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UNIVERSITE DE KINSHASA FACULTE DES SCIENCES
ECONOMIQUES ET DE GESTION DEPARTEMENT D'ECONOMIE B.P. 832 KINSHASA XI
L'UNION DOUANIERE DU COMESA : AVANTAGES ET
INCONVENIENTS POUR LA RDC. Une analyse en Equilibre général
calculable.
Patrick MUSUMPE M. NGOY
Gradué en Sciences économiques et de
Gestion
Mémoire présenté et défendu en vue de
l'obtention du titre de licencié en Sciences économiques
Option : Economie rurale
Directeur : Professeur MUKOKO SAMBA Rapporteur:
Assistante Marie NYANGE
ii
EPIGRAPHE
« Le seul moyen d'accès à une position
telle que notre science puisse donner un
avis positif pour de nombreux politiciens
et hommes d'affaires repose sur des
travaux quantitatifs. Aussi longtemps
que nous ne serons pas capables de
traduire nos arguments en chiffres, la
voix de notre science, bien qu'elle
puisse occasionnellement aider à éviter
des erreurs grossières, ne sera jamais
entendue par les praticiens. Ils sont
tous, par instinct, économètres, du fait
de leur incrédulité pour toute chose dont
il n'existe pas une preuve exacte ».
J.A. Schumpeter (1933), The common sense
of econometrics, Econometrica, vol. 1,
p.121
1 Cité par Georges BRES SON, Econométrie
II, Notes de cours, 2003-2004, p.1.
iii
AVANT-PROPOS
Il est de coutume de rédiger un travail à chaque
fin de cycle d'études universitaires et de le défendre. C'est
dans ce cadre que, à l'issue de nos études de 2ème cycle
en sciences économiques de l'Université de Kinshasa, plus
précisément en économie rurale, nous présentons ce
mémoire. Celui-ci est le fruit de multiples recherches, orientations et
concertations.
Pour ce, nous remercions, d'entrée de jeu, le
Professeur Daniel MUKOKO SAMBA qui a bien voulu diriger ce travail. Sa rigueur,
son sérieux, ses encouragements et ses remarques nous ont
été d'un apport inestimable, « un chercheur n'abandonne
jamais, il faut aller jusqu'au bout » disait-il. Nos remerciements
s'adressent ensuite à Madame l'Assistante Marie NYANGE qui a
accepté d'être le Rapporteur de ce travail. Son exigence pour des
travaux bien faits nous a permit d'éviter certaines erreurs et de ce
fait, nous a aidé à gagner du temps. Nos remerciements
s'adressent aussi à l'Assistant Blaise NLEFU qui nous a
été d'un très grand soutien dans la partie fonctionnelle
(mathématique) de ce travail. Son attachement à la
précision nous a permit de réfléchir dans un cadre
économique plus cohérent.
Nous remercions en suite, les Professeurs Yvon BONGOY,
André NYEMBWE, Eric MABUSHI (Bujumbura) et Eric TOLLENS (Leuven), qui
ont été ouverts à nos préoccupations et nous y ont
porté assistance ; au Chef des travaux Daniel LUWA et l'Assistant Alain
LUNGUNGU qui nous ont permis d'accéder à certaines documentations
clé pour l'élaboration de nos outils d'analyse.
Nous remercions l'Office des Douanes et Accises (OFIDA), plus
particulièrement les Divisions de la Formation, des Etudes et des
Statistiques pour nous avoir renseigné et fournit de la documentation
sur le COMESA et les statistiques dont nous nous sommes servis dans ce
travail.
Enfin, nous remercions de tout coeur tous nos frères,
soeurs, amis et camarades, qui nous ont soutenu, de près ou de loin,
chacun comme il l'a pu. Nous tenons ici, à les rassurer que, même
sans les citer nommément, leurs soutiens resteront toujours gravé
dans notre coeur.
La rédaction de ce travail a rencontré plusieurs
difficultés. Les plus importantes sont l'inaccessibilité ou, dans
d'autres cas, l'inexistence des données qui nous auraient permis
d'agrandir notre cadre de réflexion ; et puis, le travail s'effectuant
dans un cadre bien limité (faculté), le respect du calendrier
doit être de rigueur. Il a ainsi souffert du manque de temps.
Nous ne pouvons pas clore ce chapitre consacré aux
remerciements sans, permettez-nous la tautologie, remercier nos Parents qui ont
toujours été prêts à apporter quelles que solutions
que ce soient à tous les problèmes rencontrés durant tout
notre parcours. Leurs rigueurs, sérieux et amour nous ont permis de nous
maintenir sur le bon chemin.
DES
LISTE ABREVIATIONS
APU : Production collective des Administrations publiques
BAD : Banque Africaine de Développement
BM : Banque Mondiale
CDF : Franc congolais
CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l'Afrique de
l'Ouest CEEAC : Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale
CER : Communauté Economique Régionale
CES : Constant Elasticity of Substitution
CET : Constant Elasticity of Transformation
CF : Facteur composite
CI : Consommation intermédiaire
COMESA : Common Market onf Easthern and Southern Africa
DSCRP : Document Stratégique pour la Croissance et la
Réduction de la Pauvreté
FAO : Food and Agriculture Organization
FMI : Fonds Monétaire International
GAMS : General Algebric Modeling System
ISBL : Institution Sans But Lucrative
LES : Linear Expenditure System
MCS : Matrice de Comptabilité Sociale
MEGC : Modèle d'Equilibre Général
Calculable
MR : Ménage Rural
MU : Ménage Urbain
PAS : Programme d'Ajustement Structurel
PIB : Produit Intérieur Brut
PNB : Produit national Brut
RDC : République Démocratique du Congo
vi
RDM : Reste Du Monde
SADC : South African Development Community
SCN : Système de Comptabilité Nationale
TCEI : Tableau des Comptes Economiques Intégrés
TEC : Tarif Extérieur Commun
TRE : Tableau des Ressources et des Emplois
UD : Union Douanière
UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine
VA : Valeur Ajoutée
ZLE : Zone de Libre Echange
vii Résumé
En ce début de 21ème siècle,
la tendance économique mondiale est dominée par la
libéralisation de plus en plus croissante du commerce. Celle-ci passe
par la création des Communauté Economique Régionale (CER),
qui en fin de compte de compte devrait conduire à la suppression totale
de toute sorte de barrières entre les pays.
Cette problématique de libéralisation est,
aujourd'hui à l'origine de plusieurs débats. En effet, les avis
sont partagés sur la question : certains soutiennent que c'est la
meilleure voie pour conduire à un développement harmonieux ; et
d'autres soutiennent que c'est un processus qui conduit à creuser
l'écart entre pays pauvres et pays riches. Quoiqu'il en soit, la
libéralisation du commerce international a des implications
différentes sur les économies ; la question est alors de savoir
comment en tirer profit. De même que sur l'ensemble des pays, les
implications ne sont pas les mêmes entre les différentes couches
de la population d'un même pays. Nous étudions ici le cas de l'UD
du COMESA qui a été lancé en décembre 2008. La RDC
ne s'est pas encore engagé à y adhérer, mais elle pourrait
le faire dans les jours à venir. La question devient alors, celle de
savoir la RD pourrait tirer profit de cette adhésion.
L'analyse d'une telle problématique se fait
aisément à l'aide d'un Modèle d'Equilibre
Général Calculable (MEGC). C'est un système
d'équation simulant l'ensemble de l'économie que l'on se propose
d'étudier. Il présente l'avantage de représenter les
différents flux entre les agents économiques (résidents et
non-résidents) ayant pris place au sein d'une économie pendant
une année donnée (pour notre cas 2005). Pour ce, il doit
être préalablement calibré sur l'économie
sous-étude. A cet effet, l'utilisation du MEGC requiert une MCS. C'est
un tableau carré (nombre de
viii
lignes est égal au nombre de colonnes), qui
représente les ressources (lignes) et les emplois (colonnes) des
différents agents économiques.
Les résultats trouvés à l'issue de ce
travail, montre que dans les conditions actuelles de l'économie
congolaise, il n'est pas souhaitable d'adhérer à cette UD,
étant donné que, de façon globale le pays n'en tire pas
profit. Par contre il voit se dégrader le bien-être de ses
populations. Cela est plus grave lorsqu'on observe celles-ci selon le milieu de
résidence. Il ressort que la dégradation du bien-être est
plus accrue en milieu rural qu'en milieu urbain. Ceci sans doute à cause
de la sensibilité des ménages à la hausse des prix, qui
est plus élevée pour les ménages ruraux que pour les
ménages ruraux.
0. INTRODUCTION
0.1. PROBLEMATIQUE
La République Démocratique du Congo est un vaste
pays au coeur de l'Afrique, étendue sur une superficie de 2 345 350
Km2, dont le sol et le sous-sol regorgent d'énormes
potentialités au point d'être considérée comme un
scandale géologique. Situation paradoxale, elle compte une population,
estimée à 60 millions d'habitants, dont la majeure partie, soit
71 %, vit en-dessous du seuil de pauvreté.
La RDC a hérité de la colonisation belge une
économie comptée parmi les plus fortes d'Afrique. Le pays
était classé parmi les plus gros exportateurs (des produits
végétaux et minéraux) avec un PIB par habitant
supérieur ou égal à celui de plusieurs pays dit
émergents aujourd'hui. Lorsqu'en 1973 sont prises les mesures de
nationalisation2, l'économie congolaise amorce sa descente
aux enfers. Ceci a marqué la première phase de la destruction du
tissu économique congolais.
Sont ensuite venus, dans le cadre de la collaboration avec les
institutions financières internationales (Fonds Monétaire
International et Banque Mondiale), les Programmes d'Ajustement Structurel
(PAS)3. Ceux-ci ont mis en place une série de mesures visant
le désengagement de l'Etat congolais de l'activité
économique du pays. Ces mesures " ont entraîné le gel des
rémunérations, provoqué des dévaluations et
prôné le principe de la vérité des prix. L'ensemble
de ces mesures a débouché sur la baisse des revenus nominaux et
réels dans les agglomérations urbaines. La demande solvable en
chute libre s'est traduite pour la paysannerie par le retour à
2 La nationalisation peut être
interprétée comme une volonté des pouvoirs publics de
transférer la propriété des entreprises appartenant aux
expatriés, aux nationaux. Elle s'est réalisée en trois
étapes : la zaïrianisation (le 30/11/1973), la radicalisation
(1974) et la rétrocession (1975-1976) (MOKONDA BONZA, Politique
agricole, note de cours, FASEG/UNIKIN, 2007-2008, pp 97-9 8).
3 Trois principes fondamentaux ont guidé les
initiateurs dans la conception et l'application des programmes d'ajustement
structurel, à savoir : restructurer la
demande(réduire les dépenses publiques par le
contrôle et la diminution des effectifs de la fonction publique, gel des
traitements,refus de subventionner les consommations d'eau,
d'électricité et les tarifs de transport),
libéraliser l'économie
(réduction du rôle de l'Etat, privatisation des entreprises
publiques, renonciation à des joint-ventures par la vente des parts
détenues par l'Etat dans les entreprises d'économie mixte,
abandon systématique des protections en faveur de l'industrie
nationale), ouvrir l'économie au marché
mondial (objectif ultime poursuivi par les PAS). (MOKONDA BONZA,
Economie alimentaire, notes de cours, FASEG/UNIKIN, 2007-2008, pp 40-41.
l'autosubsistance et la diminution drastique des revenus ;
pour la population urbaine par l'apparition de l'économie souterraine.
La libéralisation des échanges a favorisé les importations
des denrées alimentaires en provenance de l'extérieur, et ce, au
détriment de la production locale. La suppression des subventions et la
liquidation des offices de commercialisation ont eu des conséquences
directes sur le niveau d'approvisionnement en intrants dont le coût
était devenu sensiblement élevé. "4
Les deux pillages du début de la décennie 90,
les différentes crises politiques et guerres sont venus achever la
destruction du tissu économique. Tout ceci a abouti à la baisse
des activités dans les principaux secteurs porteurs, avec comme
conséquence, un taux de croissance moyen annuel de -5,5% entre 1991 et
2000.
Néanmoins, on a remarqué une reprise avec des
taux de croissance positifs depuis 2002. En effet, pour l'année 2002, le
taux de croissance a été de 3,5%, 5,7% en 2003, 6,6% en 2004 et
6,5% en 2005. " Bien que spectaculaires, ces résultats demeurent
à la fois insuffisants et précaires au regard des besoins de la
lutte contre la pauvreté et en raison des dysfonctionnements
observés dans les secteurs porteurs de la croissance ".5
En ce début de 21ème siècle,
la pauvreté en RDC est peinte sur un tableau très sombre. En
effet, " la population congolaise est, dans son ensemble, constituée de
71,34% des pauvres [...] L'incidence de la pauvreté est plus
élevée en milieu rural (75,72%) qu'en milieu urbain (6 1,49%).
Les populations qui vivent dans le milieu urbain sont donc plus
favorisées que celles qui vivent dans le milieu rural, qui
représentent près de 70 % de la population congolaise. En milieu
rural, en effet, seulement 17% de la population ont accès à l'eau
potable, 1% à l'énergie électrique et 64% vivent dans des
maisons en pisé. En outre, les voies de desserte agricole sont dans un
état de détérioration avancée. "6
4 MOKONDA BONZA, Economie alimentaire, notes de cours,
FASEG/UNIKIN, 2007-2008, pp 43-44.
5 Ministère du Plan-RDC, DSCRP, Kinshasa, 2006,
p.32.
6 Ministère du Plan-RDC, Enquête 1-2-3,
Kinshasa, 2008, p. 33
Ainsi, relever le niveau de vie de la population congolaise
ou, en d'autres termes, combattre la pauvreté, ou encore
améliorer le bien-être de cette population congolaise est le plus
grand défi auquel sont confrontés les congolais à tous les
niveaux de prise de décisions. " Dans les pays où la
majorité de la population vit dans les zones rurales - comme la RDC - la
croissance agricole fait reculer la pauvreté. En effet, quand les
agriculteurs pauvres augmentent leurs revenus, la demande des biens et des
services pouvant être facilement produits par les pauvres augmente
à son tour. [...] Par ailleurs, la croissance dans les activités
à fort coefficient de main-d'oeuvre a aussi un plus grand impact sur le
recul de la pauvreté."7
En RDC, près de 70 % de la population vivent en milieu
rural avec comme activités principales l'agriculture.8 " En
dépit des conditions naturelles favorables, le secteur agricole est
réduit depuis quelques années à des activités de
subsistance. Il connaît actuellement une faiblesse de productivité
entraînant l'insécurité alimentaire, l'augmentation des
importations des produits de première nécessité et la
baisse des exportations des produits de rente. La FAO estime que près de
73 % de la population congolaise vivent dans l'insécurité
alimentaire. - Les exportations agricoles ne représentent que moins de 2
% du PIB en 2005 contre 40 % en 19609 -. Depuis une vingtaine
d'années, le secteur accuse des difficultés de plusieurs ordres
notamment l'accès au marché, l'évacuation des produits, la
conservation, la production des semences de qualité. Ceci n'a pas permis
à ce secteur de contribuer efficacement à la croissance
économique. Le secteur du développement rural est synonyme
d'enclavement et de destruction des services sociaux de base, dus
principalement à l'absence des structures spécialisées de
l'Etat. "10
" Parmi les déterminants de la pauvreté (de
revenu ou monétaire), nous pouvons citer la croissance
économique, l'incidence de chocs exogènes (par ex. climatiques,
tendances économiques internationales, conflits, etc.), les tendances
7 Babakar Fall, La modélisation de la
pauvreté, Debt Relief International Ltd, Londres, avril 2005, p. 8.
8 Pris ici au sens large, c'est-à-dire
comprenant : l'élevage, la pêche et pisciculture, sylviculture,
horticulture et l'agriculture proprement dite.
9 Le DSCRP parle de 10 % alors que les comptes
nationaux ressortent 2 %. Voir infra, chapitre 2, point 2.2.
10 Ministère du Plan-RDC, DSCRP, Kinshasa,
2006, p. 33.
démographiques, les indicateurs clefs de la
macroéconomie (tels que l'inflation et le chômage), la
productivité et l'utilisation des ressources dans les secteurs, surtout
dans le secteur agricole".11 Parlant des chocs exogènes, plus
précisément des tendances économiques internationales,
remarquons que "celles-ci sont caractérisées par la globalisation
croissante des marchés, ajoutée à une exacerbation sans
précédent de la concurrence et la tendance à la
multiplication des blocs régionaux".12
Pour faire face aux opportunités et aux défis de
la mondialisation, les gouvernements des pays développés et en
voie de développement optent de plus en plus pour une stratégie
d'intégration de leurs économies. L'intégration
régionale est ainsi considérée comme une solution pour le
développement, notamment des pays du Sud. Aussi on s'accorde à
dire que les pays d'Afrique en général peuvent tirer profit de la
régionalisation13 au regard de ses potentiels avantages
socio-économiques.14
Ainsi en Afrique, on compte plusieurs Communautés
Economiques Régionales (CER) parmi lesquelles nous pouvons citer :
Communauté pour le Développement de l'Afrique Australe (SADC,
sigle anglais de South African Development Community), Communauté
Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC), Communauté
Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), Marché Commun de
l'Afrique Orientale et Australe (COMESA, sigle anglais de Common Market of
Esthern and Southern Africa), etc. De toutes ces CER, " le COMESA est la plus
importante en terme d'intégration des économies d'états
souverains. C'est un espace au développement
hétérogène, avec en son sein 19 états souverains,
dont la RDC, avec une superficie totale de 12 millions de km2, une
population de 380 millions d'habitants et un PNB de 190 millions de dollars
américains "15.
11 Babakar Fall, op. cit, p. 5.
12 Décaluwé & al, Union
douanière au sein de l'UEMOA, une analyse quantitative, juillet 2001.
13 La régionalisation est entendue comme le
processus d'intégration régionale (politique, économique,
diplomatique, culturelle, etc.) [Koulakoumouna E, p.2.]
14 Hugon (2001), cité par Koulakoumouna E.,
Transport routier et effectivité de l'intégration
régionale dans l'espace CEMAC : enjeux et contrainte pour le
développement durable du Congo, CERAPE, Brazzaville, p.1
15 COMESA, Plan stratégique 2007 2010, Lusaka,
2006, p.9-12
Le COMESA vient de lancer une union douanière (UD)
depuis décembre 2008.16 Une UD suppose l'application, par
tous les membres, d'un tarif extérieur commun (TEC), et la libre
circulation des biens entre les pays membres de l'union sans aucun obstacle
interne.17 Du fait de
l'hétérogénéité dans les structures socio-
économiques sur l'espace COMESA, l'impact de cette UD ne sera pas
ressenti de la même manière sur son ensemble. Cela pose alors la
question de savoir à qui profiterait cette UD, ou en d'autres termes,
quels sont les gagnants et les perdants dans ce processus d'intégration
? Certains auteurs on répondu à cette question en se situant
à différents niveaux d'analyse, à savoir : au niveau des
pays pris globalement et dans un pays, au niveau des différentes
catégories de population ou des différentes branches
d'activités.
Au niveau des pays, le problème se rapporte à la
taille des différentes économies. En effet, " les pays avec une
base industrielle encore embryonnaire considèrent que l'UD profiterait
aux pays plus industrialisés de façon disproportionnée.
Elle procurerait des bénéfices de loin plus importants aux pays
avec une base industrielle avancée comme le Kenya, le Zimbabwe et
Maurice, leur accordant des parts plus élevées dans les
échanges intra-régionaux. La diversification de l'outil de
production intérieur, particulièrement chez les moins
performants, devrait donc être une condition nécessaire pour une
intégration efficace. Aussi l'UD pourrait également, chez
les plus faibles, provoquer la disparition de leurs industries, moins
compétitives, et la migration de l'investissement vers les pays plus
industrialisés de l'entité régionale, renforçant
ainsi le phénomène de polarisation (négative) de la
structure initiale du développement industriel. "18
A l'intérieur du pays, les effets de l'UD ne sont pas
non plus ressentis de la même manière partout. En effet, il a
été démontré que généralement, ce
sont les populations urbaines qui tirent le plus profit de la
libéralisation du commerce ; les
16 La RDC n'a pas encore confirmé son
adhésion.
17 Mark PEARSON, Arrangements commerciaux
régionaux entre le COMESA, l'EAC et la SADC, Lusaka, 10 2008, p. 1
18 Mabushi E., Intégration régionale des
petites économies et perspectives du COMESA, Thèse de doctorat,
Université Catholique de Louvain, présentée le 15/02/05,
p.50.
populations rurales sont quant à elle à
l'écart de ce processus, et voient même leur niveau de vie se
dégrader, ceci du moins à court terme. Deux raisons principales
expliquent cette situation, à savoir : le caractère traditionnel
de l'agriculture pratiquée (qui consomme peu d'intrants importables et
est peu orientée vers l'exportation) et la faible consommation de
produits importables chez les ménages ruraux.19
Ce travail se situe au deuxième niveau,
c'est-à-dire il analyse en premier lieu, outre, l'impact de
l'adhésion de la RDC à l'UD du COMESA sur son économie, la
distribution de cet impact entre les populations urbaines et rurales.
0.1.1. Questions de recherche
Ce travail s'articule autour de la question centrale suivante
: " Quels sont les avantages et inconvénients que la RDC pourrait
retirer de son adhésion à l'UD du COMESA ? "
De cette question centrale nous dérivons les sous
questions suivantes :
1. Quel serrait l'impact de cette UD sur l'économie
congolaise, plus précisément sur les activités de
production et la demande intérieure des biens ?
2. Comment serraient ressentis ces effets par les
ménages congolais selon le milieu de résidence,
c'est-à-dire selon qu'ils vivent soit en milieu urbain soit en milieu
rural ?
0.1.2. Hypothèses de
recherche
Nous nous situons dans l'hypothèse centrale selon
laquelle, les accords de libre échange, dans le cadre de l'UD du COMESA,
auxquels la RDC pourrait adhérer n'auront pas seulement soit des
avantages, soit des inconvénients, les effets seront combinés.
Mais de quelle façon ? Pour ainsi nous répondons à nos
deux sous questions de la manière suivante :
1. A court terme, l'UD du COMESA pourrait avoir un impact
généralement négatif sur l'économie congolaise.
Mais cet impact ne sera pas le même lorsqu'on observe les
différentes grandeurs économiques ;
2. Cet UD pourrait avoir un impact sur le
bien-être20 inégalement distribué entre les
ménages urbains et les ménages ruraux. Ces derniers verront leur
bien-être se dégrader alors les ménages urbains verront le
leur s'améliorer ;
0.2. METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
Nous faisons ici une évaluation quantitative des
avantages et inconvénients éventuels21 que la RDC
pourrait tirer en adhérant à l'union douanière du
COMESA. Nous utilisons à cet effet, un
modèle d'équilibre général calculable
(MEGC)22 afin d'analyser l'impact de l'union douanière
sur la structure socio-économique de la RDC. L'analyse en
équilibre général requiert une Matrice de
Comptabilité Sociale (MCS) 23. C'est une matrice
carré (le nombre des lignes est égal au nombre de colonnes) qui
reprend toutes les transactions ayant pris place au sein d'une économie
au cours d'une période de temps donné, généralement
une année. Pour l'économie congolaise, la plus récente a
été construite par Blaise NLEMFU (à paraître) pour
l'année 2005.24 C'est celle-ci que nous avons utilisée
comme matrice primaire. Cette dernière a été
agrégée et en suite désagrégée pour mieux
répondre aux besoins de notre étude.25
De 20 branches, nous sommes passé à 5, à
savoir : l'Agriculture, l'Extraction, l'Industrie, les Services marchands et
les Services non marchands. Le compte de « Ménages »
a été subdivisé en 2 sous-comptes, à savoir :
Ménages urbains et Ménages ruraux ; faute de coefficient
du facteur terre pour la fonction de production
20 Pour plus de précision sur la notion et la
mesure du bien-être, voir Annexe 1 de ce travail.
21 Nous disons éventuels parce que la
RDC ne fait pas encore parti de cette UD. Nous faisons une simulation.
22Le MEGC ne doit pas être considéré comme un
outil de prévision mais plutôt comme un outil permettant une
analyse contrefactuelle. En effet, la simulation d'une politique d'ouverture
commerciale par exemple ne prédit pas, à proprement parler, les
effets d'une telle politique mais examine l'état dans lequel aurait
été l'économie si une telle politique avait
été mise en place durant l'année étudiée
(Nicolas Hérault (2004), p. 32).
23 Les questions spécifiques sur la structure
et l'élaboration d'une MCS sont traitées en annexe 2
24 Elle comprend 2 facteurs de production, 5 agents
institutionnels et 20 branches d'activité. Nous lui sommes très
reconnaissant de nous l'avoir fournit.
25 La désagrégation des ménages
s'appuie sur les données de l'enquête 1-2-3 sur la RDC
réalisée par le Ministère du Plan ; celle des importations
se basent sur les statistiques de l'OFIDA.
agricole pour la RDC, cette désagrégation n'a pu
aller plus loin. Le compte des « Importations » quant
à lui, a été subdivisé par rapport à
l'origine en 2 sous-comptes : Importations originaires des pays/COMESA
et Importations originaires d'autres pays. Le sous-compte des
taxes à l'importation (compris dans le compte des prestations
collectives de l'Administration publique, APU) a aussi été
subdivisé de la même façon que celui des importations.
Sur base de cette MCS désagrégée, le
MEGC est calibré sur l'économie
congolaise.26
Dans ce travail nous simulons l'adhésion de la RDC
à l'UD du COMESA, qui implique la suppression des tarifs douaniers pour
les échanges avec les pays/COMESA et l'application d'un TEC pour les
importations originaires des pays tiers.
La résolution du modèle est faite au moyen du
logiciel GAMS (General Algebric Modelling System).
0.3. BUT ET OBJECTIF
« [...] la spontanéité n'est pas efficace
et l'efficacité n'est pas spontanée »27. En
harmonie avec cette phrase de Jean Fourastié, ce travail a pour
principal objectif de prouver aux autorités compétentes qu'il
serait désastreux, pour le pays, de façon
précipitée - comme ça souvent été le cas
pour certaines décisions importantes - d'accéder à une UD
dans le contexte économique actuel, sans des études approfondies
sur la question ni des aménagements ou réformes
nécessaires.
26 La question de la calibration du MEGC sur
l'économie congolaise est traitée au Chapitre 3 ci-dessous.
27 FOURASTIE Jean, La réalité
économique, Hachette/Pluriel, Paris, France, 1986, p.12
0.4. INTERET DU TRAVAIL
Cette étude est d'un intérêt particulier,
du point de vue de la méthodologie, en ce qu'il traite d'une question
d'actualité (l'UD du COMESA) en utilisant un instrument d'analyse parmi
les mieux élaborés de nos jours, le MEGC ; aussi en ce qu'il a le
mérite d'initier des études sur le secteur agricole congolais
dans un cadre général cohérent de l'économie
congolaise (MCS et MEGC). Comme toute analyse en équilibre
général, il ressort les différents canaux de transmissions
des chocs économiques.
Pour les lecteurs, plus précisément :
· les autorités politiques du pays, ce travail a
l'intérêt de leur montrer que l'accession à l'UD du COMESA
sans des mesures d'encadrement peut avoir des graves répercussions sur
l'économie nationale dans son ensemble et sur le niveau de vie des
populations en particulier ;
· les autres chercheurs, il ouvre des pistes pour des
analyses plus approfondies sur le secteur agricole congolais, à l'aide
du MEGC ;
· l'opinion publique, il l'aidera à mieux
comprendre la question de l'accession à l'UD du COMESA afin de pouvoir
mieux juger les décisions prises par les autorités politiques.
0.5. DELIMITATION DU SUJET
Le champ d'analyse est l'économie congolaise pour
l'année 2005. Ce choix a pour principale raison la disponibilité
des données. En effet, il n'existe pas, pour l'économie
congolaise, des données plus récentes susceptibles de nous
permettre de construire nos outils d'analyses (MCS), à savoir les
comptes nationaux de l'économie congolaise (le TCEI et le TRE).
0.6. CANEVAS DU TRAVAIL
Ce travail comprend quatre chapitres. Le premier
présente le COMESA après avoir passé en revue le concept
d'intégration régionale ; le second porte sur une description de
l'économie congolaise à travers la MCS pour l'année 2005;
le troisième porte sur le MEGC utilisé dans ce travail ; et le
dernier présente les résultats de notre scénario en les
comparant à la situation de référence, celle de la MCS de
2005. En outre, il comprend 5 annexes sur : la notion et la mesure du
bien-être, la structure et la construction d'une MCS, la structure du
MEGC utilisé dans ce travail, la reproduction, à l'aide du
modèle, de la situation de référence et les
résultats du scénario.
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