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Application du modele systeme de depense lineaire sur le riz au benin

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par Djalalou-Dine A.A. Arinloye
Universite d'Abomey-Calavi, FSA/UAC Benin - Ingenieur Agro-Economiste 2006
  

Disponible en mode multipage

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ETUDES DES FACTEURS DETERMINANT LA DEMANDE DU RIZ AU BENIN : UNE ANALYSE PAR UN MODELE SYSTEME DE DEPENSE LINEAIRE (LES)

Djalalou-Dine A.ARINLOYE1, Patrice Y. ADEGBOLA2 Gauthier BIAOU3

1 Institue Internationale d'Agriculture Tropicale (IITA-BENIN) 08 BP: 0932 Cotonou Benin Tel (229) 21 35 01 88, Fax : (229) 21 35 05 56 e-mail : a.arinloye@cgiar.org

2Programme Analyse de la Politique Agricole (PAPA) du Centre des Recherches Agricoles à vocation Nationale basé à Agonkanmey (CRAA) de l'Institut National des Recherches Agricoles du Bénin (INRAB). BP: 128 Porto-Novo, Bénin, Tél: (229) 20212773, e-mail: lesr@intnet.bj

3 Faculté des Sciences Agronomiques (FSA) de l'Université d'Abomey-Calavi (UAC), Département d'Economie, de Socio-Anthropologie et de Communication pour le Développement Rural (DESAC), BP 526 Cotonou, Bénin, e-mail: gbiaou@yahoo.fr

RESUME

Suite aux difficultés d'écoulement du riz local face aux importations de plus en plus croissantes et la nécessité d'identifier des stratégies pour la compétitivité du riz local, la volonté des pouvoirs publics est désormais axée sur l'augmentation des rendements et l'amélioration de la compétitivité du secteur rizicole au Bénin. Ainsi, dans le but d'apporter une plus-value au riz local et de le conformer aux aspirations des consommateurs, la présente communication a utilisé le modèle Système de Dépense Linéaire (LES) pour analyser les facteurs déterminant la préférence et la motivation des consommateurs pour le riz importé et proposer des approches de solutions ou des mesures alternatives idoines au renversement de la tendance. Pour y parvenir, des données aussi bien quantitatives que qualitatives ont été collectées auprès d'un échantillon de 233 consommateurs (trices) repartis dans deux départements du Bénin (Collines et Littoral). La taille des ménages enquêtés varie de une (1) à 14 personnes avec une moyenne de 5,42 (2,29) personnes. L'âge des chefs de ménage enquêtés varie de 17 à 83 ans avec une moyenne de 37 (12,15) ans. Le riz local est très peu connu en zone urbaine (2,6%). Il ressort des résultats que les facteurs déterminant la demande du riz local sont significativement différents de ceux du riz importé. Aussi les attributs favorables à la demande du riz importé (absence de corps étrangers, arôme, blancheur, taux de brisure, cohésion des grains après cuisson et disponibilité du riz toute l'année) sont-ils généralement défavorables pour le riz local. L'étude conclut que de grands efforts restent à mener pour corriger cette défaillance. Ainsi, toute action pour la promotion de la filière riz doit être orientée vers l'amélioration des techniques post-récoltes.

Mots clés : Déterminants, Demande, Attributs, Riz local, Riz importé, Bénin.

ABSTRACT

Facing the problem of out-flows of the local rice, and the necessity to identify strategies for its competitiveness, the new agricultural politics is centred on the increase of outputs and the improvement of the rice sector competitiveness in Benin. Thus, in the goal to bring an increment to the local rice and to conform it to the longing of consumers, the present paper uses the Linear Expense System model to identify and analyze factors determining the preference and the incentive of consumers for the imported rice and to propose solutions to the reversing of the tendency in favour of the local rice. To reach this goal, quantitative and qualitative data have been collected with 233 household left in two departments of Benin (Collines and Littoral). The size of households investigated varies between one (1) and 14 people with an average of the 5.42 (2.29) people. The age of household head varies between 17 and 83 years old with an average of 37 (12.15). The local rice is hardly known in urban zone (2.6%). The results indicate that factors determining the demand of the local rice are significantly different from those determining the demand of rice imported. Therefore, favourable attributes to the demand of imported rice (waste products absence, whiteness, milling rate, cohesion of grains after cooking and the availability of rice all the year round) are generally unfavourable for the local one. The survey concludes that all action for the promotion of the local rice must be oriented toward post-harvests techniques improvement.

Key words: Determinants, Demand, Attribute, Local rice, Imported rice, Benin.

1-INTRODUCTION

Troisième céréale mondiale après le blé et le maïs, avec environ 590 millions de tonnes de paddy en 2003 (Abiassi, 2006), le riz est la principale denrée alimentaire de près de la moitié de la population mondiale. Il contribue à plus de 20% à la fourniture mondiale en calorie consommée. Plus de deux (2) milliards d'habitants en Asie y tirent 80% de leur calorie (FAO, 2001). D'après les travaux réalisés par Adégbola et Sodjinou (2003), l'Egypte est le premier pays africain producteur de riz. Il est suivi du Nigeria et du Madagascar (FAO, 2000).

Au Bénin, la consommation moyenne de riz par tête et par an est de 6 à 20 kg en zones rurales et de 10 à 30 kg en zones urbaines. La quantité totale consommée chaque année est en pleine évolution et est de l'ordre de 68.161 tonnes en 2001. Avec l'hypothèse que cette demande ira en s'accroissant avec entre autre l'urbanisation galopante, le besoin national en riz sera de 110.812 tonnes en 2010 et 132.750 tonnes en 2015 (ADRAO, 2004). Malgré les énormes potentialités rizicoles dont dispose le Bénin la production nationale ne couvre pas les besoins en consommation de riz de la population. En effet, selon Verlinden et Soulé (2003), le Bénin aurait un potentiel de plus de 322.000 ha de terres rizicultivables, dont 205.000 ha de bas-fonds et 117.000 ha de plaines inondables. Moins de 8% de ce potentiel sont actuellement exploités. Les quantités importées de riz ont évolué de 129.011 tonnes en 1996 à 236.563 tonnes en 2004 (MAEP, 2005b). Notons qu'une partie du riz importé est réexportée vers les pays de la sous-région. En effet, en moyenne on remarque que de 1995 à 2000, 73% du riz importé était destinée au Bénin, 23% au Niger, le reste étant officiellement en transit vers le Nigeria, le Tchad, le Burkina-Faso et le Togo (Gounsé, 2004). Par ailleurs, plusieurs études faites sur la filière riz au Bénin se sont beaucoup focalisées sur les facteurs déterminant l'offre de riz sur les différents marchés. Ces études ont occulté pour la plupart le fait que l'offre d'un produit peut également être influencées par la demande exprimée par le consommateur. Ainsi, la faible production du riz au Bénin peut être majoritairement expliquée par le découragement progressif des producteurs du riz local face à l'importation d'un riz de haute qualité.

Il se pose alors un problème de compétitivité relative du riz local par rapport au riz importé en terme de qualité de l'offre, du coût de production et du coût post récolte, de même que des techniques post récoltes pour une meilleure qualité du riz local.

Il devient donc impérieux de se poser les questions de savoir : quels sont les facteurs déterminant le choix du consommateur entre le riz importé et le riz local ? Qu'est-ce qui justifie l'orientation des consommateurs vers le riz importé ? Quelle amélioration faudrait-il envisager aussi bien au niveau de la production qu'au niveau de la post-récolte pour réduire le rapport qualité prix du riz local ? Cet article se propose donc de trouver des réponses pour ces interrogations à travers une étude comparative des facteurs déterminant la demande du riz local et du riz importé au Bénin. Il s'agit donc d'étudier et de relever les aspects liés à la préférence des consommateurs.

L'article comporte, outre l'introduction (section 1), les méthodes de collecte et d'analyse utilisées (section 2) les résultats et discussions (section 3), et pour finir les conclusions et les grandes implications (section 4).

2. APERCU SUR LA FILIERE RIZ AU BENIN

2-1- La production locale de riz

Le Bénin occupe une position relativement marginale dans la production de riz en Afrique de l'Ouest. En effet, la production de riz au Bénin ne représentait que 3,15 % de la production totale de riz en Afrique de l'Ouest (Annexe n°1).

Les superficies rizicultivées sont passées de 14 233 ha en 1997 à 28 787 en 2002 avant de chuter à 23 440 ha en 2003 (Abiassi, 2006). Elles sont actuellement de 29759 ha (ONASA, 2006). Dans le même temps, la production de riz est passée de 26 891 tonnes en 1997 à 73 003 tonnes en 2006 (Voir Annexe n°2).

En dépit des performances observées aussi bien au niveau des emblavures que des rendements, la production locale est loin de couvrir les besoins de la population en consommation du riz estimés de 15 à 20 kg par an par tête d'habitant. Pour une population d'environ 2 millions d'habitants en 1960, la demande est estimée à plus de 30 000 tonnes de riz et en 2003, pour une population de 6,7 millions d'habitants, la demande est estimée à 80 000 tonnes. Ainsi, de 24 500 tonnes de déficit dans les années 1960 on arrive à un déficit de plus de 50 000 tonnes en 2003. Ce déficit chronique du solde vivrier national en riz ouvre la porte aux importations.

Figure n1 : Evolution de la superficie emblavée et de la production du riz au Bénin de 1995 à 2006

Source : Abiassi, 2006 et ONASA, 2006

L'analyse de la figure n°1 montre que les superficies emblavées et la production évoluent de façon parallèle de 1995 jusqu'à nos jours. Cette évolution est croissante tout au long de la période à l'exception de l'année 2005 où la production et la superficie emblavée ont connu une chute passant respectivement de 70 0000 tonnes et 33 000 hectares en 2004 à 64 668 tonnes et 24721 hectares en 2005. Cette diminution de production est loin d'être due uniquement aux problèmes climatiques. Elle serait le résultat d'un désintéressement des riziculteurs face aux importations massives de riz de bonne qualité dans le pays. Cependant, les actions incitatives des institutions d'appui à la recherche agricole (nationales et para- étatiques) justifieraient la dernière augmentation observée dans la production du riz au Bénin.

2-2- Les importations commerciales de riz au Bénin

En dépit de l'évolution remarquable observée dans la production de riz ces dernières années, le Bénin n'a pas encore atteint l'autosuffisance alimentaire en riz. La présence du riz local dans les grands centres de consommation est marginale et ne représente que 10 à 15% des importations de riz (Abiassi, 2006). Ainsi pour combler le déficit du solde vivrier, le Bénin a recours chaque année aux importations par le biais des entreprises importatrices dont cinq mobilisent la quasi-totalité des quantités importées. Il s'agit de SHERIKA, ABC, SONAM, DIFEZI et TUKIMEX qui agissent comme des oligopoles régionaux avec une forte influence sur les prix.

Les importations commerciales du riz au Bénin proviennent des pays asiatiques (Inde, Chine, Pakistan, Japon, Thaïlande, Viêtnam, Hong-Kong, etc.), des pays européens (Espagne, France, Danemark, Italie, Royaumes Unis, Belgique etc.), des Etats-Unis d'Amérique et de certains pays africains (Côte d'Ivoire, Togo, Egypte, etc.). Les différents types de riz importés sont le riz non décortiqué (paddy), le riz décortiqué (cargo ou brun), le riz semi blanchi et le riz brisé. Le Bénin importe globalement une cinquantaine de marques de riz qu'on peut répertorier en trois grandes catégories en tenant compte des critères de la douane à savoir :

- la couleur, (riz blanc ; riz jaune ou riz étuvé) ;

- le parfum ;

- les taux de brisures (5%, 10%, 15%, 30 % etc.).

Selon les données de la douane, la première catégorie représenterait 80% des volumes de riz importé en 2000 et 2001 contre moins de 15 % pour le riz en brisures. Les enquêtes conduites en Février 2003 par le LARES ont permis de dénombrer sur le marché de Cotonou, porte d'entrée des importations, la présence de 55 différentes marques de riz pour un éventail de 12 qualités.

Il est important de noter qu'en 2000, les importations commerciales faisaient encore plus du double de la production nationale en volume. Pire encore, à partir de la même année, on constate une croissance progressive du niveau des importations d'environ 48% en volume et de 60% en valeur par an en moyenne. Les dépenses d'importation sont passées d'environ 12 millions de dollars à 20 millions de dollars entre 2000 et 2002. En somme, la tendance observée pour les importations du riz au Bénin n'est pas loin de celle observée pour les exportations au niveau international. De manière précise, le premier exportateur de riz (la Thaïlande) sur le plan mondial est aussi le premier fournisseur du Bénin.

2-3- La réexportation du riz au Bénin

En dehors des importations supposées être destinées à la consommation sur le territoire national, le Bénin constitue aussi une zone de transit par excellence. En effet, un volume non négligeable du riz transite par le Bénin à destination des pays voisins (Burkina Faso, Nigeria, Niger, Togo). Les statistiques de la réexportation doivent être considérées avec une grande prudence compte tenu de la perméabilité de nos frontières et donc du volume important des transactions avec le Nigeria qui échappent aux statistiques officielles. Si les flux de réexportation vers le Nigeria ont représenté en 2001 près de 50 000 tonnes, ils sont loin des volumes réexportés au milieu des années 1990 où ils pouvaient atteindre 300 000 tonnes.

D'une manière générale, trois principaux facteurs sont à la base de la réexportation de produits tels que le riz en direction du Nigeria :

- tout d'abord, les divergences dans les politiques commerciales (surtout tarifaires) entre le Nigeria et le Bénin ;

- ensuite, les volumes importés directement au Nigeria sont parfois insuffisants pour faire face à la demande nationale ;

- enfin, les limitations d'offre de devises, notamment de dollars, peuvent inciter les commerçants à acheter au Bénin en ayant recours au marché parallèle des changes.

Ainsi, la réexportation du riz en direction du Nigeria est la conséquence principale de la divergence des politiques commerciales adoptées dans les deux pays frontaliers. La mise en oeuvre de politiques douanières différenciées crée ainsi des opportunités d'arbitrage pour les commerçants au Nigeria. En effet, les taxes douanières sur le riz au Nigeria sont passées de 100% en 1995 à 50% en 20001(*) entraînant ainsi une baisse de la demande auprès des importateurs béninois. Néanmoins, il faudrait relativiser cette analyse en tenant compte de la lenteur des opérations de déchargement au port de Lagos, de l'insécurité (coût élevé des assurances) et des difficultés d'accès aux devises pour les opérateurs Nigérians. De plus, la vente de riz est souvent couplée avec l'achat de produits manufacturés venant du Nigeria. Il y a donc des intérêts commerciaux de part et d'autre de la frontière bénino-nigeriane qui incitent au maintien des flux commerciaux (importation/ réexportation).

Les statistiques sur les échanges de riz au Bénin sont présentées dans le tableau1.

Tableau 1 : Statistiques sur les échanges de riz au Bénin de 1994 à 2004 en tonnes

Années

Importations au Bénin

Réexportation par le Bénin

1994

213622

50713 (24%)

1995

171919

42666 (25%)

1996

165136

61618 (37%)

1997

86798

50193 (58%)

1998

47012

34893 (74%)

1999

73612

28385 (33%)

2000

72743

23803 (33%)

2001

88286

43441 (49%)

2002

124184

ND

2003

202854

ND

2004

476488

ND

Source: Port Autonome de Cotonou 2006 ND=non disponible

2-4- Les dons de riz

Au Bénin, la demande de consommation de la population en riz ne cesse de s'accroître. En effet, la consommation du riz rentre progressivement dans les habitudes alimentaires des ménages ruraux et urbains dépassant annuellement 14kg par habitant en moyenne. Dans le même temps, l'essor démographique galopant (3,25% par an) amplifie la demande domestique estimée à plus de 80.000 tonnes en 2003 contre une production locale de 54 183 tonnes2(*) la même année. Il s'en suit alors un déficit alimentaire chronique. Ce déficit est comblé par les importations dont une partie est constituée par les dons et les aides alimentaires provenant essentiellement des gouvernements japonais et américains. Ces dons du riz dont les objectifs principaux sont supposés réduire le déficit alimentaire en riz et lutter contre la pauvreté ne sont pas sans incidence sur le développement de la riziculture locale et sur les conditions de vie des producteurs béninois.

ü Le don japonais

· Historique et importance

Le don japonais du riz en République du Bénin date de plus de deux décennies. Il trouve son origine dans une période de sécheresse ayant entraîné une pénurie alimentaire au Bénin dans les années 80. Depuis, même si la situation alimentaire du pays est redevenue normale, le système a été pérennisé sous réserves d'autres critères. L'Etat japonais signe avec l'Etat béninois la remise d'un certain volume de riz correspondant à la valeur du don divisé par les cours du riz sur le marché international. Il s'agit d'un don numéraire équivalent à environ 200.000.000 Yen. Les quantités varient donc d'une année à une autre selon les prix mondiaux du riz et selon les cours du Yen.

La quantité offerte varie d'une année à l'autre et ne tient compte ni des importations commerciales ni de la production locale. En 2002 par exemple, le don japonais représentait à lui seul 7,5% des importations commerciales et 12,25% de la production locale. Les recettes issues des ventes ne sont pas négligeables mais elles sont en baisse. En 2002, elles s'élevaient à 1.102.492.783 FCFA, tandis qu' en 2004 elles ne sont plus que de 546.358.749 FCFA (CCR et REDAD-VECO, 2006).

Figure n°2 : Evolution des dons du riz japonais au Bénin

Source : CCR et REDAD-VECO, 2006

· Gestion des dons de riz japonais

Pour la livraison du produit, le gouvernement béninois établit en collaboration avec le gouvernement japonais un cahier de charges soumis à un appel d'offre international auquel seules les sociétés japonaises peuvent postuler. La marchandise est délivrée en une seule cargaison, chargée par la SOBEMAP. Au Bénin, le don est supervisé par un comité inter-ministériel composé par les ministères du commerce, de l'agriculture, des affaires étrangères, du plan, de la famille, de l'intérieur et des finances. Il s'agit d'une commission de la gestion des dons présidée par le ministre du commerce. Elle est créée par décret et amendée le 30 Décembre 2004. Elle reçoit les dons, propose le prix de cession et la formule de répartition, suit la distribution et rend compte au gouvernement.

Ainsi, le riz donné à l'Etat béninois doit être vendu. Il est distribué sur toute l'étendue du territoire y compris dans les zones de production. La distribution est assurée par la Centrale COOP et l'ONASA depuis 1996, chacune dans une zone bien délimitée. En 1996, la répartition du riz était de 60% pour la centrale COOP et de 40% pour l'ONASA. Mais depuis quelques années, la répartition est équitable entre les deux structures. Rappelons que la Centrale COOP est une structure privée dont la fonction centrale est la distribution des produits alimentaires tandis que l'ONASA est une institution étatique relevant du ministère de l'agriculture. Les deux structures soumettent un projet de répartition et un prix de cession à la commission de gestion des dons et aides alimentaires que le Conseil des Ministres étudie. Ce prix est fixé en tenant compte du prix du marché de riz le plus bas et le plus consommé par la population.

Le prix de cession du riz donné est généralement fixé au minimum au deux tiers (2/3) du prix FOB et à un maximum non loin de ce seuil. Ainsi, le prix varie de 4 500 à 5 000 FCFA pour le sac de 30 Kg. Ce prix supposé unique varie cependant légèrement d'une zone à une autre. Avec la décentralisation, un comité d'orientation et de gestion du riz japonais est installé au niveau local. Ce comité est présidé par le Maire et a pour membres le responsable du CeRPA, le responsable des affaires sociales, un représentant de l'association du développement, une représentante des femmes, le chef de la brigade ou le commissaire, un représentant de l'ONASA ou de la Centrale COOP. Les revenus tirés de la vente sont regroupés dans un compte spécial.

Selon Verlinden et Soule (2003), le don japonais est distribué à un prix largement en dessous de celui du riz local. En Octobre 2003, il a été distribué dans le département des Collines à un prix inférieur de 40% au prix du riz produit dans cette région. De même, en 2004 sur le marché de Natitingou, le riz issu du don japonais a été distribué à un prix d'environ 175FCFA/Kg contre 225FCFA/Kg pour le riz local. Ce don étant exonéré des taxes à l'importation, il agit comme un concurrent de taille du riz local.

ü Le don américain

· Historique et importance

A l'instar du Japon, les Etats Unis apportent une assistance alimentaire en riz à la République du Bénin. En plus du riz, l'huile comestible, le blé et la farine de blé sont également importés. C'est le Catholic Relief Services (CRS) qui en assure la gestion. La structure s'est implantée au Bénin depuis 1958. Pour ce qui concerne le riz, l'assistance alimentaire comporte deux volets à savoir la distribution alimentaire et la monétisation (vente de vivres). Si le programme de distribution alimentaire date de plusieurs décennies, celui de la monétisation n'a commencé qu'en 2001 pour une durée de cinq (5) ans.

Pour chacune des deux composantes, les volumes importés varient très faiblement d'une année à l'autre. La distribution alimentaire s'élève à environ 500 tonnes par an. S'agissant de la monétisation, l'opération s'effectue sur toute l'année. Son volume moyen est de 9000 tonnes par an. La totalité de ces importations (monétisation et distribution alimentaire) faisait près du tiers de la production nationale en 2000.

· Gestion des dons de riz américain

Les bénéficiaires du programme de distribution alimentaire sont principalement les écoles sous formes de cantines scolaires destinés à assurer la fréquentation de l'école par les enfants et à limiter les déperditions au cours du cursus scolaire. Quant à la monétisation des vivres reçus en aide, elle constitue un mécanisme de satisfaction des besoins de fonds pour la réalisation des objectifs de développement et un moyen de développement des capacités des entreprises locales. Ainsi, les bénéficiaires sont les sociétés, les associations et les groupements. Pour la vente, le CRS lance un appel d'offre et c'est la structure la plus offrante qui est retenue. On en déduit que la gestion des aides alimentaires américaines est entièrement sous le contrôle du CRS.

ü Impact des dons et aides alimentaires sur la riziculture locale

La monétisation des vivres reçus en aide constitue un mécanisme de satisfaction des besoins de fonds pour la réalisation des objectifs de développement et un moyen de développement des capacités des entreprises locales. Ainsi, les bénéficiaires sont les sociétés, les associations et les groupements les plus offrants. Pour chacune des deux composantes, les volumes importés varient très faiblement d'une année à l'autre. Ces dons et aides alimentaires contribuent à combler le déficit alimentaire en riz de la population. Cependant, leur incidence sur la population agricole en particulier et sur le développement du Bénin en général est loin d'être négligeable. En effet, les risques et incidences à court et à long terme sont nombreux. Ils se présentent comme suit :

A court terme

o Discrimination sociale car un petit nombre de personnes s'accaparent de la plus grande quantité qu'ils revendent sur les marchés urbains et régionaux ;

o concurrence déloyale du don du riz vis-à-vis du riz local. En effet, le don du riz est plus compétitif que le riz local car il coûte deux fois moins cher que le riz local et il est vendu à un prix inférieur au coût de production du riz local qui est de 158 F/Kg ;

o manque de débouchés à l'intérieur pour l'écoulement du riz local ;

o mévente de la part des producteurs nationaux ;

o bradage du riz local par les producteurs ;

o baisse des revenus des producteurs et productrices qui s'adonnent particulièrement à cette culture ;

o manque de volonté pour l'investissement dans la filière ;

o détérioration des conditions de vie des populations rurales.

A long terme

o Découragement des riziculteurs ;

o découragement des efforts accomplis par les projets et programmes de développement de la filière riz dont les effets risquent d'être négligeable voire nul sur la vie des producteurs ;

o baisse de la production locale du riz et des revenus des producteurs ;

o faible valorisation des potentialités rizicoles existantes ;

o insécurité alimentaire due à l'incapacité du Bénin à faire face à la demande locale en cas de suspension soudaine des dons et aides ;

o augmentation du degré de dépendance du Bénin voire une souveraineté nationale hypothéquée durablement ;

o agrandissement des inégalités entre les hommes et les femmes car les femmes tirent une bonne partie de leurs revenus à partir de la riziculture ;

o faible diversification agricole avec comme conséquence le renforcement de la dépendance du pays à l'égard de la monoculture ;

o problème sanitaire car la plupart des aides et dons alimentaires sont constitués de réserves alimentaires datant de plusieurs années et pourraient être de qualité douteuse ;

o élargissement du déficit de la balance commerciale et donc un produit intérieur brut de plus en plus faible.

2. METHODES

2.1. Méthode de collecte des données

Les données de cette étude ont été collectées en trois phases. Lors de la première phase, les données secondaires ont été collectées dans plusieurs centres de documentation de différentes structures spécialisées notamment la Faculté des Sciences Agronomiques (FSA), le Programme Analyse de la Politique Agricole (PAPA), l'Institut National des Recherches Agricoles du Bénin (INRAB), le Ministère de l'Agriculture et de la Pêche (MAEP), l' Office National d'Appui à la Sécurité Alimentaire (ONASA), l'Institut National de la Statistique et de l'Analyse Economique (INSAE), l'Institut International d'Agriculture Tropicale (IITA) et le Centre de Riz pour l'Afrique (ADRAO). Des discussions ont eu lieu avec des personnes ressources de ces structures sur leurs visions du développement de la filière riz au Bénin. La deuxième phase était la phase exploratoire. Au cours de celle-ci, les sites d'enquête ont été identifiés sur la base d'un certain nombre de critères tels que l'existence de marchés périodiques (urbains ou ruraux) de commercialisation du riz, de commerçants et d'importateurs du riz. Les consommateurs devant faire partie de l'échantillon ont été également identifiés. Aussi la typologie et la catégorisation des consommateurs ont-ils été faites. Un pré-test réalisé à partir d'un questionnaire élaboré suivant les objectifs consignés dans la proposition de recherche a permis de relever les insuffisances dudit questionnaire. La troisième phase de collecte est la phase d'enquête proprement dite. Cette collecte a été effectuée à l'aide des enquêtes sous forme d'entretiens structurés, semi-structurés et non structurés auprès des consommateurs et commerçants aussi bien du riz local que du riz importé. Au total, 233 ménages dont (119) dans la commune de Glazoué et (114) dans la commune de Cotonou ont été enquêtés comme l'illustre le tableau 2.

Tableau 2. Répartition des consommateurs de riz enquêtés par localité

Département

Milieu

Commune

Villages/

quartiers de ville

Effectif d'enquêtés

TOTAL

Collines

Rural

Glazoué

Sowé

39

119

Ouèdèmè

39

Ayédéro

41

Littoral

Urbain

Cotonou

Vossa Agongbo

41

114

Sainte-Rita

39

Cadjèhoun

34

TOTAL

233

Source : Enquête Cotonou-Glazoué, Juillet-Août 2006

2.2. Méthode d'analyse

La méthode d'analyse utilisée, dans le but d'atteindre les objectifs fixés par cette étude, est essentiellement quantitative. Toutefois, elle a été complétée par la méthode qualitative dans le but de pouvoir expliquer certains faits d'ordre institutionnel et socioculturel.

2.2.1. Modèle théorique

La statistique descriptive telle que les fréquences, les paramètres de position (moyenne arithmétique), de dispersion (écart-type), a été utilisée pour décrire les caractéristiques socio-économiques des ménages enquêtés et de quelques paramètres de la demande.

Modèle Système de Dépense Linéaire (LES)3(*)

Le LES est l'un des modèles les plus fréquemment utilisés dans les analyses empiriques de la demande Sadoulet et Janvry (1993). Il dérive de la fonction d'utilité de Stone-Geary qui se présente comme suit :

ou

Avec : 0 < < 1 ;  ; > 0 ; et > 0.

Les c sont interprétés comme les quantités minimales de subsistance en dessous desquelles la consommation ne peut descendre. Les fonctions de demande dérivant de la maximisation de cette fonction d'utilité sous une contrainte budgétaire constitue le LES :

, i = 1,...., n. (1)

Pi et qi représentent respectivement le prix et la quantité du bien i alors que y représente la dépense totale.

Dans cette formule, les b sont les parts du budget marginal, qui explique comment changent les dépenses avec la variation du revenu. est la dépense de subsistance et le terme est généralement interprété comme un « uncommitted or supernumerary  income». Il s'agit d'un revenu pour lequel les dépenses sont faites dans des proportions fixes bi entre les produits.

On déduire de l'équation (1), l'expression de LES relative à la quantité demandée comme suit :

La forme fonctionnelle de ce modèle utilisée dans la présente étude est dérivée de celle proposée par Van Der Gaag et Smolensky (1980) qui se présente comme suite :

i=1,....Z et j=1, ....N

qi est la quantité de bien i demandée ;

y est le revenu de ménage, et

h est vecteur des caractéristiques du ménage.

ki est vecteur des caractéristiques du bien i, et

ci les coefficients à estimer.

La non pris en compte du prix du bien dans cette forme fonctionnelle se justifie par le fait que nous ne disposons que de données transversales et par conséquent les consommateurs feront face au même prix pour chaque bien considéré au cours d'une même période comme le confirment Van Der Gaag et Smolensky (1980).

Il est reconnu qu'en absence de variation du prix, une vraie estimation du modèle de demande est difficile (Muellbauer, 1974). Pour surmonter cette difficulté Kakwani (1977) a proposé l'introduction des caractéristiques du ménage dans le système de la demande pour estimer le LES.

2-2-2. Modèle empirique

Dans le but d'estimer les facteurs déterminant aussi bien la demande du riz dans la zone d'étude et de façon spécifique, mesurer l'impact du revenu du ménage, des caractéristiques socio-démographiques et des attributs du produit sur la quantité de riz consommée dans le ménage, le modèle LES «Linear Expenditure System» a été estimé. La spécification de ce modèle déduite modèle théorique développé dans la section précédente se présente comme suit :

QANTOTi1 est la quantité totale en kg de riz consommée dans le ménage i au cours de l'année 2005 (toute catégories de riz confondues). QANTOTi2 et QANTOTi3 représentent respectivement la quantité totale de riz local et de riz importé en kg consommée par le ménage i au cours de l'année 2005. Il s'agit des variables continues incluses sous forme logarithmique dans le modèle.

La justification, les modalités et les signes prédits pour chaque variable indépendante dans les différents modèles se présentent comme suit :

DISPO indique la disponibilité sur le marché en toute période de l'année. Il s'agit d'une variable muette prenant la valeur 1 lorsque le riz est disponible durant tout l'année et la valeur 0 si non. L'hypothèse est que plus le riz est disponible sur le marché, plus la quantité consommée va augmenter. On s'attend donc à une corrélation positive entre cette variable et la quantité de riz consommée dans le ménage.

ATRIBni représente une série de variables explicatives relatives aux différents attributs du riz tels que : la l'absence de corps étrangers (ATRIB1), la blancheur (ATRIB2), le taux de brisure (ATRIB3), la cohésion des grains après cuisson (ATRIB4), le goût (ATRIB5), et la capacité de gonflement(ATRIB6).

ATRIB1 : cette variable dichotomique prend la valeur 1 en cas d'absence de corps étrangers et 0 si non. La propreté du riz faisant partir des critères de compétitivité du riz sur le marché (Adégbola et Sodjinou, 2003), nous supposons que les riz dépourvus de corps étrangers seront plus compétitifs sur le marché et seront vendus plus chers. Ainsi, cette variable est supposée avoir une relation positive avec l'aptitude des consommateurs à payer ce type de riz.

ATRIB: cette variable binaire prend la valeur 1 pour le riz de couleur blanche et 0 sinon. Nous pensons que le riz de couleur blanche est plus attractif qu'un riz de toute autre couleur. Il sera donc vendu beaucoup plus cher que les autres. Cette variable est supposée avoir une relation positive avec l'aptitude des consommateurs à payer cher un type de riz ayant cette caractéristique.

ATRIB3 : il s'agit également d'une variable binaire prenant la valeur 1 pour le riz vendu brisé et 0 sinon. Cette variable peut influencer positivement ou négativement la détermination des consommateurs étant donné qu'on peut retrouver parmi eux certains préférant le riz brisé pour la préparation des types de repas donnés et d'autres ne préférant que les riz entiers.

ATRIB4: cette variable prend la valeur 1 pour un type de riz collant après cuisson et 0 dans le cas contraire. Elle peut influencer positivement ou négativement l'aptitude du consommateur à payer cher le riz ayant cette caractéristique, laquelle aptitude pouvant varier selon les mets qu'il aimerait préparer.

ATRIB5 : il s'agit ici du goût du riz tel qu'apprécié par le consommateur. Cette variable prend la valeur 1 lorsque le consommateur l'apprécie de bon et 0 dans le cas contraire. Le bon goût faisant partie de la bonne qualité, un coefficient positif est donc espéré pour cette variable dans le modèle hédonique.

ATRIB6 : cet attribut correspond à la capacité de gonflement du riz. Il prend la valeur 1 pour les riz à bonne capacité de gonflement et 0 sinon. Lorsqu'on considère la capacité de gonflement comme critère de qualité du riz, on pourrait s'attendre à une corrélation positive entre cette variable et la volonté des consommateurs à payer cher pour bénéficier les avantages de cet attribut.

CASODri représente une série de caractéristiques socio-économiques du ménage telles que : revenu net (net income) du ménage i au cours de l'année 2005 (CASOD1), la taille du ménage (CASOD2) et le sexe du chef de ménage (CASOD3).

CASOD1: représente le revenu net investi dans le ménage durant l'année 2005. Il s'agit d'une variable continue mesurée en FCFA qui prend en compte toutes les sources de revenu du ménage. Ce revenu est le résultat de la différence entre le revenu brut du ménage et les dépenses effectuées au cours de la même période. Elle est incluse dans les modèles sous forme logarithmique. Plusieurs études ont montré que plus le revenu de ménage augmente, plus le ménage sera disposé à investir dans l'achat des biens consommables et plus il sera disposé à consommer les produits de bonne qualité. En conséquence on espère un signe positif pour le coefficient de cette variable

CASOD2 : Cette variable continue indique le nombre de personnes vivant dans le ménage. Elle est introduite dans les modèles sous forme logarithmique. Il est prouvé que plus la taille du ménage est élevée, moins sera le revenu par membre du ménage et moins il sera apte à consommer du riz quantitativement et qualitativement. Nous espérons donc une relation négative entre cette variable et la quantité de riz consommée.

CASOD3 : il s'agit du genre du chef de ménage. Cette variable prend la valeur 1 lorsque le chef de ménage est un homme et 0 lorsqu'il s'agit d'une femme. Dans le modèle (A) cette variable peut être corrélée positivement ou négativement avec la quantité de riz consommée.

Avant la spécification du modèle, il convient de faire une analyse de corrélation entre les variables indépendantes qui sont incluses dans le modèle. En effet, la multicolinéarité a plusieurs conséquences dont par exemple, l'obtention des coefficients imprécis et instables. Cette instabilité peut même conduire à des signes pervers. Pour réduire ces effets, les variables ont été sélectionnées de manières à avoir des variables peu corrélées (Annexe3). Le coefficient de corrélation le plus élevé est de 0,34.

3. RESULTATS ET DISCUSSIONS

3-1-Caractéristiques socio-économiques des ménages étudiés

* Taille de ménage et âge des chefs de ménage

Le tableau 4 présente la description statistique de la taille des ménages de même que l'âge moyen des personnes enquêtées. L'analyse de ce tableau montre que la taille des ménages enquêtés varie entre une (1) et 14 personnes avec une moyenne de 5,42 (2,295) personnes.

A Cotonou la taille de ménage varie entre deux (2) et 11 personnes avec une moyenne de 5,122 (#177;1,911) contre 5,735 (#177;2,598) à Glazoué.

L'âge des chefs de ménage enquêtés varie entre 17 ans et 83 ans avec une moyenne de 37 (12,153) ans dans tout l'échantillon. Cette moyenne est de 39,198 (#177;11,759) ans à Glazoué et de 34,904 (#177;12,709) ans à Cotonou.

Tableau 4 taille de ménages et âge des personnes enquêtées

 

Taille des ménages

Age des enquêtés

 

Glazoué

Cotonou

Total

Glazoué

Cotonou

Total

Effectif

119

114

233

119

114

233

Minimum

1

2

1

19

17

17

Maximum

14

11

14

80

83

83

Moyenne

5,735 (2,598)

5,122

(1,911)

5,4249 (2,295)

39,198

(11,759)

34,904

(12,709)

37,33

(12,153)

Source : Enquête Cotonou-Glazoué, Juillet-Août 2006. ( )  = écart-types

*Types de riz généralement consommés dans les ménages enquêtés

La répartition des personnes enquêtées suivant le type de riz généralement consommé est illustrée par la figure 3. L'observation de cette figure permet de constater que dans la commune de Glazoué, 69% des enquêtés consomment le riz importé alors que 89% de ces enquêtés préfèrent le riz local. Parmi ceux-ci, 58% consomment indifféremment les deux types de riz.

Dans la commune de Cotonou, 89% des enquêtés consomment le riz importé. Seulement 3% d'entre eux reconnaissent et consomment le riz local.

Il s'ensuit donc que, la majorité des enquêtés ont une très forte préférence pour le riz importé aussi bien dans la zone rurale que la zone urbaine.

En outre, à la question de savoir si leurs besoins global en riz (local et/ou importé) sont couverts toute l'année, 97% des enquêtés ont répondu par l'affirmative. Autrement dit, ces derniers arrivent à trouver d'une manière ou d'une autre du riz au moment nécessaire pour couvrir leur besoin.

Il est à noter que dans la commune de Glazoué, en cas de manque de riz local pour la consommation, les enquêtés font recours soit au riz importé toujours disponibles sur le marché soit à d'autres types de nourritures. A Cotonou par contre, le riz local reste quasiment inconnu (reconnu seulement par 3% des enquêtés). Les consommateurs affirment avoir toujours du riz importé en permanence sur le marché, le seul problème reste les moyens financiers.

Figure n°3 : Répartition des enquêtés suivants le type de riz généralement consommé

Source : Enquête Cotonou-Glazoué, Juillet-Août 2006

3-2-Facteurs déterminant le demande riz chez les consommateurs

Ce paragraphe se focalise sur l'analyse les différences potentielles pouvant exister entre les déterminants de la demande du riz local et du riz importé. Pour tester cette différence, le Chow test a été exécuté4(*) pour tester l'hypothèse nulle selon laquelle il n'existe aucune différence entre les coefficients des variables du modèle relatif au riz local et celui relatif au riz importé ( avec respectivement et les coefficients à estimer dans le modèle du riz local et celui du riz importé). Ce test se base principalement sur la comparaison de la Somme des Carrés des Ecarts (SCE) du modèle global à la somme des SCE issues des modèles des deux autres sous groupes.

Etant donnée que les variables explicatives introduites dans les trois modèles estimés sont identiques et que le test d'absence multicolinéarité a été effectué (voir matrice en annexe 3), un Wald test n'est plus nécessaire (Greene, 2003). Aussi les valeurs de R²ajusté égales à 0,34 ; 0,29 et 0,22 montrent-elles respectivement que 34%, 29% et 22% des variations de la quantité totale, de la quantité du riz local et celle du riz importé sont expliquées par les variables introduites dans les trois modèles (tableau 6-1). Il existe donc d'autres variables (certainement d'ordre socio culturel) non prises en compte dans le modèle.

Le Chow test donne un F (11 ; 229) égal à 4,27 supérieur à la valeur critique de 2,35 (donnée par la table de distribution des F SNEDECOR (Dagnelie, 1998)). Ainsi, l'hypothèse Ho de l'identité des coefficients des variables dans les deux sous groupes est rejetée5(*) au seuil critique de 1%. Il existe donc une différence significative entre les facteurs déterminant la demande du riz local et ceux déterminant la demande du riz importé dans le milieu d'étude. Autrement dit, le comportement des consommateurs et leurs attitudes sont différents selon qu'ils soient face au riz local ou au riz importé.

Une analyse poussée des résultats indique que plusieurs facteurs expliquent cette différence entre les attitudes des deux catégories de consommateurs. Ainsi la lecture des t-statistics et des effets marginaux des différentes variables indique que parmi les dix (10) variables introduites dans les modèles, seules quatre sont significatives dans les deux modèles (riz local et riz importé). En effet, les coefficients les variables atri2 (absence de corps étrangers), atri8 (forte capacité de gonflement) et lcasod2 (taille de ménage) sont respectivement significatifs aux seuils de 10%, 5% et 1% dans le modèle du riz local et 10%, 10% et 1% pour celui du riz importé. En plus de ces trois variables, la variable dispo (disponibilité du riz toute l'année) présente un coefficient significatif au seuil de 1% avec un signe prédit dans le modèle du riz importé. De même la variable atri3 (riz de couleur blanche) a un coefficient significatif au seuil de 10% dans le modèle du riz local mais elle est négativement corrélée avec la quantité consommée.

On retient donc que certaines variables déterminent positivement la demande du riz alors d'autres la déterminent négativement suivant leur degré de corrélation.

Tableau 5 : Résultat d'estimation des modèles LES relatifs à la quantité totale, quantité de riz local et de riz importé consommée dans les ménages enquêtés.

Variables

Modèle LES _Quantité totale consommée

Modèle LES Quantité de riz local consommée

Modèle LES Quantité de riz importé consommée

ATRI1

0,33(2,56)**

-0,04(-0,25)*

0,86(1,79)*

ATRI2

0,02(0,21)

-0,01(-0,1)*

0,11(0,61)

ATRI3

-0,07(-0,85)

-0,12(-0,76)

-0,09(-0,61)

ATRI4

0,19(1,57)

-0,08(-0,17)

0,20(0,96)

ATRI5

-0,06(-0,71)

0,05(0,79)

-0,1(-0,72)

ATRI6

0,11(1,37)

0,38(2,04)**

0,27(1,95)*

DISPO3

0,33(-4,01)***

-0,03(-0,15)

0,60(3,58)***

LCASOD1

0,05(1,77)*

0,09(1,64)

0,09(1,64)

LCASOD2

0,9(9,95)***

0,93(5,52)***

0,81(5,29)***

CASOD3

-0,04(-0,40)

0,01(0,05)

0,03(0,19)

Contante

3,33(8,05)***

2,48(3,25)***

1,15(1,86)*

Nbre obs

273

95

156

0,37

0,37

0,27

R² ajusté

0,34

0,29

0,22

SCE

105,41

43,68

88,95

F.Fisher(ddl)

15,48(11 ; 260)***

4,96(11 ; 82)***

5,32(11 ; 143)***

Chow test2

-

4,27(11 ; 229)***

Source : Enquête Cotonou-Glazoué, Juillet-Août 2006

* ; **  et *** =significatif respectivement au seuil de 10%, 5% et 1%.

(.)=t-statistics ; L=Logarithme népérien

L'étude comparée du comportement des consommateurs du riz local et du riz importé montre de façon globale que les attributs favorables à la demande du riz importé sont généralement défavorables à la demande du riz local. En effet, les attributs tels que ATRI1 (absence de corps étrangers), ATRI2 (blancheur), ATRI3 (taux de brisure), ATRI4 (cohésion des grains après cuissons) et DISPO (disponibilité du riz toute l'année) sont défavorables à la demande du riz local car négativement corrélées ; alors que ceux-ci (sauf ATRI4) sont positivement corrélées avec la quantité de riz importé consommée.

Bien que la capacité de gonflement (ATRI6) du riz local soit déjà un atout en sa faveur, il est encore indispensable, pour une meilleure compétitivité du riz local, de penser à des mesures d'incorporation ou d'amélioration de ces variables.

Pour favoriser une réduction (voire la suppression) de corps étrangers, l'amélioration de la blancheur et la réduction du taux de brisure dans le riz local, des mesures d'amélioration des traitements post-récoltes du riz doivent être envisagées. En effet, le décorticage et l'étuvage du riz paddy doivent être faits dans des conditions suffisamment hygiéniques.

Aussi, faudrait-il souligner que la couleur jaune (dorée) observée au niveau des certaines variétés de riz local est due à l'opération d'étuvage6(*). Cependant, peu sont les consommateurs qui sont conscients du bien fondé de cette pratique. Ceux-ci lient la qualité à la blancheur, ce qui n'est toujours pas exact. Il est donc nécessaire de mettre en ouvre des programmes de sensibilisation à travers des émission radio télévisées, les publicités aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain, pour mieux faire connaître au grand public consommateur les différents atouts que regorge le riz local.

Le fort taux de brisure observé au niveau du riz local n'est que le résultat d'un mauvais traitement post-récolte. Ainsi, face à des besoins de financement immédiats de la famille, les producteurs ne respectent pas les délais de récolte, de séchage et de stockage. Selon les riziculteurs les plus performants, le riz paddy doit être conservé 6 mois à 1 an avant décorticage. Si ces conditions de récolte et post-récolte ne sont pas bonnes, il n'est pas souhaitable que tous les producteurs pratiquent le décorticage, qui ne leur apporte pas de valeur ajoutée quand il est réalisé dans de mauvaises conditions.

Ainsi, une amélioration des rendements ne se traduira par une augmentation de la production que si elle est accompagnée d'améliorations dans les opérations postérieures à la récolte. Généralement au Bénin, la manutention du riz après la récolte n'a pas connu d'amélioration. La moisson et le battage à la main sont communs, les méthodes rudimentaires de séchage sont la règle et les conditions d'entreposage du riz sont médiocres.

Il ressort de nos enquêtes que les pertes subies lors de ces opérations sont énormes et peuvent atteindre 50% du total de la récolte. Or, il existe d'innombrables techniques qui permettraient de ramener ces pertes à des niveaux plus acceptables. Les pertes résultant d'un séchage inapproprié sont élevées. La méthode la plus communément utilisée est le séchage au soleil. Le riz est souvent soit séché dans les champs, soit étendu sur une surface plane, par exemple au bord de la route, après battage. Du fait de l'absence de contrôle sur l'évaporation pendant le séchage, les grains se fissurent et se brisent lors de du décorticage. Lors de ce processus, il se produit d'autres pertes causées par le mauvais fonctionnement technique du matériel. L'on peut améliorer les rendements des opérations d'usinage et réduire les brisures, mais cela exige des investissements majeurs aussi bien du secteur public que du secteur privé.

Indépendamment de l'amélioration du processus de séchage, il existe d'autres technologies permettant de réduire les pertes lors de l'usinage. Un nouveau trait génétique appelé "tolérance à une moisson tardive" permet de sécher le riz dans les champs jusqu'à des niveaux peu élevés (19%), ce qui laisse une certaine marge de manoeuvre dans le moment de la moisson sans causer des pertes dues à des brisures lors de l'usinage (Berrio et al., 2002). Ce trait génétique pourrait être prise en compte dans les programmes d'hybridation afin d'identifier et vulgariser des variétés commerciales tolérant une moisson tardive.

Autre problème inhérent au riz local est sa disponibilité sur les marchés durant toute l'année. Contrairement au riz importé, cette variable, bien que non significative dans le modèle, est négativement corrélée avec la quantité de riz local consommée. Ce signe négatif signifierait que la non disponibilité du riz local sur le marché conduit les consommateurs à s'en procurer moins. Cela ne pouvait en être autrement dans la mesure où l'homme ne consomme que ce qui est à sa portée. A Cotonou par exemple, nos études ont monté que le riz local n'est connu à peine que par 2% des consommateurs. Là, la concurrence n'existe plus en ce sens que les consommateurs n'ont accès qu'au riz importé ; par conséquence ne disposent pas d'alternative. Nous pensons que la mise en oeuvre des stratégies ci-dessus évoquées permettra de résoudre un temps soit peu ce problème.

4- CONCLUSION ET PERSPECTIVES

De cette étude, il ressort que la majorité des enquêtés ont une très forte préférence pour le riz importé aussi bien dans la zone rurale que la zone urbain (69 et 89% respectivement). De même, le riz local est peu connu en zone urbaine. A peine 3% des enquêtés à Cotonou ont pu différencier le riz local du riz importé. De l'estimation des modèles il ressort qu'il existe une différence significative entre les facteurs qui déterminent la demande du riz local et ceux déterminant la demande du riz importé. La valeur de Chow test (4,27) est hautement significative au seuil de 1%. Le comportement des consommateurs et leurs attitudes sont donc différents selon qu'ils soient en présence du riz local ou du riz importé. L'étude comparative du comportement des consommateurs du riz local et du riz importé montre de façon globale que les attributs favorables à la demande du riz importé sont généralement défavorables à la demande du riz local. En effet, les attributs tels que ATRI1 (absence de corps étrangers), ATRI2 (blancheur), ATRI3 (taux de brisure), ATRI4 (cohésion des grains après cuissons) et DISPO (disponibilité du riz toute l'année) sont défavorables à la demande du riz local ; alors que ces variables (sauf ATRI4) sont positivement corrélées avec la quantité de riz importé consommée.

En définitif, les résultats obtenus au terme de cette étude montrent que le riz local présente plusieurs insuffisances comparativement au riz importé, ce qui pourrait justifier l'affection des consommateurs pour le riz importé. Pour renverser cette tendance, plusieurs efforts impliquant des acteurs à différent niveau restent à faire.

Les perspectives suivantes méritent d'être envisagées :

Pour la recherche, Il revient de proposer des variétés de riz pouvant prendre compte non seulement les préférences des consommateurs mes aussi les contraintes des producteurs (bon goût, incorporation d'arôme, haut rendement, résistance au décorticage, cycle court, etc.) ; et d'identifier les stratégies potentielles d'écoulement du riz local

Au niveau de la production, il revient à définir et respecter des règles de bonnes pratiques depuis le semis jusqu'à la mise en marché : améliorer la qualité du riz (impuretés et taux de brisures), éviter le mélange de variétés au sein d'une parcelle afin d'améliorer les conditions de décorticage. Les producteurs devront proposer leur propre conditionnement, sur lequel serait mentionné l'origine du produit. Les expériences de labellisation doivent être menées avec un noyau de producteurs.

Il conviendrait aussi aux autorités publiques en charge du développement agricole de mette de restructurer et de réorganiser de la collecte, du traitement (transformations) et de la commercialisation du riz (confère filière coton au Bénin). Encourager l'installation des entrepreneurs privés spécialisés dans les activités de stockage et de transformation du riz ; lier des partenariats entre producteurs et commerçants du riz local et assister techniquement et financièrement les agriculteurs pour les aider à adopter des pratiques plus efficaces. En fin, il faudra sensibiliser les consommateurs sur les atouts du riz local surtout ses qualités nutritionnelles.

Références bibliographiques

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Annexe 1: Superficies cultivées et production de riz paddy en 2003 dans l'UEMOA

Pays

Superficie cultivée

Production

hectare

pourcentage

tonne

pourcentage

Bénin

30 000

3,15

66 000

2,51

Burkina Faso

51 000

4,64

97 103

4,27

côte d'Ivoire

510 000

39,07

818 000

42,71

Guinée Bissau

65 000

4,63

97 000

5,44

Mali

400 000

33,11

693 203

33,50

Niger

27 800

3,65

76 500

2,33

Sénégal

75 215

8,49

177 756

6,30

Togo

35 000

3,25

68 100

2,93

Total

1 194 015

100

2 093 662

100

Source : Abiassi, 2006 et nos calculs

Annexe 2: Evolution de la production de riz au Bénin de 1980 à 2006

Année

Production (tonne)

Année

Production (tonne)

1980

10186

1994

13943

1981

8530

1995

16545

1982

8792

1996

22259

1983

5300

1997

26891

1984

7500

1998

35562

1985

6771

1999

34040

1986

8536

2000

52512

1987

8141

2001

54901

1988

9708

2002

63219

1989

8976

2003

54183

1990

10940

2004

64700

1991

10461

2005

64668

1992

11464

2006

73003

1993

11811

-

-

Source : DPP/MAEP, 2005 cité par ABIASSI, 2006 et ONASA, 2006

Annexe 3 : Matrice de corrélation des variables indépendantes utilisées dans les modèles

Variables

ATRI1

ATRI2

ATRI3

ATRI4

ATRI5

ATRI6

DISPO

CASOD1

CASOD2

CASOD3

ATRI1

1,00

 
 
 
 
 
 
 
 
 

ATRI2

-0,11

1,00

 
 
 
 
 
 
 
 

ATRI3

-0,05

0,33

1,00

 
 
 
 
 
 
 

ATRI4

0,26

-0,07

-0,10

1,00

 
 
 
 
 
 

ATRI5

-0,06

-0,14

-0,06

0,02

1,00

 
 
 
 
 

ATRI6

-0,28

0,01

-0,02

-0,14

0,34

1,00

 
 
 
 

DISPO

0,17

0,08

0,03

0,14

-0,15

-0,11

1,00

 
 
 

CASOD1

-0,19

-0,03

0,25

-0,12

0,09

0,08

0,01

1,00

 
 

CASOD2

-0,04

-0,02

0,04

-0,02

0,17

0,03

-0,05

0,03

1,00

 

CASOD3

-0,04

-0,06

-0,01

0,13

0,06

-0,02

-0,08

0,15

0,27

1,00

Source: Résultat d'analyse; 2006

* 1 Ces taxes douanières sont passées à 110% à partir de 2003.

* 2 Service statistique/DPP/MAEP

* 3 En Anglais : Linear Expenditure System 

* 4 Le Chow test est plus approprié du fait que la variable expliquée (ici la quantité de riz en kg consommée par le ménage durant l'année 2005) est continue. Pour des variables dépendantes binaires ou ordinales, le LR test (Likelihood-Ratio test) serait le mieux indiqué.

* 5 Le Chow test a été utilisé pour tester l'hypothèse nulle de l'égalité des coefficients des variables dans les deux sous groupes (). Le Chow test est égale à :

SCEG SCEloc SCE imp représentent respectivement à la Somme des Carrés des Ecarts pour les modèles LES quantité totale, quantité de riz local et quantité de riz importé consommées ; n1 et n2 correspondent au nombre d'observation pour le riz local et le riz importé, et k le nombre de paramètres estimés dans les modèles (Greene, 2003).

* 6 L'étuvage consiste à pré cuir le riz paddy à fin de l'enrichir en éléments nutritifs logés au niveau de la couche externe et de réduire le taux de brisure lors du décorticage (Kossou et Aho, 1993).






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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams