Chapitre 2 : Les liens entre les dimensions du
modèle « BANQUE-OPERA »
Dans cette section, nous allons spécifier l'ensemble
des liens du modèle BANQUE OPERA. Pour ce faire, nous reprendrons chaque
variable et pour chacune d'entre elles, nous montrerons les liens qui
l'unissent aux autres.
1. «Personnalité» et ses
déterminants
La personnalité (actuelle)
d'une banque dépend de l'environnement et des résultats
passés. Ces deux éléments sont appréciés en
fonction de la personnalité (passée) de la banque. On
peut résumer ce lien de la manière suivante:
Pert = f [(Et, POTt-1)
(Pert-1)]
Où
Pert : les
variables de la dimension «personnalité» (actuelle)
Pert-1 : les variables de
la dimension «personnalité» (au passé)
Et : les
variables de la dimension «environnement» (actuel)
POTt-1 : les variables de
la dimension «potentiel» (au passé)
L'environnement, notamment politique ou économique et
les résultats passés ont une influence directe sur la
personnalité de la banque et dépendent pour partie de cette
même personnalité. Par exemple, les fusions et acquisitions des
banques internationales pour les banques locales ou domestiques, et les
libéralisations des banques étatiques.
2. «Activité» et ses
déterminants
L'activité d'une banque dépend
de l'environnement dans lequel elle évolue et des résultats
passés. Ces deux éléments sont appréciés en
fonction de la personnalité de la banque. On peut résumer ce lien
de la manière suivante :
At = f [(Et
X POTt-1)
(Pert-1)]
Où
At : les
variables de la dimension «activité» (actuelle)
Et : les
variables de la dimension «environnement» (actuel)
POTt-1 : les variables de
la dimension «potentiel» (au passé)
Pert-1 : les variables de
la dimension «personnalité» (au passé)
X : représente les relations
matricielles entre les variables
L'environnement bancaire est constitué de plusieurs
variables dont notamment la croissance, le taux d'intérêt, le
degré d'ouverture de l'économie, le niveau de concentration du
secteur bancaire, le niveau démographique, la réglementation
bancaire, notamment en ce qui concerne le niveau des garanties accordées
par l'Etat. Étudions de manière succincte comment
l'activité peut dépendre de ces variables :
La croissance peut, si elle est positive, avoir un impact sur
la densité du réseau bancaire. Celui ci peut se développer
notamment si les clients sont essentiellement des PME ou des particuliers.
Remarquons que ce dernier élément est également fonction
d'une autre variable environnementale qui est la variable démographique.
A l'inverse, le nombre de succursales peut être plus faible si la
clientèle visée est celle des grandes entreprises. En revanche,
si la croissance ralentit ou devient négative, la diminution de la
consommation des ménages et des entreprises peut avoir un impact sur le
développement de la banque et plus particulièrement sur
l'ouverture de nouvelles succursales.
Le taux d'intérêt a également un impact
sur l'activité de la banque. Par exemple, dans le cas où le taux
serait particulièrement élevé s'accompagnant d'une
surévaluation de la devise locale, cela peut constituer un frein
à la croissance. Dès lors, l'investissement s'orientera vers des
placements financiers au détriment d'investissements productifs. Dans
cette configuration, les banques se tourneront vers des activités
financières ou vers des activités spéculatives
plutôt que de financer des investissements productifs ou
d'entreprise.
Le niveau des importations et des exportations a un double
impact sur l'activité bancaire. Une banque dont les clients nationaux
exportent est amenée à faire de nombreuses opérations de
financement international (p.ex. crédits bancaires, opérations de
couverture, etc.). De plus, la banque peut être conduite afin de suivre
le développement de ses clients à l'étranger, d'ouvrir une
succursale ou un établissement hors de ses frontières.
Si la banque possède une part de marché
importante, alors elle aura tendance à adopter une stratégie du
leader afin de protéger sa part de marché, autrement dit afin de
défendre sa position sur le marché.
En conséquence, la banque:
- mettra l'accent sur les opérations bancaires les plus
classiques telles que «la collecte de dépôts» et
«l'octroi de crédit» et délaissera les «services
de conseil» (par exemple, l'aide à la gestion
financière des entreprises, l'ingénierie financière, la
gestion de fortune pour les institutionnels et les particuliers, les conseils
sur les investissements ou encore les «opérations de
trésorerie»).
- adoptera des services financiers online tels que le
«téléphone banking» ou l'«internet
banking» afin de conserver ou d'accroître sa part de
marché. Trois éléments principaux contribuent à la
montée en puissance des services financiers online;
. Les progrès enregistrés en
matière d'infrastructure et de technologie: Le développement
de standards ouverts accroît les connexions, leur vitesse, leur
interactivité comme leur personnalisation.
. L'accentuation de la segmentation des
clientèles: Les comportements face à la consommation de
produits font l'objet de ciblage marketing de plus en plus fins. Le segment
jeune, urbain, à pouvoir d'achat élevé et détenteur
d'actions est privilégié.
. La qualité de l'offre : L'avantage
semble aller à une offre d'accès pratique et, jusqu'ici, aux
produits les plus simples (comptes courants, dépôts en tête,
suivis des fonds, cartes de crédit, prêts à la consommation
et polices générales d'assurance).
En revanche, s'il existe des banques n'ayant pas une part de
marché importante, ces dernières auront intérêt
à adopter la stratégie du spécialiste,
c'est-à-dire, à privilégier un ou plusieurs segments de
clientèle, ces établissements bancaires auront peut-être
intérêt à innover.
Enfin, un secteur fortement concentré s'accompagne
fréquemment de fusions acquisitions.
Les résultats passés en termes de
rentabilité ont tout d'abord un impact sur l'activité car ils
conditionnent les ressources financières dont dispose la banque. Ainsi
des résultats positifs permettent de développer le réseau
bancaire ou encore d'innover. Il faut garder à l'esprit que les
résultats sont appréciés en fonction de la
personnalité de la banque. Par exemple, une banque publique qui aurait
reçu pour «mission» de soutenir le développement de
l'agriculture ne sera probablement pas jugée sur sa rentabilité
financière, mais plutôt sur la part de marché
détenue au sein du segment cible comme la BNA.
Les banques, en fonction de leur personnalité
adaptent leur activité. Les stratégies d'activités
adoptées par les banques publiques, privées ou
étrangères ne sont pas identiques. Ainsi, les banques publiques
ont parfois pour mission de financer certains secteurs économiques, tels
que l'agriculture ou les PMEs. Afin de remplir ces objectifs parfois
imposés par le gouvernement (variable environnement),
la banque peut être amenée ;
- à ouvrir de nombreuses succursales dans le pays, y
compris dans des zones peu rentables ou encore suivre ses clients à
l'étranger,
- à privilégier certaines catégories de
clients qui ne seront pas nécessairement les plus rentables,
- à mettre l'accent sur les opérations bancaires
plus classiques telles que «la collecte de dépôts» et
«l'octroi des crédits».
D'autre part, les banques étrangères peuvent
choisir d'implanter quelques succursales afin de financer les grandes
entreprises locales ou pour suivre ses clients. La stratégie
développée par ces banques étrangères peut
être diamétralement opposée à celle conduite par les
banques locales (publiques et privées).
3. «Organisation/Moyens» et ses
déterminants
L'organisation d'une banque dépend de
son activité, des résultats passés ou du potentiel et des
contraintes de l'environnement. Ces deux éléments sont
appréciés en fonction de la personnalité de la banque. On
peut résumer ce lien de la manière suivante:
Ot = f [(At
X Et X POTt-1)
(Pert-1)]
Où
Ot : les
variables de la dimension «organisation» (actuelle)
At : les
variables de la dimension «activité» (actuelle)
Et : les
variables de la dimension «environnement» (actuel)
POTt-1 : les
variables de la dimension «potentiel» (au passé)
Pert-1 : les variables de
la dimension «personnalité» (au passé)
X : représente les relations
matricielles entre les variables
Les activités des établissements bancaires
exercent une influence sur l'organisation. Par exemple, si une banque
décide de s'adresser prioritairement à une clientèle
«haut de gamme», elle devra probablement développer de
nouveaux services et être en mesure de donner des conseils
personnalisés à ses clients. Cela signifie que le personnel devra
posséder une certaine compétence et une autonomie importante.
Dans cette perspective, le personnel bancaire est essentiellement
composé de spécialistes ayant pour mission de conseiller et de
fournir des produits adaptés à chaque situation.
En revanche, les banques de réseau qui s'appuient sur
une clientèle «beaucoup plus large» n'adopteront pas une
stratégie de spécialiste qui correspond à une politique de
créneau, mais rechercheront le volume. Dès lors, le niveau de
formation du personnel sera probablement moindre dans la mesure où ils
traiteront des opérations «routinières». Le nombre de
niveau hiérarchique sera plus important car la coordination ne
s'effectue plus par standardisation des qualifications ou ajustement mutuel
mais par standardisation du travail (Mintzberg, 1982).
Une banque ayant un large réseau bancaire aura tout
intérêt à informatiser les opérations bancaires
classiques (p.ex. les dépôts, les prêts). En effet, une
telle informatisation permet de bénéficier de coût plus
faible, ce qui est indissociable d'une politique de volume. De plus, cette
informatisation constitue un argument commercial pour les clients, ces derniers
bénéficiant alors de la baisse des coûts des services ainsi
qu'un meilleur accès à ces derniers. La conjonction de ces
éléments permet à la banque de préserver voire
d'accroître sa part de marché.
L'environnement, notamment au travers des
réglementations bancaires peut avoir un impact sur le niveau des fonds
propres. En effet, celle-ci précise le rapport qu'il faut respecter
entre le niveau des fonds propres et les prêts que l'on peut accorder. On
retrouve cette même logique en ce qui concerne les liquidités. En
effet, les réglementations bancaires précisent le taux des
réserves obligatoires qu'une banque doit déposer auprès de
la Banque Centrale. De plus, comme le note Mishkin (1998, p : 255), une
modification dans l'environnement financier amènent les institutions
financières à enclencher des innovations qui peuvent se traduire
par des profits plus importants. De manière générale,
l'environnement économique a un impact direct sur la
liquidité.
Quant au potentiel de la banque, il est évident que de
bons résultats passés permettent d'investir dans l'ensemble de
l'organisation notamment dans les ressources humaines et les systèmes
d'information. De plus, de bons résultats peuvent attirer du personnel
plus qualifiés. D'autre part, si les dirigeants le souhaitent, il est
possible d'augmenter le niveau des fonds propres.
La personnalité de la banque peut avoir une influence
sur le niveau de fonds propres de la banque. En effet, les banques publiques
maintiennent un ratio de fonds propres plus faible dans la mesure où le
gouvernement garantit les opérations réalisées. De
même, l'appartenance d'une banque à l'Etat peut se traduire au
niveau des ressources humaines, notamment, en termes de statut ou encore en
nombre de personnes employées (il est tout à fait envisageable
que dans le cadre d'une politique de plein emploi, l'Etat demande à ses
entreprises publiques d'augmenter leurs effectifs).
4. «Résultats/PERFORMANCE BANCAIRE»
et ses déterminants
Le modèle BANQUE-OPERA est un modèle
systémique dont la dimension résultats constitue
l'extrant. Donc, les résultats d'une banque
dépendent de l'ensemble des dimensions que nous venons d'étudier.
On peut résumer le lien de la manière suivante:
Rt = f [(Et
X At X Ot
X POTt-1)
(Pert-1)]
Où
Rt : les
variables de la dimension «résultats» (actuels)
Ot : les
variables de la dimension «organisation» (actuelle)
At : les
variables de la dimension «activité» (actuelle)
Et : les
variables de la dimension «environnement» (actuel)
POTt-1 : les variables de
la dimension «potentiel» (au passé)
Pert-1 : les variables de
la dimension «personnalité» (au passé)
X : représente les relations
matricielles entre les variables
Ainsi l'environnement de la banque a bien évidemment un
impact non négligeable sur la performance bancaire. Par exemple, le
niveau de développement économique d'un pays et plus
particulièrement ses taux d'épargnes et d'investissements
constituent le ressort de l'activité bancaire. De plus, certains auteurs
affirment que les marchés financiers se développent grâce
à la croissance économique. D'autre part, la démographie
joue un rôle sur le niveau des dépôts, qui lui même a
un impact sur la performance dans la mesure où il conditionne le niveau
d'activité de la banque.
En ce qui concerne l'activité, en effet, que ce soit le
choix d'une stratégie locale ou internationale, ou encore la
volonté de posséder un réseau, tous ces
éléments vont directement influés sur la capacité
de la banque à être performante. La différence de
rentabilité entre les banques qui travaillent principalement avec les
PME et celles qui préfèrent avoir des relations avec les grandes
entreprises, peut s'expliquer par le risque plus élevé que
connaissent les PME. Les causes de cette fragilité sont principalement
liées à la structure financière des PME qui se
caractérise par une capitalisation souvent insuffisante et un taux
d'endettement qui, même s'il a baissé récemment, demeure
d'autant plus élevé que la taille de l'entreprise est petit.
L'organisation est envisagée dans ce modèle
comme une modalité de l'allocation des ressources. Là encore, la
performance est directement liée à la capacité de la
banque à prendre les meilleures décisions dans l'allocation de
ses ressources. Par exemple, l'utilisation de distributeurs automatiques de
billets au lieu d'un employé au guichet est une amélioration de
la qualité de service dans la mesure où cela améliore la
vitesse des opérations. Cette pratique permet également de
réduire les coûts d'exploitation, cependant les distributeurs de
billets peuvent amener les clients à effectuer plus de retraits qu'ils
ne l'auraient fait s'ils avaient dû se rendre dans une agence.
En ce qui concerne l'impact des moyens financiers sur la
performance bancaire, le niveau des fonds propres d'une banque reflète
son autonomie financière car au fur et à mesure que le niveau des
fonds propres détenus par la banque augmente, le besoin de financement
à long terme diminue. De plus, les banques bien capitalisées
peuvent accéder aux fonds à de meilleures conditions car elles
sont considérées comme moins risquées. Les banques dont la
capitalisation est importante peuvent être considérées
comme des établissements «prudents».
Concernant les résultats passés, il constitue la
base sur laquelle l'entreprise peut (ou non) se développer. Par exemple,
des résultats médiocres peuvent influencer négativement de
futurs investisseurs qui préféreront alors se diriger vers une
banque concurrente.
Il faut garder à l'esprit que les résultats sont
également appréciés en fonction de la personnalité
de la banque. Par exemple, une banque publique qui aurait reçue pour
«mission» de soutenir le développement de l'agriculture ne
sera probablement pas jugée sur sa rentabilité financière,
mais plutôt sur la part de marché détenue au sein du
segment ciblé.
5. . «Environnement» et ses
déterminants
Le changement de l'environnement bancaire
dépend non seulement de lui-même mais également
des résultats du système bancaire. On peut représenter
l'évolution de l'environnement bancaire de la manière
suivante:
E = f [(E, R)]
Où
E : les variables de la dimension
«environnement»
R : les variables de la dimension
«résultats»
Selon le modèle BANQUE-OPERA, la dimension
«environnement bancaire» intègre essentiellement
l'environnement économique et réglementaire, la structure du
marché ainsi que les déposants et les emprunteurs. Cette
dimension présente plusieurs caractéristiques. Tout d'abord, son
évolution est due en large partie à elle-même. Autrement
dit, la dimension «environnement bancaire» présente un
caractère endogène important. Cependant, cette dimension est
également influencée directement par les résultats du
système et inversement.
En résumé, les liens qui existent entre les
variables dans le cadre du modèle BANQUE-OPERA sont exposés dans
le Schéma 4.
Figure 4 : Présentation du modèle
BANQUE-OPERA
RÉSULTATS POTENTIEL
ENVIRONNEMENT BANCAIRE
ORGANISATION / MOYENS
PERSONNALITE
/ POUVOIR ET PREFERENCES
ACTIVITÉ
Conclusion :
Dans le cadre de cette étude, nous nous sommes
penchés sur le question suivante: «Comment peut-on modéliser
les liens entre la performance bancaire et ses déterminants?». La
déclinaison du modèle OPERA (Capet, Causse et Meunier, 1983) pour
le secteur bancaire nous a permis de proposer le modèle BANQUE-OPERA. Ce
modèle est de nature systémique. Il est fondé sur les
dimensions suivantes: l'environnement bancaire, l'activité,
l'organisation/les moyens, la personnalité, les résultats et le
potentiel. Les liens systémiques entre ces dimensions nous permettront,
lors de l'étude empirique, de présenter une typologie des
banques. Ultérieurement, le modèle permet également, de
savoir quelles sont les dimensions et/ou variables de dimensions sur lesquelles
il est possible d'agir pour améliorer la performance.
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