Celsa
Ecole des hautes études en sciences de l'information et
de la communication
Université de Paris-Sorbonne (Paris IV)
MASTER SPECIALISE EN JOURNALISME
Mention : Information et Communication
Spécialité et Option :
Journalisme
« LA PSYCHOLOGIE, UN GENRE MEDIATIQUE DEVENU
RENTABLE »
Du non-dit au grand déballage
Préparé sous la direction de Madame le professeur
Véronique Richard
Nom : GAFFURI
Prénom : Ariane
Promotion : 2007 - 2008
Soutenu le : 12 novembre 2008
Mention : Assez Bien
Note du mémoire : 14 /20
REMERCIEMENTS
Je remercie le CELSA, Université de Paris IV-Sorbonne pour
la formation continue Master 2 Pro en journalisme, que j'ai suivie avec
enthousiasme et intérêt.
Je remercie Monsieur Hervé Demailly, maître de
conférences, qui m'a fait confiance pour mener ce travail jusqu'au
bout.
Je remercie Madame Michèle Chouchan, mon rapporteur
professionnel. Ce mémoire n'aurait pas vu le jour sans son exigence et
son soutien exceptionnel.
Je remercie Madame Valérie Jeanne-Perrier qui m'a permis
de mieux cerner ma problématique.
Je remercie Madame Menie Grégoire qui m'a ouvert son
coeur.
Je remercie Madame Pascale Breugnot qui m'a accordé un
long entretien détaillé.
Je remercie Madame Evelyne Dubreu, psychologue clinicienne, qui
m'a apporté un éclairage précieux sur le rôle des
psychologues dans les médias.
Je remercie Monsieur Bruno Denaes, journaliste, qui m'a
expliqué le fonctionnement de la rubrique « Savoir
être » sur France Info.
Je remercie Monsieur Arnaud Gachi, directeur de la communication
de Réservoir Prod, qui m'a donné de nombreuses indications sur
l'émission télévisée « Ca se
discute ».
Je remercie Madame Imogen Lamb, rédactrice en chef
adjointe au Service anglais de Radio France Internationale, qui m'a
encouragée à poursuivre cette formation et qui a facilité
ma disponibilité.
Je remercie ma mère, Madame Françoise
Rémont, qui s'est occupée de mes filles pendant mes
études.
Je remercie mon amie, Madame Gabrielle Stange, qui m'a
épaulée.
Je remercie mon époux, Monsieur Daniel Gaffuri, pour sa
patience dans les moments difficiles.
Je remercie mes filles qui ont eu à supporter une maman
débordée. Elles sont toutes les deux le soleil de ma vie.
SOMMAIRE
« LA PSYCHOLOGIE, UN GENRE MEDIATIQUE DEVENU
RENTABLE »
Du non-dit au grand déballage
INTRODUCTION
........................................................................ p.
7
1. Le fonctionnement des médias
..................................................... p. 9
1.1 Le tandem audience/annonceurs
................................................. p. 10
1.1.1 La mesure d'audience
............................................................. p. 11
1.1.2 Une cible pour les annonceurs
.................................................... p. 11
1.1.3 Les annonceurs
..................................................................... p. 12
1.2 La psychologie, promesse d'un genre
........................................... p. 13
1.2.1 Qu'est-ce que la psychologie dans les médias ?
................................ p. 14
1.2.2 Un genre rentable ?
.............................................................. p. 14
2. Les grands tournants des relations entre psychologie et
médias ............ p. 16
2.1 Menie Grégoire, premiers pas
................................................... p. 17
2.1.1 Les débuts de l'émission
........................................................... p. 17
2.1.2 Intervention de la psychanalyse
................................................... p. 19
2.1.3 Vives controverses
................................................................. p. 20
2.2 « Lorsque l'enfant paraît »,
Françoise Dolto ................................... p. 21
2.3 « Psy-Show » ou le spectacle de
la parole ...................................... p. 24
2.3.1 Première de
« Psy-Show » : Viviane et
Michel ................................. p. 26
2.3.2 L'émission fait scandale en 1983
................................................. p. 27
2.4 A l'école de « Psy-Show »
........................................................ p. 28
2.4.1 « L'Amour en danger », Pascale
Breugnot ..................................... p. 29
2.4.2 « Bas les masques », Mireille Dumas
........................................... p. 29
et « Ca se discute », Jean-Luc
Delarue
2.4.3 Un nouvel avatar : la
téléréalité
.................................................. p. 30
3. Omniprésence de la psychologie et des psychologues
dans les médias .... p. 32
3.1 Les psychanalystes à la Une
...................................................... p. 32
3.2 Changement de statut dans « Ca se
discute » .................................. p. 34
3.2.1 Rôles des psychologues dans l'émission
....................................... p. 35
3.2.2 La place du témoin
................................................................. p. 38
3.2.3 La situation du
public .............................................................. p.
40
3.3 A l'école de Françoise Dolto : Claude
Halmos ................................ p. 40
3.3.1 « Savoir être »
...................................................................... p. 41
3.3.2 Le courrier des lecteurs dans Psychologies Magazine
........................ p. 42
3.3.3 Mettre des mots
.................................................................... p. 43
3.4 Psychologies Magazine : un symbole du genre
................ ................. p. 44
3.4.1 La culture du bien-être
............................................................ p. 45
3.5 Vers le débordement du genre ; de la
psychologie à la chronique ........... p. 46
3.5.1 Des relations à redéfinir
.......................................................... p. 48
CONCLUSION ..........................................................................
p. 49
BIBLIOGRAPHIE
...................................................................... p. 52
INTERVIEWS
...........................................................................
p. 57
SITOLOGIE
..............................................................................
p. 58
RESUME
..................................................................................
p. 59
ANNEXE 1 : Les chiffres de « Ca se
discute » ..................................... p. 60
ANNEXE 2 : Index des noms propres
................................................ p. 64
MOTS CLES
..............................................................................
p. 65
INTRODUCTION
Au départ, existait le courrier du coeur des lectrices
anonymes dans quelques journaux féminins. Aujourd'hui, on rencontre
l'interprétation à tout va des maux divers de l'individu ou du
groupe - dans tous les médias.
Autrefois cantonnée à l'intimité du cabinet
du psychothérapeute, la psychologie s'est en quarante ans
propagée à la radio, à la télévision, dans
la presse écrite, et plus récemment sur Internet, avec une
ampleur considérable. Elle est devenue un genre, par le biais
notamment d'émissions de témoignages (dites de flux), comme la
cuisine, le jardinage, la fiction...
Protégée des contraintes d'audience au
début, la psychologie est, semble-t-il, un produit rentable de nos
jours pour les médias du secteur public et privé. Ceux-ci sont
des entreprises dont la survie économique dépend de la
fidélité du public. Au travers de la psychologie et des
psychologues, l'émotion est présente, l'intimité
dévoilée, voire mise en spectacle, attirant l'auditeur. Largement
sollicités par les journalistes, les praticiens tentent de
décrypter les événements qui ponctuent la vie des
individus, anonymes ou célèbres, et de la
collectivité : des simples doutes inhérents à la vie
quotidienne aux souffrances les plus intenses. On les retrouve dans les
journaux, les talk shows, les débats de société,
l'actualité, la politique...
Ce mémoire cherche à comprendre comment les
médias se sont emparés de la psychologie pour séduire,
retenir et augmenter leur public.
Il étudiera le rôle et la place qu'occupent la
psychologie, les psychologues1(*), les journalistes ou les animateurs qui s'y
apparentent, dans l'hypothèse où effectivement la
psychologie est un genre profitable dans l'univers
médiatique actuel, un genre en transformation, sans doute victime de son
succès aujourd'hui - ce que nous tenterons de démontrer.
Ce mémoire s'articulera autour de trois grands axes :
Dans la première partie, nous rappellerons le
fonctionnement des médias et leur utilisation économique du
genre. Nous déterminerons à qui s'adressent les
émissions à caractère psychologique en termes de mesure
d'audience et de cible pour les annonceurs.
Nous ferons, en deuxième partie, un retour dans le temps
pour découvrir comment et grâce à qui la psychologie s'est
introduite dans les médias. Nous suivrons son évolution, passant
du non-dit à la mise en spectacle de la parole. Nous observerons ce qui
a permis à la discipline de rencontrer un large public populaire et
pourquoi elle a suscité la controverse. Nous évoquerons trois
grands « passeurs » avec Menie Grégoire en 1967 et
Françoise Dolto à la radio ; puis Pascale Breugnot et le
psychanalyste Serge Leclaire en 1984, avec leur émission
télévisée « Psy-Show » - qui marquera
le début d'une série de talk shows, dont ceux de
Mireille Dumas et Jean-Luc Delarue.
En troisième partie, nous parlerons de
l'omniprésence des « psys » et de la
« psy ». Nous prendrons pour exemple l'émission
« Ca se discute » de Jean-Luc Delarue, archétype de
rentabilité et de longévité des programmes de flux
à la télévision. Nous examinerons l'approche de la
psychanalyste Claude Halmos, héritière de Françoise Dolto,
sur France Info et dans Psychologies Magazine. Nous
réfléchirons au succès de ce mensuel, symbolique de la
quête du « mieux être » que semble être
devenue la psychologie dans les médias. Enfin, nous observerons les
rôles « polyvalents » de certains praticiens qui
s'étendent à l'actualité et à la politique.
En conclusion, nous ferons un bilan sur ce genre en mutation.
Est-ce que trop de psys n'en viendraient pas à tuer la psy ?
1. Le fonctionnement des médias
« Une bonne émission, c'est celle où
le lendemain la régie pub appelle en disant que le standard explose et
qu'elle a déjà une liste d'attente d'annonceurs pour le prochain
numéro. »2(*)
André Obadia, cofondateur d'ACTA (Atelier de coach et de
training d'animateurs), 2004.
Les médias sont des entreprises dont la santé
économique dépend de la clientèle, en l'occurrence du
public, et de sa satisfaction. L'objectif est la fidélisation de
« consommateurs », un concept marketing en hausse dans la
plupart des sociétés. Il s'agit d'en séduire le plus
possible et de retenir ceux qui sont déjà acquis. Ils deviennent
alors une valeur « sûre » à partir de laquelle
les médias peuvent capitaliser, élaborer des stratégies et
gagner de l'argent.
Plusieurs instituts d'analyses ont mis en évidence les
avantages financiers d'une stratégie défensive de
fidélisation par rapport à une stratégie offensive de
conquête du client. Le retenir coûterait jusqu'à cinq fois
moins cher qu'en conquérir un nouveau.3(*)
Fidéliser la clientèle implique de connaître
ses goûts, ses habitudes et d'être en adéquation, voire en
avance, sur les tendances d'une époque. « On constate
aujourd'hui que les médias ont chacun ouvert un marché, avec une
offre et une demande. Les entreprises qui offrent ces médias se
distinguent de moins en moins des autres entreprises, si singuliers que soient
leurs "produits". En ce sens, les marchés de la communication n'ont pas
cessé de se banaliser, depuis la première utilisation de la
rotative jusqu'à nos jours. »4(*)
Attirer la clientèle exige que les médias
élaborent des « produits » susceptibles de la
captiver tout en intéressant les annonceurs. Ce fonctionnement
s'applique aux médias publics et privés. Bien que le secteur
public vive essentiellement de la redevance, il est propulsé dans la
course à l'audience par le secteur privé dont le financement
provient de la publicité.5(*)
1.1 Le tandem audience/annonceurs
La publicité est apparue dans la presse au début du
XIXe siècle. Emile de Girardin, journaliste et homme
politique, en a établi les bases lors du lancement du journal La
Presse en 1836, la publicité devant financer le journal (plus
que le lecteur lui-même).6(*) Cette formule lui permet de diviser par deux le prix
de vente, d'augmenter le tirage et le nombre de lecteurs et d'accroître
les recettes publicitaires. Un système qu'ont poursuivi les
médias. Comme le résume le sociologue Francis Balle, la
publicité est plus chère si elle touche le plus grand nombre de
personnes. Par conséquent, « les médias, s'ils
veulent augmenter leurs recettes, doivent séduire le public pour
élargir leur audience, et donc celle de la publicité dont ils
sont le support. »7(*) En même temps, la concurrence pour le
marché publicitaire dépend de la confiance qu'ont les annonceurs
pour la notoriété et le prestige d'un support (la presse, la
radio ou la télévision) et sa capacité à susciter
l'adhésion du public pour un programme donné. « La
publicité télévisée confère au produit une
notoriété et une image plus fortes que les autres supports,
poursuit-il. De ce fait elle est l'objet d'une forte demande de la part des
annonceurs et peut atteindre des tarifs très élevés
lorsqu'elle est diffusée à des heures de grande écoute.
»8(*) Grâce
à la publicité et à la volonté des annonceurs de
bien cibler leurs messages, les médias et les publicitaires ont
développé des outils de mesure leur permettant de connaître
leur public et d'adapter leur contenu avec efficacité.
1.1.1 La mesure d'audience
Bien qu'utilisé dans le langage courant pour parler de
l'audience, le terme « Audimat » se rapporte à un
instrument de mesure aujourd'hui remplacé par un outil baptisé
« Médiamétrie ». Médiamétrie
est une société indépendante créée en 1985
par les pouvoirs publics suite à l'apparition des radios privées
de la bande FM, de la privatisation de la première chaîne (TF1) et
d'Europe n° 1, du lancement de Canal +, de la Cinq et de la Six.9(*) C'est une
référence en matière de mesure d'audience des
chaînes hertziennes analogiques et numériques (TNT), par
câble, satellite et ADSL.
Autrefois, la mesure d'audience « Audimat »
était calculée par foyer. Aujourd'hui, Médiamétrie
mesure qui dans la famille regarde quoi et quand et permet aux annonceurs et
aux médias de cibler leur public.
Au 24 décembre 2007, le panel Médiamat comprenait 8
895 individus âgés de 4 ans et plus (1 % = 566 800) vivant dans 3
420 foyers équipés d'un audimètre à
bouton-poussoir. Le temps moyen passé à écouter ou
à regarder des programmes est calculé à la seconde
près. La part d'audience est calculée en pourcentage (ou PDA).
Les chiffres publiés par
Médiamat/Médiamétrie en janvier
2008 sont éloquents : dans les 25,13 millions de foyers
équipés, la télévision est regardée 5 heures
58 minutes par jour par l'un et/ou l'autre des 2, 3 individus,
âgés de « 4 ans ou + », présents en
moyenne dans chaque foyer. Cela fait de la télévision le
média traditionnel le plus fréquenté. L'entreprise note
une progression constante de l'audience féminine :
« La cible commerciale des ménagères
âgées de moins de cinquante ans progresse
encore. »10(*)
1.1.2 Une cible pour les annonceurs
Pour les professionnels, le concept de la ménagère
de moins de cinquante ans sert de base de référence. Toutefois,
la définition de la personne a évolué au fil des
années. L'Institut Ipsos a mené une enquête qualitative en
2003 pour déterminer ce qu'elle est
devenue. Existe-t-elle toujours ? Apparemment oui, mais elle
a changé. « Les obligations du monde du travail l'ont
amenée à devenir plus souple, plus adaptable, plus autonome. Elle
est aujourd'hui plus éduquée, et a appris à manipuler les
symboles et les codes du monde moderne. Ses expertises en matière de
marketing sont indéniables : elle identifie les stratégies, salue
les innovations, sait reconnaître le faux du vrai. [Elle] aime toujours
la consommation, parce que c'est le domaine privilégié où
elle peut exercer son expertise, mal utilisée dans la sphère
professionnelle. C'est une groupie des marques, surtout celles qui savent
rester elles-mêmes en changeant. Au-delà de ces expertises
modernes, [elle] s'est recentrée, repliée sur des valeurs
traditionnelles [...] avec l'enfant comme point
central... »11(*)
1.1.3 Les annonceurs
En janvier 2008, 508 annonceurs ont communiqué sur
l'ensemble des chaînes et ont investi 482,8 M€ bruts à la
télévision. Le coût de la publicité pour 1000
téléspectateurs âgés de
« 4 ans ou + » est de
7,97 € bruts, soit un
coût/GRP (sur une base de trente secondes) de 4
137 €. Le coût pour 1000 ménagères
âgées de moins de 50 ans est de
42,66 € bruts.12(*) Avec des tarifs aussi élevés, seules
les multinationales de la grande consommation comme Danone, Procter, Renault
peuvent s'offrir des écrans réguliers. De ce fait, plus des deux
tiers de la publicité diffusée à la
télévision concernent des produits de base : les laitages,
les shampoings, les couches-culottes... Ils sont consommés en grande
partie par « la ménagère de moins de cinquante
ans ». Selon l'enquête menée par la journaliste
Hélène Risser, les études réalisées par
les publicitaires montrent que dans 90 % des foyers, les femmes font les
courses ou donnent des consignes précises à leur conjoint sur les
produits à acheter. « Autrement dit, c'est elle qu'il
faut convaincre, elle qu'il faut attirer devant le poste au moment de la pub et
donc elle que les chaînes s'évertuent à séduire avec
leurs émissions. »13(*)
1.2 La psychologie, promesse d'un genre
« Nous ne sommes pas là pour faire la
télévision qu'on aime, mais pour faire la
télévision dont nous pensons qu'elle peut être
appréciée par le plus grand nombre. »14(*)
Christopher Baldelli, ancien directeur général de
France 2, 2002.
Les médias et les annonceurs ciblent leurs
« produits » en fonction de l'audience.
Un des instruments qui permet d'agir sur l'auditeur est le genre.
Cela peut être la fiction, le bricolage, la cuisine... « Il
y a genre, pourrait-on dire, à partir du moment où, pour
interpréter un programme, le téléspectateur ramène
ce qu'il n'a pas encore vu à une classe d'émissions
déjà identifiées (information, série, jeu, etc.).
Pour cette raison, chaque genre est une promesse, au sens où Stendhal
disait du Beau qu'il est une promesse de bonheur, mais au sens aussi où
les publicitaires promettent un bénéfice à celui qui
achète le produit qu'il vante par le biais des films ou des
affiches. »15(*)
Bien que floue et plus difficile à distinguer que d'autres
genres, la psychologie s'est installée dans les médias, attirant
un public composé principalement de femmes. Elle apparaît dans le
courrier des lecteurs, les rubriques qui lui sont consacrées, les
programmes radio, les émissions de témoignages où
psychologues, psychiatres et psychanalystes abondent.
Ces supports rassemblent une large audience. C'est le cas du
mensuel Psychologies Magazine dont les ventes augmentent
d'année en année depuis 1997. C'est aussi celui de
l'émission « Ca se discute » de Jean-Luc Delarue
depuis quatorze ans. Ils nous serviront d'exemples plus loin pour montrer
comment les médias utilisent la
psychologie16(*) et ses spécialistes pour attirer le public.
1.2.1 Qu'est-ce que la psychologie dans les
médias ?
Jean-Louis Servan-Schreiber, rédacteur en chef de
Psychologies Magazine définit la discipline en ces termes :
« Notre magazine s'intéresse à la manière de
mieux vivre sa vie, mieux se débrouiller dans sa relation à soi,
aux autres et à ses enfants. Les gens ont besoin d'une grille d'analyse
pour comprendre leurs rapports avec eux-mêmes, dans leur couple et avec
leurs enfants. Nous abordons de plus en plus de questions liées au
corps. Il est important de se demander chaque jour quelle est la bonne
manière de vivre. Et comment faire pour l'améliorer. La
psychologie, ce n'est pas que pour les gens qui vont mal, c'est aussi pour les
gens qui vont bien. »17(*)
Cette description est loin de l'étude scientifique des
faits psychiques qui caractérise la matière. Ne s'agirait-il pas
d'une vision vulgarisée de la psychologie qui correspond aux promesses
du genre dans les médias ? A savoir, un lieu d'écoute et
d'expression des misères de l'existence et un melting pot de
consignes de praticiens pour aider l'individu à bien faire et mieux
vivre sa vie, tout en se divertissant.
1.2.2 Un genre rentable ?
Selon certains observateurs, la psychologie s'est répandue
dans les médias parce qu'elle est en phase avec la tendance actuelle qui
donne une large place à la prise de parole, à l'introspection de
l'individu et de la collectivité, au désir de mieux vivre avec
soi-même et avec les autres. Cette disposition est
particulièrement perceptible dans le mensuel Psychologies
Magazine. Elle intéresse aussi parce qu'elle permet à
l'intimité et à son expression de s'exhiber et d'être vues.
L'observation du contenu des programmes de télévision à
succès montre l'importance croissante de l'émotion, laquelle
oscille entre la joie et la détresse, avec une présence plus
fréquente de cette dernière. Les studios et les plateaux sont
occupés par les artistes, les personnalités politiques et
d'autres acteurs de la société qui parlent avec leurs
« tripes ». « Ce sont ceux que les animateurs
appellent les "bons clients" ; des invités qui vont dire à
coup sûr des choses fortes, propres à déclencher le rire,
la compassion, en tout cas l'adhésion des auditeurs et spectateurs [...]
et faire monter l'audience... »18(*) Ce constat est manifeste dans les
émissions de flux comme « Ca se discute » de
Jean-Luc Delarue qui ont gagné de l'argent en utilisant la
psychologie.19(*)
Pour rester compétitifs, les responsables de ce type de
programmes sont à l'affût de recettes à la mode qui ont
déjà fait leurs preuves en France ou à l'étranger.
Comme l'explique Arnaud Gachy, directeur de la communication de
Réservoir Prod, qui produit « Ca se discute » :
« Les thématiques des émissions se
décident `au feeling' et au gré de
l'actualité. Les sujets qui marchent sont surtout les sujets
« people » depuis 5, 6 ans. Les émissions sur la
santé, par exemple le cancer, marchent bien aussi, à condition
qu'elles ne soient pas anxiogènes. »20(*)
Pour l'audience, cette expression de la discipline peut
présenter plusieurs promesses : se divertir tout en s'identifiant
aux souffrances d'autrui et se réconforter sur sa propre condition.
Selon Evelyne Dubreu, psychologue clinicienne : « Les
thèmes présentés dans "Ca se discute" permettent à
une multitude de gens de s'y retrouver, de s'identifier21(*), soit à leur propre
histoire soit à celle de quelqu'un de leur entourage. Ils ne se sentent
pas seuls, cela les rassure. C'est ce qui rapporte. »
La psychologie dans les médias est devenue un produit de
consommation rentable parce qu'elle attire un large public et de nombreux
annonceurs. La prise de parole introduite par Sigmund Freud, le père de
la psychanalyse, s'est émancipée. Aujourd'hui on dit ce qu'hier
on taisait. Il y a quarante ans encore, le non-dit régnait et bien des
drames étaient vécus dans le silence.
Comment et grâce à quels intermédiaires la
parole s'est-elle libérée dans les médias ? Pour
mieux comprendre la situation actuelle, il est important de se tourner vers le
passé. La deuxième partie de ce mémoire se consacrera
à l'histoire.
2. Les grands tournants des relations entre
psychologie et médias
« Les mots faisaient primitivement partie de la
magie, et de nos jours encore le mot garde beaucoup de sa puissance de jadis.
»22(*)
Sigmund Freud, « Introduction à la
psychanalyse », 1916.
Timide, pudique au début, la psychologie fait son
apparition dans les médias avec les premières confidences de
femmes recueillies par Menie Grégoire sur RTL dés 1967. Dans le
même temps, presque invisible, la psychanalyste Françoise Dolto,
alias Dr X, distille des conseils aux parents de jeunes enfants. Elle se fait
un nom presque dix ans plus tard grâce à l'émission
« Lorsque l'enfant paraît », sur France Inter en
1976.
Il y avait néanmoins, depuis 1938, le courrier des
lectrices des premiers magazines du coeur tels que Confidences et
Nous Deux. Mais les sujets « tabous »
n'étaient pas abordés. Avec Menie Grégoire qui a
déclenché la prise de parole, les médias permettent peu
à peu aux femmes principalement de dire
« l'indicible », suscitant l'adhésion du public et
la controverse. Françoise Dolto aide plus particulièrement les
parents à comprendre et élever leurs enfants, mais se garde de
lever les tabous.
La parole profane est introduite et mise en spectacle à la
télévision avec l'émission de Pascale Breugnot,
« Psy-Show » en 1983. Là, intervient Serge
Leclaire, premier psychanalyste à apporter sa contribution en
qualité d'expert sur un plateau de télévision. Ensuite, la
vague des talk shows23(*) (« L'Amour en
danger », « Sexy folies », « Mea
culpa », « Perdu de
vue », « Témoin numéro
un », etc.) connait un succès retentissant, ainsi que
les magazines « Bas les masques » de Mireille Dumas et
« Ca se discute » de Jean-Luc Delarue. En 2001,
l'avènement de la téléréalité, avec le
succès de « Loft Story »
inspiré du Big Brother néerlandais, marque une nouvelle
étape.
2.1 Menie Grégoire, premiers pas
« Je suis un mythe à mi-chemin entre le Bon
Dieu, le général De Gaulle et la tireuse de cartes.
»24(*)
Menie Grégoire, Le Monde, 1970.
La présence de Menie Grégoire à la radio
marque un tournant crucial dans l'histoire des médias. Elle est apparue
au bon endroit, au bon moment et a su libérer, voire
révolutionner, la prise de parole de ses interlocutrices.
Nous sommes en 1967. Jean Farran, directeur de RTL, veut faire
parler les femmes et fait appel à Menie Grégoire,
journaliste et écrivain alors âgée de quarante-huit ans.
Celle-ci est déjà connue pour « Le métier de
Femme », un ouvrage sur la condition féminine
publié en 1965 chez Plon. L'une des rares
références à l'époque est « Le
Deuxième Sexe » de Simone de Beauvoir paru en 1949.
Selon Menie Grégoire, Jean Farran souhaitait faire participer les
auditeurs « au lieu de leur parachuter informations et
distractions, ce qui ne s'était jamais fait nulle part ailleurs. Un vrai
pari. J'ai accepté. » L'émission sera quotidienne
et s'appellera « Menie Grégoire ».25(*)
2.1.1 Les débuts de l'émission
En 1967 (un an avant 1968 !) la sexualité est un
sujet tabou, la contraception est mal maîtrisée, l'avortement
reste clandestin et honteux. Voici un exemple de
témoignage :
« Chère Menie,
Je suis une jeune fille de dix-neuf ans, j'ai toujours
été sérieuse et mes parents sont très
sévères. Je suis sortie l'année dernière avec des
camarades et j'ai rencontré un jeune homme qui m'a dit qu'il m'aimait.
Il voulait absolument que je lui cède. Il me disait que si je ne
cédais pas c'est que je ne l'aimais pas. Et voilà, j'attends un
bébé. Je n'ai plus son adresse, il a quitté son travail.
Mes parents s'ils l'apprennent, vont me mettre à la
porte. »26(*)
Les premiers courriers émanent de femmes issues de milieux
populaires. Leurs préoccupations tournent surtout autour de
l'entité familiale.27(*)
Menie Grégoire dit recevoir rapidement des centaines de
lettres. Elle choisit une des missives et y répond à l'antenne.
Le débat se poursuit avec les réactions des auditeurs en direct.
« J'étais à la fois une compagne de ceux et celles qui
m'écoutaient et un peu plus, un révélateur. Un
révélateur de ce qui était porté en secret dans
cette société. J'ai fait parler une société pour
dire ce qui n'était pas dicible, ce qui était enfermé dans
l'inconscient de la collectivité. »28(*)
Les émissions sont prétextes à
échanges entre des générations de femmes, comme en atteste
l'extrait suivant :
« Maman écoute votre émission tous
les jours et le soir elle me commente la discussion. Elle m'a donc
conseillé de vous écrire pour vous exposer mon problème.
J'ai dix-neuf ans et mon fiancé vingt-deux... »29(*)
Pendant quatorze ans, de 1967 à 1981, la journaliste dit
avoir répondu à plus de 100 000 lettres et de nombreux
appels d'auditeurs. Elle a accumulé un total de mille cinq cents bandes
magnétiques.30(*)
Ce qu'elle qualifie de « phénomène » est en
marche : pendant cinq ans, au rythme de deux émissions quotidiennes
à 14 heures et 15 heures, puis pendant six ans sous forme
d'éditorial sur un sujet social à 8 heures du matin. L'engouement
du public pour l'émission est accentué, explique-t-elle dans son
dernier ouvrage « Comme une lame de fond », par le
mystère de la voix humaine, proche, magique, qui a le pouvoir de rompre
la solitude31(*) :
« Je me confie à vous comme à une
amie, car vous êtes pour moi une amie, vous entrez dans mon foyer par les
ondes. Ce n'est pas un conseil que je viens vous demander, non, mais j'ai
besoin de parler à quelqu'un, non pas pour m'aider, mais pour
m'écouter [....] Nous habitons un immeuble dans une cité dortoir
[...] Je hais cet entassement de gens comme dans des cages à lapin,
sonores comme des tambours... »32(*)
En moins d'un an, l'écoute s'établit à deux
millions d'auditeurs quotidiens.33(*)
2.1.2 Intervention de la psychanalyse
L'émission évolue. En 1970, les auditrices
évoquent leurs rêves. Menie Grégoire choisit de rapprocher
différentes séquences. « Elles parlent et je les
aide discrètement à réfléchir sur
l'interprétation freudienne, laquelle a deux clés : on rêve
toujours de soi, sous quelque forme que ce soit. Ensuite le rêve
révèle un désir inconscient ou refusé... En me
lançant dans cette dangereuse aventure, mais prudemment, tout en
essayant de ne pas pousser trop loin mais de désangoisser, j'ai
provoqué un intérêt inouï. »34(*) Par exemple, une jeune
mariée rêve que son ex-fiancé vient la chercher, une autre
que son mari se tue en auto et finit par révéler que sa
mère est morte dans un accident d'automobile.
Toujours en 1970, Menie Grégoire introduit le psychodrame.
Elle s'inspire des travaux réalisés dans les années 1930
par Jacob Levy Moreno, psychiatre et psychologue américain d'origine
roumaine. Il s'agit d'un jeu de rôles où des volontaires
interprètent devant témoins une situation conflictuelle. La
meneuse de jeu est Menie Grégoire qui sert de garde fou et intervient
quand la scène devient trop « réelle » pour
l'un des acteurs. Les assistants émettent, l'un après l'autre, un
avis personnel sur les réactions qu'ils ont observées. Dès
les premières annonces, des centaines d'auditeurs veulent participer et
voter. Les petits et grands problèmes de l'époque sont
abordés : équilibre du couple, naissances refusées,
vieillesse dépendante...35(*)
2.1.3 Vives controverses
L'étape suivante est d'aborder la sexualité avec
l'aide du pédiatre Robert Debré en 1974. Le professeur de
médecine s'adresse aux auditeurs, Menie Grégoire aux auditrices.
Le programme insiste sur un meilleur accès à la sexualité
pour le public. Hors antenne, tous deux bénéficient de l'aide
d'autres médecins (Dr Jacques Donnars, psychanalyste, Dr Paul Altan,
gynécologue, Dr Jean Laurentin, généraliste).36(*) Dès lors, le contenu
des lettres que Menie Grégoire reçoit s'oriente de plus en plus
vers la sexualité. L'auditorat compte beaucoup d'hommes même si
les femmes restent majoritaires.
Le lancement de cette rubrique baptisée
« Responsabilité sexuelle »37(*) vaut à l'animatrice les
foudres de l'Ordre des médecins pour incitation à la
débauche. Elle est accusée d'exercice illégal de la
médecine. « J'ai senti que je cassais quelque chose de
tabou. Je brisais un mur que la religion catholique, dans ses mouvements
extrêmes, avait dressé dans la société au XIXe
siècle. C'est cela que je cassais pour voir ce qu'il y avait
derrière et brusquement [...] sont sortis des drames qui n'avaient
jamais été dits en public : "j'ai été
violée, je n'ai pu le dire à personne, mon père m'a
violée et ma mère n'a rien voulu comprendre ou mon mari me
demande tous les soirs et moi je ne ressens rien ou il me fait
mal... »38(*)
Aucun média n'avait jamais dévoilé
publiquement un témoignage tel que celui-ci :
« Je suis marié et père de trois
enfants, je vais avoir quarante ans. Or depuis mon adolescence j'ai toujours
été attiré par le sexe masculin. Je n'ai jamais eu de
rapports homosexuels malgré des souffrances terribles [...] Je suis
torturé car je veux préserver ma vie de famille qui est un
exemple [...] Je ne sais plus que faire. »39(*)
Après le monde médical, les médias
attaquent. Les intellectuels dénoncent « l'atteinte à la
pudeur, à la bienséance, et aux bonnes
moeurs »40(*). Les critiques se manifestent avec
« une rare violence »,41(*) confirme
l'intéressée. « Mais j'étais en phase
d'amitié et de confiance avec des millions de personnes. C'est ce qui
m'a permis de tenir le coup alors que j'ai été tellement
agressée, méprisée. »42(*)
Peut-on dire que Menie Grégoire s'est exercée
à la psychanalyse ? Avec le regard d'aujourd'hui, on pensera que
non. Mais elle a ouvert la brèche et démystifié
l'accès au cabinet et à la consultation. « Je
disais à qui voulait l'entendre que l'émission était une
psychanalyse de la société. C'est important d'amener dans le
monde quotidien un regard profond et le regard second de l'analyse.
»43(*)
Menie Grégoire a été une
« passeuse ». Elle a su écouter et donner des
conseils de bon sens.
2.2 « Lorsque l'enfant
paraît », Françoise Dolto
« C'est en femme qui, bien que psychanalyste, est en
âge d'être grand-mère et plus que je parle. »
44(*)
Françoise Dolto, « Lorsque l'enfant
paraît », 1990.
Françoise Dolto a été, en France, la
première psychanalyste à s'exprimer sur l'enfance à la
radio45(*). Son approche
se démarque diamétralement de celle de Menie Grégoire.
C'est sur France Inter en 1976 qu'elle se fait connaître du
grand public. Pourtant elle était déjà apparue sous le
pseudonyme « Docteur X » sur Europe n° 1 en 1967. Le
Conseil de l'Ordre des médecins lui ayant interdit de donner son
patronyme, elle répond anonymement aux questions que lui posent de
jeunes auditeurs et leurs parents au téléphone.46(*)
Sept ans plus tard, cette dernière modifie son concept
initial. Avec « Lorsque l'enfant paraît » sur France
Inter, de 1976 à 1979, elle évite de se présenter en
qualité d'experte, mais comme une personne de bon sens.
« J'essaie seulement d'éclairer la question du demandeur.
Il ne faudrait pas que les auditeurs [...] s'imaginent que je suis
dépositaire d'un vrai savoir qu'ils n'auraient pas à remettre en
question », prévient-t-elle.47(*)
Animé par Jacques Pradel, le programme s'adresse aux
parents et rassemble une large audience. Les lettres des auditeurs
sont sélectionnées avec la fille de Françoise Dolto,
Catherine, en fonction de leur pertinence et de leur
représentativité des préoccupations de l'époque.
L'émission est calibrée à environ six minutes
quotidiennes. La psychanalyste répond aux missives, apportant des
conseils et un regard nouveau sur l'enfance pour de nombreuses familles. Selon
celle-ci, l'enfant est une personne intelligente dès sa naissance, un
« être de langage » qu'il convient de traiter avec
respect.
« Dois-je allaiter mon nourrisson ? »,
« Pourquoi mon fils ne marche-t-il pas encore ? »,
« Quand mon enfant doit-il être propre ? »,
« Que faire si le père s'en va ? »,
Françoise Dolto répond aux interrogations des auditeurs en
recommandant d'écouter son enfant, de jouer avec lui, de lui dire la
vérité qui le concerne avec des mots simples (bannissant les
mensonges sur l'identité des parents, l'adoption, la séparation,
la mort...), de ne pas laisser les baisers remplacer l'échange de
paroles et de lui faire confiance,48(*) comme en témoigne la séquence
suivante :
Jacques Pradel : « Cette lettre concerne un
petit garçon de dix-sept mois, enfant unique, qui a des
difficultés de propreté [...] Nous, les jeunes mamans, nous
sommes souvent désorientées par les manuels, les conseils, les
idées toutes faites pour élever un bébé. Mon
enfant, à dix-sept mois, ne parle pas. A quel âge est-ce qu'un
enfant doit parler ? »
Françoise Dolto : « Il n'y a pas de
"doit parler". Mais pour qu'un enfant parle à l'âge où il
aura à parler, il faut qu'on sente que, lorsqu'on lui parle, il est
vivant, il vous regarde, il fait des mimiques et que de son côté,
il cherche les contacts, veut se faire
comprendre [...] Un enfant apprend le langage parlé en
voyant sa mère parler de lui,
ou pour lui, à son père, l'introduisant dans la
conversation lorsqu'elle parle de quelque chose. Que cette mère ne
s'inquiète pas pour la parole. Un garçon parle
généralement plus tard qu'une fille
[...] »49(*)
Se penchant sur la période, Yannick François,
psychiatre et psychanalyste, analyse la problématique des
émissions. « Les questions posées naissent le plus
souvent de la vie courante des familles : demandes de conseils concernant la
toilette, le rangement, le coucher, les rythmes journaliers,
l'entrée à la maternelle ou à l'école primaire,
etc. Quelquefois les parents posent une question plus particulièrement
en relation avec une situation critique ou une difficulté plus
spécifique avec leur enfant. Le plus souvent Françoise Dolto
répond en proposant ici un petit "truc", là une analyse plus
complexe, mais toujours avec humour, simplicité et une totale
maîtrise didactique. Si la situation lui paraît plus grave, elle
essaie surtout de convaincre les parents de la nécessité de
recourir à une aide spécialisée. »50(*)
La distinction entre la consultation en cabinet et les
échanges à l'antenne est particulièrement sensible dans
les thèmes sélectionnés. Françoise Dolto s'impose
en effet des limites à la radio et certains sujets ne sont jamais
évoqués. « Elle considérait qu'il valait
mieux ne pas aborder à la radio le suicide des adolescents [...] Il
fallait faire des silences, il fallait des tabous, en tout cas dans la parole
publique, confirme Jacques Pradel. Même dans la foulée de
1968 - il est interdit d'interdire - elle rappelait qu'une
société doit avoir des tabous. »51(*)
Malgré cette précaution, elle est vivement
critiquée par ses pairs : « En passant sur les ondes,
Dolto transgressait un interdit, le secret du cabinet de
l'analyse. »52(*)
Dans la mémoire collective, Françoise Dolto a pris
le pas sur Menie Grégoire, occultant souvent la contribution de cette
dernière. « Menie Grégoire a vulgarisé
l'approche psychanalytique. Toutes les deux sont compétentes, mais
Françoise Dolto a, par ses diplômes et son expérience
clinique, une légitimité plus importante »,53(*) se souvient la
psychologue clinicienne Evelyne Dubreu.
La praticienne ne fait pas de psychanalyse à l'antenne,
mais elle simplifie la discipline et incite l'auditeur à se prendre en
charge en allant consulter.
2.3 « Psy-Show » ou le
spectacle de la parole
« J'ai eu l'idée de raconter ce qu'est la
psychanalyse à travers un problème de couple.
»54(*)
Pascale Breugnot, Interview, 2007.
Un autre tournant dans le traitement de la psychologie
apparaît en 1983 avec l'émission télévisée
« Psy-Show », produite et animée par Pascale
Breugnot. Promue par Pierre Desgraupes en 1982 à la Direction des
magazines d'Antenne 2, celle-ci met à profit « la
liberté » qui lui est offerte pour créer un produit qui
sera ultérieurement diffusé sur TF1. Elle lance ensuite une
série de talk shows, aussi célèbres que
controversés, qui mettent en scène l'intimité et
l'émotion. Elle donne à la psychologie une nouvelle direction.
Il y a eu des précédents. Les premières
confessions télévisées ont été
diffusées en 1957. A l'époque, les équipes de tournage
étaient envoyées chez les Français pour filmer leur vie
quotidienne, en collaboration avec des universitaires et des chercheurs
ethnologues du CNRS, le Centre national de recherche scientifique. De 1964
à 1973, Eliane Victor produit plus de soixante émissions,
présentées par Françoise Mallet-Joris et
intitulées : « Les femmes aussi », une sorte de
« Menie Grégoire » de l'écran. Pour la
productrice Eliane Victor, il s'agissait d'un nouveau concept à la
télévision : mettre des destins de femmes au centre des
préoccupations.55(*) Ainsi, une ménagère, Micheline, raconte
à la caméra du réalisateur Claude Goretta - et tout en
repassant son linge - sa vie harassante consacrée à ses six
enfants.56(*)
Environ vingt ans plus tard, le 10 novembre 1983, le premier
numéro de « Psy-Show » sur Antenne 2 crée un
choc. Les spectateurs voient apparaître sur leur écran Viviane et
Michel face à Pascale Breugnot et au psychanalyste Serge Leclaire. Le
couple se raconte, s'aventurant à parler de ses problèmes
sexuels. Le lendemain, la presse est en émoi.
« Psy-Show » attire ainsi la curiosité d'un large
public, fidèle pendant sa durée de vie : quatorze
numéros en deux ans, dont le dernier est diffusé le 21 novembre
1985.57(*)
Le principe est de recueillir des confidences de couples venant
exposer leurs difficultés relationnelles. « Dans Psy-Show,
venaient nous voir des gens qui avaient mené une réflexion sur
eux-mêmes, sans avoir fait de psychothérapie car cela les
effrayait, explique Pascale Breugnot. Ils trouvaient qu'une interview
à la télévision, qui est un objet familier, était
plus accessible qu'une consultation chez un psychologue. Ils pensaient que
celui-ci pouvait découvrir des vérités sur eux à
leur insu. Ils disaient qu'avec nous ils étaient amenés à
s'interroger sur des questions que personne ne leur avait jamais posées.
Leur histoire s'apparentait à celle de tout le monde tout en
étant unique. »58(*)
Etait-il nécessaire de solliciter un psychanalyste pour
recueillir ces confidences ? « J'étais
journaliste, répond Pascale Breugnot. Ce n'est pas parce que
j'avais fait une analyse que j'étais capable de poser les bonnes
questions. C'est pourquoi l'accompagnement d'un professionnel comme Serge
Leclaire était important. On travaillait de concert. Je lui racontais ce
que les gens m'avaient appris et on élaborait ensemble un plan du
parcours qu'ils allaient effectuer avec nous, avec tout ce qui pouvait arriver
d'imprévisible et qui a constitué des morceaux
d'anthologies. »59(*)
2.3.1 Première de
« Psy-Show » : Viviane et Michel60(*)
Viviane et Michel sont propriétaires d'une
station-service. Ils ont deux enfants. Ils souhaitent résoudre leurs
conflits conjugaux et espèrent que l'émission le leur permettra.
Ils sont assis l'un à côté de l'autre, face aux animateurs
Alain Gillot-Pétré et Pascale Breugnot, ainsi qu'au psychanalyste
Serge Leclaire. Autour d'eux, un décor beige dépouillé,
avec pour seules touches de couleur la chemise fleurie de l'animatrice et une
large photo de leur station d'essence. Invitée à s'exprimer,
Viviane se plaint que son mari est trop dépendant d'elle. Elle parle
d'insatisfaction sexuelle. Elle avoue mener une double vie, avec le
consentement de celui-ci. Michel reconnaît être angoissé et
trop amoureux de sa femme. Il accepte sa liaison parce qu'il ne se sent pas
à la hauteur, mais il en souffre.
Dans ses rares interventions, Serge Leclaire s'adresse plus
particulièrement à Michel, plus réservé dans
l'émission que son épouse. Le psychanalyste reprend ses propos et
ouvre des pistes de réflexion, une technique utilisée en
analyse : « Vous dites : je suis trop amoureux d'elle.
Quand est-ce qu'on est trop amoureux ? » Ou plus
tard : « Quand on dit qu'on n'est pas à la hauteur,
on pense à un modèle, il me semble ? »
La séquence suivante s'oriente vers le récit
de l'enfance douloureuse du couple. Viviane pleure en parlant de sa mère
défigurée par un grave accident. Michel invoque le destin d'un
père en souffrance, de ses grands-parents déportés qu'il
n'a pas connus. L'émotion est omniprésente, communicative.
Lorsque Pascale Breugnot leur demande s'ils ont appris quelque chose
d'eux-mêmes au cours de l'émission, Michel et Viviane affirment
n'avoir jamais été aussi loin dans la confidence avant de passer
à la télévision.
Pour la psychologue clinicienne Evelyne Dubreu, l'intervention du
psychanalyste
apporte « une forme d'empathie, au même titre que
les animateurs sur le plateau. Il ne juge pas. Il a introduit l'aspect
trans-générationnel de la problématique du couple, ce qui
est positif. Sinon, il n'apporte rien de plus dans cette émission, si ce
n'est la caution que représente son titre. »61(*)
En retrait dans ce premier numéro, Serge Leclaire sera
plus présent dans ceux qui suivront.
2.3.2 L'émission fait scandale en 1983
« Il n'y a qu'une seule chose que je craigne, c'est
qu'on nous oblige à faire de la morale [...] parce que l'éthique
de la psychanalyse ce n'est rien d'autre que de faire apparaître cette
fameuse question du comment vivre, et comment vivre avec son prochain.
»62(*)
Serge Leclaire, « A chaud après
Psy-Show », 1983.
En 2008, nous sommes loin de l'indignation que
« Psy-Show » a suscitée naguère. En 1983,
l'émission est largement dénoncée dans la presse et sur
les bancs de l'Assemblée nationale. Un député RPR fustige
un programme télévisé
« déplacé et scandaleux. »63(*) Un psychanalyste condamne
« l'exhibition de chair fraîche et de pulsions qui offre un
spectacle pitoyable. »64(*) Pour lui, ce « déballage »
télévisuel a un rôle pernicieux et est symptomatique d'une
société en déliquescence, dépourvue de
règles de conduite.
Un autre sujet d'indignation est l'éventuelle manipulation
des témoins par les journalistes et la chaîne pour appâter
le spectateur et faire de l'audience.
Qu'en disent les « professionnels du
surmoi » ? En 1991, Gérard Bayle, directeur adjoint de la
Revue française de Psychanalyse65(*), étudie les émissions de Pascale
Breugnot. Il reconnaît que les témoins ont fait le choix de
participer au programme en toute liberté. Il estime cependant que
« tout est une question de déontologie de la part de ceux
qui font la télévision. On n'a pas le droit d'entraîner
quelqu'un dans la fosse aux lions en lui faisant croire qu'on veut le sauver.
Le couple participant vient dévoiler un bout de son âme,
authentique et bouleversant. Il paie son passage à la
télévision avec une livre de chair, de vraie émotion, et
la télévision se jette dessus pour en faire du
ragoût. »66(*)
En réponse à ces observations, Pascale Breugnot
dément avoir utilisé les témoins sans scrupule dans le but
de faire de l'audience. Ils pouvaient assister au montage et refuser la
diffusion. Il y avait aussi un suivi des participants, après
l'émission. « Serge Leclaire les rencontrait au moins
trois ou quatre fois par la suite et s'ils souhaitaient continuer à
faire un travail sur eux-mêmes, nous les orientions, indique
l'intéressée. Certains ont été pris en main par
des psychothérapeutes. Pour ma part, je restais en contact pendant des
années parfois. J'ai arrêté l'émission parce que
j'avais l'impression de devenir psychanalyste à temps complet.
»67(*)
Malgré les critiques, il était, pour Serge
Leclaire, important de faire sortir la psychanalyse de son ghetto et la rendre
accessible à tous. La télévision lui en offrait
l'opportunité. Il a été
« traîné dans la boue » par ses pairs,
raconte Pascale Breugnot.
« Psy-Show » sera suivi de nombreux talk
shows produits mais non présentés par la journaliste,
celui-ci étant le seul où elle apparaît.
2.4 A l'école de
« Psy-Show »
« L'instrumentalisation de la psychanalyse par le
ludique (les candidats jouent) jointe au mécanisme de l'enquête
policière est d'autant plus efficace [...] qu'elle cadre mieux avec la
mission que s'assigne la télévision des années 1990,
à savoir se substituer aux institutions
défaillantes. »68(*)
François Jost, « De Psy-Show à Loft
Story », 2003.
Dans « L'Amour en danger », « Sexy
folies », « Témoin numéro un »,
« Mea culpa », « Perdu de vue »,
émissions produites par Pascale Breugnot, les journalistes et les
experts présents sur le plateau ne se contentent plus de recueillir et
d'encourager les confidences. Ils mettent en spectacle l'intimité et la
souffrance des témoins.
2.4.1 « L'Amour en danger », Pascale
Breugnot
« La télévision est un spectacle,
donc elle tire du côté du spectacle, de "voir". De voir à
exhiber, il n'y a qu'un pas. »69(*)
Claude Halmos, « Psy et médias sont-ils
compatibles ? », 2003.
Dans la lignée de « Psy-Show », le
magazine « L'Amour en danger », diffusé à
22 heures sur TF1 du 28 octobre 1991 au 6 mai 1993, est animé par
Jacques Pradel et la psychanalyste Catherine Muller. La problématique
est de nouveau celle d'un couple qui se raconte. Nous prendrons l'exemple de
Danièle et Alain, le 28 octobre 1991.
Le rôle joué par la praticienne se démarque
de l'écoute prudente de Serge Leclaire. En coulisses pendant la
première partie de l'émission, elle entre en scène sous
les applaudissements, après la pause publicitaire, lorsque les
hostilités entre les conjoints sont à leur paroxysme.
L'émotion sur le plateau est à son comble et les participants
sont dans l'impasse. La psychanalyste est appelée pour
« sauver » un conflit qui a été
exacerbé par l'animateur. Par un jeu de rôles entre Danièle
et Alain, elle incite le couple à improviser une scène de
ménage, se mettant l'un à la place de l'autre. Elle leur demande
ensuite de rejouer le même conflit en suivant ses instructions. Puis,
elle livre ses déductions : Danièle, maniaque, range pour
satisfaire le désir de sa mère et Alain, époux violent,
frappe l'enfant en lui...
Catherine Muller transforme le récit de paroles par un
spectacle où le suspens règne. Elle apparaît, selon le
sociologue François Jost, comme celle qui a le pouvoir
« de lire un sens caché là où chacun n'y verrait
que pure gesticulation. »70(*) Elle n'est alors ni psychanalyste, ni journaliste.
2.4.2 « Bas les masques », Mireille
Dumas et « Ca se discute », Jean-Luc Delarue
Au début des années 1990, les animateurs sont
Mireille Dumas et Jean-Luc Delarue. Traitant de sujets de société
en présence de psychanalystes, ils rassemblent chaque semaine
jusqu'à sept millions de
« fidèles ».71(*) Dans l'émission hebdomadaire « Bas
les masques » diffusée sur France 2 de septembre 1992
à juin 1996, des anonymes viennent faire le récit de leur vie.
Ils relatent les chagrins d'amour, les deuils, l'abandon, l'alcoolisme, la
délinquance, les violences conjugales, les viols, le Sida,
l'homosexualité, la prostitution, la transsexualité... Des
tragédies alternativement bénignes ou graves sont
évoquées avec une mise en scène minimale : un
journaliste face à des témoins. Dans certains cas, Mireille Dumas
demande la participation d'un psychologue sur le plateau. Dans d'autres, elle
semble en adopter le rôle. L'émission « Bas les
masques » est suivie en 2000 par « Vie privée, Vie
publique » sur France 372(*). Le magazine conserve la même approche, avec la
participation de personnalités.
Dans un style plus spectaculaire, Jean-Luc Delarue propose depuis
1994 avec « Ca se discute » une émission de
témoignages, aux thèmes d'abord hétérogènes
et aujourd'hui centrés sur le couple, la famille, la santé. Au
moins un psychologue, voire plusieurs, est présent sur le plateau. Nous
étudierons son rôle en détail dans la troisième
partie de ce document.
2.4.3 Un nouvel avatar : la
téléréalité73(*)
L'émission « Loft Story »,
inspirée du Big Brother néerlandais, suscite la
stupéfaction en 2001. Animée par Benjamin Castaldi, elle
apparaît sur les écrans au moment du développement de la
webcam (pendant deux saisons de 70 jours, d'avril à juillet, en 2001 et
2002 sur M6). Il ne s'agit plus là d'une émission de
témoignages où des personnes viennent faire le récit de
leur vie. « Loft Story » est une mise en situation, une
mise en « concentration » même selon certains
détracteurs, de jeunes gens enfermés dans un grand appartement et
devant vivre en communauté pendant onze semaines. Environ trente
caméras filment leurs faits et gestes en continu. Internet diffuse
l'intégralité des images. Tous les jeudis à 18h25, M6
propose une sélection des moments forts. Des psychiatres et des
psychanalystes (Didier Destal, chef de service de l'hôpital psychiatrique
de Ville-Evrard et Marie Haddou, psychologue clinicienne) interviennent dans
les phases de sélection des candidats, puis tout au long de
l'émission. « Loft Story » suscite une vive
curiosité et de nombreuses critiques. Le psychanalyste Serge Hefez dit
avoir refusé d'y participer, estimant que sans la présence d'un
animateur (lequel, selon lui, permet à la relation interpersonnelle de
s'établir et à une vérité de se
révéler), le concept de l'émission est dangereux.
« Ce ne sont plus des personnes, mais des rats dans une cage.
Celui qui est observé est déshumanisé,
instrumentalisé. Pire, on lui impose un scénario. Un
scénario pervers. »74(*)
Propulsé sous les feux de la rampe par l'émission
« Loft Story », Didier Destal, s'attire les foudres du
Conseil national de L'Ordre des médecins. Il est accusé de
galvauder la profession en mettant son expertise au service d'une
expérimentation télévisuelle.75(*)
Depuis quarante ans, la psychologie s'est imposée
dans les médias sous diverses formes, grâce à l'influence
de journalistes et de professionnels qui ont su devancer l'air du temps. A
chaque étape, la prise de parole a généré la
curiosité et l'adhésion d'un large public. Mais elle a aussi
bousculé les schémas sociaux et suscité la
désapprobation. Nous verrons dans les pages suivantes, comment la
psychologie se manifeste de nos jours dans la presse écrite, à la
radio et à la télévision.
3. Omniprésence de la psychologie et des
psychologues dans les médias
« La France est peut-être en passe de devenir
une sorte d'étrange démocratie psychologique
avancée. » 76(*)
Robert Castel, « Le phénomène psy et la
société française », 1980.
Aujourd'hui, les « psys » sont
omniprésents. Les programmes de témoignages où ils
officient rassemblent un large public, les rubriques
« psychologie » abondent dans la presse écrite et
à la radio, les magazines spécialisés se vendent en masse
- particulièrement le mensuel Psychologies Magazine, qui
illustre ce que la discipline est devenue dans les médias. Les
chaînes de télévision proposent, par exemple, une dizaine
d'émissions : « Vie privée, vie
publique » (sur France 3) ; « Ca se
discute », « Toute une histoire »,
« Cas d'école » « C dans
l'air », « C'est au programme » (sur France
2) ; « Les conseils du jour », « L'amour
c'est magique » (sur M6) ; « Sentez-vous
bien », « On n'est pas que des parents »,
« Les tabous du... »,
« Psycho-fiction » (sur France 5)...
La grille de lecture des psychologues s'étend aux domaines
liés à la vie quotidienne, le couple, la famille, la
santé, l'évolution des moeurs. Elle se manifeste aussi dans les
débats de société, l'actualité, les faits divers,
la politique...
3.1 Les psychanalystes à la Une
« On me demande souvent : "comment pouvez-vous
rester un authentique psychanalyste tout en vous montrant à la
télé ?" Je réponds que c'est aussi simple que
d'être un psychanalyste qui se cache, sauf qu'on se montre.
»77(*)
Gérard Miller, « Dans l'oeil du
cyclope », 2005.
Gérard Miller, Boris Cyrulnik, Marcel Rufo, Serge Hefez,
Caroline Eliacheff, Claude Halmos, et bien d'autres, constituent un vivier de
professionnels polyvalents opérationnels dans la presse écrite,
les studios de radio et les plateaux de télévision.78(*)
La sociologue Dominique Mehl considérait en 2005 que se
distinguent dans l'univers « psy » deux principales figures
publiques : le nouveau moraliste qui délivre des conseils normatifs
(moins lourds que les prêtres d'autrefois) et le
« panseur/penseur » qui propose des pistes de
réflexion sur les maux de la société. Tous accompagnent ce
qu'elle qualifie de « vaste mouvement d'introspection publique
des citoyens ordinaires. »79(*) Outre ces deux profils,
d'autres tendances s'affirment car le genre continue à évoluer
dans les médias.
La plupart des praticiens ont une véritable
légitimité sur les questions de moeurs : « Sans
eux, il n'y aurait pas eu cette richesse des débats sur les secrets de
famille ou l'accouchement sous X. En revanche, asséner qu'en cas de
divorce les enfants vont gravement trinquer est abusif. Partir d'une
expérience clinique pour en faire une espèce de savoir
prédictif me semble dangereux »,
prévient-elle.80(*)
Il existe des dissensions au sein de la discipline. Toujours
selon Dominique Mehl, de nombreux professionnels ne se reconnaissent pas dans
sa médiatisation. D'autres dénoncent les dangers de l'exportation
de la parole hors du cabinet médical, sans bouder les médias.
C'est le cas de la psychiatre Elisabeth Roudinesco qui dit avoir choisi les
émissions où elle se rend, « uniquement pour parler
de mes livres ou pour livrer un combat, jamais dans les déballages et
jamais au titre d'expert [...] Je condamne les exhibitions en tous genres.
»81(*) C'est
également la position de la psychanalyste Claude Halmos. Elle met en
garde contre les interprétations « sauvages » de
certains praticiens dont la parole se réduit à
« presque rien ».82(*)
Nous observerons dans cette partie différentes
utilisations de la psychologie dans les médias au travers notamment
de : « Ca se discute » sur France 2, de
l'émission de radio « Savoir être » sur France
Info avec Claude Halmos, et du mensuel Psychologies Magazine...
3.2 Changement de statut dans « Ca se
discute »
« Un psy avait dit un jour : "Delarue est
incroyable, il arrive à obtenir en quelques minutes ce qu'il me faut six
mois pour obtenir." Ce n'est pas moi, c'est la télévision qui
fait cela. »83(*)
Jean-Luc Delarue, « Télé
confessions », 2006.
Créée et produite en septembre 1994 par Jean-Luc
Delarue, « Ca se discute » sur France 2 est une
émission de témoignages à forte audience. Hebdomadaire au
début, elle a été depuis septembre 2007 diffusée un
mercredi sur deux à 22h45.
La problématique est choisie parmi des thèmes de
société : le couple, la vie de famille, les relations avec
autrui, la sexualité, la délinquance, la maladie, etc.
Entourés d'un décor sobre en forme d'arène,
plusieurs participants sont assis côte à côte dans de larges
fauteuils carrés, un grand écran derrière eux. Ils font
face à d'autres invités et au public installés sur des
gradins, un public bien « rôdé », dont les
réactions (étonnements, rires, applaudissements) contribuent
à la mise en scène de l'émission.
Un témoin ayant surmonté ses problèmes
personnels, une célébrité du moment et un psychologue sont
présents. L'animateur arrive sur le plateau en courant, sous les
applaudissements. Vêtu d'un costume, équipé d'une
oreillette visible et tenant des fiches, il encourage les participants - dont
80 % sont des femmes - à raconter tour à tour leur histoire et
à dévoiler leurs blessures. Dans certains cas, le témoin
se trouve submergé par l'émotion. Il pleure ou explose de
colère. L'avis du psychologue est alors sollicité pour, à
partir de ce cas particulier, apporter un éclairage
général pouvant s'appliquer à la collectivité.
3.2.1 Rôles des psychologues dans
l'émission
« Ca se discute » le 14 novembre 2001 a pour
sujet d'actualité « Peut-on se remettre de ses blessures
d'enfance ? » Boris Cyrulnik, psychiatre, l'un des
vulgarisateurs français de la « résilience »
(capacité à une poursuite de la vie post traumatique) fait face
au public. Il écoute et commente les diverses confidences.
Auteur de livres à succès,84(*) il
énonce des généralités sur les blessures de
l'enfance et donne quelques conseils optimistes susceptibles d'aider Chantal,
par exemple, qui n'a pas « digéré » son
enfance ou Philippe qui longtemps ne voulait pas grandir.
Selon la sociologue Dominique Mehl, cette émission
consacrée aux traumatismes de l'enfance est
« emblématique de la culture psychologique de
masse », à l'oeuvre dans les médias et le corps
social. Les éléments du phénomène de
diffusion de la « psy » dans la société y
sont ici exposés : la souffrance psychique, l'intimité,
l'auto-analyse
devant autrui, l'énoncé d'une parole
libératrice.85(*)
Il semblerait que la fonction du praticien sur le plateau ait
changé ces dernières années. Dans certains cas,
l'animateur sollicite peu sa parole, n'hésitant pas à
l'interrompre à
l'avantage du témoin dont le récit de
l'expérience vécue est privilégié. Comme le
confirme le sociologue Rémy Rieffel, l'audience d'émissions comme
« Ca se discute » illustre « le succès
de cette télévision dite compassionnelle qui valorise
l'expression des profanes à travers celle des émotions et des
sentiments. Le récit de vie devient à lui seul un
témoignage qui fonctionne comme argument « c'est vrai parce
que je l'ai vécu. »86(*)
Prenons, par exemple, l'émission du mercredi 19 mars 2008
à 22h40. Le thème en est : « Les ex : amis ou
ennemis ? » Trois psychologues, toutes des femmes, y participent.
L'une est présente parmi le public, une autre est installée dans
une sorte de « bulle » visualisée sur le grand
écran et la troisième intervient dans un reportage.
Dés le début de l'émission, Jean-Luc Delarue
donne la parole à son premier témoin, Marie. Elle est
séparée de son compagnon depuis deux ans, mais ne parvient pas
à l'oublier. L'animateur se tourne vers le public et interpelle la
psychologue, se trompant dans son prénom : « Isabelle
Choukhroun dans l'audience, où êtes-vous ? Non,
Alexandra... Comment peut-on s'accrocher à quelqu'un comme
cela ? » La praticienne s'adresse directement au
témoin : « Marie, il serait intéressant
de réfléchir aux blessures de votre enfance,
commence-t-elle, aux raisons de votre dépendance affective et
à votre besoin de vous construire autour d'une seule et même
personne... » Jean-Luc Delarue l'interrompt pour
répliquer : « Oh la la ! C'est difficile de
demander à quelqu'un de prendre du recul quand il y a une histoire
passionnelle, on ne se pose pas la question de savoir à qui est la
faute : est-ce que c'est elle, est-ce que c'est
lui ? » La psychologue semble déconcertée et
tente de répondre : « Eh bien quand il y a de la
souffrance, il faut se la poser ». L'animateur se tourne
aussitôt vers Marie et demande : « Est-ce qu'il y
a de la souffrance ? »
Il fait alors entrer Mélanie, 25 ans, hôtesse de
l'air. Elle prend place à côté du premier témoin et
raconte longuement comment elle a réussi à surmonter une
séparation.
« Quel conseil donneriez-vous à Marie qui ne
s'en sort pas ? », lui demande l'animateur. Mélanie se
tourne vers Marie et lui dit : « Cet homme te manipule, il faut
te détacher de lui. » Mélanie s'adresse ainsi aux
autres invités sur le plateau et bavarde gentiment. La
spécialiste sur le plateau n'est pas, quant à elle,
conviée à donner son avis.
Isabelle, la deuxième psychologue, commente depuis sa
bulle : « Cet homme a besoin de votre souffrance. Tant que vous
souffrez, il vit. Maintenant que vous reprenez votre indépendance, il
devrait morfler », énonce-t-elle. Nous sommes loin
semble-t-il - tant sur le fond que sur la forme - du commentaire avisé
d'un expert sérieux !
Plus tard, un reportage est diffusé. Il s'intitule
Quand l'amour se transforme en haine et retrace l'histoire d'une
femme harcelée par son ancien amant. La troisième psychologue
Sophie Cadalen apparaît alors et délivre quelques explications :
« Le harcelé espère toujours que le harceleur va
l'écouter et comprendre qu'il ne l'aime plus, mais le harceleur n'est
pas sur ce registre là... »
Les confidences de personnes harcelées vont crescendo en
intensité dramatique jusqu'à celles d'une femme qui a tué
son compagnon, avant de tenter de se donner la mort. Elle est aujourd'hui
paraplégique. S'appropriant une phrase de Marcel Proust extraite de
Albertine disparue, l'une des psychologues conclut
« savamment » : « Il est rare qu'on se
quitte bien, car si on était bien, on ne se quitterait
pas. »
Que dire du rôle des trois expertes dans cette
émission ? Leur disposition géographique est symbolique puisque
la seule présente sur le plateau, Alexandra Choukhroun, n'a pas de
fauteuil attitré. Elle est assise au milieu du public. Les
téléspectateurs et les invités ne la distinguent pas.
L'intervention d'Isabelle, depuis sa bulle, semble amener un moment de
distraction à l'émission - à la manière d'un
chroniqueur ou d'un comique invité à faire un sketch. La
troisième, Sophie Cadalen, est filmée derrière un bureau.
Sa situation est plus crédible, mais son discours est sommaire.
Apporte-t-il des éclairages sur la difficulté à se
séparer ou sur le harcèlement ? Probablement pas. Est-ce
d'ailleurs ce qui est demandé aux spécialistes ? Sans doute
pas non plus. Pour preuve, lorsque Alexandra Choukhroun se hasarde à
approfondir un cas particulier, elle est interrompue sans ménagement.
La place du témoin, par contre, est mise en valeur. Le
récit de son expérience est encouragé et
écouté avec attention. Aurait-il donc ici supplanté le
praticien, devenant lui-même vecteur de connaissance et
d'expertise ? Il semblerait que oui. Le rôle du psychologue est
réduit à ce qui pourrait s'apparenter à du «
divertissement psychologique » dont la chaîne pourrait
très bien se passer, l'émission pouvant exister sans sa
participation, mais pas sans celle des témoins.
Il convient de rappeler que le but de l'émission
est d'informer le public de façon « ludique et
distrayante », comme l'a indiqué le directeur de la
communication de Réservoir Prod en novembre 2007. « Les
sujets qui marchent sont surtout les sujets `people' qui ne sont pas
anxiogènes. »87(*) Il ne s'agit pas de faire avancer la connaissance
d'une problématique, ce qui risquerait de provoquer l'ennui ou le
désagrément, mais de satisfaire le public et de le
fidéliser. L'intervention des psychologues - et des participants - doit
être en phase avec ces objectifs.
L'exemple de « Ca se discute » illustre l'un
des courants de la mise en spectacle de la psychologie dans les médias
de nos jours : la « psy » de divertissement soumise
aux nécessités d'audience et de rentabilité et le
« tout psy » qui imprègne le corps social, tant et
si bien que de l'expert ou du profane on ne sait plus qui a valeur de
compétence. Tous les acteurs du spectacle, à savoir la
chaîne, l'équipe de production, l'animateur, les témoins et
les experts contribuent à cette scénographie. Les rôles
s'enchevêtrent et se confondent, au point que chacun se sent
habilité à parler en psychanalyste, comme monsieur Jourdain
faisait de la prose, sans s'en rendre compte.88(*) Comment, dans ce cas, ne pas
s'interroger sur la place que chaque acteur occupe ?
3.2.2 La place du témoin
« A l'opposé de la parole de l'expert qui
est froide et lointaine, la parole ordinaire est chaude et proche,
immédiatement accessible. »89(*)
Rémy Rieffel, « Que sont les
médias ? », 2005.
Quelles sont les motivations, les vertus thérapeutiques ou
les dangers pour ces personnes anonymes venues livrer un morceau de leur
vie au grand public ?
Les témoins auraient différentes raisons de
souhaiter s'exprimer dans les médias. Ils sont
parfois motivés par le souhait de partager une expérience,
de transmettre une connaissance, de régler un problème ou de
révéler aux proches un secret trop lourd à porter.
Elizabeth a accompli la mission qu'elle s'était
donnée. Elle est apparue à l'écran en janvier 2006 dans le
cadre de « Ca se discute » sur les femmes battues. Elle
voulait, en retraçant une période douloureuse de son histoire,
apporter un message d'espoir à toutes celles qui, prises dans
l'engrenage, ne voient pas d'issue possible.90(*)
Relevant souvent du défi personnel, le passage à la
télévision laisse aux participants des impressions
mitigées, comme en atteste Marc, directeur artistique, en avril 2006,
dix ans après son intervention dans « Ca se
discute ». Le thème était alors :
« Hommes-femmes, à chacun sa grossesse ». Marc
souhaitait défier les idées reçues sur le rôle des
jeunes pères, mais il n'a pas pu s'exprimer comme il le souhaitait. Il
se souvient avoir éprouvé un sentiment de « forte
déception. »91(*)
Les participants ne sont pas tous armés pour surmonter
leur passage à la télévision, confirme le psychiatre Serge
Hefez. Pour lui, une minorité d'entre eux a une capacité de
séduction et peut se nourrir de célébrité furtive.
Mais la plupart se trouvent en difficulté.92(*)
Dans « Ca se discute » le 11 octobre 2004, Pierre
raconte son penchant pour l'alcool. Il se souvient avoir tenté
d'établir une relation privilégiée avec Jean-Luc Delarue.
« On a besoin de lui, mais c'est le danger, car on se rend
très vite compte qu'on est un témoin parmi tant d'autres. Le
rapport privilégié va durer le temps de l'émission ou du
reportage, mais il va ensuite disparaître. »93(*)
Le rôle de l'animateur, à l'inverse de celui d'un
psychologue dont c'est la fonction, ne consiste pas à apporter un
soutien moral aux témoins.
Invité d'un talk show,94(*) Christophe évoque un
épisode traumatisant de sa petite enfance. Interrogé sur ses
sentiments après l'émission il répond qu'
« être là sur le plateau à se raconter devant
l'animateur et devant les autres invités, c'est comme être dans un
immense lieu vide, dans une énorme chambre d'écho [...] On parle,
mais on ne sait pas à qui on parle, on sait qu'on parle à des
millions de gens, mais aucun lien ne se crée avec eux. On ne parle pas
à quelqu'un. » Pour cet homme, cet instant de
célébrité où il a ouvert son coeur à la
multitude le plonge dans une extrême solitude.
La psychologue Evelyne Dubreu estime que les témoins sont
souvent des gens qui se sentent isolés moralement. L'émission
peut être libératrice, la prise de parole étant positive,
à condition qu'il y ait ensuite une prise en charge et que les
témoins ne soient pas « lâchés dans la
nature ».
3.2.3 La situation du public
La mise en spectacle de la parole profane sur les thèmes
de la vie quotidienne permet aux téléspectateurs de s'identifier
soit à leur propre histoire, soit à celle de quelqu'un de leur
entourage - tout en se divertissant. « Ils ne se sentent pas
seuls, cela les rassure »,95(*) confirme Evelyne Dubreu. Ils peuvent aussi
s'approprier les sujets plus éloignés de leurs
préoccupations immédiates, poursuit-elle (comme le parcours d'un
enfant autiste ou encore celui d'un transsexuel), qui leur offrent la
possibilité « d'aller à la rencontre de l'autre et
de comprendre ses difficultés. » Mais face à
l'exhibition de l'intimité et de la souffrance d'autrui, ils se
retrouvent en position de voyeurs passifs et éprouvent des sentiments
ambigus. Il n'est pas faux de dire, ajoute Evelyne Dubreu, que les producteurs
utilisent le malheur des autres pour activer le phénomène
d'identification et faire de l'argent. Toutefois, conclut-elle,
« ce n'est pas pervers, à partir du moment où les
règles sont clairement énoncées. »
96(*)
« Ca se discute » utilise les praticiens en
fonction des objectifs éditoriaux (et commerciaux). Dans d'autres
émissions et sur d'autres supports, les psychologues sont amenés
à jouer des rôles qui différent.
3.3 A l'école de Françoise Dolto :
Claude Halmos
« La parole psy partout sollicitée est en
même temps de plus en plus déniée. »97(*)
Claude Halmos, « Freud et Dolto gadgétisés
? », 2003.
Parmi les praticiens qui apparaissent dans les médias,
accompagnant la tendance à l'introspection publique, plusieurs semblent
suivre les traces de Françoise Dolto. C'est le cas de Claude Halmos,
impliquée dans plusieurs supports depuis seize ans.
Cette psychologue de formation a débuté sa
carrière publique dans l'émission télévisée
« La grande famille », de 1992 à 1997 sur Canal +,
aux côtés de Jean-Luc Delarue. Elle est également l'auteur
de plusieurs livres.98(*)
Elle apparaît régulièrement à la radio et à
la télévision, et répond au courrier des lecteurs du
mensuel Psychologies Magazine et aux lettres des auditeurs de France
Info tous les samedis matins.99(*)
Spécialiste de l'enfance, Claude Halmos s'adresse à
un public plus large. Elle tente d'apporter des éclairages sur les
difficultés de la vie des individus dans un langage accessible à
tous, invitant les cas les plus sensibles à entamer un travail
thérapeutique. Outre le courrier des lecteurs et des auditeurs, elle
répond aux invitations des journalistes, apportant parfois une lecture
psychologique à des sujets de société.
3.3.1 « Savoir être »
Chaque samedi (à 6h27, 10h27, 11h57) sur France Info,
Claude Halmos évoque une problématique concernant la famille, la
vie en société, les relations professionnelles. Le thème
est choisi en fonction de l'actualité (la mort ou la religion à
la Toussaint, la solitude à Noël etc.) et de son originalité
(s'il est inédit).100(*) Comme pour l'émission de Françoise
Dolto, un journaliste lit un extrait d'une lettre d'auditeur, auquel la
psychanalyste répond prudemment, comme dans cet exemple,
portant sur « L'Angoisse du mariage » (France Info, samedi
16 juin 2007) :
Bruno Denaes : « Les mois d'été
sont les mois privilégiés des mariages. Valérie se marie
dans quelques jours. Elle nous écrit qu'elle est dans le stress des
préparatifs...Elle demande à la psychanalyste Claude Halmos si,
en fait, elle n'a pas peur de grandir et de s'engager [...] »
Claude Halmos : « D'abord c'est un
peu difficile pour moi de penser quelque chose de cette jeune femme alors que
je ne la connais pas [...] C'est vrai que la peur du mariage
peut renvoyer à une peur de s'engager mais elle peut
avoir aussi beaucoup d'autres
significations [...] Donc si elle a des doutes, il faut
qu'elle se donne le droit de les avoir et d'y réfléchir au lieu
de les faire taire. C'est ça qui va l'aider à avancer, se sentir
libre et décider ce qui est mieux pour elle. »101(*)
La psychanalyste rappelle d'emblée qu'elle ne
connaît pas son interlocutrice, indiquant de façon implicite
qu'elle s'exprime hors du champ thérapeutique. Elle
généralise le cas particulier, puis elle se recentre sur la jeune
femme, l'invitant, l'autorisant même, à s'écouter et
à s'exprimer sans refouler ses émotions.
3.3.2 Le courrier des lecteurs dans Psychologies
Magazine
Dans le même registre, Claude Halmos répond au
courrier des lecteurs de Psychologies Magazine, s'attardant parfois
sur un cas particulier sans le généraliser, comme dans cet
échange épistolaire datant du mois de mai 2008 :
« Comment arrêter d'avoir peur du sort
? »
« Ma mère
était handicapée mentale et me maltraitait, et je n'ai pas connu
mon père. J'ai réussi ma vie personnelle et professionnelle, mais
je me sens parfois malheureux jusqu'au suicide. De plus, par peur du sort, je
dois porter sur moi un objet religieux. Comment me débarrasser de ce
comportement ? »
La réponse de Claude Halmos est la suivante :
« Je ne pense pas que l'on puisse réduire
votre obligation de porter un objet religieux à un "comportement". Car
elle me semble être pour vous une façon - inconsciente -
d'exprimer des choses essentielles [...] L'adulte que vous êtes
aujourd'hui, en effet, n'est pas seul, mais l'enfant et surtout le
bébé que vous avez été ont sans doute vécu
dans une absence de liens... »
3.3.3 Mettre des mots
Comment la psychanalyste explique-t-elle sa présence dans
les médias ? Par la conviction, dit-elle, qu'il existe parmi le
public un désir de savoir, de comprendre et de mettre des mots sur la
souffrance. Répondre à cette attente est pour elle un travail
« militant et pédagogique. »102(*) Il s'agit
« d'intervenir de façon sérieuse »
en apportant
une « véritable information »
à partir de laquelle les gens pourront mener une réflexion
personnelle. « C'est parce que le spécialiste s'est mis au
travail et a essayé de penser le problème dont il traite que le
public peut se mettre en position de le penser à son tour. Transmettre
ne va pas de soi. »103(*)
Claude Halmos se démarque des programmes de
télévision où la parole est mise en scène, dans la
mesure où ils « donnent à voir »
plus qu'à « entendre » et encouragent
l'exhibitionnisme. Elle dénonce par ailleurs l'intervention de certains
psychanalystes dans les talk shows qui, d'après elle, manquent
de sérieux et relèvent de
« l'escroquerie ».104(*)
Même si elle s'impose des limites, elle reconnaît que
sa contribution dans les médias comporte des risques. Il ne faut pas
faire croire au public qu'il existe des explications simples et universelles au
malheur, alors qu'elles sont complexes et enracinées dans l'histoire
personnelle de chacun, ni lui donner l'impression que les praticiens
détiennent les « clés du salut ».105(*)
3.4 Psychologies Magazine : un symbole du
genre
« L'un des traits saillants de notre époque,
c'est d'avoir ajouté à la liste traditionnelle des droits de
l'homme un droit nouveau, celui de
s'épanouir. »106(*)
Mony Elkaïm, neuropsychiatre, Marianne, 2005.
Psychologies Magazine a su profiter de la manne
« psy ». Créé en 1970, puis
racheté et remanié en 1997 par Jean-Louis Servan-Schreiber,
ancien directeur de l'Expansion, ce mensuel, qui a pour sous-titre
« mieux vivre sa vie », rencontre un succès
immédiat.
Il voit sa diffusion progresser de 75 000 exemplaires en 1997
à plus de 372 000 exemplaires en 2007. Dans un marché
déprimé, le groupe Psychologies (Finev, Inter psycho, Selma)
enregistre une croissance de 5 % de ses recettes publicitaires en
2007.107(*)
Autre preuve de bonne santé, en mai 2008 la filiale
Lagardère Active acquiert 51 % du capital du groupe (le mensuel, la
régie publicitaire Inter psycho, les activités Web
regroupées au sein de la société Selma) dont elle
détenait déjà 49 % depuis juin 2004. Le mensuel devient
ainsi l'entière propriété du groupe Lagardère,
consolidant la présence du magazine, leader en France et à
l'étranger, dans la branche
féminin/santé/bien-être.108(*) La société réalise un chiffre
d'affaires de 23 millions d'euros. Psychologies Magazine est l'un des
journaux « les plus profitables de la presse magazine en France,
avec un taux de rentabilité de 18 % à
20 % », confirme Arnaud de Saint-Simon, son
directeur général109(*).
Huit autres Psychologies Magazine en six langues sont
lancés avec succès dans le monde : en Italie, en Espagne, en
Belgique, au Royaume-Uni, en Russie, en Chine, en Afrique du sud, en Roumanie.
Le groupe a créé cinq sites Internet : psychologies.com,
mood.fr, questionsexo.com, testezvous.com et le dernier-né, quelpsy.com,
un annuaire des professionnels en France qui offrent des conseils sur les
thérapies.110(*)
3.4.1 La culture du bien-être
Le credo de Psychologies Magazine est en
corrélation avec ce que la discipline est devenue dans les
médias : mieux réussir sa vie par soi-même mais avec
de l'aide. Il n'est pas un outil didactique qui relaterait les théories
de Freud, de Jung, ou de Lacan.
Lu essentiellement par des femmes, le magazine offre des conseils
axés sur « le mieux être », le
« bien dans sa peau ». Quel est le secret de sa
réussite ? Selon le directeur de publication, le journal a su
établir « un climat de confiance avec ses
lecteurs », en proposant des articles divertissants
commentés par des experts qui leur offrent des pistes de
réflexion, des repères, voire un nouveau
« regard » sur eux-mêmes et sur les autres.111(*)
Le magazine se décline en plusieurs rubriques. Dans
« Divan », une personnalité se confie « de
l'intérieur » (Alain Chabat, Carla Bruni, Nicolas Hulot,
Romain Duris, Zinedine Zidane etc.). « Le Dossier »
rédigé par un journaliste comporte l'interview d'un praticien et
distille des conseils, sur le « Plaisir sexuel : oser donner,
savoir recevoir » (juillet-août 2007), « Pourquoi,
comment vivre l'instant présent » (septembre 2007),
« Ce qui nous rend vraiment heureux » (octobre 2007). Sous
la rubrique « Enquête », des psychologues et d'autres
experts apportent leurs recommandations sur des thèmes variés. On
trouve ainsi « Les sept leçons de vie des surfeurs, plus qu'un
sport le surf est une manière d'appréhender le monde »,
avec les interviews d'une rédactrice en chef allemande, d'un
scientifique, d'un professeur de philosophie et d'un ex-footballeur (juin
2007), « Les jeunes et l'alcool, quand s'inquiéter ?
», avec l'interview de Daniel Bailly, pédopsychiatre (septembre
2007), « Les hommes se sentent-ils encore virils ? Le
masculin en pleine mutation » avec Serge Hefez, psychiatre et
psychanalyste (novembre 2007).
En janvier 2008, Psychologies Magazine
expérimente une nouvelle formule. Il se veut « plus
rythmé, plus complet, plus accessible ».112(*) La nouvelle version
ressemble à la précédente. Elle reprend le
« Courrier des lecteurs » de Claude Halmos, la rubrique
« Divan » et cinq colonnes qui correspondent à
diverses facettes de la vie psychique et physiologique des individus, comme
« Se connaître », « Vivre
ensemble », « Aimer »,
« Transmettre », « Etre bien ». Elle
propose de plus nombreux sujets plus illustrés, avec des entretiens et
des conseils d'experts : « Changer, devenir soi en mieux »,
(janvier 2008), « Echapper à la bêtise »
(février 2008), « Penser positif » (avril 2008).
Dans tous les articles, le discours psychologique est
érigé en culture du bien-être et de
l'épanouissement. « Chacun se sent obligé de
s'accomplir individuellement, de réussir sa vie, de devenir
exceptionnel. Beaucoup n'y parviennent pas. Si la névrose est une
pathologie du désir, la dépression est une pathologie de la
grandeur », argumente le sociologue Alain Ehrenberg, auteur de La
Fatigue d'être soi 113(*) et dont le travail porte en particulier sur la
toxicomanie chez les jeunes.
Psychologies Magazine est emblématique de cette
quête du bien-être et du mouvement d'introspection personnelle
à la mode de nos jours.
3.5 Vers le débordement du genre ; de la
psychologie à la chronique
« Je frémis quand [les psychologues]
débordent leur champ de compétence et parlent de politique, par
exemple, avec un vocabulaire relooké, importé de la culture
psy. »114(*)
Dominique Mehl, L'Express, 2003.
Depuis Françoise Dolto, de nombreux professionnels se sont
exprimés sur les sujets de société, tels que l'adoption,
le Pacs, l'insémination artificielle, le clonage...115(*) alertant l'opinion sur leurs
dérives et sur leurs dangers possibles pour les individus.
Ils se sont aussi introduits dans les sphères où
ils s'aventuraient peu auparavant : l'analyse de l'actualité (pour
au contre les OGM, la violence dans les établissements scolaires, etc.)
et l'observation des faits et gestes des personnalités politiques. Dans
presque tous les domaines, la grille de lecture « psy » est
requise, parfois même là où son bien-fondé pose
question.
Par ailleurs, participant à la dérive du
« tout psy », de plus en plus de professionnels publient
leurs « diagnostics » des femmes et des hommes politiques.
Ce n'est toutefois pas un phénomène nouveau.
Effectuons un bref retour dans le temps. Sigmund Freud aurait
lui-même analysé les actions et discours du président des
Etats-Unis, Thomas Woodrow Wilson dans les années 1910.116(*) Plus récemment,
lorsque la discipline s'est répandue dans les médias
français, François Mitterrand, Jacques Chirac, Jean-Marie Le Pen
ont été des sujets d'étude pour les experts et les
éditeurs. Le psychanalyste Ali Magoudi dans son livre Les
Rendez-vous, François Mitterrand sur le divan, paru aux
Editions Maren Sell fin 2005, a même
« analysé » l'ancien président dix ans
après son décès ! Il aurait été l'un de
ses interlocuteurs privilégiés de mai 1982 à juin
1993.117(*)
Aujourd'hui, quelques psychiatres de renom, comme Gérard
Miller, Boris Cyrulnik, Serge Hefez décryptent les discours et
comportements du président Nicolas Sarkozy, un sujet
« vendeur ». Selon Serge Hefez118(*), la personnalité du
chef de l'Etat et son rapport avec les Français prêtent le flanc
à une lecture psychologique de ses faits et gestes. Contrairement
à ses prédécesseurs, le président a souvent fait
référence aux blessures passées : « Ce qui
m'a façonné, c'est la somme des humiliations
d'enfance » ou « à part d'un père,
je ne manque de rien. »119(*)
Chroniqueur dans les émissions de divertissement de
Laurent Ruquier sur Europe 1 et France 2, Gérard Miller a souvent
indiqué qu'il s'exprimait en tant que citoyen et non pas en tant
qu'expert. Toutefois, lorsqu'il « analyse », en mai 2007, le
sens caché du discours du chef de l'Etat, qui entend-on ? Le
psychanalyste ou le citoyen ? Comment le public perçoit-il sa
parole ? Peut-on isoler l'homme de sa fonction ?
La sociologue Dominique Mehl s'inquiète dans une
interview à L'Express : « Au nom de leur pratique
clinique, certains médecins de l'âme s'érigent en experts
des modes de vie. Attention à ce que leur parole ne devienne parole
d'Evangile. »120(*)
Quant aux médias, ils sont divisés sur l'influence
de ces nouveaux « chroniqueurs ». Où est
l'information ? Quelle est sa fiabilité ? Les praticiens
semblent avoir utilisé leur statut dans les médias pour
véhiculer des idées personnelles et affirmer leur engagement
citoyen et politique, quitte à outrepasser leur rôle et à
déroger à ce qui pourrait relever du secret professionnel.
3.5.1 Des relations à redéfinir
Après une période de prospérité, la
psychologie et ses acteurs dans les médias se sont égarés,
modifiant le genre. Les médias semblent avoir renoncé
à une « psy » introspective pour s'orienter vers une
presse rentable, dédiée au bien-être, comme en atteste
Psychologies Magazine. La qualité de l'information en est
éprouvée. De nouvelles relations sont à définir,
respectant le rôle spécifique de chacun : pour le praticien
soigner, pour le journaliste informer. Les besoins économiques des
médias ne peuvent, sans se discréditer, ni se satisfaire de la
dépendance à l'égard d'une profession, ni servir
d'exutoire aux praticiens désirant sortir de la solitude du cabinet.
CONCLUSION
« Les hommes ont toujours eu des blessures à
cautériser. Ils ont toujours eu besoin de chirurgiens. Ce qui est
nouveau, c'est qu'ils aient tant besoin de psychologues.
Peut-être qu'au bout de l'individualisme, il y a un Moi qui doute,
qui s'effrite, qui attend tout d'autrui. »121(*)
Jacques Gaillard, « Des psychologues sont sur
place », 2003.
Nous avons tenté, tout au long de ce mémoire, de
comprendre comment la relation entre les psychologues et les médias
s'est construite en l'espace de quarante ans. Françoise Dolto à
la radio, et Serge Leclaire à la télévision, ont
été les premiers à exporter leurs connaissances cliniques
de la psychanalyse hors du cabinet, employant un langage simple, vulgarisant la
discipline. Se sont succédées ensuite les émissions de
témoignages rentables pour les chaînes de
télévision, où les psychologues ont officié,
servant parfois de garde-fous ou de caution à une mise en spectacle de
l'intimité et de l'émotion. La psychologie a continué sa
progression jusqu'à devenir omniprésente dans tous les supports
médiatiques. Cette invasion marque un nouveau tournant de la discipline.
De rares praticiens s'inquiètent, qu'à force, leur
crédibilité dans les médias soit contestée et le
genre dévoyé.
Nous avons établi en première partie que les
médias dépendent de la fidélité d'un large public,
cible pour les annonceurs et facteur d'équilibre économique. Nous
avons constaté que la psychologie était un genre, au même
titre que le jardinage ou la cuisine peuvent l'être.
Le retour historique effectué dans la deuxième
partie a permis l'analyse des principaux « passeurs » de la
psychologie.
Nous avons traité, en troisième partie, le
rôle de la psychologie et des praticiens à la
télévision, à la radio, et dans la presse écrite.
Nous avons observé sa transformation, au cours de ces dernières
années dans « Ca se discute », à la radio, et
au travers de Psychologies Magazine, qui vante les mérites du
mieux être physique et psychique et de l'épanouissement personnel.
La description des spécialistes du surmoi à
l'oeuvre dans les médias pourrait se résumer ainsi. Il y a le
conseiller pédagogue, qui transmet une information et une
réflexion de bon sens sur les interrogations des individus et de la
collectivité ; le praticien qui apparait de façon fantasque
et anecdotique dans les émissions de témoignages, comme
« Ca se discute » ; le « psy
polyvalent », qui apporte des réponses à presque tous
les maux des hommes et de la société ; puis le nouveau
« psy chroniqueur » qui décrypte les discours et
observe les personnalités des politiciens, tirant des conclusions
cliniques hors du champ thérapeutique. Il exprime des opinions
citoyennes, voire partisanes, débordant de son domaine d'expertise.
Sur tous les fronts, jusque dans les informations, avec son lot
de catastrophes et de malheurs (tremblements de terre, crack boursier, faits
divers, crimes...), les médias sollicitent « en
boucle » ces professionnels pour rassurer les individus et la
collectivité, comme si les blessures de l'existence étaient
évitables ou faciles à résoudre.
Le « tout psy » a envahi la
société, rattrapant le psychologue, lui-même victime de son
propre succès.
Trop de psys tuent la psy
« Le savoir le plus exhaustif n'évite pas
d'avoir à se faire son opinion propre pour pouvoir décider quoi
faire face à des évolutions majeures. »122(*)
Jean Lebrun, psychiatre, «L'Homme sans
gravité », 2005.
Il semblerait que s'amorcent les premiers signes de fatigue et de
lassitude du public face à de tels excès. Ceci est manifeste dans
l'édition123(*)
qui a pourtant connu des années florissantes.
De rares psychanalystes condamnent le détournement de la
psychologie à des fins narcissiques et vénales. Ils redoutent que
sa surenchère ne discrédite la fonction et ne lasse le public.
Ils y voient, confortés par certains observateurs, une faille de la
société moderne et la manifestation d'une profonde crise de
repères.
Face à la difficulté de prendre des
décisions, l'individu prélève dans le vaste marché
« psy » des bribes de réponses. Les praticiens lui
fournissent un réconfort immédiat et des arguments par
l'intermédiaire d'une parole médiatisée. Mais, cette
parole lui évite d'aller chercher par lui-même, et en
lui-même, des solutions à ses doutes et à sa souffrance.
En 1967, Menie Grégoire a recueilli les premiers
chuchotements et a libéré la parole. Plus de quarante ans
après, on assiste au grand déballage. Les médias ont
gagné en termes d'audience, d'argent et de crédibilité.
Mais ce faisant, la psychologie a été dévoyée,
gadgétisée et il règne aujourd'hui une confusion.
Il est temps que les médias respectent les
« psys », tout en s'en détachant et que la
psychologie, après avoir été prisée, retrouve sa
singularité.
Y a-t-il équivalence de genre entre l'investigation de la
souffrance humaine et la recette du poulet aux olives ou la culture des
radis ? Il est important, afin de retrouver la confiance du public, de
revaloriser la parole du journaliste en tant qu'informateur ou chroniqueur,
celle du témoin en tant que parole occasionnelle et celle du psychologue
dans une situation qui lui est davantage conforme et légitime.
Paris, août 2008
BIBLIOGRAPHIE
Livres
BALLE, Francis. -
Introduction
aux médias.- Presse universitaires de France, 1994.
BOUTILLIER, Sophie, GOGUEL D'ALLONDANS, Alban, LABERE, Nelly,
UZUNIDIS, Dimitri. -Méthodologie de la thèse et du
mémoire.- collection Principes dirigée par Annie REITHMANN,
Studyrama n° 575, 2007.
CASTEL, Robert, LE CERF, Jean-François. -Le
phénomène psy et la société française.-
Le Débat n° 1, 2, 3 juin août, 1980.
DESTAL, Didier. -Les miroirs du Loft.- Plon, 2001.
DOLTO, Françoise. -Lorsque l'enfant
paraît.- Seuil, 1990.
DUMAS, Mireille. -La parole interdite.- Edition
n°1, 1994.
FRANCOIS, Yannick. -Françoise Dolto, La langue des
images.- Bayard, 1999.
FREUD, Sigmund. -Essais de psychanalyse.- Payot,
1981.
FREUD, Sigmund. -Introduction à la psychanalyse.-
Payot, 1975.
GAILLARD, Jacques. -Des psychologues sont sur place.-
Mille et une nuits, coll. Essais, 2003.
GREGOIRE, Menie. -Comme une lame de fond.-
Calmann-Lévy, 2007.
HADDOU, Marie. -La psy du Loft raconte.- Flammarion,
2001.
HALMOS, Claude. -Parler c'est vivre.- Nil, 1997.
HEFEZ, Serge. -La Sarkose obsessionnelle.- Hachette
Littératures, 2008.
JALLET, Emile. -Psychologie clinique et psychopathologie.-
Collection Grand Amphi Psychologie, dirigée par G. Amy et M.
Piolet, ouvrage coordonné par Robert Samacher, Bréal, 2005.
JOST, François. -Introduction à l'analyse de la
télévision.- Ellipses, 1999.
LOCHARD, Guy. -Les débats publics dans les
télévisions européennes.- l'Harmattan, 2006.
MATTELART, Armand. -L'Invention de la communication.- La
Découverte et Syros, 1994, 1997.
MEHL, Dominique. -La bonne parole, quand les psys
plaident dans les médias.- La Martinière, 2003.
MELMAN, Charles. -L'Homme sans gravité.-
Denoël, 2002.
MILLER, Gérard. -Minoritaire.- Stock,
2001.
MUZET, Denis. -La mal info.- L'Aube, 2006.
RIEFFEL, Rémy. -Que sont les médias.-
Gallimard, 2005.
RISSER, Hélène. -L'Audimat à mort.-
Seuil, 2004.
SAMACHER, Robert. -Psychologie clinique et
psychopathologie.- Bréal, 2005.
SCHNEIDERMANN, Daniel. -Le cauchemar
médiatique.- Denoël, 2004.
SICHLER, Liliane. -Le parti psy prend le pouvoir.-
Grasset, 1997.
THIBAULT, Mireille. -Comprendre les médias.-
Ellipses 2005.
Articles presse parus entre 2001 et 2008
ALONSO, Cristina. - « La presse psy sur le
divan », Le Journal du Dimanche, 24 février 2002.
BACQUE, Raphaëlle. - « Sarkozy
couché de force sur le divan », Le Monde, 26 mars
2008.
BITTON, Anna. - « La dictature du tout-psy »,
Marianne, 22 au 28 octobre 2005.
BONAVITA, Marie-Laetitia. - « Servan-Schreiber
cède "Psychologies" à Lagardère », Le
Figaro, 3 juin 2008.
BORMAN, Christophe. - « Les médias nous
psychanalysent-elles ? », Publications INA,
Médiamorphoses, Dossiers de l'audiovisuel n°14, 8 octobre
2005.
BOUVET Bruno, CONRAD, Sophie. - « La 500e de
Delarue, un magazine qui se discute », La Croix, 29 avril
2006.
CHERER, Sophie. - « Notre Dolto », Le
Nouvel Observateur, n° 2257, 7 au 13 février 2008.
CHOMBEAU, Christiane. - « Le Pen de père en
fille », Le Monde, 16 décembre 2007.
DELFOUR, Jean-Jacques. - « Loft Story, une machine
totalitaire », Le Monde, 19 mai 2001.
FRAISSARD, Guillaume. - « Ces émissions ne
grandissent pas l'homme », Le Monde, 3 mai 2002.
FRANCE 2, RESERVOIR PROD. -« Ca se discute,
Derrière l'oreillette », dossier de Presse, 2006
HEFEZ, Serge, Libération, 3 mai 2001.
JOST, François.- « Psy et médias sont-ils
compatibles ? », Dossiers de l'audiovisuel, INA n°
111, septembre-octobre 2003.
KELLEY-LAINE, Kathleen. - « Un jeu régressif et
mortifère », Télérama, 16 mai 2001.
LIAKHOFF, Sylvia.- « Psy mania sur toutes les
chaînes », Dossiers de l'audiovisuel, INA n° 111,
septembre-octobre 2003.
MEJEAN, Max et UNGARO, Jean. -« Peut-on psychanalyser
les médias ? », Médiamorphoses n°
14, INA, Armand Colin, septembre 2005.
MILLER, Gérard.- « Dans l'oeil du
cyclope », « Peut-on psychanalyser les
médias ? », Médiamorphoses n° 14,
septembre 2005.
ROCHEFORT, Robert. - « Ca se discute, les raisons du
succès », Supplément France 2 Hebdo, juin
2004.
SERVAN-SCHREIBER, Jean-Louis. -« Edito »,
Psychologies Magazine, janvier 2008.
SIX, Nathalie. - « Psychologie, psychanalyse, la
polémique comme thérapie », Livre Hebdo n°
735, 23 mai 2008.
SYFUSS-ARNAUD, Sabine. - « Le cénacle des divas
du divan », L'expansion, 27 avril 2005.
VILADIE, Anne. - « Shoah en CM2 : Simone Veil
fustige l'idée de Sarkozy », L'Express, 15
février 2007.
WILLIAMS, Patrick. - « Tous obsédés par
Sarko ? », Le Nouvel Observateur, 21 avril 2008.
Tous les numéros du mensuel Psychologies Magazine
publiés entre juillet 2007 et mai 2008.
Documents audiovisuels
« Bas les Masques », de septembre 92 à
juin 96. 179 en référence à l'INA (la centième),
1er mars 1995.
« Ca se discute »,
« Derrière l'Oreillette, les dix ans de Ca se
discute », France 2 et Réservoir Prod, INA, 3 mai 2006.
« Ca se discute », « Les ex :
amis ou ennemis ? », France 2, 19 mars 2008.
« Ca se discute », « Peut-on se
remettre de ses blessures d'enfance ? », France 2, INA, 14 novembre
2001.
« Ca se discute », « Pourquoi
bascule-t-on dans la folie ? », France 2, INA,
13 septembre 2003.
« Lorsque l'enfant paraît »,
Françoise Dolto et Jacques Pradel, France Inter 1976, vol 1.
« Psy-Show », Pascale Breugnot,
« Viviane et Michel », « Françoise et
Yvan », « Carole et ses parents », TF1, 1984.
« Télé confessions »,
« Les pionniers de l'intime », Episode 1, Richard Cannavo
et Marie Desmeuzes, réalisation Marie Desmeuzes, AMIP/INA 2006.
« Télé confessions »,
« Grands prêtres et dérives », Episode 2,
Richard Cannavo et Marie Desmeuzes, réalisation Marie Desmeuzes,
AMIP/INA 2006.
INTERVIEWS
Menie Grégoire, journaliste et écrivain, 4 octobre
2007.
Bruno Denaes, journaliste à France Info, 6 novembre
2007.
Arnaud Gachi, directeur de la communication de Réservoir
Prod, 14 novembre 2007.
Evelyne Dubreu, psychologue clinicienne, 3 décembre
2007.
Pascale Breugnot, journaliste et productrice, 18 décembre
2007.
SITOLOGIE
www.acrimed.org
www.arretsurimages.net
www.cairn.info
www.dailymotion.com
www.dicocitations.com
www.doctissimo.fr
www.ego-productions.com (maison de production de Pascale
Breugnot)
www.evene.fr
http://familles.blogs.liberation.fr (blog du psychanalyste Serge
Hefez)
www.france5.fr
www.france2.fr
www.franceinfo.fr
www.francetelevisions.fr
www.francoise-dolto.com
www.google.com
www.google.fr
http://hebdo.nouvelobs.com
www.ina.fr
http://jeanmarcmorandini.tele7.fr
www.lemonde.fr
www.mediametrie.fr
www.nouvelobs.com
www.observatoiredesmedias.com
www.psychologies.com
www.puf.com
www.reservoir-prod.com (maison de production de Jean-Luc
Delarue)
www.snptv.org (Syndicat national de la publicité
télévisée)
www.toutelatele.com
www.tvmag.com
http://vie-privee-vie-publique.france3.fr
RESUME
« LA PSYCHOLOGIE, UN GENRE MEDIATIQUE DEVENU
RENTABLE »
Du non-dit au grand déballage
Ce mémoire vise à montrer comment les médias
ont utilisé la psychologie, les psychologues et les psychanalystes pour
fidéliser et augmenter leur public au cours des quarante
dernières années.
Les médias sont des entreprises dont l'équilibre
économique (redevance et recettes publicitaires) dépend du public
et de sa satisfaction, mais aussi des annonceurs publicitaires, ce qui suppose
d'être en adéquation voire en avance sur les tendances d'une
époque.
L'histoire des médias foisonne de tentatives pour
conquérir une audience. Parmi d'autres, un genre apparaît
à la fin des années 1960, la psychologie, qui va voir intervenir
à travers différents supports des journalistes, puis des
psychologues ou des psychanalystes.
Aujourd'hui, les psychologues sont omniprésents. Ils
tentent de décrypter les événements qui ponctuent la vie
des individus et de la collectivité, des simples doutes inhérents
à la vie quotidienne aux souffrances les plus cuisantes. On les retrouve
à la télévision dans les émissions de
témoignages comme « Ca se discute », à la
radio avec « Savoir être » sur France Info, dans la
presse écrite au travers du mensuel Psychologies Magazine,
symbole de la quête du « mieux être » qu'est
devenu le genre dans les médias. Ils sont aussi sollicités pour
donner une lecture psychologique de l'actualité et des
personnalités politiques, exprimant des opinions citoyennes et
débordant ainsi de leur rôle « curatif ».
Risquant de susciter la lassitude médiatique, ils mettent en
péril leur discipline d'origine. Et si trop de psys finissaient pas tuer
la psy... Il reste aux journalistes, chroniqueurs, témoins et
« experts » à redéfinir leur statut et la
valeur de leur propos.
ANNEXE 1
Les chiffres de « Ca se
discute »
Créée et produite en septembre 1994 par Jean-Luc
Delarue, « Ca se discute » est une émission
hebdomadaire de témoignages, diffusée sur France 2 en
deuxième partie de soirée.124(*)
Pendant de nombreuses années, l'émission rassemble
un large public. Elle est même imbattable dans la concurrence avec TF1.
Aucun programme ne parvient à assurer une audience stable à la
chaîne privée ce soir-là. Par exemple, en octobre 2002, les
résumés des matchs de football, la série
« Columbo », ou « Ca peut vous
arriver », dépassent à peine les 2 millions de
téléspectateurs, alors que « Ca se discute »
caracole en tête avec 3 millions de
« fidèles » pour plus de 40 % de part de
marché.
TF1/F2
20H55
|
Fictions/Foot/Magazines
|
Ca se discute
|
M 02/10/02
|
Football : Inter de Milan/Lyon 2.33
millions 29.9 %
|
2.76 millions 36.4 %
|
M 09/10/02
|
Columbo 1.43 millions 29.7 %
|
2.70 millions 36.4 %
|
M 16/10/02
|
Ca peut vous arriver 1.48 millions 21.1
%
|
2.76 millions 40.9 %
|
M 23/10/02
|
Football : Milan AC/Bayern
Munich 2.81 millions 25.7 %
|
3.02 millions 44.2 %
|
M 30/10/02
|
Football : PSV Eindhoven/Auxerre 1.96
millions 25.7 %
|
2.54 millions 32.4 %
|
M 06/11/02
|
Columbo 1.80 millions 34.0 %
|
2.33 millions 30.1 %
|
Audience de « Ca se discute » en
octobre 2002125(*)
A partir de 1998, l'émission subit quelques
variations et devient bimensuelle. Elle vaut au producteur-animateur deux
7 d'Or en 2000 et en 2003 pour la meilleure émission de
société. Puis elle est un temps mensuelle sous l'intitulé
« Ça se discute, jour après jour », en prime
time. Huit ans après la création de cette version,
l'émission réunit à chaque fois environ 5 millions de
téléspectateurs.
Jean-Luc Delarue et sa société Réservoir
Prod, marquent avec ce concept une succession de coups médiatiques. Pour
célébrer ses 10 ans, le 30 juin 2004, le magazine ouvre ses
coulisses aux téléspectateurs sur France 2 à 0h50.
L'émission est appelée « Derrière
l'oreillette ». Elle est suivie par 750 000
téléspectateurs.126(*) En 10 ans, 5 000 personnes, anonymes pour la
plupart, sont venues témoigner dans 424 émissions.
En décembre 2005, « Ca se discute »
propose une soirée spéciale sur la
téléréalité qui attire près de 42 % de
téléspectateurs, une audience record. Mercredi 3 mai 2006
à 22h35 sur France 2, la 500e est retransmise en direct, avec
7 500 invités, 1 000 reportages, 300 heures d'images pour cette seule
émission. Elle bat son record de la saison avec près de 3,5
millions de téléspectateurs.127(*)
La crise des producteurs-animateurs
Nous sommes en 1994. Coup sur coup, l'animateur Arthur est
débauché d'Europe 1 et Jean-Luc Delarue de Canal +. Tous deux
négocient un contrat avantageux avec Jean-Pierre Elkabbach, alors
« patron » du pôle public - ce qui leur aurait
permis, ainsi qu'à d'autres producteurs, de fonder leur maison de
production.128(*)
Ce jour là, explique la journaliste Hélène
Risser dans son livre « l'Audimat à mort », Jean-Luc
Delarue signe « entre quatre yeux » un contrat de 404,5 millions
de francs (environ 61,50 millions d'euros) pour trois saisons de 1994 à
1997, avec une avance de 29 % du montant prévisionnel des commandes pour
la saison 1994-1995. Chaque émission est rémunérée
1,7 million de francs (près de 244 000 euros). Cet arrangement,
selon la journaliste, permet à l'animateur de financer gratuitement sa
société de production Réservoir Prod et de réaliser
jusqu'à 80 % de marge. En contrepartie, France Télévisions
réussit à redresser son audience en baisse, passant de 24,7
à 25 % de parts de marché. En 1995, le député UDF
Alain Griotteray examine les contrats de France 2 et révèle
l'affaire. D'autres animateurs producteurs d'émissions de divertissement
sont sur la sellette. Outrés par « l'ampleur des
dérives »,129(*) les salariés de France
Télévisions rédigent une motion de défense contre
Jean-Pierre Elkabbach, l'acculant à la démission. Mis en
défaut dans la presse, Jean-Luc Delarue justifiera ses tarifs
ainsi : « L'émission a décollé en audience,
nous battons régulièrement Anne Sinclair. Et "Ça se
discute" fait aussi des excellents scores. Nous rapportons plus de recettes
publicitaires que nous ne coûtons à la chaîne. On ne peut
rien me reprocher. »130(*)
Le scandale a du succès. Pour exemple, le mercredi 24
octobre 2007, l'émission, enregistrée et diffusée en
différé, a pour thème les
« Célébrités traquées : victimes
consentantes ? » A la suite d'un échange verbal
musclé avec le paparazzi Jean-Claude Elfassi, Daniel Ducruet, ancien
époux de la princesse de Grimaldi, en vient aux mains.132(*) Cet éclat est
aussitôt repris par les médias et mis en circulation sur Internet.
Le jour de la diffusion, l'émission réunit environ
2 800 000 téléspectateurs pour 32 % de part
d'audience, dont 29 %, sont des femmes au foyer de moins de cinquante
ans.133(*)
ANNEXE 2
Index des noms propres
« L'Amour en danger »
« Ca se discute »
Claude Halmos
Françoise Dolto
Jean-Luc Delarue
« Loft Story »
« Lorsque l'enfant paraît »
Menie Grégoire
Pascale Breugnot
« Psy-Show »
Psychologies Magazine
« Savoir être »
Serge Hefez
MOTS CLES
Annonceur
Audience
Chronique
Clientèle
Consommateur
Emission de témoignages
Genre
Médiamétrie
Ménagère
Psychanalyste
Psychiatre
Psychologie
Psychologue
Public
Publicité
Rentabilité
Talk show
Téléréalité
Témoin
* 1 Ce terme comprend l'ensemble
des praticiens de la discipline : les psychologues, les psychiatres, les
psychothérapeutes et les psychanalystes.
* 2 Risser,
Hélène, « L'Audimat à mort », Seuil,
2004, p. 73.
* 3 Dawkins and Reichheld,
« Costumer retention as a competitive weapon », Directors
and Boards, 1990.
* 4 Balle, Francis,
« Introduction aux médias », PUF, 1994, p. 90.
* 5 Notons que la situation de
l'audiovisuel public est en cours de réforme. Un calendrier de
suppression par
étapes de la publicité sur les
chaînes publiques est prévu à partir du début 2009,
pour arriver à une suppression totale d'ici 2011. Voulue par
le président Nicolas Sarkozy et élaborée sous la conduite
de Jean-François Copé,
président du groupe UMP à
l'Assemblée nationale, cette décision respecte le calendrier de
passage de
l'analogique au numérique fixé par la
loi au 30 novembre 2011. Site www.nouvelobs.com « France
Télévisions : Copé propose
la fin de la pub d'ici 2011 », 9 avril 2008.
* 6 Balle, Francis,
« Introduction aux médias », PUF, 1994, op.cit., p.
168.
* 7 Ibid.
* 8 Ibid, pp. 170-171.
* 9 www.mediametrie.fr, mars
2008.
* 10 Ibid.
* 11 Truchi, Stéphane,
Nuizière, Solange, « Qu'est devenue la ménagère
de moins de cinquante ans ? », Ipsos,
2003.
* 12 www.mediametrie.fr, mars
2008, op. cit.
* 13 Risser,
Hélène, « L'Audimat à mort », Seuil,
2004, op. cit., p. 84.
* 14 Risser,
Hélène, « L'Audimat à mort », Seuil,
2004, op. cit., p. 74.
* 15 Jost, François,
« Introduction à l'analyse de la
télévision », Ellipses, 1999, p. 19.
* 16 Selon Emile Jalley,
professeur honoraire de psychologie à l'université Paris VIII, le
terme « Psychologie »
est utilisé dans le discours médiatique pour
identifier la psychanalyse. La discipline « est le plus
couramment
présentée et reçue comme
s'identifiant de manière implicite à la "psychologie" tout
court. La demande
croissante qui se fait jour dans le public en
matière d'information aussi bien que d'utilisation des techniques
de la psychologie assimile spontanément et le plus
fréquemment celles-ci à la rubrique générique,
à vrai dire
un peu vague, où le sentiment commun range les
grandes découvertes de la psychanalyse. » Jalley, Emile,
« Psychologie clinique et
psychopathologie », Collection Grand Amphi Psychologie, Bréal,
2005, p. 16.
* 17 Godineau, Emilie,
« La psychologie vue par Jean-Louis Servan-Schreiber »,
Le journal des femmes,
22 mars 2007.
* 18 Rieffel, Rémy,
« Que sont les médias ? », Gallimard, 2005, p.
282.
* 19 Nous verrons comment dans
les pages qui vont suivre et dans l'Annexe 1 (Les chiffres
de « Ca se discute »).
* 20 Interview, novembre
2007.
* 21 L'identification est
connue par la psychanalyse « comme expression première
d'un lien affectif à une autre
personne [...] Elle aspire à rendre le moi propre
semblable à l'autre pris comme modèle », Freud,
Sigmund
« Essais de psychanalyse », Payot, 1981,
pp. 167-169.
* 22 Freud, Sigmund,
« Introduction à la psychanalyse », Payot, 1975, p.
7. La matière de cet ouvrage est une série
de leçons professées en 1916.
* 23 Talk show :
mot anglais composé de to talk parler et show
spectacle. Emission de télévision consistant en une
conversation entre un animateur et ses invités.
« Le Petit Robert », 2008.
* 24 Le Monde, 23
octobre 1970.
* 25 Grégoire, Menie,
« Comme une lame de fond », Calmann-Lévy, 2007, op.
cit., p. 10.
* 26 Ibid, p. 79.
* 27 Grégoire, Menie,
« Comme une lame de fond », Calmann-Lévy, 2007, op.
cit., p. 154.
* 28 Grégoire, Menie,
Interview, Paris, 3 octobre 2007.
* 29 Grégoire, Menie,
« Comme une lame de fond », Calmann-Lévy, 2007, op.
cit., p. 196.
* 30 Ibid, p. 15.
* 31 Editions
Calmann-Lévy, 2007.
* 32 Grégoire, Menie,
« Comme une lame de fond », Calmann-Lévy, 2007, op.
cit., p. 12.
* 33 Ibid, p. 15.
* 34 Ibid, p. 92.
* 35 Ibid, p. 93.
* 36 Grégoire, Menie,
« Comme une lame de fond », Calmann-Lévy, 2007, op.
cit., pp. 221-222.
* 37 Cardon, Dominique,
Chercheur au CNRS, Laboratoire usages, créativité, ergonomie,
France Télécom R&D.
Le Temps des Médias, n° 1, 2003.
* 38 Grégoire, Menie,
Interview, Paris, 3 octobre 2007.
* 39 Grégoire, Menie,
« Comme une lame de fond », Calmann-Lévy, 2007, op.
cit. p. 255.
* 40 Grégoire, Menie,
« Comme une lame de fond », Calmann-Lévy, 2007, op.
cit., p. 95.
* 41 Ibid, p. 96.
* 42 Grégoire, Menie,
Interview, Paris, 3 octobre 2007.
* 43 Ibid.
* 44 Dolto, Françoise,
« Lorsque l'enfant paraît », Seuil, 1990, p. 14.
* 45 Quatorze ans après
Donald Winnicott, le premier pédiatre et psychanalyste à la BBC,
en Angleterre.
* 46 Yannick, François
(psychiatre, psychanalyste), « Françoise Dolto, La langue des
images », Bayard, 1999.
* 47 Dolto, Françoise,
« Lorsque l'enfant paraît », Seuil, 1990, p. 14.
* 48 David, Catherine,
« Notre Dolto » article sur le livre biographique
« Ma Dolto » de Sophie Chérer, paru chez
Stock en 2008 (sorti à l'occasion du centenaire de la
naissance et du vingtième anniversaire de la mort de
Françoise Dolto), Le Nouvel Observateur,
n° 2257, 7 au 13 février 2008.
* 49 Dolto, Françoise,
« Lorsque l'enfant paraît », Seuil, 1990, op. cit.,
p. 111.
* 50 Yannick, François,
« Françoise Dolto, la langue des images », Bayard,
1999, « Docteur X ».
* 51 Interview de Jacques
Pradel dans « Psy et média sont-ils compatibles ? »,
Dossiers de l'audiovisuel,
n° 111, INA, septembre-octobre 2003.
* 52 David, Catherine,
« Notre Dolto », Le Nouvel Observateur, n°
2257, 7 au 13 février 2008.
* 53 Dubreu, Evelyne,
Interview, 3 décembre 2007.
* 54 Breugnot, Pascale,
Interview, 18 décembre 2007.
* 55 Caldara, Alexandre,
« Eliane Victor productrice de pudeur »,
L'Express, 18 avril 2007.
* 56 Richard Cannavo, Marie
Desmeuzes « Télé confessions »,
Episode 1, « Les pionniers de l'intime »,
AMIP/INA 2006.
* 57 Psy-Show, document INA, 3
décembre 2007.
* 58 Breugnot, Pascale,
Interview, Paris, 18 décembre 2007.
* 59 Ibid.
* 60 Antenne 2, le 10 novembre
1983.
* 61 Dubreu, Evelyne,
psychologue clinicienne, Interview, Paris, 3 décembre 2007.
* 62 Leclaire, Serge,
« A chaud après Psy-Show », Aujourd'hui la
vie, Antenne 2, 4 novembre, 1983.
* 63 Landrot, Marine,
« Une liaison dangereuse »,
Télérama, n° 2184, 20 novembre 1991.
* 64 Ibid.
* 65 Première revue
internationale de psychanalyse en langue française, parution
trimestrielle.
* 66 Ibid.
* 67 Breugnot, Pascale,
Interview, Paris, 18 décembre 2007.
* 68 Jost, François,
« De Psy-Show à Loft Story », Dossiers de
l'audiovisuel, septembre-octobre 2003, p. 15.
* 69 Jost, François,
« Psy et médias sont-ils compatibles ? »,
Dossiers de l'audiovisuel, INA, n° 111,
septembre-octobre 2003, p. 57.
* 70 Ibid, p. 15.
* 71 Risser,
Hélène, « L'Audimat à mort », Seuil,
2004, op. cit.
* 72 www.evene.fr
* 73
Téléréalité : calque de l'anglais
reality-TV. Genre télévisuel qui consiste à
filmer la vie quotidienne de
candidats sélectionnés et placés dans
des situations déterminées. « Le Petit Robert »,
2008.
* 74 Schneidermann, Daniel,
« Le cauchemar médiatique », Denoël, 2004, p.
225.
* 75 Ozanam, Mathieu,
« Télévision : la Psy-mania », dossier
« Les psys sont partout », Psycho pour tous,
www.doctissimo.fr, 2008.
* 76 Castel, Robert, Le Cerf,
Jean-François, « Le phénomène psy et la
société française », Le Débat n° 1,
2, 3,
juin-août, 1980.
* 77 Miller, Gérard,
« Dans l'oeil du cyclope », « Peut-on
psychanalyser les médias ? »,
Médiamorphoses n° 14,
septembre 2005, p. 81.
* 78 Ils sont également
rentables pour les maisons d'édition. Guérir, le
best-seller du neurobiologiste David Servan-
Schreiber paru en 2003, s'est vendu à plus de 800 000
exemplaires. Oedipe toi-même, de Marcel Rufo, paru en
2000, s'est vendu à plus de 600 000 exemplaires.
(Fourgnaud, Agathe, Valeurs Actuelles, 20 janvier 2006).
* 79 Mehl, Dominique,
« La bonne parole », La Martinière, 2005, p. 329.
* 80 Huret, Marie, «
Attention aux psys prêcheurs », L'Express, 11 mars
2003.
* 81 Roudinesco, Elisabeth,
courriel en réponse à une demande d'entretien, 13 novembre,
2007.
* 82 Jost, François,
« Psy et médias sont-ils compatibles ? »,
Dossiers de l'audiovisuel, INA, n° 111,
septembre-octobre 2003, op. cit., p. 57.
* 83 Richard Cannavo, Marie
Desmeuzes « Télé confessions », Episode 1,
« Les pionniers de l'intime »,
AMIP/INA 2006, op. cit.
* 84 « Un merveilleux
malheur » (1999), « Les vilains petits canards »
(2001), « Le murmure des fantômes »
(2003), « Parler d'amour au bord du
gouffre » (2004), « De chair et d'âme »
(2006), Odile Jacob.
* 85 Mehl, Dominique,
« La bonne parole », La Martinière, 2005, op. cit.,
p. 282.
* 86 Rieffel, Rémy,
« Que sont les médias ? », Gallimard, 2005, p.
284.
* 87 Gachi, Arnaud, directeur
de la communication de Réservoir Prod, Interview, Paris,
14 novembre 2007.
* 88 Méjean, Max et
Ungaro, Jean, « Peut-on psychanalyser les
médias ? », Médiamorphoses, n° 14,
INA,
Armand Colin, septembre 2005.
* 89 Rieffel, Rémy,
« Que sont les médias ? », Gallimard, 2005, op.
cit., p. 286.
* 90 Bouvet Bruno, Conrad
Sophie, « La 500e de Delarue, un magazine qui se
discute », La Croix, 29 avril 2006.
* 91 Ibid.
* 92 Richard Cannavo, Marie
Desmeuzes, « Télé confessions »,
Episode 2, « Grands prêtres et dérives »,
AMIP/INA 2006, op. cit.
* 93 Ibid.
* 94 « Vie
privée, vie publique », émission animée par
Mireille Dumas, France 3, 24 mars 2004.
* 95 Dubreu, Evelyne,
psychologue clinicienne, Interview, Paris, 3 décembre 2007.
* 96 Ibid.
* 97 Halmos Claude,
« Freud et Dolto gadgétisés ? »,
« Psy et médias sont-ils compatibles ? »,
Dossiers de
l'audiovisuel, INA, n° 111, septembre-octobre
2003, p. 57.
* 98
« L'autorité expliquée aux parents » (2008),
« Pourquoi l'amour ne suffit pas » (2006),
« Parler c'est vivre »
(1997), Nil Edition.
* 99 Rubrique
« Savoir être », France Info, le samedi à
6h27, 10h27, 11h57.
* 100 Denaes, Bruno,
journaliste à France Info, Interview, 6 novembre 2007.
* 101 Site web de France Info,
www.franceinfo.fr, rubrique « Savoir être ».
* 102 Halmos, Claude,
« Parler c'est vivre », Nil, 1997, p. 20.
* 103 Jost, François,
« Psy et médias sont-ils compatibles ? »,
Dossiers de l'audiovisuel, INA, n° 111,
septembre-octobre 2003, p. 57.
* 104 Halmos, Claude,
« Parler c'est vivre », Nil, 1997, op. cit., p. 19.
* 105 Ibid., p. 23.
* 106 Bitton, Anna,
« La dictature du tout-psy », Marianne, 22 au 28
octobre 2005.
* 107 Bonavita,
Marie-Laetitia, « Servan-Schreiber cède "Psychologies"
à Lagardère », Le Figaro, 3 juin 2008.
* 108 AFP communiqué,
site www.jeanmarcmorandini.com, 23 mai 2008.
* 109 Bonavita,
Marie-Laetitia, « Servan-Schreiber cède "Psychologies"
à Lagardère », Le Figaro, 3 juin 2008, op.
cit.
* 110 Servan-Schreiber,
Jean-Louis, Editorial, Psychologies Magazine, janvier 2008.
* 111 Servan-Schreiber,
Jean-Louis, Editorial, Psychologies Magazine, janvier 2008.
* 112 Ibid.
* 113 Editions Odile Jacob.
* 114 Huret, Marie,
« Attention aux psys prêcheurs », L'Express,
11 mars 2003, op. cit.
* 115 Mehl, Dominique,
« La bonne parole », La Martinière, 2005, op. cit.,
p. 86.
* 116 www.evene.fr, juin
2008.
* 117 Bitton, Anna,
« La dictature du tout-psy », Marianne, 22 au 28
octobre 2005, op.cit.
* 118 Serge Hefez est
responsable de l'unité de thérapie familiale du service de
psychiatrie de l'enfant et de
l'adolescent à l'hôpital de la Pitié
Salpêtrière à Paris. Il vient de publier un ouvrage sur
Nicolas Sarkozy La
Sarkose obsessionnelle. Il a également
créé un blog : « Famille je vous haime »
où il s'exprime
quotidiennement. (Humery, Thomas et Daumas, Cécile,
« A l'aise dans la civilisation »,
Libération,
20 octobre 2007.
* 119 Bacqué,
Raphaëlle, « Sarkozy couché de force sur le
divan », Le Monde, 26 mars 2008.
* 120 Huret, Marie,
« Attention aux psys prêcheurs », Interview de
Dominique Mehl, sociologue, L'Express,
11 mars 2003, op. cit.
* 121 Gaillard, Jacques,
« Des psychologues sont sur place. », Mille et une nuits,
collection « Essais », 2003.
* 122 Melman, Charles, Lebrun
Jean, « L'Homme sans gravité », Denoël,
2005.
* 123 Les ventes d'ouvrages
traitant de la psychologie sont en baisse depuis 2007, atteste Elsa Rosenberg,
éditrice
de la collection Psychologie aux Editions du Seuil. Pour
redynamiser le secteur, les éditeurs misent sur les
prix, les maquettes, le rajeunissement des auteurs,
l'humour... Six, Nathalie, « Psychologie, psychanalyse, la
polémique comme thérapie », Livre
Hebdo, n° 735, 23 mai 2008.
* 124 www.france2.fr, 2007.
* 125 Roulet,
Jérôme, « TF1 vs Ca se discute »,
Toutelatele.com, 18 décembre 2002.
* 126 De Mallevoüe,
Delphine, « Ca se discute », Le Figaro, 30 juin
2004.
* 127 France 2, Dossier de
presse, « Ca se discute, Derrière l'oreillette »,
2006.
* 128 Risser,
Hélène, « L'Audimat à mort », Seuil,
2004, op. cit., p. 91.
* 129 Ibid, p. 93.
* 130 Soula, Claude, «
Elkabbach et le millionnaire » Le Nouvel Observateur, n°
1644, Semaine du 9 mai 1996.
* 131 Risser,
Hélène, « L'Audimat à mort », Seuil,
2004, op. cit., p. 110.
* 132 www.dailymotion.com, 24
octobre 2007.
* 133 Chiffres publiés
par la société Réservoir Prod, www.reservoirprod.fr,
janvier 2008.
|