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La psychologie, un genre médiatique devenu rentable

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par Ariane Gaffuri
Celsa-Université de Paris IV-Sorbonne - Master 2 Pro en Information et Communication spécialisé en Journalisme 2008
  

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CONCLUSION

« Les hommes ont toujours eu des blessures à cautériser. Ils ont toujours eu besoin de chirurgiens. Ce qui est nouveau, c'est qu'ils aient tant besoin de psychologues. Peut-être qu'au bout de l'individualisme, il y a un Moi qui doute, qui s'effrite, qui attend tout d'autrui. »121(*)

Jacques Gaillard, « Des psychologues sont sur place », 2003.

Nous avons tenté, tout au long de ce mémoire, de comprendre comment la relation entre les psychologues et les médias s'est construite en l'espace de quarante ans. Françoise Dolto à la radio, et Serge Leclaire à la télévision, ont été les premiers à exporter leurs connaissances cliniques de la psychanalyse hors du cabinet, employant un langage simple, vulgarisant la discipline. Se sont succédées ensuite les émissions de témoignages rentables pour les chaînes de télévision, où les psychologues ont officié, servant parfois de garde-fous ou de caution à une mise en spectacle de l'intimité et de l'émotion. La psychologie a continué sa progression jusqu'à devenir omniprésente dans tous les supports médiatiques. Cette invasion marque un nouveau tournant de la discipline. De rares praticiens s'inquiètent, qu'à force, leur crédibilité dans les médias soit contestée et le genre dévoyé.

Nous avons établi en première partie que les médias dépendent de la fidélité d'un large public, cible pour les annonceurs et facteur d'équilibre économique. Nous avons constaté que la psychologie était un genre, au même titre que le jardinage ou la cuisine peuvent l'être.

Le retour historique effectué dans la deuxième partie a permis l'analyse des principaux « passeurs » de la psychologie.

Nous avons traité, en troisième partie, le rôle de la psychologie et des praticiens à la télévision, à la radio, et dans la presse écrite. Nous avons observé sa transformation, au cours de ces dernières années dans « Ca se discute », à la radio, et au travers de Psychologies Magazine, qui vante les mérites du mieux être physique et psychique et de l'épanouissement personnel.

La description des spécialistes du surmoi à l'oeuvre dans les médias pourrait se résumer ainsi. Il y a le conseiller pédagogue, qui transmet une information et une réflexion de bon sens sur les interrogations des individus et de la collectivité ; le praticien qui apparait de façon fantasque et anecdotique dans les émissions de témoignages, comme « Ca se discute » ; le « psy polyvalent », qui apporte des réponses à presque tous les maux des hommes et de la société ; puis le nouveau « psy chroniqueur » qui décrypte les discours et observe les personnalités des politiciens, tirant des conclusions cliniques hors du champ thérapeutique. Il exprime des opinions citoyennes, voire partisanes, débordant de son domaine d'expertise.

Sur tous les fronts, jusque dans les informations, avec son lot de catastrophes et de malheurs (tremblements de terre, crack boursier, faits divers, crimes...), les médias sollicitent « en boucle » ces professionnels pour rassurer les individus et la collectivité, comme si les blessures de l'existence étaient évitables ou faciles à résoudre.

Le « tout psy » a envahi la société, rattrapant le psychologue, lui-même victime de son propre succès.

Trop de psys tuent la psy 

« Le savoir le plus exhaustif n'évite pas d'avoir à se faire son opinion propre pour pouvoir décider quoi faire face à des évolutions majeures. »122(*)

Jean Lebrun, psychiatre, «L'Homme sans gravité », 2005.

Il semblerait que s'amorcent les premiers signes de fatigue et de lassitude du public face à de tels excès. Ceci est manifeste dans l'édition123(*) qui a pourtant connu des années florissantes.

De rares psychanalystes condamnent le détournement de la psychologie à des fins narcissiques et vénales. Ils redoutent que sa surenchère ne discrédite la fonction et ne lasse le public. Ils y voient, confortés par certains observateurs, une faille de la société moderne et la manifestation d'une profonde crise de repères.

Face à la difficulté de prendre des décisions, l'individu prélève dans le vaste marché « psy » des bribes de réponses. Les praticiens lui fournissent un réconfort immédiat et des arguments par l'intermédiaire d'une parole médiatisée. Mais, cette parole lui évite d'aller chercher par lui-même, et en lui-même, des solutions à ses doutes et à sa souffrance.

En 1967, Menie Grégoire a recueilli les premiers chuchotements et a libéré la parole. Plus de quarante ans après, on assiste au grand déballage. Les médias ont gagné en termes d'audience, d'argent et de crédibilité. Mais ce faisant, la psychologie a été dévoyée, gadgétisée et il règne aujourd'hui une confusion.

Il est temps que les médias respectent les « psys », tout en s'en détachant et que la psychologie, après avoir été prisée, retrouve sa singularité.

Y a-t-il équivalence de genre entre l'investigation de la souffrance humaine et la recette du poulet aux olives ou la culture des radis ? Il est important, afin de retrouver la confiance du public, de revaloriser la parole du journaliste en tant qu'informateur ou chroniqueur, celle du témoin en tant que parole occasionnelle et celle du psychologue dans une situation qui lui est davantage conforme et légitime.

Paris, août 2008

* 121 Gaillard, Jacques, « Des psychologues sont sur place. », Mille et une nuits, collection « Essais », 2003.

* 122 Melman, Charles, Lebrun Jean, « L'Homme sans gravité », Denoël, 2005.

* 123 Les ventes d'ouvrages traitant de la psychologie sont en baisse depuis 2007, atteste Elsa Rosenberg, éditrice

de la collection Psychologie aux Editions du Seuil. Pour redynamiser le secteur, les éditeurs misent sur les

prix, les maquettes, le rajeunissement des auteurs, l'humour... Six, Nathalie, « Psychologie, psychanalyse, la

polémique comme thérapie », Livre Hebdo, n° 735, 23 mai 2008.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille