L'émergence d'une culture des droits de l'homme au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Cyrille APALA MOIFFO Université de Nantes - Diplôme d'Université de 3è cycle en Droits Fondamentaux 2005 |
SECTION 2 : UNE MEILLEURE ORGANISATION DE LA SOCIETE CIVILENous l'avons souligné, la société civile se positionne comme un acteur majeur dans le champ de la défense et de la promotion des droits de l'homme au Cameroun. Le nombre important des ONG et associations des droits de l'homme témoigne non seulement du contexte libéral favorable à leur création, mais aussi de leur dynamisme qui constitue une véritable chance pour la mise en place et la consolidation d'une culture des droits de l'homme. En réalité, loin de n'être qu'un atout, la pluralité des associations peut paraître aussi comme un facteur d'affaiblissement du rôle de la société civile. D'abord, toutes les organisations de la société civile n'ont pas la même envergure, ceci au regard des écarts quant au niveau des ressources humaines, matérielles et financières. Ensuite et indépendamment du niveau de recrutement de leurs leaders et de leurs cadres, les associations de défense des droits de l'homme ne sont pas à l'abri des influences et des pressions extérieures. On a ainsi pu observer que, l'Etat, du fait de la prolifération de ces associations et se situant dans la logique du pouvoir, a souvent essayé de diviser les organisations crédibles afin de réduire leur capacité de mobilisation face aux violations qui pourraient lui être reprochées. Il y a aussi que les droits de l'homme sont devenus un fonds de commerce dans lequel s'engouffrent de nombreux aventuriers pour recevoir des financements internes et externes, et même bénéficier d'une immunité de fait. Tous ces griefs amènent à suggérer une auto-consolidation de la société civile à travers le renforcement des capacités des associations (Paragraphe 1) et le développement des partenariats (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : Le renforcement des capacités des associations de défense des droits de l'hommeLa diversité des organisations de la société civile au Cameroun fait ressortir que ses acteurs sont très souvent éphémères et divisés. En effet, certaines luttent pour des intérêts partisans tandis que d'autres manquent de réelle structuration. Les associations des droits de l'homme n'échappent pas à ces maux et nécessitent par conséquent un renforcement de leurs capacités en terme de l'amélioration de la qualité des ressources humaines (A) et de la mobilisation des ressources financières (B). A- L'amélioration de la qualité des ressources humaines L'action préconisée à ce niveau concerne essentiellement la formation des militants, des leaders et cadres desdites associations. Car, comment serait-il possible de vouloir défendre et promouvoir les droits de l'homme si l'on n'est pas imprégné des instruments internationaux qui les régissent, de la législation nationale ainsi que des techniques et procédures à mettre en oeuvre pour défendre les droits dont la violation est constatée ? Il s'agit en fait, de faire émerger une nouvelle catégorie de cadres163(*) qui ont pleinement conscience de la contribution qui doit être la leur dans la construction d'un Etat de droit, et qui, aguerris par leur expertise, sont prêts à faire face aux attentes de la population. Mais une action de formation des intervenants du secteur associatif des droits de l'homme ne peut s'accommoder du manque de ressources financières. B- La mobilisation des ressources financières Dans un contexte économique marqué par la difficulté à mobiliser les financements, l'un des défis auxquels doivent faire face les promoteurs d'ONG, est justement la recherche des ressources financières, élément indispensable pour le déploiement de leurs activités. Comment expliquer en effet qu'après une période marquée par le « boom » de ces ONG et associations, on en vienne aujourd'hui à n'identifier que quelques une qui mènent effectivement leurs activités, si ce n'est principalement le manque de moyens financiers ? Les charges diverses de fonctionnement ne permettent même pas à certaines de disposer personnels, de locaux, de mobilier ou tout simplement de matériel de bureau. Cette situation amène NGUELE ABADA à conclure que « la société civile est engluée dans des problèmes alimentaires et manque parfois du minimum pour travailler »164(*). C'est pourquoi, à défaut de disparaître complètement du paysage associatif, l'exploitation opportuniste de la thématique des droits de l'homme par les promoteurs de ces ONG leur sert de bouée de survie et de gagne-pain à l'occasion de « savants colloques »165(*) et de projets présentés avec conviction aux bailleurs de fonds. Face à ce constat, il devient urgent pour ces associations : - D'élaborer de véritables stratégies de financement de leurs activités (élaborer des plans d'actions, des projets fiables, identifier clairement les besoins de leur public cible, fixer les montants minima des prestations et des contributions des membres pour couvrir les frais de fonctionnement, rechercher des financements internes et externes) ; - De mettre en place des méthodes de gestion saines et transparentes166(*) (publier les rapports d'activités, rédiger le bilan financier annuel, ouvrir un compte bancaire au nom de l'association avec le principe de double signature au moins, disposer d'un « staff » administratif) ; - De développer des partenariats pour le co-financement de certaines activités communes. * 163 ADOUM (S), MBALA (F), Op. cit, p.258. * 164 NGUELE ABADA (M), op. cit, p. 145. * 165 Nous avons résumé ici la pensée de OLINGA (A.D), op. cit, p. 297. * 166 Le fonctionnement des associations est généralement caractérisé par une forte personnalisation. Les promoteurs sont en fait des hommes à tout faire, les seuls gestionnaires des finances et biens de l'association. |
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