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L'AFRIQUE PEUT-ELLE REDEVENIR UN ENJEU STRATEGIQUE DANS LE
MONDE D'AUJOURD'HUI ?
Annassan et Senyon Améganvi
L'AFRIQUE PEUT-ELLE REDEVENIR UN ENJEU
STRATEGIQUE DANS LE MONDE D'AUJOURD'HUI ?
Résumé de l'article
Un vaste territoire de plus de plus de 30 millions de Km2 est au
désespoir.
Désespoir, non pas du fait des crises politiques dont il
est le théâtre, ni
même en raison des images de désolation qu'on offre
de lui. Mais un
désespoir lié à sa présence-absence
dans les discussions internationales en
tant qu'acteurs de décisions. Une pareille situation
trouve ses fondements à
la fois dans les actions passées et présentes,
voire même futures des acteurs
en présence. Elle s'explique également par la
définition des ressortissants de ce territoire d'une vision de
développement. L'Afrique, ce continent de contradiction, a
été un enjeu stratégique pour le monde. Et elle a
aujourd'hui le choix de son destin. Ce ne sont pas les réflexions qui
manquent au rendez-vous. Mais en toute fin dernière, l'action dans la
cohérence, dans la pertinence des besoins intégrés des
dirigeants et des populations. L'interrogation ultime, celle de savoir si
l'Afrique peut-redevenir un enjeu stratégique dans le monde
d'aujourd'hui vise non seulement à interpeller sur la
réalité mais formule un plaidoyer pour une « autre Afrique
»
Mots-clés : Afrique, enjeu, vision,
présence-absence. Summary
A vast territory of more than the most 30 million km2 is with
despair. Despair, not because of the political crises of which it is the
theatre, nor even because of the images of desolation which one offers of him.
But despair related to its presence-absence in the international discussions as
actors of decisions. A similar situation finds its bases at the same time in
the actions last and present, and even future of the involved actors. She is
also explained by the definition of the nationals of this territory of a vision
of development. Africa, this continent of contradiction, was an strategic issue
for the world. And it has today the choice of its destiny. In fact the
reflexion miss with go. But in all fine last, the action in coherence, the
relevance of the needs integrated for the leaders and the populations. The
ultimate interrogation, that to know if Africa can-to become again an strategic
issue in the world of today not only aims at challenging on reality but Formula
One a plea for «other Africa»
Key words: Africa, stake, vision,
presence-absence.
1ère partie : L'AFRIQUE ENJEU STRATEGIQUE POUR LE
MONDE
Introduction
Pour nombre d'auteurs, la question essentielle du choix de
modèle de développement traduit non pas une crise
d'identité culturelle mais, est le révélateur de la
dynamique des cultures, qui se construisent sur fond de rencontres et
d'échanges avec d'autres cultures. J. Ki-Zerbo en dira que : « le
développement est un phénomène total qu'il faut embrasser
dans sa totalité aussi. Et dans cette totalité, les facteurs
culture et éducation sont primordiaux. » Et l'histoire des peuples
est faite, dans ce cas, d'épopées qui montrent des acteurs
soucieux de relever des défis. Pour atteindre leurs objectifs
respectifs, pour relever les défis qui se dressent devant eux, ils font
un inventaire des potentialités qui sont les leurs. Ensuite, ils
inspectent les contrées proches ou lointaines pour en déceler les
richesses exploitables.
L'Afrique a été l'un de ces territoires,
inspectés et exploités par les européens, les asiatiques,
les américains afin de réaliser les défis qui s'imposaient
à eux.
Mais depuis l'avènement des indépendances, (dont
l'Afrique a constitué le dernier bastion libéré par
rapport à l'Asie et à l'Amérique latine) les pays
africains prennent une part active aux relations internationales. Une
manière de s'inscrire dans le jeu des relations géopolitiques de
définition des défis à relever et d'aller, comme les
autres Etats, à la conquête des objets et situations favorables
à permettre la réalisation des objectifs fondamentaux de
développement (Ph. HUGON, 2007).
Quelles sont les chances des Etats africains d'atteindre leurs
idéaux ? En d'autres termes, il revient de savoir si l'Afrique peut
redevenir un enjeu stratégique dans le monde aujourd'hui ? Il est
difficile de se prononcer sur une telle question sans un minimum de retenu.
Comprendre ce que recèle chacun des termes utilisés permettra
sûrement une meilleure compréhension et une réponse sans
ambiguïté.
En attendant que le développement s'appesantisse sur
les caractéristiques passées, présentes et futures de
l'Afrique, sur les points technologiques, ressources minières,
populations, visage politiques, cette introduction s'essayera à poser
les bases de la compréhension partagée autour des concepts
d'enjeu stratégique et de monde d'aujourd'hui.
La première évidence dans la clarification
conceptuelle est que le concept d'enjeu est très souvent
utilisé et son sens traduit l'objet ou la situation que l'on peut gagner
ou perdre dans une compétition, une entreprise (Le Robert, 1977).
L'enjeu est la situation ou l'objet que les
acteurs en compétition tentent d'appréhender, de
s'approprier, pour satisfaire les besoins qui sont les leurs. Il ne peut y
avoir d'enjeu, sans un objet ou une situation pouvant déboucher sur
l'élaboration de stratégies de compétition, d'usurpation,
de domination. L'enjeu traduit parfois la relation qui s'établit entre
les acteurs en compétition autour de l'objet ou de la situation
spécifique. Cette situation/objet peut être une ressource
minérale, une situation politique. En d'autres termes, l'enjeu est la
relation qui suscite l'intérêt. L'aspect stratégique de
l'enjeu découle de l'amplitude des besoins à satisfaire par la
compétition. Quand ces besoins sont vitaux pour les acteurs en jeu,
alors l'enjeu devient stratégique. Il faut convenir aussi que
enjeu implique indubitablement les défis. L'enjeu permet de
relever des défis, ce qui fait que dans la littérature, ces deux
termes soient toujours utilisés simultanément.
Et le contexte actuel de développement regorge de
situations ou d'objets mettant en jeu des acteurs des plus divers. Le monde est
en plein processus alchimique où les liaisons névralgiques, des
plus impensables, s'établissent autour des situations ou objets vitaux
pour la sauvegarde de la paix et le maintient de la stabilité des
Etats.
Le monde d'aujourd'hui est bien difficile à
déterminer. Difficulté qui ne saurait résister au recours
à quelques auteurs que sont : F-C. MOUGEL, A. GAZANO, ZIEGLER J., TRAORE
A. D., STIGLITZ J. E., MILLET D., J. Ki-Zerbo, etc. Tout en évitant le
concept de monde contemporain, on s'accorderait toutefois, sur celui de
monde d'aujourd'hui qui prend comme limites temporelles la
période allant de la fin de l'ordre bipolaire jusqu'à nos jours.
C'est dire donc que le monde d'aujourd'hui est caractérisé par le
déclin du bloc soviétique ou socialiste, l'internationalisation
des relations étatiques avec, à la clef, l'accroissement des
multinationales, le développement des technologies de l'information, de
la communication et de la production, la réorganisation des valeurs
démocratiques, capitalistes, économiques, culturelles, le
développement du terrorisme, etc. En un mot, leur planétarisation
avec une teinte de contradiction dans son organisation, ses idéologies
et ses acteurs.
C'est dans ce monde d'aujourd'hui que l'Afrique est
appelée à opérer son développement. Celui de
garantir tant le droit de s'exprimer et de vivre librement à ses
populations, que de leur assurer le minimum social commun. Mais comment s'y
prendre ?
Répondre à la question de savoir si «
l'Afrique peut redevenir un enjeu stratégique dans le monde
d'aujourd'hui » reviendrait à démontrer qu'elle a
été enjeu stratégique et qu'elle a entre temps perdu cette
position. La suite devient intéressant. Doit-elle redevenir enjeu
stratégique ? Pour qui ? Et comment ? Aussi, il y a lieu de voir si elle
a cessé d'être enjeu stratégique. La réponse
à la question n'est pas facile vu les implications et les
enchevêtrements qu'elle nécessite. Elle ne sera pas
définitive mais une piste ouverte pour des constructions futures.
Dans les lignes à suivre, nous tenterons de
démontrer l'importance de l'Afrique dans les relations internationales
depuis le 1 5e siècle pour déboucher sur le choix
à opérer par ses filles et fils aujourd'hui. Une tentative de
conseils à ne pas confondre avec une attitude de montrer la
voie.1
I. La position stratégique de l'Afrique dans le
système international au regard du jeu des acteurs
« L'Afrique est une chance pour la France... »,
proclamait Dominique de VILEPIN devant le parlement français en 2003
lors d'un débat relatif à la politique Africaine de la France.
Cette perception de la position stratégique de l'Afrique est
mitigée à cause de la diversité et de la
multiplicité des acteurs de la société internationale.
Ainsi, on distingue des acteurs externes qui soutiennent cette conception et
les acteurs internes qui en prennent le contre-pied.
Pour mieux comprendre notre démarche, nous
procéderons à l'analyse des stratégies des acteurs
externes dans leur rapport avec l'Afrique, puis à celles
développées par les acteurs internes dans la relation de
l'Afrique avec le monde.
a. Les stratégies des acteurs externes dans leur
rapport avec l'Afrique
Les relations entre l'Afrique et le monde remonte bien avant
le IVième siècle, mais elles se sont
cristallisées au début du XVième siècle selon une
approche diachronique (J. Ki- Zerbo), en ce moment où l'Afrique
jouissait encore de son âge d'or par le truchement de son rayonnement
culturel. Elle avait une organisation politique très enviée,
assise sur le commerce avec les arabes. Les empires du Mali, d'Egypte, du
Ghana, de Songhaï et de Bornou en étaient les illustrations. Sa
décadence est liée particulièrement aux vicissitudes du
commerce transsaharien. [Balandier, 1978 ; J. Ki Zerbo, 2003 ; Ilèfe,
1997.] Cette rencontre entre l'Afrique et le monde a engendré
d'énormes événements tels que l'esclavage et la traite
négrière, la colonisation, les mouvements pour
l'indépendance, le paternalisme, les problèmes liés
à l'émergence des Etats africains de même que les
partenariats et les coopérations multiformes pour le
développement de l'Afrique, les mesures d'allègement de la dette,
bref toute sorte de mesures d'intéressement de l'Afrique. Ces nombreuses
actions engendrées par la rencontre de l'Afrique avec le monde,
suscitent des préoccupations. L'une d'entre elles est
1 Car comme le souligne si bien Jean Pliya, « il
est bon de donner un conseil à un chef s'il le demande, mais ne cours
pas devant lui pour lui montrer la voie. Il peut te reprocher de lui avoir
caché la vue »
de savoir : à qui profite la rencontre entre l'Afrique et
l'Occident? On peut aussi s'interroger sur l'attractivité qu'offre
l'Afrique pour paraître si préoccupante pour les autres.
1. Présentation de l'Afrique dans ses
potentiels
Même si, on a attendu 1960 pour lui concéder le
statut d'acteur international (Ph. HUGON, 2006), le continent africain a
toujours impressionné le reste du monde, de part sa géopolitique,
la richesse de son sol et sous-sol. Ses « dynamiques du dedans »
comme le qualifie Balandier, transparaissent plus aisément quand on
adopte une approche de "bottom up". Ainsi, l'Afrique présente une allure
gigantesque et majestueuse géographique de 30 million de Km2.
3ième plus grand continent du monde, elle offre une
diversité de sols favorables à une diversité de cultures,
d'où l'origine des termes grenier et panier d'Afrique pour faire
allusion aux céréales et aux tubercules africains. Le territoire
africain est arrosé par de nombreux cours d'eau au nombre desquels le
2ième plus puissant fleuve du monde : le fleuve Congo dont la
capacité énergétique peut alimenter tout le continent et
le Nil, un des plus long fleuve du monde. Le climat africain est clément
avec un relief à forme multiple. La population africaine est jeune et
avoisine les 900 millions d'habitants. Sa diversité culturelle rassemble
plus de 850 sociétés parlant environ 1500 langues [Murdoch].
L'Afrique est détentrice d'au moins la moitié de toutes les
réserves mondiales de ressources minières : 50% de thorium et
d'uranium, 50% d'or ; 50% de phosphate ; 55% de manganèse ; 50% de
cobalt, 90% de chrome, 85% de platine, 96% des diamants sans parler du fer, du
plomb, du nickel, du pétrole, tant de ressources naturelles qui appuient
les autres ressources2. Outre ces ressources, l'Afrique a axé
ses exportations sur la production des matières premières
agricoles dont les principaux sont, le coton, l'arachide, le cacao, le
café, le bois, l'huile de palme. Ces nombreuses ressources mettent en
exergue le pôle attractif que constitue l'Afrique pour les autres
continents. Autrement, l'Afrique, représente un grand marché de
matières premières et de consommation ; elle offre une main
d'oeuvre qualifiée et moins chère. Il se dégage de cette
description que l'Afrique est une opportunité pour les autres
continents, ce qui semble justifier les affirmations de Monsieur Dominique de
VILEPIN.
Cependant, il ne suffit pas de présenter l'Afrique dans
ses potentialités pour se convaincre de l'intérêt qu'elle
représentait pour l'Europe voire l'Occident.
2. La crise de développement de
l'Occident
Une approche de solutions nous est offerte par
François-Charles Mougel et Séverine Pacteau dans leur ouvrage
pour qui « l'homme malade de l'Europe tient sa faiblesse de son
extension
2 H. Aguessy, communication présentée au
forum des peuples à Bamako.
territoriale, de la diversité des peuples qui l'habite
comme de l'anarchie interne qu'il connaît. » Le contexte historique
de ce texte est le moyen-âge. Cette période en Europe serait
caractérisée par une instabilité politique
émaillée par des conquêtes territoriales et
hégémoniques régionales, une crise sociale jalonnée
par la disette généralisée, des maladies endémiques
qui décimaient des populations et la paupérisation. Et enfin sur
le plan démographique, on notait une croissance incontrôlée
de la population. L'inadéquation entre les ressources disponibles qui se
raréfient et l'augmentation sans cesse de la population a
entraîné des insurrections et troubles sociales.
Au nombre des solutions proposées pour relever les
défis aux quels l'Europe était confrontée, figurent
l'immigration du nord vers le sud et la conquête de nouvelles
terres3. A ces solutions s'ajoutent entre autres les recherches
scientifiques qui vont beaucoup apporter à la conquête et au
développement de l'Europe.
L'avidité à la résolution des
problèmes européens et la découverte de l'Afrique dans ses
richesses ont amené les européens à élaborer des
stratégies pour réussir leurs ambitions. Ainsi l'Afrique devient
un intérêt stratégique pour l'Europe dans sa dynamique de
solutionner son défi.
3. Le mode opératoire de la satisfaction des
besoins de développement du Nord
Pour capitaliser leur chance dans cette course
effrénée à la satisfaction de leurs problèmes,
plusieurs théories ont été élaborées
assorties de méthodes et de moyens. Les théories marxistes
décrivent mieux ce phénomène : « l'exploitation des
plus faibles par les plus forts pour la satisfaction de leurs besoins. ».
La première méthode pour y arriver est le commerce triangulaire
et la traite esclavagiste.
a) Le commerce triangulaire
C'est un commerce atypique qui a mis en interaction trois
continents : l'Afrique pourvoyeuse d'esclaves (hommes et femmes jouissant d'une
bonne santé et valides) pour travailler dans les plantations en
Amérique, deuxième continent fournisseur de métaux
précieux, du sucre et des épices. Le troisième continent
est l'Europe grand bénéficiaire de ce commerce (Mbokolo,
1986).
b) La traite esclavagiste
Elle représente l'autre pan du commerce triangulaire,
elle met plus l'accent sur l'aspect humain du phénomène et les
traitements à lui réservés. Selon une étude
commanditée par
3T. HOLO, « grands problèmes politiques
contemporaines » cours 2006-2007
l'UNESCO en 1999, l'Afrique a connu plusieurs types de traites
esclavagistes. On distingue les traites saharienne, orientale, arabo-musulmane
qui ont duré de 650 à 1920 avec 17 millions d'esclaves selon
[Pétré-Grenouilleau, 2005] et la traite trans-atlantique ou
européenne, elle s'est déroulée entre 1450 et 1869 avec 1
1millions d'esclaves au service du continent européen4.
Pour la résolution de ses besoins, l'occident a
puisé dans le patrimoine africain à travers les bras valides et
serviles de ses enfants.
c) La colonisation et son système
Une situation analogue s'est faite observée avec la
colonisation. D'abord, elle s'entend comme le processus par lequel une
population s'empare d'un territoire, l'occupe et l'exploite en soumettant ou en
éliminant les habitants.[Ph.HUGON, 2006]. En Afrique, l'occupation a
démarré en 1870, elle a oscillé entre la
différenciation, la sujétion et l'assimilation et a pris fin
véritablement à l'aube des indépendances des Etats
africains. C'est un système de ponction plus que de mise en valeur, de
rente plus que d'accumulation. C'est aussi la position de L.S. SENGHORE
(Senghor, 1964) quand il affirmait que : « l'impérialisme culturel,
nous l'oublions trop souvent est la forme la plus dangereuse du colonialisme :
il obscurcit la conscience. ». Les causes de la colonisation
étaient liées aux conditions économiques,
démographiques et idéologiques. Sous l'effet de la reprise
économique en Europe, la production industrielle se développe
grâce à la découverte du pétrole et de
l'électricité ou la mise en oeuvre de techniques
élaborées de fabrication (métallurgie et industrie
chimique), et le perfectionnement des moyens de transport pour écouler
partout les nouveaux produits.
La colonisation est caractérisée par :
· Une administration directe
· Une appropriation des terres
· La domination du capital marchand qui se valorise au
dépend du Capital productif
· La mise en place d'un pacte colonial entre la
métropole et les colonies.
La colonisation a fait des colonies, des réservoirs des
produits de base pour les industries occidentales créées
à la suite de la révolution industrielle en Europe et des
déversoirs des produits manufacturés de ces
métropoles5. Une illustration de cette situation est offerte
par le
4 Il faut prendre ces chiffres avec réserve
quand on sait par exemple que, des centaines de milliers d'esclaves ont
préféré la mort à la déportation, d'autres
battus à mort ont été jetés aux fauves au cours du
trajet, etc. En un mot, pour un esclave qui arrive en terre américaine,
dix au moins sont morts.
5 La colonisation est la réplique en terres
africaines de la traite ou de l'esclavage. Nul besoin de vendre les «
hommes-bétails » mais de les faire travailler leurs terres pour que
les produits soient exportés vers l'Europe et revenir en
manufacturés avec une valeur ajoutée forte. Travaux
forcés, carrières, la culture du cacao, du café et du
coton comme produits de rente en sont les exemples.
cas de la France qui entre 1880 et 1895 est passée de 1
million de km2 à 9,5 millions de km2 en
matière d'étendue de possession territoriale. Ainsi, la France
exploitait systématiquement et allègrement toutes les ressources
dont regorgent ces territoires. Les territoires occupés ont beaucoup
servi à l'Europe. Pendant les deux guerres mondiales. Les ressources
humaines de ces territoires que représentaient les hommes et femmes, ont
servi sur les champs d'affrontement entant que combattants (tirailleurs ou
anciens combattants aujourd'hui), ou dans les champs de production (les femmes
en l'occurrence et les personnes âgées). Les sols et les sous-sols
étaient aussi mis en exploitation soit pour fournir des vivres aux
populations de la métropole ou aux combattants. Les colonies n'ont moins
participé activement à la reconstruction rapide de l'Europe
sortie très affaiblie de la guerre.
L'intérêt que l'Afrique présentait pour
l'Europe n'est plus à démontrer quand on se réfère
à toutes les interférences, conflits internes et toutes les
envies belliqueuses et bellicistes qu'a nourris la colonisation dans les rangs
des Etats occidentaux. Il convient de reconnaître que les déficits
de donnés statistiques ne permettent pas d'apprécier avec
certitude les réels avantages générés par la
colonisation au profit de l'Europe dans les différents domaines
ciblés.
4. Le processus de la décolonisation et la
souveraineté
internationales des Etats africains.
Généralement les Etats africains ont
accédé à la souveraineté internationale dans les
années 1960. Cet état de chose n'est pas que le fait des
mouvements nationalistes dans les terres africaines. En effet, ce n'est qu'un
épiphénomène des diverses situations qui ont concouru
à cette accession à l'indépendance. La colonisation qui a
longtemps fait des colonies la chasse gardée des métropoles,
prônait des pratiques contraires au libre échange. On notait donc
une incapacité d'accessibilité du marché africain par les
puissances étrangères (USA, URSS). Cette situation incommodante,
qui pénalisait les deux super puissances de la guerre froide, va induire
de la part de ces dernières la pression sur les métropoles qui
vont finalement céder en accordant les indépendances aux colonies
(d'autres raisons peuvent être évoquées : le rapport
déséquilibrant coût/avantage colonial). Malgré leur
accession à l'indépendance, les métropoles ont
élaboré d'autres stratégies (les multiples accords de
partenariats) pour pérenniser le contrôle de leurs prés
carrés. Il faut attendre la fin de la guerre froide et la
création de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) en 1995
après l'échec du GATT pour parler d'une ouverture du
marché. La dépendance économique longtemps entretenue par
les métropoles, malgré la « fausse indépendance
» [Marcel Amondji, 1993] politique nominale des Etats africains et tous
les efforts (intérêts) des grandes puissances pour
l'atteindre, constitue une fois encore la monstration du grand
intérêt (enjeux stratégique) que représentait
l'Afrique pour le reste du monde.
· La période post guerre froide donne une
autre appréciation de la situation de l'Afrique face aux contingences du
moment. C'est ce que semble affirmé Ph. HUGON dans sa
géopolitique de l'Afrique parue en 2006 : « l'Afrique
apparaît au marge des relations internationales ».
B. Les stratégies des acteurs internes dans le
rapport de l'Afrique avec le monde
De la lecture croisée de nombeux textes, il se
dégage l'image fébrile d'une Afrique contrastée, artisan
de son malheur, pervertie par les intrigues subversives de ses enfants
lettrés. Une Afrique endettée et affamée, affaiblie par
des guerres fratricides, ethniques ou des génocides. Une Afrique absente
ou sous représentée dans le concert des nations. Mais une Afrique
qui présente les fleurs d'espoir. C'est aussi la position de [Ki Zerbo,
2003], lorsqu'il affirmait : « Nous sommes les wagons de l'histoire et de
la mondialisation... ». Cette position unanime de ces différents
auteurs peut être interprétée comme l'expression de la
cessation de l'attractivité de l'Afrique vis-à-vis du reste du
monde : « l'Afrique n'est plus un enjeu stratégique du monde
d'aujourd'hui ». Elle relativise le concept de "enjeux
stratégique". D'après P. Houtondji: « les mots changent
miraculeusement de sens dès qu'ils passent du contexte occidental au
contexte africain,... » Ce changement de prisme ou d'angle d'analyse que
l'autre qualifie de "top down" permet d'apprécier les impacts du rapport
entre l'Afrique et le monde sur les acteurs internes du continent (populations
africaines).
1. L'Afrique hors monde
Si l'on voulait caricaturer l'Afrique d'aujourd'hui, on la
présenterait comme un individu qui possède sa vie, son corps et
ses biens mais qu'il considère comme des matières
extérieures qu'il porte et dont il est le support [Achille
M'bembé, 1999]. Il recherche désespérément la mort,
car, las de ses souffrances. Mais celle-ci refuse de le délivrer. Alors,
son existence n'a plus de sens à ses yeux. Il se résigne à
vivre la quotidienneté, "l'ici et le maintenant", une attente
irréalisable. Il n'a que la providence pour seule perspective. C'est
l'image d'une Afrique qui ne tire aucun profit de ses potentiels très
enviés par les autres. Une Afrique de la fatalité qui ne sait pas
lutter pour se tirer d'affaire. Un colosse au pied d'argile vulnérable
au plus petit projectile. Hegel la considère comme un vaste tumultueux
de pulsions et de sensations opaques au point d'être pratiquement
infigurable. C'est l'Afrique déclassée géopolitiquement
sur l'échiquier international selon Ph. Hugon. Plusieurs
éléments caractérisent cette Afrique. Elle est
constituée de 33 Etats que compte les 44 du groupe des pays moins
avancés et 36 des 45 des pays à indice de développement
faible. Sa population
représente la 10% de la population du monde et elle
n'apporte que 1% du PIB mondial, 2% de l'investissement direct étranger
(IDE) et ne représente que 1,3% du commerce international. Le continent
africain compte 180 millions de sous alimenté et environ 30 millions de
personnes infectées par le VIH/SIDA. Les foyers de conflit sont
estimés à 5 en 2005 selon (Hugon, 2006). Aujourd'hui on peut
l'évaluer à 6 si on ajoute le Kenya. C'est à partir de ces
indicateurs et d'autres critères de comparaison que les grandes
institutions de la société internationale (PNUD, OMC, CNUCED,
Banque Mondial et le FMI...) ont classé l'Afrique parmi les derniers de
la classe [Albert TUDIESHE]. Le rapport optimiste du PNUD est un exemple
flagrant. L'Afrique ne pourrait atteindre les OMD avant 21746. Ce
paradoxe de l'Afrique qui offre toute sa richesse aux autres sans en tirer
profit a interpellé plus d'un dans une approche systémique,
où le disfonctionnement d'un élément met à mal tout
le système, va mobiliser la société international à
étudier les causes des problèmes de l'Afrique dont les
conséquences néfastes (immigration clandestine, violence, grand
nombre de réfugiés, terrorisme, enlèvements,
xénophobie, les trafics des stupéfiants) se mondialisent.
Au-delà de toute élucubration intellectuelle, le poids politique
et économique insignifiant de l'Afrique, lui a destiné sa place
de wagon, d' "acteur passif" et la rend non figurant, donc dernier.
2. Tenants et aboutissants du piétinement de
l'Afrique
Dans le domaine économique, plusieurs facteurs
expliquent l'état de déliquescence de l'Afrique. En effet,
l'économie africaine est quasiment dépendante de
l'extérieur surtout dans le domaine de l'équipement technologique
de première nécessité, etc. Les budgets des Etats
africains s'appuient sur les ressources fiscales, avec un recours presque
récurrent aux bailleurs de fonds (avec leurs conditionnalités)
pour faire face aux fonctions régaliennes. L'Afrique prise dans
l'engrenage de l'endettement permanent, dû aux excès de
liquidité dans les banques européennes et aux chocs
pétroliers, n'arrivent plus à assumer avec efficacité et
efficience ses fonctions régaliennes. Ainsi, au regard des chiffres,
tels que fournis par Hugon,
6 Et JBB de //
bravepatrie.com/+L-Afrique-ira-mieux-en-2
147 de lancer cette boutade. « l'Afrique et ses lassantes populations en
constant déplacement, ses multiples guerres, son taux de sida olympique
et ses camps de vacance Trigano en déficit répétitif. Mais
là encore l'optimisme reste de règle et c'est avec
étonnement de magnitude 8 que l'on nous y apprend cette incroyable
nouvelle : l'Afrique n'atteindra pas l'objectif de réduction de
moitié de la pauvreté avant 2147.[... ] Calcul obtenu en prenant
évidemment en compte toutes les variables du cas africain qui reste, je
le rappelle un réservoir inépuisable de richesses
minérales et pétrolière à bas coût, ainsi que
de main d'oeuvre certes peu qualifiée mais très bon marché
et corvéable a merci. Tout ceci constituant de très
concrètes et solides bases en matière de commerce super pas
équitable et donc de développement (Take off prévu
pour 5037 à 1 an près). »
http://bravepatrie.com/+L-Afrique-ira-mieux-en-2147+
du 12 juil 2008
sur la dette extérieure africaine, on comprend les
difficultés du continent à faire face à la
réalisation de ses défis. En effet, en 2002, le ratio de la dette
sur le PIB était supérieur de 60% et le service de la dette
dépassait les 13%. L'endettement permanent de l'Afrique estimée
à 200 milliards de dollar n'a pas connu une amélioration nette,
même avec, les initiatives PPTE. Mis à part l'endettement qui ne
permet plus aux Etats d'opérer une rentrée massive de fonds pour
assurer le développement, il faut ajouter dans le domaine
économique, les implications ou influences causées par
l'agriculture (à orientation rentière), la production de
matières premières pour les industries occidentales (extractions
des minerais, etc.) qui de leurs interactions appauvrissent davantage les
populations africaines et rendent dépendants leurs dirigeants. En effet,
il est d'un constat que les contextes de colonisation ont introduit en Afrique
des cultures qui ne sauraient être produites en Europe. Le climat et les
caractéristiques pédologiques du continent ont permis
l'érection des cultures dites de rente. Ainsi, par un processus
structuré, l'Afrique produit le café, le cacao, le coton, etc.
qui lui assurent des revenus dans l'exportation. Ce comportement sera
laissé en héritage aux EtatsNations indépendants. La
conséquence directe de cette orientation agricole est le
délaissement progressif de la culture des produits vivriers devant
permettre l'autosuffisance alimentaire des populations, en raison du revenu
financier à moyen terme qu'elle procure pour les populations. Mais, ce
revenu sera très tôt dépensé dans l'acquisition des
produits manufacturés plus chers, et jamais produits sur place. L'autre
versant de ce choix est l'imposition du prix d'achat des produits par les
acheteurs étrangers. Procurant 30% des revenus de l'exportation de
l'Afrique, les produits de rente connaissent aujourd'hui sur les marchés
mondiaux des revers à cause de l'entrée sur le marché de
nouveaux acteurs tels que les Dragons d'Asie et quelques pays de
l'Océanie.
Tout comme les cultures de rente ne profitent pas aux
populations locales africaines, la production et l'exportation des ressources
minières (1/3 des exportations du contient) sont de loin des facteurs de
développement. Dans un contexte dominé par des exploitations
minières et pétrolières contrôlées par des
Multinationales, des particuliers ou des groupes mafieux, l'avenir des
populations se trouve hypothéqué entre guerre et dette avec
à la clef la gabegie et le détournement (la dette odieuse).
Au plan social, il faut noter que les problèmes de
développement de l'Afrique ou son piétinement, tiennent entre
autres à la croissance démographique, la fuite des cerveaux, les
difficultés de l'adéquation formation et besoins d'emploi, la
sous alimentation, les conflits ou guerres, l'insécurité, l'
"informalisation" de l'économie, le chômage...
Si la croissance démographique constitue un excitateur
de développement, il n'en demeure pas moins vrai que dans le cas
africain, il s'apparente à un problème intégré de
développement. L'Afrique contribue pour très peu au commerce
mondial en raison de son insuffisance de production. Cet état de fait ne
permet pas une forte mobilisation financière pour résoudre les
problèmes d'une population en forte croissance. Les conséquences
directes de ces deux éléments (production/croissance
démographique) sont la faiblesse ou la détérioration de la
formation académique et professionnelle et son corollaire de
sous-emploi. Des populations contraintes à la survie, en absence d'un
Etat fort, s'organisent pour répondre aux besoins fondamentaux de leurs
descendances. Il en découlera des frustrations, la cristallisation des
positions politiques, sociales et commerciales dont les formes de
manifestations sont : l'informatisation de l'économie, les
conflits, l'insécurité des personnes et des biens, etc.
Au plan politique, il faut retenir que l'Afrique des
indépendances a été caractérisée par une
nécessité d'assimilation des modèles de politiques
occidentales. Il en découle une instabilité des régimes,
le réseautage des actions politiques, contrôlé
surtout par des réseaux de confréries qui développent des
relations avec le milieux économique ou par des réseaux mafieux.
La démocratie en Afrique rime avec le multipartisme (avec un nombre
incalculable de partis politiques) et les élections libres et
transparentes. Ces deux fonctions de la démocratie ont engendré
de pires conséquences. Les partis politiques africains n'ont pas
d'idéal démocratique bien défini, la transhumance
politique est monnaie courante. Ils délaissent leur rôle principal
d'animateur de la vie politique au service des populations, et se sont inscrits
dans l 'ethnicisation des partis dans la perspective de prendre le
pouvoir et de le conserver, sans craindre le risque d'un génocide (cas
du Rwanda et du Kenyan). Les débats politiques se limitent aux critiques
subjectives et discriminatoires. Les contestations électorales sont
d'actualité, la transparence électorale demeure un défi
à relever. Dans certains pays africains, le jeu des acteurs politiques a
encouragé les révisions répétées de la loi
fondamentale de ces Etats pour pérenniser certains dictateurs au
pouvoir. La notion de l'intérêt général et du peuple
est absente dans le débat politique. L'engouement pour la politique en
Afrique s'explique par le fait que l'accès au pouvoir donne une emprise
sur la richesse, d'où le chevauchement entre le pouvoir politique et le
pouvoir économique. La confusion du patrimoine publique et privé
des dirigeants politiques a encouragé la gabegie et les
détournements des deniers publics. A tout ceci, il faut ajouter le fait
que les peuples africains et leurs dirigeants sont entraînés
à assimiler, voire maîtriser en quelques années, l'ensemble
des acquis culturels de l'occident cumulé pendant plus de 1500 ans.
La longue liste des plaies de l'Afrique ainsi
défilées renforce la position de ceux qui pensent que l'Afrique a
cessé d'être un enjeu stratégique du monde.
Toutefois, à s'y pencher de plus près, l'on se
rend compte que l'affirmation de Hugon parait très contrastée au
regard des nombreuses situations prégnantes qui suscitent chez
l'analyste une interprétation contraire.
Si l'auteur de cette phrase avait raison, on interrogerait les
raisons qui motivent la Chine dans sa politique extérieure axée
sur une diplomatie offensive qui l'amène à octroyer des aides
sans conditionnement à tout Etat africain qui lui tend la main ; et
l'Union Européenne prête à toutes sortes de concession
(invite de R. Mugabe et M. Kadhafi au dernier sommet Afrique/UE au grand dame
de la Grande Bretagne et des autre pays à cheval sur les droits de
l'homme) pour obtenir de la part des Africains, la signature des nouveaux
accords de partenariat économique ; et qu'en dira-t-on de la politique
messianique de l'hyper puissance américaine qui, dans son élan de
promotion des valeurs démocratiques (droit de l'homme, lutte contre le
terrorisme, ouverture des marchés), a fait une tournée en Afrique
par la personne de son leader G W. BUSH. L'analyse ne peut s'écarter des
théories des relations internationales. Pour cause, la fameuse phrase,
du président français De Gaule : « les Etats n'ont pas
d'amis, ils n'ont que des intérêts ». Cette reprise de la
pensée réaliste développée par d'éminents
auteurs tels que N. Machiavel, T. Hobbes, Morgenthau ou R. Aron,
révèle l'intérêt (enjeu stratégique) que
l'Afrique continue d'être, aujourd'hui, pour ces Etats du monde. Un
article de C. Kaminsky, paru dans une revue de géopolitique,
prédisait que les prochains conflits entre grandes puissances sur le
contrôle de l'énergie se feront autour de l'Afrique. C'est ce qui
explique d'ailleurs toute l'importance qu'ils lui accordent. Selon Ph .Hugon,
dans le domaine énergétique (Pétrole) l'Afrique reste et
demeure un enjeu stratégique pour les grandes puissances telles que la
Chine, les Etats-Unis, l'Inde et la France. En participant à 15% et 10%
des exportations mondiales de pétrole et de gaz, « l'Afrique a
acquis une position centrale dans la géopolitique
pétrolière du fait de la révolution technique de
l'offshore et de la nécessité pour les acteurs de diversifier les
sources d'approvisionnement. ». Cette manne pétrolière
« n'apparaît pas comme un facteur de développement mais,
plutôt un facteur de destruction des sociétés et de
gaspillage, générateur d'effets pervers » (Ph. Hugon,
2007).
A la vue d'un tableau si peu reluisant, il est impérieux
de reposer la question autrement à savoir : « est-il utile pour
les Africains que l'Afrique reste un enjeux stratégique dans le monde
d'aujourd'hui au regard des implications sociopolitiques et économiques
de cette
position ? » La réponse se dégage
d'elle-même. Ce qui est nécessaire et urgent voire
extrêmement primordial pour les Africains aujourd'hui, c'est de voire une
Afrique ayant voix au chapitre dans le développement par la
contextualisation des axes essentiels et actuels de développement.
2ième partie: L'AFRIQUE ENJEU STRATEGIQUE POUR SES
FILLES ET FILS
Introduction partielle
Bien d'autres points de vue peuvent être portés
sur cette description de la situation de l'Afrique. Cela est redevable au
caractère de la discussion et des éléments d'analyse des
uns et des autres.
Pour nous, c'est un angle d'analyse qui justifie qu'un plaidoyer
soit fait pour l'Afrique. Un plaidoyer qui appelle à la
redéfinition des défis de l'Afrique par ses filles et fils.
II. Plaidoyer pour un meilleur repositionnement de
l'Afrique dans le nouvel ordre
international
Il s'avère vrai que l'Afrique reste un enjeu
stratégique, même dans le monde d'aujourd'hui. Même avec le
déplacement des intérêts, on se rend compte avec amertume
que ses difficultés à pouvoir s'octroyer une marge dans les
échanges multipolaires démontrent l'intérêt qu'elle
constitue pour les autres nations du monde. Ph. Hugon en dira que si elle ne
fait rien, elle restera le déversoir et le dépotoir pour les
produits du monde entier. En un mot, l'Afrique reste un marché potentiel
de consommation de tous les produits manufacturés, de toutes les
technologies ; un pion stratégique d'accès aux ressources
premières dans un cadre élaboré de division de travail
à l'échelle mondiale. Dans une vision même partielle de la
maîtrise de l'évolution des idées, l'on se rend compte que
l'Afrique risque beaucoup tel un homme riche qui du jour au lendemain devient
pauvre. Pauvre non pas du fait qu'il a perdu ses biens mais, pauvre parce que
ses biens n'ont plus la valeur nécessaire. Si hier et encore aujourd'hui
la matière première est la principale donne, faisant de l'Afrique
un enjeu stratégique, le développement des sciences et la
découverte des alliages et des composés complexes, l'information
intelligente, etc. supplanteront d'ici peu l'Afrique, la reléguant au
dernier rang des acteurs de la mondialisation. N'ayant rien à offrir et
ayant tout à consommer, elle risque son avenir et celui de ses enfants.
Elle se doit donc d'opérer un choix. Celui de maintenir son
statut d'objet de convoitise pour les autres nations tout en
s'appuyant sur des valeurs et des stratégies essentielles. Elle doit
apprendre à créer et intéresser les autres et non
créer ce que les autres voudraient qu'elle créé. C'est
difficile mais ultime. Plusieurs défis s'imposent donc à
l'Afrique du monde d'aujourd'hui et de demain. Si elle ne veut pas avoir un
«avenir muet» continuum d'un «passé aveugle
et d'un présent sourd», il importe pour elle de relever entre
autres défis : le choix de son modèle de développement, de
redéfinir les rôles des dirigeants africains pour l'atteinte de
l'émancipation des peuples, ...
A. Entre mimétisme et authenticité :
l'Afrique du choix opéré
L'un des premiers défis de l'Afrique pour redevenir un
enjeu stratégique, est de définir quel objet elle entend
être. Nous référant à la clarification
opérée plus haut, on comprend que la situation d'enjeu n'est
souvent pas profitable pour les acteurs internes du système. Les
théories réalistes nous ont permis de comprendre que les acteurs
en jeu tirent des profits de leurs différentes actions (que ces profits
soient insignifiants ou non). Les Africains eux, se sont toujours
retrouvés en situation de lésés, si ce n'est que quelques
chefs d'Etats et de gouvernements s'en sont tirés à bon
compte7. L'Afrique a besoin de dire si elle veut être objet de
convoitise d'où l'on tire les ressources nécessaires pour
satisfaire les besoins d'autonomie et de dominations énergétique,
la caisse de résonance des idéologies éducatives, le
dépotoir des articles manufacturés du monde mais, dont les
peuples restent des consommateurs d'articles non produits, incapables «
d 'infrastructurer ses cultures ».
1. La nécessité de la contextualisation de
la mondialisation
Depuis les années 1990, un nouveau paradigme
régie la vie des populations du monde ; c'est bien celui de la
mondialisation. Pour les uns, c'est le règne du capital financier qui
transforme chaque Etat en un simple site économique avec des ouvertures
sur le monde aux contrées et sphères arriérées et
retardataires mais, dans une vision d'exploitation extrême. Pour
d'autres, elle est le cadre de la nouvelle économie où l'action
doit être à la prise de conscience des forces, des faiblesses, des
atouts pour saisir les opportunités. En tout état de cause, la
mondialisation est l'aboutissement logique du système capitaliste de
production avec une sortie du cadre purement national pour adopter des
dimensions planétaires, voire cosmiques. (Ki-Zerbo, 2003). Le
capitalisme financier dans cette perspective procède par destruction des
forces collectives, sans distinction des lieux géographiques. Il offre
l'illusion aux pays du Sud, par les processus de délocalisation, que la
mondialisation tue l'emploi au Nord et
7 Pour EKWENSI, dans un village où chacun a
son champ d'ignames, hommes, femmes, enfants ont le coeur heureux, mais
là où un seul homme possède tous les champs d'ignames, il
n'y a qu'envie et colère et à la moindre provocation, le conflit
éclate.
procure du travail au Sud avec la descente massive des capitaux.
(J. -M. SINDAYIGAYA, 2000) 8
Ce contexte de contradiction amène donc à ce que
les Etats opèrent un choix raisonné. La mondialisation et
l'impérialisme qui s'y profile par les objets manufacturés, qui
nous viennent des pays industrialisés du Nord, porte une charge
culturelle qui nous forge, nous moule et donc nous transforme. La
mondialisation devient un cadre d'échange culturel inégal
où tous ceux qui y viennent sans valeur ajoutée se retrouvent
absorbés et totalement transformés (KiZerbo, 2003). Dans le
contexte africain où la culture est difficile à diffuser, il y a
lieu de participer autrement à la culture mondiale en posant des bases
structurelles à la culture. KiZerbo parlera d 'infrastructurer la
culture, lui conférer une base matérielle et logistique sans
lesquelles elle ne serait que du vent. Quels que soient les domaines :
politique, culturel, artistique, environnemental, économique,
technologique, social, les peuples et les dirigeants africains ont besoin de
redéfinir leurs besoins et la manière de les satisfaire. Deux
voies s'offrent. La première, celle de l'isolationnisme, du
protectionnisme ou de la déconnexion, est la moins possible en raison
des accords multilatéraux dans lesquels ils se sont
empêtrés. La seconde encore possible est celle de l'appropriation
des concepts de la mondialisation. En effet, si les Etats-Unis constituent un
attrait pour les étudiants chinois et indiens dans les domaines de la
technologie, ou un eldorado pour les hispaniques (Alain MIC, 2004), c'est bien
dans un but ultime ; celui de permettre au capitalisme financier de
régionaliser et de spécialiser des pays ou des zones
régionales englobant de nombreux pays pour les constituer les uns en
pourvoyeurs de matières premières, les autres des transformateurs
et producteurs de biens finis (NOUNDJENOUMIN, 2004). Les pays asiatiques
offrent un climat et un environnement technique et professionnel favorables
à la délocalisation des entreprises occidentales. La
disponibilité de la main d'oeuvre qualifiée, sortie des grandes
universités et centres de formations professionnelles d'Europe et
d'Amérique, reste la preuve d'une politique globale. Les pays africains
doivent également réaliser ce choix. Il s'agit pour eux de
créer ce qui sera utile pour l'occident et l'orient dans les
décennies à venir. D'où la nécessité
d'actions stratégiques visant à l'acquisition de
compétences technologiques. Il faut aller chercher la compétence
là où elle est. C'est le « moindre et le
meilleur»9 que l'on peut prendre chez les autres. Mais,
cette réalisation doit prendre ses marques dans le monde
8 Cité par Adrien Huannou dans 350
citations d'auteurs africains, CAAREC, Cotonou, 2007
9 Cheikh Hamidou Kane, 1973, Les gardiens du
temple. : « L'Afrique ne devrait prendre de l'Occident que le "le moindre
et le meilleur".le moindre, c'est le savoir le plus strict, le plus
dépouillé, le plus proche de la raison, celui qui laisserait dans
l'entendement des Africains sa place entière à leur propre...
Ainsi restreint, ce savoir est ce qu'il y a de meilleur dans le patrimoine
intellectuel du genre humain... » cité par A. Huannou
politique avant de se diffuser au sein des populations
(entreprises, organisations sociales, enseignants, hommes de
métiers...).
B. Le rôle des dirigeants africains dans
l'émancipation des peuples
Le monde d'hier, c'est-à-dire de la période des
indépendances jusqu'à l'orée des années 90, a
habitué le paysage mental des populations à des
stéréotypes de gouvernants. Pour la plupart ces gouvernants sont
des chefs épris de convictions de faire souffrir et de mettre en prison
les acteurs ayant des opinions contraires aux leurs, méprisant la
dignité des peuples, soumettant la justice à la politique,
prenant pour noblesse la domination, faisant d'eux le rythme de leur coeur, les
sacrifiant sur l'autel des dieux qu'ils se constituent eux-mêmes.
L'Afrique des traditions fait donc place à des Afriques des chefs de
guerres, des chefs devenus des adversaires à abattre. Mais, soucieux de
la paix, quelques uns de ces gouvernants feront exceptions. Ils
élaboreront des plans stratégiques de développement. Plan
d'actions de Lagos, NEPAD, etc. en sont des exemples, même avec leurs
imperfections. C'est donc l'action politique qui est déterminante.
L'outil de gouvernance qu'est le mécanisme africain d'évaluation
par les pairs en apporte la preuve car, il met un accent particulier sur le
rôle primordial de la gouvernance politique dans l'atteinte des objectifs
de gouvernance dans les autres domaines de la gouvernance (économique,
des entreprises, développement socioéconomique).
1. Le panafricanisme et les risques de sa mise en
oeuvre
Il n'est pas un rêve du lendemain des
indépendances, mais de celui des lendemains de la conférence de
Berlin, initié par les pasteurs noirs américains voyant le drame
de la balkanisation venir. Après, à travers des colloques et des
idéologies, des luttes de revanches de grands noms tels que Marcus
Garvey, William Dubois, Kwamé N'krumah, Muhammar Kadhafi, etc. le
panafricanisme devient le fil d'Ariane pour les peuples africains. Pour les
esprits éveillés, le développement de l'Afrique ne saura
commencer qu'à la condition d'un contexte d'indépendance. Pour y
arriver les forces sociales ont été associées. Ainsi,
à travers d'âpres luttes pour les uns, de conciliabules et
négociations pour d'autres, les Etats africains adhèreront
à l'indépendance. Aussitôt cette liberté acquise,
les inquiétudes et aspirations pour l'unité firent jour. La peur
d'être seuls sur l'échiquier politique avait donc alimenté
les volontés des uns et des autres pour que les grands ensembles,
l'union de l'Afrique, l'abolition de la balkanisation puissent voir le jour. La
presque totalité des experts s'accordent pour défendre
l'idée selon laquelle le développement de l'Afrique ne serait pas
possible tant que l'union ne ferait pas la force, tant que tous les Africains
ne feront pas un. Cette condition parait sine qua none et se fait appuyer par
la nécessité de former de grands ensembles, de
grands regroupements, des espaces viables
économiquement et politiquement. Tout porte à croire que la
solution a été déjà proposée et ne reste
qu'à être actualisée au regard des enjeux actuels du monde
que sont l'énergie, la communication, l'économie, ... Le
panafricanisme n'ayant pas encore été expérimenté
et ses revers non encore identifiés, il demeure la solution de jouvence
pour les populations africaines. Dans un contexte dominé par la
divergence des intérêts des chefs d'Etats et de gouvernements par
rapport à l'unité de l'Afrique (divergence des stratégies
pour atteindre l'unité, gradualisme pour les uns, panafricanisme
totalisant pour les autres lors du sommet de l'UA à Accra en 2007),
l'avenir du panafricanisme est bien menacé. Un autre risque fondamental,
c'est la dissolution des besoins des populations à l'intérieur
des agrégats de défis et enjeux stratégiques de
développement. En effet, soucieux de sa représentativité
dans les échanges mondiaux (économiques, militaires,
technologiques) l'Afrique tente de relever des défis d'autonomisation de
l'énergie, de défense stratégique du territoire, de
consommation de masse, de redéfinition de la division mondiale du
travail. Ces défis ne répondent pas toujours aux besoins des
peuples. Au mieux, ils forgent d'autres besoins tels que la
sécurité (présence du terrorisme et guerres
interstitielles), les réfugiés de l'eau (crise de l'accès
à l'eau potable), la migration (fuite des bras valides, immigration
virtuelle). En tant qu'idéologie, le panafricanisme n'apporte pas aussi
une solution efficace aux peuples. C'est donc sa forme pratique qui apporterait
la solution. Ainsi, pour Moustapha Sow, la solution aux maux de l'Afrique
résiderait dans l'union économique et politique des
différents Etats. Cette mesure est bonne si le front commun venait
à se positionner pour défendre les intérêts des
populations face à ceux des institutions multinationales. A
l'état actuel des choses, cette défense des intérêts
des populations par l'Etat reste aléatoire et embryonnaire et contient
donc autant de risque de contagion par rapport à la forme panafricaine
des Etats.
2. Le développement local comme solution à
la crise de
développement
La communication, les technologies de l'information et les
impositions constituent des pesanteurs qui ne pourront permettre aux Africains
d'avoir l'image réelle des pays développés ou des pays
émergents. Mais à contrario, la coopération et les appuis
techniques des partenaires se révèlent comme un outil pour poser
le projecteur sur les poches de pauvreté, passant parfois sous silence
les réalités d'amélioration des conditions de vie.
Pour restaurer l'Afrique comme enjeu stratégique ou lui
permettre d'avoir voix au chapitre du développement et de la
modélisation de la mondialisation, pour vaincre l'humiliation
causée par les siècles d'exploitation par les autres
(occidents et orients), il faut acquérir la culture de
l'excellence. Il est nécessaire de devenir
intellectuels en écartant le vice du bavardage et l'effroi de l'action
(C.A. NDAO, 1972). Cette excellence se traduit surtout par une revue de la
feuille de route des contrats de partenariat, une redéfinition du
développement et du modèle d'éducation, les actions de la
société civile africaine, la mobilisation des ressources
financières par les collectivités locales.
Devant le drame d'un peuple souffrant, l'Afrique est
laissée à elle-même dans un monde qui ne lui appartient
pas, un monde qu'elle n'a pas fait, un monde où elle ne comprend rien.
Les jeunes et les vieux, les hommes et les femmes, les modernistes et les
traditionalistes doivent franchir ensemble le seuil des temps nouveaux. Par le
choix du développement, ils exprimeront l'harmonie de leurs besoins
d'éducation totale. Une éducation qui permettra à la jeune
génération, avec l'appui de la vieille, de réaliser
l'humain total voulu par la société sans se nier ; de conjuguer
technique de production économique, de préparation
professionnelle, d'appropriation du savoir-être et de
l'apprendre à être. Et s'il est d'un domaine où la
redéfinition est attendue c'est bien dans le cadre de la
coopération.
La coopération dans le cadre de la
décentralisation reste une problématique majeure de
développement car mettant en relation des experts de
développement qui viennent solutionner des peuples en quête de
développement. Des maîtres à penser le développement
dont l'action dernière est de constituer les collectivités
locales en des bastions d'expérimentation des théories de
développement. Au lieu d'amener les populations à identifier les
problèmes qui sont les leurs, de proposer les solutions et ensuite les
aider à mobiliser les ressources nécessaires à la
réalisation de développement, le suivi évaluation de leurs
actions et d'obtenir la capacité à continuer l'oeuvre
entamée ensemble, les actions de collaboration se mutent en des actions
de coopération10. Une coopération qui
génère chaque jour, des concepts et outils nouveaux qui
embrigadent les co-opérants dans la recherche permanente de la
compréhension et de l'internalisation comme le fait déjà
la dette.
Enfin un dernier défi pour l'Afrique pour avoir voix au
chapitre, est la réorganisation de sa société civile. Pour
Anne-Cécile Robert, elle constitue un puissant moyen de domination dans
sa forme actuelle. En effet, soumise et dépendante des aides
financières internationales et manifestant depuis peu à
être acteur à part entière dans les APD (aide publique au
développement), la société civile ne présage pas de
jours meilleurs pour l'Afrique. Il faut qu'elle se réorganise. Qu'elle
intègre favorablement la société civile internationale,
apprenant
10 Une « co-opération ». Une
opération qui se fait à deux et qui sous-tend que l'une des
parties a déjà eu le temps de penser à ce qui doit
être fait et la manière dont elle sera conduite. Une «
co-opération » qui met le « coopérant » en
situation d'accompagnateur, d'ouvrier, d'exécutant, de manoeuvre.
d'elle la façon, la meilleure, pour obtenir des
ressources financières sans équivoques et utiles pour assumer
efficacement et de façon efficiente, son rôle de contre-pouvoir,
afin de propulser les besoins les plus fondamentaux des populations dans les
documents stratégiques des Etats.
Conclusion générale
« Une nouvelle Afrique est possible
». Celle dont les enfants verront leurs besoins satisfaits et
leurs propositions intégrées dans les politiques globales des
Etats. Une Afrique qui diffusera sa culture par les canaux de la
mondialisation. Pour réussir elle devra opérer la «
remodèlisation » de la mondialisation par l'accent mis sur l'humain
« la valeur des valeurs » dans la constitution de la base culturelle.
Demain, l'Afrique sera un partenaire à part entière dans les
négociations avec les multinationales et les autres Etats du monde, et
ceci dans le strict respect des intérêts de ses populations. Une
Afrique unie et forte qui opposera la paix à la violence, l'abondance
à la famine, la redistribution adéquate des ressources à
la gabegie et aux détournements. Une Afrique qui pourra compter sur ses
enfants à qui a permis de croire en l'avenir, au
développement.
Une Afrique de rêve, qui doit être le leitmotiv de
toute action de développement et le souci de toute élite
éprise du bien-être de ses pairs, de tout intellectuel.
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2- GAZANO A. 2001, Les relations internationales, Gualino,
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d'évaluation entre pairs : documents fondamentaux
14- L. Senghor, Liberté 1 : Négritude et
humanisme, discours, conférences, Le Seuil, 1964
15-
http://bravepatrie.com/+L-Afrique-ira-mieux-en-2147+
du 12 juillet 2008
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