type benzodiazépine anxiolytique.
Il prépare avec une infirmière un semainier en
début de semaine et gère de manière autonome ses prises
quotidiennes de médicaments.
Déroulement des séances
Monsieur N. se présente à l'atelier de
musicothérapie à la fin du mois de janvier 2007. Après un
premier entretien, il s'avère que sa personnalité timide et ses
difficultés relationnelles imposent à la musicothérapeute
une prise en charge en individuel. Il suit les séances de manière
régulière et spontanée, fait immédiatement preuve
d'intérêt et de bonnes capacités d'apprentissage. Il
s'initie au ukulélé, petite guitare hawaïenne à
quatre cordes, dont il retient trois accords fondamentaux qu'il est apte
à reproduire d'une semaine à l'autre. La musicothérapeute
remarque des compétences certaines d'imitation, d'assimilation et de
restitution. Souhaitant poursuivre son initiation au ukulélé en
développant une technicité instrumentale, et dans l'espoir de
pouvoir accompagner des chansons, il fait l'acquisition d'une petite guitare
hawaïenne. On relève alors dans le cadre de l'activité
musicothérapeutique des possibilités de
persévérance et une amélioration de l'estime de soi. Par
l'utilisation de son propre instrument de musique en dehors des temps de
séance, la musicothérapeute note une progression harmonieuse et
homogène.
A la suite de quelques mois de séances, en ayant pour
objectif de gagner davantage d'assurance en soi et de contenance face aux
autres, monsieur N. accepte de participer également à des
séances collectives. Il apprend à partager un moment
d'improvisation musicale ou de jeux musicaux avec ses pairs sans que quiconque
n'émette de jugement de valeur. Mis en confiance, il extériorise
ses sentiments et exprime ses émotions, dans un premier temps de
manière non-verbale. Des jeux d'expression de sentiments tels que le
bonheur, la tristesse ou la colère par l'intermédiaire d'un
carillon, d'une petite harpe celtique ou d'une timbale l'aident aussi à
émerger de son repli sur soi. Dans un second temps, l'émulation
du groupe contribue également à soutenir monsieur N. dans ses
efforts de communication et de transmission orale. Il émet ses propres
opinions et prend position lors de choix de musiques, s'intéresse
à toutes sortes de percussions ethniques: conga, bongo, surdo ou
djembé. Durant cette année 2007, et ce de manière globale,
sa sensibilité musicale, ses facilités d'apprentissage, et son
excellent sens du rythme lui permettent d'obtenir rapidement des
résultats valorisants.
L'année suivante, monsieur N. se résout à
montrer publiquement ses capacités musicales en se produisant en duo
(ukulélé-voix ou ukulélé-guitare) lors de diverses
animations intra muros tels que le noël des résidants ou la
kermesse annuelle et extra muros telle une représentation dans un foyer
pour personnes âgées. Ses débuts sont fébriles, ses
jambes et ses mains tremblent, mais l'accueil d'un public chaleureux tend
à le rassurer quelque peu. Ses « performances musicales » sont
plus qu'honorables, et le bénéfice qu'il semble en retirer sur le
moment s'avère très encourageant. Cependant, avec le recul, il se
plaint de ne pas s'habituer à ce stress, dit se sentir mal à
l'aise dans un corps étriqué et craint constamment de ne pas
être à la hauteur. Il se montre par ailleurs fort critique envers
lui-même, voire très sévère, et se rabaisse.
Néanmoins, il propose spontanément de créer des duos ou
des ensembles avec d'autres personnes en vue de préparer une
pièce musicale. D'abord d'aspect improvisé, elle prend ensuite
une forme plus cadrée, est travaillée et
répétée inlassablement jusqu'à ce qu'elle prenne un
sens esthétique commun à tous. Alors la musicothérapeute
trouve une opportunité à ce que l'oeuvre naisse publiquement. La
synthèse de cette période met en avant le courage et la
persévérance dont fait preuve monsieur N., malgré quelques
périodes d'abattement, des signes de fatigue corporelle et psychique.
Durant l'année 2009, monsieur N. poursuit des
séances de groupe. La musicothérapeute relève une
meilleure analyse des sensations éprouvées ainsi qu'une meilleure
expression des sentiments. Monsieur N. explique aisément les sensations
ressenties lors de la représentation publique : sur le mode physique par
des tremblements, d'un point de vue psychologique par le sentiment
d'appréhension éprouvé avant la représentation, le
soulagement perçu après celle-ci, ainsi que le stress ressenti
lors de la représentation elle-même. Il admet que ces
phénomènes le renvoient à l'estime qu'il a de lui ainsi
qu'à la crainte du jugement de l'autre. Le stress qui le gagne encore
incite la musicothérapeute à remettre en question
l'intérêt et l'impact de ce type d'exercice pour monsieur N.,
lequel, malgré de nombreux encouragements, ne peut améliorer
l'image qu'il a de lui-même. Lorsqu'il joue en public, elle remarque sa
position prostrée et souffre avec lui de son mal-être. Aussi
décide-t-elle de mettre entre parenthèses cette activité.
C'est sans compter sur la volonté du résidant qui réclame
à faire partie du spectacle. Par conséquent, ce
processus créatif destiné à émerger au reste du
monde est maintenu, et monsieur N. poursuit les séances collectives dans
ce contexte marqué également par la mort de son père. En
séance individuelle, une transition instrumentale s'opère.
Découragé par une forte sensation de stagnation et un sentiment
d'avoir atteint ses limites quant à l'apprentissage du
ukulélé, il délaisse cet instrument au profit du
djembé. La musicothérapeute décide de lui donner
l'opportunité de revenir à la source : au rythme, à la
pulsation de vie et de lui offrir la possibilité de se réinventer
musicalement, de se re-créer.
Ils abandonnent ensemble une période plus
mélodique, davantage harmonique et monsieur N. s'initie au
djembé. De par son tempérament, l'approche se fait douce et les
sons feutrés. L'instrument est plus imposant, et nécessite, pour
se faire entendre, de plus d'affirmation de soi que le petit
ukulélé, discret et peu sonore. Paradoxalement, le djembé
protège davantage celui qui en joue que le ukulélé qui
couvre à peine la largeur d'un bras. Peut-être mis à
nouveau en confiance, caché derrière le djembé, monsieur
N. « se lâche plus facilement », selon ses mots.
Néanmoins, l'apprivoisement est intellectuel, et il tient à
comprendre et à apprendre des rythmes à partir desquels, avec le
temps, de petites improvisations apparaissent. Cette période marque un
renouveau qui ne tarde pas à laisser la place à de nouvelles
expériences musicales. D'autres projets de vie pointent le bout de leur
nez, et la préparation d'un départ possible de l'institution
remet en question le temps imparti à la
musicothérapie au profit d'un travail en imprimerie.
Depuis 2010, monsieur N. ne participe plus qu'à une
séance collective de musicothérapie pendant laquelle il met
à profit l'apprentissage effectué du ukulélé et du
djembé. Avec sa petite guitare, il est apte à accompagner
certaines chansons françaises passant sur les ondes des radios (Toi
plus Moi, de Grégoire) et aime à accompagner la chorale au
djembé. Comme il s'intéresse également au piano et au
xylophone, la musicothérapeute lui propose d'improviser sur des
standards jazz (My baby just cares of me de Nina Simone). Le
violoncelle ne le laisse pas non plus indifférent, et les basses
résonnent sous ses doigts telle celles d'une contrebasse.
En synthèse des séances de monsieur N., la
musicothérapeute tient à relever qu'elle voit poindre le
processus suivant : par l'apprentissage advient une petite maîtrise de la
technique instrumentale, avec elle apparaît un peu plus d'assurance, avec
l'assurance et l'estime de soi se dessine le lâcher prise, avec le
lâcher prise surgit l'improvisation, et de l'improvisation naît la
créativité musicale.
CHAPITRE 4
CRÉATIVITÉ EN MUSICOTHÉRAPIE ET
RE-CRÉATION DE SOI PHÉNOMÉNOLOGIQUE
Cette partie est dédiée au développement
et à la méthodologie de la créativité en
musicothérapie, au lien que l'on peut faire entre elle et la
re-création de soi au regard des trois situations cliniques
précédemment exposées et des trois processus
psychopathologiques développés lors du précédent
chapitre. Fort du concept de l'Entre de Kimura, il s'agira ensuite de tenter de
répondre à l'hypothèse introductive : y a-t-il
possibilité d'un espace de re-création de soi pour les personnes
schizophrènes dans l'approche musicothérapeutique ?
4.1.Créativité
Aujourd'hui, le terme de créativité s'entend de
plusieurs manières en fonction du domaine auquel on le rattache. Dans le
monde du travail, il s'agit de faire preuve de dynamisme, d'initiative et de
rendement, de respecter la hiérarchie de l'entreprise en veillant
à demander l'aval de son responsable lors de la validation d'un projet
et d'être productif. Dans le milieu des arts, il convient souvent de
faire preuve d'inspiration et d'originalité, de perturber la conscience
sociale, d'apporter un élément novateur même s'il faut
souffrir de l'incompréhension d'un public que l'on pense peu averti. Or
la créativité est avant tout un état, une
métamorphose de soi amenant à l'ouverture vers l'autre. Elle est
quotidienne et se retrouve dans nos capacités à trouver des
solutions originales pour pallier aux difficultés de la vie de tous les
jours (Cottraux, 2010).
4.1.1. Définition
En français, le mot créativité vient du
latin « creo » qui signifie faire pousser, produire, faire
naître. Dans la langue ecclésiastique, il s'agit davantage de
faire naître du néant, de la création du monde. «
Creo » dérive lui-même de « cresco »,
qui désigne le fait de pousser, de croître, d'arriver
à l'existence, de naître. Actuellement, la définition la
plus
recensée dans les dictionnaires est la suivante :
capacité d'imagination, d'invention, de création.
4.1.2. Créativité musicale
La musique est un art qui demande de nombreuses aptitudes
cognitives, motrices et sensorielles et sollicite le fonctionnement de
plusieurs zones cérébrales. Certaines capacités sont
nécessaires pour transférer l'information d'un
hémisphère du cerveau à l'autre. Néanmoins, cela ne
nécessite pas de don particulier et, en principe, tout un chacun
s'avère capable de chanter dans sa salle de bain, de siffler, de
fredonner un air connu ou inventé. Chantez Frère Jacques
avec différentes intonations ou dans diverses tonalités et vous
sentirez se profiler une forme de créativité, sans acquis
particulier. Cependant, quelques-uns d'entre nous, forts d'un savoir musical,
possèdent une créativité extraordinaire.
Un très bel et facile exemple de
créativité musicale hors norme concerne Wolfgang Amadeus Mozart.
Dès l'âge de trois ans, il est initié par un père
fort pédagogue et patient qui met ses talents au profit de son fils.
Contrairement à ce que l'on peut croire, Mozart n'eût pas
été capable d'écrire des partitions sans un travail
assidu, certes facilité par un don évident pour la musique, mais
insuffisant à transcrire une écriture musicale. Il s'agit de sons
qu'il convient d'organiser dans l'espace selon certaines règles
harmoniques, notions plutôt abstraites et ardues. A cet effet, on
retrouve des manuscrits du maître sur lesquels on aperçoit des
ratures et des ratures, et on en déduit que l'écriture musicale
et ses règles d'harmonie ne furent pas innées, chez Mozart, mais
bel et bien acquises.
Lorsque l'on pense créativité musicale, on
subodore qu'il s'agit, ainsi que le prouve l'exemple ci-dessus, du processus
qui amène à l'écriture musicale et à la composition
musicale. Malheureusement, on oublie que l'interprète contribue aussi
à créer l'oeuvre qu'il partage avec l'auditeur. De même, il
la recrée lorsqu'il se l'approprie et lorsqu'il la transmet à un
public.
Ainsi, l'apprentissage et la persévérance sont
les maîtres mots de la créativité. Sans eux, sans
technique, l'expression ne peut être. Et si l'expression est
défaillante, la créativité existe-t-elle ?
4.1.3. Créativité et folie
On pense souvent au mythe du savant fou, à la
corrélation entre intelligence surdimensionnée et folie. Si le
paragraphe précédent souligne effectivement le lien entre
l'activité intellectuelle et l'activité musicale, les
données de la clinique, de l'épidémiologie et des
neurosciences montrent que la créativité est, elle, en relation
avec les troubles affectifs. Il semblerait que l'hyperactivation du cerveau
soit une cause possible de la créativité chez les personnes
psychiquement atteintes. Cette prérogative, qui compense la maladie,
pourrait tenir à leur capacité à donner une valeur
émotionnelle aux idées, à une forme d'hyperactivité
et à une accélération de la sphère idéative,
ou encore à leur faible besoin de sommeil. C'est lors d'aspect maniaque
sous la forme mineure dite hypomaniaque que l'on remarque des capacités
créatrices, l'accès maniaque nécessitant des
stabilisateurs de l'humeur qui rompent le lien entre exaltation, joie
extrême et créativité.
Jean Cottraux, psychiatre français, relate dans son
ouvrage portant sur la créativité de chacun, qu'une étude
rétrospective portant sur 291 personnalités
célèbres dans les domaines des arts, des sciences et de la
politique (Post, 1994) a retrouvé des traits et des troubles de la
personnalité en plus grande fréquence que dans la population
générale dont la prévalence est de 13%. On observe que 25%
d'entre eux souffraient d'un trouble de la personnalité. Parmi les
poètes, 90% d'entre eux présentaient des traits pathologiques
dont 20% d'un trouble caractérisé. On recensait 7% des personnes
comme appartenant au groupe des troubles de la personnalité
(paranoïa et schizoïdie), 22% d'entre elles comme personnalité
narcissique, antisociale ou borderline et 39% de personnes souffrant de
dépendance ou d'obsession compulsive (Cottraux, 2010, p.114).
On retient de cette étude qu'un certain degré de
non-conformisme et d'impulsivité est utile et bienvenu à la
créativité. Une absence d'inhibition telle que celle
retrouvée dans des troubles de la personnalité peut être
source de créativité, engendrée par l'hyperactivité
de l'amygdale qui appartient au cerveau émotionnel. Ainsi le lien entre
création et émotion se ressert, qu'il naisse de manière
saine ou pathologique.
4.1.4. Créativité en
musicothérapie
En ce qui concerne l'utilisation thérapeutique de la
créativité, la primeur revient à Max Simon qui initie, au
XIXème siècle, un intérêt grandissant
pour « l'art des aliénés ». On parle alors d'Art Brut
et la clinique ne manque pas de souligner quelques vertus
thérapeutiques.
Pour certains musicothérapeutes, l'activité
musicale serait en elle-même thérapeutique alors que pour
d'autres, c'est la pratique créative qui posséderait des
propriétés thérapeutiques.
Aussi, le sujet de la créativité en
musicothérapie est traité par quelques auteurs qui la
conçoivent sous forme d'expression de soi ou d'identité
culturelle.
Edith Lecourt mentionne que d'après ses propres
observations cliniques « la musicothérapie facilite le
processus créatif conduisant à l'accomplissement de soi, en
développant la capacité et la volonté d'utiliser le
potentiel individuel vers un mieuxêtre, dans des domaines tels que
l'indépendance, la liberté de changement, l'adaptabilité,
l'équilibre et l'intégration (Lecourt, 1988, p.8) ».
Selon Ling (1974), la créativité musicale serait
un moyen d'exprimer des émotions et de communiquer des sentiments qui ne
peuvent émerger autrement. Quant à Prevel (1979), ce serait avant
tout l'instrument de musique qui agirait comme « un véhicule de
l'expression de soi » plutôt que comme un objet de
développement de compétences. Dobbins en 1980 avance que la
véritable expression de soi peut accéder à sa
clarté par l'improvisation spontanée. Pour Davis (1963), la
composition musicale, comme la peinture et la littérature, est un moyen
naturel d'expression qui pourrait jouer un rôle salutaire dans la vie des
humains. Et Van Ernst (1995) souligne que les processus compositionnels
s'apparentent à une expression de soi. En 1985, Fowler pointe que
l'expression musicale personnelle permet au patient de relier sa musique
à sa propre vie et autorise les autres à entendre un aspect
intérieur précieux de son être. (Barbot, revue de
musicothérapie, 2005, p.27-31).
Rolando Benenzon quant à lui spécifie que la
créativité en musicothérapie est importante, car elle
permet l'émergence du concept de l'Identité Sonore propre
à chaque individu et que l'on nomme l'ISO (Benenzon, 1992). Cet ISO
induit un attachement à une identité culturelle, sociale et
personnelle.
Jean-Marie Guiraud-Caladou dans son ouvrage un chant
d'action développe une méthode musicothérapeutique
visant le développement de la créativité par l'interaction
du langage, du corps, de la musique et du graphisme.
4.1.5. Méthodologie de la créativité
en musicothérapie
Au regard de la partie clinique, et afin de susciter la
créativité, il se dégage la méthodologie suivante
:
1. Premier entretien et première séance de
musicothérapie mêlant un pôle actif par
l'intermédiaire de la découverte d'instruments à un
pôle réceptif par l'écoute musicale.
2. Orientation de la personne vers une musicothérapie de
type individuel ou collectif.
3. Instauration d'un climat de confiance favorable à
l'épanouissement.
4. Découverte d'instruments de musique
5. Choix d'un instrument ou de plusieurs instruments de musique
favorisant une expression non verbale et verbale
6. Etablissement d'un lien entre l'instrument choisi et le
parcours de vie de monsieur F. expression des sentiments primaires :
colère, peur, tristesse, joie, surprise, dégoût pour
monsieur K. et monsieur N.
7. Pose d'objectifs concrètement atteignables.
8. Apprentissage de(s) (l') instrument(s) choisi(s) lorsque cela
est souhaité et possible, notamment pour monsieur F. et monsieur N.
9. Développement de la créativité par une
maîtrise instrumentale et le passage à l'improvisation pour
monsieur N.
10. Intégration au sein de groupes pour monsieur F. et
monsieur N.
11. Productions publiques pour monsieur F. et monsieur N.
12. Renouvellement de soi par la découverte de nouveaux
instruments.
Comme moyen de transmission et comme support
thérapeutique, un document institutionnel est à compléter
et à remettre de manière annuelle, en vue de colloques
pluridisciplinaires. Le document contient les items suivants : la
période de suivi du patient, les objectifs posés, les moyens mis
à disposition, les critères de réussite, un
compte-rendu des séances, une évaluation de la
réussite des objectifs (atteintpartiellement atteint-non atteint), les
forces et ressources de la personne ainsi que les difficultés
observées, l'évolution future (annexe1).
4.2. Analyse des trois situations cliniques au regard
des trois processus phénoménologique de la
schizophrénie
Il convient maintenant de tenter d'analyser «
l'être-soi, l'être-au-monde et l'être-avecautrui » d'un
point de vue musicothérapeutique. Cette perception de soi-même, de
se projeter dans le monde et d'en être influencé est musicalement
travaillée au travers de la perception sonore que l'on peut avoir de soi
et de l'autre. Concernant « la perte du contact vital avec la
réalité », ou ce que l'on nomme plus communément le
délire, il pourrait correspondre à l'improvisation musicale
brute, désinhibée, exaltée en musicothérapie. Quant
aux notions de « temps et d'espace modifiés », la musique y
pourvoit étant intrinsèquement une organisation de sons
projetés dans l'espace et structurés dans le temps.
4.2.1. Perception sonore de soi et perception sonore de
l'autre
De même que la perception du monde se modifie au travers
de l'expérience schizophrénique, la perception sonore de soi est
bouleversée par l'expérience ellemême, par les effets
secondaires de la médication, parfois par des troubles hallucinatoires
de type auditif. Qu'en est-il pour monsieur K., monsieur F. et monsieur N. lors
des séances de musicothérapie ?
a) Monsieur K.
Pour rappel, il souffre d'une schizophrénie
résiduelle, forme qui désigne une évolution de la maladie
avec persistance des symptômes négatifs (aboulie, athymhormie,
avolition) et absence des symptômes positifs (délires,
hallucinations, discours désorganisé, etc.). Aux vues du nombre
de médicaments administrés quotidiennement (entre autre deux
types différents de neuroleptiques et deux types de régulateurs
de
l'humeur, ceci signifiant un traitement lourd), de leurs
effets secondaires respectifs touchant aux fonctions musculaire et digestive,
amenant fatigue et confusion, tout en tenant compte de son âge, monsieur
K. est fortement encouragé par le personnel de l'institution à
participer à diverses activités sans y être contraint. Il
vit ainsi à son propre rythme, luttant contre une ambivalence dominante
et des difficultés motrices à la marche.
Au regard du déroulement des séances, on
remarque que la curiosité qui l'amène à appuyer sur tous
les boutons du clavier lui permet de découvrir de nombreux sons qui le
rattachent essentiellement à des événements du
passé, que ce soit un instrument de musique qui lui rappelle son
goût pour la mécanique ou la musique d'orgue qui le lie au
souvenir de sa maman. Etant en phase résiduelle de sa maladie, monsieur
K. n'a que peu d'altération de sa perception sonore. En
général, il conçoit et entend ce qu'il produit, bien qu'il
dise être parfois parasité par des voix qui le persécutent.
Il se montre apte à entendre musicalement l'autre et semble
apprécier d'écouter la production sonore d'autrui, surtout
lorsque celle-ci le soutient dans son phrasé musical. Par ailleurs, il a
découvert le son de sa voix amplifié. Celle-ci semble le charmer,
et il paraît très heureux que les autres puissent également
la percevoir. En ayant l'occasion de choisir la chanson, en sous-entendant un
texte et sa signification, il transmet à l'autre une partie de soi et de
son histoire. Il devient un Soi (sujet) tout en restant une
subjectivité, la subjectivité comprenant le temps vivant musical,
l'espace sonore et le corps par l'intermédiaire de la voix ; le Soi
musical apparaît par la création de sons et son amplification qui
parvient à autrui.
b) Monsieur F.
Pour rappel, il souffre d'une schizophrénie
chronique de type désorganisé - syndrome autistique
prédominant - en phase résiduelle. Il bénéficie
d'un traitement assez conséquent, alliant un neuroleptique, un
anxiolytique et un stabilisateur de l'humeur. La médication soutient
monsieur F. dans ses efforts pour maintenir un contact avec la
réalité. Sujet à des hallucinations visuelles et
auditives, ses perceptions sonores en sont fortement modifiées.
Au regard du déroulement des séances, on
relève que son excellent sens de la musique et que son oreille musicale
l'aident à s'affirmer et à s'ouvrir aux autres en
intégrant un ensemble instrumental. Suite à une embolie
cérébrale, il souffre d'une recrudescence d'hallucinations
auditives et visuelles qui perturbent ses sens. Percevant des visages qui se
déforment et entendant des voix malveillantes, monsieur F. se referme
sur lui et devient verbalement agressif. La perception sonore de la production
d'autrui est modifiée, et l'être-soi musical se construisant en
fonction des représentations négatives qu'il se fait de
l'extérieur, il monte le volume sonore de son clavier et dit ne plus
s'entendre en groupe. Par compensation, il maintient des productions publiques,
tout en restant replié sur lui par rapport aux autres membres de la
chorale. Ce qu'il vit lors cette expérience schizophrénique n'est
que peu témoigné musicalement sinon par une absence de recherche
de sons personnels et d'imitation de sons d'autrui. Monsieur F. respecte
l'ensemble, chante de manière discrète au sein de la chorale mais
« suit le mouvement » musical. Il est cependant confirmé que
la perception sonore de soi, marquée par l'absence de recherche de sons
personnels, ainsi que la perception sonore des autres, à en juger par la
propre discrétion sonore du patient, se sont momentanément
modifiées à la suite de l'atteinte neurologique.
c) Monsieur N.
Pour rappel, il souffre d'une schizophrénie
paranoïde continue. Actuellement, sa situation s'est stabilisée, et
il travaille dans une imprimerie trois demi-journées par semaine. Son
traitement est composé d'un neuroleptique et d'un antidépresseur
qu'il prend une fois par jour ainsi que d'un anxiolytique à doser
quotidiennement en fonction des besoins. La médication est prise de
manière autonome et il est au bénéficie d'un traitement
relativement léger.
Au regard du déroulement des séances, on
observe, malgré une personnalité plutôt introvertie, une
belle expression sonore de soi. Etant donné une certaine
stabilité psychique permettant de développer ses capacités
d'apprentissage, grâce à un intérêt certain pour la
musique et les arts (l'écriture), la progression sonore effectuée
est harmonieuse. Le son amené comme expression de sentiment est
envisagé et l'aide à s'ouvrir aux autres, à ressentir et
à exprimer des émotions. D'abord discret et doux,
mélodique et harmonique, le son devient percussif et rythmique, plus
fort et plus
marqué. La perception sonore de l'autre s'avère
souvent plus clémente que de raison, à l'inverse de la perception
de soi qu'il juge sévèrement.
4.2.2. Délire et improvisation
Dans sa structure particulière de dissociation et de
perte de repères, d'exploration de sensations et de
phénomènes singuliers, l'analogie que l'on peut établir
entre délire et improvisation est aisée. L'improvisation consiste
en une expression de soi, sans structure temporelle ou spatiale
préétablie, donnant libre cours à l'émergence de
sentiments, à l'imagination, à la créativité par
l'intermédiaire d'explorations sonores. La perte du contact vital avec
la réalité dans la création d'une autre
réalité peut correspondre à l'improvisation en
musicothérapie, même si, à la différence de la perte
de contact, l'improvisation n'est pas subie mais « donnée à
réaliser ». L'improvisation requiert de la
créativité, et la créativité, comme
précédemment explicité, nécessite un certain
lâcher-prise, une forme de désinhibition pour pouvoir
s'exprimer.
a) Monsieur K.
En ce qui concerne la musicothérapie active,
l'utilisation du clavier et du piano qu'il affectionne particulièrement,
il se situe toujours dans le ton de l'improvisation libre. Il ne semble pas se
soucier de l'aspect esthétique de sa production, étant
suffisamment décomplexé pour tapoter sur le clavier du piano ou
de l'accordéon sans chercher à reproduire un air connu. Il chante
d'une voix grave et tremblante, mais dont l'intonation est exacte, ce qui
laisse à penser qu'il possède une bonne oreille musicale. Par
conséquent, ce n'est pas par manque de connaissance dans le domaine de
la musique ou pour une absence de sens musical que monsieur K. improvise avec
facilité, mais bel et bien grâce à un lâcher-prise et
à une certaine décontraction vis-à-vis d'un type bien
défini d'instrument, en l'occurrence les claviers. En ce qui concerne la
voix chantée, il entonne des airs connus et dit ne pas pouvoir
improviser, d'une part conscient qu'une certaine technicité puisse lui
faire défaut et d'autre part se situant davantage dans une recherche de
plaisir à partager avec d'éventuels auditeurs.
Monsieur F.
Au regard de la partie clinique, il s'avère qu'il
cherche souvent à jouer des airs communs à tous tel Au clair
de la lune, mais qu'il est cependant apte à improviser de
manière spontanée et esthétique des airs qui lui sont
propres. Le développement du sens de l'écoute et du sens de
l'autre, notamment amenés lors du passage des séances
individuelles aux séances collectives, l'ont guidé à
pouvoir reconnaître et à pouvoir appuyer sur les bonnes touches
afin de jouer « sa propre musique » tout en accompagnant et tout en
respectant les autres. On note que par l'intermédiaire de jeux musicaux
tel que celui du « chef d'orchestre », monsieur F. permet à
chacun de s'exprimer librement tout en organisant les sons divers et
variés, originaux et spontanés qui naissent d'un ensemble
créatif, appliquant ainsi sa propre méthode d'approche du
clavier, tantôt par des airs connus, tantôt par des airs
improvisés. On relève également le fait que pendant la
période qui suit son accident cérébral, il tient à
chanter dans la chorale au sein de laquelle il se sent en
sécurité et utile aux autres (prestation dans une maison pour
personnes âgées). Par contre, dans le cadre des séances
d'improvisation collective, il souffre d'hallucinations auditives qu'il tente
de faire taire.
Monsieur N.
Le cheminement qui amène monsieur N. à
l'improvisation et à la créativité a déjà
été mentionné lors de la description du déroulement
des séances de musicothérapie. Il s'avère que les items
des points ci-dessous apparaissent, d'un point de vue clinique, dans l'ordre
suivant : 1. Apprentissage d'une technique instrumentale. 2. Meilleure
assurance et estime de soi. 3. Lâcher prise. 4. Improvisation. 5.
Créativité. L'improvisation a nécessité un
apprentissage pour développer une technique menant à un
lâcher prise. On observe que la musicothérapeute a initié
un travail pédago-musicothérapeutique valorisant afin de
permettre l'émergence du Soi, en vue de poursuivre les séances
par un travail collectif utilisant l'improvisation comme mode d'expression des
sentiments.
4.2.3. Espace musical et temps musical
La musique consiste en une organisation de sons dans le temps.
Elle est intemporelle, dit-on communément, mais intrinsèquement
organisée et rythmée. Un air plaisant (une organisation savante
de sons) verra le temps filer sans jamais ternir et nombre de compositeurs
vivent encore par l'intermédiaire de leur musique, inlassablement
interprétée, écoutée, recréée. En
musicothérapie, une production sonore, une improvisation demeure
éphémère. Bien qu'elle puisse être
enregistrée, « l'action musicale » passe et on ne la revit
jamais deux fois ; tout au plus, peut-elle être « subie » si on
la réécoute. A l'espace modifié correspond l'espace
sonore, qui peut s'organiser de deux manières : soit à la
verticale, et il s'agit de la mélodie, soit à l'horizontale, et
c'est ce que l'on nomme l'harmonie. La mélodie se résume à
plusieurs sons posés à la suite les uns des autres, par exemple
Au clair de la lune joué à la flûte. L'harmonie
consiste en une superposition de sons joués simultanément, tel
que l'accompagnement au piano de Au clair de la lune. Evidemment que
l'une n'empêche pas l'autre, et qu'inversement elles se complètent
: Au clair de la lune joué à la flûte avec un
accompagnement au piano. Quant à lui, le son est composé de
plusieurs paramètres, les quatre principaux étant : la hauteur,
le timbre, l'intensité et la durée. Cette dernière
correspond à la structuration du son dans le temps, elle appartient par
conséquent au temps musical, la durée d'un son étant
elle-même composée de structures rythmiques (division du temps).
En général, on distingue également une vitesse
d'exécution d'une structure rythmique propre à chaque individu,
ressenti d'une vitesse que l'on désigne par pulsation interne, d'une
pulsation induite par l'extérieur, le tempo, proposé en musique
par un compositeur, et imposé par une dynamique de groupe en
musicothérapie.
a) Monsieur K.
L'espace : ainsi que signifié à maintes
reprises, monsieur K. choisit le clavier et le piano pour s'exprimer
musicalement. Il est sensible au son, et apprécie notamment celui de
l'orgue pour l'aspect grandiose de sa spatialisation. De même, sa voix
chantée lui convient lorsqu'elle est encore davantage spatialisée
par un microphone. Il apprécie également que l'on puisse entendre
sa prestation de loin et en augmente encore le volume sonore. Sa voix
parlée est chevrotante, douce et basse, mais lorsqu'il joue du
piano, il se cantonne aux sons aigus et lorsqu'il chante, il
porte sa voix encore plus haut et plus loin dans les airs, créant un
autre son, comme pour compenser une fragilité naturelle. On
relève également que le volume sonore engendré par
l'accordéon est élevé lorsque monsieur K. en fait
usage.
Le temps : décrit comme étant un patient
calme, on relève que dans le cadre musicothérapeutique, monsieur
K. explore brièvement le piano sur lequel il tapote et joue de
l'accordéon en ouvrant et en fermant le soufflet avec force et
vélocité. Il se peut que cette pulsation interne soit le reflet
d'une anxiété et d'un stress ressentis. On remarque qu'un son
produit lors d'improvisation ne dure jamais très longtemps, et qu'il
s'avère sans structure rythmique et d'une pulsation interne rapide.
L'improvisation ellemême est si succincte que seul un chaos rythmique
semble régner. Ce processus fait appel à sa
créativité, à son Soi musical qui s'avère confus
dans l'espace et dans le temps. En revanche, lorsque monsieur K. chante, il
respecte le tempo donné par la musique et se trouve être en
rythme. Tout paraît alors à sa place, la mémoire du texte,
la voix présentant une bonne intonation, le tempo respecté. Alors
qu'en improvisation, on ne relève aucune structure faisant appel
à un sens commun, (l'auditoire est perdu et ne comprend rien à
l'expression de l'être musical de monsieur K.), on note qu'en chant, il
n'y a que structure et ordre. Dans la première situation, c'est la
musique qui est ellemême thérapeutique en temps qu'expression de
soi sans contrainte extérieure, alors que dans la seconde situation,
c'est le cadre normatif et structurant qui devient thérapeutique en
permettant une expression musicale de soi organisée et cohérente
pour tous.
b) Monsieur F.
L'espace : le son du piano semble le toucher
particulièrement. Il en joue de manière mélodique, en
déplaçant son doigt d'une touche à l'autre, et de
manière harmonique, en recherchant à produire deux sons
simultanés. Son excellente capacité d'écoute et de
reconnaissance des sons lui permet d'améliorer ses relations aux autres
en dialoguant avec eux. Il ne paraît pas être en recherche
particulière de sons graves ou aigus mais semble viser à donner
un sens musical à une suite de notes jouées. Il joue du piano au
milieu du clavier et s'exprime dans des nuances feutrées. Sa voix
chantée possède une
assez grande tessiture lui permettant d'entonner des chansons
destinées aussi bien à des voix de ténors qu'à des
voix de baryton. Naturellement, monsieur F. parle et chante doucement, de la
même manière qu'il s'initie au piano. Il découvre le
violon, dont les sons aigus lui permettent de se remémorer son
grand-père. Le son fait ici office de mémoire, de moyen d'entrer
en relation avec l'autre et de procédé pour donner un sens
à des notes en créant une ligne mélodique.
Le temps : il semblerait que monsieur F. dialogue avec
la musicothérapeute lors des premières séances. Un
dialogue musical ne nécessite pas une perception commune d'une pulsation
interne ou d'un tempo, inversement, il favorise l'émergence et
l'expression d'un discours personnel en lien avec celui d'autrui. En effet, une
phrase musicale (son et rythme) naît et le créateur attend une
réponse, un écho à son discours. La pulsation interne, le
tempo, la structure rythmique qui se présentent peuvent-être
repris ou non par l'autre, selon ce qu'il est : conciliant ou rebelle, imitatif
ou créatif, introverti ou extraverti, etc. Par contre, au sein d'une
collectivité, la contrainte d'une pulsation rythmique commune existe,
c'est le tempo, ainsi que déjà explicité auparavant. On
note que lorsque monsieur F. intègre un groupe, il présente des
difficultés à rejoindre le tempo et ne tient pas compte des
silences et des temps d'arrêt. Il s'isole et ne perçoit que sa
propre ligne rythmique. Au fil du temps, il semble acquérir cette notion
du temps commune au groupe, et s'en sert pour entrer en contact avec les autres
participants. Il s'avère alors capable de reproduire des structures
rythmiques assez élaborées, à condition de les avoir
entendues au préalable plusieurs fois et de s'être exercé
par imitation.
c) Monsieur N.
L'espace : il choisit une petite guitare, avec peu de
résonnance, pour initier ses séances aux sons doux et exotiques
du ukulélé. Il en joue immédiatement de manière
harmonique et développe par la suite l'aspect mélodique et sonore
ainsi que rythmique de son jeu musical. On remarque que lorsqu'il ressent
atteindre ses limites, lors d'une période difficile, il décide de
changer d'instrument, et que mis à part cet événement,
on
ne relève rien quant à une perception de l'espace
qui serait altérée par des périodes d'hallucinations
auditives.
Le temps : on remarque qu'une pulsation interne rapide
marque une certaine nervosité. Ses mains et ses jambes tremblent, il est
replié sur lui et souffre de l'image qu'il pense donner de
lui-même lors de représentations publiques. Son initiation au
rythme musical se fait par l'intermédiaire du djembé avec lequel
il développe des structures rythmiques lui permettant d'accompagner la
chorale. Il insuffle un tempo à l'ensemble vocal, lequel s'anime au son
du djembé. Au fur et à mesure d'essai et d'accompagnement
rythmique, monsieur M. progresse et prend confiance en lui.
4.2.4. Tableau récapitulatif
Il semble intéressant de collecter globalement et de
manière différente les informations révélées
précédemment. Le tableau ci-dessous reflète les principaux
éléments mentionnés. Il s'agit de l'âge du patient,
important quant à ses possibilités de progression, du type de
schizophrénie afin de s'en remémorer les principaux syndromes, de
la médication plus ou moins lourde, engendrant en sus des
symptômes de la maladie des effets secondaires, du type d'hallucinations
touchant les sens, ainsi que des éléments musicaux relevés
lors des paragraphes ci-dessus : perception sonore de soi et d'autrui,
improvisation, avec un lien entre le créativité et
l'émergence de l'improvisation, l'espace musical et le temps musical en
musicothérapie.
Tableau récapitulatif des séances de
musicothérapie
|
Monsieur K.
|
Monsieur F.
|
Année de naissance
|
1950
|
1964
|
Type de schizophrénie
|
Résiduelle
|
Hébéphrénique ou
désorganisée
|
Médication
|
conséquente
|
conséquente
|
Type d'hallucinations
|
Auditives non avérées mais mentionnées par
le patient Observées en séance
|
Auditives et visuelles avérées et
mentionnées par le patient Observées en séance
|
Perception sonore de soi
|
oui
|
oui
|
Perception sonore d'autrui
|
Pas immédiatement
|
Par alternance
|
Improvisation et émergence de la
créativité
|
Formes
|
Spontanée et de forme chaotique
|
Spontanée sous forme de
dialogue
|
Type de séance
|
En individuel
|
En individuel et en groupe
|
Evolution
|
Aucune
|
En cours
|
Cela
révèle
un (e) :
|
Expression de
soiExpression de ses sentiments
|
Moyen d'entrer en relation Ouverture à l'autre
|
Espace musical
|
Instruments principaux
|
Claviers et voix
|
Piano et voix
|
Spatialisation
|
oui
|
oui
|
Hauteur
|
Sons aigüs
|
Sons médiums
|
Intensité
|
Forte < Fortissimo
|
Mezzo Forte < Forte
Forte > Piano
|
Mélodie
|
Voix : ouiInstruments : non
|
Voix : ouiInstruments : oui
|
Harmonie
|
non
|
oui
|
Temps musical
|
Pulsation interne
|
Excessivement rapide
|
Normale
|
Tempo
|
Non
|
Oui, après un travail
|
Structures rythmiques
|
Simple
|
Elaborées à la suite d'exercices et par
imitation
|
66
Monsieur N.
1976
Paranoïde
relativement légère
Auditives avérées mais non mentionnées par
le patient Observées en séance
oui
oui
À la suite d'un apprentissage
En groupe
En cours
Affirmation de
soiDéveloppement de la
créativité
Ukulélé et djembé
oui
Toute la palette
Pianissimo < Forte
oui, en second
oui, en premier
Rapide
Oui, de manière innée
Elaborées de manière relativement naturelle
4.3. L'Entre comme espace de re-création de soi
en musicothérapie
Un dernier point doit encore être examiné avant
de tenter de répondre à l'hypothèse introductive. Bin
Kimura dans sa théorie de l'Entre ou Aïda (2000) fait une approche
phénoménologie de la schizophrénie, entre autre à
partir d'un exemple concernant la musique, et dans lequel il image sa
conception d'un lieu où la « création erronée »
du Soi de la personne schizophrène s'effectuerait. Ce lieu se situerait
« Entre » le Soi et le Sujet (subjectivité) et serait
pathologique chez la personne schizophrène. Bin Kimura prend comme
principe l'acte musical en vue de dévoiler le lien entre le sujet en
tant que rapport au fond de la vie et le sujet comme principe de rencontre avec
le monde. Chez la personne schizophrène, le lien est rompu, l'autre
étant soi et soi étant l'autre. Aussi, tentons d'utiliser le
concept de noématique et de noétique de la musique pour
comprendre si la création musicale en musicothérapie peut
approcher cet « aïda » pathologique pour permettre une
re-création de soi ?
4.3.1. Noétique et Noématique de la
musique
De manière résumée, les points suivants
sont intéressants quant au lien que l'on peut y faire avec la
créativité musicale en musicothérapie. Selon Kimura,
l'acte musical consiste en au moins trois moments :
1. L'acte de créer dans le présent : qui
comprend le son et la structure rythmique dans l'ici et maintenant et qui veut
que lorsque l'on arrête de jouer ou de chanter, tout s'interrompt.
2. L'écoute active : qui veut garder à l'esprit le
dernier son joué, et les précédents afin de créer
une unité entre eux et un lien avec les futurs sons naissants.
3. L'attitude mentale d'anticipation : qui permet d'imaginer et
de créer les sons futurs et de relier l'ensemble à
lui-même.
Ces trois moments sont intrinsèquement liés et ne
peuvent être séparés les uns des autres lors de
l'exécution musicale. Ensemble, ils sont garants d'une cohésion.
L'écoute et l'attitude mentale d'anticipation appartiennent tous deux
au présent et au futur, alors
que l'acte de créer dans le présent
s'avère très différent des deux autres moments. Il est
aussi vital que de manger, se reproduire ou dormir, et se relie au fond de la
vie. « On peut reconnaître dans le chant ou la danse un
jaillissement de la vie sous sa forme primitive et originelle »
(Kimura, 2000, p.34). En principe, les deux autres moments soutiennent le
premier, mais il peut arriver qu'il soit le seul perçu et que l'harmonie
générale du jeu en soit abimée.
Le premier moment est d'ordre noétique, il s'agit d'une
activité vitale et immédiate dont l'acte est rendu conscient dans
le présent. Le deuxième et le troisième moment, de part
leur impact sur la mémoire comme musique déjà jouée
ainsi que sur l'imagination comme musique anticipée sont d'ordre
noématique, rapport entre le passé et le futur. Il faut savoir
que le temps conscient n'est jamais que passé ou futur, il ne peut pas
être conscient comme tel. Ainsi l'activité noétique
(passée ou future) n'est consciente que projetée dans le
noématique, c'est à dire dans le temps présent.
Le musicien lorsqu'il joue, ne produit pas un simple
assemblage de sons physiques, l'activité musicale sous-tend une
activité vitale noétique et le jeu se rapporte au fond de la vie,
sans quoi les sons et les silences d'ordre noématique ne seraient que
stimulation auditive dans leur forme globale (Gestalt). Dans son jeu, le
musicien découvre une réalité extérieure à
lui-même mais aussi au fond vital de son activité musicale qui est
intérieure.
4.4. Réflexion
Le facteur esthétique décrit par Kimura est ici
volontairement abandonné, dans le sens où, en
musicothérapie, on constate le même processus sans que la
recherche d'une beauté sonore soit au premier plan. Par ailleurs, il
pense à des personnes instruites dans le domaine de la musique, par
exemple des musiciens sachant lire des notes de musique, lorsqu'il prend pour
objet d'étude la musique et l'acte créateur. Or, au regard de la
partie clinique, l'on constate que des néophytes utilisent le même
processus de création dans le présent, d'écoute active et
d'attitude mentale d'anticipation pour improviser en musicothérapie.
Aussi comprend-on maintenant que, de même que la créativité
s'exerce, l'acte musical en lui-même se doit d'être
répété et travaillé pour évoluer. On ne
naît pas créatif, on le devient.
Néanmoins, il convient de retenir que
l'impulsivité et le non-conformisme favorisent également la
créativité. Elle devient alors spontanée et
intrinsèque à l'Homme, faisant émerger au Monde la forme
en lui. Les personnes présentant certains types d'handicaps psychiques
pourraient en bénéficier de manière non
contrôlée. Monsieur K. dont le jeu musical est
désinhibé, fait preuve de créativité musicale
spontanée, alors que monsieur N., davantage structuré
psychiquement éprouve une sensation de vide et d'incompréhension
face à un instrument de musique dont il ne connaît pas l'emploi,
aussi doit-il en passer par un apprentissage. Monsieur F. se situe entre les
deux messieurs précédemment nommés, le syndrome autistique
prédominant de sa forme de schizophrénie empêchant toute
spontanéité dans son rapport à l'autre.
Il ne convient donc pas de faire de
généralités quant au développement de la
créativité en musicothérapie, cependant on peut observer
que chacun d'entre eux est musicalement actif et que la
créativité apparaît sous différentes formes :
spontanée ou amenée.
Alors que l'acte de créer dans le présent
nécessite des capacités cognitives de mémorisation et
d'anticipation, il peut aussi survenir une création sonore
émanant du fond de la vie, du Soi. De même, il se peut que l'acte
créateur ne puisse naître au monde de manière
spontanée, mais qu'il faille travailler un lâcher prise pour qu'il
émerge.
Revenons à nos trois messieurs pour tenter de
comprendre où se situent la créativité et la
re-création de soi dans leur cas particulier.
En ce qui concerne monsieur K., la créativité en
musicothérapie se présente sous forme d'improvisation
spontanée, comme activité vitale noétique, chaotique et
sans structure rythmique. C'est le son et le discours verbal qui s'ensuit qui
l'amènent à une activité sonore noématique. La
création de sons permet alors un « jaillissement » de soi et
d'une forme en soi. L'activité musicale noétique peut être
travaillée et encore retravaillée, elle ne sonnera jamais de la
même manière et sera pourtant intrinsèquement identique,
sans modification quant à sa non-structure interne. La
créativité sonore est ici chaotique et sans sens pour l'auditeur.
Le patient quant à lui se situe dans une projection gestaltique de
lui-même, dans une re-création fulgurante et immédiate du
Soi.
La créativité de Monsieur F. se place
également dans une forme d'improvisation spontanée, dans un temps
noétique qui devient, au niveau d'un discours sonore, très
rapidement noématique dans l'interaction recherchée avec l'autre.
Le lien entre la phrase musicale précédente, la réponse de
l'autre et la future phrase musicale projettent monsieur F. dans un temps
noématique. La créativité sonore se fait alors discours
cohérent et dialoguant, composé de structures rythmiques et
mélodiques. Le Soi devient Sujet.
Monsieur N. ne peut devenir créatif que suite à
un processus d'apprentissage déjà mentionné lors des
précédents chapitres. L'imbrication entre le Soi et le Sujet est
ici plus complexe, monsieur N. subissant des hallucinations auditives, d'autres
perceptions sonores viennent entraver son cheminement musical.
Néanmoins, sa créativité l'amène à un
développement de soi que l'on peut entendre comme re-création de
soi dans le sens d'une meilleure compréhension, d'une certaine
acceptation et peut-être d'une modification de soi sur le long terme.
Mais revenons à l'exemple du musicien, lequel
découvre une réalité intérieure et
extérieure à lui. Le patient, par l'intermédiaire du son
explore aussi la compréhension de soi et l'ouverture aux autres qui
permettent une re-création de soi.
Dans la répétition, le son se modifie et se
renouvelle, créant une métamorphose de soi. Il s'agit d'un son
créé de manière interne (du fond de la vie) qui en se
spatialisant, se recrée en s'ouvrant au monde (principe de rencontre
avec le monde). Il s'agit d'une créativité dans la
spontanéité, d'une gestalt, d'une manière de faire advenir
les formes que l'on porte en nous.
La créativité sonore spontanée de
même que la créativité sonore amenée sont l'une
comme l'autre source de métamorphose, source de re-création de
soi.
La personne schizophrène souffre, quant à elle,
de ne pouvoir être un Soi dans une subjectivité. Kimura aborde
l'Entre comme lieu se situant entre le Soi et le Sujet, lieu dans lequel le Soi
erroné de la personne se serait créé. L'espace
musicothérapeutique peut-il rejoindre le Soi dans cet Entre ?
Si l'on observe attentivement le tableau récapitulatif de
l'aspec
conçu dans ce chapitre, on relève les items
suivants
l'autre, l'émergence de la créativité,
l'espace musical et le temps musical. On comprend qu'il existe un aspect
linéaire e
perception sonore de soi sont premiers, sans eux, il n'existe pas
de conscience l'autre, qui vient en troisième et qui musicalement
appartient à l'espace et au temps musical. Entre eux se faufile ensuite
l'émergence de la créativité. En suivant cette ligne de
pensée, il s'ensuit que la perception sonore de Soi serait la
conscience
conscience musicale correspondrait le Sujet et l'Entre
pourrait
lieu à partir duquel la créativité sonore se
métamorphose en créativité musicale en s'ouvrant au
monde.
De cette réflexion, il en résulte les tableaux
suivants
Processus musicothérapeutique
|
Processus phénoménologique
|
Conscience auditive :
~ la perception sonore de soi
|
Soi : intègre les domaines
· du Moi
· de la conscience
· de l'intériorité psychique
|
Aïda musical :
~ la créativité sonore (instantanée)
~ la créativité musicale (amenée)
~ l'improvisation
|
Aïda ou l'Entre
· le rapport au fond de la vie
· le rapport au monde
|
Conscience musicale :
~ la perception sonore des autres
~ l'espace musical et ses éléments
~ le temps musical et ses éléments
|
Sujet
· le temps comme temps présent
· le corps comme chair
· l'espace comme lieu
· l'autre comme altérité
|
|
CONCLUSION
Il convient à présent de répondre à
l'hypothèse suivante : la créativité en
musicothérapie auprès de personnes schizophrènes
permet-elle une re-création de soi ?
Au regard des différents éléments
théoriques et cliniques amenés, on tend à penser
qu'effectivement, en musicothérapie, les différentes formes de
créativités (instantanée/sonore et amenée/musicale)
permettent une re-création de soi.
Pour les personnes schizophrènes, l'aïda musical
entre ces deux formes de créativités permet le lien entre l'une
et l'autre. Certaines personnes évolueront en traversant cet aïda
musical, ils passeront de la créativité sonore intérieure
vers l'ouverture musicale à l'autre, se transformant. D'autres personnes
se baladeront périodiquement dans cet aïda, dans une confusion
entre soi et l'autre. Et certains se maintiendront dans une conscience auditive
de soi, sans recherche de l'autre. Néanmoins, toutes, par la fulgurance
d'un son, auront connu la re-création de soi, la projection sonore de
soi, une vibration interne jetée dans le monde par
l'intermédiaire de la musicothérapie.
On aurait pu imaginer ce travail différemment,
peut-être moins philosophique et davantage scientifique. Il aurait
été intéressant de compléter le processus
créatif qui amène l'homme à la création, en ayant
pour support les neurosciences.
L'aspect musicothérapeutique et les différentes
techniques amenant à être créatif pourraient, eux aussi,
être davantage développés. L'improvisation et quelques jeux
nommés ici en font partie, mais il en existe d'autres et de nombreux qui
mériteraient d'être cités et exploités.
La complexité du son, de l'acte musical, de l'acte de
créer, du concept de la schizophrénie et de l'apport de la
phénoménologie ne rendent pas ce sujet aisé, et l'auteur,
maniant avec peu de recul des concepts métaphysiques, s'en excuse.
Néanmoins, la théorie amenant à une réflexion
personnelle est un atout quant à une recréation de soi dans sa
pratique quotidienne, et l'auteur en est conscient. Aussi, au sortir de cette
écriture, se sent-elle prête à être créative
et à poursuivre, peut-être différemment, peut-être
exactement à l'identique, son travail en musicothérapie.
EPILOGUE Sans a priori ni jugement
Un homme tomba dans un trou et se fit mal.
Un cartésien se pencha et lui dit : « Vous
n'êtes pas rationnel, vous auriez dû voir ce trou ».
Un spiritualiste le vit et dit : « Vous avez dû
commettre quelque péché ».
Un scientifique calcula la profondeur du trou.
Un journaliste l'interviewa sur ses douleurs.
Un yogi lui dit : « Ce trou est seulement dans ta
tête, comme ta douleur ». Un médecin lui lança deux
comprimés d'aspirine.
Une infirmière s'assit sur le bord et pleura avec
lui.
Un thérapeute l'incita à trouver les raisons
pour lesquelles ses parents le préparèrent à tomber dans
ce trou.
Une pratiquante de la pensée positive l'exhorta :
« Quand on veut, on peut ! » Un optimiste lui dit : « Vous
auriez pu vous casser une jambe ».
Un pessimiste ajouta : « Et ça risque d'empirer !
»
Puis un enfant passa et lui tendit la main pour l'aider
à sortir...
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psychoses. Puteaux : collection phénoménologique, Le Cercle
Herméneutique.
Acquis Partiellement acquis Non acquis
PROJET D'ACTIVITE
Nom : Prenom :
Activite : musicotheraDie
Periode concern& : du au
Objectifs
Obiectif oDerationnel n°1
(résultat mesurable) :
A -- Moyens mis en place :
B -- Criteres de réussite :
C - Synthese de la période (date de la synthese) :
Obiectif opérationnel n°2
(resultat mesurable) :
A -- Moyens mis en place :
B -- Criteres de reussite :
C - Synthese de la p~riode (date de la synthese) :
Acquis Partiellement acquis Non acquis
Remarques générales
Forces et ressources :
1)
2)
3)
Difficultés
1)
2)
3)
Perspectives
La Miolaine, le
Responsable de centre Musicothérapeute
DECLARATION DE PATERNITE
Je soussignée, Aude Cassina, certifie avoir
rédigé ce travail de mémoire sous ma propre
responsabilité, de manière indépendante et sans aide
extérieure.
Vétroz, le 6 novembre 2010 Aude Cassina
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