La psychologie, un genre médiatique devenu rentable( Télécharger le fichier original )par Ariane Gaffuri Celsa-Université de Paris IV-Sorbonne - Master 2 Pro en Information et Communication spécialisé en Journalisme 2008 |
INTRODUCTIONAu départ, existait le courrier du coeur des lectrices anonymes dans quelques journaux féminins. Aujourd'hui, on rencontre l'interprétation à tout va des maux divers de l'individu ou du groupe - dans tous les médias. Autrefois cantonnée à l'intimité du cabinet du psychothérapeute, la psychologie s'est en quarante ans propagée à la radio, à la télévision, dans la presse écrite, et plus récemment sur Internet, avec une ampleur considérable. Elle est devenue un genre, par le biais notamment d'émissions de témoignages (dites de flux), comme la cuisine, le jardinage, la fiction... Protégée des contraintes d'audience au début, la psychologie est, semble-t-il, un produit rentable de nos jours pour les médias du secteur public et privé. Ceux-ci sont des entreprises dont la survie économique dépend de la fidélité du public. Au travers de la psychologie et des psychologues, l'émotion est présente, l'intimité dévoilée, voire mise en spectacle, attirant l'auditeur. Largement sollicités par les journalistes, les praticiens tentent de décrypter les événements qui ponctuent la vie des individus, anonymes ou célèbres, et de la collectivité : des simples doutes inhérents à la vie quotidienne aux souffrances les plus intenses. On les retrouve dans les journaux, les talk shows, les débats de société, l'actualité, la politique... Ce mémoire cherche à comprendre comment les médias se sont emparés de la psychologie pour séduire, retenir et augmenter leur public. Il étudiera le rôle et la place qu'occupent la psychologie, les psychologues1(*), les journalistes ou les animateurs qui s'y apparentent, dans l'hypothèse où effectivement la psychologie est un genre profitable dans l'univers médiatique actuel, un genre en transformation, sans doute victime de son succès aujourd'hui - ce que nous tenterons de démontrer. Ce mémoire s'articulera autour de trois grands axes : Dans la première partie, nous rappellerons le fonctionnement des médias et leur utilisation économique du genre. Nous déterminerons à qui s'adressent les émissions à caractère psychologique en termes de mesure d'audience et de cible pour les annonceurs. Nous ferons, en deuxième partie, un retour dans le temps pour découvrir comment et grâce à qui la psychologie s'est introduite dans les médias. Nous suivrons son évolution, passant du non-dit à la mise en spectacle de la parole. Nous observerons ce qui a permis à la discipline de rencontrer un large public populaire et pourquoi elle a suscité la controverse. Nous évoquerons trois grands « passeurs » avec Menie Grégoire en 1967 et Françoise Dolto à la radio ; puis Pascale Breugnot et le psychanalyste Serge Leclaire en 1984, avec leur émission télévisée « Psy-Show » - qui marquera le début d'une série de talk shows, dont ceux de Mireille Dumas et Jean-Luc Delarue. En troisième partie, nous parlerons de l'omniprésence des « psys » et de la « psy ». Nous prendrons pour exemple l'émission « Ca se discute » de Jean-Luc Delarue, archétype de rentabilité et de longévité des programmes de flux à la télévision. Nous examinerons l'approche de la psychanalyste Claude Halmos, héritière de Françoise Dolto, sur France Info et dans Psychologies Magazine. Nous réfléchirons au succès de ce mensuel, symbolique de la quête du « mieux être » que semble être devenue la psychologie dans les médias. Enfin, nous observerons les rôles « polyvalents » de certains praticiens qui s'étendent à l'actualité et à la politique. En conclusion, nous ferons un bilan sur ce genre en mutation. Est-ce que trop de psys n'en viendraient pas à tuer la psy ? * 1 Ce terme comprend l'ensemble des praticiens de la discipline : les psychologues, les psychiatres, les psychothérapeutes et les psychanalystes. |
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