b) Les considérations politiques
L'histoire politique de l'Afrique est traversée par
plusieurs cas de recours à la violence comme mode d'interaction
politique avec l'autre. Dans ces contextes, « la guerre est un
acte politique, elle surgit d'une situation politique et résulte d'un
motif politique » (Aron, 1962 : 35). Ceci veut dire que
toute crise, toute guerre, résulte de l'incompatibilité des
conceptions, des méthodes et de mécanismes de répartition
et d'exercice du pouvoir, conduisant les belligérants à
rechercher à imposer leur conception par la violence ou la
contrainte.
Il faut cependant préciser que cet état de chose
relève d'une perception erronée de la relation politique, qui
fait du conflit un mode normal du débat politique. L'adversaire
politique ou, du moins, l'opposant dans ce contexte est
appréhendé comme un ennemi à détruire. Cette
perception qui du reste n'est pas spécifique à l'Afrique noire,
trouve sa justification théorique dans les thèses de Simmel G.
(1995 : 19) pour qui le conflit est « l'une des formes de
socialisation les plus actives» et dans les travaux de Karl Schmitt
pour qui l'ennemi est un catégorie normale et même fondamentale de
l'univers politique. En Afrique centrale et dans la période 2000-2008,
cette tendance à la criminalisation de la politique sera perceptible
dans six (Congo, Tchad, RCA, Burundi, RDC et Angola) des huit conflits qui y
seront répertoriés. D'où la conclusion de Mwayila
Tshiyembe (2003 : 10) selon laquelle « la violence
politique est la variable structurelle de la conflictualité qui
ensanglante l'Afrique médiane »
Le recours à la violence comme mode d'accession au
pouvoir est tributaire non seulement des considérations
unilatéralistes et hégémonistes constitutives de
l'imaginaire de la chefferie dans certaines cultures mais aussi de la
prééminence de pratiques telles l'imposition du parti unique, le
recours à la police politique et la restriction des libertés
individuelles. De telles pratiques qui compromettent le dialogue social, seul
exutoire des antagonismes inhérents à toute
société, ne permettent pas d'envisager une alternative
d'expression politique autre que la violence, la révolte et la
rébellion. Dans cette logique, la récurrence de conflits
apparaît être inversement proportionnelle au degré de
participation et d'alternance dans la sphère décisionnelle. En
d'autres termes, plus on participe à l'administration de l'Etat, moins
on a de raisons de se rebeller. Bien plus, des pratiques telles la confiscation
du pouvoir par des procédés non-démocratiques, l'exclusion
d'un groupe des instances décisionnelles, la corruption et le
favoritisme résultent en une marginalisation latente ou manifeste qui ne
laisse aux victimes que l'alternative d'une revendication violente et donc
conflictuelle. Le Pr. Zongola-Ntalaja (2003 :02) analysant la dynamique
des conflits en Afrique centrale fait de la conflictualité dans cette
zone « la conséquence inéluctable de la
résistance des dirigeants autoritaires au processus de
démocratisation dans une conjoncture de crise politique et
économique ». Et Ropivia (2001 :153) de
renchérir : « la pacification de l'Afrique
centrale dépend d'abord de la capacité de ses Etats à agir
sur les deux éléments importants que sont la démocratie et
la décentralisation administrative. ». C'est dire que le
remède à ce niveau consisterait en une pratique
démocratique saine basée sur le respect des droit et
libertés fondamentaux et marquée par la reconnaissance des
spécificités et la pratique d'une gestion participative et
concertée du patrimoine national. Que dire alors de l'influence des
considérations socio-économiques dans la structuration des
guerres ?
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