I-8
Conséquences du VIH/SIDA
Dans tous les pays à faible comme à forte
prévalence du VIH, le SIDA freine le développement et fait payer
aux individus et aux familles un tribut exorbitant. Dans les pays les plus
durement frappés, il efface des décennies de progrès
social, économique et sanitaire, amputant l'espérance de vie de
plusieurs années, aggravant la pauvreté et contribuant aux
pénuries alimentaires ou les accentuant.
I-8-1 Conséquences
démographiques
L'Afrique subsaharienne a la prévalence la plus
élevée du monde et doit faire face à l'impact
démographique le plus important. Dans les pays les plus atteints
d'Afrique orientale et australe, si les niveaux actuels d'infection se
maintiennent et des programmes de traitement à grande échelle ne
sont pas mis en place, jusqu'à 60% des jeunes qui ont 15 ans aujourd'hui
n'atteindront pas leur soixantième anniversaire.
Dans sept pays africains où la prévalence de
l'infection à VIH dépasse 20%, l'espérance de vie pour une
personne née entre 1995 et 2000 n'est plus que de 49 ans, soit 13
ans de moins qu'en l'absence de SIDA. Au Swaziland, en Zambie et au Zimbabwe,
on estime que l'espérance de vie moyenne tombera à moins de
35 ans en l'absence de traitements antirétroviraux.
Certains chercheurs prévoient une croissance
démographique négative et une baisse de l'espérance de vie
imputable aux effets du SIDA (ONUSIDA, 2002).
Roy Anderson estimait que : «dans les régions
du monde les plus atteintes, le SIDA pourra vraisemblablement en quelques
décennies transformer de positifs en négatifs les taux de
croissance démographique» (Stover, 1996), alors qu'en 1990 John
Bonguarts pensait que «les taux de croissance démographique ne
devraient pas devenir négatifs en Afrique centrale. Vraisemblablement,
les taux de croissance démographique en Afrique Centrale et Orientale ne
tomberont pas en dessous de la moitié de leurs valeurs
actuelles».
Dans de nombreux pays, le SIDA anéantit des
décennies de progrès en matière d'allongement de
l'espérance de vie. L'impact du SIDA sur l'espérance de vie porte
un coup considérable au développement d'une société
surtout en Afrique. Dans les 45 pays les plus touchés, les projections
démographiques indiquent qu'entre 2000 et 2025, 65 millions de personnes
mourront plus tôt qu'elles ne l'auraient fait en l'absence du SIDA. C'est
en Afrique subsaharienne que le nombre projeté de décès
est le plus élevé, avec 55 millions de décès
supplémentaires attendus (39% de décès de plus que si le
SIDA n'existait pas). Les effets du SIDA sont particulièrement
importants sur la mortalité juvénile (parmi les enfants de moins
de 5 ans). La survie de l'enfant est donc menacée dans les pays les plus
touchés (ONUSIDA, 2002).
Les conséquences démographiques de
l'épidémie sont logiquement plus importantes dans les pays
où les taux de prévalence sont élevés. C'est donc
sur le continent africain que les effets sont aujourd'hui les plus
sensibles ; ce qui se mesure avec autant plus d'acuité que la
croissance démographique est importante et que les populations y sont
jeunes.
La première conséquence liée
à la surmortalité des personnes infectées est donc une
réduction de l'espérance de vie à la naissance. Dans les
pays les plus touchés par le SIDA, l'espérance de vie à la
naissance, des hommes comme des femmes, recule de façon spectaculaire.
L'autre impact concerne la composition par
âge et par sexe de la population. La mortalité liée au
virus ne touche pas tous les âges de façon identique et affecte
davantage les femmes que les hommes en Afrique. Selon les projections des
Nations Unies à l'horizon de 2020, au Botswana les jeunes de moins de 20
ans et les adultes de 30 à 60 ans enregistreraient la ponction la plus
lourde, au regard des tendances actuelles. Les Nations Unies estiment en effet
que les taux de prévalence chez les 15-49 ans sont jusqu'à 20
fois plus élevés dans les pays d'Afrique subsaharienne que dans
les pays industrialisés. Au final, l'épidémie retarde le
vieillissement, en réduisant considérablement les effectifs des
adultes. Mais l'impact de l'épidémie est plus lourd chez les
femmes jeunes qui représentent une plus grande proportion en Afrique
subsaharienne, pour plusieurs raisons concomitantes. Elles sont en effet plus
exposées au risque d'infection car elles n'ont pas toujours le pouvoir
de négocier les termes de leurs rapports sexuels, ni d'accéder
correctement aux contraceptifs, et sont fréquemment soumises à un
rapport de domination vis-à-vis des hommes. D'autre part, l'accès
des femmes aux soins médicaux est également plus
limité ; ce qui aggrave d'autant l'impact à leur
égard, quand elles ne souffrent pas de discrimination lorsqu'elles
vivent avec le virus. Certains rapports des Nations Unies
révèlent une situation très préoccupante, où
les inégalités de genre accentuent considérablement les
conséquences d'une telle maladie.
Au Niger, en 2000, le nombre de personnes vivant avec
le VIH etait estimé à 64.000 et le nombre de décès
à 6500 pour l'année 1999. Les personnes vivant avec le VIH/SIDA
sont hospitalisées dans tous les services de santé sans
discrimination. La proportion des lits qu'elles occupent est difficilement
appréciable. Certaines structures l'estiment de 0,5 à 33%
(PNLS/IST, Niger 2006).
I-8-2 Conséquences sociales
Le VIH/SIDA constitue une menace potentielle
importante sur les structures familiales. L'épidémie prive la
famille de ses biens et appauvrit encore ceux qui sont déjà
pauvres. Selon l'ONUSIDA (2002), 65% des ménages zambiens dans lesquels
la mère était morte du SIDA s'étaient
désintégrés, et dans les deux tiers de familles dans
lesquelles le père était mort du SIDA, le revenu mensuel a
chuté de plus de 80%.
Au Niger, une étude a montré que le
revenu des ménages touchés correspondait à la
moitié du revenu moyen des ménages. Cela est dû au fait que
la famille affectée devait non seulement consacrer davantage de temps et
d'efforts à des tâches autres que leurs activités
productrices de revenu, mais aussi à dépenser pour les malades de
la famille.
La durée moyenne d'hospitalisation chez un
malade du SIDA au Niger, varie de 5 à 40 jours selon l'épisode de
la maladie, la capacité d'accueil et le coût de l'hospitalisation.
La charge de travail en soins infirmiers et en soutien psychoaffectif du
personnel a augmenté de manière générale dans les
Hôpitaux Publics et Privés. Le coût direct moyen de prise en
charge en 14 jours dans les formations sanitaires publiques,
s'élève à 77.500 FCFA comprenant 33.825 FCFA en
médicaments, 7473 FCFA pour les frais d'hospitalisation, 24.465 FCFA en
examens complémentaires et 1600 FCFA pour les frais de consultation. La
prise en charge par hospitalisation est estimée entre 300.000 FCFA et
500.000 FCFA dans les structures privées (sans le coût des
antiretroviraux). Quant au coût supplémentaire lié à
la sécurité du personnel, il a connu une augmentation liée
aux moyens de prévention (gants, chaussures de sécurité,
appareils d'incinération).
Lorsque l'épidémie évolue, la
demande de soins des personnes vivant avec le VIH/SIDA augmente. On assiste
alors à un surcroît de pression sur le secteur de la santé.
Les services de soin de santé sont soumis à des niveaux de
pression qui varient en fonction du nombre de personnes qui cherchent ces
services, de la nature de la demande et de la capacité à fournir
cette prise en charge. Selon l'ONUSIDA (2002), le rapport sur le
développement humain du Swaziland (2001) a estimé que les
personnes infectées par le VIH/SIDA occupaient la moitié des lits
et qu'ils ne sont admis qu'à des stades avancés de la maladie. Ce
qui réduit leur chance de guérison.
L'un des phénomènes sociaux
majeurs induit par l'épidémie sera la progression du nombre
d'orphelins. Du fait d'une mortalité encore forte en Afrique, la
proportion d'orphelins est déjà, sans le SIDA, très
élevée : à 15 ans, 10% des enfants ont perdu leur
mère et 20% leur peur et près de 2% ont perdu leurs deux parents
(Vallin et al., 1994). Au Niger, l'absence d'études et de données
fiables ne permet pas de déterminer le nombre d'orphelins, veufs, et
veuves du SIDA. Toutefois dans certaines régions du pays comme Tahoua,
au Centre Hospitalier Régional (CHR) la demande en assistance sociale
concerne les orphelins et veuves du SIDA. Le nombre d'enfants de la rue a
augmenté même s'il est difficile de déterminer la part
liée au VIH/SIDA.
Les attitudes de la société
vis-à-vis des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sont la compassion
pour beaucoup tandis que pour certains c'est la méfiance et la crainte
d'être contaminé. La solidarité familiale existe toujours
mais l'épuisement de la prise en charge matérielle liée
à la chronocité de la maladie explique parfois les abandons. Les
groupes stigmatisés sont surtout les exodants, les prostituées.
Dans certaines régions, les veuves et les étrangers ont
été cités. Quant aux valeurs sociales, l'avènement
du VIH ne les a pas modifiées fondamentalement qu'il s'agisse des
intentions de mariage, de polygamie et du sororat.
On observe que dans la zone de Maradi, la peur est
le facteur le plus important, suivi de près par la psychose et
l'isolement. Dans la zone de Diffa la psychose l'emporte sur l'isolement et la
peur. Les groupes stigmatisés sont surtout les exodants, les
prostituées. Quelques rares cas de demande en test prénuptial ont
été signalés (PNLS/IST, Niger 2006). Une autre
étude (P.A.C : Etude sur l'ampleur de l'épidémie du
VIH/SIDA dans quatre (4) régions du pays) indique que dans les zones de
Maradi et de Diffa, l'épidémie du VIH/SIDA a des
conséquences sociales et psychologiques allant de l'angoisse à la
psychose sociale.
Il convient de noter que l'avènement du
VIH/SIDA dans les villages notamment n'est pas sans provoquer des perturbations
sociales, tant du point de vue de l'organisation que dans les logiques
culturelles des communautés en présence (dissémination et
rejet des PVVIH/SIDA, abandon des veuves, veufs et orphelins, dislocation des
ménages, changement des schémas culturels).
I-8-3 Conséquences économiques
La perte de revenu, le surcroît des
dépenses liées aux soins, ainsi que l'augmentation des
coûts de la santé et des obsèques entraînent la
pauvreté. Le VIH/SIDA est donc un obstacle à l'expansion
économique et au progrès social parce que la grande
majorité des personnes vivant avec le VIH/SIDA dans le monde est
âgée de 15 à 24 ans, principale période de la vie
active. Le SIDA affaiblit l'activité économique en
réduisant la productivité, en augmentant les coûts, en
réorientant les ressources et en amenuisant les compétences.
L'impact du VIH/SIDA sur la main d'oeuvre, les
entreprises et les ménages est lourd dans la mesure où le SIDA
engendre une demande accrue de ressources et de services à tous les
niveaux de la société, tout en affaiblissant les fondements
même de l'économie et de l'Etat. La production agricole qui reste
le secteur dominant des économies africaines est affectée par
l'épidémie, entraînant ainsi une baisse des cours des
principaux produits d'exportation et mettant en péril par la même
occasion la sécurité alimentaire des populations ; comme
ça a été observé en Ouganda ou en Tanzanie.
Plusieurs études ont montré que l'effet
net de l'épidémie sur le produit intérieur brut (PIB) par
habitant est négatif et peut-être même important (ONUSIDA,
2002). Pour les pays dont les taux nationaux de prévalence sont de 20%,
la croissance annuelle du PIB chute en moyenne de 2,6% (ONUSIDA, 2002).
Au Niger, il a été constaté
une diminution du revenu du ménage lorsque l'un ou les deux conjoints
sont malades. Dans les entreprises et sociétés, il existe des
personnes infectées dont la plupart sont au stade du SIDA. L'impact sur
la production n'est pas encore évalué. Les frais de prise en
charge médicale au niveau des entreprises qui sont remboursés par
paiement direct de 80 à 100% selon les structures, ont connu une
augmentation non chiffrée (PNLS/IST, Niger 2006).
Selon l'étude du Fonds des Nations Unies pour
l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) réalisée en 2001, les
impacts du SIDA sont multiples et multiformes, notamment en milieu rural.
L'étude révèle que l'impact de la maladie sur
l'exploitation de la terre n'est ressenti que lorsque la personne
infectée est elle-même chef de famille exploitant le(s) champ(s)
ou alors lorsqu'il s'agit d'un exodant résidant ailleurs et qui est le
soutien de la famille. Quand le chef de famille meurt, le champ est
cultivé par les enfants et leur mère, et les conséquences
se traduisent par une baisse de la production.
Dans ce cas de figure, d'autres conséquences
à long terme seront que les enfants non encadrés,
abandonnés à eux-mêmes ne pourront acquérir le
savoir-faire que leurs parents leur auraient transmis.
A l'échelle mondiale, le SIDA constitue un obstacle
important à la réalisation de l'accès universel des
enfants à la scolarisation d'ici 2015 (objectif clé de
l'Initiative 'Education pour tous' de l'UNESCO et des Objectifs de
développement pour le Millénaire). On estime à un milliard
de dollars par année le coût supplémentaire net susceptible
de compenser les effets du SIDA - perte et absentéisme des enseignants
et encouragements à la demande destinés à maintenir
à l'école les orphelins et autres enfants vulnérables.
SYNTHESE
PARTIELLE
Ce chapitre a porté sur deux grandes sections. La
première, qui avait pour but de présenter le contexte de
l'étude s'est appesantie sur les aspects géographiques,
démographiques, socio-économiques et sur la politique en
matière de santé au Niger. Il y est ressorti que la
précarité des conditions d'existence et la politique de
santé reproductive en cours au Niger sont autant de facteurs à
prendre en compte dans l'explication des comportements sexuels des
adolescents.
Dans la seconde section, il était question de faire le
point sur le VIH/SIDA. Il y est ressorti que le VIH/SIDA affecte une frange
importante des adolescents. Sa forte propagation augure de sombres
perspectives, eu égard aux conséquences démographiques,
sociales et économiques qu'elle occasionne. Les adolescents plus
particulièrement paient un lourd tribu à
l'épidémie. Toutefois, cette catégorie de population fait
très peu l'objet d'attention dans les cadres stratégiques de la
lutte contre le VIH/SIDA au Niger. Dans ce pays, des avancées
significatives pour une réponse efficace à
l'épidémie ont été certes effectuées, mais
l'épidémie continue sa propagation.
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