La gestion transfrontaliere des ressources naturelles: l'accord relatif a la mise en place du tri-national de la Sangha (TNS) et son protocole d'accord sur la lutte contre le braconnage( Télécharger le fichier original )par Florantine Mapeine ONOTIANG Université de Limoges - France - Master droit international et comparé de l'environnement 2006 |
10.2 PARAGRAPHE 1- SUR LE PLAN ÉCONOMIQUELes mesures compensatoires aux avantages fournis par l'exploitation de la viande de brousse consistent dans la zone TNS essentiellement en la recherche et le développement d'autres sources de protéines animales pour l'alimentation des populations de ces zones, l'organisation de la chasse et l'aménagement de la filière de la commercialisation de la viande de brousse. A- Le développement d'autres sources de protéines et de revenus pour les populations de la zone TNSCette mission est dévolue à la Coopération Technique Allemande (GTZ) qui s'occupe du volet développement durable dans le Projet Dzanga-Sangha en République Centrafricaine. Sur la portion du territoire camerounais incluse dans le TNS, elle se partage cette mission avec WWF. Dans cet objectif, des plans de développement villageois, consistant entre autres à la promotion de l'élevage ordinaire (volaille, porc, lapin, chèvre, etc...), de l'élevage de certaines espèces animales sauvages tel le hérisson, de la pisciculture, au développement des techniques agricoles et à la valorisation des produits non ligneux, ont été mis au point dans la zone périphérique du parc national de Lobeké et dans la Réserve Spéciale de Forêt Dense de Dzanga-Sangha. Cette politique mise en place par ces organismes internationaux afin de trouver des alternatives à la consommation de la viande de brousse dans la zone TNS est la même que celle adoptée dans le cadre du PROGEPP en République du Congo. Ces démarches tendent à aider les paysans les plus intéressés, à changer le cap habituel de leur vie en pratiquant de petites activités qui leur procureront sans trop d'effort de la protéine d'origine animal, et des revenus monétaires. Cependant, à cause du caractère expérimental des projets et le temps qu'ils mettent pour aboutir, la solution rapide et compensatoire à l'apport de protéines animales, fournie par la viande de brousse, dans l'alimentation des populations villageoises, à été l'importation de la viande de boeuf et des produits congelés (poulets, poisson, etc...) auxquels les populations peuvent avoir accès grâce aux économats créées dans la plupart des sociétés forestières installées dans la zone périphérique du TNS. La création des projets pilotes d'activités de remplacement nécessite également que soit formés des assistants locaux qui auront pour mission d'assurer la pérennité du projet et l'installation des infrastructures sociales ( école, centres de santé, etc...) indispensables pour le développement du village. Dans certains villages autour du parc national de Nouabalé-Ndoki ont même été crée un fonds de développement villageois et mis en place un projet de crédit logement. B- L'organisation de la chasse et l'aménagement de la filière de commercialisation de la viande de brousse. Dans la recherche des alternatives à la viande de brousse, l'essentiel n'est pas de détourner complètement l'attention des populations de la faune dont la commercialisation est une source importante de revenus, mais plutôt de les responsabiliser et les impliquer dans sa gestion durable en leur inculquant la notion d'utilisation rationnelle. La chasse illicite et le commerce de la faune étant les principales menaces à la conservation de cette ressource naturelle dans le TNS, l'organisation de la chasse et l'aménagement de la filière de commercialisation de la viande de brousse dans cette zone sont deux programmes de gestion durable de la faune qui ne lèsent pas les intérêts économiques des populations concernées.
Dans la zone périphérique du TNS, des zones de chasse ont été délimitées et leurs caractéristiques bien déterminées. L'organisation de la chasse consistera par conséquent, pour les autorités administratives chargées de l'application des textes relatifs à la gestion de la faune dans chacun des pays du TNS, à veiller au respect des textes, et pour les populations locales et extérieures de les appliquer. Il existe dans le TNS des zones dans lesquelles les activités de chasse sont autorisées et strictement réglementées. Ces zones, appelées territoires de chasse, sont de deux sortes: - Les zones d'intérêt cynégétique (ZIC) qui sont des aires protégées réservées à la chasse et gérée soit par l'administration, soit par une personne physique ou morale ou alors une collectivité publique locale. Dans ces zones, l'exercice de la chasse est subordonnée non seulement à l'obtention d'un permis de chasse qui diffère selon les gibiers auxquels il donne droit de chasse et les catégories de personnes auxquelles ils sont délivrés, mais également au paiement d'un droit. - Afin de faire bénéficier les populations locales des retombées de la gestion durable des ressources fauniques et contribuer ainsi à leur développement, un ou plusieurs territoires de chasse peuvent faire l'objet d'une convention de gestion entre une communauté riveraine et l'administration chargée de la faune. On parle alors de zone de chasse communautaire qui est la deuxième sorte de territoire de chasse dans le TNS. Dans cette catégorie les revenus des activités de chasse sont directement versés à la communauté qui l'investit dans des micro-projets de développement. Les Zones d'Intérêt Cynégétique à Gestion Communautaire (ZICGC) créées dans la périphérie du parc national de Lobéké font partie des zones de chasse communautaire, et sont gérées par des associations regroupant plusieurs villages. Cependant, la classification des territoires de chasse dans le TNS en 2 grandes zones n'exclue pas le droit de chasse traditionnelle, sans autorisation et sans paiement d'aucun frais, reconnu aux membres des communautés villageoises, pour leur subsistance, sur les animaux de la classe C, et sur le territoire de leur commune rurale. Le Cameroun a élargi ce droit à toute personne sur l'étendue du territoire national hormis les propriétés privées et le Congo n'impose pas que le bénéficiaire du droit d'usage soit originaire de la commune mais exige tout simplement qu'il y réside. La liberté d'exercice de la chasse traditionnelle par les populations locales a pour objectif le respect du droit d'usage qu'elles ont sur les ressources naturelles et la diminution de la pression du braconnage sur les espèces protégées, tout en leur assurant l'apport de protéine animale nécessaire à leur alimentation. L'intérêt de l'organisation de la chasse est la création d'emplois pour les jeunes, la diminution de l'exode rural et le développement des villages à travers la réalisation des micro-projets financés par les fonds générés par cette chasse organisée.
A l'échelle internationale, le trafic de la faune est aussi important que le blanchiment de l'argent et le trafic de drogue. Le commerce de la viande de brousse représente un marché très rentable mais dont il est impossible d'évaluer exactement le chiffre d'affaire, vu le caractère généralement clandestin de son exercice. Il est à noter pourtant que ce commerce n'est pas interdit dans le TNS, mais tout simplement réglementé. La République du Congo n'a pas, dans son texte législatif sur la conservation et l'exploitation de la faune sauvage et encore moins dans son nouveau code forestier de 2000, traité de la question relative à la commercialisation des dépouilles animales, mais cependant elle ne l'interdit pas non plus lorsqu'elle est légalement acquise. Au Cameroun il est prévu que la collecte des peaux et dépouilles de certains animaux sauvages des classes B ou C à des fins commerciales peut, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la faune, donner lieu à l'octroi d'un permis par l'administration chargée de la faune, moyennant paiement des droits dont le montant est fixé par la loi des finances75(*). En République Centrafricaine, la vente et la revente dans le commerce des viandes de chasse ont lieu depuis la date d'ouverture de la chasse jusqu'au 30e jour suivant la date de la fermeture, et sont réglementées par arrêté conjoint des Ministres chargés de la Faune et du Commerce76(*). En plus, ces deux pays ont adopté des textes complémentaires tendant à aménager la filière de commercialisation de la viande de brousse. Il s'agit, pour le Cameroun de l'arrêté N° 0566 / A / MINEF /DFAP /SDF / SRC du 14 août 1998 fixant les quotas des permis de collecte et les conditions de son établissement, dont l'article 2 dispose que : « la signature dans une province d'une convention de gestion d'un territoire de chasse communautaire.....donne droit pour la communauté concernée à un permis de collecte qui s'ajoute au quota de cette province », et pour la République Centrafricaine de l'ordonnance n° 74/72 du 28 juin 1974 réglementant le commerce de la viande de brousse. L'aménagement de la filière de commercialisation de la viande de brousse a pour objectif de concilier la lutte contre la pauvreté, le maintien des habitudes socioculturelles rattachées à la consommation du gibier et la préservation de la faune à travers le principe de l'utilisation rationnelle de celle-ci, afin de réduire la pression du braconnage sur la faune dans le TNS. Cependant cet objectif ne pourra être atteint que si les différents textes régissant la faune dans le TNS sont harmonisés et qu'est mis en place une stratégie de gestion de la collecte de ces dépouilles aux fins de revente, stratégie permettant de s'assurer ainsi non seulement de l'origine de la dépouille animale mais également de ce que son abattage a été fait conformément aux normes en vigueur dans le TNS. Les dépouilles animales mises en vente bénéficieront alors d'une sorte de certification d'origine qui facilitera leur circulation dans la zone. Sur le plan social, des activités soutenant la lutte contre le braconnage doivent être menées en complément de celles menées sur le plan économique.
* 75Article 101 Loi n°94-01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche. * 76Article 76 Ordonnance 84-045 du 27 juillet 1984 portant protection de la faune sauvage et réglementant l'exercice de la chasse en République Centrafricaine. |
|